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[1995] 2 C.F. 37

T-271-93

Kishinchand & Sons (Hong Kong) Ltd. (demanderesse)

c.

Wellcorp Container Lines Ltd. et Wellcorp Express (Canada) Inc. (défenderesses)

Répertorié : Kishinchand & Sons (Hong Kong) Ltd. c. Wellcorp Container Lines Ltd. (1re inst.)

Section de première instance, juge Noël—Toronto, 29 novembre; Ottawa, 14 décembre 1994*.

Droit maritime — Transport de marchandises — Exportation par la demanderesse de vêtements de Hong Kong à Montréal — La défenderesse a ordonné la remise des marchandises sans recevoir de connaissements — La demanderesse n’a pas été payée en raison de la faillite du consignataire — La clause de limitation de responsabilité des connaissements ne s’applique pas, parce qu’il n’y a pas eu de perte ou de dommages causés aux marchandises.

Droit maritime — Responsabilité délictuelle — Négligence — Livraison de la cargaison sans la réception des connaissements endossés — Le transporteur n’a pas le droit de limiter sa responsabilité aux termes des connaissements en cas de négligence volontaire.

Les deux parties ont demandé un jugement sommaire en se fondant sur la Règle 432.3. La demanderesse, qui exploite une entreprise d’exportation de textile à Hong Kong, a fait parvenir une cargaison de vêtements à une entreprise d’importation de Montréal et une des défenderesses, Wellcorp Express (Canada) Inc. (Wellcorp Canada), a été désignée à titre de transporteur. Wellcorp Canada devait remettre la cargaison au consignataire sur réception des connaissements, mais l’une de ses représentantes du service à la clientèle a ordonné la remise de la cargaison sans avoir reçu les connaissements ni obtenu l’autorisation de ses supérieurs. Le consignataire a fait faillite et la demanderesse n’a pas été payée. Selon la clause 6(3) des connaissements, le transporteur avait le droit de limiter sa responsabilité à l’égard « de la perte ou des dommages causés aux marchandises à compter du moment où le transporteur en prend la charge jusqu’au moment de la livraison ». Deux questions ont été soulevées en l’espèce : 1) la question de savoir si les défenderesses avaient le droit de limiter leur responsabilité à un montant de 14 850 $ US aux termes des connaissements et 2) la question de savoir si Wellcorp Hong Kong était conjointement responsable du préjudice découlant de l’omission de Wellcorp Canada d’obtenir les connaissements avant la livraison de la cargaison.

Jugement : un jugement sommaire est rendu contre la défenderesse Wellcorp Canada.

1) La principale obligation de Wellcorp Canada consistait à obtenir les connaissements dûment endossés en échange des marchandises. C’est précisément ce qu’elle a omis de faire en toute connaissance de cause. Elle ne peut pas se dissocier de l’acte non autorisé commis par son employée. Les actes de celle-ci lient entièrement son employeur. Il faut utiliser des termes très clairs, précis et dépourvus de toute ambiguïté pour exclure ou restreindre la responsabilité d’une partie à l’égard de l’inexécution de l’obligation qui constitue l’objet de l’entente contractuelle. Étant donné que les clauses de limitation de responsabilité doivent être interprétées de façon restrictive à l’encontre des parties en faveur desquelles elles sont stipulées, la clause de limitation n’aide nullement les défenderesses en l’espèce. Il n’y a pas eu de « perte ou de dommages causés aux marchandises » de façon à déclencher l’application de ladite clause de limitation. L’endroit où se trouvaient les marchandises était connu au moment de la livraison et est même demeuré connu après celle-ci. Les marchandises ont été livrées au consignataire, qui a admis les avoir en sa possession; elles n’étaient donc pas perdues ni n’ont été enlevées au dépositaire à son insu. L’acte reproché pourrait être décrit comme une négligence volontaire. La clause de limitation de responsabilité est loin de protéger la défenderesse de la responsabilité qu’elle a engagée. Il faudrait des termes beaucoup plus clairs pour conclure que les parties avaient envisagé la possibilité que la défenderesse restreigne sa responsabilité malgré une violation délibérée de l’obligation même qu’elle avait contractée. En l’absence de termes de cette nature, la clause générale de limitation de responsabilité ne protège pas Wellcorp Canada des actes de négligence volontaire et tout doute sur ce point doit être résolu en faveur de la demanderesse.

2) Wellcorp Hong Kong ne peut davantage invoquer la clause de limitation de responsabilité que Wellcorp Canada. L’allégation selon laquelle Wellcorp Canada et Wellcorp Hong Kong ne constituaient qu’une seule entité soulève une question de fait pure qui ne peut être tranchée dans le cadre d’une requête en vue d’obtenir un jugement sommaire. La question de la responsabilité conjointe et solidaire de la défenderesse Wellcorp Hong Kong devrait être instruite de la façon habituelle.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règles 432.1 (édictée par DORS/94-41, art. 5), 432.3 (édictée, idem), 432.5 (édictée, idem).

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Sze Hai Tong Bank Ltd. v. Rambler Cycle Co. Ltd., [1959] A.C. 576 (H.L.); Raymor Painting Contractors (Canada) Limited c. Purolator Courier Ltd., [1976] C.S. 468; ITOInternational Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc. et autre, [1986] 1 R.C.S. 752; (1986), 28 D.L.R. (4th) 641; 34 B.L.R. 251; 68 N.R. 241.

