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A-572-01

2002 CAF 454

Parke-Davis Division, Warner-Lambert Canada Inc. et La société Warner Lambert Company (appelantes) (demanderesses)

c.

Le ministre de la Santé et Apotex Inc. (intimés) (défendeurs)

Répertorié: Parke-Davis Division c. Canada (Ministre de la Santé) (C.A.)

Cour d'appel, juges Linden, Sexton et Sharlow, J.C.A. --Toronto, 23 octobre et 18 novembre 2002.

Brevets -- Cession au domaine public -- Le juge de la C.F. 1re inst. a rejeté la demande d'ordonnance visant à interdire au ministre de délivrer un avis de conformité (ADC) pour le médicament atorvastatine calcique, statuant qu'Apotex pouvait alléguer l'invalidité du brevet puisqu'il avait été cédé au domaine public et que la cession n'avait pas été révoquée -- Warner-Lambert avait transmis à l'Office de la propriété intellectuelle du Canada une longue liste de brevets pour cession au domaine public -- Le brevet 768, concernant le médicament en cause, était inclus dans la liste -- L'avis de cession a été publié dans la Gazette du Bureau des brevets -- La division Parke-Davis de Warner-Lambert a obtenu un ADC pour le «Lipitor» (la marque de commerce du médicament en cause) -- Le «Lipitor» est devenu un médicament très vendu -- Warner-Lambert a acquitté les taxes annuelles de maintien en l'état pour le brevet 768 -- Apotex, s'appuyant sur la cession au domaine public, a voulu produire et commercialiser un produit concurrent -- Elle a signifié un avis d'allégation portant que le brevet  768 était invalide -- Les appelantes ont découvert l'erreur et fait publier dans la Gazette du Bureau des brevets un avis indiquant qu'elles n'avaient pas renoncé à leurs droits dans le brevet -- Le juge de 1re inst. a conclu que par suite de la cession tous les droits rattachés au brevet cédé prenaient fin et ne pouvaient être repris -- Elle a correctement conclu que Parke-Davis avait qualité, à titre de titulaire exclusive de licence, pour demander l'ordonnance de prohibition -- Elle a toutefois rejeté à tort l'argument voulant que l'avis d'allégation ne soit pas justifié parce qu'Apotex n'avait pas déposé de présentation de drogue nouvelle -- La C.A.F. a interprété le Règlement MBADC et expliqué sa relation avec le Règlement sur les aliments et drogues -- Quiconque veut commercialiser un médicament comparable est soumis à des exigences -- Le juge de 1re inst. a omis de déterminer la validité d'un avis d'allégation lorsque, aucune présentation de drogue nouvelle n'a été déposée à la date de l'audience -- Il serait inutile d'examiner une demande d'interdiction lorsque le ministre n'a même pas été appelé délivrer un ADC -- Le silence de la Loi sur les brevets sur la question de savoir si la cession du brevet au domaine public éteint les droits de brevets n'est pas déterminant -- La Cour a examiné la loi des É.-U. et celle du R.-U. -- Une opération reconnue en common law qui ne va à l'encontre d'aucune disposition de la Loi peut toucher les droits de brevet -- La reconnaissance que la cession au domaine public pourrait éteindre des droits de brevet ne cause pas de préjudice au public ou au régime des brevets -- En fait, ce type de cession est devenu une pratique établie souhaitée par le monde des affaires qui peut s'accomplir par la publication d'une avis dans la Gazette du Bureau des brevets -- Comme le don, la cession au domaine public est irrévocable sauf si elle est invalide pour cause d'erreur -- Le juge de 1re inst. a conclu que la cession a été faite «délibérément dans un contexte où régnaient la confusion et des problèmes de communication» -- Une mesure prise dans ces conditions ne peut être intentionnelle -- La preuve circonstancielle et d'autres éléments de preuve sont incompatibles avec l'intention de céder le brevet  768 au domaine public.

Il s'agit de l'appel du rejet par Mme le juge Dawson d'une demande fondée sur le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) visant à obtenir une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité (ADC) à Apotex Inc. (Apotex) en liaison avec le médicament atorvastatine calcique, avant l'expiration du brevet 1268768 (brevet 768). Le brevet avait été accordé à Warner-Lambert, l'une des appelantes, le 8 mai 1990 et il arrive à expiration le 8 mai 2007. En 1992, la division Parke-Davis de Warner-Lambert a préparé une liste de tous les brevets non utilisés détenus par Warner-Lambert. Le plan était de céder les droits de ces brevets au domaine public pour ne pas avoir à rembourser un excédent de revenus en vertu du régime de surveillance des prix relevant du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. La notion de «cession au domaine public» n'est pas mentionnée dans la Loi sur les brevets, mais il s'est établi une pratique selon laquelle le titulaire d'un brevet communique à l'Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) son intention de céder son brevet et un avis de cession est alors publié à la Gazette du Bureau des brevets. Warner-Lambert a envoyé à l'OPIC une liste énumérant un grand nombre de brevets à céder au domaine public, dont le brevet 768. L'avis de cession au domaine public du brevet 768 a été publié dans le numéro du 4 avril 1995 de la Gazette du Bureau des brevets. Cependant les taxes annuelles prescrites à l'article 46 de la Loi sur les brevets pour le maintien en l'état ont été acquittées chaque année à l'égard du brevet 768. Le 19 février 1997, Parke-Davis a obtenu un ADC du ministre de la Santé pour le «Lipitor», sa marque de commerce pour le médicament réducteur de cholestérol, l'atorvastatine calcique, décrit dans le brevet 768. Le «Lipitor» est devenu le deuxième médicament d'ordonnance le plus vendu au Canada.

Le fabricant de médicaments génériques Apotex, se fondant sur la cession au domaine public du brevet 768, a commencé à travailler à la production d'un médicament commercialisable contenant de l'atorvastatine calcique et, le 16 août 1999, elle a signifié par lettre à Parke-Davis un avis d'allégation portant que le brevet 768 était invalide parce qu'il avait été cédé au domaine public. Les appelantes ont soutenu que l'inclusion du brevet 768 dans la liste des brevets cédés au domaine public était une erreur qui n'a été découverte qu'au milieu de 1997. Elles ont écrit au commissaire aux brevets pour l'en informer et demander qu'un avis de rétractation de la cession soit publié à la Gazette du Bureau des brevets. Un avis déclarant que Warner-Lambert n'avait pas renoncé aux droits du brevet 768 a été publié dans le numéro du 25 août 1998.

Les appelantes ont demandé une ordonnance 1) interdisant au ministre de la Santé de délivrer à Apotex un ADC à l'égard du médicament atorvastatine calcique avant l'expiration du brevet 768, 2) déclarant l'invalidité de l'avis d'allégation et 3) déclarant que les allégations de l'avis d'allégation ne sont pas justifiées. Le juge de première instance a rejeté la demande, statuant que la cession d'un brevet au domaine public éteint tous les droits rattachés au brevet, lesquels ne peuvent être repris. Le juge a tiré la conclusion de fait que les appelantes n'avaient pas réussi à établir que la cession au domaine public était une erreur.

Arrêt: l'appel doit être accueilli et une ordonnance doit être rendue, déclarant que l'avis d'allégation est sans effet juridique.

Le juge de première instance n'a pas commis d'erreur en concluant que Parke-Davis avait qualité, comme titulaire exclusive de licence, pour demander l'ordonnance de prohibition. Même si l'employé de Parke-Davis ayant souscrit l'affidavit attestant de la qualité de titulaire exclusive a refusé en contre-interrogatoire de produire une copie de licence, l'incident n'était pas fatal puisque la propriétaire incontestée du brevet, Warner-Lambert, était partie à l'instance.

Le juge, toutefois, a commis une erreur en rejetant l'argument selon lequel l'avis d'allégation n'était pas justifié parce qu'Apotex n'avait pas déposé de présentation de drogue nouvelle. Selon l'interprétation de la Cour du Règlement MBADC, Apotex doit avoir déposé une présentation de drogue nouvelle à la date d'audience de la demande d'ordonnance d'interdiction. La résolution de ce point pose une question d'interprétation législative et, pour répondre à la question étroite soulevée en l'espèce, il faut comprendre en détail le régime établi par le Règlement et, en particulier, la relation entre le Règlement MBADC et le Règlement sur les aliments et drogues. L'exigence de la présentation de drogue nouvelle existait avant l'adoption du Règlement MBADC et elle s'applique toujours. Le fabricant de médicaments qui dépose une présentation de drogue nouvelle ou auquel un avis de conformité a été délivré peut soumettre une liste de brevets conformément à l'article 4 du Règlement MBADC, et il devient la «première personne», selon la définition de l'article 2. L'article 7 du Règlement MBADC interdit au ministre de la Santé de délivrer un ADC à l'égard d'un médicament qui se compare à un autre médicament commercialisé au Canada aux termes d'un ADC délivré à une première personne et à l'égard duquel une liste de brevets a été soumise, à moins que l'article 5 du Règlement MBADC n'ait été observé. Selon cette disposition, quiconque a l'intention de commercialiser un médicament comparable est tenu, dans sa présentation de drogue nouvelle, de faire l'une des déclarations suivantes: 1) qu'il accepte que l'avis de conformité ne soit pas délivré avant l'expiration du brevet; 2) que la première personne a fait une déclaration fausse; 3) que le brevet est expiré; 4) que le brevet est invalide; 5) que le médicament faisant l'objet de la demande d'ADC ne contreferait aucune revendication pour le médicament ou pour son utilisation. La personne tenue de satisfaire à l'article 5 est la «seconde personne» et elle doit aussi fournir un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels elle fonde son allégation. Dans le cas d'une allégation de non-contrefaçon, la seconde personne doit déposer sa présentation de drogue nouvelle avant la signification de l'avis d'allégation à la première personne ou au moment de cette signification. La première personne peut alors demander l'ordonnance d'interdiction prévue au paragraphe 6(1) du Règlement et elle a la charge d'établir que les allégations de l'avis d'allégation ne sont pas fondées. Si la première personne informe le ministre qu'elle a engagé la procédure prévue au paragraphe 6(1), il est sursis à la délivrance de l'ADC pendant un délai de 24 mois. Il n'y a pas de jurisprudence concernant la situation où la demande d'ordonnance d'interdiction repose sur un avis d'allégation présenté par une personne qui n'a pas encore déposé de présentation de drogue nouvelle au moment de l'audition de la demande. Avant les modifications apportées au Règlement en 1998, les mesures prescrites à la seconde personne pouvaient être prises dans n'importe quel ordre. Mais l'alinéa 5(3)c) prévoit maintenant que dans le cas d'une allégation de non-contrefaçon, la présentation de drogue nouvelle doit être déposée avant la signification de l'avis d'allégation à la première personne ou au moment de la signification. On peut en déduire qu'à l'égard de toute autre allégation, l'ordre des formalités à accomplir demeure sans pertinence; il n'y a pas, en l'espèce, d'allégations de non-contrefaçon. Le juge aurait toutefois dû poursuivre l'analyse et examiner la question de savoir si un avis d'allégation est invalide dans le cas où aucune présentation de drogue nouvelle n'est déposée pour la date de l'audience. Le Règlement MBADC a été rédigé sur le fondement de la prémisse que la demande d'ordonnance d'interdiction ne serait pas présentée avant que la seconde personne ait fait les déclarations et allégations prescrites à la fois dans la présentation de drogue nouvelle et dans l'avis d'allégation. Cette interprétation du régime est confortée par l'examen de la définition de «seconde personne» à l'article 2 du Règlement. Il paraît incongru qu'une personne n'ayant pas déposé de présentation de drogue nouvelle à la date de l'audience soit néanmoins assimilée à une «seconde personne». Malgré la valeur relative des arguments avancés par Apotex quant aux raisons pour lesquelles, malgré la formulation des dispositions pertinentes du Règlement, la seconde personne ne devrait pas être tenue de déposer une présentation de drogue nouvelle avant l'audience, ils ne sont pas suffisamment déterminants pour que la Cour ne tienne pas compte du libellé du Règlement. Il ne serait guère utile d'examiner une demande d'interdiction dans le cas où, au moment de l'audience, le ministre n'a même pas été appelé à examiner la délivrance d'un ADC parce que la seconde personne n'a pas déposé de présentation de drogue nouvelle.

