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A-811-00

2003 CAF 98

Charlotte Oliver et al. (demandeurs)

c.

Le procureur général du Canada (défendeur)

Répertorié: Oliver c. Canada (Procureur général) (C.A.)

Cour d'appel, juges Létourneau, Rothstein et Malone, J.C.A.--Edmonton, 21 novembre 2002; Ottawa, 25 février 2003.

Assurance-emploi -- Contrôle judiciaire de la décision par laquelle un juge-arbitre a statué que certains enseignants de l'Alberta n'étaient pas admissibles au bénéfice des prestations d'assurance-emploi au titre de l'exception prévue à l'art. 33(2)a) du Règlement sur l'assurance-emploi -- L'exception s'applique si le contrat de travail a pris fin -- Les 72 enseignants ont tous été réengagés pour l'année suivante -- Ils ont été payés 12 mois même si leurs contrats couvraient les mois de septembre à juin -- Ils n'ont eu aucune perte de revenu -- Ils ont bénéficié d'avantages sociaux pendant l'été -- La majorité statue que la demande devrait être rejetée -- Selon les arrêts antérieurs de la C.A.F. et les conclusions de fait du juge-arbitre, on ne pouvait conclure que ceux qui ont renouvelé leur contrat avant l'expiration de leur contrat de stage étaient en chômage -- Il n'y a pas eu de véritable interruption d'emploi pour ceux dont les contrats ont été renouvelés peu après leur expiration -- L'art. 36(4) du Règlement n'est pas applicable en l'espèce -- Selon la jurisprudence, l'art. 33 repose sur le principe selon lequel les enseignants ne sont pas admissibles au bénéfice des prestations d'assurance-emploi pendant la période de congé, à moins qu'il n'y ait une rupture claire dans la continuité de l'emploi.

Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle le juge Rouleau, siégeant en tant que juge-arbitre en application de la Loi sur l'assurance-emploi, a statué que certains enseignants ne sont pas admissibles, pendant les mois de juillet et d'août, au bénéfice des prestations au titre de l'exception prévue à l'alinéa 33(2)a) du Règlement sur l'assurance-emploi. Cette exception s'applique lorsque le «contrat de travail dans l'enseignement [prend] fin». Les demandeurs étaient des enseignants qui avaient des contrats de stage probatoire à durée déterminée prenant fin le 30 juin. Les 72 enseignants ayant participé au présent litige ont tous été réengagés pour l'année scolaire suivante. La Commission a rejeté leurs demandes de prestations au motif qu'ils ne sont pas visés par l'exception.

Le juge-arbitre a statué qu'ils devaient tous se voir refuser les prestations. Il a entre autres tiré les conclusions suivantes: les enseignants ont été payés 12 mois même si leurs contrats couvraient la période de septembre à juin; ils ont conclu de nouveaux contrats pour l'année suivante soit avant, soit peu après la fin de leur contrat; ils n'ont subi aucune perte de revenu et ont bénéficié d'un régime de soins de santé et d'autres avantages sociaux pendant l'été. Après avoir examiné la jurisprudence et pris en compte l'intention du Parlement sous-jacente à l'adoption de l'alinéa 33(2)a) ainsi que l'esprit de la législation, le juge-arbitre a conclu que ces enseignants n'ont pas été en chômage et qu'il n'y avait pas eu de rupture de relation entre l'employeur et l'employé. Selon lui, on ne pouvait trancher la question de savoir si un enseignant était visé ou non par l'exception uniquement sur la base d'une date de fin de travail indiquée dans un contrat. Il fallait plutôt prendre en considération toutes les circonstances à la lumière de l'objectif de la législation.

On a invoqué trois motifs de contrôle devant la Cour. Premièrement, on a soutenu que le juge-arbitre s'était mépris en ce qui concerne le sens de l'alinéa. Deuxièmement, on a fait valoir que le juge-arbitre n'avait pas examiné les faits de l'espèce en s'appuyant sur le sens ordinaire de l'expression «prendre fin». Enfin, on a prétendu que le juge-arbitre avait commis une erreur de droit et avait outrepassé sa compétence en se fondant sur des faits non pertinents, à savoir que les enseignants avaient bénéficié d'avantages sociaux pendant l'été.

Arrêt (le juge Malone, J.C.A., dissident): la demande est rejetée.

Le juge Létourneau, J.C.A.: Sur le fondement de l'arrêt Bishop c. Canada (Commission de l'assurance-emploi) de la Cour et des conclusions de fait du juge-arbitre, on ne pouvait pas conclure que ceux qui ont renouvelé leur contrat avant l'expiration de leur contrat de stage probatoire étaient en chômage. Il y a eu continuité d'emploi. Il n'y a pas eu non plus de véritable interruption d'emploi dans le cas de ceux dont les contrats ont été renouvelés peu après leur expiration. Non seulement ils n'ont pas été en chômage, mais encore ils ont été payés en juillet et en août. Le paragraphe 36(4) du Règlement n'est pas applicable s'il y a, comme en l'espèce, continuité d'emploi; celle-ci entraîne l'inadmissibilité aux prestations et rend inutile la répartition de la rémunération à des fins de calcul de prestations. Le juge-arbitre a suivi la jurisprudence de la Cour ainsi que l'intention législative sous-jacente à l'article 33, qui reposent toutes deux sur le principe suivant: sauf rupture claire dans la continuité de son emploi, l'enseignant ne sera pas admissible au bénéfice des prestations pendant la période de congé. Il était important de souligner ce principe vu les nombreuses demandes en cours sur cette question.

Le juge Rothstein, J.C.A.: La Cour a constamment répété dans ses arrêts que, lorsque leurs contrats se terminent à la fin de juin et qu'ils sont réengagés pour l'année scolaire suivante, les enseignants n'ont pas droit à l'assurance-emploi pour les mois de juillet et d'août. Les faits différents de l'espèce ne suffisent pas à justifier la Cour de ne pas suivre la jurisprudence dominante.