DISTINCTION FAITE AVEC :

Johnston, W.R. and Company Limited et al. v. Inter-City Forwarders Limited et al., [1964] O.R. 754; [1947] 1 D.L.R. 8 (C.A.).

DÉCISION CITÉE :

Photo Production Ltd. v. Securicor Transport Ltd., [1980] A.C. 827 (H.L.).

DEMANDES présentées par chaque partie en vue d’obtenir un jugement sommaire en application de la Règle 432.3. Jugement sommaire rendu contre la défenderesse, Wellcorp Canada, au montant de 201 776,89 $ ainsi que les intérêts.

AVOCATS :

George J. Pollack pour la demanderesse.

Jeffrey S. Klein pour les défenderesses.

PROCUREURS :

Marler, Sproule, Castonguay, Montréal, pour la demanderesse.

Spencer, Romberg Associates, Toronto, pour les défenderesses.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Noël : Chaque partie demande un jugement sommaire au moyen de requêtes distinctes fondées sur la Règle 432.3 [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663 (édictée par DORS/94-41, art. 5)] :

1. la demanderesse demande à la Cour de condamner les défenderesses à lui verser conjointement et solidairement, à titre de dommages-intérêts, la somme de 201 776,89 $ et les intérêts courus depuis le 31 août 1992;

2. les défenderesses demandent à la Cour de condamner la défenderesse Wellcorp Express (Canada) Inc. à verser à la demanderesse, à titre de dommages- intérêts, un montant suffisant pour couvrir la somme de 14 850 $ US et les intérêts courus depuis le 31 août 1992.

La demanderesse, qui exploite une entreprise d’exportation de textile à Hong Kong, a conclu une entente avec Equip Canada Inc. (Equip), entreprise d’importation de textile située à Montréal, aux fins de la vente de chemises, de blousons et de manteaux pour hommes d’une valeur de 210 776,89 $ CAN (la cargaison). Equip a désigné Wellcorp Express (Canada) Inc. (Wellcorp Canada) à titre de société de transport maritime chargée de transporter les marchandises de Hong Kong à Montréal. Les marchandises ont été envoyées FOB Hong Kong conformément à deux connaissements en août 1992 et acheminées par transport combiné à Montréal après une escale à Vancouver. Wellcorp Canada devait remettre la cargaison à Equip uniquement sur réception des connaissements indiquant que la banque de la société Equip avait crédité le compte bancaire de la demanderesse.

Wellcorp Canada n’avait jamais, auparavant, remis de marchandises sans obtenir de connaissements. Cependant, dans la présente affaire, une représentante du service à la clientèle de Wellcorp Canada, Tammy Pelley, a ordonné la remise de la cargaison le 31 août 1992 avant de recevoir les connaissements. Elle a agi de cette façon sans obtenir l’autorisation de ses supérieurs. Elle mentionne qu’elle a ordonné la remise de la cargaison par suite des pressions exercées par un dénommé Michel Lasary, de la société Equip, qui désirait de toute urgence obtenir les marchandises. Au cours des deux années pendant lesquelles Wellcorp Canada a fait affaires avec Equip, elle n’a eu aucun problème et Equip ne lui doit aucun montant; cependant, Wellcorp Canada n’a pas réussi dans ce cas-ci à obtenir les connaissements. Equip a finalement fait faillite, après avoir mis fin à ses activités en septembre ou octobre 1993. Par la suite, la Banque Canadienne Impériale de Commerce a retourné les connaissements à la banque de la demanderesse située à Hong Kong sans que les connaissements aient été endossés lorsque les marchandises ont été remises.

Les Règles 432.1 et suivantes [Règles 432.1 et 432.5 (édictées, idem)] des Règles de la Cour fédérale, qui concernent les jugements sommaires, ont été promulguées le 13 janvier 1994. Voici le libellé des règles pertinentes en l’espèce :

Règle 432.1 (1) Le demandeur peut, après le dépôt par le défendeur de sa défense ou avant ce dépôt si la Cour le lui permet, et à tout moment avant que l’heure et la date de l’instruction soient fixées, présenter au juge une requête, appuyée d’un affidavit ou d’un autre élément de preuve, en vue d’obtenir un jugement sommaire sur tout ou partie de la réclamation contenue dans la déclaration comportant allégués.

(2) Le défendeur peut, après avoir déposé et signifié une défense, et à tout moment avant que l’heure et la date de l’instruction soient fixées, présenter au juge une requête, appuyée d’un affidavit ou d’un autre élément de preuve, en vue d’obtenir un jugement sommaire rejetant tout ou partie de la réclamation contenue dans la déclaration comportant allégués.

Règle 432.3 (1) Lorsque le juge est convaincu qu’il n’existe aucune question sérieuse à instruire à l’égard d’une réclamation ou d’une défense, il rend un jugement sommaire en conséquence.

(3) Lorsque le juge est convaincu que la seule question sérieuse en est une de droit, il peut statuer sur celle-ci et rendre un jugement sommaire en conséquence.

(4) Lorsque le juge décide qu’il existe une question sérieuse à l’égard de la réclamation ou de la défense, il peut néanmoins rendre un jugement sommaire en faveur d’une partie, soit sur une question ou en général, sauf dans l’un ou l’autre des cas suivants :

a) l’ensemble de la preuve ne comporte pas les faits nécessaires pour qu’il puisse trancher les questions de fait ou de droit;

b) il estime injuste de trancher les questions dans le cadre de la requête en vue d’obtenir un jugement sommaire.

