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[1995] 1 C.F. 420

T-137-94

Sunshine Village Corporation (requérante)

c.

Le directeur du Parc national Banff, le directeur de la Région de l’Ouest de Parcs Canada, le ministre du Patrimoine canadien et la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada (intimés)

T-2505-93

La Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada (requérante)

c.

Le directeur du Parc national Banff, le directeur de la Région de l’Ouest de Parcs Canada, le Dr Bruce Leeson, Jean Charest (en sa qualité de ministre de l’Environnement à l’époque), Monique Landry (Secrétaire d’État du Canada), le procureur général du Canada et Sunshine Village Corporation (intimés)

Répertorié : Sunshine Village Corp. c. Canada (Directeur du Parc national Banff) (1re inst.)

Section de première instance, juge Joyal—Vancouver, 4 mai; Ottawa, 13 octobre 1994.

Environnement — Applicabilité des Lignes directrices PEEE au développement à long terme d’une station de ski dans le Parc national Banff qui a déjà été approuvé en 1978, avant l’adoption des Lignes directrices PEEE — Non-rétroactivité des Lignes directrices — Applicabilité des Lignes directrices PEEE à la mise en œuvre ultérieure d’éléments du plan et de modifications qui leur sont apportées — Interprétation des expressions « proposition » et « mise en œuvre » — Nécessité d’éviter toute situation de double emploi du processus, pour qu’il ait un caractère définitif.

Au milieu des années 1970, la requérante Sunshine Village Corporation, propriétaire et exploitante d’un centre de ski situé à l’intérieur du parc national Banff, a présenté un plan à long terme visant à agrandir le centre de ski dans sa région désignée comme région de ski et des audiences publiques ont débuté à ce sujet dès 1976. En 1978, le ministre responsable des parcs nationaux a approuvé le plan à long terme relatif au développement de Sunshine Village et le gouvernement fédéral ne devait pas tarder à conclure un accord de mise en valeur. Le plan comprenait la construction de nouveaux remonte-pentes et de logements pour le personnel, le réaménagement des structures existantes, la construction d’un nouveau système d’égout, la réhabilitation des zones perturbées et l’aménagement de pentes sur la Goat’s Eye Mountain.

La mise en œuvre du plan s’est faite graduellement. En 1986, Parcs Canada et Sunshine ont conclu une entente dans laquelle ils ont réitéré et confirmé le plan à long terme de 1978 tout en autorisant des modifications à celui-ci. Les modifications étaient assujetties à une évaluation en matière d’environnement et à une consultation publique. En 1992, Sunshine a soumis son projet de plan à long terme modifié, qui a été reconfirmé par le ministre de l’Environnement, à la condition que le processus d’évaluation en matière d’environnement s’applique à chaque composante du plan, conformément au processus normalisé d’approbation des aménagements à l’intérieur du parc national Banff. Le ministre a également mentionné qu’il ne voyait pas la nécessité d’un processus de consultation publique complet, étant donné que la proposition ne prévoyait aucun changement majeur par rapport au plan de 1978.

En octobre 1992, Sunshine et le Service canadien des parcs ont conclu une entente concernant la mise en valeur de Goat’s Eye conformément au plan à long terme. En février 1993, après un examen en deux étapes des projets antérieurs, l’évaluation environnementale du plan de développement de Goat’s Eye a été approuvée et acceptée par Parcs Canada suivant une décision d’évaluation préalable prise conformément aux Lignes directrices PEEE. La décision a statué qu’aucune consultation publique officielle n’était nécessaire, parce qu’elle ne visait qu’une partie d’un plan plus vaste qui avait été approuvé en 1978 après une grande consultation publique et que les effets environnementaux éventuels étaient minimes ou pouvaient être atténués par l’application de mesures techniques connues au sens des Lignes directrices PEEE. En septembre 1993, Sunshine a conclu avec des représentants du parc national Banff un accord de construction énonçant de strictes conditions de respect de l’environnement et de surveillance. En octobre 1993, un permis restreint a été délivré par le directeur du Parc aux fins du déboisement des pentes de ski inférieures. Une demande d’injonction déposée par la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada (SPPSNC) a été rejetée. La SPPSNC a aussi déposé la présente demande en vue d’invalider l’accord de construction, le permis de coupe de bois et l’approbation du plan à long terme, et en vue d’obtenir une ordonnance enjoignant à Parcs Canada de procéder à une évaluation environnementale en règle avant de délivrer un permis de coupe ou avant d’autoriser la poursuite des travaux de mise en valeur de Goat’s Eye Mountain.

Parcs Canada a ensuite invité le public à soumettre ses commentaires au sujet du projet de Goat’s Eye et refusé la demande de permis de coupe de bois nécessaire pour la réalisation du projet présentée par Sunshine. En janvier 1994, le ministre responsable des parcs nationaux a décidé que les préoccupations publiques étaient telles qu’un examen public des propositions d’agrandissement était souhaitable. Agissant conformément à l’article 13 des Lignes directrices PEEE, il a demandé officiellement au ministre de l’Environnement de créer une commission d’évaluation environnementale chargée de procéder à un examen public complet de la proposition d’aménagement de Goat’s Eye ainsi que des ajouts proposés aux installations existantes.

Sunshine a déposé une demande de contrôle judiciaire visant le refus de délivrer un permis de coupe et demandé à la Cour de déclarer (1) que le PEEE ne s’appliquait pas aux approbations de 1978; (2) que la demande actuelle du ministre de constituer une commission suivant l’article 13 n’était pas valide; (3) que le processus qui s’appliquait au reste du projet à Sunshine était le processus normalisé d’approbation des aménagements à l’intérieur du parc national Banff; (4) que la requérante avait droit au permis qu’elle demandait pour poursuivre les travaux à Goat’s Eye; (5) que la décision du directeur en date du 20 janvier 1994 était nulle.

Les principales questions en litige étaient ainsi formulées : (1) Les Lignes directrices PEEE adoptées en 1984 s’appliquaient-elles au plan à long terme et à l’aménagement de Goat’s Eye? Dans l’affirmative, ont-elles été respectées? (2) Dans quelle mesure le ministre avait-il le pouvoir discrétionnaire de demander la création d’une commission d’évaluation environnementale? (3) Quelles réparations la Cour pouvait-elle accorder en l’espèce?

Jugement : la demande de contrôle judiciaire que Sunshine a déposée dans le dossier T-137-94 doit être accueillie et la demande de contrôle judiciaire présentée par la SPPSNC dans le dossier T-2505-93 doit être rejetée.

Comme question préliminaire, la Cour a examiné si la SPPSNC avait la qualité pour agir nécessaire pour introduire sa propre action. Elle a appliqué le critère du caractère théorique élaboré par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Borowski c. Canada (Procureur général). L’action de la SPPSNC était effectivement devenue théorique depuis que Parcs Canada avait décidé de faire ce que la SPPSNC demandait : Parcs Canada a décidé de confier à une commission d’évaluation la tâche d’examiner les effets du projet sur l’environnement. En tout état de cause, le statut d’intimée a été reconnu à la SPPSNC dans la demande de Sunshine.

En ce qui a trait à l’applicabilité des Lignes directrices de 1984 au projet de Goat’s Eye et au plan à long terme, selon le principe général applicable, aucun texte législatif n’a d’effet rétroactif. Il se peut cependant que les Lignes directrices PEEE s’appliquent aux modifications apportées au plan initial après 1984.

Avant la délivrance du premier permis en octobre 1993, le projet de Goat’s Eye avait franchi avec succès l’étape de l’examen préalable aux termes des Lignes directrices PEEE et toutes les évaluations environnementales concernant le projet de Goat’s Eye avaient été faites. Il faut se rappeler que le directeur est également investi du pouvoir discrétionnaire général prévu à l’article 12 du Règlement général sur les parcs nationaux en matière de délivrance de permis.

Les problèmes de Sunshine ont débuté lorsque Parcs Canada, invoquant l’article 15 des Lignes directrices, a demandé des commentaires au public au sujet du projet de Goat’s Eye. Mais les séances d’information publiques concernant le plan à long terme ont eu lieu en décembre 1992, après l’approbation par le ministre responsable de l’époque du plan dont le projet Goat’s Eye faisait partie, et en février 1993, le processus d’examen préalable concernant spécifiquement le projet Goat’s Eye a été approuvé. Selon cette approbation, « aucune consultation publique officielle » n’était nécessaire. L’article 15, qui porte sur les propositions, n’était plus applicable parce que, une fois l’accord de construction conclu et une fois le permis de coupe de bois délivré, le projet de Goat’s Eye n’en était plus à l’étape de « proposition », mais plutôt à l’étape de « mise en œuvre » pendant la période d’attente précédant la délivrance du deuxième permis. En se fondant sur les réponses du public pour refuser de délivrer le deuxième permis à l’égard du projet de Goat’s Eye, le directeur a commis une erreur de compétence, car il n’était plus devant une « proposition ». Toutefois, l’attente d’une réponse du public à l’égard des autres éléments du projet du plan à long terme pourrait encore être acceptable, puisque ce plan en est encore au stade de « proposition », n’ayant pas encore franchi l’étape de l’examen préalable ou de l’évaluation initiale.

Le large pouvoir discrétionnaire que possède Parcs Canada en matière d’octroi ou de refus de permis de coupe de bois devait être exercé dans le respect de l’équité procédurale, qui englobe l’attente légitime d’un certain résultat. Étant donné qu’un accord de construction avait été signé et qu’un premier permis de coupe de bois avait été délivré, la requérante était raisonnablement en droit de s’attendre à ce que le deuxième permis soit aussi délivré.

L’article 5 des Lignes directrices PEEE prévoit qu’il faut veiller à ce que les examens publics ne fassent pas double emploi et que le processus d’examen public serve comme instrument de travail au cours des premières étapes du développement d’une proposition. En premier lieu, la proposition générale a initialement été acceptée en principe en 1978 et quelques-unes des propositions ont été mises en œuvre pendant les années 1980 dans le respect intégral des exigences très strictes que Parcs Canada avait imposées en matière de contrôle, comme il devait le faire en vertu de sa loi habilitante. Une fois les permis nécessaires délivrés par Parcs Canada, le projet ne pouvait plus être considéré comme une proposition. En deuxième lieu, lorsqu’il a évalué les effets de l’aménagement de Goat’s Eye Mountain sur l’environnement, Parcs Canada s’est conformé aux Lignes directrices PEEE et a constaté que les effets qu’il pouvait avoir sur l’environnement étaient minimes ou pouvaient être atténués par l’application de mesures techniques connues. Une fois qu’un élément d’une proposition globale a été approuvé et qu’il a franchi tous les paliers nécessaires, les pouvoirs des deux autorités de réglementation, qu’il s’agisse des pouvoirs découlant des Lignes directrices PEEE ou des pouvoirs de Parcs Canada, ont été épuisés, le contrôle résiduel de la mise en œuvre étant laissé, comme c’est le cas en l’espèce, à Parcs Canada, conformément aux fonctions de réglementation très strictes dont il est investi. En outre, l’article 8 des Lignes directrices énonce que celles-ci ne s’appliquent que s’il n’en découle pas de chevauchement des responsabilités. Les mesures de contrôle que Parcs Canada peut prendre sur le plan de l’environnement et de l’écologie constituent non seulement une répétition des démarches prévues dans les Lignes directrices, mais vont également beaucoup plus loin, touchant aussi bien chaque proposition que sa mise en œuvre. Les articles 5 et 8 des Lignes directrices visent à éviter les remaniements multiples des propositions, notamment lorsqu’un ministère responsable comme Parcs Canada possède plus que le pouvoir nécessaire pour examiner et réglementer chaque aspect des préoccupations écologiques et environnementales.

