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[1995] 3 C.F. 165

T-2243-93

Edward Anderson, Garnet Woodhouse, Marshall Woodhouse, Robert McLean, Patrick Anderson, Ormand Stagg et George Traverse, en leur propre nom et au nom de tous les membres de la Première nation de Fairford, collectivité d’Indiens appelée la bande de Fairford et reconnue comme bande sous le régime de la Loi sur les Indiens C.P. 1973-3571 (demandeurs)

c.

Le procureur général du Canada représentant Sa Majesté la Reine du chef du Canada (défendeur)

Répertorié : Bande de Fairford c. Canada (Procureur général) (1re inst.)

Section de première instance, juge Rouleau—Halifax, 9 mai; Ottawa, 25 mai 1995.

Compétence de la Cour fédérale — Section de première instance — Requête en suspension de l’action en manquement à obligation fiduciaire et en violation de droits ancestraux, au motif que l’État entend engager une procédure de mise en cause, laquelle ne relèverait pas de la compétence de la Cour — Le Manitoba, avec l’aide financière de l’État fédéral, a construit un ouvrage de régulation du niveau des eaux en partie dans une réserve indienne — L’ouvrage a des effets néfastes sur la réserve — L’art. 19 de la Loi sur la Cour fédérale, et l’art. 1 de la Loi du Manitoba sur la compétence des tribunaux fédéraux, prévoient la compétence de la Cour fédérale — Le litige porte essentiellement sur des terres réservées aux Indiens, au sens de la Loi sur les Indiens et de la Loi constitutionnelle de 1867 — Le fait que la législation provinciale puisse être en jeu n’écarte pas la compétence de la Cour.

Peuples autochtones — Terres — Action intentée par une bande contre l’État fédéral à cause des effets néfastes sur la réserve d’un ouvrage de régulation du niveau des eaux, construit par la province avec l’aide financière de l’État fédéral — L’État fédéral soutient que c’est la province qui est responsable et désire engager une procédure de mise en cause — Requête en suspension par ce motif que la Cour fédérale n’a pas compétence — Requête en suspension rejetée — La Cour fédérale tient sa compétence à la fois de la législation fédérale et de la législation provinciale — Le litige porte essentiellement sur des terres réservées aux Indiens — Peu importe que la législation provinciale puisse être aussi en jeu.

Requête en ordonnance portant suspension de l’action en instance, en application de l’article 50.1 de la Loi sur la Cour fédérale, par ce motif que l’État fédéral désire engager une procédure de mise en cause contre le gouvernement du Manitoba, procédure sur laquelle la Cour n’a pas compétence.

Le gouvernement du Manitoba, avec l’approbation et l’aide financière du gouvernement du Canada, a construit un ouvrage de régulation du niveau des eaux et une route, en partie dans la réserve de Fairford. Les demandeurs soutiennent que la construction et l’exploitation de cet ouvrage ont eu des effets néfastes sur la réserve et la Première nation de Fairford. Ils ont intenté une action reprochant au défendeur d’avoir manqué à son obligation fiduciaire de protéger la réserve de Fairford et d’avoir porté atteinte à leurs droits ancestraux. Le défendeur soutient qu’il a été nommé à tort partie à l’action et que c’est la province du Manitoba qui est responsable de tout préjudice.

Selon l’article 19 de la Loi sur la Cour fédérale, lorsque l’assemblée législative d’une province a adopté une loi reconnaissant sa compétence en la matière, qu’elle y soit désignée sous son nom actuel ou antérieur, la Cour fédérale a compétence pour connaître des litiges entre le Canada et cette province. La province du Manitoba a adopté la Loi sur la compétence des tribunaux fédéraux, dont l’article 1 prévoit que la Cour de l’Échiquier a compétence sur les litiges entre le Canada et le Manitoba.

Le défendeur soutient que la mise en cause envisagée porte uniquement sur les questions de droits de propriété et de droits civils, lesquelles relèvent de la compétence provinciale. Il y a lieu d’examiner si la Cour a compétence sur la procédure de mise en cause.

Jugement : la requête doit être rejetée.

