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T‑421‑04

2006 CF 132

Commissaire à l’information du Canada (demandeur)

c.

Ministre de l’Industrie (défendeur)

Répertorié : Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de l’Industrie) (C.F.)

Cour fédérale, le juge Kelen—Ottawa, 25 et 26 janvier et 13 février 2006.

Accès à l’information —  Contrôle judiciaire du refus du statisticien en chef du Canada de communiquer des renseignements personnels recueillis lors de recensements à des bandes algonquines cherchant à établir une revendication territoriale d’Autochtone — Ce refus était fondé sur l’art. 17(1) de la Loi sur la statistique, qui interdit de révéler les renseignements personnels recueillis lors de recensements, sous réserve des exceptions prévues à l’art. 17(2) — Les renseignements réclamés par les bandes étaient‑ils des « renseignements mis à la disposition du public en vertu d’une loi ou de toute autre règle de droit » au sens de l’art. 17(2)d) de la Loi sur la statistique — En l’espèce, les renseignements réclamés par les bandes algonquines étaient des renseignements mis à la disposition du public (les bandes algonguines) en vertu d’une loi ou de toute autre règle de droit (en l’occurrence, l’art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, l’art. 8(2)k) de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les obligations imposées par la common law à Sa Majesté envers les peuples autochtones) — Demande accueillie.

Droit constitutionnel —  Droits ancestraux ou issus de traités — Trois bandes algonquines réclamaient la divulgation de renseignements personnels recueillis lors de recensements pour les aider à établir une revendication territoriale d’Autochtone — La common law oblige Sa Majesté à agir honorablement, de bonne foi et en qualité de fiduciaire en ce qui concerne les revendications territoriales des Autochtones — Ces obligations, qui ont été constitutionnalisées à l’art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, obligeaient Sa Majesté à divulguer les renseignements demandés —  Dans l’hypothèse où il interdirait la divulgation des données des recensements, l’art. 17 de la Loi sur la statistique est incompatible avec l’art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et, par application de l’art. 52 de la Loi constitutionnelle, il est inopérant parce qu’on n’a pas pu justifier cette incompatibilité.

Protection des renseignements personnels —  Trois bandes algonquines réclamaient, en vertu de l’art. 8(2)k) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, la divulgation de renseignements personnels recueillis lors de recensements — Cet article, qui autorise la divulgation de renseignements personnels à une bande d’Indiens pour lui permettre d’établir une revendication territoriale, constitue « une loi » au sens de l’art. 17(2)d) de la Loi sur la statistique (exception à l’art. 17(1) de la Loi sur la statistique, qui interdit de révéler les renseignements personnels recueillis lors de recensements).

Interprétation des lois — L’art. 17(2)d) de la Loi sur la statistique prévoit une exception à l’interdiction de divulguer les renseignements personnels recueillis lors de recensements — L’expression « renseignements mis à la disposition du public » vise les documents pouvant être obtenus par le public en général, ou par des membres ou des parties du public, ayant un droit d’accès.

Il s’agissait d’un recours en révision du refus du statisticien en chef du Canada de révéler des renseignements personnels recueillis lors de certains recensements. Ce refus était fondé sur le paragraphe 17(1) de la Loi sur la statistique, qui interdit de révéler ce type de renseignements personnels. La demande d’accès était présentée par des bandes algonquines, qui cherchaient à établir une revendication territoriale d’Autochtone. Pour ce faire, elles doivent obtenir des preuves de la continuité de leur communauté dans le temps tant pour ce qui est du nombre de leurs membres que de l’utilisation et de l’occupation du territoire et, comme il n’existait pas de listes de bandes avant 1951, les données des recensements constitueraient des éléments de preuve déterminants. Suivant le statisticien en chef, l’alinéa 8(2)k) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui autorise la divulgation de renseignements à une bande d’Indiens pour lui permettre d’établir une revendication territoriale, ne s’appliquait pas, en raison du paragraphe 17(1) de la Loi sur la statistique.

Jugement : la demande doit être accueillie.

Les données des recensements réclamées étaient nécessaires et importantes pour permettre aux bandes algonquines de bien démontrer le bien‑fondé de leur revendication territoriale. Toutefois, pour déterminer si l’on pouvait exiger la production des données des recensements en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, on a tenu compte de l’article 24 de cette même loi, qui oblige les responsables d’institutions fédérales à refuser la divulgation de renseigne-ments dont la communication est restreinte en vertu d’une disposition figurant à l’annexe II de cette loi, laquelle comprend l’article 17 de la Loi sur la statistique, qui interdit de communiquer les renseignements obtenus en vertu de la loi, sous réserve des exceptions prévues au paragraphe 17(2). L’alinéa 17(2)d) permet au statisticien en chef d’autoriser la révélation des « renseignements mis à la disposition du public en vertu d’une loi ou de toute autre règle de droit ». Il s’agissait de savoir si les renseignements demandés répondaient à cette définition.

