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T-2305-01

2002 CFPI 1151

Hensley Oriji (demandeur)

c.

Le procureur général du Canada (défendeur)

Répertorié: Oriji c. Canada (Procureur général) (1re inst.)

Section de première instance, juge Gibson--Ottawa, le 30 octobre et le 7 novembre 2002.

Fonction publique -- Procédure de sélection -- Le demandeur avait été avisé verbalement qu'il était le seul candidat qui avait réussi un concours; on lui avait donné la date prévue à laquelle l'emploi commencerait, mais on l'avait par la suite informé que le poste avait été offert à un employé excédentaire qualifié du ministère -- L'agente d'enquête a commis une erreur de droit en concluant que l'art. 22 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique exigeait qu'il existe un document pour que l'offre d'emploi soit exécutoire -- L'agente d'enquête a également omis de satisfaire à la norme minimale d'équité étant donné que les renseignements n'avaient pas tous été mis à la disposition du plaignant.

Droit administratif -- Contrôle judiciaire -- Dans une affaire concernant une plainte relative au traitement infligé dans le cadre d'un processus d'emploi au sein de la fonction publique, l'agente d'enquête avait commis une erreur de droit en concluant que l'art. 22 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique exigeait qu'il existe un document pour que l'offre d'emploi soit exécutoire; l'agente a omis de satisfaire à la norme minimale d'équité étant donné que les renseignements n'avaient pas tous été mis à la disposition du plaignant -- L'argument du défendeur selon lequel la décision ne devait pas être annulée parce qu'une nouvelle enquête aboutirait inévitablement au même résultat n'était pas convaincant étant donné que le plaignant ne concédait pas que le résultat serait le même -- En outre, permettre pareille violation flagrante pourrait encourager d'autres agents à ne faire aucun cas de l'obligation d'agir avec équité s'ils estimaient que le résultat était déterminé à l'avance.

Interprétation des lois -- L'art. 22 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique n'exige pas qu'il existe un document pour que l'offre d'emploi soit exécutoire -- La disposition fait uniquement mention de la date de prise d'effet d'un emploi plutôt que de la force exécutoire d'une entente relative à l'emploi fondée sur une offre, verbale ou écrite, qui a été acceptée et d'un emploi qui a commencé à être exercé lorsqu'il y a eu pareille offre et acceptation valides.

Après avoir subi un examen pour un poste de la fonction publique à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), le demandeur a été informé par téléphone qu'il avait obtenu la meilleure note et qu'il était le seul candidat qui avait réussi. On lui a dit que l'emploi devait commencer au début du mois d'avril 2001. Toutefois, le demandeur a par la suite été informé que le poste n'était plus disponible à cause d'une mesure de dotation prioritaire. Le noeud du litige consistait à savoir si le demandeur s'était vu offrir le poste à condition de passer le test linguistique et sur vérification des références, ou si l'offre était assujettie à d'autres conditions.

Le demandeur s'est plaint que TPSGC avait, sans motif valable, annulé l'offre d'emploi verbale; une agente d'enquête désignée a entamé une enquête. Certains renseignements fournis à l'agente d'enquête et pris en considération par celle-ci n'ont pas été communiqués au demandeur, de sorte que celui-ci n'a pas eu la possibilité de répondre. La demande d'ajournement de la réunion factuelle que le demandeur avait faite afin d'essayer de réfuter la nouvelle preuve a été rejetée. L'agente d'enquête a rejeté la plainte en se fondant sur l'article 22 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (la LEFP), qu'il a interprété comme exigeant une offre d'emploi écrite--et il n'y en avait pas en l'espèce--ainsi que sur le fait que la gestionnaire qui avait communiqué avec le demandeur ne possédait le pouvoir d'autoriser les nominations. Il s'agissait d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de l'agente d'enquête.

Jugement: la demande est accueillie.

L'article 22 de la LEFP prévoit que toute nomination effectuée en vertu de cette Loi ne prend effet qu'à la date fixée dans l'acte de nomination, indépendamment de la date de l'acte même. La seule interprétation juridique raisonnable de cette disposition est qu'il y est uniquement question de la «date de prise d'effet» d'un emploi plutôt que de la force exécutoire d'une entente relative à l'emploi fondée sur une offre, verbale ou écrite, qui a été acceptée et, en particulier mais non exclusivement, d'un emploi qui a commencé à être exercé lorsqu'il y a eu pareille offre et acceptation valides. La conclusion selon laquelle il devait exister un document pour qu'il y ait offre d'emploi était abusive et l'agente d'enquête a commis une erreur de droit en arrivant à la décision ici en cause.