Règle 432.5 Lorsqu’un jugement sommaire est refusé ou qu’il n’est accordé qu’en partie, le juge peut, par ordonnance, préciser les faits pertinents qui ne sont pas en litige et déterminer les questions qui doivent être instruites, et il peut donner les directives ou imposer les modalités qu’il estime justes, notamment une ordonnance :

a) qui exige la consignation en argent à la Cour d’une partie ou de la totalité de la réclamation;

b) qui exige un cautionnement pour dépens;

c) qui limite la nature et l’étendue de l’interrogatoire préalable, le cas échéant, aux questions non soulevées par les affidavits déposés à l’appui de la requête en vue d’obtenir un jugement sommaire et par tout contre-interrogatoire s’y rapportant, et qui permet l’utilisation des affidavits et de tout contre-interrogatoire à l’instruction de la même manière qu’un interrogatoire préalable.

Wellcorp Canada admet que la cargaison a été remise à Equip malgré l’absence de connaissements endossés, de sorte que, entre elle et la demanderesse, la seule question à trancher concerne le montant de l’indemnité à payer. Cette question soulève à son tour une question de droit pure, les défenderesses soutenant qu’elles ont le droit de limiter leur responsabilité à un montant de 14 850 $ US conformément aux conditions des connaissements, tandis que la demanderesse fait valoir que cette limite contractuelle est inapplicable, compte tenu des faits admis, et que les défenderesses doivent payer la pleine valeur de la cargaison selon le montant convenu de 201 776,89 $ CAN. La question de l’indemnité est donc visée par le paragraphe 432.3(3).

L’autre question que je dois trancher au moyen d’un jugement sommaire est celle de savoir si Wellcorp Container Lines Ltd. (Wellcorp Hong Kong) est conjointement responsable du préjudice découlant du fait que Wellcorp Canada n’a pas obtenu les connaissements avant la remise de la cargaison à Equip.

En ce qui a trait à la première question, il est reconnu que la cargaison devait être remise sur une base de paiement contre documents et que Wellcorp Canada est responsable, ayant remis la cargaison sans avoir reçu les connaissements. Néanmoins, Wellcorp Canada invoque les conditions des connaissements pour limiter sa responsabilité à 50 $ le colis ou 14 850 $ US. Voici les dispositions pertinentes des connaissements :

[traduction] « Transport » L’ensemble des activités entreprises et des services assurés par le transporteur ou en son nom à l’égard des marchandises.

« Transport combiné » Les cas où le transport exigé par le présent connaissement n’est pas un envoi de port à port.

« COGSA » La loi des États-Unis intitulée « Carriage of Goods by Sea Act », qui a été approuvée le 16 avril 1936.

« LTME » La Loi sur le transport des marchandises par eau du Canada.

6.   RESPONSABILITÉ DU TRANSPORTEUR

(1)  CLAUSE PARAMOUNT

(A) Sous réserve de la clause 13 qui suit, le présent connaissement, dans la mesure où il concerne le transport maritime (…), s’applique (…) et les dispositions du règlement de la Haye ou de toute autre loi applicable sont présumées être intégrées aux présentes. Le règlement de la Haye (ou encore la COGSA ou la LTME, selon que le présent connaissement est assujetti aux lois américaines ou canadiennes, le cas échéant), s’applique au transport de marchandises par des cours d’eau intérieurs et le renvoi au transport maritime dans ce règlement ou ces lois est présumé comprendre les cours d’eau intérieurs. Dans la mesure où les dispositions de la loi intitulée « Harter Act » des États-Unis d’Amérique de 1893 s’appliqueraient obligatoirement par ailleurs pour réglementer la responsabilité du transporteur à l’égard des marchandises au cours de toute période précédant le chargement à bord du navire ou suivant le déchargement du navire, la responsabilité du transporteur sera plutôt déterminée par les dispositions du paragraphe 6(3) qui suit; cependant, si ces dispositions sont déclarées invalides, cette responsabilité sera assujettie à la COGSA.

(B) Le transporteur a droit à tous les avantages découlant des limitations et exonérations de responsabilité ainsi qu’à tous les droits accordés ou autorisés par une loi ou un règlement applicable que peut invoquer le propriétaire du navire à bord duquel les marchandises sont transportées (et aucune disposition du présent connaissement n’a pour effet d’annuler ou de restreindre ces droits).

(2)  ENVOI DE PORT À PORT

La responsabilité du transporteur se limite à la partie du transport allant du chargement de la cargaison à bord du navire jusqu’à la fin du déchargement et le transporteur ne sera pas responsable de la perte ou des dommages causés aux marchandises ou de quelque autre sinistre survenant pendant une autre partie du transport, même si le transporteur a facturé des frais pour l’ensemble du transport. Le commerçant désigne le transporteur son mandataire pour conclure avec des tiers des contrats au nom dudit commerçant aux fins du transport, de l’entreposage, de la manutention ou de tout autre service se rapportant aux marchandises avant le chargement et après le déchargement du navire sans engager sa responsabilité à l’égard des actes ou omissions du transporteur ou des tiers, ledit transporteur pouvant, à titre de mandataire, conclure des ententes avec les tiers selon toute condition qu’il détermine, y compris des conditions moins favorables que celles du présent connaissement.

