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2004 CF 1573

IMM-577-04

CHEN, Tsai-Cheng, PENG, Sheng-Chien, WU, Chin-Chung, LIN, Chin Yuan, KUO, Nai Wei, WANG, Hsiu Shan, HSIEH, Tze-En, HUNG, Mei Ying, KO, Ching Yi, KO, Yu Fan, KO, Yu Chu, HSU, Tase Yen, CHANG, Lien Fang, CHEN, Yuan Hsing, LIN, Cheng-I, CHEN, Ping-Hung, HSIEH, Tsung-Jen, CHEN, Yueh-Yin, FANG CHANG, Shu-Min, PUI, Kwan Kay, LAI, Yung-Liang, CHANG, Ting Hui, CHANG, Fang Ming, LEI, Manuel Joao, LIN, Yung Nien, HUANG HSU, Li-Mei, FANG, Ming-Tau, LIU, Kun Yung, CHEN, Kun-Wen, TSENG, Hung Yu, CHANG, Mao, MENG, Lin Yu, TAI, Yu-Hu, YANG, Cheng-Kang, CHEN, Wen Shing, YU, Chung-Wen, YU, Wei-Chung, LIN, Shih Chun, CHANG, Lei-Fa, CHAO, Lin Shu, HSU, Pao Hua (demandeurs)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (défendeur)

IMM-1467-04

CHU, Kar Ho et PENG, Jang-Yang Alex (demandeurs)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (défendeur)

Répertorié: Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (C.F.)

Cour fédérale, juge Russell--Vancouver, 2 et 8 novembre 2004.

Pratique -- Conversion d'une demande de contrôle judiciaire en une action -- Autres mesures de redressement demandées: jonction, réunion et autorisation de modifier les actes de procédure -- L'art. 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales est une exception à la règle prévoyant que les demandes de contrôle judiciaire sont traitées sommairement -- Examen de la jurisprudence pour savoir quand il faut recourir à l'art. 18.4(2) -- L'arrêt Drapeau c. Canada (Ministre de la Défense nationale) a adopté une approche plus large à l'égard de l'art. 18.4(2) en n'établissant aucune limite quant aux facteurs pris en considération lorsqu'il s'agit de décider si la conversion doit être autorisée -- Affaire examinée dans le contexte de l'immigration -- L'intention de faire autoriser un recours collectif est-elle une question à prendre en compte? -- Requête accueillie -- Les failles dans le dossier soumis à la Cour étaient importantes au point que les motifs invoqués par les demandeurs ne pouvaient pas être traités -- La conversion et la réunion évitent la multiplicité des procédures.

Citoyenneté et Immigration -- Pratique en matière d'immigration -- Requête visant à obtenir la conversion en action des demandes de contrôle judiciaire présentées dans des dossiers d'immigration, ainsi que la réunion d'actions et l'autorisation de modifier les actes de procédure -- Le ministre prétendait que l'art. 74c) de la LIPR (le juge statue à bref délai et selon la procédure sommaire) empêche la conversion dans une affaire d'immigration -- Il était préoccupé par l'intégrité du processus d'immigration, compte tenu du volume des appels et des délais d'exécution -- Il prétendait également que les incohérences entre la LIPR et la Loi sur les Cours fédérales doivent être résolues en faveur de la LIPR -- Prétentions rejetées -- La Cour n'a pu établir ou apprécier les faits en raison de vides importants dans le dossier, comme la façon selon laquelle le ministre a traité des demandes fondées sur des considérations d'ordre humanitaire suivant l'art. 28(2)c) de la LIPR -- Des problèmes de preuve similaires ont été soulevés à l'égard de la fiche d'établissement IMM 1000 délivrée suivant l'ancienne Loi -- Sans des éléments de preuve opérationnels et systémiques, il est risqué de décider, si la fiche d'établissement IMM 1000 était traitée comme une simple question de commodité administrative -- Il y a une question de compétence qui consiste à savoir si la question de la confiscation de documents par des agents à l'étranger relève de la compétence de la SAI ou si elle peut être soumise directement à la C.F.

La présente requête visait à faire en sorte que les demandes de contrôle judiciaire présentées dans deux dossiers d'immigration soient instruites comme des actions, qu'il y ait jonction ou réunion avec certaines autres actions et qu'on accorde l'autorisation de modifier les actes de procédure dans les quatre actions réunies pour constituer une action.

Le pouvoir discrétionnaire permettant d'ordonner qu'une demande de contrôle judiciaire soit instruite comme s'il s'agissait d'une action est prévu par le paragraphe 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales à titre d'exception à la règle générale prévoyant que de telles questions sont traitées «à bref délai et selon une procédure sommaire». Dans l'arrêt Macinnis c. Canada (Procureur général), le juge Décary, J.C.A., a expliqué que, en général, c'est seulement lorsque les faits ne peuvent pas être évalués ou établis avec satisfaction au moyen d'une preuve par affidavit que l'on devrait envisager d'utiliser le paragraphe 18.4(2) parce que l'intention clairement exprimée par le Parlement était que les demandes de contrôle judiciaire, soient tranchées le plus tôt possible, avec célérité, et le moins d'obstacles et de retards possible, comme il arrive dans les procès. Supposer qu'on pourra mettre au jour une preuve cachée n'est pas une raison suffisante pour ordonner la tenue d'un procès. La question principale est de savoir si le fondement factuel nécessaire pour trancher les questions en litige peut être établi à l'aide d'une preuve par affidavit. Mais, dans l'arrêt Drapeau c. Canada (Ministre de la Défense nationale), la Cour d'appel fédérale a adopté une approche plus large à l'égard de ce paragraphe. Le juge Hugessen, J.C.A., s'exprimant au nom de la majorité, n'a pas interprété l'arrêt Macinnis comme une limite au pouvoir discrétionnaire d'un juge des requêtes dans les cas où la conversion est demandée pour des motifs autres que de prétendues contraintes de preuve. Puisque la Cour d'appel fédérale a délibérément attiré l'attention sur l'arrêt Macinnis dans l'arrêt Drapeau, ce dernier arrêt devait être suivi quant à la question selon laquelle «le paragraphe 18.4(2) n'établit aucune limite quant aux facteurs qui peuvent à juste titre être pris en considération lorsqu'il s'agit de savoir s'il convient ou non de permettre qu'une demande de contrôle judiciaire soit instruite comme s'il s'agissait d'une action». Néanmoins, la Cour ne devrait pas renoncer entièrement à ce que l'arrêt Macinnis a enseigné à propos de l'intention du Parlement que les demandes de contrôle judiciaire soient traitées le plus tôt possible. Cependant, dans l'arrêt Macinnis, les mots suivants ne pouvaient plus signifier ce qu'ils semblent dire, à savoir: «[e]n général, c'est seulement lorsque les faits, de quelque nature qu'ils soient, ne peuvent pas être évalués ou établis avec satisfaction au moyen d'un affidavit que l'on devrait envisager d'utiliser le paragraphe 18.4(2) de la Loi».

Dans le contexte de l'immigration, le ministre, préoccupé quant à l'intégrité du processus d'immigration, a laissé entendre que l'alinéa 74c) de la LIPR, prévoyant que «le juge statue à bref délai et selon la procédure sommaire», pourrait empêcher de convertir une affaire d'immigration en une action. Subsidiairement, il faut adopter un point de vue extrêmement restrictif, compte tenu du volume des appels qui cause des délais d'exécution. Le ministre a ajouté que les incohérences entre la LIPR et la Loi sur les Cours fédérales devraient être résolues en faveur de à la LIPR. Cependant, la Cour n'a pu déceler aucune véritable incohérence entre le régime de la LIPR et les Règles de la Cour fédérale (1998) ni aucune preuve de l'intention du Parlement que les dossiers d'immigration ne soient pas traités conformément à ce que nous enseigne l'arrêt Drapeau.