L’article 13 des Lignes directrices ne devrait pas servir à l’exercice par le ministre du pouvoir discrétionnaire de freiner la mise en œuvre de projets qui ont été dûment approuvés et pour lesquels les autorisations nécessaires à la mise en œuvre ont été délivrées. Les préoccupations du public au sujet des questions liées à l’environnement ne devraient pas pouvoir servir de simple prétexte fantaisiste à toute personne qui prétend agir sous l’autorité des Lignes directrices PEEE ou de la Loi sur les parcs nationaux et de ses nombreux règlements. Autrement, cela signifierait que, malgré les nombreuses démarches auxquelles une partie requérante a dû se soumettre, une proposition demeurerait toujours une proposition. Lorsqu’une proposition a été acceptée, le processus purement réglementaire s’applique, comme dans le cas de Parcs Canada, et c’est là la limite de la compétence ou du pouvoir pouvant être invoqué aux termes des Lignes directrices PEEE.

La détermination de l’effet cumulatif des éléments successifs doit avoir lieu lorsque chaque programme est sur le point d’atteindre l’étape de développement proprement dite.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Alberta Business Corporations Act, S.A. 1981, ch. B-15.

Décret sur les lignes directrices visant le processus d’évaluation et d’examen en matière d’environnement, DORS/84-467, art. 2, 3, 5, 6, 8, 10, 11, 12, 13, 14, 15.

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18.1 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5).

Loi sur les parcs nationaux, L.R.C. (1985), ch. N-14, art. 4, 5(1.2) (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 39, art. 3), 5(1.4) (mod., idem), 7 (mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 28, art. 359, ann., item 7; (4e suppl.), ch. 39, art. 5; L.C. 1991, ch. 24, art. 51, ann. III, item 9; 1992, ch. 47, art. 84, ann., item 8).

Règlement général sur les parcs nationaux, DORS/78-213, art. 12.

Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règle 1602(4) (édictée par DORS/92-43, art. 19).

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342; (1989), 57 D.L.R. (4th) 231; [1989] 3 W.W.R. 97; 75 Sask. R. 82; 47 C.C.C. (3d) 1; 33 C.P.C. (2d) 105; 38 C.R.R. 232; 92 N.R. 110; Naskapi-Montagnais Innu Assn. c. Canada (Ministre de la Défense nationale), [1990] 3 C.F. 381; (1990), 35 F.T.R. 161; 5 C.E.L.R. (N.S.) 287 (1re inst.); Bande d’Eastmain c. Canada (Administrateur fédéral), [1993] 1 C.F. 501; (1992), 99 D.L.R. (4th) 16; 9 C.E.L.R. (N.S.) 157; [1993] 3 C.N.L.R. 55; 145 N.R. 270 (C.A.); Cardinal et autre c. Directeur de l’établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643; (1985), 24 D.L.R. (4th) 44; [1986] 1 W.W.R. 577; 69 B.C.L.R. 255; 16 Admin. L.R. 233; 23 C.C.C. (3d) 118; 49 C.R. (3d) 35; 63 N.R. 353; Renvoi relatif au Régime d’assistance publique du Canada (C.-B.), [1991] 2 R.C.S. 525; (1991), 83 D.L.R. (4th) 297; [1991] 6 W.W.R. 1; 58 B.C.L.R. (2d) 1; 127 N.R. 161; Organisation nationale anti-pauvreté c. Canada (Procureur général), [1989] 3 C.F. 684; (1989), 60 D.L.R. (4th) 712; 36 Admin. L.R. 197; 26 C.P.R. (3d) 440; 99 N.R. 181 (C.A.); inf. [1989] 1 C.F. 208; (1988), 32 Admin. L.R. 1; 21 C.P.R. (3d) 305; 21 F.T.R. 33 (1re inst.).

DISTINCTION FAITE AVEC :

Curragh Resources Inc. c. Canada (Ministre de la Justice), [1993] 3 C.F. 729; (1993) 11 C.E.L.R. (N.S.) 173; 155 N.R. 348 (C.A.).

DÉCISIONS CITÉES :

Ford c. Québec (Procureur général), [1988] 2 R.C.S. 712; (1988), 54 D.L.R. (4th) 577; 19 Q.A.C. 69; 10 C.H.R.R. D/5559; 36 C.R.R. 1; 90 N.R. 84; Finlay c. Canada (Ministre des Finances), [1986] 2 R.C.S. 607; (1986), 33 D.L.R. (4th) 321; [1987] 1 W.W.R. 603; 23 Admin. L.R. 197; 17 C.P.C. (2d) 289; 71 N.R. 338; Fédération canadienne de la faune Inc. c. Canada (Ministre de l’Environnement), [1991] 1 C.F. 641; (1990), 6 C.E.L.R. (N.S.) 89; 121 N.R. 385 (C.A.); conf. (1989), 4 C.E.L.R. (N.S.) 201; 31 F.T.R. 1 (C.F. 1re inst.); Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada c. Canada (Ministre de l’Environnement), [1993] F.C.J. no 1191 (QL).

DOCTRINE

Driedger, Elmer A. Construction of Statutes, 2nd ed. Toronto : Butterworths, 1983.

DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE (1) attaquant la décision par laquelle le directeur intérimaire du parc national Banff a refusé de permettre la délivrance d’un permis de coupe de bois nécessaire à la poursuite du projet d’aménagement déjà approuvé de Sunshine Village Corporation; (2) attaquant l’accord de construction conclu entre Sunshine Village Corporation et Parcs Canada. La première demande est accueillie; la deuxième demande est rejetée.

AVOCATS :

Stewart A. G. Elgie pour la requérante la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada.

John J. L. Hunter pour la requérante Sunshine Village Corporation.

Kirk N. Lambrecht pour les intimés.

PROCUREURS :

Sierra Legal Defence Fund, Vancouver, pour la requérante la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada.

Davis & Company, Vancouver, pour la requérante Sunshine Village Corporation.

Le sous-procureur général du Canada pour les intimés.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par

Le juge Joyal : Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par Sunshine Village Corporation et fondée sur l’article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5)] à l’égard de la décision en date du 20 janvier 1994 par laquelle le directeur intérimaire du parc national Banff a refusé de permettre la délivrance du permis nécessaire à la poursuite des travaux de déboisement des pistes de ski, à la construction des remonte-pentes et à l’exécution des autres parties de son programme selon l’accord de construction conclu le 17 septembre 1993 entre la requérante et Parcs Canada. Le refus était fondé sur la décision de procéder à une évaluation environnementale du projet aux termes du Décret sur les lignes directrices visant le processus d’évaluation et d’examen en matière d’environnement, DORS/84-467. La requérante soutient que le projet n’est pas visé par les Lignes directrices PEEE et qu’elle a droit à son permis.

Avant le dépôt de la demande de Sunshine, la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada (SPPSNC) a déposé elle aussi, le 22 octobre 1993, une demande visant à faire déclarer invalide ou illégal l’accord de construction conclu entre Parcs Canada et Sunshine Village Corporation ainsi que le permis de coupe accordé le 7 octobre 1993 à l’égard des pentes de ski inférieures. La SPPSNC demande également à la Cour de déclarer nulle et non avenue la décision par laquelle le ministre de l’Environnement a approuvé le plan à long terme soumis par Sunshine et d’ordonner à Parcs Canada de procéder à une évaluation environnementale en règle avant de délivrer un permis de coupe ou avant d’autoriser la poursuite des travaux de mise en valeur du Goat’s Eye Mountain à Banff.

LE CONTEXTE

Constituée aux termes de la loi intitulée Business Corporations Act, S.A. 1981, ch. B-15, de l’Alberta Sunshine Village Corporation est propriétaire et exploitante d’un centre de ski portant le même nom. La station de ski elle-même est située à peu près à mi-chemin entre Banff, à l’est, et Lake Louise, à l’ouest. La région, qui se trouve à l’intérieur du parc national Banff, a été désignée par Parcs Canada comme région de ski alpin et, à cette fin, divers projets de mise en valeur y ont été exécutés au fil des années. Sunshine Village est située un peu au sud de la route Transcanadienne, et le chemin d’accès mène à un parc de stationnement où les skieurs sont transportés par téléphérique (auparavant par autobus à itinéraire fixe et à prix modique) qui se rend le long d’une ligne étroite jusqu’à une vallée où les installations de la station sont situées. Au cours du milieu des années 1970, la requérante, qui portait alors le nom de T.I.W. Industries, a présenté un plan à long terme visant à agrandir le centre de ski dans sa région désignée comme région de ski et des audiences publiques ont débuté à ce sujet dès 1976.

En 1978, le ministre responsable des parcs nationaux a approuvé « en principe », le plan à long terme relatif au développement de Sunshine Village. Le plan comprenait la construction de nouveaux remonte-pentes et de logements pour le personnel, le réaménagement des structures existantes, la construction d’un nouveau système d’égout et la réhabilitation des zones perturbées. Le plan prévoyait également l’aménagement de pentes sur le Goat’s Eye Mountain à la gauche de la ligne du téléphérique et à peu près en angle droit par rapport à elle.

Se fondant sur cette approbation, le gouvernement fédéral a conclu un accord de mise en valeur en mai 1978.

Voici le libellé de l’une des clauses de cet accord :

[traduction] 5. Sa Majesté convient que, lorsqu’ils approuveront les plans et devis soumis par le promoteur, ses représentants légaux délivreront les permis et autorisations exigés par le Règlement pris en application de la Loi sur les parcs nationaux et nécessaires aux fins des travaux de construction. Le promoteur convient qu’il ne coupera pas d’arbres ou d’autres formes de végétation sur les terrains ni n’en gênera la croissance, qu’il ne ternira pas la beauté naturelle des terrains et ne permettra pas ce type d’activité sans avoir d’abord obtenu l’autorisation du directeur, qui ne pourra la refuser de façon arbitraire.

Conformément à l’accord, le téléphérique de Sunshine Village a été construit et ouvert au public pour la saison de 1979-1980 et le parc de stationnement a été agrandi. En outre, le centre de ski adjacent au Goat’s Eye Mountain a été mis en valeur au cours des années 1980.