Le juge Malone (dissident): Les demandeurs sont soit des employés en stage probatoire soit des employés temporaires ou des employés intérimaires de conseils scolaires dont les contrats ont pris fin le 30 juin 1999 conformément à la School Act (la Loi) de l'Alberta. Les contrats visés par la Loi sont des contrats à durée déterminée et non des contrats de travail permanent au sens de l'article 80 de la Loi. Dans l'arrêt Dick et autres c. Sous-procureur général du Canada, la Cour suprême du Canada a reconnu que le salaire d'un enseignant versé en 12 paiements mensuels pour les 10 mois d'enseignement se rapporte au travail effectué pendant ces 10 mois et que, selon leurs contrats, certains enseignants connaîtront chaque année une interruption de la rémunération pendant l'été. D'après l'arrêt Dick, des enseignants seraient admissibles à recevoir des prestations d'assurance-emploi pendant les mois de congé. C'est à la suite de l'arrêt Dick qu'on a édicté la disposition qui est devenue le paragraphe 33(2) du Règlement, pour empêcher le «cumul de salaire et d'assurance» par les enseignants qui ne risquent pas véritablement d'être en chômage après la période de congé. On a prévu une exception pour le cas où le «contrat de travail dans l'enseignement a pris fin». L'expression «a pris fin» n'est pas définie dans la loi. On retrouve dans un dictionnaire la définition suivante pour l'expression «prendre fin»: [traduction] «mettre un terme à l'emploi de». Suivant le sens ordinaire des dispositions pertinentes de la School Act, tous les contrats des demandeurs ont pris fin le 30 juin 1999. Lorsque la loi prévoit un régime détaillé, complexe et exhaustif, les juges-arbitres et les tribunaux doivent faire preuve de circonspection avant d'adopter des notions de politique ou de principe qui ne sont pas exprimées. Si le Parlement avait voulu empêcher le «cumul de salaire et d'assurance» permis par le régime législatif actuel, il aurait pu apporter la modification nécessaire. Le juge-arbitre a commis une erreur en écartant l'effet juridique clair des dispositions pertinentes de la School Act et en adoptant la notion non exprimée suivant laquelle l'intention du législateur était que l'expression «a pris fin» ne s'applique que si les enseignants sont «des "chômeurs", selon le véritable sens de ce terme, qui n'équivaut pas pour autant à l'expression "ne pas travailler"». Lorsque la législation provinciale aide les prestataires à avoir accès aux prestations d'assurance-emploi, on ne devrait pas s'abstenir de suivre la loi. Aucune des affaires antérieures entendues par la Cour n'a porté sur la fin d'un contrat d'enseignement expressément prévue par une loi provinciale. Le paragraphe 40(5) de la School Act ne contient pas, contrairement aux affaires antérieures examinées par la Cour, le libellé précis selon lequel le début de l'année scolaire est le 1er juillet. On ne doit pas interpréter ce paragraphe comme l'emportant sur les dispositions relatives aux dates de fin des contrats précisées dans les contrats en cause. Selon le paragraphe 36(4) du Règlement, toutes les sommes payées aux demandeurs devaient être versées en échange des services rendus au 30 juin. Les paiements de juillet et d'août ne pouvaient pas être utilisés pour prouver la continuité de la relation d'emploi. L'arrêt Dick est toujours valable en droit et les motifs majoritaires dans la présente affaire nient aux demandeurs le bénéfice de cette décision.

Les avantages sociaux offerts par les conseils scolaires aux enseignants pendant l'été étaient à titre gracieux et ne témoignaient pas de la continuité de la relation d'emploi.

Les demandeurs pouvaient se prévaloir de l'exception prévue à l'alinéa 33(2)a) du Règlement parce que leurs contrats ont, en vertu de la School Act, pris fin le 30 juin 1999.

lois et règlements

Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1.

Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23.

Règlement sur l'assurance-chômage, C.R.C., ch. 1576, art. 46.1 (édicté par DORS/83-516, art. 1), 58(3).

Règlement sur l'assurance-emploi, DORS/96-332, art. 33 (mod. par DORS/97-31, art. 17), 35 (mod., idem, art. 18), 36 (mod., idem, art. 19).

School Act, R.S.A. 2000, ch. S-3, art. 56(5)a), 98.

School Act, S.A. 1988, ch. S-3.1, art. 40(5)a), 79, 80, 82(2)b)(i), 83(3).

jurisprudence

décisions appliquées:

Gauthier c. Canada (Commission de l'emploi et de l'immigration), [1995] A.C.F. no 1350 (C.A.) (QL); Canada (Procureur général) c. St-Coeur (1996), 199 N.R. 45 (C.A.F.); Canada (Procureur général) c. Hann, [1997] A.C.F. no 974 (C.A.) (QL); Canada (Procureur général) c. Partridge (1999), 245 N.R. 163 (C.A.F.); Bishop c. Canada (Commission de l'assurance-emploi) (2002), 292 N.R. 158 (C.A.F.).

distinction faite d'avec:

Ying c. Canada (Procureur général), [1998] A.C.F. no 1615 (C.A.) (QL).

décisions citées:

Giammettei et al. (In re) (2000), CUB 49704; Dick et autres c. Sous-procureur général du Canada, [1980] 2 R.C.S. 243; (1980), 112 D.L.R. (3d) 651; [1980] 6 W.W.R. 431; 5 Man.R. (2d) 56; 80 CLLC 14,039; Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27; (1998) 36 O.R. (3d) 418; 154 D.L.R. (4th) 193; 50 C.B.R. (3d) 163; 33 C.C.E.L. (2d) 173; 221 N.R. 241; 106 O.A.C. 1; Canada c. Antosko, [1994] 2 R.C.S. 312; [1994] 2 C.T.C. 25; (1994), 94 DTC 6314; 168 N.R. 16; 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804; (1999), 179 D.L.R. (4th) 577; [2000] 1 W.W.R. 195; 69 B.C.L.R. (3d) 201; [2000] 1 C.T.C. 57; 99 DTC 5799; 248 N.R. 216; Canada (Procureur général) c. Taylor (1991), 81 D.L.R. (4th) 679; 126 N.R. 345; 91 CLLC 14,034 (C.A.F.).

doctrine

Black's Law Dictionary, 7th ed., St. Paul, Minn.: West Group, 1999. «terminate».

