Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

IMM-3020-02

2003 CFPI 211

Laurentiu Dragan (demandeur)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (défendeur)

Répertorié: Dragan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1re inst.)

Section de première instance, juge Kelen--Toronto, 4 et 5 février; Ottawa, 21 février 2003.

Citoyenneté et Immigration -- Statut au Canada -- Résidents permanents -- Demande consolidée de brefs de mandamus enjoignant au ministre d'évaluer des demandes de résidence permanente en vertu de l'ancienne Loi sur l'immigration et du Règlement correspondant ou avant le 31 mars 2003 -- Les demandeurs ont été classés en deux catégories: 1) ceux qui ont demandé la résidence permanente au Canada avant le 1er janvier 2002; 2) ceux qui ont fait leur demande après le 1er janvier 2002, mais avant le 28 juin 2002 -- La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés est entrée en vigueur le 28 juin 2002 -- Selon l'art. 361(3) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés (RIPR), les demandes faites avant le 1er janvier 2003 doivent être évaluées conformément au Règlement de 1978 jusqu'au 31 mars 2003 en ce qui concerne les points d'appréciation; après cette date, toute demande en cours doit être évaluée conformément au RIPR -- Les demandeurs craignaient de perdre des droits importants liés à l'obtention d'un visa canadien en étant évalués en vertu des critères de sélection énoncés dans le nouveau Règlement -- L'art. 361 du RIPR est une disposition rétrospective valablement autorisée et devrait s'appliquer selon son libellé -- Le défendeur a négligé de se conformer à son devoir implicite de déployer tous les efforts voulus pour évaluer les demandes avant le 31 mars 2003 -- La Cour a ordonné la délivrance d'un bref de mandamus à l'égard des demandeurs appartenant à la première catégorie.

Droit administratif -- Contrôle judiciaire -- Mandamus -- Les demandeurs voulaient obtenir un bref de mandamus enjoignant au défendeur d'évaluer leurs demandes de résidence permanente conformément aux critères de sélection énoncés dans l'ancienne Loi sur l'immigration et le Règlement correspondant -- Les critères relatifs aux brefs de mandamus ont été respectés -- Examen de la jurisprudence concernant le mandamus -- Les demandeurs n'étaient pas responsables du retard -- L'enquête a porté sur la durée du retard et sur la nature de la justification invoquée -- Il appert de la jurisprudence qu'un bref de mandamus est octroyé en vue de l'évaluation d'une demande de visa dans les cas où il s'agit d'un retard de trois à quatre ans, lorsque l'excuse invoquée réside dans la charge de travail du ministère de l'Immigration et que le délai peut donner lieu à un préjudice majeur pour le demandeur -- Le défendeur n'a pas déployé tous les efforts voulus pour évaluer les demandes pendantes -- Un bref de mandamus a été octroyé à l'égard des demandes présentées avant le 1er janvier 2002.

Interprétation des lois -- Rétroactivité -- Demandes de résidence permanente déposées en vertu de l'ancien régime législatif et non encore évaluées -- Les demandeurs ont soutenu que, malgré l'abrogation de l'ancienne Loi sur l'immigration par l'art. 274a) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, les droits acquis en vertu de cette ancienne Loi survivent en raison de l'art. 43 de la Loi d'interprétation -- Selon une présomption réfutable, la législation n'est pas censée avoir un effet rétrospectif sur les droits acquis -- Le texte législatif indique clairement que le législateur avait l'intention d'appliquer la nouvelle Loi de manière rétrospective et d'autoriser la prise d'un règlement ayant un effet rétrospectif -- Le Parlement a expressément réfuté la présomption -- L'art. 361 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés est une disposition rétrospective valablement autorisée et devrait s'appliquer selon son libellé.

Il s'agissait d'une demande consolidée visant à obtenir un bref de mandamus pour 124 personnes qui ont présenté une demande de résidence permanente au Canada en vertu de la Loi sur l'immigration qui vient d'être abrogée, et du règlement correspondant, le Règlement sur l'immigration de 1978. La nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR) est entrée en vigueur le 28 juin 2002. Les demandeurs pouvaient être classés en deux catégories selon la date de leur demande. La première catégorie se composait des 102 personnes qui ont demandé la résidence permanente au Canada avant le 1er janvier 2002 et qui s'attendaient à être évaluées conformément aux critères de sélection énoncés dans le Règlement de 1978. Selon le paragraphe 361(3) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés (RIPR), ces demandeurs doivent être évalués conformément au Règlement de 1978 jusqu'au 31 mars 2003 en ce qui concerne les points d'appréciation. Après cette date, toute demande en cours de traitement sera évaluée conformément au RIPR. Afin de faciliter la transition, le paragraphe 361(5) du RIPR prévoit que les demandeurs appartenant à la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) sont tenus d'obtenir une note de passage de 70 points seulement plutôt que la note de 75 points imposée aux nouveaux demandeurs. Les demandeurs ont sollicité un bref de mandamus enjoignant au ministre de leur attribuer des points d'appréciation conformément à l'ancienne grille de sélection ou d'évaluer leurs demandes avant le 31 mars 2003. La deuxième catégorie se composait des 22 personnes qui ont présenté une demande de résidence permanente après le 1er janvier 2002, mais avant le 28 juin 2002. Bien que ces demandeurs aient également présenté leurs demandes sous le régime de l'ancienne Loi, ils ont été traités différemment des demandeurs appartenant à la première catégorie en raison des dispositions transitoires du RIPR. À compter du 28 juin 2002, tous les demandeurs appartenant à cette catégorie devaient être évalués selon les critères de sélection énoncés dans le RIPR et les personnes appartenant à la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) devaient obtenir une note de passage de 75 points. Les demandeurs faisant partie de cette catégorie ont sollicité des brefs de mandamus enjoignant au ministre d'évaluer leurs demandes conformément aux critères de sélection énoncés dans le Règlement de 1978. Quelques-uns des demandeurs attendent une entrevue depuis plus de trois ans. Par suite des modifications législatives, leurs chances d'obtenir un visa d'immigrant canadien seront réduites. Deux questions à trancher ont été soulevées: 1) la LIPR et le nouveau Règlement ont-ils eu pour effet de supprimer rétroactivement le droit acquis des demandeurs de faire évaluer leurs demandes de résidence permanente au Canada en vertu de l'ancienne Loi et du Règlement de 1978? 2) les demandeurs avaient-ils droit à un bref de mandamus enjoignant au défendeur d'évaluer leurs demandes et de leur attribuer des points d'appréciation conformément aux critères de sélection énoncés dans l'ancienne Loi et dans le Règlement de 1978?

Jugement: la demande est accueillie quant à la première catégorie de demandeurs et rejetée quant à la seconde.

1) Les demandeurs ont soutenu que, malgré l'abrogation de l'ancienne Loi sur l'immigration par l'alinéa 274a) de la LIPR, les droits acquis en vertu de cette ancienne Loi survivent en raison de l'article 43 de la Loi d'interprétation, qui a pour effet de préserver les droits acquis et les responsabilités contractées sous le régime du texte législatif abrogé. Il est présumé que la législation ne doit pas avoir un effet rétrospectif lorsque la disposition touche sensiblement les droits acquis d'une partie. Comme il ne s'agit que d'une présomption, il est possible de la réfuter. La Cour peut examiner l'évolution législative d'une disposition lorsqu'elle en interprète le sens. Le libellé des articles 190 et 201 de la LIPR indique clairement que le législateur avait l'intention d'appliquer la nouvelle Loi de manière rétrospective et d'autoriser la prise d'un règlement ayant un effet rétrospectif. Le Parlement peut adopter expressément un texte législatif ayant un effet rétroactif et cette expression claire réfute la présomption allant à l'encontre de l'application rétroactive ou rétrospective qui est énoncée à l'article 43 de la Loi d'interprétation. Les dispositions transitoires du nouveau Règlement indiquent clairement l'intention du gouverneur en conseil d'appliquer le nouveau régime de sélection à tous les demandeurs qui ont présenté une demande avant le 1er janvier 2002 et qui n'ont pas été évalués avant le 1er avril 2003, en leur accordant une prime de 5 points. Cette interprétation des dispositions transitoires est appuyée par la jurisprudence. Par conséquent, l'article 361 du RIPR est une disposition rétrospective valablement autorisée et devrait s'appliquer selon son libellé. Les demandes déposées après le 1er janvier 2002 doivent être évaluées en vertu du nouveau Règlement et les demandes déposées avant 1er janvier 2002 doivent être évaluées en vertu de l'ancien Règlement jusqu'au 31 mars 2003.

2) Le recours en mandamus permet d'exiger l'exécution d'une obligation légale à caractère public lorsqu'une autorité publique refuse ou néglige de remplir cette obligation même si elle a été dûment sommée de le faire. Dans Apotex Inc. c. Canada (Procureur général), la Cour d'appel fédérale a énuméré sept conditions qui doivent être respectées pour que la Cour délivre un bref de mandamus. D'abord, il doit exister une obligation légale d'agir à caractère public et en deuxième lieu, l'obligation doit exister envers le requérant. Le défendeur a reconnu que ses fonctionnaires sont légalement tenus de traiter les demandes de visas des demandeurs. En conséquence, les deux premières exigences à remplir pour l'obtention d'un bref de mandamus ont été respectées. À première vue, l'obligation du défendeur envers les personnes qui ont déposé leurs demandes avant le 1er janvier 2002 consistait à évaluer ces demandes conformément au système de sélection applicable en vertu de l'ancienne Loi. Jusqu'au 31 mars 2003, la même obligation demeure en vigueur dans le cas de tous les demandeurs qui ont déposé leurs demandes avant le 1er janvier 2002. En troisième lieu, il doit exister un droit clair d'obtenir l'exécution de cette obligation. Les demandeurs ont respecté les exigences préalables à la naissance de l'obligation. Ils ont rempli leurs demandes auxquelles ils ont joint toutes les pièces justificatives exigées ainsi que le paiement des frais de traitement. Ils ont également demandé, dans la plupart des cas à maintes reprises, l'exécution de l'obligation. La question cruciale à trancher était de savoir si le défendeur a refusé de se conformer à son obligation légale. La négligence liée à l'exécution de l'obligation ou un retard déraisonnable à cet égard peuvent être considérés comme un refus implicite. Les quatrième et cinquième critères ont également été respectés dans la mesure où les demandeurs n'avaient aucun autre recours adéquat et où l'ordonnance sollicitée aura une incidence sur le plan pratique. Le préjudice que les demandeurs risquent de subir si leur demande de mandamus est refusée pourrait être irréparable, c'est-à-dire que les chances qu'ils ont d'obtenir un visa d'immigrant canadien seront sensiblement amoindries. Le droit qu'ils ont, en vertu de la loi, d'être évalués selon l'ancien régime de sélection sera nié si leur demande n'est pas traitée d'ici la date limite. L'ordonnance de mandamus constitue la seule façon pratique de protéger leur droit d'être évalués sous le régime de l'ancien Règlement. La sixième condition a également été respectée, étant donné que, en vertu de l'équité, rien n'empêche la Cour d'exercer son pouvoir discrétionnaire en faveur des demandeurs. Ils n'étaient pas responsables du retard et n'ont pas compromis leur cause d'une autre façon. Aucun reproche ne pouvait leur être adressé et rien n'empêchait la Cour, en vertu de l'équité, de rendre une ordonnance de mandamus. Enfin, la balance des inconvénients joue en faveur des demandeurs, étant donné que le retard peut sérieusement porter atteinte à leur droit d'obtenir un visa.