L’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui protège les droits ancestraux et les droits issus de traités, constitue « une loi ou [. . .] autre règle de droit » au sens de l’alinéa 17(2)d) de la Loi sur la statistique. Cela tient au fait que la common law oblige Sa Majesté à agir honorablement, de bonne foi et en qualité de fiduciaire en ce qui concerne la revendication territoriale des bandes algonquines et que ces obligations ont été constitutionnalisées dans la mesure où elles se rapportent aux obligations légales imposées à la Couronne par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 en ce qui concerne les revendications territoriales des Autochtones. L’alinéa 8(2)k) de la Loi sur la protection des renseignements personnels constitue aussi « une loi ou une règle de droit » au sens de l’alinéa 17(2)d) de la Loi sur la statistique.

Quant au sens de l’expression « information available to the public » (renseignements mis à la disposition du public) à l’alinéa 17(2)d) de la Loi sur la statistique, le mot « public » y est employé comme substantif. Suivant le Canadian Oxford Dictionary, le substantif « public » a trois acceptions, à savoir l’ensemble de la collectivité, certains membres de la collectivité ou une partie de la collectivité dont les membres ont une situation ou des intérêts en commun. Chacune des ces acceptions suffit pour répondre à la définition du mot « public » à l’alinéa 17(2)d). La définition de l’adjectif « available » que donne le même dictionnaire permet de penser que l’expression « information available to the public » vise les documents pouvant être obtenus par le public en général, ou par des membres ou des parties du public. Pour pouvoir obtenir un document déterminé, les membres du public doivent avoir un droit d’accès.

Pour ces motifs, les renseignements réclamés par les bandes algonquines étaient des « renseignements mis à la disposition du public en vertu d’une loi ou de toute autre règle de droit » au sens de l’alinéa 17(2)d) de la Loi sur la statistique et ils pouvaient être divulgués aux bandes algonquines en vertu de l’alinéa 8(2)k) de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

À titre subsidiaire, dans l’hypothèse où il interdirait au défendeur de divulguer les données des recensements, l’article 17 de la Loi sur la statistique serait incompatible avec l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et, par application de l’article 52 de cette Loi, il serait inopérant à moins qu’on puisse justifier cette incompatibilité, ce qu’on n’a pas réussi à faire en l’espèce. Il serait absurde que la Couronne, qui est tenue d’aider les peuples autochtones à établir leurs revendications territoriales, puisse dissimuler les éléments de preuve nécessaires pour prouver les revendications territoriales en question.

lois et règlements cités

Loi constitutionnelle de l982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.‑U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 35, 52.

Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A‑1, art. 4 (mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144(F); 2001, ch. 27, art. 202), 19, 24, 41, 42, 48, 49, ann. II.

Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P‑21, art. 8(2)k) (mod. par L.C. 2000, ch. 7, art. 26).


Loi sur la statistique, L.R.C. (1985), ch. S‑19, art. 17(1), (2) (mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 131), 18.1 (édicté par L.C. 2005, ch. 31, art. 1).

jurisprudence citée

décisions appliquées :

Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226; 2003 CSC 19; Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada), [2003] 1 R.C.S. 66; 2003 CSC 8; Pfizer Co. Ltd. c. Sous‑ministre du Revenu national (Douanes et Accise), [1973] C.F. 3 (C.A.); Canada (Chambre des communes) c. Vaid, [2005] 1 R.C.S. 667; 2005 CSC 30; R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075.

décisions examinées :

Delgamuukw c. Colombie‑Britannique, [1997] 3 R.C.S. 1010; Nation Haïda c. Colombie‑Britannique (Ministre des Forêts), [2004] 3 R.C.S. 511; 2004 CSC 73.

doctrine citée

Canadian Oxford Dictionary, 2nd ed. Toronto : Oxford Univ. Press, 2004, « available », « public ».

Oxford English Dictionary, 2nd ed. Oxford : Clarendon Press, 1989, « available », « public ».

DEMANDE de contrôle judiciaire du refus du statisticien en chef du Canada de communiquer des renseignements personnels recueillis lors de recensements à des bandes algonquines, qui cherchent à établir une revendication territoriale autochtone. Demande accueillie.

ont comparu :

Daniel Brunet et Jennifer Francis pour le demandeur.

Patrick D. Bendin pour le défendeur.

avocats inscrits au dossier :

Bureau du Commissaire à l’information du Canada, Ottawa, pour le demandeur.