Concise Oxford Dictionary, 10th ed. Oxford: Oxford University Press, 2001. «terminate».

Rudner, Karen L. The 2002 Annotated Employment Insurance Statutes, Scarborough, Ont.: Carswell, 2001.

DEMANDE de contrôle judiciaire visant la décision ((2000), CUB 49724) par laquelle un juge-arbitre, qui a siégé en application de la Loi sur l'assurance-emploi, a statué que des enseignants n'étaient pas admissibles au bénéfice des prestations d'assurance-emploi pendant les mois de juillet et d'août. Demande rejetée.

ont comparu:

Garett A. Eisenbraun pour les demandeurs.

John C. O'Callaghan et Margaret McCabe pour le défendeur.

avocats inscrits au dossier:

Field Atkinson Perraton s.r.l., Edmonton, pour les demandeurs.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]Le juge Létourneau, J.C.A.: Dans la présente demande de contrôle judiciaire, les demandeurs cherchent à obtenir une ordonnance annulant la décision du juge Rouleau, qui a siégé en tant que juge-arbitre en application de la Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23, et une ordonnance enjoignant à la Commission de l'assurance-emploi du Canada (la Commission) de leur verser des prestations de chômage. La question en litige est de savoir si les demandeurs, en tant qu'enseignants, sont admissibles au bénéfice des prestations régulières de chômage pendant les mois d'été juillet et août 1999.

[2]Mme Oliver a présenté la présente demande pour son compte et celui de 22 autres enseignants, alors que la demande de M. Freddy Giammattei, dans le dossier A-664-01, soulève la même question pour le compte de 50 autres enseignants.

[3]La présente affaire est une cause type importante. En plus des 72 cas mentionnés, on nous a informés que plus de 120 demandes sont en cours au Manitoba. On nous a également dit qu'on attendait l'issue de la présente instance pour régler les demandes de 2001-2002.

[4]Les présentes demandes résultent de décisions identiques, datées du 3 novembre 2000, rendues par le juge-arbitre. Ces décisions sont répertoriées sous les références Oliver et al. (In re) (2000), CUB 49724 (A-811-00) et Giammattei et al. (In re) (2000), CUB 49704 (A-664-01). Le juge-arbitre a statué que les demandeurs ne sont pas admissibles au bénéfice des prestations au titre de l'exception prévue à l'alinéa 33(2)a) [mod. par DORS/97-31, art. 17] du Règlement sur l'assurance-emploi, DORS/96-332 (le Règlement). Cet alinéa est rédigé comme suit:

33. [. . .]

(2) Le prestataire qui exerçait un emploi dans l'enseignement pendant une partie de sa période de référence n'est pas admissible au bénéfice des prestations--sauf celles payables aux termes des articles 22 et 23 de la Loi--pour les semaines de chômage comprises dans toute période de congé de celui-ci, sauf si, selon le cas:

a) son contrat de travail dans l'enseignement a pris fin;

b) son emploi dans l'enseignement était exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance;

c) il remplit les conditions requises pour recevoir des prestations à l'égard d'un emploi dans une profession autre que l'enseignement. [Non souligné dans l'original.]

[5]Les demandeurs étaient des enseignants diplômés qui avaient des contrats de stage probatoire pour la période allant de septembre 1998 au 30 juin 1999. Il s'agissait de contrats à durée déterminée selon l'article 79 de la School Act de l'Alberta, S.A. 1988, ch. S-3.1 (maintenant l'article 98 de la School Act, R.S.A. 2000, ch. S-3).

[6]Tous les demandeurs ont été réengagés comme enseignants pour l'année scolaire suivante. La plupart d'entre eux avaient conclu leur nouveau contrat avant la fin de celui qu'ils avaient pour l'année 1998-1999 (le 30 juin 1999), mais ceux qui ne l'avaient pas fait ont signé leur nouveau contrat peu après l'expiration de leur ancien contrat.

[7]Les demandeurs ont présenté des demandes de prestations d'assurance-chômage pour la période commençant le 30 juin 1999, date de la fin de leurs contrats. La Commission a conclu que les demandeurs n'étaient pas admissibles au bénéfice des prestations au motif qu'ils ne sont pas visés par l'exception prévue à l'alinéa 33(2)a) du Règlement.

[8]Après le 30 juin 1999, tous les demandeurs ont, à différentes dates, interjeté appel devant divers conseils arbitraux des décisions par lesquelles la Commission leur a refusé le droit de recevoir des prestations. Certains appels ont été accueillis, mais la plupart ont été rejetés.

[9]Toutes les décisions des conseils arbitraux ont ensuite été portées en appel devant le juge-arbitre: la Commission a interjeté appel des appels accueillis (ceux des prestataires de l'affaire Oliver--dossier A-811-00) et les prestataires qui n'ont pas eu gain de cause (les prestataires de la décision Giammattei--dossier A-664-01) ont interjeté appel de leurs appels rejetés. Il a été convenu que le juge-arbitre entendrait tous ces appels dans une même instance.