La Cour fédérale a rendu à maintes reprises une ordonnance de mandamus contre le ministre par suite de retards de traitement déraisonnables dans des dossiers d'immigration ou de citoyenneté. Dans la présente affaire, les demandeurs n'étaient pas responsables du retard: ils ont respecté les formalités prévues dans la Loi et le Règlement dans la mesure du possible, en fournissant les documents à l'appui nécessaires et en payant les frais de traitement prescrits. En conséquence, l'enquête devrait porter sur la durée du retard et sur la nature des justifications invoquées. Dans certains cas, des délais de trois à quatre ans ont été jugés déraisonnables à la lumière des faits, mais les décisions n'ont pas eu pour effet de fixer un délai qui servirait de limite à ce qui est raisonnable Les conséquences du délai peuvent être pertinentes. Il existe aussi nombreux précédents jurisprudentiels justifiant la délivrance d'une ordonnance de mandamus afin d'exiger l'évaluation des demandes de visas lorsque l'excuse invoquée au soutien du retard réside dans l'énorme charge de travail des autorités de l'Immigration et que le délai peut causer un préjudice majeur au demandeur. En ce qui concerne les demandes déposées avant le 1er janvier 2002, le défendeur avait l'obligation tacite de déployer tous les efforts voulus pour évaluer ces demandes avant le 31 mars 2003, mais il a négligé de se conformer à son devoir pour plusieurs raisons. Ainsi, le défendeur a ignoré l'objet législatif inhérent à la prorogation du délai relatif à l'évaluation de ces demandes et il a également omis d'adopter l'avis et les recommandations raisonnables du Comité parlementaire concerné. Il n'a formulé aucun engagement ministériel visant à traiter les cas en priorité afin d'éliminer cet arriéré avant le 31 mars 2003. Il n'a pas envoyé d'équipes spéciales aux bureaux des visas ayant à traiter un grand nombre de demandes afin de permettre le traitement des arriérés avant cette date, ni n'a augmenté les ressources affectées au traitement de ces demandes. De plus, le représentant du défendeur a mal informé le Comité parlementaire au sujet du nombre de demandes de visas qui ont été déposées avant le 1er janvier 2002 et qui ne seraient vraisemblablement pas traitées avant la date limite et le défendeur n'a pas informé le Parlement de cette erreur lorsque celle-ci est devenue évidente.

lois et règlements

Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, art. 43.

Loi modifiant la Loi sur l'immigration et d'autres lois en conséquence, L.C. 1992, ch. 49, art. 109.

Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 2(1) «agent des visas», 5(2), 9(2) (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 4).

Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 2(2), 3(1), 5, 11(1), 190, 201, 247a).

Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172.

Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, art. 361.

jurisprudence

décisions appliquées:

Upper Canada College v. Smith (1920), 61 R.C.S. 413; 57 D.L.R. 648; [1921] 1 W.W.R. 1154; Chen c. Canada (Secrétaire d'État) (1995), 91 F.T.R. 76; 29 Imm. L.R. (2d) 94 (C.F. 1re inst.); Apotex Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 C.F. 742; (1993), 18 Admin. L.R. (2d) 122; 51 C.P.R. (3d) 339; 162 N.R. 177 (C.A.); conf. par [1994] 3 R.C.S. 1100; (1994), 176 N.R. 1; Bhatnager c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1985] 2 C.F. 315 (1re inst.); Dee c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 46 Imm. L.R. (2d) 278 (C.F. 1re inst.); Conille c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 C.F. 33; (1998), 15 Admin. L.R. (3d) 157; 159 F.T.R. 215 (1re inst.); Platonov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 192 F.T.R. 260 (C.F. 1re inst.); Bouhaik c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. n 155 (1re inst.) (QL); Kanes c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 72 F.T.R. 226; 22 Imm. L.R. (2d) 223 (C.F. 1re inst.).

décision examinée:

Meikle c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1997), 137 F.T.R. 304; 41 Imm. L.R. (2d) 293 (C.F. 1re inst.).

décisions citées:

Brosseau c. Alberta Securities Commission, [1989] 1 R.C.S. 301; (1989), 96 A.R. 241; 57 D.L.R. (4th) 458; [1989] 3 W.W.R. 456; 65 Alta. L.R. (2d) 97; 35 Admin. L.R. 1; 93 N.R. 1; R. c. Heywood, [1994] 3 R.C.S. 761; (1994), 120 D.L.R. (4th) 348; 94 C.C.C. (3d) 481; 34 C.R. (4th) 133; 174 N.R. 81; Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration c. Tsiafakis, [1977] 2 C.F. 216; (1997), 73 D.L.R. (3d) 139; 15 N.R. 39 (C.A.).

doctrine

Canada. Chambre des communes. Rapport du Comité permanent de la citoyenneté et l'immigration. Bâtir un pays: le Règlement découlant de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. mars 2002, en ligne: Parlement du Canada. Travaux des Chambres http://www.parl.gc.ca/InfoComDoc/37/1/CIMM/Studies /Reports/cimmrp04/03-cov-f.htm.

DEMANDE de bref de mandamus enjoignant au défendeur d'évaluer les demandes de visas d'immigrants des demandeurs conformément aux critères de sélection énoncés dans l'ancienne Loi sur l'immigration et dans le Règlement sur l'immigration de 1978 ou avant le 31 mars 2003. Demande accueillie en ce qui concerne les demandeurs qui ont déposé leur demande de résidence permanente avant le 1er janvier 2002; demande rejetée quant à ceux qui ont déposé leur demande de résidence permanente après le 1er  janvier 2002, mais avant le 28 juin 2002.

ont comparu:

Timothy E. Leahy, David L. Rosenblatt, Marvin Moses, Lawrence Wong et Mitchell S. Brownstein pour le demandeur.

A. Leena Jaakkimainen, Daniel Latulippe, R. Keith Reimer et Bradley G. Gotkin pour le défendeur.

avocats inscrits au dossier:

Immigration North America, Toronto, Rosenblatt Associates, Toronto, Moses and Associates, Toronto, Chang & Boos, Toronto, Brownstein, Brownstein et associés, Montréal, Bohbot et associés, Montréal, Lawrence Wong and Associates, Vancouver, pour le demandeur.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par

[1]Le juge Kelen: La présente demande concerne 124 demandeurs qui ont demandé le statut de résidents permanents du Canada avant le 28 juin 2002, la date d'entrée en vigueur de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR). Lorsque les demandeurs ont déposé leur demande, la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, qui a récemment été abrogée (l'ancienne Loi), et le règlement correspondant, le Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 (le Règlement de 1978), étaient encore en vigueur.

[2]Les demandeurs sollicitent un bref de mandamus enjoignant au défendeur d'évaluer leurs demandes de visas d'immigrants conformément aux critères de sélection énoncés dans l'ancienne Loi et dans le Règlement de 1978.

LES DEMANDEURS

[3]Le défendeur a reçu signification des avis de demande envoyés dans 122 des dossiers visés par les présentes entre le 25 et le 27 juin 2002. Étant donné que toutes les demandes portent sur les mêmes questions en litige et visent à obtenir le même redressement, elles ont été réunies par ordonnance datée du 29 octobre 2002. Trois autres demandes ont été ajoutées plus tard par consentement et l'une d'elles a été retirée lorsque le demandeur a obtenu un visa en novembre 2002.

[4]Les demandeurs peuvent être classés en deux catégories selon la date de leur demande. La première catégorie se compose des 102 demandeurs qui ont demandé la résidence permanente au Canada avant le 1er janvier 2002 et dont le nom figure sur la liste jointe aux présentes en annexe «A». Lorsqu'elles ont fait leur demande, ces personnes s'attendaient à être évaluées conformément aux critères de sélection énoncés dans le Règlement de 1978. Selon le paragraphe 361(3) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le RIPR), ces demandeurs doivent être évalués conformément au Règlement de 1978 jusqu'au 31 mars 2003 en ce qui concerne les points d'appréciation. Après cette date, toute demande en cours de traitement sera évaluée conformément au RIPR. Afin de faciliter la transition, le paragraphe 361(5) du RIPR prévoit que les demandeurs appartenant à la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) sont tenus d'obtenir une note de passage de 70 points seulement plutôt que la note de 75 points imposée aux nouveaux demandeurs. Les demandeurs craignent que leurs demandes ne soient refusées en vertu des nouveaux critères de sélection énoncés dans le RIPR et sollicitent un bref de mandamus enjoignant au ministre de leur attribuer des points d'appréciation conformément à l'ancienne grille de sélection ou d'évaluer leurs demandes avant le 31 mars 2003.