Apotex a-t-elle fait défaut de déposer une présentation de drogue nouvelle? Le juge de première instance n'a pas formulé de conclusion de fait sur ce point, peut-être parce que ce n'était pas nécessaire étant donné sa conclusion sur la question de droit. La meilleure preuve sur ce point provient du contre-interrogatoire du président et chef de la direction d'Apotex: la société déposera la présentation de drogue nouvelle quand le document sera prêt. Le juge n'aurait pas dû traiter la demande d'ordonnance d'interdiction. Elle aurait dû rendre une ordonnance déclarant que l'avis d'allégation était sans effet juridique.

Les appelantes soutiennent que le titulaire d'un brevet canadien ne peut renoncer à ses droits de brevet en cédant le brevet au domaine public parce que ces droits sont créés par la Loi et que celle-ci ne prévoit rien à cet égard. Il en va autrement au Royaume-Uni, où la Patents Act 1977 prévoit la renonciation ou l'extinction volontaire des droits de brevets. En Angleterre, les brevets font parfois l'objet de renonciation dans le cadre du règlement à l'amiable d'actions en contrefaçon de brevet. De même, aux États-Unis, tout breveté peut renoncer au brevet ou le céder au domaine public pour la durée entière ou pour le délai restant du brevet accordé ou à accorder, suivant les termes de l'article 253 du Titre 35 du United States Code. Les rares décisions canadiennes en matière de cession au domaine public n'ont pas tranché la question de savoir si la cession peut éteindre les droits du brevet. Le silence de la Loi n'est pas déterminant. Comme l'a avancé Apotex, une opération reconnue en common law, qui ne va à l'encontre d'aucune disposition de la Loi, peut toucher les droits de brevet. Les avocat des appelantes n'ont pu identifier aucun préjudice au public ou au régime des brevets qui pourrait résulter du fait de reconnaître qu'un brevet peut être cédé au domaine public et que l'effet de cette cession serait de mettre fin aux droits attachés au brevet. Le fait est que la cession de brevets au domaine public est fréquente et qu'elle est devenue une pratique établie, souhaitée par le monde des affaires. Il est évident que Warner-Lambert n'aurait pas cédé quelque 324 brevets au domaine public si elle croyait que cet acte était sans effet juridique. La Cour n'est pas convaincue que l'expiration des droits de brevets par l'effet de la cession au domaine public est impossible en droit. Si elle est possible, la publication d'un avis de cession dans la Gazette du Bureau des brevets est une méthode par laquelle elle peut s'opérer.

La question de la révocabilité de la cession au domaine public n'a pas encore été examinée dans la jurisprudence canadienne. Ce type de cession peut s'apparenter à un don qui, une fois fait, ne peut être révoqué. De fait, les cessions en l'espèce étaient déclarées «irrévocables». Les appelantes soutiennent toutefois que le brevet 768 a été inclus par erreur, auquel cas la cession ne serait pas valide. Il incombait à Parke-Davis, à titre de partie demandant une ordonnance d'interdiction, d'établir selon la prépondérance de la preuve qu'il n'y avait pas eu de cession. Le juge de première instance a conclu qu'elle ne s'était pas acquittée de ce fardeau, et une cour d'appel ne doit pas intervenir dans de telles conclusions de fait en l'absence d'une erreur manifeste et dominante. Ce type d'erreur peut se produire dans les cas où l'appréciation de la preuve est entachée d'une erreur de droit. Le juge Dawson a écrit qu'on pouvait inférer «que la cession a été faite délibérément dans un contexte où régnaient la confusion et des problèmes de communication». Une mesure prise du fait de la confusion ou d'un manque de communication ne peut être intentionnelle. Même si les documents de cession ont été transmis de manière intentionnelle, cela ne signifie pas qu'il y avait intention délibérée d'inclure le brevet 768 dans la liste. Des éléments de preuve indiquent que les personnes chargées de préparer la liste de brevets à céder avaient indiqué que le brevet 768 était «actif» et «[à] conserver». Warner-Lambert a avisé l'OPIC et le ministre de la Santé de l'erreur peu après sa découverte et, le ministre aurait, semble-t-il, accepté que la cession était une erreur. Il y avait également des éléments de preuve circonstancielle comme la réalisation par Parke-Davis d'une troisième phase d'essais cliniques et le versement des taxes annuelles de maintien en l'état, non compatibles avec l'intention de céder le brevet 768 au domaine public. Il est significatif qu'Apotex n'a pas contre-interrogé le témoin principal de Warner-Lambert au sujet de l'intention des appelantes. Le dossier ne contient aucune preuve susceptible de jeter un doute sur les allégations des appelantes que le brevet 768 a été inclus par erreur dans les documents de cession. Par conséquent, si la Cour avait conclu que l'avis d'allégation signifié par Apotex était valide, elle aurait décidé que les allégations d'invalidité ou d'expiration du brevet 768 n'étaient pas fondées et par conséquent accueilli la demande d'ordonnance d'interdiction.

lois et règlements

Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, art. 12.

Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4, art. 45 (mod. par L.C. 2001, ch. 10, art. 1), 46 (mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 33, art. 16; L.C. 1993, ch. 15, art. 43), 48 (mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 33, art. 17; L.C. 1993, ch. 15, art. 44), 50 (mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 33, art. 20).

Patents Act 1977 (R.-U.), 1977, ch. 37, art. 29.

Patents, 35 U.S.C. § 253 (1994).

Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870.

Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, art. 2 «première personne», «seconde personne» (mod. par DORS/99-379, art. 1), 3 (mod. par DORS/98-166, art. 2), 4 (mod., idem, art. 3), 5 (mod., idem, art. 4; 99-379, art. 2), 6(1) (mod. par DORS/98-166, art. 5), 7 (mod., idem, art. 6).

Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, règles 41, 42, 43, 44, 45, 46, partie 5.

jurisprudence

décision suivie:

Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235; (2002), 211 D.L.R. (4th) 577; [2002] 7 W.W.R. 1; 10 C.C.L.T. (3d) 157; 30 M.P.L.R. (3d) 1; 286 N.R. 1; 219 Sask. R. 1.

décisions appliquées:

Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, [2002] 2 R.C.S. 559; (2002), 212 D.L.R. (4th) 1; [2002] 5 W.W.R. 1; 166 B.C.A.C. 1; 100 B.C.L.R. (3d) 1; 18 C.P.R. (4th) 289; 93 C.R.R. (2d) 189; 287 N.R. 248; Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [1998] 2 R.C.S. 193; (1998), 161 D.L.R. (4th) 47; 80 C.P.R. (3d) 368; 227 N.R. 299; Baker Petrolite Corp. c. Canwell Enviro-Industries Ltd. (2002), 211 D.L.R. (4th) 696; 17 C.P.R. (4th) 478; 288 N.R. 201 (C.A.F.); Browne v. Dunn (1893), 6 R. 67 (H.L.); Nernberg v. Shop-Easy Stores Ltd. (1966), 57 D.L.R. (2d) 741 (C.A. Sask.).

distinction faite d'avec:

Genentech Canada Inc. (Re) (1992), 44 C.P.R. (3d) 316 (C.E.P.M.B.).

décisions examinées:

Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1997), 153 D.L.R. (4th) 68; 76 C.P.R. (3d) 1; 219 N.R. 151 (C.A.F.); Merck & Co. c. Canada (Ministre de la Santé) (1998), 79 C.P.R. (3d) 57; 145 F.T.R. 27 (C.F. 1re inst.); conf. par sub nom. Renvoi relatif au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), (Can.), art. 7 (1999), 3 C.P.R. (4th) 77; 249 N.R. 110 (C.A.F.); Smithkline Beecham Pharma Inc. c. Canada (Ministre de la Santé et du Bien-être social) (1997), 77 C.P.R. (3d) 147; 138 F.T.R. 310 (C.F. 1re inst.); Novopharm Ltd. c. Merck & Co. (1992), 44 C.P.R. (3d) 13 (Comm. des brevets); Chris-Craft Industries, Inc. v. Monsanto, Co., 59 F.D.R. 282 (C.D. Cal. 1973); ICN Pharmaceuticals Inc. c. Canada (Personnel du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés), [1977] 1 C.F. 32; (1996), 66 C.P.R. (3d) 145 (C.A.).

décisions citées:

Glaxo Group Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (2001), 11 C.P.R. (4th) 417; 273 N.R. 166 (C.A.F.); Technimark, Inc. v. Crellin, Inc., 14 F.Supp. 2d 762 (M.D.N.C. 1998).

doctrine

Cornish, W. R. Intellectual Property: Patents, Copyright, Trade Marks and Allied Rights, 4th ed. London: Sweet & Maxwell, 1999.

Chartered Institute of Patent Agents. Patent Law of the United Kingdom: Texts, Commentary and Notes on Practice, 3rd ed. London: Sweet & Maxwell, 1975.

Driedger, Elmer A. Construction of Statutes, 2nd ed. Toronto: Butterworths, 1983.

Oxford English Dictionary, 2nd ed. Oxford: Clarendon Press, 1989, «deliberate».

Reid, Brian C. A Practical Guide to Patent Law. Oxford: ESC Pub., 1984.

Résumé de l'étude d'impact de la réglementation, Gaz. C. 1993.II.1387.

APPEL de la décision de la Section de première instance (Parke-Davis Division c. Canada (Ministre de la Santé), [2002] 1 C.F. 517; (2001), 14 C.P.R. (4th) 335; 210 F.T.R. 265) rejetant une demande d'ordonnance visant à interdire au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité relativement à un médicament breveté comprenant de l'atorvastatine calcique. Appel accueilli.

ont comparu:

Sheila R. Block, Andrew M. Shaughnessy, Cynthia L. Tape, et Conor D. M. McCourt pour les appelantes (demanderesses).

Harry B. Radomski et Richard E. Naiberg pour l'intimée (défenderesse) Apotex Inc.

Personne n'a comparu pour l'intimé (défendeur) ministre de la Santé.

avocats inscrits au dossier:

Torys LLP, Toronto, pour les appelantes (demanderesses).

Goodmans LLP, Toronto, pour l'intimée (défenderesse) Apotex Inc.

Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé (défendeur) ministre de la Santé.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

La Cour:

INTRODUCTION

[1]Il s'agit d'un appel de la décision publiée sous le titre Parke-Davis Division c. Canada (Ministre de la Santé), [2002] 1 C.F. 517 (1re inst.), rejetant la demande des demanderesses en vue d'obtenir une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité à Apotex Inc. (Apotex) en liaison avec le médicament atorvastatine calcique, avant l'expiration du brevet canadien nº 1268768 (le brevet 768).