En mars 1981, le gouvernement a loué à Sunshine Village Corporation une partie du parc national Banff conformément à un bail devant expirer en l’an 2020. Sunshine est titulaire du bail par suite d’une cession à laquelle Parcs Canada a consenti. Le paragraphe 6 du bail prévoit que la requérante [traduction] « exploitera une station de ski de première classe » sur le terrain loué. Le Goat’s Eye Mountain se trouve à l’intérieur des limites de la propriété louée à bail.

L’accroissement des installations existantes et l’aménagement de pentes de ski supplémentaires étaient autorisés selon le bail, qui prévoyait ce qui suit au sujet des permis de coupe de bois :

[traduction] 9. Le Locataire convient qu’il ne coupera pas d’arbres ou d’autres formes de végétation sur le terrain et qu’il ne ternira pas la beauté naturelle de celui-ci ni ne le permettra sans avoir d’abord obtenu l’autorisation du directeur, qui ne pourra la refuser de façon arbitraire.

Par suite des approbations obtenues en 1978, les travaux du Goat’s Eye Mountain se sont poursuivis par l’abattage d’arbres dans les voies réservées aux remonte-pentes. En 1986, Parcs Canada et Sunshine ont conclu une entente dans laquelle ils ont réitéré et confirmé le plan à long terme de 1978 tout en autorisant des modifications à celui-ci. Les modifications étaient assujetties à une évaluation en matière d’environnement et à une consultation publique. Compte tenu de cette exigence, en avril 1987, une consultation publique a eu lieu au sujet de la proposition de Sunshine en vue d’accroître la capacité d’accueil du centre. Parcs Canada a également demandé à Sunshine de procéder à une évaluation environnementale initiale du projet. La proposition a finalement été retirée.

D’autres discussions ont eu lieu au sujet du plan à long terme et, en avril 1989, après l’analyse du plan par Parcs Canada, le ministre de l’Environnement a demandé à Sunshine de soumettre une proposition modifiée.

Entre 1988 et 1992, des propositions modifiées en profondeur ont été élaborées, après de longs délais. En juillet 1991, le comité de planification de Goat’s Eye, composé de représentants de Sunshine et de Parcs Canada, a tenu une réunion. Voici un extrait du procès-verbal :

[traduction] Le processus d’approbation du projet de Goat’s Eye est décrit comme suit :

1. Approbation du concept—contenue dans l’approbation de 1978.

2. Approbation de la mise en œuvre—après la présentation d’un plan de développement et d’une évaluation environnementale satisfaisants pour le Service canadien des parcs et Sunshine Village Corporation.

3. Accord de construction—contrat conclu entre le SCP et la SVC au sujet des conditions précises se rapportant à l’exécution du projet.

En février 1992, une conférence de planification de trois jours a été tenue à Banff et à Sunshine Village. En mai de la même année, Sunshine a soumis au ministre de l’Environnement son projet de plan à long terme modifié, qui visait notamment le Goat’s Eye Mountain. Elle a demandé l’approbation nécessaire à l’aménagement de nouveaux parcs de stationnement, à la modification des limites actuelles de la propriété louée, à l’agrandissement de l’hôtel existant et à la construction de nouveaux remonte-pentes.

En juillet 1992, Sunshine a présenté un plan relatif à la construction de remonte-pentes, à l’aménagement de pentes de ski ainsi qu’à la construction d’un pavillon à Goat’s Eye. À la fin du même mois, une évaluation environnementale préliminaire du plan à long terme de 1992 a été élaborée. Selon l’impression générale, le projet était viable, sous réserve des restrictions environnementales, économiques et techniques. La seule exception concernait la question de l’espace de stationnement.

En août 1992, le ministre de l’Environnement, qui était responsable du Service canadien des parcs, l’honorable Jean Charest, a reconfirmé le plan à long terme :

[traduction] tel que soumis, compte tenu de la condition suivante :

—le processus d’évaluation en matière d’environnement s’appliquera à chaque composante du plan, conformément au processus normalisé d’approbation des aménagements à l’intérieur du parc national Banff.

Il a également mentionné qu’il ne voyait pas la nécessité d’un processus de consultation publique complet, étant donné que la proposition ne prévoyait aucun changement majeur par rapport au plan de 1978. En outre, il a approuvé les modifications proposées en ce qui a trait à l’espace de stationnement et aux logements supplémentaires ainsi qu’à l’accroissement de la capacité d’accueil de skieurs.

En octobre 1992, Sunshine et le Service canadien des parcs ont conclu une entente concernant la mise en valeur de Goat’s Eye conformément au plan à long terme. Au début de décembre de la même année, les deux parties ont tenu conjointement deux séances d’information publiques pour expliquer le plan d’aménagement à long terme.

Le 12 février 1993, après un examen en deux étapes des projets antérieurs, l’évaluation environnementale du plan de développement de Goat’s Eye a été approuvée et acceptée par Parcs Canada suivant une décision « d’évaluation préalable » prise conformément aux Lignes directrices PEEE. Cette approbation a été signée par Bruce F. Leeson, chef de l’évaluation environnementale, Division des sciences du Service canadien des parcs, et Charlie Winkan, directeur du parc national Banff. La décision comprenait les observations suivantes :

[traduction] Aucune consultation publique officielle n’est nécessaire, parce que l’aménagement du Goat’s Eye Mountain fait partie d’un plan plus vaste qui a été approuvé en 1978 après une grande consultation publique.

Les effets néfastes que peut avoir la proposition d’aménagement des installations de ski du Sunshine Village sur le Goat’s Eye Mountain sont minimes ou peuvent être atténués par l’application de mesures techniques connues au sens de l’alinéa 12c) du Décret sur les lignes directrices visant le processus d’évaluation et d’examen en matière d’environnement de 1984.

En septembre 1993, Sunshine a conclu avec des représentants du parc national Banff un accord de construction énonçant les conditions conformément auxquelles les travaux de développement de Goat’s Eye seraient exécutés suivant la décision d’évaluation préalable prise en 1992 au sujet de Goat’s Eye. L’accord comportait des dispositions relatives à la méthode d’abattage des arbres, des avertissements concernant la protection de l’environnement ainsi que des conditions strictes liées à la coupe des arbres. Il exigeait également la présence presque quotidienne d’un agent de surveillance environnementale au chantier.

En outre, Sunshine devait, selon l’accord, déposer une garantie. Le 5 octobre 1993, Sunshine a remis la garantie requise au directeur du parc national Banff.

Par ailleurs, l’accord prévoyait ce qui suit à la partie II :

[traduction] 1. Des plans complets … relatifs à chaque composante de ce projet doivent être soumis au directeur et approuvés par celui-ci avant le début des travaux de construction.

Si, de l’avis raisonnable du directeur, les plans … risquent d’avoir sur l’environnement des effets néfastes inacceptables ou inutiles ou encore si, de l’avis du directeur, les plans ne sont pas conformes aux intérêts de Parcs Canada, celui-ci pourra refuser de les approuver.

2. Aucune activité susceptible de perturber l’emplacement ou activité de construction d’un élément du projet ne peut être entreprise sur le chantier avant la délivrance d’un permis de construction par le directeur.

Le 7 octobre 1993, un permis restreint a été délivré aux fins du déboisement des pentes de ski conformément à l’accord de construction. Le permis devait être en vigueur du 7 octobre au 15 novembre 1993 aux fins du déboisement des pentes de ski inférieures.

À la fin d’octobre 1993, alors que les travaux d’abattage avaient débuté mais n’étaient pas encore terminés, la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada, groupe voué à la protection de l’environnement, a contesté devant notre Cour la délivrance du permis restreint. Sa demande d’injonction (dossier T-2505-93) [Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada c. Canada (Ministre de l’Environnement), [1993] F.C.J. no 1191 (QL)] a été rejetée par le juge Strayer et le programme d’automne a été terminé depuis. La SPPSNC s’occupe principalement de la protection des écosystèmes dans les parcs nationaux et provinciaux et autres sites protégés du Canada. Elle demande à la Cour d’annuler l’accord de construction et le permis restreint, au motif que les évaluations exigées par les Lignes directrices PEEE n’ont pas été faites, et d’ordonner que ces évaluations soient entreprises.

Le programme d’hiver, pour lequel un permis était nécessaire, devait débuter dès qu’il y aurait suffisamment de neige pour assurer l’exécution des travaux dans des conditions ne présentant aucun danger pour l’environnement. Selon le programme de construction, les arbres abattus à ces endroits devaient être transportés principalement sur la neige l’hiver ou, si nécessaire, par hélicoptère l’été.

Le 22 décembre 1993, conformément à l’article 15 des Lignes directrices PEEE, Parcs Canada a fait paraître dans les journaux locaux des annonces sous la rubrique « Avis public » afin d’inviter le public à soumettre ses commentaires au sujet du projet de Goat’s Eye dans les 30 jours suivants. Sunshine s’est opposée à cette démarche, étant donné que le projet avait déjà été approuvé et que les travaux étaient en cours.

Sunshine soutient que le directeur du parc l’a assurée verbalement que, si aucun effet néfaste important sur l’environnement n’était révélé à la suite de cette démarche, le permis relatif au programme d’hiver serait délivré le 31e jour suivant l’avis, ce qui aurait dû avoir lieu le 21 janvier 1994. Des réunions ont été tenues avant cette date au sujet des étapes suivantes du programme de construction.

Le 20 janvier 1994, le directeur intérimaire a avisé Sunshine en ces termes :

[traduction] Parcs Canada aura besoin de temps pour examiner les commentaires reçus et obtenir la décision du ministre concernant l’intérêt public conformément aux Lignes directrices PEEE.

En fait, les permis de coupe n’ont pas été délivrés le 21 janvier 1994. C’est cette décision qui est visée par la demande de contrôle judiciaire en l’espèce, laquelle demande a été déposée le 25 janvier 1994.

Le même jour, le ministre responsable des parcs nationaux a décidé que les préoccupations publiques étaient telles qu’un examen public des propositions d’agrandissement concernant Sunshine Village était souhaitable. Agissant conformément à l’article 13 des Lignes directrices PEEE, il a demandé officiellement au ministre de l’Environnement de créer une commission d’évaluation environnementale chargée de procéder à un examen public complet de la proposition d’aménagement de Goat’s Eye ainsi que des ajouts proposés aux installations existantes.

LES LIGNES DIRECTRICES PEEE

Voici le libellé des dispositions pertinentes des lignes directrices :

3. Le processus est une méthode d’auto-évaluation selon laquelle le ministère responsable examine, le plus tôt possible au cours de l’étape de planification et avant de prendre des décisions irrévocables, les répercussions environnementales de toutes les propositions à l’égard desquelles il exerce le pouvoir de décision.

5. (1) Si, indépendamment du processus, le ministère responsable soumet une proposition à un règlement sur l’environnement, il doit veiller à ce que les examens publics ne fassent pas double emploi.

(2) Pour éviter la situation de double emploi visée au paragraphe (1), le ministère responsable doit se servir du processus d’examen public comme instrument de travail au cours des premières étapes du développement d’une proposition plutôt que comme mécanisme réglementaire, et rendre les résultats de l’examen public disponibles aux fins des délibérations de nature réglementaire portant sur la proposition.