[5]La deuxième catégorie se compose des 22 demandeurs qui ont présenté une demande de résidence permanente après le 1er janvier 2002, mais avant le 28 juin 2002, et dont le nom figure sur la liste jointe aux présentes en annexe «B». Bien que ces demandeurs aient également présenté leurs demandes sous le régime de l'ancienne Loi, ils ont été traités différemment des demandeurs appartenant à la première catégorie en raison des dispositions transitoires du RIPR. À compter du 28 juin 2002, tous les demandeurs appartenant à cette catégorie doivent être évalués selon les critères de sélection énoncés dans le RIPR et les personnes appartenant à la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) doivent obtenir une note de passage de 75 points. Comme le défendeur l'a expliqué, cette politique s'explique par le fait que les demandeurs appartenant à cette catégorie ont présenté leurs demandes après la première prépublication du RIPR le 17 décembre 2001 et étaient donc informés des nouveaux critères de sélection au moment de leurs demandes. Les demandeurs faisant partie de cette catégorie sollicitent des brefs de mandamus enjoignant au ministre d'évaluer leurs demandes conformément aux critères de sélection énoncés dans le Règlement de 1978.

QUESTIONS EN LITIGE

[6]La présente affaire soulève deux questions à trancher:

1. la LIPR et le nouveau Règlement ont-ils pour effet de supprimer rétroactivement le droit acquis des demandeurs de faire évaluer leurs demandes de résidence permanente au Canada en vertu de l'ancienne Loi et du Règlement de 1978?

2. les demandeurs ont-ils droit à un bref de mandamus enjoignant au défendeur d'évaluer leurs demandes et de leur attribuer des points d'appréciation conformément aux critères de sélection énoncés dans l'ancienne Loi et dans le Règlement de 1978?

CADRE LÉGISLATIF

[7]Les dispositions régissant le traitement des demandes dont il s'agit en l'espèce sont reproduites ci-dessous.

LIPR (la nouvelle Loi)

3. (1) En matière d'immigration, la présente loi a pour objet:

[. . .]

f) d'atteindre, par la prise de normes uniformes et l'application d'un traitement efficace, les objectifs fixés pour l'immigration par le gouvernement fédéral après consultation des provinces;

[. . .]

5. (1) Le gouverneur en conseil peut, sous réserve des autres dispositions de la présente loi, prendre les règlements d'application de la présente loi et toute autre mesure d'ordre réglementaire qu'elle prévoit.

(2) Le ministre fait déposer tout projet de règlement pris en vertu des articles 17, 32, 53, 61, 102, 116 et 150 devant chaque chambre du Parlement et la chambre renvoie ce projet de règlement à son comité compétent.

(3) Il n'est pas nécessaire de déposer de nouveau le projet de règlement devant le Parlement même s'il a subi des modifications.

(4) Le gouverneur en conseil peut prendre le règlement après le dépôt du projet de réglement devant chaque chambre du Parlement.

[8]L'article 190 de la LIPR prévoit que cette Loi s'applique aux demandes pendantes le 28 juin 2002.

190. La présente loi s'applique, dès l'entrée en vigueur du présent article, aux demandes et procédures présentées ou instruites, ainsi qu'aux autres questions soulevées, dans le cadre de l'ancienne loi avant son entrée en vigueur et pour lesquelles aucune décision n'a été prise.

[9]L'article 201 de la LIPR autorise le gouverneur en conseil à prendre un règlement visant la transition entre l'ancienne Loi et la LIPR:

201. Les règlements régissent les mesures visant la transition entre l'ancienne loi et la présente loi et portent notamment sur les catégories de personnes qui seront assujetties à tout ou partie de la présente loi ou de l'ancienne loi, ainsi que sur les mesures financières ou d'exécution.

Le nouveau Règlement

[10]La disposition réglementaire que le gouverneur en conseil a prise au sujet de la transition est l'article 361 du nouveau Règlement, dont voici les extraits pertinents:

361. (1) Si, avant l'entrée en vigueur du présent article, un étranger visé au paragraphe (2) a été évalué par un agent des visas et a obtenu le nombre de points d'appréciation exigés par l'ancien réglement, cette évaluation confère, pour l'application du présent règlement, un nombre de points égal ou supérieur au nombre minimum de points requis pour se voir attribuer:

a) la qualité de travailleur qualifié, dans le cas de l'étranger visé à l'alinéa (2)a);

b) la qualité d'investisseur, dans le cas de l'étranger visé à l'alinéa (2)b);

c) la qualité d'entrepreneur, dans le cas de l'étranger visé à l'alinéa (2)c);

d) la qualité de travailleur autonome, dans le cas de l'étranger visé à l'alinéa (2)a).

(2) Le paragraphe (1) s'applique à l'étranger qui a présenté une demande de visa d'immigrant conformément à l'ancien règlement--pendante à l'entrée en vigueur du présent article--à titre, selon le cas:

a) de personne visée au sous-alinéa 9(1)b)(i) ou à l'alinéa 10(1)b) de l'ancien règlement;

b) d'investisseur;

c) d'entrepreneur.

(3) Pendant la période commençant à la date d'entrée en vigueur du présent article et se terminant le 31 mars 2003, les points d'appréciation sont attribués conformément à l'ancien règlement à l'étranger qui est un immigrant qui:

a) d'une part, est visé au paragraphe 8(1) de ce règlement, autre qu'un candidat d'une province;

b) d'autre part, a fait, conformément à ce même règlement, une demande de visa d'immigrant avant le 1er janvier 2002, pendante à l'entrée en vigueur du présent article, et n'a pas obtenu de points d'appréciation en vertu de ce règlement.

(4) Si, avant l'entrée en vigueur du présent article, l'étranger visé au paragraphe (3) a été apprécié par un agent des visas et a obtenu le nombre de points d'appréciation exigés par l'ancien règlement, cette appréciation confère, pour l'application du présent règlement, un nombre de points égal ou supérieur au nombre minimum de points requis d'un travailleur qualifié (fédéral), d'un investisseur, d'un entrepreneur ou d'un travailleur autonome, selon le cas.

(5) Si les points d'appréciation exigés par l'ancien règlement n'ont pas été attribués avant le 1er avril 2003 à l'étranger visé à l'alinéa (2)a) qui a demandé un visa d'immigrant avant le 1er janvier 2002, ce dernier doit obtenir un minimum de soixante-dix points au regard des facteurs visés à l'alinéa 76(1)a) du présent règlement pour devenir résident permanent au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral).

LES FAITS

Évolution législative

a)     Audiences devant le Comité

[11]Le 15 décembre 2001, le défendeur a déposé le projet relatif au nouveau Règlement, qui prévoyait la création d'un nouveau système de sélection à l'égard des immigrants et comportait des dispositions transitoires. En vertu du paragraphe 5(2) de la LIPR, le défendeur doit déposer un projet de règlement au sujet de certaines questions devant le Parlement, qui doit renvoyer le projet de règlement en question au comité parlementaire compétent.

[12]En janvier, février et mars 2002, le Comité permanent de la Chambre des communes sur la citoyenneté et l'immigration (le Comité) a tenu des audiences afin d'examiner le nouveau projet de Règlement. Il est évident que le Comité réprouvait vivement l'application du Règlement au détriment des milliers de personnes qui ont présenté une demande de visa d'immigrant sous le régime de l'ancien Règlement, avant l'annonce du nouveau Règlement par le gouvernement. Le nouveau Règlement devait entrer en vigueur en même temps que la nouvelle Loi, soit le 28 juin 2002.

[13]Le 26 février 2002, le défendeur «a accepté les préoccupations liées à l'équité» qui ont été soulevées devant le Comité et selon lesquelles les personnes ayant déposé une demande de visa avant l'annonce du nouveau Règlement devraient être évaluées selon les critères de sélection en vigueur à la date de leurs demandes. Le ministre a annoncé que ces demandeurs continueraient à être choisis conformément aux critères de sélection actuellement en vigueur jusqu'au 1er janvier 2003 et que les travailleurs qualifiés et les gens d'affaires immigrants n'ayant pas reçu de décision relative à la sélection avant le 1er janvier 2003 seraient assujettis aux nouveaux critères de sélection énoncés dans le nouveau Règlement, mais seraient tenus d'obtenir une note de passage de 70 points plutôt que 75. Le défendeur a également annoncé que les personnes qui ont présenté une demande de visa n'ayant pas fait l'objet d'une évaluation préliminaire appelée sélection administrative peuvent solliciter un rappel de leurs demandes et un remboursement de leurs frais de traitement, étant donné qu'elles s'attendaient, lorsqu'elles ont initialement présenté leurs demandes, à être évaluées en vertu des anciens critères de sélection.

[14]Cette annonce n'a pas calmé les appréhensions des parlementaires membres du Comité. Le 12 mars 2002, Mme Joan Atkinson, sous-ministre adjointe, Développement des politiques et des programmes, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, a comparu devant le Comité et a formulé les remarques suivantes au sujet de la prorogation de six mois annoncée par le ministre (à la page 14 de la transcription):

Nous estimons que la période de six mois nous donne suffisamment de temps pour nous attaquer à une bonne partie de cet arriéré [. . .] Ici encore l'objectif est de tâcher d'atténuer l'impact de la rétroactivité et de cette période de transition [. . .]

[15]Les parlementaires qui étaient membres du Comité n'étaient pas satisfaits. Ils ont interrogé Mme Atkinson au sujet du nombre de demandes qui se trouvaient dans le système avant l'annonce du projet de Règlement et qui ne seraient pas traitées d'ici le 1er janvier 2003. À la page 25 de la transcription, Mme Atkinson s'est exprimée comme suit:

[. . .] notre région internationale estime que d'ici le 1er janvier 2003, elle espère avoir traité environ 90 000 demandes sur les 120 000 demandes en attente d'une décision. Donc c'est une légère amélioration par rapport à la situation que je viens de vous décrire [. . .]

À la lumière de ces remarques, le Comité a compris qu'environ 30 000 demandes déposées sous le régime de l'ancien système ne seraient pas traitées avant le 1er janvier 2003. Les membres du Comité ont décidé qu'il y avait lieu de modifier le Règlement afin de proroger jusqu'au 31 mars 2003 le délai de traitement de ces anciennes demandes, de façon que les personnes concernées puissent être évaluées en vertu des anciens critères de sélection. Le témoin du défendeur s'est fait demander si on pouvait accorder la priorité à ces demandes afin que celles-ci puissent être traitées en vertu de l'ancien système à l'intérieur de ce délai. Mme Atkinson a laissé entendre que c'était possible (à la page 28 de la transcription):

Nous pouvons voir comment déployer nos ressources afin de traiter le maximum de demandes reçues selon l'ancien système avant que nous ne commencions à appliquer le nouveau système. C'est une possibilité. Sans ressources supplémen-taires, nous devons décider comment redéployer nos ressources dans des endroits comme Beijing et d'autres villes où nous avons un grand nombre de demandes à traiter. La chose est possible.

b)     Rapport du Comité

[16]En mars 2002, le Comité permanent de la Chambre des communes sur la citoyenneté et l'immigration a fait paraître un rapport [Bâtir un pays: le Règlement découlant de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés] concernant «les règlements projetés en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés». Dans la première partie du rapport, sous la rubrique intitulée «Rétroactivité», le Comité s'est exprimé comme suit:

Malheureusement, le 1er janvier 2003, quelque 30 000 demandes déjà reçues n'auront pas encore été traitées.