LES FAITS

[2]L'intimée, Apotex, est une société canadienne. L'appelante, la Société Warner-Lambert (Warner-Lambert), est une société américaine. L'appelante, Parke-Davis Division of Warner-Lambert Canada Inc. (Parke-Davis) est une filiale canadienne de Warner-Lambert.

[3]Le présent appel porte sur le brevet 768, visant le médicament appelé l'atorvastatine calcique. Le brevet a été accordé à Warner-Lambert le 8 mai 1990 et il arrive à expiration le 8 mai 2007 aux termes de l'article 45 [mod. par L.C. 2001, ch. 10. art. 1] de la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4. Toutefois, l'historique de l'affaire demande de connaître certains faits reliés à d'autres brevets qui sont la propriété de Warner-Lambert et de ses sociétés liées.

[4]En 1992, Parke-Davis a appris que Warner- Lambert détenait des brevets visant des médicaments que Parke-Davis vendait au Canada, ce qui faisait tomber les prix des médicaments visés sous la surveillance du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB), même si Parke-Davis ne faisait aucun usage des brevets. Par exemple, Warner-Lambert était titulaire d'un brevet canadien pour le Lopid, médicament que vendait Parke-Davis au Canada. Parke-Davis avait traité le Lopid essentiellement comme un médicament non breveté parce qu'elle n'utilisait pas le processus de fabrication breveté du Lopid. Le CEPMB a jugé que le Lopid devait néanmoins être soumis à la surveillance des prix. Par conséquent, Parke-Davis a été tenue de rembourser à l'égard du Lopid un excédent de revenus d'environ 1,6 million de dollars.

[5]L'expérience a amené Parke-Davis à entreprendre un examen des brevets canadiens actifs que détenaient Warner-Lambert et ses sociétés affiliées. L'examen a été conduit par James Rowan, directeur des affaires gouvernementales et des systèmes de soins de santé chez Parke-Davis, Andrea Ryan, vice-présidente et co-directrice du contentieux au Service de la propriété intellectuelle chez Warner-Lambert, et Ron Daignault, avocat principal du domaine des brevets pharmaceutiques chez Warner-Lambert.

[6]Au terme de cet examen, une liste a été établie où figuraient tous les brevets détenus par Warner-Lambert et ses sociétés liées que les appelantes considéraient qu'elles n'utilisaient pas. Il était envisagé de céder les droits de ces brevets au domaine public, pour les soustraire à la compétence du CEPMB.

[7]La notion de «cession au domaine public» n'est pas mentionnée dans la Loi sur les brevets. Il s'est toutefois établi une pratique selon laquelle le titulaire d'un brevet cède son brevet au domaine public en communiquant à l'Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) son intention de le faire. L'avis de cession est alors publié à la Gazette du Bureau des brevets du Canada.

[8]Le 21 décembre 1994, par l'entremise de son agent de brevets canadien, Warner-Lambert a transmis à l'OPIC six documents intitulés [traduction] «Cession», portant la signature d'Andrea Ryan et légalisés en date du 24 octobre 1994. Des annexes jointes aux documents de cession dressaient la liste de 324 brevets détenus par Warner-Lambert ou des sociétés liées. Le document de cession relatif à Warner-Lambert énumérait 278 brevets. L'un de ces brevets était le brevet 768. (Warner-Lambert et Parke-Davis prétendent que l'inclusion du brevet 768 était une erreur, point qui sera repris plus loin.)

[9]Dans la lettre d'envoi, l'agent de brevets demandait que l'avis des cessions soit publié dans la Gazette du Bureau des brevets du Canada et il notait que le dépôt des cessions en vue de la publication constituait la cession irrévocable des brevets, prenant effet à la date du dépôt, soit le 21 décembre 1994.

[10]L'avis de cession au domaine public du brevet 768 a été publié dans le numéro du 4 avril 1995 de la Gazette du Bureau des brevets du Canada. Les avis de cession ont également été inscrits à l'index principal tenu par l'OPIC, qui est ouvert au public.

[11]En dépit de la publication de l'avis de cession au domaine public du brevet 768, les taxes annuelles prescrites pour le maintien en l'état à l'article 46 [mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 33, art. 16; L.C. 1993, ch. 15, art. 43] de la Loi sur les brevets ont été acquittées à l'égard du brevet 768 le 18 avril 1995, puis tous les ans par la suite.

[12]Pendant le cours des événements décrits ci-dessus, Parke-Davis s'employait à obtenir du ministre de la Santé les approbations nécessaires pour commercialiser au Canada l'atorvastatine calcique, médicament destiné à réduire le cholestérol, sous la marque de commerce «Lipitor». Pour obtenir l'autorisation du ministère de la Santé, le Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870, prescrit le dépôt d'une «présentation de drogue nouvelle». Le ministre indique son approbation par la délivrance d'un «avis de conformité». La date à laquelle Parke-Davis a soumis au ministre de la Santé sa présentation de drogue nouvelle à l'égard du Lipitor n'est pas claire, mais selon certains éléments de preuve, les essais cliniques de la phase III, qui auraient précédé le dépôt de la présentation de drogue nouvelle, ont commencé le 25 mars 1994 ou vers cette date.

[13]Le 14 juin 1996, dans l'attente de la délivrance d'un avis de conformité à l'égard du Lipitor, Parke-Davis a soumis une liste de brevets pour le Lipitor, en comprimés de 10, 20 et 40 mg, conformément à l'article 4 [mod. par DORS/98-166, art. 3] du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 (le Règlement sur les MBAC). La liste des brevets faisait mention du brevet 768 et du brevet canadien nº 2021546 (le brevet 546), dont la demande était encore en instance. La liste des brevets a été consignée au registre des brevets tenu par le ministre conformément à l'article 3 [mod., idem, art. 2] du Règlement sur les MBAC.

[14]Le 6 février 1997, attendant toujours la délivrance de l'avis de conformité, Parke-Davis a présenté au CEPMB une «Notification d'intention de vendre un médicament breveté» à l'égard du Lipitor. Cet acte aurait déclenché l'exercice de la compétence du CEPMB en matière de surveillance des prix.

[15]Parke-Davis a obtenu l'avis de conformité concernant les comprimés de 10, 20 et 40 mg de Lipitor le 19 février 1997.

[16]Le 29 avril 1997, Parke-Davis a déposé une liste de brevets modifiée en vertu de l'article 4 du Règlement sur les MBAC. La liste de brevets modifiée est identique à la liste originale, sauf qu'elle mentionne les numéros d'identification de drogue des comprimés de Lipitor en formats de 10, 20 et 40 mg et le fait que le brevet 546 a été accordé le 29 avril 1997 et expire le 19 juillet 2010.

[17]Le Lipitor est vite devenu le médicament d'ordonnance de choix sur le marché et le médicament d'ordonnance le plus vendu chez Parke-Davis. En 1999, il était le deuxième médicament d'ordonnance le plus vendu au Canada. Le médicament a remporté en 1999 le Prix Galien Canada dans la catégorie du médicament innovateur.

[18]En octobre 1997 ou vers cette période, Apotex s'est mise à envisager la commercialisation de l'atorvastatine calcique au Canada. Des recherches dans la Gazette des brevets et dans l'historique du dossier du brevet 768 à l'époque ont amené Apotex à conclure que le brevet 768 avait été cédé au domaine public en 1994. Il semble qu'Apotex n'ait pas vérifié les dossiers publics de l'OPIC, qui faisaient état de l'acquittement des taxes annuelles de maintien en l'état à l'égard du brevet 768 après la supposée cession. Apotex soutient qu'elle a consacré de l'argent et des ressources, en 1998 et 1999, à des travaux en vue de produire un médicament commercialisable contenant de l'atorvastatine calcique.

[19]Comme on l'a indiqué auparavant, les appelantes affirment que l'inclusion du brevet 768 dans l'annexe jointe à la cession de Warner-Lambert était une erreur. Elles déclarent ne pas avoir découvert l'erreur avant le milieu de 1997. Le 31 octobre 1997, l'agent de brevets canadien de Warner-Lambert a écrit au commissaire aux brevets pour demander qu'un avis de l'erreur et de rétractation de la cession soient publiés à la Gazette du Bureau des brevets du Canada et consignés à l'index principal.

[20]Le numéro du 25 août 1998 de la Gazette du Bureau des brevets du Canada contient un avis de Warner-Lambert déclarant qu'elle «n'a pas renoncé et ne s'apprête pas à renoncer» à ses droits au titre du brevet 768. Le 12 février 1999, l'index principal a été modifié pour faire mention de l'«annulation» de la cession au domaine public du brevet 768 et renvoyer à l'avis du 25 août 1998. Il semble qu'Apotex n'ait pas vérifié l'index principal après le 12 février 1999.

[21]Le 16 août 1999 ou vers cette date, Apotex a signifié à Parke-Davis une lettre en ces termes:

[traduction] La présente constitue un avis d'allégation au sens du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), relativement à des comprimés, renfermant de l'atorvastatine calcique, à être administrés par voie orale.

En ce qui concerne le brevet nº 1268768, nous alléguons que votre déclaration, fondée sur le paragraphe 4(2)c) du Règlement, est fausse, ou que le brevet est expiré, ou qu'il est invalide.

L'allégation est fondée sur l'énoncé du droit et des faits selon lequel il y a eu cession de ce brevet au domaine public.

[22]Le 28 septembre 1999, Parke-Davis et Warner-Lambert ont présenté une demande en vertu du paragraphe 6(1) [mod., idem, art. 5] du Règlement sur les MBAC pour l'obtention a) d'une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer à Apotex un avis de conformité à l'égard du médicament atorvastatine calcique avant l'expiration du brevet 768, b) d'une ordonnance déclarant l'invalidité de l'avis d'allégation et c) d'une ordonnance déclarant que les allégations de l'avis d'allégation ne sont pas justifiées.

[23]Mme le juge a rejeté la demande d'ordonnance d'interdiction en se fondant sur un ensemble de conclusions de droit et de fait toutes attaquées dans le présent appel. Ses conclusions peuvent se résumer comme suit:

1) Parke-Davis a établi avec une preuve suffisante qu'elle était la titulaire exclusive du brevet 768 et que, par conséquent, elle avait qualité pour présenter une demande d'ordonnance d'interdiction en vertu du Règlement sur les MBAC.

2) Le défaut de dépôt par Apotex d'une présentation de drogue nouvelle n'a pas invalidé l'avis d'allégation.

3) L'avis d'allégation était valide malgré le défaut d'Apotex de renvoyer dans l'avis d'allégation au brevet 546.

4) Dans un cas de cession de brevet au domaine public, tous les droits rattachés au brevet prennent fin et ne peuvent être repris. L'allégation de cession de brevet au domaine public est un motif d'allégation approprié selon le Règlement sur les MBAC.

5) Parke-Davis et Warner-Lambert n'ont pas réussi à établir que la cession au domaine public du brevet 768 était une erreur. Par conséquent, les allégations de l'avis d'allégation étaient justifiées.

[24]Chacune de ces questions est traitée ci-dessous.

La qualité pour agir de Parke-Davis

[25]Apotex a soutenu que Parke-Davis n'avait pas établi sa qualité pour engager une procédure d'interdiction en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les MBAC. Pour comprendre cet argument, il faut considérer certains éléments du régime établi par le Règlement sur les MBAC.