Le sous‑procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par

[1] Le juge Kelen : Conformément aux dispositions de l’article 42 de la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A‑1, le Commissaire à l’information demande la révision de la décision prise par le statisticien en chef du Canada refusant de communiquer certains dossiers de recensement pour les années 1911, 1921, 1931 et 1941. Aux termes du paragraphe 17(1) de la Loi sur la statistique, L.R.C. (1985), ch. S‑19, il est interdit de révéler les relevés de recensement. Le Commissaire à l’information prétend, entre autres, qu’en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.‑U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]], la Couronne a l’obligation constitutionnelle de communi-quer cette information à un gouvernement autochtone aux fins d’établir le bien‑fondé d’une revendication territoriale.

Les faits

[2]Les trois bandes suivantes de la Première nation algonquine (les bandes algonquines) vivent dans le Nord‑Ouest du Québec et l’Est de l’Ontario :

1. la bande du lac Barrière;

2. la bande de Wolf Lake;

3. la bande de Timiskaming.

Le 1er novembre 2001, les bandes algonquines ont présenté une demande de communication à Statistique Canada, qui relève du ministère de l’Industrie, afin d’obtenir les relevés des recensements de 1911, 1921, 1931 et 1941 pour les districts de Nipissing, North Renfrew, Renfrew et Timiskaming dans la province de l’Ontario, et les districts de Pontiac, Témiscamingue, Wright et Yamaska dans la province de Québec.

[3]La demande de communication a été présentée par M. Peter D. I. Gangi, directeur du Secrétariat de la nation algonquine, qui représente les intérêts des trois bandes algonquines.

[4]Les bandes algonquines effectuent des recherches en vue d’établir le bien‑fondé d’une revendication territoriale d’Autochtone qui exige une preuve de continuité dans le temps touchant leur collectivité quant au nombre de leurs membres ainsi qu’à l’utilisation et à l’occupation du territoire. Parce qu’il n’existait pas de listes de bande avant 1951 et en l’absence, au ministère, d’autres documents portant sur leur histoire, les relevés de recensement seraient une source de preuve extrêmement importante.

[5]Le 23 novembre 2001, Statistique Canada a rejeté la demande de communication. Les bandes algonquines ont adressé une plainte au Commissaire à l’information, qui a procédé à une enquête. Le 3 décembre 2003, celui‑ci a informé le défendeur que la plainte était fondée et lui a recommandé de se conformer en communiquant les dossiers de recensement.

[6]Le 11 décembre 2003, le statisticien en chef a avisé le demandeur qu’il ne suivrait pas la recomman-dation. Le 26 février 2004, le demandeur, avec le consentement des bandes algonquines, a entrepris le présent recours en révision de la décision du défendeur de refuser de communiquer les dossiers de recensement.

[7]Depuis cette demande de communication, la Loi sur la statistique a été modifiée [L.C. 2005, ch. 31] de sorte que les dossiers du recensement de 1911 ont pu être rendus publics. La modification, qui apparaît à l’annexe A, dispose que les dossiers de recensement seront divulgués au public après 92 ans. Ainsi, les dossiers du recensement de 1921, par exemple, seront rendus publics en 2013.

[8]Au cours de la période en question, les recenseurs sont allés de ménage en ménage, accompagnés d’un traducteur, dans tout le territoire actuellement occupé par les trois bandes algonquines. Ils ont recueilli des renseignements, notamment le nom, l’adresse ou le lieu géographique, l’origine raciale ou tribale, la langue et d’autres renseignements personnels concernant chaque personne et famille résidant sur ce territoire.

[9]Les bandes algonquines revendiquant ce titre foncier aborigène doivent satisfaire aux trois exigences suivantes, énoncées succinctement par la Cour suprême du Canada :

i. ils doivent avoir occupé le territoire avant l’affirmation de la souveraineté;

ii. si l’occupation actuelle est invoquée comme preuve de l’occupation avant l’affirmation de la souveraineté, il doit exister une continuité entre l’occupation actuelle et l’occupation antérieure à l’affirmation de la souveraineté;

iii. au moment de l’affirmation de la souveraineté, cette occupation doit avoir été exclusive.

Voir Delgamuukw c. Colombie‑Britannique, [1997] 3 R.C.S. 1010, le juge en chef Lamer (tel était alors son titre), au paragraphe 143.

[10]Dans la présente affaire, les bandes algonquines ont obtenu la preuve requise pour le XIXe siècle, mais il leur manque la preuve de la continuité de l’occupation pendant le XXe siècle jusqu’en 1951, lorsque [à l’époque le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration] le ministère des Affaires indiennes et du Nord a commencé à tenir des listes de bande. Les bandes algonquines déclarent que les dossiers de recensement constituent une preuve rigoureuse établissant qui vivait sur le territoire en question, puisque les recenseurs se sont rendus dans chacun des peuplements autochtones dans l’exécution de leur travail de recensement.

[11]Entre 1997 et 2004, les bandes algonquines ont reçu des fonds du gouvernement fédéral pour effectuer des travaux de recherche et de préparation liés à cette revendication territoriale. La recherche visait à :

i. établir que les bandes algonquines ont traditionnelle-ment utilisé et occupé le territoire en question et que cette utilisation et occupation se poursuivent;

ii. décrire dans quelle mesure et à quel endroit le territoire est utilisé et occupé.