6. Les présentes lignes directrices s’appliquent aux propositions

a) devant être réalisées directement par un ministère responsable;

b) pouvant avoir des répercussions environnementales sur une question de compétence fédérale;

c) pour lesquelles le gouvernement du Canada s’engage financièrement; ou

d) devant être réalisées sur des terres administrées par le gouvernement du Canada, y compris la haute mer.

8. Lorsqu’une commission ou un organisme fédéral ou un organisme de réglementation exerce un pouvoir de réglementation à l’égard d’une proposition, les présentes lignes directrices ne s’appliquent à la commission ou à l’organisme que si aucun obstacle juridique ne l’empêche ou s’il n’en découle pas de chevauchement des responsabilités.

10. (1) Le ministère responsable s’assure que chaque proposition à l’égard de laquelle il exerce le pouvoir de décision est soumise à un examen préalable ou à une évaluation initiale, afin de déterminer la nature et l’étendue des effets néfastes qu’elle peut avoir sur l’environnement.

(2) Les décisions qui font suite à l’examen préalable ou à l’évaluation initiale visés au paragraphe (1) sont prises par le ministère responsable et ne peuvent être déléguées à nul autre organisme.

11. Aux fins de l’examen préalable et de l’évaluation initiale visés au paragraphe 10(1), le ministère responsable dresse, en collaboration avec le Bureau, les listes suivantes :

a) une liste des divers types de propositions qui n’auraient aucun effet néfaste sur l’environnement et qui, par conséquent, seraient automatiquement exclus du processus; et

b) une liste des divers types de propositions qui auraient des effets néfastes importants sur l’environnement et qui seraient automatiquement soumises au Ministre pour qu’un examen public soit mené par une commission.

12. Le ministère responsable examine ou évalue chaque proposition à l’égard de laquelle il exerce le pouvoir de décision, afin de déterminer :

a) si la proposition est d’un type compris dans la liste visée à l’alinéa 11a), auquel cas elle est réalisée telle que prévue;

b) la proposition est d’un type compris dans la liste visée à l’alinéa 11b), auquel cas elle est soumise au Ministre pour qu’un examen public soit mené par une commission;

c) si les effets néfastes que la proposition peut avoir sur l’environnement sont minimes ou peuvent être atténués par l’application de mesures techniques connues, auquel cas la proposition est réalisée telle que prévue ou à l’aide de ces mesures, selon le cas;

d) si les effets néfastes que la proposition peut avoir sur l’environnement sont inconnus, auquel cas la proposition est soumise à d’autres études suivies d’un autre examen ou évaluation initiale, ou est soumise au Ministre pour qu’un examen public soit mené par une commission;

e) si, selon les critères établis par le Bureau, de concert avec le ministère responsable, les effets néfastes que la proposition peut avoir sur l’environnement sont importants, auquel cas la proposition est soumise au Ministre pour qu’un examen public soit mené par une commission; ou

f) si les effets néfastes que la proposition peut avoir sur l’environnement sont inacceptables, auquel cas la proposition est soit annulée, soit modifiée et soumise à un nouvel examen ou évaluation initiale.

13. Nonobstant la détermination des effets d’une proposition, faite conformément à l’article 12, le ministère responsable soumet la proposition au Ministre en vue de la tenue d’un examen public par une commission, chaque fois que les préoccupations du public au sujet de la proposition rendent un tel examen souhaitable.

15. Le ministère responsable doit s’assurer

a) après qu’une détermination sur les effets d’une proposition a été faite conformément à l’article 12 ou après qu’une proposition a été soumise au Ministre conformément à l’article 13, et

b) avant la mise en application de mesures d’atténuation et d’indemnisation conformément à l’article 14,

que le public a accès à l’information concernant cette proposition conformément à la Loi sur l’accès à l’information.

QUESTIONS EN LITIGE

Les principales questions en litige peuvent être formulées comme suit :

(1) Les Lignes directrices PEEE adoptées en 1984 s’appliquent-elles au plan à long terme et à l’aménagement de Goat’s Eye? Dans l’affirmative, ont-elles été respectées?

(2) Dans quelle mesure le ministre a-t-il le pouvoir discrétionnaire de demander la création d’une commission d’évaluation environnementale?

(3) Quelles sont les réparations que la Cour peut accorder en l’espèce?

LA THÈSE DE LA REQUÉRANTE (SUNSHINE)

La requérante soutient que, étant donné que le projet d’aménagement de Goat’s Eye a été approuvé en 1978 et que les Lignes directrices PEEE ne sont entrées en vigueur qu’en 1984, celles-ci ne s’appliquent pas, car elles n’ont pas d’effet rétroactif. Elles ne peuvent donc être invoquées pour justifier le refus du second permis. La requérante a besoin de ce permis pour abattre les arbres des pentes supérieures de l’emplacement, étant donné que les pentes inférieures ont été déboisées à l’automne. Il aurait été utile de pouvoir débuter l’abattage pendant qu’il restait suffisamment de neige pour transporter les arbres abattus. Étant donné que cette période de l’année est maintenant passée, la seule façon de procéder qui ne crée aucun danger pour l’environnement consiste à assurer le transport par hélicoptère, ce qui pourrait doubler le coût du programme.

À l’appui de sa demande, Sunshine a déposé, notamment, un affidavit de Charles Zinkan, le directeur du parc national Banff et un des intimés en l’espèce. M. Zinkan mentionne que l’emplacement et le plan d’aménagement à long terme ont été approuvés après plusieurs évaluations environnementales. Selon lui, l’intérêt public exige que les proposants soient en mesure de se fonder pleinement sur ces approbations gouvernementales afin d’exécuter leurs projets et l’annulation de l’approbation atténuera l’intégrité du processus d’approbation et d’octroi de permis.

Selon la requérante, le gouvernement fédéral a constamment soutenu que l’approbation du projet de Goat’s Eye a eu lieu en 1978 et, depuis ce temps, les nombreuses mesures prises visaient à reconfirmer le projet. Parcs Canada a confirmé le caractère non rétroactif des Lignes directrices lorsqu’il a préparé un communiqué de presse pour expliquer sa position au sujet de la demande d’injonction de la SPPSNC dans le dossier T-2505-93. Voici le texte de ce communiqué :

[traduction] Le projet d’aménagement de Goat’s Eye a été approuvé en 1978 par Hugh Faulkner, alors ministre responsable des parcs nationaux. Même si la loi ne l’exigeait pas, étant donné que l’approbation avait eu lieu avant l’adoption des Lignes directrices visant le processus d’examen et d’évaluation en matière d’environnement, Parcs Canada a entrepris un examen préalable de la proposition. L’examen a indiqué que les effets sur l’environnement étaient acceptables et le document a été mis à la disposition du public.

La requérante ajoute que, selon la politique sous-jacente aux Lignes directrices, leur application vise à éviter les examens publics répétitifs. En outre, cet examen doit être utilisé comme instrument de travail au cours des premières étapes du développement d’une proposition plutôt que comme mécanisme réglementaire.

La requérante cite deux décisions de la Cour fédérale dans lesquelles la nature prospective des Lignes directrices PEEE a été commentée. Dans l’affaire Naskapi-Montagnais Innu Assn. c. Canada (Ministre de la Défense nationale), [1990] 3 C.F. 381 (1re inst.), Madame le juge Reed a dit ce qui suit à la page 390 :

Évidemment, les décisions de signer les échanges de notes avec le Royaume-Uni (1979), les États-Unis (1976) et la République fédérale d’Allemagne (1981 et 1983) échapperaient aussi à l’application du Décret pour une autre raison : elles ont été prises avant que le Décret entre en vigueur, en 1984.

De plus, dans l’affaire Bande d’Eastmain c. Canada (Administrateur fédéral), [1993] 1 C.F. 501 (C.A.), à la page 533, la Cour a statué que « [l]e Décret ne peut s’appliquer rétroactivement à des décisions validement prises » et a rejeté la contestation touchant une décision prise en 1975.

Étant donné qu’il n’existe aucune exception formulée en toutes lettres, la requérante soutient que, selon l’arrêt Ford c. Québec (Procureur général), [1988] 2 R.C.S. 712, aux pages 742 à 745, et l’ouvrage de Driedger intitulé Construction of Statutes, 2e éd. (1983), aux pages 185 et suivantes, le principe général est le suivant : les textes réglementaires ne devraient pas être appliqués de façon rétroactive.

Subsidiairement, la requérante fait valoir que, même si les Lignes directrices s’appliquent, elles ont été respectées. Bien que l’approbation de 1978 ait eu lieu avant l’adoption des Lignes directrices en question, Parcs Canada a procédé à une évaluation initiale conformément à celles-ci. En conséquence, même si la Cour en arrive à la conclusion que les Lignes directrices PEEE s’appliquaient à ce projet, elles ne peuvent être invoquées au soutien du refus du permis, parce que les exigences qui y sont énoncées ont été respectées.

Selon la requérante, ce que les Lignes directrices PEEE exigent, c’est que le ministère responsable procède à une évaluation initiale pour déterminer si le projet risque d’avoir des « effets néfastes sur l’environnement », au sens de l’article 11 du Règlement. M. Leeson a procédé à une évaluation préliminaire du plan à long terme révisé de mai 1992, qui comprenait le projet d’aménagement de Goat’s Eye. L’évaluation n’a révélé aucun effet néfaste important sur l’environnement et, compte tenu de la similitude entre ce plan et celui qui avait déjà été approuvé en 1978, aucune consultation publique ou évaluation environnementale de grande envergure ne serait nécessaire.

Sunshine a procédé à une évaluation environnementale conformément aux conditions fixées par Parcs Canada et cette évaluation a été portée à la connaissance du public au cours des assemblées tenues en décembre 1992. Une décision favorable a été rendue par suite de l’examen préalable du projet de Goat’s Eye aux termes des Lignes directrices. Selon cette décision, les effets du projet de Goat’s Eye sur l’environnement seraient « minimes ou pourraient être atténués par l’application de mesures techniques connues », au sens de l’article 12 des Lignes directrices PEEE, et le projet devrait être mis à exécution.

En raison des préoccupations publiques exprimées, la question de savoir si un autre examen public était souhaitable a été soumise au ministre responsable, conformément à l’article 13 des Lignes directrices PEEE. Le 31 août 1992, M. Charest, le ministre responsable, a approuvé la proposition et refusé d’ordonner un autre examen public :

[traduction] Étant donné que la proposition ne comporte aucun changement majeur par rapport au plan de 1978, je ne vois pas la nécessité d’une consultation publique complète.