Il ressort de la lecture des dispositions pertinentes de la LEFP qu'un agent d'enquête doit agir d'une façon équitable. À tout le moins l'agent d'enquête a l'obligation de veiller à ce que tous les renseignements sur lesquels il fonde sa décision aient été communiqués au plaignant et au défendeur et à ce que chacun ait eu une possibilité raisonnable d'y répondre. L'agente d'enquête n'a pas satisfait à cette norme minimale d'équité.

Le défendeur a soutenu que même s'il existait des erreurs susceptibles de révision dans le cadre du processus qui a entraîné la décision ici en cause, la décision ne devrait pas être annulée parce qu'une nouvelle enquête aboutirait inévitablement au même résultat; il s'est reporté à la décision Talwar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration). Cette décision ne devrait pas être suivie. Le demandeur n'a pas concédé que, si la décision en cause était renvoyée pour réexamen, le résultat serait en fin de compte le même. En outre, si on permettait une violation aussi flagrante de l'obligation d'agir avec équité, sans accorder de réparation, la chose pourrait bien encourager d'autres agents à ne faire aucun cas de l'obligation d'agir avec équité s'ils estimaient que le résultat est déterminé à l'avance.

lois et règlements

Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-33, art. 7.1 (édicté par L.C. 1992, ch. 54, art. 8), 7.2 (édicté, idem), 7.3(1) (édicté, idem), (3) (édicté, idem), 22 (mod., idem, art. 17).

jurisprudence

décision non suivie:

Talwar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 702; [2002] A.C.F. no 951 (1re inst.) (QL).

DEMANDE de contrôle judiciaire de la décision par laquelle une agente d'enquête avait rejeté une plainte déposée par le demandeur au sujet de la façon dont il avait été traité dans le cadre d'un processus d'emploi au sein de la fonction publique du Canada. Demande accueillie.

ont comparu:

Hensley Oriji pour son propre compte.

Michael G. Roach pour le défendeur.

avocats inscrits au dossier:

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par

Le juge gibson:

INTRODUCTION

[1]M. Hensley Oriji (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire d'une décision par laquelle un agent d'enquête, de médiation et de conciliation de la Direction des recours au sein de la Commission de la fonction publique du Canada a conclu à l'absence de fondement d'une allégation figurant dans une plainte qu'il avait déposée au sujet de la façon dont il avait été traité dans le cadre d'un processus d'emploi au sein de la fonction publique du Canada. La décision en cause est datée du 23 novembre 2001.

[2]Comme le demandeur l'a lui-même dit, les réparations sollicitées sont les suivantes:

[traduction] [que] la Cour [. . .] remédie à cette injustice en accueillant l'appel avec dépens;

[que la Cour] valide l'offre d'emploi qui a été faite au demandeur, laquelle devait prendre effet le 2 avril 2002;

Toute autre ordonnance que la Cour juge appropriée1.

LES FAITS

[3]Les faits sur lesquels est fondée la présente demande de contrôle judiciaire sont contestés avec véhémence pour ce qui est des détails, mais les éléments fondamentaux qui ont entraîné la décision ici en cause peuvent être brièvement énoncés; ils sont principalement tirés du mémoire des faits et du droit du défendeur.

[4]Le demandeur était l'un des seize candidats présentés par la Commission de la fonction publique pour un poste de commis aux systèmes et à la comptabilité CR-04 à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC). Le 6 février 2001, le demandeur et certains autres candidats présentés ont subi un examen écrit destiné à permettre de vérifier les habilités mentionnées dans l'énoncé des qualités requises pour le poste en question. Avant le début de l'examen, le demandeur et les autres personnes qui se présentaient à l'examen ont été informés que l'on communiquerait avec le candidat qui aurait obtenu la meilleure note et que le candidat reçu devrait passer un test linguistique avant d'être nommé. Après l'examen, et le jour même où cet examen a eu lieu, un représentant de TPSGC a informé le demandeur par téléphone qu'il avait obtenu la meilleure note à l'examen écrit et que, de fait, il était le seul candidat qui avait réussi. Le noeud du litige consiste à savoir si le demandeur s'est alors vu offrir le poste à condition de passer le test linguistique et sur vérification des références, ou si l'offre était assujettie à d'autres conditions. Il est incontestable que le demandeur a été informé que l'emploi devait commencer au début du mois d'avril 2001, la date précise dépendant de celle à laquelle le test linguistique aurait lieu. Le demandeur affirme avec instance qu'il considérait que les renseignements qui lui avaient été transmis au cours de la conversation téléphonique constituaient une offre d'emploi qu'il avait alors acceptée.