[10]La question en litige devant le juge-arbitre était de savoir si la situation des demandeurs correspondait à celle décrite à l'alinéa 33(2)a) du Règlement étant donné que leurs contrats de travail dans l'enseignement avaient pris fin le 30 juin 1999. Dans sa décision rendue le 30 novembre 2000, le juge-arbitre a statué que tous les prestataires devaient se voir refuser les prestations pour juillet et août 1999. Les demandeurs cherchent à obtenir le contrôle judiciaire de cette décision.

Les motifs de contrôle invoqués par les demandeurs

[11]Les demandeurs soulèvent essentiellement trois motifs de contrôle relatifs à des erreurs du juge-arbitre.

[12]Premièrement, ils soutiennent que le juge-arbitre s'est mépris en ce qui concerne le sens de l'alinéa 33(2)a) et particulièrement en interprétant erronément l'expression «a pris fin» de cet alinéa.

[13]Deuxièmement, ils font valoir que le juge-arbitre n'a pas examiné les faits de l'espèce en s'appuyant sur le sens ordinaire de l'expression «prendre fin» des alinéas 79(3) et 83(3) et du sous-alinéa 82(2)b)(i) de la School Act.

[14]Enfin, ils prétendent que le juge-arbitre a commis une autre erreur de droit et a outrepassé sa compétence en se fondant sur des faits non pertinents, à savoir que les demandeurs ont bénéficié d'avantages sociaux pendant la période de congé, pour conclure que les contrats n'avaient pas pris fin. Il convient de résumer brièvement la décision du juge-arbitre.

La décision du juge-arbitre

[15]Le juge-arbitre a tiré un certain nombre de conclusions très importantes qui ne sont pas contestées:

a) les prestataires sont des enseignants diplômés engagés aux termes d'un contrat de stage probatoire;

b) les prestataires ont été payés 12 mois même si leurs contrats couvraient la période de septembre 1998 au 30 juin 1999;

c) les prestataires ont reçu le même salaire que les employés engagés aux termes d'un contrat de travail permanent, qui sont aussi payés 12 mois même s'ils n'enseignent pas en juillet et en août;

d) la seule différence sur le plan de la rémunération entre les employés engagés aux termes d'un contrat de travail permanent et les employés aux termes d'un contrat de stage probatoire, comme les prestataires, est que ces derniers reçoivent à la fin juin le paiement de leur salaire pour la période de juillet et d'août;

e) les prestataires ont conclu de nouveaux contrats pour l'année scolaire suivante soit avant, soit peu après la fin de leur contrat de stage probatoire le 30 juin 1999;

f) en tout état de cause, les prestataires ont tous, à un moment ou un autre, conclu un nouveau contrat d'enseignement pour l'année scolaire suivante;

g) les prestataires n'ont subi aucune perte de revenu et ont bénéficié d'un régime de soins de santé et d'autres avantages sociaux pendant la période de congé de l'été.

[16]Le juge-arbitre a examiné les arrêts suivants de la Cour: Ying c. Canada (Procureur général), [1998] A.C.F. no 1615 (C.A.) (QL); Gauthier c. Canada (Commission de l'emploi et de l'immigration), [1995] A.C.F. no 1350 (C.A.) (QL); Canada (Procureur général) c. St. Coeur (1996), 199 N.R. 45 (C.A.F.); Canada (Procureur général) c. Hann, [1997] A.C.F. no 974 (C.A.) (QL); Canada (Procureur général) c. Partridge (1999), 245 N.R. 163 (C.A.F.). Il a aussi pris en compte l'intention du Parlement sous-jacente à l'adoption de l'alinéa 33(2)a) du Règlement ainsi que l'objet et l'esprit de la loi. Il a conclu que les prestataires n'étaient pas en chômage et qu'il n'y avait pas eu de rupture de relation entre l'employeur et l'employé. L'essentiel de la décision est contenu dans les paragraphes suivants:

L'intention du Parlement est de verser des prestations d'assurance-emploi aux personnes qui, sans que ce soit leur faute, se retrouvent véritablement en chômage et consacrent de sérieux efforts à se trouver de l'emploi. Les enseignants ne sont pas considérés comme des chômeurs pendant les périodes annuelles de congé et, par conséquent, ils n'ont pas droit au bénéfice des prestations, à moins de satisfaire à l'un des trois critères prévus au paragraphe 33(2) du Règlement:

a) le contrat de travail dans l'enseignement du prestataire a pris fin;

b) son emploi dans l'enseignement était exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance;

c) il remplit les conditions requises pour recevoir des prestations à l'égard d'un emploi dans une profession autre que l'enseignement.

L'intention du Parlement de même que l'objet et l'esprit de la loi, m'amènent à conclure que l'exception prévue aux termes de l'alinéa 33(2)a) du Règlement vise à venir en aide aux enseign[an]ts dont la cessation du contrat, qui prend fin le 30 juin, donne lieu à une véritable rupture de la relation entre l'employeur et l'employé. Autrement dit, l'exception accorde de l'aide aux enseignants qui sont des «chômeurs», selon le véritable sens de ce terme, qui n'équivaut pas pour autant à l'expression «ne pas travailler».

Il n'existe absolument aucune preuve en l'espèce permettant de conclure que ces prestataires étaient des chômeurs. Ils avaient tous des contrats de travail permanent dans l'enseignement pour la prochaine année scolaire. Ils n'ont subi aucune perte de revenu. De l'assurance-maladie et d'autres prestations d'emploi leur ont été versées au cours des mois de congé estival. Bref, le salaire qu'ils ont reçu et les avantages dont ils ont bénéficié équivalent à ceux des enseignants permanents. Et tout comme les enseignants permanents, ils recommençaient tous à travailler en août. Compte tenu de ces facteurs, je ne vois pas comment les réalités d'emploi de ces prestataires diffèrent un tant soit peu de celles des enseignants qui ont un contrat de travail permanent. Tout comme leurs collègues, la seule raison pour laquelle ces prestataires ne travaillaient pas est parce qu'il n'y avait aucune tâche d'enseignement à exécuter pendant les mois d'été.