Le Comité sait gré au gouvernement de sa souplesse à cet égard, mais il a conclu que la proposition révisée ne va pas assez loin. Ceux qui ne sauront toujours pas, à la fin de 2002, s'ils ont été sélectionnés entretiennent les mêmes espoirs et ont les mêmes rêves que ceux qui seront avisés de la décision avant cette date. Nous croyons que le Ministère pourrait et devrait faire plus pour traiter autant de demandes que possible en repoussant la date limite de trois mois.

[. . .]

Aussi recommandons-nous de poursuivre le traitement des demandes reçues avant le 31 décembre 2001 jusqu'à la fin de mars 2003.

[17]Le Comité a recommandé la prorogation et a formulé quatre autres recommandations afin que les demandes déposées avant le 31 décembre 2001 soient traitées au plus tard le 31 mars 2003. Ces quatre autres recommandations étaient les suivantes:

1. Citoyenneté et Immigration Canada devrait s'engager à examiner en priorité les demandes à traiter.

2. Les bureaux des visas ayant à traiter un grand nombre de demandes devraient réévaluer leurs politiques générales en matière d'entrevue avec les demandeurs afin de traiter un plus grand nombre de demandes avant la date limite.

3. Il y aurait lieu d'envoyer des équipes spéciales dans les bureaux des visas où l'arriéré est lourd afin que les demandeurs ne soient pas désavantagés par le lieu où ils ont présenté leur demande.

4. Par souci de justice et d'équité, le gouvernement devrait augmenter les ressources affectées au traitement des demandes.

Le défendeur n'a pas tenu compte des recommandations du Comité

[18]Lorsque le gouverneur en conseil a pris le nouveau Règlement, il a accepté la recommandation du Comité parlementaire et prorogé le délai du 31 décembre 2001 au 31 mars 2003. Cependant, il appert clairement de la preuve présentée à la Cour que, même si le nouveau Règlement prévoyait une prorogation du délai jusqu'au 31 mars 2003:

1. le Ministère n'a pris aucun engagement en vue d'examiner les demandes à traiter en priorité de façon à éliminer cet arriéré;

2. les bureaux des visas saisis d'un grand nombre de demandes n'ont pas réévalué leurs politiques générales concernant les entrevues avec les demandeurs afin de traiter un plus grand nombre de demandes avant la date limite;

3. le défendeur n'a pas envoyé d'équipes spéciales aux bureaux des visas où l'arriéré des demandes est lourd afin que ces demandes soient traitées;

4. le défendeur n'a pas augmenté les ressources affectées au traitement de ces demandes.

La preuve indique donc que le défendeur n'a pas suivi la démarche recommandée par le Comité parlementaire afin de pouvoir traiter les demandes déposées avant le 1er janvier 2002 au plus tard à la date limite reportée au 31 mars 2003.

Objet de la prorogation jusqu'au 31 mars 2003

[19]La prorogation du délai relatif à l'évaluation des demandes déposées avant le 1er janvier 2002 visait à donner le temps nécessaire au traitement de ces demandes. Le ministre a prorogé le délai une première fois du 28 juin 2002 au 31 décembre 2002 afin [traduction] «d'atténuer les préoccupations liées à la justice et à l'équité». Étant donné qu'il était évident, aux yeux du Comité, que 30 000 demandes appartenant à cette catégorie n'auraient pas encore été examinées le 31 décembre 2002, il a recommandé que ce délai soit prorogé à nouveau jusqu'au 31 mars 2003.

Les chiffres

[20]Lorsque la présente affaire a été entendue, le défendeur n'avait pas une idée raisonnable du nombre de demandes de visas d'immigrants qui ont été déposées avant le 1er janvier 2002 et qui ne seront pas traitées avant le 31 mars 2003. Lorsqu'ils ont témoigné devant le Comité le 12 mars 2002, les représentants du défendeur ont souligné que 30 000 demandes de cette nature ne seraient pas traitées avant le 31 décembre 2002. Compte tenu de ce témoignage, qui a fait l'objet d'un contre-interrogatoire, il est évident que le défendeur a fourni au Comité des données numériques sensiblement erronées. Plutôt que les 30 000 demandes de cette nature qui seraient probablement pendantes le 31 décembre 2002, il appert de la preuve que de 80 000 à 120 000 demandes semblables n'auront vraisembla-blement pas encore été examinées le 31 mars 2003. Bien entendu, la présente affaire concerne uniquement 124 demandes.

Les conséquences défavorables du nouveau Règlement pour les demandeurs

[21]Il n'est pas nécessaire d'exposer en détail les différences entre l'ancien Règlement et le nouveau en ce qui concerne les demandeurs. Il est évident que ceux-ci craignent que leurs demandes de visas ne soient refusées en vertu du nouveau Règlement alors qu'elles seraient acceptées s'ils étaient évalués sous le régime du Règlement de 1978. C'est pourquoi ils estiment qu'ils perdront des droits importants liés à l'obtention d'un visa canadien s'ils sont évalués en vertu des critères de sélection énoncés dans le nouveau Règlement. La Cour estime que les demandeurs ont des préoccupations légitimes à cet égard.

Les délais et le processus de traitement des demandes de visas

[22]Les 124 demandes qui sont examinées en l'espèce ont été déposées à 21 différents bureaux des visas situés à l'étranger. La preuve indique sans conteste un accroissement exponentiel du nombre de demandes de visas dont ils sont saisis et qu'ils ne traitent qu'un nombre restreint de demandes par année conformément au contingent que le défendeur leur attribue. Par conséquent, il existe un arriéré à de nombreux bureaux des visas, où les demandeurs doivent attendre des années avant d'être appelés en entrevue. Le processus de traitement des demandes de visas est expliqué dans le site Web du défendeur daté du 5 juin 2002 et intitulé «Missions canadiennes à l'étranger offrant des services d'immigration-Guide de référence rapide sur les bureaux des visas: où ils sont situés, ce qu'ils font et qui y travaille». Le processus de traitement des demandes de visas est expliqué comme suit:

La demande est examinée à un bureau des visas. Cela suppose confirmer l'identité du demandeur, déterminer la recevabilité de la demande et vérifier que le demandeur satisfait aux exigences sur les plans de la sécurité, de la santé et de la justice. Il est possible quelquefois de procéder à ce genre de vérifications par courrier. Dans les cas complexes, une entrevue peut être nécessaire. C'est l'agent des visas qui décide de délivrer ou non un visa.

Il appert de la preuve que la demande de visa fait d'abord l'objet d'une «sélection administrative» par un analyste, qui établit un document préliminaire intitulé «résumé du dossier d'évaluation de l'immigrant». À ce stade, un certain nombre de points d'appréciation sont attribués au demandeur et l'agent des visas décide s'il y a lieu de refuser la demande sur la foi de l'évaluation préliminaire, de faire droit à la demande sans exiger d'entrevue ou de faire passer une entrevue au demandeur. La preuve indique que cette sélection administrative ne nécessite que 10 à 15 minutes. Au cours de l'année 2001, 48 p. 100 des demandes visant toutes les catégories d'immigrants à l'échelle planétaire ont été accueillies à ce stade sans qu'une entrevue soit exigée.

[23]Lorsqu'une entrevue est exigée par suite de la sélection administrative, les demandeurs sont inscrits sur une liste d'attente fictive; selon le bureau des visas concerné, le délai d'attente atteint souvent 15 mois. La durée moyenne de l'entrevue, lorsqu'elle a lieu, est d'environ une heure. Au cours de cette entrevue, l'agent des visas détermine de façon définitive le nombre de points d'appréciation à attribuer au demandeur, à moins que certaines questions soulevées au cours de l'entrevue ne nécessitent une vérification.

Exemple du retard

[24]Afin de donner un exemple concret, la Cour citera le cas de la demande qu'a déposée M. Majumdar Anup Kumar (ci-après appelé M. Majumdar) dans le dossier numéro IMM-3077-02.

a) M. Majumdar a déposé une demande de résidence permanente au Canada au bureau canadien des visas situé à Hong Kong le 1er juin 1999. M. Majumdar est un ingénieur en mécanique qui est titulaire d'un baccalauréat en génie mécanique et compte 12 ans d'expérience. Tous les documents nécessaires ainsi que les frais de traitement prescrits, soit une somme de 1 100 $, ont été joints à la demande.

b) Le 5 août 1999, le bureau des visas de Hong Kong a accusé réception de la demande de visa et du paiement des frais prescrits, attribué un numéro de dossier à la demande et informé le demandeur qu'une évaluation initiale de sa demande aurait lieu dans les «six prochains mois».

c) Le 21 octobre 1999, le bureau des visas de Hong Kong a informé le demandeur que l'évaluation initiale de la demande avait été faite, qu'il serait avisé dans les «15 prochains mois» de la date de l'entrevue et que les entrevues ont généralement lieu de deux à trois mois après la lettre d'avis (un délai de 15 mois suivant le 21 octobre 1999 nous mène au 21 janvier 2001).

d) Le 12 juin 2001 (20 mois plus tard), étant donné que le délai de 15 mois avait expiré sans que le demandeur reçoive de nouvelles du bureau des visas, l'avocat de celui-ci a fait parvenir une lettre au directeur du programme du défendeur au bureau des visas de Hong Kong afin de lui demander une date d'entrevue et un rapport concernant l'évolution du dossier de son client.

e) N'ayant reçu aucune réponse à cette lettre, l'avocat a fait parvenir par télécopieur un avis de rappel au directeur du programme le 22 août 2001. Dans cet avis, l'avocat a souligné qu'il avait laissé [traduction] «plusieurs messages téléphoniques sur la boîte vocale du directeur du programme».

f) À la date de l'audience, M. Majumdar n'avait pas encore été joint par le bureau des visas de Hong Kong et aucune entrevue n'avait été fixée pour lui, malgré le fait que sa demande avait été déposée 44 mois plus tôt.