La requérante allègue que, si le projet de Goat’s Eye n’est pas assujetti au PEEE, l’application de ces Lignes directrices pour reporter la délivrance du permis auquel elle a droit constitue une erreur de compétence. Toutefois, même si le PEEE s’appliquait, les exigences ont été respectées et le ministre n’a pas jugé nécessaire, aux termes de l’article 13, de demander d’autres évaluations. Le ministre actuel ne peut donc entreprendre, en se fondant sur l’article 13, l’examen d’un projet que l’ancien ministre a expressément approuvé sans autre examen. À tout événement, le projet n’est plus une proposition au sens de l’article 13, mais la « mise en œuvre » d’un projet déjà approuvé. De plus, en réponse à l’allégation de la SPPSNC selon laquelle les effets cumulatifs sur l’environnement doivent être examinés, la requérante soutient que les Lignes directrices n’exigent nullement cet examen.

Selon la requérante, dans le cas des éléments du plan de 1993 approuvé par le ministre Charest qui sont différents de ceux du plan de 1978, le processus normalisé d’approbation des aménagements à l’intérieur du parc national Banff devrait s’appliquer. Ce processus consiste en un plan en quatre étapes comportant des vérifications en matière d’environnement qui peuvent ou non mener à la délivrance de certains permis de construction.

La requérante soutient que, pour déterminer si une évaluation environnementale plus détaillée s’impose, il faut appliquer le paragraphe 2.4.2 des directives en matière de gestion de Parcs Canada (1981révisées en 1985). Selon ce paragraphe, les activités qui sont conformes à l’objet initial de l’aménagement échappent habituellement à l’examen préalable des effets sur l’environnement dans le cadre du PEEE. Cette exemption aurait dû être appliquée dans le cas des propositions d’agrandissement présentées par Sunshine après 1984.

Pour ces motifs, la requérante demande à la Cour de déclarer (1) que le PEEE ne s’applique pas aux approbations de 1978; (2) que la demande actuelle du ministre de constituer une commission suivant l’article 13 n’est pas valide; (3) que le processus qui s’applique au reste du projet à Sunshine est le processus normalisé d’approbation des aménagements à l’intérieur du parc national Banff; (4) que la requérante a droit au permis qu’elle demande pour poursuivre les travaux à Goat’s Eye; (5) que la décision du directeur en date du 20 janvier 1994 est nulle.

La requérante conteste également le statut de la SPPSNC aux fins de la requête qu’elle a présentée. Comme cette société n’a pas un droit privé dans l’affaire, la seule façon dont elle pouvait procéder était d’invoquer l’intérêt public. De l’avis de la requérante, les principes énoncés dans l’arrêt Finlay c. Canada (Ministre des Finances), [1986] 2 R.C.S. 607, n’ont pas été respectés et la SPPSNC ne devrait pas se voir accorder le statut qu’elle invoque. Sunshine estime que la question soulevée par la SPPSNC est académique, étant donné que l’action vise à annuler les ententes afin de procéder à d’autres évaluations environnementales, ce que Parcs Canada a décidé de faire à tout événement.

LA THÈSE DE L’INTIMÉE (SPPSNC)

La SPPSNC soutient qu’elle a le statut voulu aux fins de l’introduction de sa demande, étant donné que la principale question à trancher dans son action est celle de savoir si Parcs Canada, le directeur et le ministre de l’Environnement ont commis une erreur de compétence en concluant un accord de construction avec Sunshine, en délivrant un permis de coupe de bois en faveur de celle-ci et en approuvant le plan à long terme de 1992 sans avoir d’abord respecté les Lignes directrices PEEE. La SPPSNC demande à la Cour d’ordonner aux intimés représentant le gouvernement fédéral d’examiner pleinement l’ensemble des effets des propositions de Sunshine sur l’environnement. Il ne s’agit pas d’une question académique et elle n’est pas traitée non plus dans l’action de Sunshine, laquelle est peut-être prématurée, étant donné que Parcs Canada n’a pas encore déterminé s’il y a lieu ou non de délivrer les permis nécessaires à l’exécution du projet.

La SPPSNC soutient que les activités de coupe de bois liées au projet de Goat’s Eye perturberont si gravement les écosystèmes de forêts subalpines qu’il leur faudra plus de 300 ans pour recouvrer leur état écologique antérieur, à supposer qu’ils ne le recouvrent jamais. En conséquence, le projet devrait être assujetti aux Lignes directrices PEEE et aux évaluations environnementales. Ces Lignes directrices s’appliquent, car le plan de 1978 n’a été approuvé « qu’en principe ». Depuis ce temps, il a fait l’objet de nombreuses modifications et, étant donné que la proposition concerne des terres fédérales, Parcs Canada devait se conformer aux exigences des Lignes directrices PEEE avant de conclure un accord de construction, de délivrer des permis de coupe de bois ou d’approuver la proposition par quelque autre moyen.

Le projet de Goat’s Eye fait partie intégrante du plan d’aménagement à long terme de Sunshine et, de l’avis de la SPPSNC, il s’agissait effectivement de propositions et non d’une mise en œuvre. Selon la Société, Parcs Canada a procédé à deux examens préalables distincts à l’égard des deux propositions. Les deux propositions sont étroitement liées entre elles et toutes deux ont été portées à la connaissance de Parcs Canada en même temps et ne peuvent donc être séparées aux fins de l’évaluation environnementale. En demandant une évaluation environnementale à l’égard d’une partie du projet de Goat’s Eye, Parcs Canada a omis d’examiner la totalité des effets de la proposition de Sunshine sur l’environnement et a donc omis d’assurer l’examen des « répercussions environnementales de toutes les propositions », comme l’exige l’article 3 des Lignes directrices PEEE.

Selon la SPPSNC, la construction d’une phase initiale après une évaluation partielle peut faciliter l’approbation des phases subséquentes, même s’il est possible que l’ensemble de la proposition ait été désapprouvé dans le cadre d’un examen global des effets de toutes les phases sur l’environnement. Parcs Canada explique clairement cette question dans son examen préalable du projet d’aménagement à long terme de 1992 :

[traduction] Cependant, il arrive fréquemment que l’effet global d’un certain nombre de projets individuels soit différent, sur les plans quantitatif et qualitatif, des effets de chaque élément examiné séparément.

C’est le cas de la proposition d’aménagement de 1992 de Sunshine Village Corporation.

Selon un examen de chaque emplacement ou de chaque projet, la plupart des éléments du plan de 1992 n’ont pas d’effets importants. Toutefois, ils ont ensemble des effets néfastes assez importants sur l’environnement. Bien souvent, la mise en valeur d’un élément du projet crée un momentum qui mène à l’exécution d’un autre projet ailleurs. Un exemple réside dans la construction de remonte-pentes et dans l’aménagement d’un terrain à Goat’s Eye, qui ont engendré la nécessité d’aménager de nouveaux terrains de stationnement.

Parcs Canada a expliqué de façon succincte la nécessité d’examiner les effets cumulatifs :

[traduction] L’importance croissante d’inclure les effets sur l’environnement des activités antérieures ou d’autres activités poursuivies à l’intérieur de la région a été reconnue, compte tenu de la portée des effets cumulatifs …

Pour atteindre les objectifs de l’examen préalable en matière d’environnement, il faut évaluer la gravité possible des effets pouvant découler de l’aménagement proposé sur l’environnement. La gravité de ces effets ne saurait être examinée de façon isolée, sans tenir compte du niveau existant d’effets reconnus dans l’écosystème.

À la page 135 du rapport d’examen préalable de juin 1993 concernant la proposition à long terme de Sunshine, Parcs Canada a évalué la situation en ces termes :

[traduction] L’aménagement à Sunshine est un exemple de mise en valeur à effets progressifs. Les approbations accordées en 1965 et 1977 comportaient des engagements visant à restreindre la croissance, les parties ayant reconnu que le niveau acceptable d’effets sur l’environnement avait été atteint. Les décisions subséquentes étaient fondées sur l’examen des nouveaux effets susceptibles de découler de nouveaux travaux d’aménagement et ne portaient nullement sur les effets néfastes déjà ressentis dans la région. Même si chaque nouvelle proposition, examinée séparément, semblait acceptable sur le plan de l’environnement, l’ensemble des aménagements ont eu des effets néfastes importants sur l’environnement.

La SPPSNC soutient que, si Parcs Canada avait examiné les effets cumulatifs lorsqu’elle a évalué les conséquences possibles de la proposition relative à Goat’s Eye sur le plan de l’environnement, il aurait probablement jugé, sur la foi des données dont il était saisi, que les effets étaient « importants » ou « inacceptables » (auquel cas il aurait fallu renvoyer la proposition à une commission d’examen ou rejeter la proposition aux termes de l’article 12 des Lignes directrices PEEE).

Toujours d’après la SPPSNC, Parcs Canada ne s’est pas demandé si les risques que comportait la proposition pour l’environnement étaient « minimes » ou s’ils pouvaient être « atténués par l’application de mesures techniques connues ». Selon l’article 12, la réponse à cette question peut donner lieu à deux conséquences différentes : s’il est jugé que les effets néfastes possibles peuvent être atténués par l’application de mesures techniques connues, il faudra appliquer l’article 14 des Lignes directrices PEEE, qui prévoit que le ministère responsable doit voir à la mise en application de mesures d’atténuation nécessaires. Par contre, s’il est jugé que les effets possibles sont minimes, le ministère ne sera pas tenu de suivre cette démarche.

De l’avis de la SPPSNC, non seulement Parcs Canada et le directeur ont-ils commis une erreur, mais le ministre de l’Environnement a lui aussi commis une erreur en approuvant la proposition d’aménagement à long terme de 1992 de Sunshine. En donnant son approbation avant que la proposition n’ait fait l’objet d’une évaluation environnementale, le ministre a violé les exigences de l’article 3 des Lignes directrices PEEE et a donc également commis une erreur de compétence.

LA THÈSE DES INTIMÉS REPRÉSENTANT LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL

Les intimés soutiennent que les Lignes directrices PEEE s’appliquent à la proposition d’aménagement à long terme de Sunshine ainsi qu’à la proposition détaillée de celle-ci concernant Goat’s Eye. Fondamentalement, l’approbation de 1978 était une approbation de principe, dans le cadre de laquelle l’honorable Hugh Faulkner a dit ce qui suit : [traduction] « Je ne saurais trop insister sur le fait que l’approbation de principe à l’égard des propositions d’aménagement nécessite de votre part un engagement ferme quant à l’adoption de mesures de réhabilitation et de protection de l’environnement ».

Les plans et devis détaillés relatifs au projet de Goat’s Eye ont été présentés au cours des années 1980. Les Lignes directrices PEEE sont entrées en vigueur en 1984, tandis que le plan officiel concernant le projet de Goat’s Eye a été présenté en 1992. Depuis ce temps, des audiences publiques ont été tenues et des propositions modifiées ont été soumises. Sa Majesté soutient que, de ce point de vue, il est indubitable que les Lignes directrices PEEE s’appliquent. Dans l’approbation qu’il a donnée en 1992, le ministre a mentionné qu’elle était assujettie à une évaluation environnementale compatible avec le processus de planification normal.