(3)  TRANSPORT COMBINÉ

Sauf s’il en est prévu autrement dans le présent connaissement, le transporteur est responsable de la perte ou des dommages causés aux marchandises à compter du moment où le transporteur en prend la charge jusqu’au moment de la livraison dans la mesure indiquée ci-après.

(A) Lorsqu’il est impossible de déterminer l’étape du transport au cours de laquelle la perte ou les dommages ont été causés,

(i)   Le transporteur pourra invoquer toutes les exonérations de responsabilité qui sont énoncées dans les règles ou les lois et qui se seraient appliquées aux termes de l’alinéa 6(1)(A) qui précède si la perte ou les dommages étaient survenus pendant le transport maritime ou, s’il n’y a pas eu de transport maritime, aux termes du règlement de la Haye (ou de la COGSA ou la LTME, selon que le présent connaissement est assujetti aux lois américaines ou canadiennes, le cas échéant).

(ii)  Lorsque, conformément à la clause (i) qui précède, le transporteur n’est pas responsable à l’égard de certains des facteurs qui ont causé la perte ou les dommages, il ne sera responsable que dans la mesure des facteurs dont il est responsable et qui constituent l’une des causes de la perte ou des dommages en question.

(iii)  Sous réserve du paragraphe 6(4) qui suit, lorsque le règlement de la Haye ou les lois visant à appliquer ce règlement ou les règles la Haye-Visby (notamment la COGSA ou la LTME) ne sont pas obligatoirement applicables, la responsabilité du transporteur ne dépassera pas 50 $ par colis ou unité.

(iv) La valeur des marchandises sera déterminée conformément au prix de la bourse des marchandises en vigueur au lieu et à la date de livraison au commerçant ou au lieu et à la date auxquels elles auraient dû être ainsi livrées ou encore, si aucun prix de cette nature n’existait, conformément à la valeur marchande d’après la valeur normale de marchandises de nature et de qualité similaires à cette date et à cet endroit.

(B) Lorsqu’il est possible de déterminer l’étape du transport au cours de laquelle la perte ou les dommages sont survenus,

(i)   La responsabilité du transporteur sera déterminée conformément aux dispositions qui sont énoncées dans une convention internationale ou une loi nationale du pays et qui

a)   ne peuvent faire l’objet d’une dérogation dans un contrat sous seing privé au détriment du commerçant;

b)   se seraient appliquées si le commerçant avait conclu un contrat distinct avec le transporteur à l’égard de l’étape du transport au cours de laquelle la perte ou les dommages sont survenus et s’il avait reçu comme preuve un document particulier qui doit être délivré pour rendre cette convention internationale ou cette loi nationale applicable.

(ii)  En ce qui a trait au transport aux États-Unis d’Amérique ou au Canada vers le port de chargement ou depuis le port de déchargement, la responsabilité du transporteur consistera à assurer le transport par des transporteurs, lequel transport sera assujetti aux contrats et aux tarifs des transporteurs intérieurs ainsi qu’à toute loi obligatoirement applicable. Le transporteur garantit l’exécution des obligations de ces transporteurs intérieurs selon leurs contrats et leurs tarifs.

(iii)  Lorsque ni l’une ni l’autre des clauses (i) et (ii) ne s’appliquent, la responsabilité du transporteur sera déterminée conformément à l’alinéa 6(3)(A) qui précède.

(4)  DISPOSITIONS GÉNÉRALES

(C) Ad Valorem : valeur déclarée du colis ou de l’unité.

La responsabilité du transporteur peut être portée à une valeur supérieure au moyen d’une déclaration écrite de la valeur des marchandises par l’expéditeur sur remise au transporteur des marchandises aux fins de leur envoi, ladite valeur supérieure étant inscrite au recto du présent connaissement dans l’espace prévu à cette fin, pourvu que les frais de fret supplémentaires exigés par le transporteur soient payés. En pareil cas, si la valeur réelle des marchandises dépasse cette valeur déclarée, la valeur sera néanmoins assimilée à la valeur déclarée et la responsabilité du transporteur, le cas échéant, ne dépassera pas la valeur déclarée; le montant de toute perte ou endommagement partiel devra être rajusté au prorata en fonction de cette valeur déclarée. [Je souligne.]

Dans ce cas-ci, la cargaison a été acheminée par transport combiné et le sinistre est survenu après le déchargement du navire de sorte que, selon la clause paramount, la responsabilité du transporteur doit être déterminée suivant les dispositions de la clause 6(3). Lorsqu’il est possible d’établir l’étape du transport au cours de laquelle le sinistre est survenu, la clause 6(3)(B)(iii) prévoit que, dans les circonstances du présent litige, la limite de responsabilité doit être déterminée d’après la clause 6(3)(A)(iii), qui limite la responsabilité du transporteur à 50 $ le colis.

Selon le paragraphe introductif de la clause 6(3), cette disposition s’applique uniquement de façon à limiter la responsabilité du transporteur à l’égard [traduction] « de la perte ou des dommages causés aux marchandises à compter du moment où le transporteur en prend la charge jusqu’au moment de la livraison ». La question à trancher est celle de savoir si, d’après les faits, il y a eu « une perte ou des dommages causés aux marchandises » avant ou « jusqu’au moment de la livraison » au sens de la clause 6(3).