[5]Le 26 mars 2001, un agent de TPSGC autre que l'agent qui avait parlé au demandeur le 6 février a informé celui-ci, encore une fois par téléphone, que le poste en question n'était plus disponible à cause d'une mesure de dotation prioritaire. Le poste en question avait été comblé par un employé censément qualifié venant d'un autre élément de TPSGC, lequel devait être déclaré excédentaire.

[6]Le demandeur s'est plaint. La plainte est essentiellement fondée sur ce que TPSGC avait, sans motif valable, annulé l'offre verbale qu'il avait faite au demandeur pour une période précise à l'égard du poste de commis aux systèmes et à la comptabilité (CR-04).

[7]Une agente d'enquête désignée a entamé une enquête sur la plainte du demandeur en vertu de l'article 7.1 [édicté par L.C. 1992, ch. 54, art. 8] de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique2. Cette disposition, ainsi que les dispositions 7.2 [édicté, idem], 7.3(1) [édicté, idem] et 7.3(3) [édicté idem], sont ainsi libellées:

7.1 La Commission peut effectuer les enquêtes et vérifications qu'elle juge indiquées sur toute question relevant de sa compétence.

7.2 Pour les besoins de tout rapport ou enquête qu'elle effectue sous le régime de la présente loi, sauf dans le cas des vérifications, la Commission dispose des pouvoirs d'un commissaire nommé au titre de la partie II de la Loi sur les enquêtes.

7.3 (1) La Commission peut ordonner que tous les rapports, les enquêtes ou les vérifications à effectuer par elle sous le régime de la présente loi le soient, en tout ou en partie, par un commissaire ou toute autre personne.

[. . .]

(3) La personne nommée au titre du paragraphe (1) qui n'est pas commissaire dispose, relativement à la question dont elle est saisie, des pouvoirs attribués à la Commission par l'article 7.2, dans les limites qu'elle fixe.

LA DÉCISION ASSUJETTIE À L'EXAMEN

[8]L'agente d'enquête a organisé une réunion factuelle qui devait avoir lieu le 24 septembre 2001. Le demandeur et quatre représentants de TPSGC ont assisté à la réunion. Voici ce que l'agente d'enquête a dit au paragraphe 4 de son rapport décisionnel:

[traduction] Tous les arguments et renseignements présentés, même s'ils ne sont pas nécessairement reproduits ici [dans le rapport] ont été pris en considération aux fins de l'analyse et des conclusions dont il est fait état dans ce rapport.

Les renseignements fournis dont il est question dans le passage précité comprenaient les renseignements fournis à l'agente d'enquête par les agents de TPSGC, à la réunion factuelle et par la suite, lesquels, et la chose n'a pas été contestée devant moi, n'ont pas été communiqués au demandeur, de sorte que celui-ci n'a pas eu la possibilité de répondre.

[9]Lorsqu'il a entendu la preuve fournie par les agents de TPSGC lors de la réunion factuelle, preuve qui l'a en partie pris complètement par surprise et qui était contraire à ce qui à ses yeux s'était passé, le demandeur a sollicité un ajournement de la réunion factuelle afin de pouvoir revenir avec des témoins qui, alléguait-il, pourraient réfuter la preuve soumise pour le compte de TPSGC. La demande d'ajournement a été rejetée.

[10]Enfin, l'agente d'enquête a interprété l'article 22 [mod. par L.C. 1992, ch. 54, art. 17] de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, qui est ainsi libellé:

22. Toute nomination effectuée en vertu de la présente loi prend effet à la date fixée dans l'acte de nomination, le cas échéant, indépendamment de la date de l'acte même.

[11]En ce qui concerne les termes employés à l'article 22, voici ce que l'agente d'enquête a dit:

[traduction] L'expression «acte de nomination» n'est pas définie dans la Loi et les tribunaux judiciaires ne l'ont pas non plus interprétée. Toutefois, si l'on considère le mot «acte» dans son sens grammatical ordinaire, dans le contexte de la Loi, un tribunal judiciaire interpréterait probablement l'article 22 [comme] exigeant un document. Dans Black's Law Dictionary, on définit le mot «instrument [acte]» comme suit: «Document qui définit les droits et obligations, par exemple un contrat, un billet à ordre, un certificat d'actions».