Les prestataires maintiennent qu'il serait absurde de conclure que leur contrat d'enseignement n'a pas pris fin le 30 juin puisqu'il s'agit de la date de cessation stipulée dans le contrat. Je m'oppose totalement à cette prétention. Nous ne pouvons accorder une grande importance aux descriptions contractuelles formelles de la nature de la relation de travail qu'ont données les signataires. La façon dont les parties définissent leur relation selon les termes expr[ès] du contrat peut être de nature intéressée ou, somme en l'espèce, imposée par une loi provinciale. La seule raison pour laquelle les contrats prennent fin le 30 juin est que l'article 79 de la School Act de l'Alberta stipule qu'il en soit ainsi. Toutefois, cette date ne traduit pas véritablement les réalités de l'emploi que vivent ces prestataires, des réalités qui doivent être prises en considération lorsque nous interprétons la Loi sur l'assurance-emploi et son règlement d'application.

La cessation d'un contrat de travail dans l'enseignement dans le contexte de l'esprit de la Loi sur l'assurance-emploi et son règlement d'application implique une rupture de la relation entre l'employeur et l'employé, sans vouloir dire pour autant qu'il y a eu un changement du statut professionnel et que les stagiaires deviennent des enseignants ayant des contrats de travail permanents. Les dispositions de la School Act de l'Alberta et les contrats passés en vertu de cette loi ne peuvent servir à contourner le but manifeste de la législation sur l'assurance-emploi, à savoir éviter de verser des prestations à des enseignants qui sont sous contrat mais qui, en fait, ne travaillent pas. La réalité veut que les enseignants ne travaillent pas pendant la période de congé et lorsqu'il existe une preuve qu'ils sont sous contrat, ils n'ont pas droit au bénéfice des prestations. [Non souligné dans l'original.]

[17]Dans tous les arrêts de la Cour, à l'exception de l'arrêt Ying, les enseignants se sont vus refuser les prestations réclamées au titre de l'alinéa 33(2)a) du Règlement. Le juge-arbitre a établi une distinction d'avec l'arrêt Ying. Selon lui, on ne peut trancher la question de savoir si un enseignant était visé ou non par l'exception uniquement sur la base d'une date de fin de travail indiquée dans un contrat. Toutes les circonstances de l'espèce doivent être prises en considération à la lumière de l'objectif et de l'intention de la loi.

Analyse de la décision

[18]Avec déférence, j'estime que le juge-arbitre a bien compris le principe directeur des arrêts de la Cour cités dans sa décision et qu'il l'a correctement appliqué aux faits de l'espèce.

[19]Dans tous les arrêts, y compris l'arrêt Ying, la Cour a cherché à voir s'il y avait une continuité d'emploi pour les prestataires. Il n'existait pas une telle continuité dans l'affaire Ying étant donné qu'«il y avait une période allant du 30 juin 1996 au 26 août 1996 dont on n'aurait pu dire qu'elle était une période où la demanderesse avait un contrat de travail en vigueur» (arrêt Ying, précité, au paragraphe 1).

[20]La situation juridique est différente en l'espèce. Les contrats de travail ont été renouvelés avant ou peu après la fin des contrats de stage probatoire des prestataires. On ne peut pas dire, comme dans l'arrêt Ying, que les prestataires n'avaient pas de contrat de travail en vigueur. Le statut juridique des prestataires était semblable à celui des enseignants dans l'arrêt Partridge, précité, et dans l'arrêt Bishop c. Canada (Commission de l'assurance-emploi) (2002), 292 N.R. 158 (C.A.F.).

[21]Au paragraphe 5 de l'arrêt Partridge, notre collègue le juge Décary a estimé qu'il y avait continuité d'emploi dans le cas de Mme Partridge. Celle-ci, dont le contrat a pris fin le 30 juin 1993, avait accepté le 12 juillet 1993 un nouveau contrat d'enseignement qui, en pratique, était rétroactif au 1er juillet, l' «année scolaire» ayant commencé le 1er juillet 1993. La Cour a également conclu que Mme Partridge avait été payée pour l'ensemble de l'année et qu'elle n'avait subi aucune perte de revenu pendant la période en question.

[22]Dans l'arrêt Bishop, le demandeur a reçu le 11 juin 1999, soit avant la fin de son contrat, une lettre l'informant qu'il était réengagé pour l'année scolaire 1999-2000, année qui, à Terre-Neuve, commence le 1er juillet et finit le 30 juin de l'année civile suivante . S'exprimant au nom de la Cour à l'unanimité, notre collègue la juge Desjardins a conclu qu'il n'y avait pas eu d'intervalle entre les deux contrats successifs du prestataire parce que «Bishop avait été déjà réembauché avant la fin de la première année scolaire» (au paragraphe 9 de l'arrêt). Dans l'arrêt Bishop comme dans l'arrêt Partridge, la Cour était d'avis que le paiement de prestations équivaudrait, dans les circonstances, à une double rémunération pour la période visée par la demande de prestations.