Les motifs sur lesquels s'appuyaient les demandeurs pour demander une ordonnance suivant le paragraphe 18.4(2) étaient les suivants: 1) le dossier relatif à la preuve requis pour les mesures de redressement qu'ils demandaient ne pouvait être établi au moyen d'un affidavit; 2) les questions de droit étaient trop complexes et les questions de fait sont trop précises pour être traitées de façon satisfaisante par un contrôle judiciaire; 3) la prévention d'une multiplicité d'actes de procédure; 4) le processus de contrôle judiciaire n'offre pas les mesures de protection appropriées en matière de procédure; 5) une demande visant à faire autoriser un recours collectif nécessiterait la conversion en une action; et 6) la façon juste, la plus expéditive et la moins coûteuse de trancher les questions en l'espèce serait la conversion en une action, la jonction, la réunion et l'autorisation d'un recours collectif.

Le ministre a prétendu que le désir de faire autoriser un recours collectif suivant la règle 299.11 n`est pas un motif de conversion et qu'il faut d'abord que le critère de conversion soit satisfait indépendamment de toute intention de faire autoriser un recours collectif. Un autre argument avancé par le ministre était que si la Cour instruit la demande de contrôle judiciaire, une décision à l'égard de la question de la rétroactivité, contraire à la Charte, et du caractère approprié du mandamus servirait de fondement à une requête sur un «point de droit» suivant la règle 220 et aiderait les parties à préciser les questions de droit et de fait aux fins du recours collectif envisagé. Le ministre était d'avis que le fondement probatoire d'un contrôle judiciaire valable existait déjà et que la conversion ne ferait que retarder la résolution des affaires en litige.

Jugement: la conversion, la jonction et la réunion sont ordonnées et l'autorisation de modifier les procédures est accordée, mais la Cour ne peut même pas considérer le souhait des demandeurs de faire autoriser un recours collectif dans la présente requête.

Étant donné que la grande partie des mesures de redressement que les demandeurs tentent d'obtenir en l'espèce est de nature déclaratoire, les ambiguïtés et les vides à l'égard de la preuve dans le dossier étaient importants au point qu'il ne pouvait y avoir un examen satisfaisant des motifs de la plainte et de la disponibilité des mesures de redressement demandées. Les faits essentiels ne pouvaient être établis ou appréciés dans le présent dossier. Il y avait un vide important dans la preuve aux fins de savoir combien de refus de demandes de résidence permanente étaient fondés sur l'alinéa 28(2)c), quelles étaient les raisons de ces refus et si l'intérêt supérieur des enfants avait été pris en compte. Comme la juge Snider l'a signalé lorsqu'elle a tranché une demande d'injonction antérieure, le ministre n'est pas tenu de s'engager à fournir les renseignements demandés au cours d'un contre-interrogatoire dans une instance de contrôle judiciaire. Le dossier fournit un portrait inadéquat de la façon selon laquelle le ministre a traité des demandes fondées sur des considérations d'ordre humanitaire suivant l'alinéa 28(2)c) de la LIPR. Des problèmes de preuve similaires ont été soulevés à l'égard des effets et du statut de la fiche d'établissement IMM 1000 délivrée suivant l'ancienne Loi sur l'immigration et de son importance à titre d'attestation de statut suivant le paragraphe 31(3) de la LIPR. Le fait que la position du ministre à l'égard des fiches d'établissement IMM 1000 soit énoncée dans divers documents publics ne permettait pas à la Cour de traiter des motifs invoqués par les demandeurs. Quant à savoir si avant la mise en application de la LIPR, la fiche d'établissement IMM 1000 était considérée une simple question de commodité administrative, il serait risqué pour la Cour de rendre une décision sans que des éléments de preuve opérationnels et systémiques quant à la façon selon laquelle de tels documents étaient dans les faits traités deviennent notoires. Les divergences entre les parties à l'égard de la question de compétence quant à savoir si la question de la confiscation de documents par des agents à l'étranger peut être soumise directement à la Cour fédérale ou si elle relève de la compétence de la SAI ne pouvaient pas être résolues au vu du dossier parce que ce qui s'est passé dans les faits à l'égard des documents saisis et de la renonciation aux droits d'appel n'a pas été examiné suffisamment à fond dans la preuve recueillie jusqu'à maintenant et ne pouvait être adéquatement traitée suivant la procédure de contrôle judiciaire.

Dans la mesure où les demandeurs s'appuyaient sur la règle 3 (qui requiert une décision juste, expéditive et la moins coûteuse à l'égard du bien-fondé), la Cour ne pouvait pas dire si l'accès à la justice et la prévention des coûts et des délais étaient mieux garantis par une action que par un contrôle judiciaire. Mais, à l'égard de la question d'éviter une multiplicité de procédures, compte tenu des problèmes de preuve dans le dossier, le bon fonctionnement procédural tendait à la conversion et à la réunion d'actions.

À l'égard de l'autorisation de recours collectif, étant donné que le ministre n'avait pas encore consenti à une telle autorisation, la Cour devait répondre à la question de savoir si l'intention des demandeurs de faire autoriser un recours collectif est un facteur qui doit être pris en compte lorsque la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire suivant le paragraphe 18.4(2). Il a été mentionné que bien que le Comité des règles de la Cour fédérale ait conclu en 2000 que les règles envisagées à l'égard des recours collectifs devraient s'appliquer à la fois aux actions et aux demandes, le régime incorporé aux Règles en 2002 s'appliquait aux actions seulement. Cela explique la nécessité de la règle 299.11 en vertu de laquelle une demande peut être présentée sous le régime de recours collectif pourvu, «en vertu du paragraphe 18.4(2) de la Loi, qu'elle soit instruite comme une action». La règle 299.11 prévoit qu'une décision d'instruire une action suivant le paragraphe 18.4(2) doit avoir été rendue avant que la règle s'applique. Pour répondre à la question, la Cour doit suivre ce qu'enseigne l'arrêt Drapeau, à savoir que le paragraphe 18.4(2) n'établit aucune limite quant aux facteurs qui peuvent être pris en considération lorsqu'il s'agit de décider si la conversion doit être autorisée. Dans toutes les circonstances, le fait de priver des demandeurs de la possibilité de faire autoriser un recours collectif en leur refusant la conversion équivaudrait à un déni de leurs droits et de ceux qu'ils tentent de représenter. Il s'agissait d'une question fondamentale d'accès à la justice, ce que l'arrêt Drapeau affirme être une considération valable.

La preuve à l'égard de la jonction suivant la règle 102 et de la réunion (règle 105) a été faite par l'avocate du ministre dans une lettre adressée à la Cour qui mentionne que les demandes de contrôle judiciaire et les actions sont fondées sur des motifs similaires. Il y avait en l'espèce suffisamment d'éléments communs pour justifier la réunion. De plus, la réunion favoriserait la politique visant à éviter une multiplicité de procédures et à permettre que des décisions peu coûteuses et expéditives soient rendues dans les instances. La Cour ne pouvait pas non plus voir comment la jonction ou la réunion causerait au ministre un préjudice important. L'autorisation de modifier les actes de procédure suivait inévitablement la conversion et la réunion.

lois et règlements cités

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 7, 15.

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 18.4 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 28), 18.5 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 28), 28 (mod., idem, art. 35).

Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.

Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 28(2)c), 31(3), 72(2)a), 74c).

Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, règles 3, 75, 102, 105, 220, 299.1 à 299.42 (édictées par DORS/2002-417, art. 17).

jurisprudence citée

décision appliquée:

Drapeau c. Canada (Ministre de la Défense nationale) (1995), 179 N.R. 398; [1995] A.C.F. no 536 (QL) (C.A.F.); conf. (1995), 119 F.T.R. 146; [1996] A.C.F. no 1120 (QL) (C.F. 1re inst.).

décision examinée:

Macinnis c. Canada (Procureur général), [1994] 2 C.F. 464; (1994), 113 D.L.R. (4th) 529; 25 Admin. L.R. (2d) 294; 47 M.P.L.R. (3d) 162; 166 N.R. 57 (C.A.).

décisions citées:

Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2004), 250 F.T.R. 285; 35 Imm. L.R. (3d) 122 (C.F.); Sivamoorthy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 307; [2003] A.C.F. no 437 (QL).

doctrine citée

Comité des Règles de la Cour fédérale du Canada. Le recours collectif en Cour fédérale du Canada: Document de travail, Ottawa, 9 juin 2000.

«Règlements projetés», Gaz. Can. 2001.I.4400-4401.