[25]M. Majumdar a déclaré au cours de son témoignage qu'il ne serait pas admissible selon les nouveaux critères de sélection applicables aux travailleurs qualifiés, qu'il aurait été admissible à un visa en vertu de l'ancien Règlement et qu'il avait investi plus de 6 000 $ et plus de trois ans de sa vie dans la préparation et la présentation d'une demande de visa canadien.

Recettes d'immigration découlant des droits exigés des demandeurs de visas

[26]Pour l'exercice financier terminé le 31 mars 2002, les recettes d'immigration découlant des droits qui ont été exigés des demandeurs de visas et perçus par tous les bureaux des visas ont atteint une somme de 310 000 000 $, alors que les dépenses budgétaires de ces bureaux se sont élevées à 185 800 000 $ au cours de la même période. En conséquence, le gouvernement a perçu 125 000 000 $ de plus au titre des droits exigés à l'égard des demandes de visas que le montant qu'il a dépensé en 2002 pour les bureaux des visas à l'étranger. Il appert de la preuve que ces recettes sont versées au Trésor et que le défendeur n'a pas demandé de ressources supplémentaires ou d'autres crédits budgétaires en 2002 afin de traiter l'arriéré des demandes de visas d'ici le 31 mars 2003.

Équipes de formation et d'intervention spéciale

[27]Il a été mis en preuve qu'en 2001, le défendeur a envoyé des équipes de formation et d'intervention spéciale aux bureaux des visas à l'étranger afin d'éliminer les arriérés aux missions comptant un nombre élevé de cas à traiter. Le défendeur a demandé et obtenu des ressources supplémentaires du gouvernement en 2001 à cette fin. Le Comité a recommandé que ces équipes soient utilisées en 2002 afin d'éliminer les arriérés. Toutefois, le défendeur n'a fait aucune demande de ressources supplémentaires permettant d'affecter ces équipes à cette tâche et d'éliminer l'arriéré d'ici le 31 mars 2003. D'après le témoignage de M. Daniel Jean, directeur général de la Région internationale à Citoyenneté et Immigration Canada, ces équipes peuvent être composées de représentants expérimentés qui sont basés à Ottawa et qui doivent recevoir une formation de deux semaines.

Nombre d'agents qui traitent les demandes de visas à l'étranger

[28]Le nombre réel d'agents d'immigration qui traitent les demandes de visas dans les bureaux situés à l'étranger a baissé en 2002 comparativement à 2001, passant en effet de 1 403 à 1 366.

Absence de mesures visant à traiter l'arriéré avant le 31 mars 2003

[29]Au cours de son contre-interrogatoire, M. Daniel Jean, le principal témoin du défendeur, a mentionné qu'il n'y a pas d'objectif, de programme ou de personnel temporaire en place pour éliminer l'arriéré des demandes, parce que le défendeur atteint actuellement ses niveaux cibles en matière d'immigration. M. Jean a confirmé qu'aucune nouvelle ressource n'était déployée en vue d'éliminer l'arriéré.

Fermeture du bureau des visas de Hong Kong pour une période de trois mois

[30]Environ 11 000 demandes reçues avant le 1er janvier 2002 à Hong Kong ne seront vraisemblablement pas traitées le 31 mars 2003. Le bureau des visas de Hong Kong a été fermé pendant trois mois au cours de l'été 2002 et le personnel a donc cessé d'évaluer les demandeurs. La fermeture avait pour but de former le personnel de Hong Kong au sujet de la nouvelle Loi.

Les demandeurs ne sont pas des resquilleurs

[31]Il importe de souligner que les demandeurs en l'espèce ont respecté les règles et exigences canadiennes afin d'obtenir leur admission au Canada. Ils ne sont pas des «resquilleurs». De plus, ces demandeurs sont généralement des travailleurs qualifiés qui croient qu'ils seraient admissibles à obtenir le droit de s'établir au Canada sous le régime de l'ancien Règlement.

ANALYSE

Rétroactivité

[32]Les demandeurs soutiennent que, malgré l'abrogation de l'ancienne Loi sur l'immigration par l'alinéa 274a) de la LIPR, les droits acquis en vertu de cette ancienne Loi survivent en raison de l'article 43 de la Loi d'interprétation [L.R.C. (1985), ch. I-21] qui a pour effet de préserver les droits acquis et les responsabilités contractées sous le régime du texte législatif abrogé. Les demandeurs ajoutent que l'article 190 de la LIPR n'a pas pour effet d'empêcher cette survie des droits que leur accorde l'ancienne Loi sur l'immigration et que l'application rétrospective de l'article 361 du RIPR n'est pas autorisée dans la législation cadre.

[33]Afin d'évaluer le bien-fondé de cet argument, la Cour doit examiner le libellé des dispositions transitoires de la LIPR et du Règlement pris en vertu de ces dispositions. La Cour présumera que la législation ne doit pas avoir un effet rétrospectif lorsque la disposition touche sensiblement les droits acquis d'une partie: voir Brosseau c. Alberta Securities Commission, [1989] 1 R.C.S. 301. Comme il ne s'agit que d'une présomption, il est possible de la réfuter. Comme le juge Duff l'a dit dans l'arrêt Upper Canada College v. Smith (1920), 61 R.C.S. 413, à la page 419:

[traduction] [. . .] cette intention peut être manifeste ou peut ressortir des déductions nécessaires que comportent les dispositions de la loi ou de l'objet de la loi, ou les circonstances dans lesquelles elle a été adoptée peuvent être telles qu'en elles-mêmes elles réfutent la présomption selon laquelle la loi était destinée seulement à avoir une application pour l'avenir.

[34]Par ailleurs, il est bien reconnu désormais que la Cour peut examiner l'évolution législative d'une disposition lorsqu'elle en interprète le sens: voir R. c. Heywood, [1994] 3 R.C.S. 761, aux pages 787 à 789.

[35]Après avoir examiné le libellé explicite des articles 190 et 201 de la LIPR, la Cour est convaincue que le Parlement voulait que la nouvelle Loi s'applique aux demandes de résidence permanente déposées sous le régime de l'ancienne Loi et qu'il a délégué au gouverneur en conseil le pouvoir de prendre des règlements afin d'établir le régime juridique transitoire applicable à ces demandes. En d'autres termes, le texte législatif indique clairement que le législateur avait l'intention d'appliquer la nouvelle Loi de manière rétrospective et d'autoriser la prise d'un règlement ayant un effet rétrospectif. Il est bien reconnu en droit que le Parlement peut adopter expressément un texte législatif ayant un effet rétroactif ou rétrospectif et que cette expression claire réfute la présomption allant à l'encontre de l'application rétroactive ou rétrospective qui est énoncée à l'article 43 de la Loi d'interprétation.

[36]Le Règlement, qui est tout à fait conforme à la disposition habilitante de la Loi (article 201), prévoit certaines exceptions transitoires à l'égard du régime rétrospectif général. Ces exceptions ne s'appliquent qu'aux demandes déposées avant le 1er janvier 2002. Plus précisément, le paragraphe 361(3) dispose que, jusqu'au 31 mars 2003, des points d'appréciation doivent être attribués aux demandeurs qui appartiennent à la catégorie immigration économique et qui ont présenté leurs demandes avant le 1er janvier 2002 conformément à l'ancien Règlement. Le paragraphe 361(5) énonce que, à compter du 1er avril 2003, ces demandeurs seront évalués en vertu du nouveau Règlement, mais devront obtenir un minimum de 70 points (plutôt que la note de passage générale de 75 points) pour être admissibles dans la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral). À mon avis, ces dispositions indiquent clairement l'intention du gouverneur en conseil d'appliquer le nouveau régime de sélection à tous les demandeurs qui ont présenté une demande avant le 1er janvier 2002 et qui n'auront pas été évalués avant le 1er avril 2003, en leur accordant une prime de 5 points.

[37]Cette interprétation des dispositions transitoires est appuyée par la jurisprudence. Dans Chen c. Canada (Secrétaire d'État) (1995), 91 F.T.R. 76, la Cour fédérale Division de première instance devait interpréter l'article 109 de la Loi modifiant la Loi sur l'immigration et d'autres lois en conséquence, L.C. 1992, ch. 49 (communément appelée le projet de loi C-86), dont le texte est assez semblable à l'article 190 de la LIPR. Le juge Rothstein a statué que ce texte était suffisamment clair pour indiquer que, selon l'intention du législateur, la Loi devait s'appliquer de manière rétrospective (au paragraphe 12):

[. . .] le Parlement a clairement indiqué à l'article 109 la façon d'appliquer les modifications apportées par le projet de loi C-86 à la Loi sur l'immigration. Une telle disposition expresse de la part du législateur a préséance sur toute règle de common law ou disposition générale indiquant que la Loi d'interprétation s'applique en l'absence d'une telle législation.

J'estime donc que l'article 361 du RIPR est une disposition rétrospective valablement autorisée et qu'il devrait s'appliquer selon son libellé. Cela signifie que les demandes déposées après le 1er janvier 2002 doivent être évaluées conformément au nouveau Règlement et que les demandes déposées avant 1er janvier 2002 doivent être évaluées en conformité avec l'ancien Règlement jusqu'au 31 mars 2003.

Mandamus

[38]Le recours en mandamus permet d'exiger l'exécution d'une obligation légale à caractère public lorsqu'une autorité publique refuse ou néglige de remplir cette obligation même si elle a été dûment sommée de le faire: Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration c. Tsiafakis, [1977] 2 C.F. 216 (C.A.).

Critères relatifs au mandamus

[39]Dans Apotex Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 C.F. 742 (C.A.), conf. par [1994] 3 R.C.S. 1100, la Cour d'appel fédérale a examiné en profondeur la jurisprudence concernant le mandamus et énoncé les conditions suivantes qui doivent être respectées pour que la Cour délivre un bref de mandamus:

1) Il doit exister une obligation légale d'agir à caractère public.

2) L'obligation doit exister envers le requérant.