Par application de l’article 19 de la Loi sur la Cour fédérale, et de la Loi sur la compétence des tribunaux fédéraux du Manitoba, la Cour a compétence pour connaître de la procédure de mise en cause envisagée. Pareille procédure représente un litige entre le Canada et une province, au sens des lois susmentionnées. La principale cause d’action des demandeurs est le manquement à l’obligation fiduciaire de protéger et d’administrer la réserve de Fairford pour l’usage et au bénéfice des demandeurs, et de protéger leurs droits de chasse, de pêche et de piégeage à l’intérieur et à l’extérieur de la réserve. Ils soutiennent que ces droits découlent de leurs titres ancestraux de common law, du Traité no 2 et de la Loi constitutionnelle de 1930. Il s’ensuit que le litige porte essentiellement sur des terres réservées aux Indiens au sens de la Loi sur les Indiens et du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867. Le fait que la législation provinciale puisse être aussi en jeu n’écarte pas la compétence de la Cour fédérale.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5], art. 91(24).

Loi constitutionnelle de 1930, 20 & 21 Geo. V, ch. 26 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 16) [L.R.C. (1985), appendice II, no 26].

Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 35.

Loi sur la compétence des tribunaux fédéraux, C.P.L.M., ch. C270, art. 1.

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 19, 50.1 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 16).

Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), ch. I-5.

JURISPRUDENCE

DÉCISION APLIQUÉE :

Bande indienne de Montana c. Canada, [1993] 2 C.N.L.R. 134 (C.A.F.).

DISTINCTION FAITE AVEC :

Union Oil of Canada Ltd. c. La Reine, [1974] 2 C.F. 452 (1974), 52 D.L.R. (3d) 388 (1re inst.); conf. par [1976] 1 C.F. 74 (1975), 72 D.L.R. (3d) 81 (C.A.); conf. par [1976] 2 R.C.S. v.

DÉCISION EXAMINÉE :

R. (Canada) c. La Reine (Î.P.É.), [1978] 1 C.F. 533 (1977), 83 D.L.R. (3d) 492; 33 A.P.R. 477; 20 N.R. 91 (C.A.).

REQUÊTE en suspension de l’action, introduite en application de l’article 50.1 de la Loi sur la Cour fédérale. Requête rejetée.

AVOCATS :

E. Anthony Ross et Brian J. Hébert pour les demandeurs.

Craig J. Henderson et Sidney R. Restall pour le défendeur.

PROCUREURS :

Ross Barrett & Scott, Halifax, pour les demandeurs.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par

Le juge Rouleau : Il y a en l’espèce requête du procureur général du Canada en ordonnance portant suspension de l’action en instance, en application de l’article 50.1 de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 16)].

En 1960, le gouvernement du Manitoba, avec l’approbation et l’aide financière du gouvernement du Canada, a construit sur la rivière Fairford un ouvrage de régulation du niveau des eaux de la rivière Assiniboine, de la rivière Rouge et du lac Manitoba. Par la suite, elle a construit une route sur cet ouvrage. Une partie de l’ouvrage de régulation des eaux et de la route a été construite dans la réserve de Fairford, savoir sur des terres réservées à l’usage de la Première nation de Fairford. Les demandeurs soutiennent que la construction et l’exploitation de l’ouvrage de régulation des eaux ont eu des effets néfastes sur la réserve et la Première nation de Fairford. Au fil des ans, ils ont demandé à plusieurs reprises au gouvernement fédéral de prendre les mesures nécessaires pour résoudre leurs griefs en la matière.