La décision contestée

[12]La décision contestée est celle du statisticien en chef du Canada, M. Ivan P. Fellegi, datée du 11 décembre 2003, avisant le Commissaire à l’information :

[traduction] [. . .] je ne puis suivre votre recommandation dans cette affaire de rendre les documents en question disponibles au requérant. Pour les raisons énoncées dans ma lettre du 5 décembre 2002 (il y a un an), je crois fermement que cette divulgation contreviendrait non seulement aux dispositions de la Loi sur la statistique, mais à celles de la Loi sur la protection des renseignements personnels également.

[13]Les « raisons » énoncées dans la lettre du 5 décembre 2002 sont notamment :

1.            que l’alinéa 8(2)k) [mod. par L.C. 2000, ch. 7, art. 26] de la Loi sur la protection des renseignements personnels [L.R.C. (1985), ch. P-21] est assujetti au paragraphe 17(1) de la Loi sur la statistique de sorte qu’il ne s’applique pas;

2.            qu’il n’y a pas d’obligation envers les bandes algonquines parce que :

a. il est difficile de préciser les droits ancestraux dans ce contexte;

b. les revendicateurs autochtones doivent prouver devant une cour de justice qu’ils possèdent un droit ancestral;

c. Statistique Canada n’a pas d’obligation de fiduciaire à l’endroit des bandes algonquines;

d. les bandes algonquines devraient avoir recours aux Registres nationaux de 1940 comme autre source de preuve pour établir leurs droits.

Engagement de confidentialité

[14]Le professeur James Morrison, un ethnohistorien qualifié et respecté effectuant des recherches liées à cette revendication territoriale pour les bandes algonqui-nes, a témoigné que si les dossiers de recensement lui étaient divulgués au nom des bandes algonquines, il s’engagerait à préserver la confidentialité des dossiers de recensement n’ayant aucun rapport avec les ancêtres des membres des bandes algonquines de manière à ce que les renseignements personnels des personnes non algonquines puissent demeurer confidentiels.

Avis de question constitutionnelle

[15]Le Commissaire à l’information a signifié un avis de question constitutionnelle au procureur général de chaque province et au procureur général du Canada relativement aux effets de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 dans le contexte de la présente affaire. Aucun des procureurs généraux provinciaux n’est intervenu ou n’a formulé d’observations.

La législation pertinente

[16]La législation pertinente est la suivante :

1. la Loi sur l’accès à l’information;

2. la Loi sur la protection des renseignements personnels;

3. la Loi sur la statistique;

4. la Loi constitutionnelle de 1982.

Les extraits pertinents de ces lois sont reproduits à l’annexe A.

La norme de contrôle

[17]Dans la présente affaire, la Cour est invitée à réexaminer une décision du statisticien en chef sur une question de divulgation de l’information en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. Les parties plaident, et la Cour en convient, que la norme de contrôle appropriée est la décision correcte. Dans l’affaire Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, la Cour suprême du Canada a statué, au paragraphe 26, que la Cour ayant à décider de la norme de contrôle pertinente devait employer une approche fonctionnelle et pragmatique.

[18]Le premier facteur que cette Cour doit considérer est la présence ou l’absence d’une clause privative ou d’un droit d’appel prévu par la loi. Ce facteur a été apprécié par la Cour suprême du Canada dans Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada), [2003] 1 R.C.S. 66. Au paragraphe 15, le juge Gonthier a conclu que la Loi sur l’accès à l’information ne contenait pas de clause privative protégeant les décisions des responsables d’une institution fédérale sur des questions d’accès à l’information, et qu’au contraire, les articles 41 et 42 de cette Loi établissaient le droit d’exercer un recours en révision de ces décisions devant la Cour fédérale. Ce facteur ne justifie donc pas de retenue.

[19]Le deuxième facteur qu’il faut considérer est le degré de compétence du décideur par rapport à celui de la Cour. La décision contestée a trait à l’interprétation que fait le statisticien en chef de l’effet réciproque des dispositions de la Loi sur l’accès à l’information, de la Loi sur la protection des renseignements personnels, de la Loi sur la statistique et de la Loi constitutionnelle de 1982. Par rapport au juge saisi de la révision, le décideur n’a pas de compétence en interprétation des lois. La Cour est mieux placée pour décider des points de droit que le statisticien en chef. Par conséquent ce facteur ne milite pas en faveur d’une retenue à l’égard de la décision contestée.

[20]Le troisième facteur à considérer est l’objectif de la législation pertinente, à savoir la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseigne-ments personnels, la Loi sur la statistique et la Loi constitutionnelle de 1982. Dans l’arrêt Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada), le juge Gonthier de la Cour suprême a conclu, au paragraphe 17, que l’objectif de la Loi sur l’accès à l’information est servi par l’adoption d’une norme de contrôle qui commande une moins grande retenue.