[26]Le fabricant de médicaments qui dépose ou a déposé une présentation de drogue nouvelle pour un médicament breveté ou auquel un avis de conformité a été délivré pour un médicament breveté fait entrer en jeu le Règlement sur les MBAC en soumettant une liste de brevets à l'égard du médicament visé aux termes de l'article 4. Il devient alors la «première personne» selon la définition de l'article 2, à l'égard des brevets énumérés dans la liste. La liste des brevets doit mentionner tout brevet canadien qui comporte une revendication pour le médicament en soi ou une revendication pour l'utilisation du médicament (alinéa 4(2)b)). La liste doit également inclure une déclaration portant qu'à l'égard de chaque brevet énuméré, la première personne en est le propriétaire, en détient la licence exclusive ou a obtenu le consentement du propriétaire en vue de l'inclure dans la liste (alinéa 4(2)c)).

[27]En l'espèce, au moment où Parke-Davis a déposé sa liste de brevets à l'égard du Lipitor, elle a revendiqué la qualité de titulaire exclusive de licence pour le brevet 768. Dans la procédure de demande d'interdiction, Parke-Davis a cherché à établir sa qualité de titulaire exclusive de licence par l'affidavit de M. Rowan, qui travaillait pour Parke-Davis, souscrit le 28 octobre 1999. Toutefois, M. Rowan a refusé en contre-interrogatoire de produire une copie de la licence. Apotex a fait valoir que la qualité de titulaire exclusive de licence de Parke-Davis ne pouvait être établie sans la licence.

[28]Le juge n'a pas estimé que l'absence de la licence était fatale pour la demande. Elle a examiné tous les éléments de preuve relatifs aux intérêts de Parke-Davis dans le brevet 768, notant en particulier que la titulaire incontestée du brevet, Warner-Lambert, était partie à la procédure. Elle a conclu que Parke-Davis avait présenté suffisamment d'éléments de preuve pour établir sa qualité de titulaire exclusive de licence. À notre avis, elle n'a commis aucune erreur de droit ou de fait en tirant cette conclusion.

L'avis d'allégation est-il invalide du fait qu'Apotex n'a pas déposé de présentation de drogue nouvelle?

[29]Parke-Davis et Warner-Lambert ont soutenu que l'avis d'allégation signifié par Apotex [traduction] «n'était pas justifié» parce qu'Apotex n'avait pas déposé auprès du ministre de la Santé une présentation de drogue nouvelle pour l'atorvastatine calcique. Le juge a rejeté cet argument. Selon notre interprétation du Règlement sur les MBAC, Apotex doit avoir déposé une présentation de drogue nouvelle à la date d'audience de la demande d'ordonnance d'interdiction, pour les motifs qui suivent. Suivant cette interprétation, Parke-Davis et Warner-Lambert auraient dû obtenir une ordonnance déclarant l'invalidité de l'avis d'allégation.

[30]Il s'agit là d'une question d'interprétation législative. Le principe de base à appliquer est celui qu'on trouve énoncé dans l'ouvrage de Driedger, Construction of Statutes (2e éd., 1983), à la page 87:

[traduction] Aujourd'hui, il n'y a qu'un seul principe ou solution: il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.

[31]Ce principe d'interprétation législative a été appliqué dans un grand nombre de contextes: voir l'arrêt Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, [2002] 2 R.C.S. 559. Dans cet arrêt, le juge Iacobucci, s'exprimant au nom de la Cour, a en outre souligné que la méthode d'interprétation législative préconisée par Driedger était renforcée par l'article 12 de la Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, qui prévoit que tout texte «est censé apporter une solution de droit et s'interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet».

[32]Le Règlement sur les MBAC a été adopté en 1993 au moment de l'abrogation du régime d'octroi de licences obligatoires pour les médicaments brevetés. L'objet du Règlement est expliqué dans le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation, Gazette du Canada, partie II, volume 127, nº 6, page 1388:

En règle générale, les recours judiciaires suffisent pour régler les cas de contrefaçon. Toutefois, avec l'adoption du projet de loi C-91 [L.C. 1993, ch. 2] le gouvernement fait une exception dans ce domaine en permettant aux fabricants de médicaments génériques d'entreprendre les démarches nécessaires pour obtenir l'approbation réglementaire d'un produit. Par conséquent, le titulaire d'un brevet perd un droit dont il aurait pu se prévaloir pour empêcher ses concurrents de faire approuver leurs produits.

Le présent Règlement est nécessaire si on veut éviter que cette nouvelle exception en matière de contrefaçon soit mal utilisée par les fabricants de produits génériques désireux de vendre leurs produits au Canada pendant que le brevet original est encore valide. En vertu du règlement, ces fabricants peuvent toutefois entreprendre les démarches nécessaires pour obtenir l'approbation réglementaire et ainsi commercialiser leurs produits dès que les brevets pertinents arrivent à expiration.

[33]Faisant écho à cette citation, la Cour suprême du Canada a déclaré que le Règlement sur les MBAC vise à empêcher la contrefaçon en retardant la délivrance des avis de conformité à l'égard des médicaments génériques jusqu'à ce qu'aucune contrefaçon de brevet ne puisse en résulter: Merck Frosst Canada c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [1998] 2 R.C.S. 193, au paragraphe 30.

[34]Mais reconnaître l'objet du Règlement sur les MBAC aide peu à répondre à la question étroite que soulève l'espèce. Il faut comprendre plus en détail le régime établi par le Règlement et, en particulier, la relation entre le Règlement sur les MBAC et le Règlement sur les aliments et drogues.

[35]Comme on l'a mentionné plus haut, aucun médicament ne peut être commercialisé au Canada sans l'autorisation du ministre de la Santé, exprimée sous la forme d'un avis de conformité délivré en vertu du Règlement sur les aliments et drogues. L'une des étapes principales de l'obtention de l'avis de conformité est le dépôt d'une «présentation de drogue nouvelle» qui satisfait aux conditions du Règlement sur les aliments et drogues.

[36]Parke-Davis, par exemple, n'aurait pu obtenir la délivrance d'un avis de conformité à l'égard du Lipitor sans avoir déposé une présentation de drogue nouvelle qui contienne les renseignements prescrits au Règlement sur les aliments et drogues. De la même manière, Apotex ne peut obtenir un avis de conformité à l'égard d'un médicament renfermant de l'atorvastatine calcique à moins de déposer une présentation de drogue nouvelle qui comporte les renseignements prescrits. L'exigence de la présentation de drogue nouvelle existait avant l'adoption du Règlement sur les MBAC et elle s'applique toujours.

[37]Comme on l'a déjà mentionné, le fabricant de médicaments qui dépose ou a déposé une présentation de drogue nouvelle pour un médicament breveté ou auquel un avis de conformité a été délivré pour un médicament breveté, peut soumettre une liste de brevets à l'égard du médicament visé conformément à l'article 4 du Règlement sur les MBAC. Il devient alors la «première personne», selon la définition de l'article 2, à l'égard des brevets énumérés dans la liste. La liste des brevets doit mentionner tout brevet canadien qui comporte une revendication pour le médicament en soi ou une revendication pour l'utilisation du médicament (alinéa 4(2)b)).

[38]L'article 7 [mod. par DORS/98-166, art. 6] du Règlement sur les MBAC interdit au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité à l'égard d'un médicament qui se compare à certains égards à un autre médicament qui a été commercialisé au Canada aux termes d'un avis de conformité délivré à une première personne et à l'égard duquel une liste de brevets a été soumise, à moins qu'il ne soit satisfait à l'article 5 [mod., idem, art. 4; 99-379, art. 2] du Règlement sur les MBAC. La comparabilité exigée est définie par les termes introductifs du paragraphe 5(1) ou (1.1) du Règlement sur les MBAC, qui prévoient:

5. (1) Lorsqu'une personne dépose ou a déposé une demande d'avis de conformité pour une drogue et la compare, ou fait référence, à une autre drogue pour en démontrer la bioéquivalence d'après les caractéristiques pharmaceutiques et, le cas échéant, les caractéristiques en matière de biodisponibilité, cette autre drogue ayant été commercialisée au Canada aux termes d'un avis de conformité délivré à la première personne et à l'égard de laquelle une liste de brevets a été soumise [. . .]

(1.1) [. . .] lorsque le [paragraphe 5(1)] ne s'applique pas, la personne qui dépose ou a déposé une demande d'avis de conformité pour une drogue contenant un médicament que l'on trouve dans une autre drogue qui a été commercialisée au Canada par suite de la délivrance d'un avis de conformité à la première personne et à l'égard de laquelle une liste de brevets a été soumise doit inclure dans la demande, à l'égard de chaque brevet inscrit au registre visant cette autre drogue contenant ce médicament, lorsque celle-ci présente la même voie d'administration et une forme posologique et une concentration comparables [. . .]

[39]Selon la suite du paragraphe 5(1) ou (1.1) du Règlement sur les MBAC, selon le cas, toute personne qui a l'intention de commercialiser un médicament comparable à un autre aux termes de l'une ou l'autre de ces dispositions, est tenue, dans sa présentation de drogue nouvelle pour le médicament comparable, d'inclure à l'égard de chacun des brevets de la liste des brevets relative au médicament existant l'une des déclarations suivantes:

1) Une déclaration portant qu'elle accepte que l'avis de conformité ne soit pas délivré avant l'expiration du brevet: alinéa 5(1)a) ou 5(1.1)a).

2) Une allégation portant que la déclaration faite par la première personne aux termes de l'alinéa  4(2)c) du Règlement sur les MBAC est fausse: sous-alinéa 5(1)b)(i) ou 5(1.1)b)(i).

3) Une allégation portant que le brevet est expiré: sous-alinéa 5(1)b)(ii) ou 5(1.1)b)(ii).

4) Une allégation portant que le brevet n'est pas valide: sous-alinéa 5(1)b)(iii) ou 5(1.1)b)(iii).

5) Une allégation portant qu'aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par elle de la drogue faisant l'objet de la demande d'avis de conformité: sous-alinéa 5(1)b)(iv) ou 5(1.1)b)(iv).

[40]La personne qui est tenue de satisfaire au paragraphe 5(1) ou 5(1.1) du Règlement sur les MBAC est désignée comme la «seconde personne» dans le Règlement sur les MBAC (voir la définition de «seconde personne» à l'article 2 [mod. par DORS/99-379, art. 1]).

[41]La seconde personne est tenue, en plus d'inclure dans sa présentation de drogue nouvelle l'une des allégations prescrites, de fournir un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels elle fonde son allégation (alinéa 5(3)a)) et de signifier à la première personne l'avis d'allégation (alinéa 5(3)b) ou c)). Dans le cas d'une allégation aux termes du sous-alinéa 5(1)b)(iv) ou 5(1.1)b)(iv), parfois appelée «allégation de non-contrefaçon», l'alinéa 5(3)c) prescrit comme condition supplémentaire que la seconde personne dépose sa présentation de drogue nouvelle avant la signification de l'avis d'allégation à la première personne ou au moment de cette signification.

[42]Une fois l'avis d'allégation et l'énoncé détaillé signifiés à la première personne conformément à l'alinéa 5(3)c), la première personne peut, en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les MBAC, demander au tribunal de rendre une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité avant l'expiration du brevet visé par l'allégation. Il incombe alors à la première personne d'établir que les allégations de l'avis d'allégation ne sont pas fondées.

[43]Si la première personne fournit au ministre de la Santé un avis portant qu'elle a engagé la procédure prévue au paragraphe 6(1), le ministre ne peut pas délivrer un avis de conformité à la seconde personne pendant un certain délai. La durée de ce sursis est de 24 mois, à moins qu'il se termine antérieurement par l'expiration du brevet (alinéa 7(2)a)), par une déclaration du tribunal portant que le brevet est invalide ou que l'allégation de non-contrefaçon est fondée (alinéa 7(2)b)), ou encore par le retrait, le désistement ou le rejet de la procédure de demande d'interdiction (paragraphe 7(4)). Le délai peut également être abrégé ou prorogé par le tribunal dans certaines circonstances (paragraphe 7(5)).