[23]Me fondant sur l'arrêt Bishop et les conclusions de fait du juge-arbitre, j'estime que celui-ci a eu raison de conclure que tous ceux qui ont renouvelé leur contrat avant l'expiration de leur contrat de stage probatoire n'ont pas été en chômage. Il y a eu continuité d'emploi. Quant à ceux dont les contrats ont été renouvelés peu après la fin de leur contrat, le juge-arbitre a correctement appliqué le raisonnement de l'arrêt Partridge: il n'y a pas eu une véritable interruption d'emploi parce que les prestataires, qui terminaient une année scolaire, ont été réengagés pour une nouvelle année scolaire qui, de toute évidence, chevauche ou suit immédiatement l'année antérieure. Selon l'alinéa 40(5)a) de la School Act de l'Alberta (maintenant l'alinéa 56(5)a)), un conseil scolaire doit, avant le 31 mai de chaque année, [traduction] «aviser le ministre des dates de la rentrée et de la fin de l'année scolaire de toutes les écoles relevant de son ressort pour la période de 12 mois suivante» (non souligné dans l'original). Dans ces circonstances, non seulement ces prestataires n'ont pas été en chômage mais encore ils ont été payés pour les mois de juillet et d'août comme l'a conclu le juge-arbitre. Cela doit être mis en contraste avec la situation de Mme Ying (arrêt Ying), qui a été pendant un certain temps en chômage, sans rémunération.

[24]L'avocat des demandeurs nous a renvoyés au paragraphe 36(4) du Règlement sur l'assurance-emploi:

36. [. . .]

(4) La rémunération payable au prestataire aux termes d'un contrat de travail en échange des services rendus est répartie sur la période pendant laquelle ces services ont été fournis.

[25]Avec égards, je ne pense pas que le paragraphe 36(4) soit d'une quelconque utilité pour la question en litige. Ce paragraphe a trait à la répartition de la rémunération aux fins du bénéfice des prestations. Les règles de répartition, dont le paragraphe 36(4), servent à déterminer s'il y a eu un arrêt de rémunération et, le cas échéant, à fixer le montant des prestations payables et le montant que doit rembourser le prestataire: voir K. L. Rudner, The 2002 Annotated Employment Insurance Statutes, Scarborough: Carswell, 2001, à la page 688, et les décisions de la Cour qui y sont citées. En fait, le paragraphe 36(4) n'est pas applicable s'il y a, comme en l'espèce, continuité d'emploi et donc inadmissibilité aux prestations puisqu'il n'y a, dans ces circonstances, aucun besoin de répartir la rémunération à des fins de calcul de prestations.

[26]Les articles 35 et 36 du Règlement sont des règles générales servant à déterminer ce qui constitue une rémunération et comment celle-ci doit être répartie. L'article 33 du Règlement est une disposition particulière applicable aux enseignants. Il a pour objectif et effet de régir les conditions particulières des enseignants sous le régime d'assurance-emploi qui, comme le juge-arbitre l'a souligné, vise à accorder des prestations aux travailleurs qui sont en chômage et non aux travailleurs qui sont employés et payés, même lorsque ces derniers ne fournissent pas leurs services.

[27]Le juge-arbitre a correctement pris en compte tant la jurisprudence de la Cour que l'intention législative sous-jacente à l'article 33 du Règlement. Les deux reposent sur un principe clair: sauf rupture claire dans la continuité de son emploi, l'enseignant ne sera pas admissible au bénéfice des prestations pendant la période de congé. Il importe de souligner avec force ce principe fondamental parce que de nombreuses demandes portant sur cette question sont en cours. La Cour se doit d'être claire sur ce point.

Conclusion

[28]En conclusion, je ne relève dans la décision du juge-arbitre aucune erreur qui soit susceptible de justifier notre intervention. Je rejetterais la demande de contrôle judiciaire avec dépens et je joindrais une copie des présents motifs à l'appui du jugement rendu dans le dossier A-664-01.

* * *

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[29]Le juge Rothstein, J.C.A. (motifs concou-rants): Je suis d'accord avec la façon dont le juge Létourneau tranche la présente demande. La possibilité pour les enseignants de recevoir des prestations d'assurance- emploi soulève des difficultés parce que l'année scolaire couvre 10 mois, alors que les enseignants sont généralement payés par versements échelonnés sur une période de 12 mois. Parfois, comme en l'espèce, les versements de juillet et d'août sont payés à la fin du mois de juin.

[30]La Cour a constamment répété dans ses arrêts que, lorsque leurs contrats se terminent à la fin de juin et qu'ils sont réengagés pour l'année scolaire suivante, les enseignants n'ont pas droit à l'assurance-emploi pour les mois de juillet et d'août. Voir Bishop c. Canada (Commission de l'assurance-emploi) (2002), 292 N.R. 158 (C.A.F.); Canada (Procureur général) c. Partridge (1999), 245 N.R. 163 (C.A.F.); Gauthier c. Canada (Commission de l'emploi et de l'immigration), [1995] A.C.F. no 1350 (C.A.) (QL); et Canada (Procureur général) c. Hann, [1997] A.C.F. no 974 (C.A.) (QL). La seule exception est l'arrêt Ying c. Canada (Procureur général), [1998] A.C.F. no 1615 (C.A.) (QL).

[31]En l'espèce, les demandeurs reçoivent exactement le même salaire que leurs collègues enseignants permanents. Ils prétendent pourtant qu'ils sont admissibles au bénéfice des prestations d'assurance- emploi pour les mois de juillet et d'août. Ils ont tous été réengagés avant ou peu après la fin juin pour l'année scolaire suivante. Selon la jurisprudence dominante de la Cour, leurs demandes de prestations d'assurance-emploi devraient être refusées.

[32]Les demandeurs ne disent pas que la jurisprudence dominante est erronée. Ils prétendent que les faits de l'espèce sont différents. Je ne suis pas convaincu que ces différences soient suffisantes pour que la Cour soit justifiée de ne pas suivre pas la jurisprudence dominante qu'elle a établie.

[33]Je statuerais sur la demande de la façon proposée par le juge d'appel Létourneau.

* * *

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[34]Le juge Malone, J.C.A. (motifs dissidents): En toute déférence, je ne suis pas d'accord avec les motifs de mes collègues le juge Létourneau et le juge Rothstein. Mes motifs sont les suivants.