[21]À mon avis, l’objectif des dispositions de l’article 17 [art. 17(2) (mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 131)] de la Loi sur la statistique relatives au secret et à la divulgation est également servi par l’adoption d’une norme de contrôle commandant une moins grande retenue. L’objectif pour lequel la loi autorise que soient gardés secrets les documents conservés par Statistique Canada n’est pas servi en faisant preuve d’une plus grande retenue judiciaire à l’égard d’un décideur qui peut être enclin à favoriser sa propre organisation.

[22]L’objectif de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui consiste notamment à respecter et à reconnaître les revendications territoriales des Autochtones, n’a pas du tout été considéré par le statisticien en chef, même si le Commissaire à l’information lui a demandé de le faire en autorisant la divulgation des dossiers de recensement. De même, le statisticien en chef n’a pas considéré l’objectif de l’alinéa 8(2)k) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui est de communiquer des renseignements personnels à une bande indienne à des fins de recherches relatives à une revendication territoriale. Par conséquent, la Cour ne fera pas preuve de retenue à l’égard de la décision du statisticien en chef en ce qui a trait à l’objectif visé par ces quatre lois.

[23]Le quatrième facteur à considérer a trait à la nature de la question, à savoir s’il s’agit d’une question de droit, d’une question de fait ou d’une question mixte de droit et de fait. La Cour fera preuve d’une plus grande retenue à l’égard des conclusions de fait du décideur, mais d’une moins grande retenue sur les questions de droit ou d’interprétation des lois. La question soulevée par le présent recours en révision a pour objet l’interprétation de la Loi sur l’accès à l’information, de la Loi sur la protection des renseignements personnels, de la Loi sur la statistique et de la Loi constitutionnelle de 1982, et l’effet réciproque de leurs dispositions en ce qui a trait aux dossiers de recensement demandés dans le cadre d’une revendication territoriale d’Autochtone. Il s’agit d’une question de droit, qui ne commande aucune retenue.

[24]Eu égard à ces quatre facteurs, la Cour reconnaît que la norme de contrôle qui convient pour apprécier la décision du statisticien en chef de refuser la divulgation est la décision correcte.

La charge de la preuve

[25]Selon l’article 48 de la Loi sur l’accès à l’information, il incombe à l’institution fédérale concernée, lors d’un contrôle judiciaire, d’établir qu’une demande de communication a été refusée conformément à la loi :

48. Dans les procédures découlant des recours prévus aux articles 41 ou 42, la charge d’établir le bien‑fondé du refus de communication totale ou partielle d’un document incombe à l’institution fédérale concernée.

Dans le présent recours, le ministre doit donc convaincre la Cour, selon la prépondérance des probabilités, que la décision du statisticien en chef de refuser l’accès aux dossiers de recensement était correcte.

Les questions en litige

[26]Les questions en litige sont les suivantes :

1. Les dossiers de recensement sont‑ils nécessaires pour la revendication territoriale des bandes algonquines?

2. Les dossiers de recensement en question doivent‑ils être divulgués en vertu de la Loi sur l’accès à l’information?

3. L’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 constitue‑t‑il une « loi ou [. . .] autre règle de droit » au sens de l’alinéa 17(2)d) de la Loi sur la statistique?

4. L’alinéa 8(2)k) de la Loi sur la protection des renseignements  personnels  constitue‑t‑il  une « loi ou [. . .] autre règle de droit » au sens de l’alinéa 17(2)d) de la Loi sur la statistique?

5. Que signifie « les renseignements mis à la disposition du public » au sens de l’alinéa 17(2)d) de la Loi sur la statistique?

6. Dans l’hypothèse où il serait interdit au défendeur de divulguer les dossiers de recensement, en application de l’article 17 de la Loi sur la statistique, quel serait l’effet de l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982?

Analyse

Question no 1 : Les dossiers de recensement sont‑ils nécessaires pour la revendication territoriale des bandes algonquines?

[27]En finançant les bandes algonquines entre 1997 et 2004 pour effectuer des recherches relatives à cette revendication territoriale, le gouvernement du Canada a démontré qu’il reconnaissait que les bandes algonquines pouvaient avoir une revendication territoriale légitime.

[28]Après avoir examiné la preuve, la Cour est convaincue que les données de recensement demandées sont nécessaires et importantes pour permettre aux bandes algonquines de bien documenter leur revendication territoriale. Ces données sont sans doute les meilleurs éléments de la preuve requise pour établir la continuité de leur occupation du territoire en question.