[44]Entre parenthèses, nous notons que le délai réglementaire a été qualifié de «draconien» dans l'arrêt Merck Frosst, précité, parce qu'il permet à la première personne de retarder l'entrée sur le marché des fabricants de génériques concurrents sans qu'elle ait à établir, même sur la base d'une preuve prima facie, la contrefaçon. Il a été suggéré dans cet arrêt qu'en raison de ce sursis réglementaire, la seconde personne devrait être autorisée à faire jouer le Règlement sur les MBAC dès que possible. Le juge Iacobucci, s'exprimant au nom de la Cour, a écrit au paragraphe 33:

[. . .] il serait manifestement injuste d'assujettir les fabricants de génériques à un régime aussi draconien sans au moins leur permettre de se protéger et de diminuer la durée de l'injonction de fait en engageant une procédure d'obtention d'ADC [avis de conformité] dès que possible.

[45]Il n'y a pas de jurisprudence sur une demande d'interdiction en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les MBAC fondée sur un avis d'allégation présenté par une personne qui n'a pas déposé une présentation de drogue nouvelle au moment de l'audience portant sur la demande. La question est parfois soulevée, mais sans un fondement factuel approprié, ce qui empêche qu'elle soit examinée de la façon voulue (voir, par exemple, l'arrêt Glaxo Group Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (2001), 11 C.P.R. (4th) 417 (C.A.F.)).

[46]Dans le cas d'une procédure régie par le Règlement sur les MBAC avant les modifications de 1998, il a été établi que les mesures prescrites à la seconde personne aux termes de l'article 5 peuvent être prises dans n'importe quel ordre. En d'autres termes, il a été jugé qu'il n'est pas nécessaire de déposer une présentation de drogue nouvelle avant de signifier un avis d'allégation. Dans l'arrêt Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1997), 153 D.L.R. (4th) 68 (C.A.F.), le juge Marceau, s'exprimant au nom de la Cour, a écrit à la page 79:

Le ministre soutient que la procédure [du Règlement sur les MBAC] ne saurait être viciée du seul fait que les conditions prévues à l'article 5 n'ont pas été remplies dans l'ordre. J'abonde dans son sens. Le Règlement vise essentiellement à prévoir un mécanisme par lequel les brevets sont inscrits et protégés contre une éventuelle contrefaçon à la demande du titulaire du brevet. Le Règlement garantit donc qu'aucun avis de conformité n'est délivré sans que les titulaires de brevets aient eu l'occasion de défendre leurs brevets. Cette possibilité n'est pas diminuée par le fait que l'avis d'allégation est donné en premier lieu si, comme c'est le cas en l'espèce, il renferme suffisamment de renseignements pour permettre au titulaire du brevet de décider s'il y a lieu de demander une ordonnance d'interdiction, auquel cas la Cour peut immédiatement en examiner le bien-fondé. Si la séquence était jugée obligatoire, il faudrait tout simplement reprendre toute la procédure depuis le début, ce qui retarderait inutilement la mise en marché d'un médicament dans les cas où l'allégation s'avère justifiée. Il ressort du but visé par le Règlement que le non-respect de la séquence prévue à l'article 5 ne devrait pas être considéré comme un défaut suffisant pour vicier la procédure.

[47]La décision Merck & Co. c. Canada (Ministre de la Santé) (1998), 79 C.P.R. (3d) 57 (C.F. 1re inst.) va dans le même sens. L'appel de cette décision a été rejeté: sub nom. Renvoi relatif au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), (Can.), art. 7 (1999), 3 C.P.R. (4th) 77 (C.A.F.). S'exprimant encore au nom de la Cour, le juge Marceau a déclaré au paragraphe 4:

Le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) qui a récemment été pris en application de la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4, ne doit pas être interprété de façon rigide, sans tenir compte de son intention et de sa portée véritables. Le processus judiciaire qu'il a instauré il y a quelques années à la suite de l'abolition du système de licences obligatoires en vue d'accorder une certaine protection aux titulaires de brevets dont les droits de propriété risquaient d'être violés trop facilement, bien que par inadvertance, est distinct du processus administratif de longue date qui est prescrit par le Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., 1978, ch. 870, qui a été pris en application de la Loi sur les aliments et drogues et qui vise à satisfaire à certaines exigences en matière d'innocuité et d'efficacité. Certes, les deux processus ne peuvent être déclenchés que par un fabricant de médicaments qui envisage de commercialiser un nouveau produit. Mais rien n'exige qu'ils soient mis en branle simultanément. Le processus judiciaire n'a rien à voir avec le processus administratif et vice-versa. Ce sont des processus parallèles. Ils ne se recoupent que sur le plan de leurs résultats: le ministre ne peut délivrer un avis de conformité sans tenir compte de l'issue des deux processus.

[48]La décision Smithkline Beecham Pharma Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1997), 77 C.P.R. (3d) 147 (C.F. 1re inst.) concernait une seconde personne qui avait signifié un avis d'allégation sans déposer préalablement une présentation de drogue nouvelle. La première personne a présenté une demande de contrôle judiciaire en vue d'obtenir une ordonnance déclarant que l'avis d'allégation ne satisfaisait pas à l'article 5 du Règlement sur les MBAC et interdisant au ministre de la Santé de le traiter comme un avis d'allégation ou de délivrer un avis de conformité qui traite la lettre comme un avis d'allégation. La demande a été rejetée par le juge McKeown sur le fondement du principe établi dans l'arrêt Apotex, précité. Toutefois, le juge n'a pas été appelé à décider si la seconde personne était tenue de déposer sa présentation de drogue nouvelle avant l'audience portant sur la demande d'ordonnance d'interdiction en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les MBAC.

[49]L'ordre des formalités que doit accomplir la seconde personne aux termes de l'article 5 a fait l'objet des modifications de 1998 du Règlement sur les MBAC. L'alinéa 5(3)c) prévoit maintenant que dans le cas d'une allégation de non-contrefaçon, la présentation de drogue nouvelle doit être déposée avant la signification de l'avis d'allégation à la première personne ou au moment de la signification. On peut en déduire qu'à l'égard de toute autre allégation, l'ordre des formalités à accomplir demeure sans pertinence.

[50]Il n'y a aucune allégation de non-contrefaçon en l'espèce. Pour ce motif, nous partageons l'avis du juge quand elle déclare dans ses motifs au paragraphe 46:

[. . .] l'avis d'allégation n'est pas invalidé simplement du fait qu'aucune PDN [présentation de drogue nouvelle] ou présentation modifiée de nouvelle drogue n'a été déposée au moment de la signification de l'avis d'allégation.

[51]Cependant, le juge aurait dû poursuivre en examinant la question suivante, à savoir si un avis d'allégation est invalide dans le cas où aucune présentation de drogue nouvelle n'est déposée (à tout le moins, si la présentation n'est pas déposée pour la date de l'audience, la dernière date à laquelle le juge saisi de la demande d'interdiction pourrait éventuellement trancher la question).

[52]Le Règlement sur les MBAC a été rédigé sur le fondement de la prémisse que la demande d'ordonnance d'interdiction en vertu du paragraphe 6(1) ne serait pas présentée avant que la seconde personne ait fait les déclarations et allégations prescrites à la fois dans la présentation de drogue nouvelle (déposée auprès du ministre de la Santé en vertu du Règlement sur les aliments et drogues) et dans l'avis d'allégation (signifié à la première personne en vertu du Règlement sur les MBAC).

[53]Cette interprétation du régime établi par le Règlement sur les MBAC est confortée par l'examen de la définition de «seconde personne» à l'article 2 du Règlement sur les MBAC. Le terme «seconde personne» y est défini «Selon le cas, la personne visée aux paragraphes 5(1) ou (1.1).» Les termes introductifs des deux paragraphes prévoient qu'ils s'appliquent «Lorsqu'une personne dépose ou a déposé une demande d'avis de conformité pour une drogue [une présentation de drogue nouvelle]» qui remplit certaines conditions. Selon l'interprétation littérale, seule une personne qui dépose ou a déposé une présentation de drogue nouvelle pourrait répondre à la définition du terme «seconde personne» dans le Règlement sur les MBAC. Il paraît incongru qu'une personne n'ayant pas déposé de présentation de drogue nouvelle à la date de l'audience soit néanmoins assimilée à une «seconde personne».

[54]L'avocate de Parke-Davis a fait valoir cette interprétation littérale. Elle a soutenu que, si le Règlement sur les MBAC ne prescrit pas le dépôt d'une présentation de drogue nouvelle au plus tard à la date de l'audience portant sur la demande d'interdiction comme condition préalable à l'obtention de la qualité de «seconde personne» en vertu du Règlement sur les MBAC, la procédure deviendrait un exercice théorique et un gaspillage de ressources de la part de la première personne et du tribunal, du fait qu'il n'est pas certain qu'une présentation de drogue nouvelle sera déposée. En général, les tribunaux ne se penchent pas sur les problèmes hypothétiques ou théoriques.

[55]L'avocat d'Apotex a suggéré trois raisons pour lesquelles, malgré la formulation des paragraphes 5(1) et 5(1.1) du Règlement sur les MBAC, la seconde personne ne devrait pas être tenue de déposer une présentation de drogue nouvelle avant l'audience.

[56]Premièrement, la seule disposition expresse du Règlement sur les MBAC sur le moment du dépôt de la présentation de drogue nouvelle est celle qui prévoit, dans le cas d'une allégation de non-contrefaçon, que la présentation de drogue nouvelle soit déposée au plus tard à la date de signification de l'avis d'allégation à la première personne (alinéa 5(3)c) du Règlement sur les MBAC). Il est justifié d'exiger que les formalités soient accomplies dans cet ordre dans le cas d'une allégation de non-contrefaçon, car la présentation de drogue nouvelle de la seconde personne est susceptible de renfermer des renseignements qui devraient aider le tribunal à trancher si l'allégation de non-contrefaçon est fondée. Mais cet ordre ne se justifie pas dans le cas de toute autre allégation. La présente affaire illustre bien ce point. Apotex a allégué que Parke-Davis n'est pas la titulaire exclusive de licence à l'égard du brevet 768 et que, comme le brevet 768 a été cédé au domaine public, il est expiré ou invalide. Aucune présentation de drogue nouvelle qu'Apotex pourrait déposer en vertu du Règlement sur les aliments et drogues pour le médicament atorvastatine calcique ne pourrait jeter de la lumière sur le bien-fondé de ces allégations.

[57]Deuxièmement, la première personne n'est pas autorisée, dans une procédure intentée en vertu du Règlement sur les MBAC, à soulever la question de la suffisance de toute présentation de drogue nouvelle par la seconde personne. Le ministre de la Santé, déclaré partie à la présente procédure, n'a pas comparu. Il n'y a aucune raison de conclure que les travaux du ministre de la Santé aux termes du Règlement sur les aliments et drogues seraient affectés dans le cas où la présentation de drogue nouvelle n'est pas déposée avant la conclusion de la procédure prévue au paragraphe 6(1) du Règlement sur les MBAC.