REQUÊTE visant à obtenir l'instruction de certaines demandes de contrôle judiciaire comme s'il s'agissait d'actions, la jonction et la réunion avec certaines autres actions et l'autorisation de modifier les actes de procédure dans les quatre actions réunies. Requête accueillie.

ont comparu:

Rocco Galati, pour les demandeurs.

Brenda Carbonell, pour le défendeur.

avocats inscrits au dossier:

Galati, Rodrigues and Associates, Toronto, pour les demandeurs.

Le sous-procureur général du Canada, pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance et ordonnance rendus par

Le juge Russell:

LA REQUÊTE

[1]Les principales mesures de redressement demandées dans la présente requête sont les suivantes: une ordonnance prévoyant que les demandes de contrôle judiciaire présentées dans les dossiers IMM-1467-04 et IMM-577-04 seront instruites comme des actions, la jonction et la réunion des actions converties avec les actions des dossiers IMM-10140-03 et IMM-576-04 et l'autorisation de modifier les actes de procédure dans les quatre actions réunies pour constituer une action.

LES FAITS

[2]Les faits de la présente affaire ont déjà été exposés avec une concision et une précision exemplaires par Mme la juge Snider dans ses motifs d'ordonnance et ordonnance en date du 26 mars 2004 [Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2004), 250 F.T.R. 285 (C.F.)] qui traitaient d'une demande antérieure d'injonction contre le ministre et il n'est pas utile de refaire ce récit en l'espèce.

LA CONVERSION

[3]Le pouvoir discrétionnaire d'ordonner que les demandes de contrôle judiciaire présentées dans les dossiers IMM-1467-04 et IMM-577-04 (l'autorisation a été accordée) soient instruites comme s'il s'agissait d'actions est régi par l'article 18.4 [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 28] de la Loi sur les Cours fédérales [L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14)]:

18.4 (1) Sous réserve du paragraphe (2), la Cour fédérale statue à bref délai et selon une procédure sommaire sur les demandes et les renvois qui lui sont présentés dans le cadre des articles 18.1 à 18.3.

(2) Elle peut, si elle l'estime indiqué, ordonner qu'une demande de contrôle judiciaire soit instruite comme s'il s'agissait d'une action.

[4]La jurisprudence qui interprète ces dispositions est bien connue et les demandeurs et le ministre y renvoient dans leurs documents. Le point de départ habituel est l'arrêt de la Cour d'appel fédérale Macinnis c. Canada (Procureur général), [1994] 2 C.F. 464, dans lequel le juge Décary, J.C.A., s'exprimant au nom de la Cour, a dit ce qui suit aux pages 469 à 473:

Toute tentative d'interprétation du paragraphe 18.4(2) doit commencer par la prise en considération de l'affirmation que le juge Muldoon a faite relativement au point de vue qui doit être adopté lorsqu'on veut mettre ce paragraphe en application:

L'article 18.4 de la Loi sur la Cour fédérale dispose clairement qu'en règle générale, une demande de contrôle judiciaire ou un renvoi présenté à la Section de première instance est instruit comme s'il s'agissait d'une requête. En vertu de cet article, ces matières doivent être entendues et jugées «à bref délai et selon une procédure sommaire». Exceptionnellement, le paragraphe 18.4(2) prévoit qu'une demande de contrôle judiciaire peut être instruite comme s'il s'agissait d'une action. Cependant, c'est dorénavant par voie de requête qu'il est préférable de procéder et il ne faut pas déroger à ce principe en l'absence de motifs très clairs.

Il est intéressant de se rappeler, à l'instar du juge Reed:

[. . .] [qu'] en matière de contrôle judiciaire le rôle du tribunal consiste à examiner la décision contestée, mais non à se substituer à l'instance qui l'a rendue.

Il faut aussi noter les commentaires du juge Strayer:

Pour ces motifs, je ne souscris pas à l'argument des intimés, à savoir qu'il y a des questions de fait techniques difficiles à trancher, lesquelles nécessiteront des plaidoiries et un procès ainsi que le contre- interrogatoire d'experts et d'autres personnes. En l'espèce, il n'incombe pas à la Cour de devenir une académie des sciences se prononçant sur des prévisions scientifiques contradictoires, ou d'agir en quelque sorte à titre de Haute assemblée pesant les préoccupations manifestées par le public et déterminant quelles préoccupations devraient être respectées. Indépendamment de la question de savoir si la société serait bien servie si la Cour assumait l'un ou l'autre de ces rôles, ce dont je doute sérieusement, il ne s'agit pas de rôles qui ont été confiés à la Cour dans l'exercice du contrôle judiciaire prévu par l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7].

Par conséquent, je ne vais pas ordonner que cette affaire soit entendue à titre d'action. Je crois qu'il est possible de répondre à de nombreuses préoccupations des intimés si les parties mettent l'accent sur les questions véritables.

En général, c'est seulement lorsque les faits, de quelque nature qu'ils soient, ne peuvent pas être évalués ou établis avec satisfaction au moyen d'un affidavit que l'on devrait envisager d'utiliser le paragraphe 18.4(2) de la Loi. Il ne faudrait pas perdre de vue l'intention clairement exprimée par le Parlement, qu'il soit statué le plus tôt possible sur les demandes de contrôle judiciaire, avec toute la célérité possible, et le moins possible d'obstacles et de retards du type de ceux qu'il est fréquent de rencontrer dans les procès. On a des «motifs très clairs» d'avoir recours à ce paragraphe, pour utiliser les mots du juge Muldoon, lorsqu'il faut obtenir une preuve de vive voix soit pour évaluer l'attitude et la crédibilité des témoins ou pour permettre à la Cour de saisir l'ensemble de la preuve lorsqu'elle considère que l'affaire requiert tout l'appareillage d'un procès tenu en bonne et due forme. L'arrêt rendu par la présente Cour dans l'affaire Bayer AG et Miles Canada Inc. c. Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social et Apotex Inc., où le juge Mahoney, J.C.A. s'est montré jusqu'à un certain point en désaccord avec la décision rendue par le juge Rouleau dans la même affaire, est un exemple récent de l'hésitation de la Cour à instruire une affaire par voie d'action plutôt qu'au moyen d'une demande.

Le juge Strayer, dans l'arrêt Vancouver Island Peace Society, et le juge Reed dans l'arrêt Derrickson, ont mentionné qu'il est important de se rappeler la vraie nature des questions auxquelles la Cour doit répondre dans une procédure de contrôle judiciaire, et de considérer la pertinence d'utiliser la preuve déposée par affidavit pour répondre à ces questions. Par conséquent, un juge commettrait une erreur en acceptant qu'une partie puisse seulement présenter la preuve qu'elle veut au moyen d'un procès si cette preuve n'était pas liée aux questions très précises auxquelles la Cour doit répondre. La complexité, comme telle, des questions de faits ne saurait être prise en considération si les affidavits contradictoires des experts qui s'appuient sur ces faits se rapportent aux questions soumises au tribunal plutôt qu'aux questions soumises à la Cour. Par conséquent, supposer qu'on pourra mettre au jour une preuve cachée n'est pas une raison suffisante pour ordonner la tenue d'un procès. Un juge peut être justifié de statuer autrement s'il a de bonnes raisons de croire qu'une telle preuve ne pourrait être mise au jour qu'au moyen d'un procès. Mais le vrai critère que le juge doit appliquer est de se demander si la preuve présentée au moyen d'affidavits sera suffisante, et non de se demander si la preuve qui pourrait être présentée au cours d'un procès pourrait être supérieure.

Nous ne croyons pas que la qualité de la preuve requise varie selon qu'il s'agisse d'une question liée à la Charte ou à d'autres questions. Il est exact que les faits constitutionnels sont inhabituels, en ce qu'ils se rapportent souvent à des tendances sociales. Mais avant qu'un juge conclue que des questions liées à la Charte nécessitent un procès, il faut des raisons de croire que la preuve déposée au moyen d'affidavits sera insuffisante. La présentation d'une requête n'équivaut pas à procéder dans un «vide factuel», puisque la preuve par affidavit est possible. L'affirmation que les questions liées à la Charte ne peuvent être correctement tranchées qu'au moyen d'un procès bat en brèche les arrêts innombrables rendus par la présente Cour, la Cour suprême du Canada et d'autres cours à la suite d'une demande ou d'un autre moyen sommaire, ou lors de l'appel de ces décisions. Il n'y a absolument aucun motif d'accorder un traitement spécial aux litiges où la Charte est invoquée.