Après l’expiration du permis relatif aux travaux de l’automne, Parcs Canada a publié, conformément à l’article 15 des Lignes directrices PEEE, un avis concernant le permis restreint relatif à l’abattage des arbres dans la partie supérieure des pentes. Les réponses publiques ont été compilées et Sunshine a été avisée que Parcs Canada aurait besoin de temps pour examiner les commentaires reçus. Sa Majesté soutient que le directeur n’a pas refusé de délivrer le permis, mais a simplement reporté la délivrance jusqu’au résultat de l’examen réalisé par la Commission d’évaluation environnementale. Le directeur a agi ainsi conformément au pouvoir discrétionnaire que lui accorde l’article 12 du Règlement général sur les parcs nationaux [DORS/78-213] en matière de délivrance de permis.

Le 25 janvier 1994, le ministre responsable des parcs nationaux, exerçant les pouvoirs que lui accorde l’article 13 des Lignes directrices PEEE, a conclu que les préoccupations du public au sujet de l’agrandissement commercial à Sunshine Village, dans le parc national Banff, rendaient un examen public souhaitable. Selon le résultat de cet examen, les propositions concernant Sunshine Village seront soumises à une Commission d’évaluation environnementale. Cette Commission tiendra des audiences publiques et examinera de façon précise les effets cumulatifs des propositions. Les intimés soutiennent qu’ils ne devraient pas être contraints d’accorder le permis avant l’examen public. Ils ajoutent que les liens contractuels entre Sunshine et Parcs Canada n’atténuent en rien le pouvoir discrétionnaire du directeur de Banff de suspendre la délivrance de permis de coupe supplémentaires pendant l’examen par la Commission.

Sa Majesté allègue que les Lignes directrices définissent un processus d’évaluation en matière d’environnement qui comporte un examen en deux étapes. La première étape consiste à procéder à un examen préalable ou à une évaluation initiale afin de déterminer si une proposition donnée peut avoir des effets néfastes sur l’environnement. La deuxième étape est un examen public réalisé par une Commission d’évaluation environnementale indépendante. Le ministre peut soumettre la proposition à une commission, même s’il a été jugé que les effets de celle-ci sur l’environnement sont minimes. Les intimés citent l’arrêt Fédération canadienne de la faune Inc. c. Canada (Ministre de l’Environnement), [1991] 1 C.F. 641 (C.A.), à la page 656, où le juge en chef Iacobucci, s’exprimant au nom de la Cour d’appel fédérale, a statué que la deuxième étape peut être déclenchée en tout temps, lorsque le ministre juge que les préoccupations du public rendent cet examen souhaitable :

Le second palier consiste en un examen public effectué par une commission indépendante, lequel examen public est déclenché (i) par le ministre chaque fois que les préoccupations du public rendent un tel examen souhaitable [article 13 des Lignes directrices], (ii) si la proposition est d’un type compris dans une liste en vertu de laquelle elle est automatiquement soumise au ministre en vue de l’examen public par une commission [effet conjugué des alinéas 11b) et 12b) des Lignes directrices] et (iii) si l’évaluation initiale révèle des facteurs qui justifient l’examen public par une commission [articles 12 et 20].

Les intimés ne sont pas d’accord avec Sunshine lorsque celle-ci soutient que les Lignes directrices ont été respectées en raison de la décision relative à l’examen préalable. Une décision fondée sur l’alinéa 12c) des Lignes directrices PEEE ne signifie pas qu’un projet peut procéder sans que le public n’ait accès à l’information s’y rapportant aux termes de l’article 15 des Lignes directrices ou sans qu’une commission ne tienne un examen public en application de l’article 13, lorsque le ministre juge que les préoccupations du public rendent cet examen souhaitable. Effectivement, l’article 13 prévoit expressément que le ministre peut évaluer les préoccupations du public « nonobstant la détermination des effets d’une proposition faite conformément à l’article 12 ».

En ce qui a trait à la requérante SPPSNC, les intimés représentant le gouvernement fédéral estiment que l’octroi de la réparation demandée par le groupe ne servirait aucune fin utile. Le renvoi par le ministre du projet à une Commission d’évaluation environnementale qui tiendra des audiences publiques et examinera les effets cumulatifs des propositions répond aux questions soulevées par la SPPSNC. L’octroi de la réparation que celle-ci demande ne servirait aucune autre fin utile, parce que son recours est devenu théorique.

CONCLUSIONS

Comme question préliminaire, je déterminerai d’abord si la SPPSNC a le statut nécessaire pour introduire sa propre action. Sunshine et les intimés représentant le gouvernement fédéral estiment que le recours de la SPPSNC est théorique. Le critère qu’il convient d’appliquer a été élaboré par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, à la page 353 :

Le principe général s’applique quand la décision du tribunal n’aura pas pour effet de résoudre un litige qui a, ou peut avoir, des conséquences sur les droits des parties. Si la décision du tribunal ne doit avoir aucun effet pratique sur ces droits, le tribunal refuse de juger l’affaire. Cet élément essentiel doit être présent non seulement quand l’action ou les procédures sont engagées, mais aussi au moment où le tribunal doit rendre une décision. En conséquence, si, après l’introduction de l’action ou des procédures, surviennent des événements qui modifient les rapports des parties entre elles de sorte qu’il ne reste plus de litige actuel qui puisse modifier les droits des parties, la cause est considérée comme théorique.

Je dois reconnaître que la procédure de la SPPSNC est théorique. La Société cherchait à obtenir des évaluations environnementales du projet de Sunshine conformément aux Lignes directrices PEEE. Cet objectif était peut-être valable lorsque l’action a été intentée; cependant, depuis que Parcs Canada a décidé de confier à une commission d’évaluation la tâche d’examiner les effets du projet sur l’environnement, l’action n’est plus nécessaire. La demande de la SPPSNC en vue d’invalider l’accord de construction, le permis de coupe de bois et l’approbation du plan à long terme peut être examinée en même temps que la question de savoir si les Lignes directrices s’appliquaient ou non à ces situations et si elles ont été respectées ou non. En tout état de cause, il faut se rappeler que le statut de la SPPSNC a été reconnu dans la demande de Sunshine.

J’ajouterais également, comme question préliminaire, que, selon la Règle 1602(4) des Règles de la Cour fédérale [C.R.C., ch. 663 (édictée par DORS/92-43, art. 19)], une seule décision peut faire l’objet d’une demande de contrôle judiciaire, en l’espèce, le refus du directeur de délivrer le deuxième permis ou le retard à le faire. Néanmoins, les questions complexes débattues par les parties concernent l’application des Lignes directrices PEEE, ce qui comprend évidemment la décision que le ministre a prise aux termes de l’article 13, laquelle question mérite à mon avis d’être commentée.

J’en arrive maintenant à l’une des principales questions en litige, soit l’applicabilité des Lignes directrices de 1984 au projet de Goat’s Eye et au plan à long terme.

Selon le principe général applicable, sauf mention contraire explicite, aucun texte législatif n’a d’effet rétroactif. Les décisions rendues dans les affaires Naskapi-Montagnais et Eastmain (précitées) indiquent que les Lignes directrices PEEE ne s’appliquent pas de façon rétroactive au projet initial de 1978. Cependant, depuis l’adoption des Lignes directrices en 1984, le plan initial a fait l’objet de nombreuses modifications; il est donc possible que les Lignes directrices PEEE s’appliquent à ces modifications.

Bien que Sunshine ait présenté une proposition initiale en 1978, l’approbation s’y rapportant était une approbation de principe qui, au fil des années, s’est transformée pour viser certains éléments précis du plan. À mon avis, il ne serait pas logique que le ministre approuve des modifications apportées à un plan en 1992, mais qu’il doive examiner les normes environnementales de 1978 avant de les approuver. Il était clair, tout au long de l’élaboration du plan, que les normes relatives à l’environnement devaient être respectées. Sunshine a même consenti au processus d’examen préalable conformément aux Lignes directrices PEEE.

La prochaine étape consiste donc à examiner la façon dont ces Lignes directrices ont été appliquées. En février 1993, le projet de Goat’s Eye a franchi avec succès l’étape de l’examen préalable aux termes de l’article 12 des Lignes directrices PEEE. En septembre de la même année, les parties ont conclu un accord de construction. Le 7 octobre 1993, le directeur a délivré un permis restreint pour permettre le déboisement des pentes de ski conformément à l’accord. Il est donc permis de présumer que toutes les évaluations environnementales concernant le projet de Goat’s Eye seulement avaient été faites avant la délivrance de ce premier permis. Le directeur devait nécessairement être d’avis que les plans et les travaux à exécuter étaient appropriés. Je cite à nouveau les pouvoirs conférés au directeur par l’accord de construction :

[traduction] 1. Des plans complets, devis et descriptions relatifs à chaque composante de ce projet doivent être soumis au directeur et approuvés par celui-ci avant le début des travaux de construction.

Si, de l’avis raisonnable du directeur, les plans, devis et descriptions soumis sont insatisfaisants, d’une façon ou d’une autre, ou risquent d’avoir sur l’environnement des effets néfastes inacceptables ou inutiles ou encore si, de l’avis du directeur, les plans ne sont pas conformes aux intérêts de Parcs Canada, celui-ci pourra refuser de les approuver.

2. Aucune activité susceptible de perturber l’emplacement ou activité de construction d’un élément du projet ne peut être entreprise sur le chantier avant la délivrance d’un permis de construction par le directeur.

Le directeur est également investi du pouvoir discrétionnaire général prévu à l’article 12 du Règlement général sur les parcs nationaux en matière de délivrance de permis. Cependant, il faut présumer que, lors de la conclusion de l’accord de construction, toutes les préoccupations liées à l’environnement avaient été examinées. C’est ce qui semblait avoir été envisagé lors de la réunion que le comité de planification de Goat’s Eye a tenue en juillet 1991; dès la fin des évaluations environnementales, l’accord de construction devait être signé.

Les problèmes de Sunshine ont débuté lorsque Parcs Canada, invoquant l’article 15 des Lignes directrices, a demandé des commentaires au public au sujet du projet de Goat’s Eye. Voici le texte de l’article 15 :

15. Le ministère responsable doit s’assurer

a) après qu’une détermination sur les effets d’une proposition a été faite conformément à l’article 12 ou après qu’une proposition a été soumise au Ministre conformément à l’article 13, et

b) avant la mise en application de mesures d’atténuation et d’indemnisation conformément à l’article 14,

que le public a accès à l’information concernant cette proposition conformément à la Loi sur l’accès à l’information.

Contrairement à ce qu’a fait Parcs Canada, l’article 15 n’impose pas un délai de trente jours ni n’exige de Parcs Canada qu’il publie des avis en vue d’obtenir des réponses. Les séances d’information publiques concernant le plan à long terme ont eu lieu en décembre 1992, après l’approbation par le ministre Charest du plan dont le projet Goat’s Eye faisait partie. En février 1993, le processus d’examen préalable concernant spécifiquement le projet Goat’s Eye a été approuvé. Selon cette approbation, « aucune consultation publique officielle » n’était nécessaire.