[58]Troisièmement, si la seconde personne n'est pas tenue de déposer une présentation de drogue nouvelle avant de signifier un avis d'allégation, mais doit le faire avant l'audience sur la demande d'interdiction présentée en vertu du paragraphe 6(1), elle pourrait être placée dans une impasse procédurale. Par exemple, si sa présentation de drogue nouvelle est déposée après le délai du dépôt de la preuve par affidavit suivant la partie 5 des Règles de la Cour fédérale (1998) [DORS/98-106], la Cour pourrait refuser à la seconde personne de déposer la preuve de son dépôt, particulièrement si elle est persuadée que la première personne subirait un préjudice inéquitable. Sans doute, les choses pourraient se dérouler selon cette séquence, mais nous estimons que la seconde personne pourrait éviter cette impasse en planifiant de manière appropriée les formalités qu'elle doit accomplir.

[59]Le troisième argument avancé par Apotex nous paraît dépourvu de tout fondement. Nous reconnaissons une certaine valeur au premier et au deuxième argument, encore qu'ils ne soient pas suffisamment déterminants pour que nous soyons disposés à ne pas tenir compte des termes introductifs des paragraphes 5(1) et 5(1.1), ce qui pourrait donner lieu à des tentatives inutiles pour traiter une question hypothétique ou théorique. L'objet d'une demande d'ordonnance d'interdiction aux termes du paragraphe 6(1) est, en fin de compte, d'interdire au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité à la seconde personne pour une drogue qui, sous certains aspects, se compare au médicament breveté. Nous estimons qu'il ne serait guère utile d'examiner une demande d'interdiction dans le cas où, au moment de l'audience, le ministre n'a même pas été appelé à examiner la délivrance d'un avis de conformité parce que la seconde personne n'a pas déposé de présentation de drogue nouvelle.

[60]Reprenons la question: l'avis d'allégation est-il invalide du fait qu'aucune présentation de drogue nouvelle n'a été déposée à la date de l'audience? La réponse à cette question est «oui».

[61]Il faut maintenant décider si Apotex n'a effectivement pas déposé de présentation de drogue nouvelle. Le juge n'a rien conclu sur ce point, peut-être parce qu'elle n'a pas été tenue de le faire étant donné sa conclusion sur la question de droit. Comme toute la preuve a été produite sous forme d'affidavits et de transcriptions de contre-interrogatoires, nous sommes aussi bien placés que le juge pour trancher.

[62]Les éléments de preuve pertinents figurent au paragraphe 39 de l'affidavit de M. Rowan, dirigeant de Parke-Davis, qui se lit comme suit:

[traduction] Bien que je ne puisse l'affirmer avec certitude parce que ces demandes ne sont pas publiques, je pense qu'Apotex n'a pas déposé de demande d'avis de conformité à Santé Canada pour l'atorvastatine calcique. Je me fonde sur le fait que le médicament n'est pas disponible depuis un délai suffisamment long pour permettre la réalisation des études de stabilité, condition préalable à une telle demande. Je pense qu'on ne peut délivrer un avis de conformité avant que tous les brevets consignés au registre pour l'atorvastatine calcique aient fait l'objet d'un avis d'allégation ou soient expirés. Le brevet 546 n'a pas fait l'objet d'un avis d'allégation, puisque cet avis d'allégation aurait dû être signifié à Parke-Davis.

[63]L'affidavit de M. Bernard Sherman, président et chef de la direction d'Apotex, souscrit le 29 novembre 1999, n'indique pas qu'Apotex a produit une présentation de drogue nouvelle pour l'atorvastatine calcique ou a l'intention de le faire. Dans son contre-interrogatoire du 3 février 2002, M, Sherman a indiqué qu'Apotex déposerait une présentation de drogue nouvelle, sans préciser de date, se limitant à dire que la présentation serait déposée lorsqu'elle serait prête.

[64]Apotex est la seule partie qui était en mesure de produire la preuve qu'elle avait déposé une présentation de drogue nouvelle. Le dossier ne renferme aucun élément de preuve pouvant étayer la conclusion qu'Apotex avait déposé une présentation de drogue nouvelle. À notre avis, il est établi suivant la prépondérance de la preuve qu'Apotex n'avait pas déposé de présentation de drogue nouvelle à la date de l'audience.

[65]Il s'ensuit que le juge n'aurait pas dû traiter la demande d'ordonnance d'interdiction. Elle aurait dû accueillir la demande de Parke-Davis et Warner-Lambert visant l'obtention d'une ordonnance déclarant que l'avis d'allégation était sans effet juridique.

[66]Compte tenu de cette conclusion, il n'est pas strictement nécessaire d'examiner les autres questions. Néanmoins, nous le ferons parce que le juge les a traitées, qu'elles ont fait l'objet d'une argumentation exhaustive devant la Cour et qu'elles pourraient être soulevées à nouveau si Apotex déposait une présentation de drogue nouvelle pour le médicament visé, l'atorvastatine calcique.

L'avis d'allégation est-il invalide du fait qu'il ne renferme aucune allégation au sujet du brevet 546?

[67]Nous convenons avec le juge que l'avis d'allégation ne doit pas nécessairement faire mention de tous les brevets figurant sur la liste des brevets. Les allégations visant divers brevets sur une liste unique de brevets peuvent faire l'objet d'avis séparés et de procès séparés.

Le droit en matière de cession de brevet au domaine public

[68]Les avocats de Parke-Davis et Warner-Lambert ont vigoureusement soutenu en appel qu'il est impossible selon la loi que le titulaire d'un brevet canadien renonce à ses droits de brevet en cédant le brevet au domaine public. La prémisse de ce raisonnement est que, les droits de brevets étant une créature de la loi, rien ne peut affecter un droit de brevet à moins que la Loi sur les brevets ne le prévoie expressément. Selon la Loi sur les brevets, le brevet vient à expiration par l'écoulement du temps (article 45) ou par le défaut de paiement des taxes périodiques (article 46) et par la renonciation au brevet ou la cession de brevet (articles 48 [mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 33, art. 17; L.C. 1993, ch. 15, art. 44] et 50 [mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 33, art. 20]), mais il n'y est pas question de l'extinction des droits de brevet du fait de la cession du brevet au domaine public.

[69]Les articles 45, 46, 48 et 50 de la Loi sur les brevets prévoient:

45. (1) Sous réserve de l'article 46, la durée du brevet délivré au titre d'une demande déposée avant le 1er octobre 1989 est limitée à dix-sept ans à compter de la date à laquelle il est délivré.

(2) Si le brevet visé au paragraphe (1) n'est pas périmé à la date de l'entrée en vigueur du présent article, sa durée est limitée à dix-sept ans à compter de la date à laquelle il a été délivré ou à vingt ans à compter de la date de dépôt de la demande, la date d'expiration la plus tardive prévalant.

46. (1) Le titulaire d'un brevet délivré par le Bureau des brevets conformément à la présente loi après l'entrée en vigueur du présent article est tenu de payer au commissaire, afin de maintenir les droits conférés par le brevet en état, les taxes réglementaires pour chaque période réglementaire.

(2) En cas de non-paiement dans le délai réglementaire des taxes réglementaires, le brevet est périmé.

[. . .]

48. (1) Le breveté peut, en acquittant la taxe réglementaire, renoncer à tel des éléments qu'il ne prétend pas retenir au titre du brevet, ou d'une cession de celui-ci, si, par erreur, accident ou inadvertance, et sans intention de frauder ou tromper le public, dans l'un ou l'autre des cas suivants:

a) il a donné trop d'étendue à son mémoire descriptif, en revendiquant plus que la chose dont lui-même, ou son mandataire, est l'inventeur;

b) il s'est représenté dans le mémoire descriptif, ou a représenté son mandataire, comme étant l'inventeur d'un élément matériel ou substantiel de l'invention brevetée, alors qu'il n'en était pas l'inventeur et qu'il n'y avait aucun droit.

(2) L'acte de renonciation est déposé selon les modalités réglementaires, notamment de forme.

(3) [Abrogé, 1993, ch. 15, art. 44]    

(4) Dans toute action pendante au moment où elle est faite, aucune renonciation n'a d'effet, sauf à l'égard de la négligence ou du retard inexcusable à la faire.

(5) Si le breveté original meurt, ou s'il cède son brevet, la faculté qu'il avait de faire une renonciation passe à ses représentants légaux, et chacun d'eux peut exercer cette faculté.

(6) Après la renonciation, le brevet est considéré comme valide quant à tel élément matériel et substantiel de l'invention, nettement distinct des autres éléments de l'invention qui avaient été indûment revendiqués, auquel il n'a pas été renoncé et qui constitue véritablement l'invention de l'auteur de la renonciation, et celui-ci est admis à soutenir en conséquence une action ou poursuite à l'égard de cet élément.

[. . .]

50. (1) Tout brevet délivré pour une invention est cessible en droit, soit pour la totalité, soit pour une partie de l'intérêt, au moyen d'un acte par écrit.

(2) Toute cession de brevet et tout acte de concession ou translatif du droit exclusif d'exécuter et d'exploiter l'invention brevetée partout au Canada et de concéder un tel droit à des tiers sont enregistrés au Bureau des brevets selon ce que le commissaire établit.

(3) L'acte de cession, de concession ou de transport ne peut être enregistré au Bureau des brevets à moins d'être accompagné de l'affidavit d'un témoin attestant, ou à moins qu'il ne soit établi par une autre preuve à la satisfaction du commissaire, qu'un tel acte de cession, de concession ou de transport a été signé et souscrit par le cédant et aussi par chacune des autres parties à l'acte.

[70]Il est intéressant de noter que d'autres pays de common law ont des dispositions législatives concernant la renonciation ou l'extinction volontaire des droits de brevet. Par exemple, l'article 29 du Patents Act 1977 (R.-U.), 1977, ch. 37 dispose:

29.--(1) Le titulaire d'un brevet peut en tout temps offrir de renoncer à son brevet par avis donné au contrôleur.

(2) Une personne peut donner avis au contrôleur de son opposition à la renonciation à un brevet prévue au présent article, auquel cas le contrôleur doit le notifier au titulaire du brevet et trancher la question.

(3) Si le contrôleur est persuadé que la renonciation au brevet peut se faire correctement, il peut accepter l'offre et, à partir de la date où l'avis de son acceptation est publié au journal, le brevet cesse d'avoir effet, mais aucune action en contrefaçon ne sera ouverte à raison d'un acte accompli avant cette date et aucun droit à une indemnité ne découlera de l'utilisation de l'invention brevetée avant cette date pour les services de la Couronne.

[71]Par l'effet du paragraphe 29(2), la renonciation au brevet peut être attaquée par des tiers. Quiconque fait opposition à une renonciation offerte peut présenter des observations au contrôleur, qui a pour rôle de décider si le brevet visé peut faire l'objet d'une renonciation. Du fait qu'un brevet qui a fait l'objet d'une renonciation est considéré comme n'ayant jamais existé, le contrôleur n'est pas enclin à accepter un offre de renonciation si l'acceptation est susceptible de causer un préjudice à un tiers, un licencié par exemple (voir W. R. Cornish, Intellectual Property: Patents, Copyright, Trade Marks and Allied Rights, 4e éd. (Londres: Sweet & Maxwell, 1999), à la page 158).

[72]Selon un auteur, les brevets anglais font parfois l'objet de renonciations dans le cadre du règlement à l'amiable d'actions en contrefaçon de brevet (voir Brian C. Reid, A Practical Guide to Patent Law (Oxford: ESC Pub., 1984), à la page 109). De la même façon, le Chartered Institute of Patent Agents note que l'un des avantages de la renonciation volontaire est de permettre au breveté d'éviter des dépenses s'il est menacé d'une action en révocation (voir le Chartered Institute of Patent Agents, Patent Law of the United Kingdom, Texts, Commentary and Notes on Practice, 3e éd. (Londres: Sweet & Maxwell, 1975), à la page 186).