La complexité, comme telle, des questions de droit n'est pas un motif suffisant. Cette complexité reste la même, que ces questions soient débattues lors de l'instruction d'une demande ou d'une action.

Le temps, comme tel, n'est pas non plus un motif suffisant pour transformer une demande en action. Le volume de la preuve qui sera déposée par affidavit et le temps dont les avocats ont besoin pour présenter leur affaire n'ont pas de relation avec la façon dont l'instance est tenue. Nous sommes conscients que les demandes ont pris de plus en plus du temps de la Section de première instance, et que ce qui n'était pour un juge que le jour des requêtes est devenu plus souvent qu'autrement la semaine des requêtes. Le système a clairement besoin d'être adapté aux nouvelles exigences de l'ère post-Charte; mais la solution ne saurait être, parce que l'on battrait alors en brèche la volonté du Parlement, de diminuer le fardeau du juge des requêtes en transformant les demandes en actions.

Les motifs subjectifs qu'une partie pourrait avoir de désirer que la preuve soit présentée de vive voix ne sont pas non plus pertinents. Le désir d'une partie d'avoir son heure de gloire au prétoire n'est pas un motif pour accorder un procès.

En l'espèce, et en toute déférence, le juge des requêtes était, d'une part, trop préoccupé par la complexité des questions soulevées et par le fait qu'il y avait des questions liées à la Charte et, d'autre part, pas assez préoccupé par ce qui aurait dû être la question principale, à savoir si la preuve nécessaire pour trancher le litige pouvait être valablement produite par affidavit. Il y a là clairement matière à intervention de notre Cour.

Nous avons examiné les plaidoiries et les dossiers des deux demandes présentées antérieurement à la Section de première instance et sur lesquelles l'intimé a appuyé sa présente demande. Il y a effectivement des questions et des faits complexes, mais on ne nous a pas convaincus qu'une audience tenue de façon sommaire empêcherait les parties et la Cour d'instruire de façon appropriée la demande de contrôle judiciaire. Au contraire, il nous semble que les motifs de plainte de l'intimé sont entièrement liés à la procédure suivie par la Commission. Les questions de procédure étant très précisément de la compétence de la Cour, elles ne sont pas complexes au point de nécessiter la production de documents ou leur communication, des témoignages faits de vive voix et comportant contre-interrogatoire et, finalement, l'appareillage complet d'un procès. [Notes omises.]

[5]L'arrêt Macinnis représente une conception étroite du paragraphe 18.4(2) et exprime «l'hésitation de la Cour à instruire une affaire par voie d'action plutôt qu'au moyen d'une demande». L'affaire propose une règle générale selon laquelle c'est «seulement lorsque les faits, de quelque nature qu'ils soient, ne peuvent pas être évalués ou établis avec satisfaction au moyen d'un affidavit que l'on devrait envisager d'utiliser le paragraphe 18.4(2) de la Loi».

[6]Dans l'arrêt Drapeau c. Canada (Ministre de la Défense nationale) (1995), 179 N.R. 398 (C.A.F.), une formation quelque peu différente de la Cour d'appel fédérale a adopté une approche beaucoup plus large à l'égard du paragraphe 18.4(2). Le juge Hugessen, J.C.A., s'exprimant au nom de la majorité, a fourni les directives suivantes [[1995] A.C.F. no 536 (QL) au paragraphe 1]:

Le juge Chevalier et moi-même sommes d'avis qu'un juge des requêtes, saisi d'une requête visant à convertir une demande de contrôle judiciaire en une action conformément au paragraphe 18.4(2), ne commet pas d'erreur lorsqu'il prend en considération le caractère souhaitable de mesures visant à prévenir une multiplicité de procédures. Dans la présente affaire, le juge des requêtes était saisi de contestations visant une série de décisions prétendument rendues de mauvaise foi et au mépris des principes de justice naturelle, décisions qui auraient, semble-t-il, causé un préjudice au demandeur. Elle a estimé que, dans ces circonstances, il était «juste» de permettre au demandeur de réunir ces procédures dans une action unique. Nous partageons l'avis du juge des requêtes selon lequel l'arrêt rendu par la Cour d'appel fédérale dans l'espèce MacInnis c. Canada, [1994] 2 C.F. 464; 166 N.R. 57 (C.A.F.), porte sur des circonstances différentes et ne devrait pas être interprété comme une limite au pouvoir discrétionnaire d'un juge des requêtes dans les cas où la conversion est demandée pour des motifs autres que de prétendues contraintes de preuve. De l'avis de la Cour, le paragraphe 18.4(2) n'établit aucune limite quant aux facteurs qui peuvent à juste titre être pris en considération lorsqu'il s'agit de savoir s'il convient ou non de permettre qu'une demande de contrôle judiciaire soit instruite comme s'il s'agissait d'une action. Parmi ces facteurs, figurent certainement les commodités de l'accès à la justice et la prévention des coûts et délais inutiles. [Note omise.]

[7]Le juge Stone, J.C.A., qui avait siégé dans l'arrêt Macinnis, était manifestement préoccupé par cette approche parce qu'il a fourni une opinion dissidente marquante, bien que dans ses motifs il ne soutienne pas ouvertement la conception étroite de l'arrêt Macinnis, mais il se limite à la question précise de savoir si le fait de prévenir une multiplicité de procédures est une justification suffisante de l'exercice du pouvoir discrétionnaire incorporé dans le paragraphe 18.4(2) [au paragraphe 6]:

À mon avis, le paragraphe 18.4(2) de la Loi sur la Cour fédérale n'a pas pour objet de permettre à un plaideur qui recherche un redressement au moyen d'une demande de contrôle judiciaire d'obtenir la conversion de ladite demande en une action simplement parce qu'il décide par la suite d'engager une action délictuelle en dommages-intérêts fondée sur les mêmes circonstances, même si, comme l'a estimé le juge de première instance, telle conversion permettrait d'éviter une multiplicité de procédures. Je suis d'avis que le paragraphe n'envisage pas une telle conversion dans ce genre de circonstances. J'interprète ce paragraphe dans le contexte tout entier des articles 18.1 à 18.5, et, à mon avis, son objet est de rendre la Cour plus apte à déterminer si le redressement particulier demandé, et accessible uniquement au moyen d'une demande de contrôle judiciaire, devrait être accordé ou refusé, et non de permettre à la Cour de convertir la demande en une action simplement parce que l'auteur de cette demande voudrait maintenant obtenir des dommages-intérêts par voie d'action délictuelle. [Note omise.]

[8]Il est possible qu'il n'y ait pas d'incompatibilité entre la conception adoptée dans l'arrêt Macinnis et celle défendue dans l'arrêt Drapeau parce que, comme le juge Hugessen a expliqué dans l'arrêt Drapeau, «l'arrêt rendu par la Cour d'appel fédérale dans l'espèce MacInnis [sic] c. Canada [. . .] porte sur des circonstances différentes et ne devrait pas être interprété comme une limite au pouvoir discrétionnaire d'un juge des requêtes dans les cas où la conversion est demandée pour des motifs autres que de prétendues contraintes de preuve».

[9]Étant donné que dans l'arrêt Drapeau, la Cour d'appel fédérale a délibérément attiré l'attention sur l'arrêt Macinnis et nous a dit de quelle façon l'arrêt Macinnis ne devrait pas être interprété, il me semble que je suis tenu de suivre l'arrêt Drapeau et que je dois tenir pour acquis aux fins de la présente requête que «le paragraphe 18.4(2) n'établit aucune limite quant aux facteurs qui peuvent à juste titre être pris en considération lorsqu'il s'agit de savoir s'il convient ou non de permettre qu'une demande de contrôle judiciaire soit instruite comme s'il s'agissait d'une action» et que «[p]armi ces facteurs, figurent certainement les commodités de l'accès à la justice et la prévention des coûts et délais inutiles».