3) Il existe un droit clair d'obtenir l'exécution de cette obligation, notamment:

a) le requérant a rempli toutes les conditions préalables donnant naissance à cette obligation;

b) il y a eu (i) une demande d'exécution de l'obligation, (ii) un délai raisonnable a été accordé pour permettre de donner suite à la demande à moins que celle-ci n'ait été rejetée sur-le-champ et (iii) il y a eu refus ultérieur, express ou implicite, par exemple un délai déraisonnable.

4) Le requérant n'a aucun autre recours adéquat.

5) L'ordonnance sollicitée aura une incidence sur le plan pratique.

6) Dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le tribunal estime que, sur le plan de l'équité, rien n'empêche d'obtenir le redressement demandé.

7) Compte tenu de la «balance des inconvénients», une ordonnance de mandamus devrait être rendue.

Critères 1 et 2:     Obligation d'agir-origine législa-tive

[40]Le défendeur reconnaît au paragraphe 58 de son exposé des faits et du droit que ses fonctionnaires sont légalement tenus de traiter les demandes de visas des demandeurs. En conséquence, les deux premières exigences à remplir pour l'obtention d'un bref de mandamus sont respectées. Il existe une obligation d'agir à caractère public et cette obligation existe envers les demandeurs. Afin de déterminer le contenu de cette obligation, il convient d'en examiner les sources législatives.

[41]Lorsque les demandeurs ont déposé leurs demandes de résidence permanente, l'ancienne Loi était encore en vigueur. Le paragraphe 5(2) de l'ancienne Loi impose clairement au défendeur l'obligation d'accorder le droit d'établissement à une personne qui demande la résidence permanente et qui respecte les exigences législatives pertinentes:

5. [. . .]

(2) Ont droit de s'établir les immigrants qui n'appartiennent pas à une catégorie non admissible et qui remplissent les conditions prévues à la présente loi et à ses règlements.

De plus, le paragraphe 9(2) [mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 4] de l'ancienne Loi impose à l'agent des visas un devoir positif d'évaluer chaque demande de résidence permanente conformément à la Loi et à son Règlement d'application:

9. [. . .]

(2) Le cas du demandeur de visa d'immigrant est apprécié par l'agent des visas qui détermine si le demandeur et chacune des personnes à sa charge semblent répondre aux critères de l'établissement.

Cette obligation de l'agent des visas est maintenue dans la LIPR, qui est entrée en vigueur le 28 juin 2002. Conformément à l'article 190 de la LIPR, toutes les demandes «présentées ou instruites» sont devenues assujetties à celle-ci dès son entrée en vigueur. Selon le paragraphe 2(2) de la LIPR, toute mention de «la présente Loi» (c.-à-d. la LIPR) vaut également mention du Règlement pris sous le régime de celle-ci (RIPR). En conséquence, depuis le 28 juin 2002, les demandes des demandeurs sont régies par la LIPR et le RIPR. En vertu du paragraphe 361(3) du RIPR, les demandes de la catégorie «immigration économique» déposées avant le 1er janvier 2002 doivent continuer à être évaluées conformément au système de sélection en vigueur à la date de leur dépôt jusqu'au 31 mars 2003.

[42]Il est donc évident qu'à première vue, l'obligation du défendeur envers les personnes qui ont déposé leurs demandes avant le 1er janvier 2002 consiste à évaluer ces demandes conformément au système de sélection applicable en vertu de l'ancienne Loi. Cette obligation ressort clairement du cadre législatif. Elle est née dans le cas de chacun des demandeurs au moment où ceux-ci ont déposé leurs demandes de résidence permanente. Jusqu'au 31 mars 2003, la même obligation demeure en vigueur dans le cas de tous les demandeurs qui ont déposé leurs demandes avant le 1er janvier 2002.

[43]La LIPR elle-même énonce également des obligations semblables à celles qui découlent de l'ancienne Loi. Ainsi, le paragraphe 11(1) de la LIPR est analogue au paragraphe 9(2) de l'ancienne Loi en ce qui concerne l'obligation de l'agent des visas en matière d'évaluation:

11. (1) L'étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l'agent les visa et autres documents requis par règlement, lesquels sont délivrés sur preuve, à la suite d'un contrôle, qu'il n'est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

Le contenu de l'obligation de l'agent prévue par la LIPR devrait certainement être interprété à la lumière des autres dispositions de cette Loi, notamment l'alinéa 3(1)f), qui renvoie à «la prise de normes uniformes et l'application d'un traitement efficace».

[44]Le ministre est responsable de ses agents des visas et il est à peu près impossible de nommer chacun des agents des visas travaillant à l'étranger. Un «agent des visas» est défini au paragraphe 2(1) de l'ancienne Loi sur l'immigration comme un «agent d'immigration en poste à l'étranger et autorisé par arrêté du ministre à délivrer des visas». Le défendeur ne s'oppose pas au fait qu'il soit désigné partie défenderesse en l'espèce plutôt que chacun des agents des visas.

Critère 3:     Droit d'exiger l'exécution de l'obliga-tion

[45]Les demandeurs en l'espèce ont respecté les exigences préalables à la naissance de l'obligation. Ils ont rempli leurs demandes auxquelles ils ont joint toutes les pièces justificatives exigées ainsi que le paiement des frais de traitement. Ils ont également demandé, dans la plupart des cas à maintes reprises, l'exécution de l'obligation. La question cruciale à trancher est de savoir si le défendeur a refusé de se conformer à son obligation d'origine législative. Comme la jurisprudence l'indique, ce refus peut être explicite ou tacite. La négligence liée à l'exécution de l'obligation ou un retard déraisonnable à cet égard peuvent être considérés comme un refus implicite.

Critères 4 et 5:     Les demandeurs n'ont aucun autre recours adéquat et l'ordonnance sollicitée aura une incidence sur le plan pratique

[46]Le préjudice que les demandeurs risquent de subir si leur demande de mandamus est refusée pourrait être irréparable, c'est-à-dire que les chances qu'ils ont d'obtenir un visa d'immigrant canadien seront sensiblement amoindries. Le droit qu'ils ont, en vertu de la loi, d'être évalués selon l'ancien régime de sélection sera nié si leur demande n'est pas traitée d'ici la date limite. La possibilité que les demandeurs soient évalués en vertu du nouveau système ne constitue pas un redressement satisfaisant dans la mesure où il est probable qu'ils ne seront pas admissibles à obtenir un visa. L'ordonnance de mandamus constitue la seule façon pratique de protéger leur droit d'être évalués sous le régime de l'ancien Règlement.

Critère 6:     Dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, la Cour estime que, en vertu de l'équité, rien n'empêche d'obtenir le redressement demandé

[47]En vertu de l'équité, rien n'empêche la Cour d'exercer son pouvoir discrétionnaire en faveur des demandeurs. Ils ne sont pas responsables du retard et n'ont pas compromis leur cause d'une autre façon. Aucun reproche ne peut leur être adressé et rien n'empêche la Cour, en vertu de l'équité, de rendre une ordonnance de mandamus.

Critère 7:     Compte tenu de la «balance des inconvénients», une ordonnance de mandamus devrait être rendue

[48]J'estime que la balance des inconvénients joue en faveur des demandeurs, étant donné que le retard peut sérieusement porter atteinte à leur droit d'obtenir un visa.

Cinq cas dans lesquels une ordonnance de mandamus a été rendue contre le défendeur

[49]La négligence liée à l'exécution de l'obligation ou un retard déraisonnable à cet égard peuvent être assimilés à un refus tacite. La Cour fédérale a rendu à maintes reprises une ordonnance de mandamus contre le ministre par suite de retards de traitement déraisonnables dans des dossiers d'immigration ou de citoyenneté. Ainsi, dans Bhatnager c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1985] 2 C.F. 315 (1re inst.), le demandeur était un membre parrainé de la catégorie de la famille et le défendeur a attribué le délai de traitement à une enquête concernant l'authenticité du mariage ainsi qu'à des vérifications des antécédents. Aucune décision n'a été prise dans les quatre ans et demi suivant la date du dépôt de la demande. Le juge Strayer (alors juge de la Section de première instance de la Cour fédérale) a statué que le délai était déraisonnable et équivalait à un refus de prendre une décision, ce qui justifiait une ordonnance de mandamus à l'encontre du ministre.

[50]Dans Dee c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 46 Imm. L.R. (2d) 278 (C.F. 1re inst.), aucune décision n'avait été prise en quatre ans relativement à une demande du droit d'établissement, malgré des promesses répétées selon lesquelles une décision serait prise sous peu. Le défendeur a attribué le délai à une enquête concernant les activités criminelles auxquelles le demandeur se serait livré à l'étranger, mais n'a pu fournir aucune preuve convaincante à ce sujet. Le juge Muldoon n'a pas accepté les garanties du défendeur selon lesquelles «[il] traite activement la demande de résidence permanente du demandeur et qu'une décision est attendue dans les quatre prochains mois» (au paragraphe 4). Il a prononcé une ordonnance de mandamus et accordé au demandeur des frais sur la base avocat-client.

[51]Dans Conille c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 C.F. 33 (1re inst.), aucune décision n'avait été prise dans une demande de citoyenneté en raison d'une enquête du SCRS qui n'était toujours pas terminée après trois ans. Mme la juge Tremblay-Lamer a souligné que, même si la loi n'imposait aucun délai quant à l'exercice des pouvoirs accordés aux enquêteurs du SCRS, ceux-ci étaient implicitement tenus de terminer leurs enquêtes dans un délai raisonnable. Elle a donc rendu une ordonnance de mandamus sommant l'enquêteur du défendeur de mettre fin à l'enquête, à moins que des motifs sérieux justifiant la poursuite de celle-ci ne puissent être établis dans un délai précis.

[52]L'affaire Platonov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 192 F.T.R. 260 (C.F. 1re inst.), concernait une demande de résidence permanente dans la catégorie des investisseurs. Le demandeur a été interrogé par un agent des visas et sa demande a été approuvée provisoirement. Les examens médicaux ont été complétés et le montant exigé a été déposé dans le fonds des investisseurs. Le demandeur s'est même soumis à une deuxième entrevue. Cependant, après un délai de trois ans, le défendeur n'avait toujours pas terminé l'examen des antécédents des personnes et entreprises avec lesquelles le demandeur avait entretenu des liens d'affaires. Le juge MacKay a rendu une ordonnance de mandamus, citant les décisions Bhatnager, Dee et Conille, précitées.