Cela étant, je conclus qu'il doit exister un document pour qu'une offre d'emploi ou une nomination soit exécutoire. Or, il n'existe aucun document en l'espèce. En droit contractuel, il est reconnu qu'une offre d'emploi, même si elle est verbale, constitue un contrat obligatoire une fois qu'elle est acceptée, mais l'affaire qui nous occupe montre qu'en l'espèce, le droit législatif l'emporte sur la common law. [Non souligné dans l'original.]

[12]L'agente d'enquête a conclu sa décision comme suit:

[traduction] Il y a également la question de l'autorisation. Selon l'acte de sous-délégation des pouvoirs de dotation du ministère, Mme Diotte est une gestionnaire de «niveau 5» et ne possède pas le pouvoir d'autoriser les nominations.

Étant donné qu'aucune offre d'emploi n'a été faite sous la forme appropriée par l'autorité appropriée, je conclus que l'allégation qui est faite dans la plainte n'est pas fondée.

LES POINTS LITIGIEUX

[13]Le demandeur a soulevé une gamme de questions dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, mais à mon avis, deux questions sont déterminantes et je n'ai pas à examiner les autres questions. Les deux questions que je considère comme déterminantes se rapportent à une erreur de droit qui aurait été commise et au fait que l'agente d'enquête ne s'est pas acquittée de l'obligation d'équité qui incombe à pareils agents lorsqu'ils enquêtent sur une plainte telle que celle qui sous-tend la décision ici en cause. Une troisième question, se rapportant à la réparation qu'il convient d'accorder le cas échéant, découle des conclusions que j'ai tirées au sujet des deux premières questions.

ANALYSE

a)     Erreur de droit

[14]L'article 22 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique qui est ci-dessus cité prévoit que toute nomination effectuée en vertu de cette Loi ne prend effet qu'à la date fixée dans l'acte de nomination. Il précise ensuite que la date est fixée indépendamment de la date de l'acte même. Par conséquent, une nomination peut avoir été acceptée et il peut y avoir été donné suite pendant une période illimitée avant que l'acte de nomination soit délivré. Cela étant, je suis convaincu qu'il est abusif pour l'agente d'enquête de conclure [traduction] qu'«il doit exister un document pour qu'une offre d'emploi ou une nomination soit exécutoire» [soulignement ajouté]. C'est en fait conclure que l'emploi qui a commencé à être exercé avec le consentement de l'employeur et celui de l'employé pourrait bien ne pas être un emploi valide parce que, selon l'argument qui est soumis, aucune offre d'emploi valide n'a été faite et acceptée.

[15]Je conclus que la seule interprétation juridique raisonnable de l'article 22 est qu'il y est uniquement question de la «date de prise d'effet» d'un emploi plutôt que de la force exécutoire d'une entente relative à l'emploi fondée sur une offre, verbale ou écrite, qui a été acceptée et, en particulier mais non exclusivement, d'un emploi qui a commencé à être exercé lorsqu'il y a eu pareille offre et acceptation valides. Je conclus que l'agente d'enquête a commis une erreur de droit en arrivant à la décision ici en cause.

b)     L'obligation d'équité

[16]À mon avis, il ressort clairement de la lecture des dispositions pertinentes de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique qu'un agent d'enquête, comme l'agente dont la décision est ici en cause, doit agir d'une façon équitable, quoique le contenu de l'obligation d'équité puisse bien être minime, compte tenu du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par la loi. J'interprète à tout le moins le contenu applicable de l'obligation d'équité incombant à pareil agent comme englobant l'obligation de veiller à ce que tous les renseignements sur lesquels il fonde sa décision aient été communiqués au plaignant et au défendeur et à ce que chacun ait eu une possibilité raisonnable d'y répondre. Eu égard aux faits mis à ma disposition, j'estime qu'il est certain que l'agente d'enquête n'a pas satisfait à cette norme minimale d'équité.