[10]Cela ne signifie pas, il me semble, que je devrais renoncer à ce que l'arrêt Macinnis enseigne et «perdre de vue l'intention clairement exprimée par le Parlement, qu'il soit statué le plus tôt possible sur les demandes de contrôle judiciaire, avec toute la célérité possible, et le moins possible d'obstacles et de retards du type de ceux qu'il est fréquent de rencontrer dans les procès» (pages 470 et 471), mais je pense que je dois renoncer à une interprétation de l'arrêt Macinnis qui tient pour acquis que les mots suivants signifient ce qu'ils semblent dire: «[e]n général, c'est seulement lorsque les faits, de quelque nature qu'ils soient, ne peuvent pas être évalués ou établis avec satisfaction au moyen d'un affidavit que l'on devrait envisager d'utiliser le paragraphe 18.4(2) de la Loi» (page 470).

LE CONTEXTE EN MATIÈRE D'IMMIGRATION

[11]Le ministre est, à mon avis, préoccupé à juste titre quant à l'intégrité du processus d'immigration et la façon de traiter les questions d'immigration maintenant incluses dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés [L.C. 2001, ch. 27] (LIPR) et le Règlement pris en vertu de cette Loi. En fait, le ministre se demande si l'alinéa 74c) de la LIPR «le juge statue à bref délai et selon la procédure sommaire» empêche de convertir une affaire d'immigration en une action et il fait une mise en garde selon laquelle, même s'il ne l'empêche pas, un point de vue extrêmement restrictif devrait être adopté à l'égard de la conversion dans le contexte de l'immigration parce que, pour citer le ministre, le [traduction] «développement de la pratique en matière d'immigration à la Cour fédérale démontre l'intention du Parlement de s'assurer que les affaires soient instruites sommairement, réduisant par conséquent le volume des appels et les délais en résultant dans l'exécution de la loi d'immigration». Le ministre prétend en outre ce qui suit:

[traduction] Un thème constant dans la section 8 de la LIPR est que les affaires d'immigration doivent être instruites sommairement et à bref délai. Un autre thème constant dans la LIPR et dans les Règles de la Cour fédérale en matière d'immigration et de protection des réfugiés est que les incohérences entre la LIPR et la Loi sur les Cours fédérales ou entre la LIPR et les Règles de la Cour fédérale en matière d'immigration et de protection des réfugiés doivent être résolues en faveur de la LIPR.

[12]Après avoir examiné les dispositions législatives et réglementaires mentionnées par le ministre, et la jurisprudence invoquée au soutien des arguments du ministre à l'égard d'une mise en garde particulière dans le contexte des litiges en matière d'immigration, je ne peux déceler aucune véritable incohérence entre le régime de la LIPR et les Règles de la Cour fédérale (1998) [DORS/98-106] ni aucune preuve de l'intention du Parlement démontrant que, lors de l'examen d'une ordonnance suivant le paragraphe 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales, des demandes d'immigration donnent lieu à des considérations particulières qui ne sont pas couvertes par ce que nous enseigne de façon générale l'arrêt Drapeau selon lequel «le paragraphe 18.4(2) n'établit aucune limite quant aux facteurs qui peuvent à juste titre être pris en considération lorsqu'il s'agit de savoir s'il convient ou non de permettre qu'une demande de contrôle judiciaire soit instruite comme s'il s'agissait d'une action» (paragraphe 1).

[13]Je partage l'opinion du ministre selon laquelle le paragraphe [traduction] «18.4(2) prévoit la conversion d'une demande de contrôle judiciaire en une action à titre d'exception au paragraphe 18.4(1)», mais que l'exception est destinée à être applicable dans tous les contextes et que toute considération particulière qui peut être soulevée par l'application du paragraphe 18.4(2) aux affaires d'immigration, y compris des dispositions précises de la LIPR et de son Règlement, peut être traitée en suivant les directives générales de l'arrêt Drapeau.

[14]En outre, comme l'avocate a candidement reconnu lors de l'audition de la présente requête, le ministre a estimé qu'il était indiqué de consentir à la conversion en une action à d'autres occasions, montrant ainsi que la LIPR n'empêche pas qu'une demande de contrôle judiciaire en matière d'immigration soit instruite comme s'il s'agissait d'une action dans des circonstances appropriées.

LES MOTIFS INVOQUÉS

[15]Les demandeurs s'appuient sur divers motifs pour demander dans la présente affaire une ordonnance suivant le paragraphe 18.4(2), à savoir:

1. le dossier relatif à la preuve requis pour la mesure de redressement qu'ils demandent et le fondement juridique de cette mesure de redressement ne peuvent être établis et assemblés pour la Cour au moyen d'un affidavit;

2. il existe des questions de droit et de fait précis complexes dans les demandes qui ne peuvent être traitées de façon satisfaisante par un contrôle judiciaire et qui font que ces dossiers se prêtent à une instruction comme s'il s'agissait d'une action;

3. il existe des questions d'accès à la justice et le besoin d'éviter des coûts inutiles et une multiplicité de procédures qui nécessitent la conversion en une action;

4. étant donné que la principale mesure de redressement demandée par les demandeurs est de nature déclaratoire, le processus de contrôle judiciaire n'offre pas les mesures de protection appropriées en matière de procédure. Ces mesures de protection ne peuvent être garanties que par une instruction comme s'il s'agissait d'une action;

5. l'intention des demandeurs de présenter une demande visant à faire autoriser un recours collectif nécessite la conversion en une action parce que le régime de recours collectif prévu par les Règles de la Cour fédérale (1998) (règles 299.1 à 299.42 [édictées par DORS/2002-417, art. 17]) s'applique aux actions, mais non aux demandes de contrôle judiciaire;

6. la façon juste, la plus expéditive et la moins coûteuse de trancher les questions soulevées dans les demandes de contrôle judiciaire nécessite la conversion en une action, la jonction, la réunion et l'autorisation d'un recours collectif.

[16]Le ministre tente de s'opposer à la conversion dans la présente affaire parce que la renonciation aux procédures sommaires au bénéfice d'une action serait incompatible avec le régime et l'objectif de la LIPR et parce que, de toute façon, les demandeurs ne peuvent satisfaire au critère de conversion établi par la jurisprudence pertinente.

[17]Le ministre prétend, en particulier, que le désir de faire autoriser un recours collectif suivant la règle 299.11 des Règles de la Cour fédérale (1998), n'est pas un motif de conversion et que les demandeurs doivent d'abord satisfaire au critère de conversion indépendamment de tout désir ou de toute intention de faire autoriser un recours collectif. Le ministre affirme que les Règles de la Cour fédérale (1998) [traduction] «n'envisagent pas une conversion d'une demande de contrôle judiciaire en une action aux fins de devenir un recours collectif, mais la possibilité de faire autoriser un recours collectif si le critère de conversion est satisfait».

[18]Le ministre affirme en outre que tant dans le dossier IMM-577-04 que dans le dossier IMM-1467-04, il y a déjà un fondement probatoire suffisant pour permettre à la Cour de rendre une décision à l'égard des questions soulevées et de la mesure de redressement demandée par une procédure de contrôle judiciaire.