Ils ont finalement saisi la Cour d’une action par déclaration en date du 15 septembre 1993, reprochant au défendeur d’avoir manqué à son obligation fiduciaire de protéger la réserve de Fairford. Ils reprochent en outre au procureur général du Canada d’avoir porté atteinte à leurs droits ancestraux. Par défense déposée le 21 janvier 1994, le défendeur soutient entre autres qu’il a été nommé à tort partie à l’action et que c’est la province du Manitoba qui est responsable de tout préjudice causé aux demandeurs par l’exploitation de l’ouvrage de régulation des eaux. Voici ce qu’on peut lire au paragraphe 9 de la défense :

[traduction] 9. Au regard du paragraphe 10 de la déclaration, il [le sous-procureur général du Canada] reconnaît que le gouvernement du Manitoba, avec une certaine aide du gouvernement du Canada, a construit l’ouvrage de régulation des eaux de la rivière Fairford, mais nie qu’il s’agisse là d’un acte préjudiciable comme le prétendent les demandeurs, et soutient qu’en fait, Sa Majesté la Reine du chef du Canada a pris toutes les mesures raisonnables pour s’assurer que la province du Manitoba indemniserait les gens qui subissent les effets néfastes de l’exploitation de cet ouvrage. Il soutient en outre qu’en fait, les résidents de la réserve ont été indemnisés et des terres ont été accordées, à titre d’indemnisation, aux résidents de la Première nation de Fairford et aux personnes qui ont subi un préjudice du fait de l’exploitation de l’ouvrage des régulation des eaux de la rivière Fairford. Il soutient encore qu’en fait, si l’indemnisation n’est pas satisfaisante, ce qu’il ne reconnaît pas, la partie à laquelle il faut demander réparation en l’espèce est la Province du Manitoba, et que la Première nation de Fairford, par ses représentants, a négocié et continue à négocier avec la Province du Manitoba la compensation des pertes de terres indiennes. Il soutient en outre qu’en fait, la Première nation de Fairford a accepté 6 000 acres de terres domaniales occupées et inoccupées à titre de réparation pour l’exploitation de l’ouvrage susmentionné.

Le procureur général du Canada se fonde maintenant sur l’article 50.1 de la Loi sur la Cour fédérale pour saisir la Cour d’une requête en suspension de l’instance, par ce motif qu’il désire engager une procédure de mise en cause contre le gouvernement du Manitoba, procédure sur laquelle la Cour n’a pas compétence. Voici ce que porte ce texte de loi :

50.1 (1) Sur requête du procureur général du Canada, la Cour ordonne la suspension des procédures relatives à toute réclamation contre la Couronne à l’égard de laquelle cette dernière entend présenter une demande reconventionnelle ou procéder à une mise en cause pour lesquelles la Cour n’a pas compétence.

Il y a uniquement lieu d’examiner si la Cour a compétence sur la procédure de mise en cause dont le défendeur dit qu’il entend l’engager contre la province du Manitoba.

Les demandeurs soutiennent que selon l’article 19 de la Loi sur la Cour fédérale, la Cour a compétence sur les litiges entre le Canada et une province :

19. Lorsque l’assemblée législative d’une province a adopté une loi reconnaissant sa compétence en l’espèce, qu’elle y soit désignée sous son nouveau nom ou celui de Cour de l’Échiquier du Canada, la Cour fédérale est saisie des cas de litige :

a) entre le Canada et cette province;

b) entre cette province et une ou plusieurs autres provinces ayant adopté une loi semblable.

C’est la Section de première instance qui connaît de ces affaires.

La province du Manitoba a adopté la Loi sur la compétence des tribunaux fédéraux, C.P.L.M., ch. C270, dont l’article premier prévoit ce qui suit :

1. Conformément aux dispositions des lois du Parlement du Canada, à savoir la Loi sur la Cour suprême et la Loi sur la Cour fédérale, la Cour suprême du Canada et la Cour fédérale du Canada ou la Cour suprême du Canada seule ont compétence :

a) dans les litiges survenant entre le Canada et la province du Manitoba;

b) dans les litiges survenant entre la province du Manitoba et toute autre province du Canada qui a adopté une loi semblable à celle-ci.

Les demandeurs soutiennent que le terme « litige » a été défini par la Cour d’appel fédérale dans R. (Canada) c. La Reine (Î.P.É.) , [1978] 1 C.F. 533(C.A.), comme étant assez large pour embrasser tout droit, obligation ou responsabilité qui puisse exister, par l’effet d’une loi, entre deux ordres de gouvernement. Et qu’en conséquence, une procédure de mise en cause engagée par le procureur général du Canada contre une province relève de la compétence de la Cour par application de l’article 19 de la Loi sur la Cour fédérale, et que toute demande que le Canada peut faire valoir contre le Manitoba en l’espèce peut être jugée par la Cour.