L’inscription suivante figurait au recto des connaissements :

[traduction] Sauf dans la mesure où il est prévu autrement, le nombre total de conteneurs, de colis ou d’unités mentionné ci-dessous a été reçu en bon état apparent pour fins de transport depuis le lieu de réception jusqu’au lieu de livraison, sous réserve des conditions des présentes. Un des connaissements originaux doit être remis après avoir été dûment endossé en échange des marchandises ou du bon de livraison. Sur présentation du présent document (dûment endossé) au transporteur par le titulaire ou au nom de celui-ci, les droits et responsabilités découlant des conditions des présentes (sans porter atteinte aux règles de common law ou aux lois qui les rendent exécutoires à l’égard du commerçant) deviennent exécutoires à tous égards entre le transporteur et le titulaire, comme si le contrat attesté par les présentes avait été conclu entre eux.

EN FOI DE QUOI le nombre de connaissements originaux indiqué ci-dessous a été signé, les autres devenant nuls à la signature de l’un d’eux. [Je souligne.]

La principale obligation de Wellcorp Canada en ce qui a trait à la remise des marchandises consistait à obtenir les connaissements dûment endossés en échange des marchandises. Cependant, c’est précisément ce qu’elle a omis de faire en toute connaissance de cause, c’est-à-dire qu’elle savait que la remise des marchandises n’était pas autorisée. L’employée de Wellcorp Canada qui a remis les marchandises a dit au cours de l’interrogatoire préalable qu’elle était tout à fait au courant de la nécessité d’obtenir les connaissements avant de remettre les marchandises. Toutefois, Wellcorp Canada faisait affaires depuis quelque temps déjà avec Equip et n’avait rencontré aucun problème dans le passé; l’employée a dit que, à la date en question, elle a tout simplement pris une chance.

L’avocat des défenderesses a soutenu que la remise des marchandises par Tammy Pelley constituait un acte non autorisé qui devrait être assimilé à un vol commis par un employé. Il a cité à la Cour l’affaire Johnston, W.R. and Company Limited et al. v. Inter-City Forwarders Limited et al., [1946] O.R. 754, où la Cour d’appel de l’Ontario a statué qu’une clause de limitation de responsabilité avait pour effet de restreindre la responsabilité du transporteur dont l’un des employés avait volé la cargaison. Dans cette décision, la Cour d’appel a dissocié la faute commise par l’employé de l’employeur, qui avait agi de bonne foi et n’avait pas fait montre de négligence lorsqu’il a engagé l’employé. La Cour a décidé, en fait, que l’employeur devait être considéré comme un tiers à l’égard des actes de l’employé.

À mon avis, la situation dont il est question en l’espèce ne saurait être comparée au cas du vol. L’employée qui a remis les marchandises a agi dans ce qu’elle croyait être l’intérêt de l’employeur. Equip était une cliente appréciée avec laquelle son employeur faisait affaires depuis longtemps et qui n’avait jamais manqué à ses obligations dans le passé. L’employée a donc donné suite à leur demande de livraison urgente, présumant que le paiement viendrait sous peu. En agissant ainsi, elle a pris une décision commerciale qui s’est avérée mauvaise. Malgré cette erreur, elle est restée au service de Wellcorp Canada. Dans un télex qu’un dirigeant de Wellcorp Canada a fait parvenir à Wellcorp Hong Kong peu après l’incident, les commentaires suivants ont été écrits :

[traduction] Avons également donné des ordres très stricts à toutes les personnes concernées au Canada au sujet de l’importance de protéger les connaissements originaux et de veiller à ce qu’ils soient dûment endossés afin de protéger les droits de Wellcorp et nous surveillerons de près la situation. Nous dirons simplement que nous avons parfois été trop tolérants à l’endroit de certains clients et que nous n’avons pas exigé les connaissements avant de remettre la marchandise, mais dès aujourd’hui, ce ne sera plus le cas, je puis vous l’assurer. [Je souligne.]

Dans ce contexte, je ne crois pas que Wellcorp Canada puisse se dissocier de l’acte non autorisé commis par son employée. Ses actes lient entièrement son employeur.

Il est bien reconnu qu’il faut utiliser des termes très clairs, précis et dépourvus de toute ambiguïté pour exclure ou restreindre la responsabilité d’une partie à l’égard de l’inexécution de l’obligation qui constitue l’objet de l’entente contractuelle. Dans l’affaire Sze Hai Tong Bank Ltd. v. Rambler Cycle Co. Ltd., [1959] A.C. 576, la Chambre des lords était saisie d’une situation semblable. Lord Denning, qui a prononcé le jugement pour la Chambre des lords, s’est exprimé comme suit, aux pages 586 à 588 :

[traduction] Il est parfaitement clair en droit qu’un propriétaire de navire qui livre les marchandises sans que le connaissement ait été produit le fait à ses risques et périls. Le contrat consiste à livrer les marchandises, sur production du connaissement, à la personne qui y a droit en vertu du connaissement. Dans ce cas-ci, les marchandises devaient être livrées « au destinataire ou à ses ayants droit », c’est-à-dire à la Rambler Cycle Company, si elle n’avait pas cédé le connaissement, ou à ses ayants droit, dans le cas contraire. La société de transport maritime n’a pas remis les marchandises à cette personne. Elle a donc violé l’entente, à moins qu’il n’existe dans le connaissement une clause qui la protège. En outre, elle a livré les marchandises à une personne qui n’avait pas le droit de les recevoir, alors qu’aucun connaissement n’avait été produit. Elle est donc responsable du détournement, sauf si elle est protégée de la même façon.