[19]À l'égard de certains des détails des deux demandes, le ministre soulève en outre les points suivants pour que la Cour les examine:

1. dans le dossier IMM-577-04, le demandeur réclame un jugement déclaratoire et un mandamus. Le contrôle judiciaire est centré sur le processus de délivrance de carte de résident permanent et sur la question de savoir s'il y a eu des retards déraisonnables dans le traitement des demandes de carte de RP. La question est théorique quant au mandamus parce que toutes les demandes de carte de RP ont maintenant été traitées;

2. de plus, dans le dossier IMM-577-04, la question de savoir si les dispositions de la LIPR qui traitent des exigences et des obligations en matière de résidence sont appliquées d'une manière rétroactive, en contravention des articles 7 et 15 de la Charte [Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]], soulève des considérations purement juridiques qui peuvent être tranchées suivant la LIPR;

3. à l'égard des demandes de jugement déclaratoire reliées au traitement des demandes de carte de RP et à la délivrance à l'étranger des titres de voyage, les représentants du ministre ont déjà, lors du contre- interrogatoire, témoigné à l'égard de la façon selon laquelle l'inventaire des cas se rapportant aux cartes de RP a été établi et ont déjà reconnu les erreurs commises au début du processus de délivrance des titres de voyage. Il y a eu en outre un contre-interrogatoire sur les niveaux actuels de dotation et sur l'inventaire des demandes de carte de RP à Vancouver. Par conséquent, [traduction] «la Cour dispose de suffisamment d'éléments de preuve pour lui permettre d'accorder une combinaison de mesures de redressement extraordinaires» si, dans une procédure de contrôle judiciaire, elle estime nécessaire de le faire;

4. la Cour devrait instruire les demandes de contrôle judiciaire parce qu'une décision portant sur la question de la rétroactivité et contraire à la Charte, et sur le caractère approprié du mandamus, service de fondement à une requête sur un «point de droit» suivant la règle 220 et aidera les parties à préciser les questions de droit et de fait aux fins du recours collectif envisagé;

5. la décision de la Cour à l'égard des demandes de contrôle judiciaire sera utile pour trancher les actions existantes dans les dossiers IMM-576-04 et IMM-10140-03 et permettra aux parties de passer directement au règlement.

[20]En résumé, le ministre est d'avis que le fondement probatoire d'un contrôle judiciaire valable des questions existe déjà. La conversion n'est pas nécessaire et ne fera que retarder la résolution des affaires en litige de même que les recours collectifs parallèles qui ont été envisagés.

ANALYSE

[21]Parmi les différents motifs invoqués par les demandeurs pour obtenir une ordonnance en vertu du paragraphe 18.4(2), je ne considère que ce qui suit comme important, à partir des faits dont je dispose.

La preuve

[22]Compte tenu des mesures de redressement que les demandeurs tentent d'obtenir dans les demandes de contrôle judiciaire--en grande partie d'une nature déclaratoire (comme il est énoncé dans les demandes et dans leur exposé des arguments additionnel)--il y a dans le présent dossier des vides et des ambiguïtés à l'égard de la preuve qui, à mon avis, ne permettent pas un examen satisfaisant des motifs de la plainte et de la disponibilité des mesures de redressement demandées. Le fait que les questions de droit et de fait soient complexes, et qu'il existe des questions liées à la Charte et à la constitution, ne regarde pas la Cour et, à mon avis, n'est pas pertinent. Ces sortes de questions peuvent être adéquatement traitées lors d'un contrôle judiciaire dans la mesure où le dossier contient un fondement probatoire approprié. Cependant, ma compréhension des affidavits et des contre-interrogatoires fournis jusqu'à maintenant me donne à penser que des faits essentiels ne peuvent être établis ou appréciés de façon satisfaisante au regard du présent dossier.

[23]Par exemple, il y a au centre du litige la question des droits d'un résident permanent d'entrer et de rester au Canada et la question de savoir comment les circonstances d'ordre humanitaire mentionnées à l'alinéa 28(2)c) de la LIPR (y compris l'intérêt supérieur des enfants) ont été appliquées, ou ne l'ont pas été, dans la présente affaire.

[24]Le défendeur adopte la position qu'il existe déjà suffisamment de preuve au dossier pour permettre à la Cour de traiter de cette question. De façon générale, cependant, le dossier me donne à penser que le défendeur a indiqué par ses représentants et par les auteurs des affidavits déposés qu'une bonne partie des renseignements à l'égard de cette question n'est simplement pas disponible. Le ministre n'a pas indiqué de quelle façon de nombreux refus à l'égard de résidents permanents étaient fondés sur l'alinéa 28(2)c), quelles étaient les raisons de ces refus et si l'intérêt supérieur des enfants a été pris en compte. Alors, il semble qu'il y ait, à l'égard de cette question, un vide important dans la preuve quant à la réalité et au comportement systémiques des fonctionnaires du ministre. Comme la juge Snider l'a signalé lorsqu'elle a examiné la demande d'injonction, le ministre n'est pas tenu de s'engager à fournir les renseignements demandés au cours d'un contre- interrogatoire dans une instance de contrôle judiciaire et, comme les demandeurs l'ont signalé lors de l'audition de la présente requête devant la Cour, le ministre avait tout à fait le droit, dans le cadre des procédures de contrôle judiciaire, de refuser de s'engager ou d'obliger ses représentants à se renseigner complètement avant de témoigner. De plus, le ministre a adopté la position--une fois de plus à juste titre à mon avis--que les transcriptions des contre-interrogatoires ne peuvent pas être utilisées dans d'autres instances et que les contre-interrogatoires ne pouvaient pas être ajournés. Les représentants du ministre ont reconnu jusqu'à maintenant qu'ils ont été négligents dans le traitement de certains aspects des considérations d'ordre humanitaire, mais en ce qui a trait aux motifs précis mentionnés dans les demandes, il n'existe pas suffisamment de preuve pour qu'une décision valable soit rendue.

[25]Alors, à mon avis, le dossier fournit un portrait inadéquat de la façon selon laquelle le ministre a traité des demandes fondées sur des considérations d'ordre humanitaire suivant l'alinéa 28(2)c) de la LIPR. La preuve à cet égard est nécessaire parce que les demandeurs affirment qu'ils étaient admissibles comme résidents permanents suivant l'alinéa 28(2)c) et qu'ils n'ont pas été traités conformément à cette disposition. Cela a également des conséquences, entre autres, quant aux questions se rapportant à l'article 7 de la Charte soulevées par les demandeurs.

[26]Il me semble que la Cour a besoin, à l'égard de cette question, d'éléments de preuve qui ne peuvent être obtenus que si l'affaire se poursuit en tant qu'action.

[27]Le dossier soulève des problèmes de preuve similaires à l'égard des effets et du statut de la fiche d'établissement IMM 1000 délivrée suivant l'ancienne Loi sur l'immigration [L.R.C. (1985), ch. I-2] et de son importance à titre d'attestation de statut suivant le paragraphe 31(3) de la LIPR.

[28]Le ministre reconnaît qu'il y a une difficulté importante entourant la question de la saisie des fiches d'établissement et que certains agents ne comprenaient pas la procédure appropriée. Il existe entre les parties un litige quant à la question de savoir si ces documents ont été incorrectement saisis dans certains cas.

[29]Cependant, le ministre affirme également que le statut de la fiche d'établissement IMM 1000 est une question notoire qui est exposée dans divers guides et effets réglementaires fournis par le ministre. Il affirme qu'avant la mise en application de la LIPR, la fiche d'établissement IMM 1000 était un document administratif et une question de politique et procédure. Depuis la mise en application de la LIPR, le statut de ce document a été clarifié par règlement. Par conséquent, le ministre adopte la position que le litige à l'égard de la fiche d'établissement n'est pas une question de fait et que le statut d'un tel document est simplement une question d'interprétation de ce qu'il a dit sur ce sujet, ce qui est notoire.

[30]De toute façon, le ministre affirme que le refus de délivrer à l'étranger des titres de voyage n'est pas une question qui a été correctement déférée à la Cour dans les présentes demandes parce qu'un tel refus devrait être soumis à la SAI, qui a compétence pour trancher toute question de fait et de droit, et être ensuite renvoyé à la Cour au moyen d'une demande de contrôle judiciaire si les parties ne sont pas satisfaites.

[31]À mon avis, le fait que la position du ministre à l'égard des fiches d'établissement IMM 1000 soit énoncée dans divers documents publics ne permet pas à la Cour de traiter des motifs invoqués par les demandeurs. Par exemple, les demandeurs contestent l'affirmation selon laquelle avant la mise en application de la LIPR les fiches d'établissement IMM 1000 étaient une question de commodité administrative. Il serait donc risqué pour la Cour de rendre une décision à l'égard de cette question sans que des éléments de preuve opérationnels et systémiques quant à la façon selon laquelle de tels documents étaient traités deviennent notoires. Il est nécessaire en outre d'obtenir des éléments de preuve additionnels quant à la façon selon laquelle les fiches d'établissement ont été saisies et autrement traitées par les agents à l'étranger. Le ministre reconnaît qu'il existe dans le présent dossier une confusion importante à cet égard.