Le défendeur soutient de son côté que la Cour doit faire droit à sa requête en suspension à moins d’être convaincue qu’il n’a nullement l’intention de mettre le Manitoba en cause ou que la Cour a compétence pour mettre en cause le procureur général du Manitoba. Il cite la décision Union Oil of Canada Ltd. c. La Reine, [1974] 2 C.F. 452(1re inst.), confirmée par la Cour d’appel [1976] 1 C.F. 74 et par la Cour suprême du Canada [1976] 2 R.C.S. v, à l’appui de son argument que la compétence visée à l’article 19 ne peut être invoquée que par le Canada ou par une province, et non pas par les justiciables.

Il soutient aussi que dans la procédure de mise en cause engagée contre la province du Manitoba, le Canada conclurait à indemnisation et probablement à contribution sous le régime de la législation provinciale en matière de codélinquants. Les réclamations de la Couronne fédérale contre le Manitoba sont donc fondées sur les règles de common law et sur la législation provinciale en matière de responsabilité conjointe des codélinquants. Et aussi que la question de l’atteinte aux activités de chasse, de pêche et autres activités traditionnelles des demandeurs est une affaire de droits de propriété et de droits civils qui est clairement une matière de compétence provinciale et ne relève pas de la compétence de la Cour.

Je ne suis pas disposé à faire droit à la requête du défendeur pour plusieurs raisons. En premier lieu, je ne suis nullement convaincu de son « désir » d’intenter la procédure de mise en cause en question. Les plaidoiries ont été closes en l’espèce le 21 janvier 1994, date à laquelle le défendeur a déposé sa défense pour nier sa responsabilité et rejeter sur le Manitoba le blâme pour tout préjudice subi par les demandeurs par suite de l’exploitation de l’ouvrage de régulation des eaux. Cependant, le procureur général n’a rien fait pour intenter la procédure de mise en cause ou pour demander la suspension de l’instance en application de l’article 50.1, que ce soit à la date susmentionnée ou avant le 7 décembre 1994. En outre, la requête qu’il introduit devant la Cour est extrêmement vague; elle ne renferme aucun détail sur la mise en cause envisagée. De fait, il paraît conclue que la Cour doit lui accorder de plein droit le redressement demandé. Il ne serait cependant pas juste de priver les demandeurs de leur droit au jugement de leur action et à une réparation éventuelle, alors que la Cour n’est saisie d’aucune preuve indiquant que le procureur général va effectivement intenter une procédure de mise en cause contre le Manitoba.

Quoi qu’il en soit, je conclus que l’article 19 de la Loi sur la Cour fédérale, conjugué avec la Loi sur la compétence des tribunaux fédéraux du Manitoba, donne à la Cour compétence pour connaître de la mise en cause envisagée. Cet article s’inscrit dans un régime de coopération, sous lequel les provinces peuvent adopter la législation conférant à la Cour fédérale compétence pour résoudre tous les types de litiges. Il s’agit là d’une disposition procédurale unique en son genre, qui permet le jugement des litiges intergouvernementaux en Cour fédérale. La condition préalable de son application, laquelle est remplie en l’espèce, est que l’assemblée législative de la province concernée ait adopté la législation conférant la compétence à la Cour fédérale ou la Cour de l’Échiquier.