[73]Aux États-Unis, la renonciation au brevet et la cession de brevet au domaine public sont prévues à l'article 253 du Titre 35 (1994) du United States Code (non souligné dans l'original):

§ 253. [. . .]

[traduction] Lorsqu'une revendication de brevet, sans aucune intention de tromper, est invalide, les autres revendications ne deviennent pas automatiquement invalides. Le breveté, qui détient l'ensemble d'un brevet ou des droits partiels, peut, lorsqu'il acquitte les taxes imposées par la loi, renoncer à toute revendication complète, en y déclarant l'étendue de ses droits dans ce brevet. Une telle renonciation doit se faire par écrit et être inscrite au Bureau des brevets et des marques de commerce; elle est ensuite considérée comme faisant partie du brevet original dans une mesure équivalente aux droits de celui qui y a renoncé et de ses ayants droit.

De même, tout breveté ou tout demandeur peut renoncer au brevet ou le céder au domaine public pour la durée entière ou pour le délai restant du brevet accordé ou à accorder.

[74]Dans la décision Chris-Craft Industries, Inc. c. Monsanto, Co., 59 F.R.D. 282 (C.D. Cal. 1973), il a été établi que la cession au domaine public d'un brevet américain enlève tout intérêt aux différends concernant la validité du brevet. Il semble que la cession d'un brevet américain au domaine public met fin aux droits du breveté découlant du brevet de la même manière que si le brevet avait expiré (voir Technimark, Inc. c. Crellin, Inc., 14 F.Supp. 2d 762 (M.D.N.C. 1998).

[75]Les lois du Royaume-Uni et des États-Unis donnent des exemples de la façon dont les cessions au domaine public et des opérations similaires peuvent être codifiées. Pour le reste, elles n'éclairent en rien le problème soulevé en l'espèce. Il existe très peu de jurisprudence canadienne en matière de cession de brevet au domaine public. La plupart des décisions qui ont abordé la question n'ont pas statué sur le point de savoir si les droits du brevet peuvent prendre fin du fait de la cession du brevet au domaine public.

[76]Par exemple, dans la décision Novopharm Ltd. c. Merck & Co. (1992), 44 C.P.R. (3d) 13 (Comm. aux brevets), Merck Frosst avait cédé au domaine public l'un de ses brevets après qu'un fabricant de génériques avait demandé une licence d'importation, de fabrication, d'utilisation et de vente du médicament breveté en question. Du fait de la cession au domaine public, Merck Frosst a adopté comme position que la demanderesse devait déposer de nouveau sa demande de licence parce que la prémisse fondamentale sous-jacente à sa demande avait changé. Cependant, le commissaire aux brevets a refusé cette position. Dans l'unique paragraphe de la décision qui porte sur les cessions au domaine public, il a déclaré, à la page 15:

[traduction] [. . .] je conviens avec la demanderesse que le fait que Merck Frosst ait cédé son brevet au domaine public est sans autre effet sur la présente demande que, peut-être, en ce qui concerne la fixation de la redevance au titre de la licence concédée.

[77]Parke-Davis et Warner-Lambert ont fait valoir que, dans la décision Novopharm, le commissaire aux brevets a refusé de donner effet à la cession du brevet au domaine public. Il s'agit d'une mauvaise interprétation de la décision. Le commissaire a seulement conclu que la cession n'abrogeait pas une procédure engagée avant la cession. Il est clair que le commissaire n'entendait pas faire fi de la cession. Au contraire, il a suggéré que la cession pourrait avoir un effet sur les redevances afférentes.

[78]Une autre décision, Genentech Canada Inc. (Re) (1992), 44 C.P.R. (3d) 316 (C.E.P.M.B.), traite la cession de brevet au domaine public. Le CEPMB avait envoyé un avis d'audience à un breveté qui, alléguait-on, vendait un médicament breveté à un prix excessif. Sur réception de l'avis d'audience, le breveté a voulu céder son brevet au domaine public, à une date antérieure à la date de l'audience, cherchant ainsi à contourner la compétence du CEPMB. Le CEPMB a conclu que la cession antidatée était sans effet sur la procédure déjà engagée. Il a déclaré, à la page 324 (non souligné dans l'original):

[. . .] le Conseil a conclu qu'il a la compétence nécessaire pour poursuivre la procédure, tirer des conclusions concernant le prix de l'Activase et émettre une ordonnance, s'il y a lieu, la cession au domaine public, par les intimées, des brevets nos 1 272 149 et 1 293 211 n'ayant pas mis fin à sa compétence, dans les circonstances actuelles.

[. . .]

De plus, compte tenu de l'esprit de la Loi et des objectifs du législateur dont il est question, plus loin, le Conseil considère que la cession au domaine public des brevets relatifs à une invention, avant qu'il émette un avis d'audience, peut ne pas avoir pour effet de lui enlever la compétence nécessaire pour mener une audience sur le prix d'un médicament et d'émettre une ordonnance corrective. Pour la même raison, le Conseil juge aussi que la cession des brevets en question après qu'il a estimé que les médicaments en question étaient vendus à un prix excessif, ne lui enlève pas la compétence nécessaire pour faire appliquer une ordonnance émise conformément au paragraphe 39.15(3)d)(ii) ou e) de la Loi sur les brevets à la suite de cette évaluation.

[79]Cette décision ne se rapporte qu'à la compétence du CEPMB, selon les faits de l'affaire. La décision n'établit pas qu'il est impossible en droit de renoncer aux droits de brevet par la voie d'une cession au domaine public.

[80]Dans l'arrêt ICN Pharmaceuticals Inc. c. Canada (Personnel du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés), [1997] 1 C.F. 32 (C.A.), au paragraphe 72, la Cour a déclaré: «L'absence, dans la Loi, de dispositions prévoyant expressément la possibilité de l'abandon d'un brevet au domaine public constitue à tout le moins un autre élément de complication sur lequel il faudra statuer un jour.»

[81]Ainsi qu'il a été suggéré plus haut, la force prépondérante de l'argument portant que la cession du brevet au domaine public n'éteint pas les droits de brevet repose sur l'absence de toute mention de la cession de brevet au domaine public dans la Loi sur les brevets. Toutefois, le fait que la Loi soit muette sur ce point n'est pas déterminant. Nous convenons avec Apotex qu'une opération reconnue en common law, qui ne va à l'encontre d'aucune disposition de la Loi sur les brevets, peut toucher les droits de brevet. Les avocats de Warner-Lambert et Parke-Davis n'ont pu identifier aucun préjudice au public ou au régime des brevets qui pourrait résulter du fait de reconnaître qu'un brevet canadien peut être cédé au domaine public et que l'effet de cette cession est de mettre fin aux droits attachés au brevet. En outre, nous ne voyons aucune disposition de la Loi sur les brevets ni aucun élément des politiques sous-jacentes qui serait compromis par le fait de reconnaître que les droits de brevet peuvent s'éteindre par la cession au domaine public.

[82]Nous signalons également que la cession des brevets au domaine public est fréquente et nous en déduisons que ces cessions sont souhaitées par le monde des affaires (voir le Bulletin du CEPMB, nº 17, octobre 1995, indiquant que 633 brevets ont été cédés au domaine public entre 1969 et 1995, dont 447 par des sociétés pharmaceutiques). Nous sommes d'accord avec la décision du juge portant que la cession des brevets au domaine public par la voie d'avis publiés à la Gazette du Bureau des brevets du Canada est devenue une pratique établie.

[83]En l'espèce, par exemple, Warner-Lambert est censée avoir fait une cession irrévocable de 324 brevets au domaine public en recourant à la procédure établie. Ce serait faire injure au bon sens de conclure que Warner-Lambert croyait que cet acte était sans effet juridique. La preuve établit au contraire que la société avait l'intention d'utiliser les cessions pour se soustraire à la compétence du CEPMB, même si la question reste ouverte de savoir si cette intention s'est réalisée. La décision Genentech n'est pas pertinente parce qu'aucune des cessions de Warner-Lambert n'était antidatée. Néanmoins, le CEPMB peut toujours juger qu'il demeure compétent en matière de surveillance des prix. Nous n'exprimons aucune opinion sur ce point.

[84]Il n'y a pas de disposition dans la Loi sur les brevets qui régit l'expiration des droits de brevet par l'effet de la cession au domaine public, mais nous ne sommes pas persuadés que cela soit impossible en droit. Dans l'hypothèse où il s'agit d'une possibilité, la publication d'un avis de cession dans la Gazette du Bureau des brevets du Canada est certainement une méthode par laquelle peut s'opérer la cession de brevet au domaine public. Sur le point de savoir s'il existe d'autres méthodes de cession de brevet au domaine public, nous ne faisons aucune observation.

[85]Si un brevet canadien peut faire l'objet d'une cession au domaine public au Canada, la cession est-elle irrévocable? C'est là une autre question qui n'a pas encore été examinée dans la jurisprudence canadienne. Cependant, nous estimons que la cession d'un brevet au domaine public est analogue à un don, en ce qu'il s'agit d'un acte unilatéral par lequel le titulaire de brevet se départit volontairement de ses droits de brevet. Un don valide, une fois fait, ne peut être révoqué. Si l'analogie du don est valable, la conclusion qui s'impose est qu'une cession valide ne peut être révoquée. En fait, les cessions en l'espèce étaient déclarées [traduction] «irrévocables».

[86]En l'espèce, toutefois, il est soutenu que Warner-Lambert n'a pas cédé le brevet 768 au domaine public parce qu'elle n'avait pas l'intention de céder ce brevet particulier. Warner-Lambert dit que le brevet 768 a été inclus par erreur dans les documents de cession. Si tel est le cas, la cession est invalide et la question de la révocation ne se pose pas. (Cet aspect de l'affaire est examiné dans la section suivante.)

[87]Nous notons en passant qu'Apotex suggère que, s'il était décidé en l'espèce que le brevet 768 n'était pas cédé au domaine public, elle pourrait avoir une action en dommages-intérêts contre Warner-Lambert ou Parke-Davis ou contre les deux du fait qu'elle s'est fiée à l'avis de cession à son détriment. Le bien-fondé de cette prétention n'étant pas l'objet de l'instance, nous n'exprimons aucune opinion sur ce point.

Le brevet 768 a-t-il effectivement été cédé au domaine public?

[88]Pour la présente partie de l'examen, nous assumons que l'avis d'allégation signifié par Apotex était valide et qu'il est possible en droit de mettre fin à des droits de brevet en cédant le brevet au domaine public. Dans son avis d'allégation, Apotex a allégué que le brevet 768 n'était pas valide ou était expiré par l'effet de sa cession au domaine public. Il incombait à Parke-Davis, à titre de partie demandant une ordonnance d'interdiction, d'établir selon la prépondérance de la preuve qu'il n'y avait pas eu de cession et que, par conséquent, les allégations d'invalidité et d'expiration du brevet n'étaient pas fondées. Parke-Davis a cherché à s'acquitter de ce fardeau en fournissant la preuve que le brevet 768 avait été inclus par erreur dans les documents de cession

[89]Le juge a conclu qu'elle ne s'était pas acquittée de ce fardeau. La conclusion du juge sur ce point figure aux paragraphes 76 et 77 de ses motifs:

Toutefois, il incombe à Parke-Davis de fournir à la Cour une preuve admissible pour la convaincre qu'il était probable que la cession du brevet 768 n'a pas été intentionnelle, malgré l'existence d'une intention indéniable de céder les autres brevets énumérés dans l'annexe jointe à la cession irrévocable.