[32]La position des demandeurs est que l'article 18.5 [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 28] de la Loi sur les Cours fédérales ne les empêche pas de présenter la présente affaire directement à la Cour parce qu'il s'agit essentiellement d'une question sur laquelle la SAI n'a pas compétence. Ils affirment qu'un droit d'appel tel qu'envisagé par l'alinéa 72(2)a) de la LIPR n'est pas enclenché dans la présente affaire. La confiscation physique de documents par des agents à l'étranger, que le ministre reconnaît être incorrecte dans certains cas et qui soulève des questions extrêmement litigieuses quant à ce qui s'est vraiment passé, ne fait pas, selon les demandeurs, intervenir l'alinéa 72(2)a) de la LIPR et la compétence de la SAI. Par conséquent, rien n'empêche les demandeurs de s'adresser directement à la Cour dans la présente affaire.

[33]À mon avis, les divergences entre les parties à l'égard même de cette question de compétence ne peuvent être résolues dans le présent dossier parce que la question de savoir ce qui s'est passé dans les faits à l'égard des documents saisis et celle de la possible renonciation aux droits d'appel n'ont pas été examinées suffisamment à fond dans la preuve recueillie jusqu'à maintenant et ne peuvent pas être adéquatement traitées suivant la procédure de contrôle judiciaire.

[34]Le traitement par le ministre des questions se rapportant aux considérations d'ordre humanitaire et aux fiches d'établissement IMM 1000 n'épuise pas les points en litige entre les parties, mais ces questions, à mon avis, sont au centre du litige et des motifs invoqués dans les demandes et je ne crois pas qu'il existe un fondement probatoire permettant qu'elles soient traitées dans le contexte d'un contrôle judiciaire.

La décision juste, la plus expéditive et la moins coûteuse à l'égard du bien-fondé

[35]Les demandeurs mentionnent le mandat général prévu par la règle 3 des Règles de la Cour fédérale (1998) comme autre fondement justifiant l'instruction d'une action à la suite de la présente requête. En théorie du moins, l'arrêt Drapeau semble proposer que de telles considérations puissent être pertinentes et que les «commodités de l'accès à la justice et la prévention des coûts et délais inutiles» peuvent certainement être prises en compte.

[36]Cependant, selon les faits et les prétentions qui me sont présentés, je ne peux pas dire, sauf quant aux questions se rapportant à la preuve, si l'accès à la justice et la prévention des coûts et des délais sont mieux garantis par une action que par un contrôle judiciaire. Normalement, on s'attend à ce qu'une procédure sommaire coûte moins cher et prenne moins de temps, mais si les questions se rapportant à la preuve ne peuvent être adéquatement traitées au moyen d'un contrôle judiciaire, alors une décision juste à l'égard du bien-fondé nécessitera l'instruction d'une action.

[37]Dans la présente requête, les considérations qui ont déjà été traitées à l'égard des questions se rapportant à la preuve sont applicables en l'espèce et il n'est pas nécessaire de discuter plus à fond des coûts et des délais.

[38]Le fait d'éviter une multiplicité de procédures était une question très litigieuse dans l'arrêt Drapeau. Selon les faits de cet arrêt, le juge Stone, J.C.A., dans sa dissidence exprimée de vive voix, a rejeté le raisonnement du juge des requêtes [(1995), 119 F.T.R. 146 (C.F. 1re inst.)] qui permettait la conversion en un procès afin d'«éviter une multiplicité de procédures, compte tenu de l'intention déclarée du requérant d'engager une action en dommages-intérêts».

[39]Dans l'arrêt Drapeau, la majorité a rejeté l'appel et a conclu expressément qu'«un juge des requêtes, saisi d'une requête visant à convertir une demande de contrôle judiciaire en une action conformément au paragraphe 18.4(2), ne commet pas d'erreur lorsqu'il prend en considération le caractère souhaitable de mesures visant à prévenir une multiplicité de procédures».

[40]Dans la présente affaire, évidemment, il ne faut pas oublier qu'il s'agit de demandeurs types dans une demande de contrôle judiciaire dans laquelle il est expressément demandé que celle-ci [traduction] « soit instruite comme un recours collectif envisagé en vertu de la règle 299.11 des Règles de la Cour fédérale (1998)».

[41]Il s'agit également d'une affaire où, dans une lettre datée du 8 septembre 2004 adressée à la Cour qui traitait d'une conférence de gestion de l'instance demandée par l'avocat des demandeurs, l'avocate du défendeur a déclaré catégoriquement qu'une [traduction] «comparaison des observations écrites dans les demandes de contrôle judiciaire et les déclarations montre que les demandes de contrôle judiciaire et les actions sont fondées sur des motifs similaires. La principale différence entre les actions et les contrôles judiciaires se trouve dans les mesures de redressement demandées».

[42]Cette prétention a été présentée par le ministre pour justifier les contrôles judiciaires de façon à ce que les questions majeures dans les actions puissent être établies à l'avance d'une façon sommaire qui [traduction] «donnerait à tous les intéressés une possibilité de cerner les questions de fait et de droit dans le recours collectif envisagé. La décision de la Cour dans le contrôle judiciaire peut même trancher les actions et permettre aux parties de passer directement au règlement».

[43]Toutefois, en présence de problèmes de preuve inhérents aux demandes de contrôle judiciaire, ces mots de l'avocate du ministre me semblent être un argument hautement persuasif pour la conversion afin de permettre que toutes les questions soient tranchées dans une action réunie. À mon avis, compte tenu des problèmes de preuve dans le présent dossier, le bon fonctionnement procédural tend à la conversion et à la réunion d'actions.

L'autorisation d'un recours collectif

[44]Les demandes de contrôle judiciaire montrent que l'autorisation d'un recours collectif faisait partie de la stratégie dès le début. La règle 299.11 des Règles de la Cour fédérale (1998) établit clairement qu'une action ne peut être autorisée comme recours collectif dans ces demandes que si elles sont instruites comme une action en vertu du paragraphe 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales. La prétention des demandeurs est que si la conversion est autorisée, les deux contrôles peuvent être joints aux deux actions existantes et, à la suite d'une modification des procédures et de la réunion des quatre actions, on peut alors précéder à l'autorisation de recours collectif.

[45]À ce stade, évidemment, nous n'avons pas le consentement du ministre pour l'autorisation d'un recours collectif de sorte que la Cour fait face au problème de savoir si une intention manifeste et soutenue des demandeurs visant à faire autoriser un recours collectif devrait être un facteur pris en compte lorsque la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire suivant le paragraphe 18.4(2).

[46]Bien que les avocats dans la présente requête n'aient pas attiré mon attention sur ce fait, je remarque que le Comité des règles de la Cour fédérale du Canada a diffusé en 2000 un document de travail intitulé «Le recours collectif en Cour fédérale au Canada» dans lequel il a mentionné que «[l]a nature des causes d'immigration est telle que de nombreux demandeurs présentent souvent des arguments semblables ou identiques, qui pourraient être débattus dans le cadre d'un recours collectif» et que «les questions peuvent se poser dans des demandes pouvant viser un grand nombre de personnes qui sont touchées essentiellement de la même manière que le requérant». Le Comité des règles, par conséquent, a tiré la conclusion que les règles envisagées à l'égard des recours collectifs devraient «s'appliquer à la fois aux actions et aux demandes». Voir le Comité des Règles de la Cour fédérale du Canada, Le recours collectif en Cour fédérale du Canada: Document de travail, (Ottawa: le 9 juin 2000), aux pages 24, 28 et 29.

[47]Le 21 novembre 2002, un régime de recours collectif a été incorporé aux Règles de la Cour fédérale (1998) par l'ajout des règles 299.1 à 299.42. Il importe, cependant de souligner que ce régime ne s'applique qu'aux actions et non aux demandes. D'où la nécessité de la règle 299.11 qui permet qu'une demande de contrôle judiciaire présentée à la Cour fédérale soit visée par le régime de recours collectif pourvu, «en vertu du paragraphe 18.4(2) de la Loi, qu'elle soit instruite comme une action».