[29]Le défendeur soutient que cette preuve n’a pas d’importance déterminante parce que des registres nationaux ont été dressés en 1940 pour les fins de la conscription et que ces registres contiennent la liste de toutes les personnes âgées de plus de 16 ans. La Cour estime que ces registres nationaux ne constituent pas une preuve adéquate pour plusieurs raisons :

1. Ils ne portent pas sur la période entre 1900 et 1940.

2. Ils ont été dressés afin de recenser les jeunes hommes ayant l’âge d’être conscrits. Plusieurs ont cherché à éviter la conscription et ont pris des mesures pour ne pas être inscrits aux registres.

3. Ces registres nationaux ne contiennent pas le nom des personnes de moins de 16 ans qui feraient partie de la preuve requise pour cette revendication territoriale.

4. Les données de ces registres nationaux n’ont pas été compilées d’une manière aussi rigoureuses que celles d’un recensement.

5. Une partie des registres nationaux est manquante.

Question no 2 : Les dossiers de recensement en question doivent‑ils être divulgués en vertu de la Loi sur l’accès à l’information?

[30]Pour répondre à cette question, comme aux quatre suivantes, il faut interpréter quatre lois et analyser leurs effets réciproques. L’avocat du demandeur a qualifié cet exercice juridique de [traduction] « gymnastique juridique intensive ». La Cour convient que la présente affaire exige un exercice d’interprétation juridique en plusieurs étapes.

[31]Selon l’article 4 [mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144(F); 2001, ch. 27, art. 202] de la Loi sur l’accès à l’information, tout citoyen a droit à l’accès aux documents relevant d’une institution fédérale, sous réserve des autres dispositions de cette Loi mais nonobstant toute autre loi fédérale :

4. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi mais nonobstant toute autre loi fédérale, ont droit à l’accès aux documents relevant d’une institution fédérale et peuvent se les faire communiquer sur demande :

a) les citoyens canadiens;

b) les résidents permanents au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

[32]Ce droit général d’accès à l’information est restreint par l’effet de l’article 24 de la Loi sur l’accès à l’information, qui exige que le responsable d’une institution fédérale refuse la communication de documents contenant des renseignements dont la communication est restreinte en vertu d’une disposition figurant à l’annexe II de ladite Loi, qui inclut l’article 17 de la Loi sur la statistique.

[33]Le paragraphe 24(1) de la Loi sur l’accès à l’information incorpore par renvoi à l’annexe II la restriction relative à la divulgation des dossiers de recensement imposée par l’article 17 de la Loi sur la statistique.

24. (1) Le responsable d’une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents contenant des renseignements dont la communication est restreinte en vertu d’une disposition figurant à l’annexe II.

[. . .]

ANNEXE II

(Article 24)

[. . .]

Loi sur la statistique, article 17

[34]En l’absence d’exemption, l’alinéa 17(1)b) de la Loi sur la statistique obligerait le défendeur à refuser de divulguer les dossiers de recensement.

SECRET

17. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article et sauf pour communiquer des renseignements conformément aux modalités des accords conclus en application des articles 11 ou 12 ou en cas de poursuites engagées en vertu de la présente loi :

[. . .]

b) aucune personne qui a été assermentée en vertu de l’article 6 ne peut révéler ni sciemment faire révéler, par quelque moyen que ce soit, des renseignements obtenus en vertu de la présente loi de telle manière qu’il soit possible, grâce à ces révélations, de rattacher à un particulier, à une entreprise ou à une organisation identifiables les détails obtenus dans un relevé qui les concerne exclusivement. [Non souligné dans l’original.]

[35] Toutefois, cette interdiction de divulgation prescrite par le paragraphe 17(1) de la Loi sur la statistique est assujettie à certaines exceptions discrétionnaires en vertu du paragraphe 17(2). Dans le présent recours en révision, le demandeur plaide que l’alinéa 17(2)d) lève l’interdiction de divulgation parce que les dossiers de recensement sont des « renseigne-ments mis à la disposition du public en vertu d’une loi ou de toute autre règle de droit » :

17. [. . .]

(2) Le statisticien en chef peut, par arrêté, autoriser la révélation des renseignements suivants :

[. . .]

d) les renseignements mis à la disposition du public en vertu d’une loi ou de toute autre règle de droit; [Non souligné dans l’original.]

[36]Le demandeur soutient que l’alinéa 8(2)k) de la Loi sur la protection des renseignements personnels ainsi que l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 ont pour effet de satisfaire aux conditions requises pour que s’applique l’exception en faisant des dossiers de recensement des « renseignements mis à la disposition du public en vertu d’une loi ou de toute autre règle de droit ».

[37]Le défendeur prétend que l’article 24 de la Loi sur l’accès à l’information équivaut à une interdiction formelle puisque « la communication [des dossiers de recensement] est restreinte en vertu d’une disposition figurant à l’annexe II », qui inclut l’article 17 de la Loi sur la statistique. La Cour n’est pas de cet avis. La restriction du paragraphe 17(1) de la Loi sur la statistique doit être interprétée à la lumière des exceptions discrétionnaires prévues au paragraphe 17(2) de la Loi sur la statistique.