Le défendeur cite le précédent Union Oil pour soutenir que les demandeurs ne peuvent se prévaloir de l’article 19. Dans cette affaire, la demanderesse vendait du gas-oil à la province de Colombie-Britannique mais pendant des années, se fiant à l’affirmation faite par celle-ci qu’elle était exemptée de la taxe d’accise, s’abstenait de percevoir cette taxe pour la remettre à la Couronne fédérale. Celle-ci contestait l’assertion de la province et sommait la demanderesse de lui verser la taxe; la demanderesse s’est exécutée à son corps défendant puis a intenté une action devant cette Cour pour recouvrer cet argent auprès de la Couronne fédérale. Elle cherchait également à se faire rembourser le montant de la taxe par la Couronne provinciale. Le juge Collier s’est prononcé en ces termes, à la page 459 :

Selon moi, l’article 19 ne s’applique pas à cette affaire. Il existe indubitablement un différend ou désaccord entre le Canada et la Colombie-Britannique quant à savoir si le gas-oil était exempt de la taxe. En supposant que le différend ou désaccord constitue un « litige », il me semble que la compétence de la Cour fédérale ne peut être invoquée que par le Canada ou par la Province et qu’un simple citoyen ne saurait le faire en introduisant des poursuites judiciaires.

La Cour d’appel fédérale a partagé cette conclusion en ces termes, à la page 75 :

La compétence de la Cour fédérale découle uniquement de la législation et, même si le Parlement du Canada, légiférant dans un domaine relevant de sa compétence, a le pouvoir de conférer à la Cour fédérale la compétence pour connaître des actions intentées contre la Couronne du chef d’une province, nous ne pensons pas que les dispositions législatives citées, ou autres textes législatifs à notre connaissance, autorisent la Cour à connaître d’une procédure relevant d’une action d’un sujet contre la Couronne du chef d’une province.

Cependant, les faits de la cause Union Oil sont clairement différents de ceux soumis à la Cour dans le cadre de cette requête. Il ne s’agit pas en l’espèce d’un cas où un simple citoyen entend poursuivre une province. C’est le procureur général du Canada lui-même, comme en témoigne sa défense, qui fait valoir un chef de demande contre le gouvernement du Manitoba et qui, de ce fait, souhaite intenter une procédure de mise en cause. Pareille procédure représente à n’en pas douter un litige entre le Canada et une province, au sens de l’alinéa 19a) de la Loi sur la Cour fédérale et de l’article premier de la Loi sur la compétence des tribunaux fédéraux; il s’ensuit que la Cour a compétence en la matière.

Je n’accepte pas non plus l’argument du défendeur que la mise en cause envisagée porte uniquement sur les questions de droits de propriété et de droits civils, lesquelles relèvent de la compétence provinciale. La principale cause d’action des demandeurs contre le défendeur est le manquement à l’obligation fiduciaire, qui incombe à celui-ci, de protéger et d’administrer la réserve de Fairford pour l’usage et au bénéfice des demandeurs, et de protéger leurs droits de chasse, de pêche et de piégeage à l’intérieur et à l’extérieur de la réserve. Les demandeurs soutiennent que ces droits découlent de leurs titres ancestraux de common law, du Traité no 2 et de la Loi constitutionnelle de 1930 [20 & 21 Geo. V, ch. 26 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 16) [L.R.C. (1985), appendice II, no 26]], tels qu’ils sont consacrés à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]].

Le litige porte essentiellement en l’espèce sur les terres réservées aux Indiens au sens de la Loi sur les Indiens [L.R.C. (1985), ch. I-5] et du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 [30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5]]. Le fait que la législation provinciale puisse être en jeu n’écarte pas la compétence de la Cour. Dans Bande indienne de Montana c. Canada, [1993] 2 C.N.L.R. 134, la Cour d’appel fédérale a tiré la conclusion suivante en page 135 :

On ne peut présumer que la cause d’action invoquée par la Couronne relève du droit des torts provincial et met en cause des purs concepts de common law. Comme on l’a mentionné plus haut, l’ensemble très particulier des règles de droit régissant les rapports entre les peuples autochtones, les bandes indiennes et les autorités fédérales est concerné.

Par ces motifs, la requête est rejetée. J’ordonne au défendeur d’intenter la procédure de mise en cause contre la province du Manitoba dans les trois semaines qui suivent la date de la présente ordonnance, faute de quoi les demandeurs pourront saisir la Cour d’une requête en ordonnance de radiation de la défense. Les demandeurs ont droit à leurs dépens pour cette requête, quelle que soit l’issue de la cause.

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