[35]La demande de contrôle judiciaire dans le dossier A-811-00 porte sur la question de savoir si certains enseignants de l'Alberta sont admissibles aux prestations d'assurance-emploi pendant les mois de congé de l'été. Plus précisément, il s'agit de décider si l'alinéa 33(2)a) du Règlement sur l'assurance-emploi, DORS/96-332 (le Règlement), est applicable à Charlotte Oliver et aux autres enseignants de l'Alberta dont les contrats de travail n'ont pas été prolongés par leurs employeurs après l'année scolaire se terminant à la fin juin 1999. L'alinéa 33(2)a) est rédigé comme suit:

33. [. . .]

(2) Le prestataire qui exerçait un emploi dans l'enseignement pendant une partie de sa période de référence n'est pas admissible au bénéfice des prestations--sauf celles payables aux termes des articles 22 et 23 de la Loi--pour les semaines de chômage comprises dans toute période de congé de celui-ci, sauf si, selon le cas:

a) son contrat de travail dans l'enseignement a pris fin; [Non souligné dans l'original.]

[36]Les demandeurs sont soit des employés en stage probatoire soit des employés temporaires ou des employés intérimaires de conseils scolaires dont les contrats ont pris fin le 30 juin 1999 conformément, respectivement, au paragraphe 79(3), au sous-alinéa 82(2)b)(i) et au paragraphe 83(3) de la School Act, S.A. 1988, ch. S-3.1, modifiée, de l'Alberta. Les contrats visés par ces dispositions sont des contrats à durée déterminée et non des contrats de travail permanent au sens de l'article 80 de la School Act. Tous les demandeurs ont été réengagés aux termes de nouveaux contrats pour l'année scolaire suivante. Dans la plupart des cas, cela s'est fait avant le 30 juin 1999, date de la fin des contrats. Les nouveaux contrats prévoient clairement leur entrée en vigueur après les mois d'été, soit généralement le 31 août 1999. Les demandeurs ont touché un salaire mensuel, le salaire pour juillet et août ayant été inclus dans le versement de juin.

[37]Dans l'arrêt Dick et auttres c. Sous-procureur général du Canada, [1980] 2 R.C.S. 243 (l'arrêt Dick), la Cour suprême du Canada a reconnu que le salaire d'un enseignant versé en douze paiements mensuels pour les dix mois d'enseignement se rapporte au travail effectué pendant ces dix mois et non aux mois de vacances de juillet et d'août. Cet arrêt a reconnu que, selon leurs contrats, certains enseignants connaîtront chaque année une interruption de la rémunération pendant la période de congé de l'année scolaire. D'après cet arrêt, certains enseignants seraient donc admissibles à recevoir des prestations d'assurance-emploi pendant les mois de congé de l'été.

[38]À la suite de l'arrêt Dick, l'article 46.1 [Règlement sur l'assurance-chômage, C.R.C., ch. 1576 (édicté par DORS/83-516 art. 1)], maintenant le paragraphe 33(2) du Règlement, a été édicté pour empêcher le «cumul de salaire et d'assurance» par les enseignants qui ne risquent pas véritablement d'être en chômage après la période de congé. La seule exception présentant un intérêt en l'espèce est prévue à l'alinéa 33(2)a): un enseignant aura droit aux prestations pendant la période de congé si «son contrat de travail dans l'enseignement a pris fin». L'expression «a pris fin» n'est définie ni dans la Loi ni dans le Règlement.

[39]Selon le Black's Law Dictionary, 7e éd., l'expression [traduction] «prendre fin» veut dire [traduction] «mettre un terme (à), conclure». Le Concise Oxford Dictionary, 10e éd., définit cette même expression comme suit: [traduction] «mettre fin; mettre un terme à l'emploi (de)». En l'espèce, la durée des emplois des demandeurs est régie par les dispositions non équivoques de la School Act portant sur la date d'expiration des contrats:

[traduction]

79. [. . .]

(3) Un contrat de stage prend fin le 30 juin suivant la date d'entrée en service de l'employé prévue au contrat.

[. . .]

82. [. . .]

(2) Un contrat temporaire conclu conformément au paragraphe (1)

a) précise la date à laquelle l'enseignant commence à travailler pour le conseil et

b) prend fin

(i) le 30 juin suivant la date d'entrée en service de l'employé prévue au contrat ou

(ii) le jour prévu au contrat,

la date qui arrive en premier devant être retenue.

[. . .]

83. [. . .]

(3) Un contrat d'emploi intérimaire prend fin le 30 juin suivant la date d'entrée en service prévue au contrat, à moins de stipulation contraire au contrat. [Non souligné dans l'original.]

Suivant le sens ordinaire de ces dispositions, les contrats des demandeurs ont tous pris fin le 30 juin 1999. Par conséquent, la question qui se pose est de savoir de quelle manière ces articles de la School Act ont une incidence sur le droit des demandeurs de recevoir des prestations d'assurance-emploi en vertu de l'alinéa 33(2)a) du Règlement.

[40]En cherchant l'intention véritable du législateur qui a utilisé l'expression «a pris fin» à l'alinéa 33(2)a), le juge-arbitre a appliqué le principe bien établi en matière d'interprétation selon lequel il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant leur sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur (Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27). Bien que ce principe soit important, une telle analyse ne saurait modifier le résultat lorsque les termes d'une loi sont clairs et nets. (Voir Canada c. Antosko, [1994] 2 R.C.S. 312; 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804 (65302 British Columbia Ltd.).) À l'instar de la Loi de l'impôt sur le revenu [L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1], la législation relative à l'assurance-emploi est détaillée, complexe et exhaustive. Par conséquent, les juges-arbitres et la Cour doivent faire preuve de circonspection avant d'adopter, sous le couvert de règles d'interprétation législative modernes, des notions de politique ou de principe qui ne sont pas exprimées (65302 British Columbia Ltd., au paragraphe 51).