À mon avis, les avocats d'Apotex ont eu raison de dire qu'il était possible de tirer au moins une autre conclusion: soit, que la cession a été faite délibérément dans un contexte où régnaient la confusion et des problèmes de communication. Prenant en considération à la fois cette possibilité et le fait que Parke-Davis était tout à fait en mesure de fournir une preuve originale admissible de la part de Mme Ryan, signataire de la cession, et de la part de Mme  Barish, à qui on semble avoir imputé l'erreur, j'arrive à la conclusion qu'il était impératif de fournir la meilleure preuve compte tenu de la nature extraordinaire de la réparation demandée dans la présente instance. Cette preuve pourrait effectivement être fournie dans une prochaine instance en contrefaçon, mais vu la preuve dont je suis saisie, je ne suis pas convaincue, selon la prépondérance des probabilités, de pouvoir conclure que les faits établissent que la cession n'était pas intentionnelle en ce sens qu'elle était contraire à l'intention expresse exprimée à l'époque par Warner-Lambert.

[90]Les avocats de Parke-Davis et Warner-Lambert ont soutenu que le juge avait commis une erreur en tirant cette conclusion.

[91]Une cour d'appel ne doit pas intervenir dans les conclusions de fait en l'absence d'une erreur manifeste et dominante: Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235. Ce type d'erreur peut se produire dans les cas où l'appréciation de la preuve est entachée d'une erreur de droit: voir l'arrêt Baker Petrolite Corp. c. Canwell Enviro-Industries Ltd. (2002), 211 D.L.R. (4th) 696 (C.A.F.).

[92]À notre avis, le paragraphe 77 établit l'erreur, le juge y déclarant «qu'il était possible de tirer au moins une autre conclusion: soit, que la cession a été faite délibérément dans un contexte où régnaient la confusion et des problèmes de communication». La conclusion portant que la cession a été faite en raison d'une confusion et de problèmes de communication est l'antithèse de la conclusion portant que la cession était intentionnelle. Il est en effet évident qu'une mesure prise du fait de la confusion ou d'un manque de communication ne peut être intentionnelle. Selon The Oxford English Dictionary (2e éd.), un acte est intentionnel s'il est [traduction] «[b]ien pesé ou considéré; soigneusement pensé; élaboré, exécuté, etc. avec une attention minutieuse et d'intention délibérée; accompli en fonction du but fixé; étudié; fait sans hâte ou non irréfléchi». Il se peut que les documents de cession ait été transmis de manière intentionnelle, mais cela ne signifie pas que l'inclusion du brevet 768 dans la liste des brevets faisant l'objet des cessions ait été un acte intentionnel ou une intention délibérée.

[93]Ayant tiré cette conclusion, il nous incombe d'examiner la preuve afférente à la cession supposée pour décider à nouveau si cette preuve établit que l'inclusion du brevet 768 dans les documents de cession était une erreur.

[94]Les éléments de preuve directs sur lesquels se sont fondées Warner-Lambert et Parke-Davis se trouvaient dans l'affidavit de M. Rowan. Ce dernier a déclaré qu'il était la personne responsable de la gestion des brevets de Warner-Lambert au Canada et qu'il avait une connaissance personnelle des faits. Il a déclaré que la société n'avait pas eu l'intention de céder le brevet 768 au domaine public. Dans des notes établies par M. Rowan et Mme Ryan au moment de dresser la liste des brevets à céder, le brevet 768 portait la mention [traduction] «actif» de la part de M. Rowan et [traduction] «conserver» de la part de Mme Ryan. La liste préliminaire des brevets choisis pour la cession ne renfermait pas le brevet 768. Warner-Lambert a avisé l'OPIC de l'erreur peu après sa découverte et présenté une demande de correction. Le ministre de la Santé en a également été avisé et, semble-t-il aurait accepté, que la cession était une erreur. M. Rowan a décrit les mesures qu'il a prises pour découvrir comment l'erreur s'était produite. Il a expliqué qu'il avait été incapable de l'établir avec certitude, mais qu'à partir des renseignements qu'il avait pu recueillir, il avait déduit que l'inclusion du brevet 768 dans les documents de cession était une erreur.

[95]L'affidavit de M. Rowan comporte en pièce jointe une lettre des agents de brevets canadiens de Warner-Lambert à l'OPIC, datée du 31 octobre 1997, indiquant que le brevet 768 avait été inclus par erreur dans la cession et demandant que l'erreur soit corrigée. L'affidavit de Mme Ryan, qui avait signé les documents de cession, était joint à la lettre. Cet affidavit souscrit le 30 octobre 1997 comportait ce qui suit:

[traduction] Je soussignée, Andrea Ryan, vice-présidente et co-directrice du contentieux au Service de la propriété intellectuelle chez Warner-Lambert, déclare sous serment:

1.     QUE j'ai participé personnellement à la cession multiple qui a été déposée auprès du Bureau canadien des brevets le 21 décembre 1994 (dont copie ci-jointe) et que j'ai donc une connaissance des questions sur lesquelles je témoigne dans la présente.

2.     QUE c'est par erreur que le brevet canadien nº 1,268,768 a été inclus dans la liste mentionnée ci-dessus des brevets cédés.

3.     QUE la Société Warner-Lambert n'avait pas et n'a jamais eu l'intention de céder au domaine public son brevet canadien nº 1,268,768.

4.     QUE l'intention de la Société Warner-Lambert de conserver la propriété exclusive du brevet canadien nº 1,268,768 se déduit clairement du fait que toutes les taxes de maintien en l'état ont été acquittées, y compris celles qui étaient payables après le 21 décembre 1994, et que le brevet était inscrit au Conseil du prix des médicaments brevetés et de la Direction générale de la protection de la santé du ministère de la Santé nationale et du Bien-être social aux termes du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133.

[96]En fait, cet affidavit figure deux fois au dossier (voir les pièces M et O de l'affidavit Rowan).

[97]Warner-Lambert et Parke-Davis se sont également fondées sur la preuve circonstancielle pour établir la vraisemblance de leur allégation que l'inclusion du brevet 768 dans les documents de cession était une erreur. Premièrement, le brevet 768 ne présentait pas les caractéristiques des brevets de la liste de 1992 affectés à la cession (brevets dénués de valeur). Deuxièmement, divers actes accomplis par Warner-Lambert et Parke-Davis après le 21 décembre 1994 (date de la demande de cession du brevet 768 des appelantes à l'OPIC) et avant le 31 octobre 1997 (date de la demande de correction) n'étaient pas compatibles avec l'intention de céder le brevet 768 au domaine public:

a) Avant le 21 décembre 1994, Parke-Davis procédait à la phase III des essais cliniques de l'atorvastatine calcique. Après cette date, elle a continué de travailler à l'obtention de l'avis de conformité.

b) Toutes les taxes annuelles de maintien en l'état payables après le 21 décembre 1994 à l'égard du brevet 768 ont été acquittées.

c) Le 28 juin 1996 et à une autre reprise le 29 avril 1997, Parke-Davis a présenté une liste de brevets au ministre de la Santé qui faisait mention du brevet 768. La composition de la liste de brevets a été certifiée comme authentique, notamment la déclaration portant que le brevet 768 expirait à la fin de sa durée de validité en 2007. Le ministre a d'abord remis en question l'avis de cession, mais le brevet 768 a été maintenu au registre des brevets après l'explication de l'erreur.

d) Le 6 février 1997, Parke-Davis a présenté au CEPMB une notification faisant mention du brevet 768 en vue de soumettre le Lipitor à la surveillance des prix, bien que l'objet de la cession des brevets ait été de se soustraire à la compétence du CEPMB en matière d'examen des prix.

[98]La thèse portant que la cession était un acte intentionnel issu de «la confusion et des problèmes de communication» provient d'Apotex, mais n'a pas été présentée au témoin des appelantes, M. Rowan, en contre-interrogatoire. À notre avis, il incombait à Apotex d'attaquer directement M. Rowan au sujet de l'intention des appelantes: voir l'arrêt Browne c. Dunn (1893), 6 R. 67 (H.L.), aux pages 76 et 77:

[traduction] À mon avis, rien ne pourrait être plus totalement injuste que de ne pas contre-interroger des témoins sur leur déposition pour leur donner avis, et leur offrir l'occasion de s'expliquer, et bien souvent de défendre leur propre moralité, puis, après les avoir privés d'une telle occasion, d'ensuite demander au jury de ne pas ajouter foi à ce qu'ils ont dit, même si aucune question n'a été posée relativement à leur crédibilité ou à l'exactitude des faits à propos desquels ils ont témoigné.

[99]Les affidavits produits au soutien de la demande de Parke-Davis ne comportaient pas d'affidavit de Mme Ryan, qui avait signé les cessions, ni de Jean Barish, qui avait participé à l'élaboration de la liste finale des brevets destinés à la cession, ni de Michael Atkins, qui avait découvert l'erreur. Toutefois, comme on l'a indiqué précédemment, le dossier incluait bien un affidavit de Mme Ryan, mais comme partie d'une pièce afférente à l'affidavit de M. Rowan. Cet affidavit doit être pris en considération, si ce n'est pour la véracité de son contenu, à tout le moins comme élément de preuve interdisant de tirer une conclusion défavorable de l'absence complète d'affidavit de Mme Ryan dans la présente procédure.

[100]L'avocat d'Apotex a soutenu que l'affidavit de Mme Ryan ne devait pas être pris en compte parce que Mme Ryan n'avait pu être contre-interrogée. Bien que cette position soit théoriquement correcte, il s'agit d'une objection sans réelle valeur. Rien n'empêchait Apotex de chercher à obtenir des éléments de preuve en vertu des règles 41 à 46 des Règles de la Cour fédérale (1998).

[101]Outre ce fait, l'affidavit de M. Rowan démontre une connaissance de première main des faits en cause. Nous n'estimons pas nécessaire de faire déposer chacun des témoins qui avait également une connaissance des faits: Nernberg v. Shop-Easy Stores Ltd. (1966), 57 D.L.R. (2d) 741 (C.A. Sask.), à la page 745. Comme la sincérité de M. Rowan n'a pas été attaquée par Apotex et qu'une preuve circonstancielle étoffée appuyait ses allégations que le brevet 768 avait été erronément inclus dans les documents de cession, on ne pouvait affirmer que la preuve reliée à toutes les circonstances ayant donné lieu aux erreurs aurait jeté de la lumière sur les faits déjà établis.

[102]Enfin, nous notons que le dossier ne contient aucune preuve susceptible de jeter un doute sur les allégations de Parke-Davis et de Warner-Lambert concernant l'inclusion erronée du brevet 768 dans les documents de cession.

[103]Au terme de l'examen de l'ensemble de la preuve, nous concluons que Parke-Davis et Warner-Lambert se sont acquittées du fardeau d'établir, suivant la preuve prépondérante, que l'inclusion du brevet 768 dans les documents de cession était une erreur. Si nous avions conclu que l'avis d'allégation signifié par Apotex était valide, nous aurions décidé que les allégations d'invalidité ou d'expiration du brevet 768 n'étaient pas fondées et par conséquent accueilli la demande d'ordonnance d'interdiction.

Conclusion

[104]Le présent appel devrait être accueilli avec dépens, l'ordonnance du juge devrait être annulée et la Cour devrait rendre une ordonnance déclarant que l'avis d'allégation du 16 août 1999 signifié par Apotex à Parke-Davis est sans effet juridique.

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