L’accès du public à l’information aux termes de l’article 15 semble s’appliquer aux propositions. Si le projet de Goat’s Eye, qui avait franchi avec succès la première étape aux termes de l’article 12 des Lignes directrices PEEE, était considéré comme une proposition, pourquoi l’avis public exigé par l’article 15 n’a-t-il pas été donné avant la conclusion de l’accord de construction en septembre 1993 ou avant l’octroi du permis de coupe en octobre de la même année?

Si l’on suppose que les Lignes directrices PEEE s’appliquaient toujours, l’exigence prévue à l’article 15 aurait dû être respectée dès que le projet de Goat’s Eye a été approuvé en février 1993 conformément à l’article 12. Cependant, la démarche prévue à l’article 15 n’a été entreprise que près d’un an plus tard, alors que le programme de Goat’s Eye était déjà en cours. Il est bien certain que, dans l’intervalle, Parcs Canada conservait, conformément à l’accord de construction et à son règlement, le pouvoir discrétionnaire d’accorder les permis nécessaires; toutefois, dans les circonstances, ce pouvoir discrétionnaire devait être exercé de façon raisonnable et équitable sur le plan de la procédure.

J’admets que les ententes n’annulent pas les pouvoirs ou la compétence que Parcs Canada possède en vertu de sa loi habilitante ou du règlement d’application de celle-ci; cependant, une fois l’accord de construction conclu et une fois le permis de coupe de bois délivré, le projet de Goat’s Eye n’en était plus à l’étape de « proposition », mais plutôt à l’étape de « mise en œuvre » pendant la période d’attente précédant la délivrance du deuxième permis. L’article 15 concerne les « propositions » et, à mon avis, le projet de Goat’s Eye n’était pas une proposition à ce moment-là. Une « proposition » est définie comme suit dans les Lignes directrices :

2. …

« proposition » S’entend en outre de toute entreprise ou activité à l’égard de laquelle le gouvernement du Canada participe à la prise de décisions.

À mon avis, en concluant un accord de construction et en délivrant un permis de coupe de bois à l’égard des pentes de ski inférieures, le gouvernement avait déjà pris une décision et n’était plus devant une proposition. L’accord était en cours d’exécution. J’ignore ce qui a déclenché la publication d’un avis aux termes de l’article 15 à ce moment-là, mais je sais pertinemment que le public a été constamment informé depuis la naissance du projet en 1978.

En se fondant sur les réponses du public pour refuser de délivrer le deuxième permis à l’égard du projet de Goat’s Eye, le directeur a commis une erreur de compétence, car il n’était plus devant une « proposition ». J’en viendrais donc à la conclusion qu’en se fondant sur cette réponse, le directeur a commis, dans les circonstances, une erreur susceptible de révision par les tribunaux. J’ajouterais toutefois que l’attente d’une réponse du public à l’égard des autres éléments du projet du plan à long terme pourrait encore être acceptable, puisque ce plan en est encore au stade de « proposition », n’ayant pas encore franchi l’étape de l’examen préalable ou de l’évaluation initiale.

Malgré le large pouvoir discrétionnaire que Parcs Canada possède en matière d’octroi ou de refus de permis de coupe de bois, les tribunaux ont statué que cette décision peut être révisée lorsque les principes de justice naturelle ont été violés. Toute autorité publique qui prend des décisions de nature administrative est tenue de se conformer à ces principes : voir l’affaire Cardinal et autre c. Directeur de l’établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643. Selon l’arrêt Renvoi relatif au Régime d’assistance publique du Canada (C.-B.), [1991] 2 R.C.S. 525, à la page 557, l’attente légitime d’un certain résultat fait partie de l’équité sur le plan de la procédure. Ce motif s’applique lorsque le requérant pouvait raisonnablement s’attendre à ce qu’une pratique régulière soit suivie : voir l’arrêt Organisation nationale anti-pauvreté c. Canada (Procureur général), [1989] 3 C.F. 684 (C.A.), à la page 708. Étant donné qu’un accord de construction avait été signé et qu’un premier permis de coupe de bois avait été délivré, la requérante était raisonnablement en droit de s’attendre à ce que le deuxième permis soit aussi délivré. En outre, le directeur et des représentants de Sunshine se sont rencontrés pour discuter des prochaines étapes du programme de construction en attendant la délivrance du deuxième permis.

Toutefois, avant d’aborder la question des réparations possibles, j’aimerais formuler quelques commentaires au sujet du double fardeau qui semble être imposé à Sunshine Village.

D’abord, l’article 5 des Lignes directrices PEEE prévoit ce qui suit :

5. (1) Si, indépendamment du processus, le ministère responsable soumet une proposition à un règlement sur l’environnement, il doit veiller à ce que les examens publics ne fassent pas double emploi.

(2) Pour éviter la situation de double emploi visée au paragraphe (1), le ministère responsable doit se servir du processus d’examen public comme instrument de travail au cours des premières étapes du développement d’une proposition plutôt que comme mécanisme réglementaire, et rendre les résultats de l’examen public disponibles aux fins des délibérations de nature réglementaire portant sur la proposition. [C’est moi qui souligne.]

Il me semble qu’il s’agit là d’une ligne directrice que les intimés représentant le gouvernement fédéral n’ont peut-être pas suivie. La proposition de Sunshine était sur le bureau du ministre depuis 1978 lorsqu’elle a été approuvée en principe. Depuis ce temps, et jusqu’au refus d’accorder un deuxième permis en janvier 1994, les propositions et les modifications s’y rapportant ont fait l’objet de plusieurs mesures avant leur mise à exécution : ententes de mise en œuvre, évaluations environnementales sous le régime des Lignes directrices PEEE, consultations publiques et, finalement, accord de construction comportant des conditions strictes à l’endroit de Sunshine, notamment la surveillance quotidienne de toutes les activités.

Conformément à l’accord de construction, le programme de Sunshine est devenu opérationnel lors de la délivrance d’un permis d’abattage des arbres se trouvant sur les pentes inférieures de la montagne du 7 octobre au 15 novembre 1993.

J’ai déjà mentionné ce qui était survenu lorsque la SPPSNC a contesté la validité de l’accord de construction au motif que les évaluations environnementales exigées par les Lignes directrices PEEE n’avaient pas été faites. Invoquant l’article 15 des Lignes directrices, Parcs Canada a entrepris un processus de consultation publique. Le résultat est bien connu : le programme de construction a été interrompu, Parcs Canada a reporté la délivrance de permis supplémentaires afin d’étudier les réponses du public et, comme par hasard, le ministre a ordonné un examen public par une commission conformément à l’article 13.

En ce qui a trait à l’article 5 des Lignes directrices, on peut se demander dans quelle mesure il y a eu répétition du processus d’examen. Selon la Loi sur les parcs nationaux, L.R.C. (1985), ch. N-14, les parcs nationaux sont placés sous l’autorité de Parcs Canada. L’article 4 prévoit que les parcs nationaux sont créés à l’intention du peuple canadien afin que celui-ci puisse les utiliser pour son plaisir et l’enrichissement de ses connaissances. Selon le paragraphe 5(1.2) [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 39, art. 3], « il importe en premier lieu de préserver l’intégrité écologique et, à cette fin, de protéger les ressources naturelles », en ce qui concerne le zonage du parc et l’utilisation par les visiteurs. Selon le paragraphe 5(1.4) [mod., idem], la participation du public, à l’échelle nationale, régionale et locale, à l’élaboration de la politique et des plans de gestion des parcs doit être favorisée. Enfin, l’article 7 [mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 28, art. 359, ann., item 7; (4e suppl.), ch. 39, art. 5; L.C. 1991, ch. 24, art. 51, ann. III, item 9; 1992, ch. 47, art. 84, ann., item 8] permet au gouverneur en conseil de prendre des règlements concernant la préservation, la surveillance et l’administration des parcs, notamment la protection de la flore, de la faune, du poisson, du sol, des eaux, des fossiles, de la topographie, de la qualité de l’air et des ressources culturelles, historiques et archéologiques; tous ces pouvoirs sont décrits dans quelque trois douzaines d’alinéas et sont tellement étendus qu’ils ont permis l’adoption de quelque 160 décrets différents. La liste et les sous-listes de ces règlements à elles seules remplissent une douzaine de pages.

Ce qui me semble très étrange dans toute cette histoire, c’est le nombre de paliers qu’une partie requérante doit franchir avant que le pouvoir discrétionnaire résiduel dont le ministre est investi en vertu de l’article 13 des Lignes directrices PEEE ne soit épuisé. Les Lignes directrices s’appliquent à des propositions. Ces propositions ne peuvent rester dans le vide et être assujetties indéfiniment au pouvoir discrétionnaire du ministre. Tôt ou tard, une proposition, comme c’est le cas en l’espèce, est présentée au ministère responsable du gouvernement, en l’occurrence, Parcs Canada. La proposition générale a initialement été acceptée en principe en 1978. Quelques-unes des propositions ont été mises en œuvre pendant les années 1980 et, malgré l’inexistence, à l’époque, des exigences plus formelles ou générales des Lignes directrices PEEE, il me semble évident que cette mise en œuvre respectait pleinement les exigences très strictes que Parcs Canada avait imposées en matière de contrôle, comme il devait le faire en vertu de sa loi habilitante. Une fois que les permis nécessaires ont été délivrés par Parcs Canada, je ne puis comprendre comment la proposition de la requérante peut encore être une proposition en ce qui a trait au projet de Goat’s Eye Mountain, ce qui autoriserait le ministre à ordonner l’arrêt de tous les travaux et à demander l’examen de l’ensemble du projet, y compris celui de Goat’s Eye Mountain, par une commission.

Lorsqu’il a évalué les effets de l’aménagement de cette montagne sur l’environnement, Parcs Canada s’est conformé aux Lignes directrices PEEE et a constaté par la suite que l’aménagement respectait l’alinéa 12c) des Lignes directrices et que les effets néfastes que la proposition pouvait avoir sur l’environnement étaient minimes ou pouvaient être atténués par l’application de mesures techniques connues. Personne ne pouvait douter de la crédibilité de cette conclusion. S’il existe une institution connaissante en la matière, c’est bien Parcs Canada qui, pendant des décennies, avait non seulement les connaissances et la compétence nécessaires pour assurer la protection écologique et environnementale des parcs nationaux, notamment le parc national Banff, mais devait le faire selon la loi.

Sunshine Village doit, semble-t-il, faire les frais de la sensibilisation accrue qu’exige l’intérêt public à l’égard des préoccupations environnementales en se pliant à un système d’approbation et de contrôle pluraliste dont le ministère responsable peut, comme la preuve l’indique, utiliser l’un ou l’autre des organes pour faire ce qu’il est légalement autorisé à faire. Il est vrai, bien entendu, que les Lignes directrices créent un système de mesures de contrôle environnemental à l’égard des propositions, tandis que le processus de réglementation de Parcs Canada touche à la fois les propositions et la mise en œuvre. Une fois qu’un élément d’une proposition globale a été approuvé et qu’il a franchi tous les paliers nécessaires, il me semble que les pouvoirs des deux autorités de réglementation, qu’il s’agisse des pouvoirs découlant des Lignes directrices PEEE ou des pouvoirs de Parcs Canada, ont été épuisés, le contrôle résiduel de la mise en œuvre étant laissé, comme c’est le cas en l’espèce, à Parcs Canada, conformément aux fonctions de réglementation très strictes dont il est investi.