[38]Pour saisir le sens de l’alinéa 17(2)d) de la Loi sur la statistique dans ce cas‑ci, il faut procéder à une analyse en trois étapes, qui devrait logiquement être entreprise dans l’ordre suivant.

Question no 3 :

PREMIÈRE ÉTAPE

L’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 constitue‑t‑il une « loi ou [. . .] autre règle de droit » au sens de l’alinéa 17(2)d) de la Loi sur la statistique?

[39]L’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 protège les droits ancestraux des peuples autochtones ainsi que les droits issus de traités qui existent déjà en raison d’accords établis sur des revendications territoriales ou les droits qui sont susceptibles d’être acquis par suite d’une revendication du titre aborigène :

PARTIE II

DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES DU CANADA

35. (1) Les droits existants—ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés.

(2) Dans la présente loi, « peuples autochtones du Canada » s’entend notamment des Indiens, des Inuit et des Métis du Canada.

(3) Il est entendu que sont compris parmi les droits issus de traités, dont il est fait mention au paragraphe (1), les droits existants issus d’accords sur des revendications territoriales ou ceux susceptibles d’être ainsi acquis. [Non souligné dans l’original.]

[40]En 1997, le juge en chef Lamer de la Cour suprême du Canada a conclu dans Delgamuukw, au paragraphe 2, que le titre aborigène était une espèce distincte de droit ancestral reconnu et confirmé par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 :

Dans Adams, ainsi que dans l’arrêt connexe Côté, j’ai examiné et rejeté l’argument voulant qu’une revendication visant des droits ancestraux doive aussi s’appuyer sur une revendication sous‑jacente visant un titre aborigène. J’ai néanmoins conclu que le titre aborigène était une espèce distincte de droit ancestral reconnu et confirmé par le par. 35(1). Comme aucun titre aborigène n’était revendiqué dans ces pourvois antérieurs, il n’était pas nécessaire d’en dire davantage. Cependant, dans le cadre du présent pourvoi, la Cour doit examiner et élucider les conséquences de la constitutionnalisation du titre aborigène. La première conséquence a trait au contenu précis du titre aborigène, question à laquelle notre Cour n’a pas encore répondu de manière définitive, tant au regard de la common law que du par. 35(1). [Non souligné dans l’original.]

[41]Le juge en chef Lamer a ensuite conclu au paragraphe 133 de l’arrêt que le paragraphe 35(1) n’a pas créé de droits ancestraux, mais qu’il a plutôt constitutionnalisé ceux qui existaient en 1982. Au paragraphe 143, le juge en chef a affirmé que la revendication d’un titre aborigène doit établir une continuité entre l’occupation actuelle du territoire visé par la revendication et l’occupation antérieure à l’affirmation de la souveraineté. (C’est ce que visent les dossiers de recensement dans l’affaire qui nous occupe.) Au paragraphe 186, il a dit que la Couronne a l’obligation morale, sinon légale, d’entamer et de mener de bonne foi des négociations relatives au titre foncier aborigène. C’est au moyen de tels règlements négociés que l’objet fondamental du paragraphe 35(1) pourra être atteint. Le juge en chef a dit que cet objet était de :

[. . .] concilier la préexistence des sociétés autochtones et la souveraineté de Sa Majesté ». Il faut se rendre à l’évidence, nous sommes tous ici pour y rester.

Dans l’arrêt Delgamuukw, le juge en chef s’exprimait en son nom et au nom de deux autres juges.

[42]En 2004, la juge en chef McLachlin de la Cour suprême du Canada a signé un jugement unanime dans l’affaire Nation Haïda c. Colombie‑Britannique (Ministre des Forêts), [2004] 3 R.C.S. 511, dans lequel sont définies les obligations de la Couronne dans ses rapports avec les peuples autochtones, qu’il s’agisse de l’affirmation de sa souveraineté ou du règlement de leurs revendications territoriales. Elle a formulé les conclusions suivantes, que je paraphrase à moins qu’il n’y ait des guillemets :

1. L’« honneur de la Couronne » signifie que la Couronne doit agir honorablement dans ses rapports avec les peuples autochtones afin de parvenir à « concilier la préexistence des sociétés autochtones et la souveraineté de Sa Majesté ». Voir le paragraphe 17 de Nation Haïda.

2. « L’honneur de la Couronne fait naître différentes obligations selon les circonstances. Lorsque la Couronne assume des pouvoirs discrétionnaires à l’égard d’intérêts autochtones particuliers, le principe de l’honneur de la Couronne donne naissance à une obligation de fiduciaire [. . .] pour s’acquitter de son obligation de fiduciaire, la Couronne doit agir dans le meilleur intérêt du groupe autochtone. » Voir le paragraphe 18 de Nation Haïda.