[53]Dans Bouhaik c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 155 (1re inst.) (QL), le demandeur a déposé une demande du droit d'établissement après avoir été reconnu comme réfugié au sens de la Convention. Cependant, un délai de quatre ans imputable aux enquêtes du SCRS au sujet des questions de sécurité s'est écoulé avant que le demandeur soit accepté. Tout en reconnaissant l'importance des questions de sécurité, le juge Lemieux a statué que les circonstances du délai étaient aussi déraisonnables que celles de l'affaire Bhatnager et a rendu une ordonnance de mandamus sommant le défendeur de prendre une décision finale au sujet de la demande dans les six mois suivant la date de l'ordonnance.

Caractère raisonnable du délai

[54]Les décisions précitées renferment des commentaires utiles au sujet de l'évaluation du caractère raisonnable d'un délai donné. Ainsi, dans l'arrêt Bhatnager, précité, le juge Strayer s'est exprimé comme suit à la page 317:

[. . .] un bref de mandamus peut être délivré pour exiger qu'une décision soit rendue. Normalement, il en est ainsi lorsqu'il y a eu refus exprès de rendre une décision, mais ce peut être également le cas lorsqu'on tarde beaucoup à rendre une décision sans donner d'explication suffisante.

Le juge Strayer a énoncé deux éléments indiquant qu'un retard est déraisonnable: sa longue durée et l'absence d'explication suffisante à son sujet. Ces paramètres ont été précisés dans la décision Conille, précitée, où Mme la juge Tremblay-Lamer a souligné, au paragraphe 23, qu'un retard sera jugé déraisonnable si:

1) le délai en question a été plus long que ce que la nature du processus exige de façon prima facie;

2) le demandeur et son conseiller juridique n'en sont pas responsables; et

3) l'autorité responsable du délai ne l'a pas justifié de façon satisfaisante.

Dans la présente affaire, les demandeurs ne sont pas responsables du retard: ils ont respecté les formalités prévues dans la Loi et le Règlement dans la mesure du possible, en fournissant les documents à l'appui nécessaires et en payant les frais de traitement prescrits. En conséquence, l'enquête doit porter sur la durée du retard et sur la nature de la justification que le défendeur a invoquée.

[55]Quelques-uns des demandeurs attendent depuis deux et même trois ans. Quelle période qui serait considérée comme un délai d'attente trop long en ce qui concerne le traitement d'un dossier d'immigration? Dans la décision Bhatnager, précitée, le retard a duré quatre ans et demi; dans les décisions Dee et Bouhaik, il s'agissait d'un retard d'environ quatre ans et, dans les décisions Conille et Platonov, d'environ trois ans. Tous ces délais ont été jugés déraisonnables à la lumière des faits mis en preuve. D'après ce qu'a dit le juge Strayer dans la décision Bhatnager, à la page 317, les décisions n'ont pas eu pour effet «de fixer un délai qui servirait de limite à ce qui est raisonnable». Dans la décision Platonov, le juge MacKay a également formulé une mise en garde au sujet de cette approche au paragraphe 10:

Chaque cas est un cas d'espèce, et je ne crois pas que la jurisprudence relative à la présente affaire soit particulièrement utile, sauf pour indiquer certains paramètres à l'intérieur desquels la Cour a rendu une ordonnance de mandamus lorsqu'elle a conclu à un retard inhabituel qui n'est pas raisonnablement expliqué.

[56]Il est nécessaire d'examiner dans chaque cas les conséquences du délai et le préjudice qui peut en découler.

[57]Dans Kanes c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 72 F.T.R. 226 (C.F. 1re inst.), le juge Cullen a statué que le délai relatif au traitement de la demande du demandeur était déraisonnable non pas en raison de sa durée, mais plutôt en raison du préjudice qu'il a occasionné à celui-ci par suite d'une modification législative. Au paragraphe 26 de cette décision, il a précisé que, dans ces circonstances, «on ne pouvait pas recourir à la modification législative au détriment du requérant». Dans la même veine, dans Meikle c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1997), 137 F.T.R. 304 (C.F. 1re inst.), le juge suppléant Heald [au paragraphe 17] a conclu qu'un délai de 20 mois était déraisonnable dans des circonstances où il «a eu pour effet de priver le requérant de droits qu'il pouvait exercer».

[58]Le défendeur soutient que le retard est imputable aux ressources restreintes dont il dispose alors que le volume de demandes d'immigration ne cesse d'augmenter. Dans les décisions Conille et Platonov, le retard a été attribué à un arriéré des enquêtes en matière de sécurité et la Cour n'a pas considéré cette explication comme une justification raisonnable. Dans la décision Kanes, le juge Cullen a fait remarquer ce qui suit au paragraphe 26:

L'intimé a décrit l'énorme charge de travail que doit supporter le Ministère, mais cela ne peut pas justifier en l'espèce son retard dans l'étude d'une demande valable, laquelle aurait été acceptée n'eût été le retard et la modification législative.

En conséquence, il existe amplement de précédents jurisprudentiels justifiant la délivrance d'une ordonnance de mandamus afin d'exiger l'évaluation des demandes de visas lorsque l'excuse invoquée au soutien du retard réside dans l'énorme charge de travail des autorités de l'Immigration et que le délai peut causer un préjudice majeur au demandeur.

L'obligation et le manquement à celle-ci

[59]Le défendeur admet qu'il est légalement tenu de traiter les demandes de visas d'immigrants en l'espèce. En février 2002, le défendeur a annoncé, [traduction] «par souci de justice et d'équité», une prorogation de six mois à l'égard de l'évaluation des demandes sous le régime de l'ancien Règlement, de façon que la date limite passe du 28 juin au 31 décembre 2002. Étant donné que cette prorogation proposée de six mois n'était pas satisfaisante aux yeux du Comité parlementaire chargé de l'analyse du projet de Règlement et que le Comité a recommandé une autre prorogation de trois mois de façon à permettre l'évaluation de l'arriéré des demandes sous le régime de l'ancien Règlement, le gouverneur en conseil a accordé une prorogation jusqu'au 31 mars 2003, laquelle prorogation visait implicitement à permettre l'évaluation de l'arriéré des demandes.

[60]En ce qui concerne les demandes déposées avant le 1er janvier 2002, la Cour estime que le défendeur a l'obligation tacite de déployer tous les efforts voulus pour évaluer ces demandes avant le 31 mars 2003. Il appert de la preuve présentée à la Cour que le défendeur n'a déployé aucun effort en ce sens et qu'il a traité les demandes pendantes comme s'il n'y avait aucune date limite à leur égard.

[61]La Cour en arrive à la conclusion que le défendeur a négligé de se conformer à son devoir implicite de déployer tous les efforts voulus pour évaluer les demandes avant le 31 mars 2003 pour les neuf raisons qui suivent:

1) le défendeur a ignoré l'objet législatif inhérent à la prorogation du délai relatif à l'évaluation de ces demandes; il a également omis d'adopter l'avis et les recommandations raisonnables du Comité parlementaire ou de suivre d'autres procédures concernant la façon d'évaluer ces demandes à l'intérieur du délai prorogé et il a ignoré l'objectif de la LIPR qui est énoncé à l'alinéa 3(1)f), soit le «traitement rapide» des demandes de visas;

2) le principal témoin a dit au cours de son témoignage que le défendeur n'avait déployé aucun effort spécial en vue de traiter l'arriéré avant le 31 mars 2003, étant donné que le défendeur n'avait pas d'objectif, de programme ou de personnel à cette fin ni n'avait demandé de ressources supplémentaires à cet égard;

3) le défendeur n'a formulé aucun engagement ministériel visant à traiter les cas en priorité afin d'éliminer cet arriéré;

4) les bureaux des visas ayant à traiter un grand nombre de demandes n'ont pas réévalué leurs politiques générales en matière d'entrevues avec les demandeurs afin de traiter un plus grand nombre de demandes avant le 31 mars 2003;

5) le défendeur n'a pas envoyé d'équipes de formation et d'intervention spéciale aux bureaux des visas ayant à traiter un grand nombre de demandes afin de permettre le traitement des arriérés avant le 31 mars 2003, malgré la pratique antérieure qu'il avait suivie à cet égard;

6) le défendeur n'a pas augmenté les ressources affectées au traitement de ces demandes, malgré un surplus de recettes de 125 000 000 $ provenant des frais exigés des demandeurs comparativement aux dépenses engagées par les bureaux des visas situés à l'étranger pour l'exercice terminé le 31 mars 2002;

7) le représentant du défendeur a mal informé le Comité parlementaire au sujet du nombre de demandes de visas qui ont été déposées avant le 1er janvier 2002 et qui ne seraient vraisemblablement pas traitées avant la date limite et le défendeur n'a pas informé le Parlement de cette erreur lorsque celle-ci est devenue évidente. (C'est sur la foi de ce renseignement erroné que le Comité a recommandé que la date limite relative au traitement des demandes soit reportée au 31 mars 2003, afin qu'il soit possible de traiter l'arriéré mal évalué d'ici cette date);

8) quelques-uns des demandeurs attendent une entrevue depuis plus de trois ans. Bon nombre d'entre eux ont été avisés que le bureau des visas communiquerait avec eux dans un délai de 15 mois pour fixer une date d'entrevue. Or, ils n'ont pas été joints à cette fin et apprennent maintenant que, par suite de modifications législatives, leurs chances d'obtenir un visa d'immigrant canadien seront réduites;

9) le défendeur a fermé le bureau des visas de Hong Kong pendant trois mois en 2002 afin de former le personnel plutôt que de demander à celui-ci de faire de son mieux pour évaluer l'arriéré des demandes avant le 31 mars 2003.