Afin d’échapper aux conséquences du défaut de livraison, les appelants soutiennent que la société de transport maritime est protégée par la clause 2 du connaissement, dont le texte est le suivant :

[traduction] « Au cours de la période allant du chargement des marchandises jusqu’à leur déchargement du navire à bord duquel elles sont transportées sur mer, les conditions suivantes s’appliquent, à l’exclusion de toute autre disposition du présent connaissement incompatible avec elles, a) tant et aussi longtemps que les marchandises demeurent sous la garde réelle du transporteur ou de ses préposés » (cette clause est ensuite suivie d’une exception précise); « b) pendant que les marchandises sont transportées en provenance ou à destination du navire » (le texte qui suit est une autre exception précise); « c) dans tous les autres cas, la responsabilité du transporteur, que ce soit comme transporteur, gardien ou dépositaire des marchandises, est présumée commencer seulement lorsque les marchandises sont chargées à bord du navire et prendre fin de façon absolue dès qu’elles sont déchargées ».

À première vue, l’exonération ne pourrait guère être plus complète et on soutient qu’elle est suffisamment large pour exonérer la société de transport maritime de la responsabilité relative à l’acte dont la Rambler Cycle Company se plaint, c’est-à-dire la livraison des marchandises à une personne qui, à la connaissance de ladite société, n’avait pas le droit de les recevoir. Si la clause d’exonération, selon sa véritable interprétation, avait pour effet d’exonérer la société de transport maritime d’un acte de cette nature, un raisonnement similaire nous inciterait à dire qu’elle aurait été exonérée si elle avait remis les marchandises à un passant, si elle les avait brûlées ou si elle les avait jetées à la mer. Si l’on avait donné à entendre aux parties que la condition avait pour effet d’exonérer la société de transport maritime en pareil cas, les deux parties auraient dit « Bien sûr que non ». En conséquence, il existe une limite implicite quant à la portée de la clause, laquelle limite en restreint le caractère extrêmement large et, aux fins de l’interprétation, la Chambre des lords refuse de lui attribuer l’effet déraisonnable invoqué.

Cependant, la Chambre des lords va plus loin. Si l’interprétation extrêmement large qui est ici recherchée était reconnue, elle irait à l’encontre du but et de l’objet principaux du contrat. En effet, l’un des principaux objets du contrat réside dans la livraison en bonne et due forme des marchandises par la société de transporteur maritime « au destinataire ou à ses ayants droit » sur production du connaissement. Si la société de transport maritime pouvait, comme bon lui semble, livrer les marchandises à quelqu’un d’autre, à une personne qui n’y a pas droit, sans être responsable des conséquences, cet objet du contrat n’aurait plus sa raison d’être. En conséquence, la clause doit être limitée et modifiée dans la mesure nécessaire pour donner effet au principal but et au principal objet du contrat : voir Glynn v. Margetson & Co., [1893] A.C. 351, p. 357; 9 T.L.R. 437; G. H. Renton & Co. Ltd. v. Palmyra Trading Corporation of Panama, [1956] 1 Q.B. 462, p. 501; [1956] 1 All E.R. 209; [1957] A.C. 149, p. 164; [1957] 2 W.L.R. 45; [1956] 3 All E.R. 957.

Dans quelle mesure est-il nécessaire de limiter ou de modifier la clause? Il faut la modifier, à tout le moins, de façon à défendre à la société de transport maritime d’agir avec une insouciance délibérée à l’égard de ses obligations quant à la livraison, car c’est ce qui s’est produit en l’espèce. Les représentants de la société de transport maritime à Singapour l’ont reconnu : [traduction] « Nous faisons quelque chose que nous ne devrions pas faire ». Pourtant, ils l’ont fait, et ce, comme mandataires dans des circonstances telles que leurs actes étaient ceux de la société de transport maritime elle-même. Compte tenu de leur position, leur état d’esprit peut dûment être considéré comme celui de la société de transport maritime elle-même. En agissant de la sorte, ils ont délibérément omis de tenir compte de l’une des principales obligations du contrat. Aucun tribunal ne peut permettre qu’une contravention aussi essentielle soit autorisée sous le couvert d’une clause d’exonération générale : voir The Cap Palos, [1921] P. 458, p. 471; 37 T.L.R., 921.

Il n’est pas nécessaire d’examiner la question de la contravention essentielle en l’espèce[1]. Compte tenu de la règle selon laquelle les clauses de limitation de responsabilité doivent être interprétées de façon restrictive à l’encontre des parties en faveur desquelles elles sont stipulées, je suis d’avis que la clause de limitation n’aide nullement les défenderesses en l’espèce. Plus précisément, je ne crois pas qu’il y ait eu « une perte ou des dommages causés aux marchandises », selon le sens de ces mots qui sont utilisés dans le paragraphe introductif de la clause 6(3), de façon à déclencher l’application de ladite clause de limitation.