[17]Il n'a pas été contesté devant moi qu'au début de la réunion factuelle qui a eu lieu le 24 septembre 2001, les agents de TPSGC ont présenté à l'agente d'enquête des documents qu'ils considéraient comme pertinents et que l'agente d'enquête considérait comme pertinents, lesquels n'ont pas été communiqués au demandeur. En l'absence de communication, le demandeur n'a pas eu la possibilité de répondre. En outre, lors de la réunion factuelle, les agents de TPSGC ont présenté une preuve orale qui contredisait la façon dont le demandeur considérait la position prise par TPSGC à la suite des conversations téléphoniques qu'il avait eues avec des agents de TPSGC, position à laquelle il n'était pas alors prêt à répondre. Comme il en a ci-dessus été fait mention, le demandeur s'est vu refuser la possibilité de faire ajourner l'affaire afin de recueillir une preuve en réponse. Enfin, je dirais encore une fois qu'il n'a pas été contesté devant moi qu'à la suite de la réunion factuelle et avant que l'agente d'enquête ait pris sa décision, il y a eu communication entre l'agente d'enquête et un agent ou des agents de TPSGC de sorte que l'agente d'enquête a obtenu d'autres documents faisant état de la position prise par TPSGC, à savoir que l'agent qui aurait censément offert l'emploi au demandeur ne possédait pas le pouvoir voulu pour autoriser sa nomination. Encore une fois, ces documents n'ont pas été communiqués au demandeur et ce dernier n'a pas eu la possibilité d'y répondre, et ce, même s'il est vrai que cette preuve était de toute évidence essentielle à la décision de l'agente d'enquête.

c)     Est-il utile d'annuler la décision ici en cause et de renvoyer l'affaire pour nouvelle décision?

[18]L'avocat du défendeur a soutenu que même si je conclus comme je l'ai fait à l'existence d'une erreur susceptible de révision dans le cadre du processus qui a entraîné la décision ici en cause, je ne devrais pas annuler la décision parce qu'une nouvelle enquête aboutirait inévitablement au même résultat. À l'appui de cette position, il m'a reporté à la décision Talwar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)3, où Mme le juge Layden-Stevenson a dit ce qui suit au paragraphe 4:

La raison d'être de l'obligation de divulguer les éléments de preuve extrinsèques est de s'assurer que le demandeur se voit offrir la possibilité d'y répondre. Or, je ne vois pas comment le demandeur aurait pu répondre à la restriction susmentionnée alors qu'il était impuissant à y changer quoi que ce soit. L'avocat du demandeur n'a pas réussi à suggérer une éventuelle réponse que le demandeur aurait pu formuler. L'avocat du demandeur a évoqué la possibilité que l'agente des visas se soit méprise. Il s'agit cependant là d'une question qu'il conviendrait d'aborder dans le cadre d'un contre- interrogatoire; or, l'agente des visas n'a pas été contre- interrogée. En tout état de cause, je suis d'accord avec le défendeur pour dire que la décision ne repose pas sur ce facteur. Le demandeur n'a avancé aucun argument pour étayer sa thèse que la décision aurait été différente si l'agente des visas n'avait pas fait entrer ce facteur en ligne de compte. Même s'il y a eu manquement à l'équité procédurale, la Cour n'interviendra pas si ce manquement n'a pas eu d'incidence sur la décision (Mobil Oil c. Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 R.C.S. 202 et Yassine c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 172 N.R. 308).

[19]À mon avis, il existe en droit et en principe des motifs permettant de ne pas suivre la décision précitée. Premièrement, le demandeur, qui agissait devant moi pour son propre compte, ne concède pas que, si la décision ici en cause est renvoyée pour réexamen, le résultat sera en fin de compte le même. Je suis convaincu que le demandeur a le droit de prendre cette position. Quant à la question de principe, il y a à ma connaissance rarement eu, sinon jamais, une violation aussi flagrante de l'obligation d'agir avec équité que dans ce cas-ci. Je crains que si on n'accordait aucune réparation à l'égard de pareille violation, la chose pourrait bien encourager d'autres agents à ne faire aucun cas de l'obligation d'agir avec équité s'ils estimaient que le résultat est déterminé à l'avance. Je ne suis pas prêt à tolérer pareille possibilité.

CONCLUSION

[20]Par conséquent, compte tenu de l'analyse qui précède, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie. La décision ici en cause sera annulée et la plainte du demandeur sera renvoyée à la Commission de la fonction publique pour nouvelle enquête.

LES DÉPENS

[21]À mon avis, les dépens devraient suivre l'issue de la cause. Ceci dit, le demandeur agissait pour son propre compte et il n'a bien sûr pas le droit d'être indemnisé pour le temps qu'il a consacré à l'affaire. Une ordonnance adjugeant les dépens au demandeur sera rendue, le montant étant fixé à 1 500 $ et devant être versé à celui-ci par le défendeur, ce montant représentant un montant raisonnable pour les sommes déboursées par le demandeur.

1 Dossier de la demande du demandeur, à la p. 249, par. 97 à 99.

2 L.R.C. (1985), ch. P-33, dans sa forme modifiée.

3 2002 CFPI 702; [2002] A.C.F. no 951 (1re inst.) (QL).

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