[41]À mon sens, le juge-arbitre a commis une erreur de droit en écartant l'effet juridique clair des dispositions précitées de la School Act et en adoptant la notion non exprimée suivant laquelle l'intention du législateur était que l'expression «a pris fin» ne s'applique qu'aux cas où les enseignants sont «des "chômeurs", selon le véritable sens de ce terme, qui n'équivaut pas pour autant à l'expression "ne pas travailler"» (motifs du jugement du juge-arbitre). Dans ses arrêts antérieurs , la Cour a appliqué sans difficulté la législation provinciale pour refuser de reconnaître à des prestataires le droit de recevoir des prestations d'assurance-emploi (voir Canada (Procureur général) c. Taylor (1991), 81 D.L.R. (4th) 679 (C.A.F.); Gauthier c. Canada (Commission de l'emploi et de l'immigration), [1995] A.C.F. no 1350 (C.A.) (QL) (Gauthier); Canada (Procureur général) c. Partridge (1999), 245 N.R. 163 (C.A.F.) (Partridge); Bishop c. Canada (Commission de l'assurance-emploi) (2002), 292 N.R. 158 (C.A.F.) (Bishop)). Par contre, lorsque, comme en l'espèce, la législation provinciale aide les prestataires à avoir accès à de telles prestations, on ne devrait pas s'abstenir d'appliquer la loi.

[42]Il convient de faire remarquer qu'aucun des arrêts examinés jusqu'ici par la Cour relativement à l'alinéa 33(2)a) n'a traité de la fin d'un contrat d'enseignement expressément prévue par une loi provinciale. Je n'interprète pas le paragraphe 40(5) de la School Act, qui traite de façon générale des dates de rentrée et de fin d'année scolaire, des dates de vacances et des heures d'enseignement dans les écoles de l'Alberta, comme l'emportant sur les dispositions expresses relatives aux dates de début et de fin des nouveaux contrats en cause dans la présente demande. Le libellé de ce paragraphe de la School Act de l'Alberta est loin du libellé précis des dispositions législatives provinciales applicables dans les arrêts Gauthier, Partridge et Bishop qui prévoient toutes clairement que le début de l'année scolaire est le 1er juillet.

[43]Il appert que le juge-arbitre ne s'est pas reporté au paragraphe 36(4) du Règlement, rédigé comme suit:

36. [. . .]

(4) La rémunération payable au prestataire aux termes d'un contrat de travail en échange des services rendus est répartie sur la période pendant laquelle ces services ont été fournis.

[44]Suivant le paragraphe 36(4), toutes les sommes payées aux demandeurs ne pouvaient être versées qu'en échange des services rendus au 30 juin 1999. De tels paiements ne peuvent être utilisés pour prouver la continuité de la relation d'emploi en répartissant le montant reçu en juin sur les mois de juillet et d'août. Il ne faut pas oublier que, dans l'arrêt Dick, précité, la Cour suprême s'est appuyée sur l'ancien paragraphe 58(3), maintenant le paragraphe 36(4), pour conclure que le salaire d'un enseignant versé en douze paiements mensuels pour les dix mois d'enseignement ne se rapporte qu'au travail effectué pendant ces dix mois et non aux mois de vacances de juillet et d'août. Dans mon analyse, l'arrêt Dick est toujours valable en droit et les motifs majoritaires dans la présente affaire nient aux demandeurs le bénéfice de cette décision appliquée de longue date.

[45]Les demandeurs ont bénéficié pendant les mois de congé de l'été d'avantages sociaux, notamment d'assurance médicale, d'assurance dentaire, d'assurance- vie collective et d'assurance-invalidité de longue durée, payés par les différents conseils scolaires. L'examen attentif de la preuve révèle que, de par sa nature, le paiement d'avantages sociaux par les conseils scolaires pour le compte des demandeurs pendant la période de congé était fait à titre gracieux et ne témoignait pas de la continuité de la relation d'emploi. Le fait d'offrir des avantages sociaux pour les mois d'été n'était stipulé nulle part dans les contrats et était en fait offert à tout enseignant qui avait été sous contrat l'année précédente, indépendamment de tout contrat de travail futur.

[46]La conséquence de mon analyse est effectivement anormale. Les enseignants temporaires qui font un travail équivalent à celui des professeurs à temps plein et sont réengagés pour l'année scolaire suivante peuvent recevoir des prestations d'assurance-emploi, alors que les professeurs à temps plein ne le peuvent pas. Il est difficile de concevoir que telle était l'intention du législateur. La Cour a néanmoins le devoir d'appliquer la Loi et le Règlement tels qu'ils sont et de résister à la tentation d'adopter une interprétation qui contourne le sens évident de l'expression «a pris fin» de l'alinéa 33(2)a). Si le Parlement ou le gouverneur en conseil avaient voulu empêcher le «cumul de salaire et d'assurance» permis par le régime législatif actuel, il aurait facilement pu apporter la modification nécessaire.

[47]En résumé, tous les demandeurs peuvent, selon mon analyse, se prévaloir de l'exception prévue à l'alinéa 33(2)a) du Règlement parce que leurs contrats ont, en vertu de la School Act, pris fin le 30 juin 1999. J'accueillerais les deux demandes de contrôle judiciaire, j'annulerais les décisions du juge-arbitre datées du 30 novembre 2000 et je renverrais les affaires au juge-arbitre en chef ou à la personne désignée par lui pour qu'il soit statué sur l'affaire conformément aux présents motifs.

[48]Une copie des présents motifs dissidents sera également jointe au dossier A-664-01.

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