Les mots « perte ou dommages causés aux marchandises » signifient, en termes simples, qu’il n’est plus possible de déterminer l’endroit où les marchandises se trouvent. Habituellement, ce type de sinistre se produit lorsque le dépositaire perd la possession des marchandises à son insu. Dans la plupart des cas, ce genre de situation découle d’un vol, mais les marchandises peuvent aussi avoir disparu, notamment lorsqu’il s’agit d’animaux qui se sont échappés. Dans le cas qui nous occupe, l’endroit où se trouvaient les marchandises était connu au moment de la livraison. Il est même demeuré connu après la livraison. Les marchandises ont été livrées au consignataire, Equip, qui a admis les avoir en sa possession. Elles n’étaient donc pas perdues ni n’ont été enlevées au dépositaire à son insu.

Étant donné que l’emplacement des marchandises est demeuré connu, Wellcorp Canada aurait pu réclamer la possession des marchandises après leur livraison si elle avait agi rapidement. Les marchandises ont été livrées à l’entrepôt de la société Equip. Selon le témoignage de M. Cohen, l’un des mandants de celle-ci, les marchandises n’ont pas été réexpédiées immédiatement. Elles sont restées à l’entrepôt et ont été graduellement envoyées à plusieurs endroits différents selon les commandes des clients. Toutefois, au lieu de chercher à reprendre la possession des marchandises, Wellcorp Canada a continué d’agir en présumant que le paiement viendrait sous peu.

M. Kalouf était le directeur responsable du compte de la société Equip chez Wellcorp Canada. À ce titre, il avait pour tâche de récupérer les connaissements auprès de la société Equip. À sa première tentative, il s’est fait dire qu’il s’agissait d’un oubli et qu’il les recevrait le lendemain. Le temps a passé et on lui a répété que c’était une simple question de trouver les connaissements. Après quelques semaines, Equip a finalement fait savoir à Wellcorp Canada qu’elle ne trouvait pas les connaissements.

Selon ses propres mots, M. Kalouf a obtenu des [traduction] « réponses très évasives ». À la question de savoir s’il avait insisté pour obtenir les connaissements, il a répondu qu’il avait tenté d’agir avec diplomatie, parce qu’il voulait conserver Equip comme cliente. C’est lui qui avait personnellement obtenu ce compte au nom de Wellcorp Canada, après avoir tâté le terrain pendant trois ans.

Il semble évident que Wellcorp Canada était davantage préoccupée par la nécessité de maintenir ses relations commerciales avec Equip que par celle de conserver le droit que la demanderesse avait sur les marchandises. Les marchandises ont finalement été perdues lorsqu’elles ont été graduellement mises sur le marché par Equip. Toutefois, quel que soit le sens que l’on attribue à ce mot, elles n’ont été perdues qu’après un certain temps suivant la livraison, de sorte que la clause de limitation de responsabilité ne peut s’appliquer.

D’aucuns soutiendront à l’encontre de cette conclusion que le mot « livraison » utilisé dans la clause de limitation de responsabilité renvoie à la livraison effectuée conformément aux conditions du connaissement, c’est-à-dire après la remise du connaissement. Dans ce cas-ci, cette livraison n’a jamais été faite, de sorte que les marchandises ont nécessairement été perdues à l’intérieur du délai envisagé par la clause de limitation de responsabilité.

Toutefois, à mon sens, le mot « livraison » qui est utilisé dans la clause en question ne peut désigner autre chose que la livraison réelle. Aucun sens spécial n’est attribué à ce mot, alors que le mot « transport » est un mot défini qui signifie [traduction] « l’ensemble des activités entreprises et des services assurés par le transporteur … à l’égard des marchandises ». (Soulignement ajouté.) Cette définition a pour effet d’étendre la notion du transport au-delà du point de livraison, lorsque celle-ci est faite sans que les connaissements soient remis, car l’obtention de connaissements dûment endossés fait partie des services assurés par le transporteur. Aucun sens étendu de cette nature n’est prévu dans le cas du mot « livraison ».

La clause 6(3) vise à restreindre la responsabilité du transporteur pendant que les marchandises demeurent sous le contrôle ou en la possession dudit transporteur ou de ses mandataires, car il s’agit de la période au cours de laquelle la responsabilité risque d’être engagée. À mon avis, les auteurs de la clause n’ont tout simplement pas envisagé la possibilité que le transporteur demeure responsable d’une perte survenant après la livraison, alors que les marchandises se trouvent en la possession d’un tiers.

Si j’avais tort sur ce point, cela signifierait que la responsabilité du transporteur est limitée dans tous les cas de livraison fautive. Pour reprendre les propos du Conseil privé dans l’affaire Sze Hai Tong Bank Ltd., précitée, à la page 587, l’application d’un raisonnement similaire signifierait que le transporteur serait protégé même dans les cas où les marchandises auraient été remises au hasard à un passant. Je ne crois pas que cette interprétation de la clause soit raisonnable.

Par ailleurs, je souligne que l’acte reproché est survenu dans la province de Québec et constitue, à tout le moins, une négligence grave. En fait, il s’agirait davantage d’une négligence volontaire. Dans l’affaire Raymor Painting Contractors (Canada) Limited c. Purolator Courier Ltd., [1976] C.S. 468, le juge Hugessen, qui siégeait alors comme juge de la Cour supérieure, a souligné à la page 471 qu’il existe une abondante jurisprudence dans cette province selon laquelle les clauses de limitation de responsabilité ne couvrent pas les cas de négligence grave. Il a fait cette remarque dans un jugement par lequel il a refusé de donner effet à une clause de limitation de responsabilité après avoir conclu que la responsabilité découlait d’une négligence grave. Si c’est là la règle à appliquer à l’égard d’une responsabilité découlant d’une négligence grave, à plus forte raison est-il nécessaire de l’appliquer lorsque la responsabilité découle d’un acte de négligence volontaire.