Délai nécessaire à l'évaluation des 102 demandes déposées avant le 1er janvier 2002

[62]Étant donné que les 102 demandes déposées avant le 1er janvier 2002 ont fait l'objet d'une sélection administrative, il suffit que les demandeurs en question se soumettent à une entrevue avant de pouvoir être évalués sous le régime de l'ancien Règlement. La durée moyenne d'une entrevue étant d'une heure, le défendeur a besoin de 102 heures-personnes pour évaluer ces demandes. Compte tenu du fait que ces demandes sont présentées à plusieurs bureaux des visas différents et que le défendeur compte des centaines d'agents des visas à l'étranger, il est en mesure de joindre, d'interroger et d'évaluer immédiatement les demandeurs dans les trois prochaines semaines, bien avant le 31 mars 2003. Il n'est pas nécessaire, pour l'application du paragraphe 361(3) du Règlement, que les vérifications médicales et les contrôles de sécurité soient terminés avant cette date ou qu'un visa soit accordé ou refusé. Il suffit simplement que des points d'appréciation soient attribués à un ressortissant étranger conformément à l'ancien Règlement d'ici cette date. Dans l'éventualité où le défendeur ne peut manifestement pas évaluer l'une ou l'autre de ces demandes d'ici le 24 mars 2003, la Cour conserve la compétence voulue pour examiner une demande de redressement subsidiaire que l'une ou l'autre des parties présenterait.

Étape de la sélection administrative

[63]Les parties ont soulevé plusieurs autres questions qu'il n'est pas nécessaire de trancher en l'espèce, compte tenu des conclusions de la Cour. Ainsi, il n'est pas nécessaire de décider si le «résumé du dossier d'évaluation de l'immigrant» préparé lors de la sélection administrative constitue une attribution de points d'appréciation aux fins du paragraphe 361(3). Il s'agit d'une évaluation préliminaire qui pourrait être modifiée à l'étape de l'entrevue. Ce n'est pas une décision finale. Le paragraphe 361(5) énonce que, lorsqu'un ressortissant étranger n'a pas obtenu le nombre de points d'appréciation exigé par l'ancien Règlement avant le 1er avril 2003, il devra obtenir un minimum de 70 points d'après les facteurs mentionnés dans le nouveau Règlement.

CONCLUSION

[64]Pour les motifs exposés ci-dessus, la Cour délivrera un bref de mandamus dans les 102 dossiers énumérés à l'annexe «A» ci-jointe afin d'enjoindre au défendeur et à ses agents d'évaluer les 102 demandeurs en question au plus tard le 31 mars 2003 et de leur attribuer des points d'appréciation conformément à l'ancien Règlement. Les demandes de contrôle judiciaire énoncées à l'annexe «B» ci-jointe à l'égard des demandeurs qui ont déposé leurs demandes après le 1er janvier 2002 seront rejetées.

[65]La présente instance s'applique uniquement aux demandes qui ont été réunies en l'espèce. Les parties ont travaillé fort au cours des cinq derniers mois afin que ces demandes soient entendues avant le 31 mars 2003 et il est trop tard maintenant pour que la Cour examine avant cette date de nouvelles demandes de bref de mandamus à l'égard des quelque 80 000 à 120 000 demandes de visas qui ont été déposées avant le 1er janvier 2002.

[66]Comme la Cour l'a mentionné à la fin de l'audience, les parties pourront déposer des observations écrites au sujet de toute question grave de portée générale qui devrait être certifiée aux fins de l'appel ainsi qu'au sujet des dépens à adjuger. La Cour demande ces observations dans un délai de quatre jours et la réponse connexe dans les deux jours qui suivent.

SCHEDULE A

Applications submitted prior to January 1, 2002

1. ABEDIN, Ziaul    IMM-3193-02

2. AKHVLEDIANI, David     IMM-3151-02

3. ALIX, Jacinto    IMM-2959-02

4. AL-RAWAHI, Wahida    IMM-2960-02

5. ARORA, Sunil Kumar    IMM-3037-02

6. ASAI, Hiroshi    IMM-3140-02

7. AZARBAEIJANI, Youksel Abak    IMM-3152-02

8. BEHBEHANI, Ali    IMM-3139-02

9. BHARGAV, Dave    IMM-3057-02

10. BUTYRINA, Veronika    IMM-3027-02

11. CHEN, Baoguan    IMM-2989-02

12. CHEN, Emila Klaudia    IMM-3033-02

13. CHEN, Hua    IMM-3075-02

14. CHEN, Kerong    IMM-2955-02

15. CHEN, Qindi    IMM-2978-02

16. CHEN, You    IMM-3106-02

17. CHENG, Jun    IMM-3049-02

18. HEYDADABHAI, Mohamed    IMM-3045-02

19 DENG, Xiao Ling    IMM-2947-02

20 DESAI, Malay P.    IMM-3029-02

21. FENG, Ping    IMM-2941-02

22. FIROUZ, Farshad Jarrahi    IMM-3171-02

23. GALVEZ, Gael    IMM-3034-02

24. GIZATTULIN, Rustam    IMM-3117-02

25. GUNAWAN, Arief B.    IMM-3039-02

26. GUPTA, Vanita    IMM-3027-02

27. HE, Yi Bing    IMM-3054-02

28. HENDRAWAN, W.    IMM-3035-02

29. HEYDARIKHABAZ, Alireza    IMM-3179-02

30. IIZAWA, Kaori    IMM-3177-02

31. JAYA, Dwi    IMM-3015-02

32. KAMYABEE, Leah    IMM-3090-02

33. KAYADARMA, Mardi Emmanuel    IMM-3044-02

34. KEIVAN, Katayoun    IMM-3167-02

35. KHOE, Houw Kok    IMM-3076-02

36. KIM, Hak Soo    IMM-3190-02

37. KIM, Hwi Joo    IMM-3181-02

38. KIM, Jung Hwan    IMM-3154-02

39. KO, Hui Lin    IMM-2944-02

40. KUBOTA, Yuko    IMM-3188-02

41. KURATA, Maki    IMM-3189-02

42. LEE, Shih Wei    IMM-2943-02

43. LIM, Choo Meng    IMM-3095-02

44. LIN, Changyan    IMM-3011-02

45. LIU, A Lin    IMM-2946-02

46. MA, Xiang Jun    IMM-3042-02

47. MAJUMDAR, Anup    IMM-3077-02

48. MANTOFANI, Maria    IMM-3064-02

49. MOMENGHALIBAF, Kia    IMM-3170-02

50. MORI, Kazuhide    IMM-3191-02

51. NARENDRA, Khamesera    IMM-3062-02

52. NIKOEI, Mehdi    IMM-3121-02

53. NOROOZI, Farhad    IMM-2968-02

54. NUH, Jacob    IMM-3061-02

55. OMIDI, Golnoush Jamal    IMM-3163-02

56. PARMAR, Shreyashk    IMM-3050-02

57. PATEL, Devesh Chimanlal    IMM-3073-02

58. PATEL, Hemantkumar    IMM-3059-02

59. PATEL, Hitesh Arvin    IMM-2984-02

60. PATEL, Hiteshkumar    IMM-3063-02

61. PATEL, Kanubhai    IMM-2983-02

62. PATEL, Kinjalkumar    IMM-2985-02

63. PATEL, Manish P.    IMM-3030-02

64. PATEL, Rajendrakumrar K.    IMM-3074-02

65. PATEL, Shital    IMM-3069-02

66. PATEL, Vikas    IMM-2986-02

67. PEGETA, Yaroslava    IMM-3120-02

68. PRANJOTO, Sharon    IMM-3016-02

69. PROTSYK, Ivan    IMM-2979-02

70. PYRCZ, Roman    IMM-3183-02

71. SADOUGHI, Maryam    IMM-3174-02

72. SHAFIEIAZAD, Foroughazam    IMM-3158-02

73. SHAH, Tejas    IMM-3066-02

74. SHAMASEBLOO, Shaghayegh    IMM-3161-02

75. SHEGNAGAEV, Valeri    IMM-3111-02

76. SHIROMA, Ryo    IMM-3180-02

77. SIMANJENKOV, Vassili    IMM-3079-02

78. SINOJIA, Nitinkumar    IMM-3040-02

79. SITCHOUK, Petro    IMM-3098-02

80. SONG, Dequang    IMM-3014-02

81. SONG, Yun    IMM-3056-02

82. SOUCHKOVA, Larissa    IMM-2974-02

83. SURI, Manav    IMM-3060-02

84. SURJANTO, Lemuel    IMM-3072-02

85. TAHMASBI, Reza    IMM-3087-02

86. TANDEL, P.    IMM-3067-02

87. TANG, Chun-Tat    IMM-2963-02

88. TASAKI, Jitsuya    IMM-3184-02

89. VAHABI, Ali Pour    IMM-3169-02

90. WAN, Lihua    IMM-3022-02

91. WANG, Jianping    IMM-3021-02

92. WANG, Jinbo    IMM-3083-02

93. WANG, Tao    IMM-2940-02

94. WANG, Wenquan    IMM-3080-02

95. WANG, Yi    IMM-3053-02

96. WEI, Yun Yi    IMM-3068-02

97. YANG, Lu Ning    IMM-3185-02

98. ZARE, Hamid Reza    IMM-3157-02

99. ZARYAN, Flora    IMM-3159-02

100. ZHANG, Dan Mu    IMM-3186-02

101. ZHANG, Jianbo    IMM-3046-02

102. ZHAO, Jianzhong    IMM-3018-02

SCHEDULE B

Applications submitted after January 1, 2002, but prior to June 28, 2002

1. CHARMCHI, Fahimeh     IMM-3173-02

2. CHEN, Xueya     IMM-3078-02

3. DE SILVA, Henda Hewa Prema

Ravindra     IMM-3089-02

4. DRAGAN, Laurentiu     IMM-3020-02

5. EYIBAS, Ersin     IMM-3155-02

6. IMANI, Mohammad     IMM-3160-02

7. JASPER, Steve     IMM-3108-02

8. KAMEL, Fahmy Elia     IMM-3118-02

9. KARPOV, Alexandr     IMM-3110-02

10. LIMA, Isabela     IMM-3156-02

11. LIN, Meiyu     IMM-3097-02

12. LIRAVI, Fazlollah Amir     IMM-3168-02

13. MOVAGHAR, Saeid Khosravi     IMM-3166-02

14. NAHIN, Siarhei     IMM-3164-02

15. PANG, Bo         IMM-2966-02

16. PETRASHKO, Ihor     IMM-3116-02

17. SEYF, Amirmohammad     IMM-3172-02

18. SEYF, Maryam     IMM-3165-02

19. SHAHRASBI, Mersedeh     IMM-3103-02

20. SURUDZHIYSKA, Krasimira

Stefanova     IMM-3104-02

21. TAVAHODI, Mana     IMM-3084-02

22. ZAND, Ghasem     IMM-3162-02

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.