Bien entendu, je me fonde également sur l’article 8 des Lignes directrices qui énonce que celles-ci ne s’appliquent à un organisme de réglementation que si aucun obstacle juridique ne l’empêche ou s’il n’en découle pas de chevauchement des responsabilités. D’après une comparaison entre les exigences découlant des Lignes directrices et celles qui sont imposées en application de la Loi sur les parcs nationaux, les mesures de contrôle que Parcs Canada peut prendre sur le plan de l’environnement et de l’écologie constituent non seulement une répétition des démarches prévues dans les Lignes directrices, mais vont également beaucoup plus loin. En outre, alors que les Lignes directrices renvoient aux propositions seulement, les règlements de Parcs Canada touchent chaque proposition et chacun des éléments de leur mise en œuvre.

À mon avis, les articles 5 et 8 des Lignes directrices n’ont pas été rédigés inutilement. Ils visent à éviter les remaniements multiples des propositions, notamment lorsqu’un ministère responsable comme Parcs Canada possède plus que le pouvoir nécessaire pour examiner et réglementer chaque aspect des préoccupations écologiques et environnementales.

Il est vrai que le paragraphe 5(2) prévoit un examen public sous le régime des Lignes directrices, mais cet examen doit être utilisé uniquement comme instrument de travail au cours des premières étapes du développement d’une proposition. Si cette disposition peut donner lieu à des problèmes d’interprétation, on ne peut en dire autant de l’article 8, dont le libellé est clair. Il énonce en toutes lettres que les Lignes directrices ne s’appliquent pas à un organisme de réglementation s’il en découle un chevauchement des responsabilités. À mon sens, c’est le cas du projet de Goat’s Eye Mountain.

Il ne m’apparaît pas nécessaire de commenter plus longuement cet aspect de la cause. Il est admis qu’une évaluation des effets de la proposition de Goat’s Eye sur l’environnement a été faite sous le régime des Lignes directrices. Ce qui est fait est fait. Toutefois, étant donné que la proposition a franchi avec succès l’évaluation, qu’un accord de construction a été signé en bonne et due forme et que des travaux ont déjà été exécutés, je ne vois pas pourquoi un autre obstacle fondé sur les Lignes directrices pourrait être soulevé à ce moment-ci.

À mon avis, soutenir le contraire équivaudrait à dire que, quel que soit le côté où les vents de la politique soufflent, toute proposition risque, à un moment ou l’autre du programme de développement, de tomber sous le couperet des autorités de réglementation : si une proposition est approuvée aux termes des Lignes directrices PEEE et que l’organisme de réglementation, Parcs Canada, se conforme à cette approbation et délivre les autorisations nécessaires à la mise en œuvre conformément à ses propres règlements, l’évolution du projet pourrait encore être freinée suivant l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre en vertu de l’article 13. Les règlements de Parcs Canada renferment peut-être d’autres dispositions permettant d’ordonner un examen public ou de retarder la mise en œuvre; cependant, à mon humble avis, l’article 13 ne fait pas partie de ces dispositions.

À mon sens, les préoccupations du public au sujet des questions liées à l’environnement ne devraient pas pouvoir servir de simple prétexte fantaisiste à toute personne qui prétend agir sous l’autorité des Lignes directrices PEEE ou de la Loi sur les parcs nationaux et de ses nombreux règlements. Si tel était le cas, cela signifierait que, malgré les nombreuses démarches auxquelles une partie requérante doit se soumettre, une proposition demeurera toujours une proposition. Cet argument vaut spécialement pour un projet qui concerne, non pas l’exploitation d’un site naturel ou l’utilisation commerciale d’un territoire vierge d’un parc, mais plutôt la mise en valeur d’une région qui a été spécialement « désignée », aux termes de l’annexe de la Loi sur les parcs nationaux, comme zone de ski récréatif.

Il convient de rappeler que les investissements et la viabilité des activités de Sunshine Village Corporation sont toujours en jeu. Il est vrai que le risque est accru du fait que l’entreprise doit agir dans une région fortement contrôlée et que la question de l’intérêt public devra constamment être examinée. Toutefois, j’estime que les démarches coûteuses qui sont imposées au promoteur pour assurer le respect de l’intérêt public ont été suivies pendant de nombreuses années et il est évident que le public est au courant depuis longtemps des plans de développement concernant le Goat’s Eye Mountain. Comme je l’ai déjà mentionné, le propre témoin de Parcs Canada était tout à fait d’accord sur ce point. Bien qu’un tribunal ne puisse évidemment mettre en doute le pouvoir discrétionnaire d’un ministre à des fins liées à l’intérêt public, ce pouvoir discrétionnaire doit néanmoins être exercé conformément à la loi.

Sur ce point, j’aimerais citer l’arrêt Curragh Resources Inc. c. Canada (Ministre de la Justice), [1993] 3 C.F. 729, où la Cour d’appel fédérale a statué que, malgré le processus de réglementation touchant l’Office des eaux du territoire du Yukon, le ministre concerné était autorisé à ajouter d’autres conditions à cette proposition conformément au pouvoir de contrôle supplémentaire qui est prévu dans les Lignes directrices PEEE. Cependant, l’ensemble du projet de Curragh Resources en était encore au stade de proposition à ce moment. À mon avis, lorsqu’une proposition a été acceptée, le processus purement réglementaire s’applique, comme dans le cas de Parcs Canada, et c’est là la limite de la compétence ou du pouvoir pouvant être invoqué aux termes des Lignes directrices PEEE.

Toute proposition contraire aurait pour effet d’approuver l’exercice d’un pouvoir ministériel discrétionnaire qui n’est pas fondé en droit.

En décembre 1993, après avoir conclu un accord de construction avec Sunshine Village et facilité la mise en œuvre de la proposition de Goat’s Eye en délivrant les permis nécessaires, Parcs Canada a décidé, pour la troisième fois, d’entreprendre d’autres consultations publiques. La preuve n’indique pas la raison pour laquelle Parcs Canada a décidé d’agir ainsi. Elle n’indique pas non plus ce qui a incité le ministre à ordonner un examen public par une commission. Tout ce que je peux dire, c’est que, à cette date, le projet de Goat’s Eye n’était plus une « proposition » depuis longtemps et était assujetti uniquement au pouvoir de réglementation de Parcs Canada. À ce stade, tout pouvoir découlant de l’article 13 avait été épuisé.

Par ailleurs, la SPPSNC soutient que les préoccupations environnementales liées à l’ensemble de la proposition que le ministre avait initialement approuvée en 1978 et qu’un autre ministre a approuvée en 1992 ne peuvent être étudiées de façon isolée. Selon la Société, une évaluation environnementale d’une partie séparée du projet ne peut donner une réponse complète, car les effets cumulatifs des éléments A, B, etc. peuvent créer des répercussions globales qui étaient autrement imprévisibles ou qui ne pouvaient être prévues de façon individuelle. Cet argument est peut-être bien fondé; toutefois, la détermination des effets cumulatifs de l’élément B sur l’élément A et ainsi de suite doit avoir lieu lorsque chaque programme est sur le point d’atteindre l’étape de développement proprement dite. Le risque appartient au promoteur à cet égard. À mon avis, le pouvoir que possède le ministère responsable assurerait l’examen et le respect des préoccupations environnementales conformément au Règlement de Parcs Canada. Il se peut que les résultats aillent à l’encontre des intérêts des groupes voués à la protection de l’environnement ou de Sunshine Village, mais c’est là une autre question.

CONCLUSION

Les commentaires que j’ai formulés dans les présents motifs ne se veulent pas une critique à l’endroit de Parcs Canada. La Cour est consciente de la lutte que se livrent des forces opposées au sujet de toute proposition ou plan de développement touchant le Parc national Banff, ce qui impose à Parcs Canada l’obligation de procéder à un dosage délicat et constant des différents intérêts en jeu. En ce qui a trait à Sunshine Village, personne n’a soutenu que, tout au long des années de gestation qui ont abouti en quelque sorte à l’accouchement d’un enfant mort-né, les concessions accordées par les deux parties n’étaient pas fondées sur une compréhension mutuelle de leurs intérêts respectifs.

Néanmoins, Parcs Canada doit poursuivre ses activités conformément à la loi, surtout lorsque ses pouvoirs d’origine législative et réglementaire sont tellement étendus qu’ils touchent chaque élément de l’activité humaine à l’intérieur des limites des parcs. Bien entendu, l’intérêt public demeure une préoccupation constante et je reconnais la nécessité d’en tenir compte à l’égard d’une proposition ou d’un plan donné. Par ailleurs, une autorité publique comme Parcs Canada est aussi tenue de respecter les engagements, de faire montre d’équité et de demeurer neutre dans ses divers rapports avec tous ceux qui sont visés par ses règlements.

Je suis bien conscient du fait que les dispositions parallèles des Lignes directrices PEEE et du Règlement de Parcs Canada doivent inciter de nombreuses personnes à se demander lesquelles de ces dispositions pourraient s’appliquer à un cas donné, comme l’indique clairement la preuve dont je suis saisi, les Lignes directrices étant elles-mêmes peu explicites au sujet du sens véritable d’une « proposition » et d’un « processus ».

Néanmoins, j’en suis arrivé à la conclusion que, qu’elles s’appliquent ou non, les Lignes directrices PEEE ont été respectées et il n’existe aucun pouvoir résiduel aux termes de l’article 13. J’ai également conclu que la décision par laquelle le directeur a refusé de délivrer un deuxième permis devrait être annulée. Étant donné que les pouvoirs d’origine législative et réglementaire de Parcs Canada dans tous les champs d’activité sont largement discrétionnaires, Sunshine Village devra peut-être emprunter une voie particulièrement sinueuse, pour constater plus tard qu’il n’y a pas d’issue et que l’avenir du programme de Goat’s Eye est encore incertain. Pour éviter ce résultat, j’ordonne, conformément à l’alinéa 18.1(3)b) de la Loi sur la Cour fédérale, que la question soit renvoyée à Parcs Canada aux fins d’un nouvel examen, compte tenu des conclusions et des observations que j’ai formulées dans les présents motifs.

ORDONNANCE

1. La demande de contrôle judiciaire que Sunshine Village a déposée dans le dossier T-137-94 est accueillie. La décision contestée que Parcs Canada a prise est annulée et la question est renvoyée à Parcs Canada aux fins d’un nouvel examen, compte tenu des conclusions et des observations que j’ai formulées dans les présents motifs d’ordonnance.

2. La demande de contrôle judiciaire présentée par la SPPSNC dans le dossier T-2505-93 est rejetée.

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