Cependant, je suis au courant de l’arrêt ITOInternational Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc. et autre, [1986] 1 R.C.S. 752, où la Cour suprême du Canada a statué, dans une affaire d’amirauté qui avait pris naissance dans la province de Québec, que les principes de common law en matière de dépôt et de négligence s’appliquaient. Selon le fondement de la décision, en common law, les parties contractantes peuvent restreindre tout type de responsabilité qu’elles envisagent, ou s’en dégager, et le sort du litige dépend de ce que les parties pouvaient raisonnablement envisager. Suivant ce raisonnement, la Cour a jugé que les parties pouvaient raisonnablement avoir envisagé la responsabilité découlant de la négligence, même si celle-ci n’était pas explicitement mentionnée dans la clause invoquée.

Reprenant le même raisonnement, je suis d’avis que la clause de limitation de responsabilité est loin de dégager la défenderesse de la responsabilité qu’elle a engagée. Il faudrait des termes beaucoup plus clairs pour convaincre la Cour que les parties avaient envisagé la possibilité que la défenderesse restreigne sa responsabilité malgré une violation délibérée de l’obligation même qu’elle avait contractée. Indépendamment du fait que la négligence volontaire et, à plus forte raison, la négligence tout court, ne sont pas mentionnées dans la clause de limitation de responsabilité, une lecture des conditions intégrées dans le connaissement ne permet pas de dire que les parties avaient envisagé que la responsabilité du transporteur ou de son mandataire serait restreinte dans les circonstances du présent litige.

Pour dire le contraire, il faudrait soutenir que la responsabilité visée par la clause est inconditionnelle et peut donc couvrir toute forme de responsabilité, quelle qu’en soit la source. L’argument serait peut-être valable dans le cas d’une responsabilité découlant d’un acte de négligence, mais il ne peut être retenu lorsqu’il s’agit d’un acte de négligence volontaire. À mon avis, si les parties avaient envisagé la situation plutôt extrême selon laquelle le transporteur aurait pu, à son gré, livrer les marchandises à une personne qui n’y avait pas droit tout en restreignant sa responsabilité dans la mesure prévue, elles auraient utilisé des termes plus explicites. En l’absence de termes de cette nature, la clause générale de limitation de responsabilité ne protège pas Wellcorp Canada des actes de négligence volontaire et s’il y avait quelque doute sur ce point, je dois résoudre l’ambiguïté en faveur de la demanderesse.

Pour ces motifs, la défenderesse Wellcorp Canada ne peut invoquer la clause de limitation de responsabilité et est donc responsable de la pleine valeur des marchandises qu’elle a remises de façon fautive.

Compte tenu de cette décision, Wellcorp Hong Kong ne peut pas davantage invoquer la clause de limitation de responsabilité que Wellcorp Canada. La demanderesse soutient que, comme Wellcorp Hong Kong et Wellcorp Canada ne constituent en fait qu’une seule et même entreprise, Wellcorp Hong Kong est responsable conjointement et solidairement de la négligence de Wellcorp Canada. Un jugement sommaire est donc demandé contre Wellcorp Hong Kong pour ce motif.

Aucun représentant de Wellcorp Hong Kong n’a témoigné devant moi. Selon le témoignage de certains représentants de Wellcorp Canada, il existe un lien étroit entre les deux entités et celles-ci travaillent en étroite collaboration; ainsi, dans le présent cas, Wellcorp Hong Kong a pris toutes les dispositions relatives à l’expédition à Hong Kong, tandis que Wellcorp Canada s’est occupée du déchargement, de l’entreposage et de la livraison des marchandises à Montréal. Cependant, il s’agit de deux entités différentes ayant un établissement dans des continents différents.

L’allégation selon laquelle Wellcorp Canada et Wellcorp Hong Kong ne constituaient qu’une seule entité soulève une question de fait pure et, compte tenu du paragraphe 432.3(4), je ne crois pas que l’ensemble de la preuve comporte les faits nécessaires pour que je puisse trancher cette question de façon équitable dans le cadre de la requête en vue d’obtenir un jugement sommaire.

En conséquence, j’accueillerai la requête en vue d’obtenir un jugement sommaire contre la défenderesse Wellcorp Canada en la condamnant à payer à la demanderesse le montant de 201 776,89 $ CAN ainsi que les intérêts avant jugement courus depuis le 31 août 1992, calculés au taux préférentiel, les intérêts après jugement et les dépens de l’action jusqu’à maintenant. Conformément au paragraphe 432.3(5), j’ordonne que la question de la responsabilité conjointe et solidaire de la défenderesse Wellcorp Hong Kong soit instruite de la façon habituelle, au besoin.



* Note de l’arrêtiste : Voir [1995] 2 C.F. F-12, où le montant des dommages-intérêts est corrigé.

[1] En fait, eu égard à la décision que la Chambre des lords a rendue dans l’affaire Photo Production Ltd. v. Securicor Transport Ltd., [1980] A.C. 827, il semble clair désormais que la doctrine de la contravention essentielle ne permet pas à un tribunal de ne pas tenir compte de l’intention des parties, lorsque celle-ci est exprimée en termes clairs, quelles que soient les répercussions d’une clause de limitation de responsabilité quant à l’objet avoué du contrat.

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