[48]La raison de la règle 299.11 semble être que le Comité des règles a conclu qu'étant donné que les demandes de contrôle judiciaire présentées à la Cour d'appel suivant l'article 28 [mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 35] de la Loi sur les Cours fédérales ne devraient pas être entendues comme des recours collectifs, il était nécessaire d'avoir une disposition permettant que des demandes présentées à la Section de première instance puissent profiter du régime de recours collectif. D'où l'introduction de la règle 299.11. Voir «Règlements projetés», Gaz. Can. 2001.I.4400-4401.

[49]Le paragraphe 18.4(2) de la Loi ne dit pas, évidemment, que la conversion devrait être autorisée lorsque les demandeurs souhaitent faire autoriser un recours collectif et bénéficier de la règle 299.11. Celle-ci prévoit clairement, à mon avis, qu'une décision d'instruire une action suivant le paragraphe 18.4(2) de la Loi doit être rendue avant que la règle 299.11 s'applique.

[50]Cependant, la question maintenant soumise à la Cour est celle de savoir si une intention déclarée et soutenue de faire autoriser un recours collectif devrait être un facteur dont la Cour tient compte lorsqu'une requête visant une conversion suivant le paragraphe 18.4(2) de la Loi lui est présentée. Les demandeurs adoptent la position qu'il s'agit d'un facteur important alors que le ministre considère cette question comme une question hautement complexe qui requiert que la conversion soit fondée sur d'autres motifs avant que la règle 299.11 puisse être invoquée.

[51]Il m'apparaît que pour répondre à cette question, la Cour doit avoir recours à l'arrêt Drapeau et à ce qu'il enseigne à savoir que «le paragraphe 18.4(2) n'établit aucune limite quant aux facteurs qui peuvent à juste titre être pris en considération lorsqu'il s'agit de savoir s'il convient ou non de permettre qu'une demande de contrôle judiciaire soit instruite comme s'il s'agissait d'une action».

[52]Il me semble de plus que la Cour a le pouvoir de convertir en actions les demandes actuellement soumises à la Cour si elle considère qu'il est approprié de le faire aux fins de permettre aux demandeurs de faire autoriser un recours collectif.

[53]Étant donné que les demandeurs ont toujours eu l'intention avouée de faire autoriser un recours collectif et que, à mon avis, les faits qui sous-tendent ces requêtes rendent cela tout à fait raisonnable et approprié (et il ne s'agit pas de prévoir ou de deviner le résultat d'une telle tentative), il me semble que cela équivaudrait à un déni des droits des demandeurs, et de ceux qu'ils tentent de représenter, que de les priver de la possibilité de faire autoriser un recours collectif en leur refusant la conversion prévue au paragraphe 18.4(2) à ce stade.

[54]Je ne peux ni accorder ni même considérer le souhait des demandeurs de faire autoriser un recours collectif dans le cadre de la présente requête. Cependant, si je refuse de leur accorder la conversion, je rendrai en fait une décision refusant l'autorisation du recours collectif parce que, sans conversion, ils ne peuvent obtenir une telle autorisation en vertu des Règles actuelles.

[55]À mon avis, il s'agit d'une question fondamentale d'accès à la justice que l'arrêt Drapeau affirme être une considération valable lorsqu'on demande à la Cour d'exercer son pouvoir discrétionnaire suivant le paragraphe 18.4(2) de la Loi.

Les conclusions à l'égard de la conversion

[56]Selon les faits soumis à la Cour, je suis disposé à permettre la conversion pour deux motifs distincts. Premièrement, je crois que les demandeurs ont satisfait aux considérations de preuve très précises mentionnées dans l'arrêt Macinnis. Une fois que les difficultés de preuve inhérentes au présent dossier et au processus de contrôle judiciaire sont reconnues, l'efficacité des coûts et de la procédure donne également du poids à l'argument de conversion. Deuxièmement, selon les faits particuliers de la présente affaire, je crois que les demandeurs et ceux qu'ils tentent de représenter ne devraient pas être privés du droit de faire autoriser un recours collectif et de bénéficier, à cette étape de l'instance, de la règle 299.11 par le refus de la Cour d'exercer son pouvoir discrétionnaire suivant le paragraphe 18.4(2) d'ordonner l'instruction d'une action.

LA JONCTION ET LA RÉUNION

[57]Les demandeurs demandent en outre que, à la suite de la conversion, les dossiers IMM-577-04 et IMM-1467-04 soient joints ou réunis avec les actions dans les dossiers IMM-10140-03 et IMM-576-04 qui résultent du même contexte factuel.

[58]Il me semble qu'à l'égard de la jonction (règle 102) et de la réunion (règle 105), la preuve a déjà été établie par le ministre dans la lettre datée du 8 septembre 2004, adressée à la Cour par Mme Carbonell, où il est dit que [traduction] «les demandes de contrôle judiciaire et les actions sont fondées sur des motifs similaires». Mon examen personnel des demandes et des actes de procédure donne ceci: nous avons deux personnes ou plus représentées par le même avocat dans des affaires dans lesquelles des questions de droit et de fait communes résultent des instances; la mesure de redressement demandée résulte fondamentalement des mêmes faits; il y a suffisamment d'éléments communs pour justifier la réunion en vertu de la règle 105 et de la décision Sivamoorthy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 307, la réunion favoriserait grandement les objectifs sous-jacents de la politique visant à éviter une multiplicité de procédures et à permettre que des décisions peu coûteuses et expéditives soient rendues dans les instances. Dans la présente affaire, il y a des parties communes, des questions de droit et de fait communes, des causes d'actions communes, une preuve parallèle et la probabilité que l'issue de l'une des causes résoudra les autres causes. De plus, je ne pense pas que la jonction ou la réunion causerait au ministre une injustice ou un préjudice important.        

[59]Le ministre a mentionné que dans l'éventualité où la Cour permettrait la conversion dans la présente affaire, il ne s'opposera pas à la réunion dans la mesure où les procédures sont modifiées afin d'exclure les mesures de redressement extraordinaires et où les demandeurs se limitent à demander une mesure de redressement de nature déclaratoire. Le ministre semble adopter la position que le fait d'inclure une mesure de redressement extraordinaire dans la demande en résultant soulèvera des difficultés insurmontables et de la confusion, notamment si l'affaire devait être portée en appel.

[60]Cela est compatible avec la position du ministre, énoncée dans la lettre de Mme Carbonell datée du 8 septembre 2004, selon laquelle [traduction] «la principale différence entre les actions et les contrôles judiciaires se trouve dans les mesures de redressement demandées».

[61]Cependant, je ne peux trouver aucune décision faisant autorité ni aucun principe qui exclurait la réunion en raison de l'inclusion d'une mesure de redressement extraordinaire dans la demande ou de difficultés de traiter d'une mesure de redressement extraordinaire en appel.

LA MODIFICATION DES ACTES DE PROCÉDURE

[62]Le dernier aspect de la mesure de redressement que les demandeurs demandent dans la présente requête (dans l'éventualité où la conversion, la jonction et la réunion sont autorisées) est l'autorisation de modifier les actes de procédure dans les dossiers IMM-577-04, IMM-1467-04, IMM-576-04 et IMM-10140-03 en une déclaration.

[63]À mon avis, l'autorisation de modifier, selon les faits qui sont soumis à la Cour, suit inévitablement la conversion et la réunion. Conformément à la règle 75, le ministre n'a pas suggéré de conditions qui doivent être imposées pour protéger ses droits si l'autorisation de modifier est accordée. Par conséquent, je suis disposé à autoriser les modifications proposées afin de refléter la réunion des quatre actions à la suite de la conversion des dossiers IMM-577-04 et IMM-1467-04.

ORDONNANCE

1. Les dossiers IMM-577-04 et IMM-1467-04 seront instruits comme des actions suivant le paragraphe 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales.

2. Les dossiers IMM-577-04 et IMM-1467-04 sont joints et réunis avec les actions dans les dossiers IMM-576-04 et IMM-10140-03.

3. Une autorisation est par la présente accordée aux parties suivant la règle 75 afin de modifier les actes de procédure pour refléter la jonction et la réunion précédemment mentionnées au paragraphe 2, de telles modifications devant être effectuées dans les 45 jours de la date de la présente ordonnance.

4. Aucuns dépens ne sont adjugés.

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