3. Quand des traités sont en jeu (ce qui inclut selon moi des revendications territoriales susceptibles d’aboutir à un traité), l’« honneur de la Couronne exige la tenue de négociations menant à un règlement équitable des revendications autochtones. » Voir le paragraphe 20 de Nation Haïda.

4. « L’article 35 a pour corollaire que la Couronne doit agir honorablement lorsqu’il s’agit de définir les droits garantis par celui‑ci et de les concilier avec d’autres droits et intérêts. » Voir le paragraphe 20 de Nation Haïda.

5. « En bref, les Autochtones du Canada étaient déjà ici à l’arrivée des Européens; ils n’ont jamais été conquis. De nombreuses bandes ont concilié leurs revendications avec la souveraineté de la Couronne en négociant des traités. D’autres, notamment en Colombie‑Britannique, ne l’ont pas encore fait. Les droits potentiels visés par ces revendications sont protégés par l’art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. L’honneur de la Couronne commande que ces droits soient déterminés, reconnus et respectés. Pour ce faire, la Couronne doit agir honorablement et négocier. Au cours des négociations, l’honneur de la Couronne peut obliger celle‑ci à consulter les Autochtones et, s’il y a lieu, à trouver des accommodements à leurs intérêts ». Voir le paragraphe 25 de Nation Haïda.

6. L’« honneur de la Couronne commande que celle‑ci agisse de bonne foi. » Voir le paragraphe 41 de Nation Haïda.

[43]En m’appuyant sur l’arrêt Nation Haïda, je conclus que le devoir qu’a la Couronne d’agir honorablement relativement à la revendication territoria-le des bandes algonquines dans la présente affaire signifie qu’elle doit divulguer les dossiers de recensement en sa possession qui sont susceptibles de prouver la continuité de l’occupation depuis la période antérieure à l’affirmation de la souveraineté jusqu’à aujourd’hui, l’un des éléments de preuve requis pour établir l’existence du titre foncier aborigène.

[44]La Cour est aussi d’avis que l’honneur de la Couronne donne naissance à une obligation de fiduciaire par rapport à ces dossiers de recensement conservés par la Couronne. Cette obligation signifie que la Couronne doit agir dans l’intérêt supérieur des bandes autochtones et divulguer les dossiers de recensement qui se rapportent à leurs droits sur les territoires en question.

[45]La Cour est également d’avis que l’honneur de la Couronne commande qu’elle tienne des négociations de bonne foi menant à un règlement équitable des revendications autochtones. Cette obligation de négocier de bonne foi, implicite dans l’article 35, signifie que la Couronne doit divulguer les dossiers de recensement qui sont en sa possession et qui sont pertinents pour établir l’existence du titre aborigène.

[46]Si la Couronne avait la preuve dont le peuple autochtone a besoin pour prouver le bien‑fondé de sa revendication territoriale, il serait absurde et condamna-ble que le gouvernement ait le droit de la dissimuler. Cela contreviendrait à l’article 35 de la Loi constitution-nelle de 1982.

[47]Le devoir d’agir honorablement, de bonne foi et à titre de fiduciaire est un devoir imposé par la common law qui a maintenant été constitutionalisé dans la mesure où il se rapporte aux obligations légales de la Couronne en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 relativement aux revendications territoriales des Autochtones. Par conséquent, l’article 35 et le devoir de common law susmentionné constituent une « loi ou [. . .] autre règle de droit » au sens de l’alinéa 17(2)d) de la Loi sur la statistique.

Question no 4 :

DEUXIÈME ÉTAPE

L’alinéa 8(2)k) de la Loi sur la protection des renseignements  personnels  constitue‑t‑il  une « loi ou [. . .] autre règle de droit » au sens de l’alinéa 17(2)d) de la Loi sur la statistique?

[48]L’alinéa 8(2)k) de la Loi sur la protection des renseignements personnels a pour effet d’exclure les dossiers de recensement des renseignements personnels qu’il est interdit de communiquer en vertu du paragraphe 19(1) de la Loi sur l’accès à l’information. Il s’agit d’une « loi ».

Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P‑21

8. [. . .]

(2) Sous réserve d’autres lois fédérales, la communication des renseignements personnels qui relèvent d’une institution fédérale est autorisée dans les cas suivants :

[. . .]

k) communication à tout gouvernement autochtone, association d’autochtones, bande d’Indiens, institution fédérale ou subdivision de celle‑ci, ou à leur représentant, en vue de l’établissement des droits des peuples autochtones ou du règlement de leurs griefs; [Non souligné dans l’original.]

[49]Le défendeur soutient que la « loi » à laquelle fait référence l’alinéa 17(2)d) [de la Loi sur la statistique] ne peut pas être le paragraphe 19(2) de la Loi sur l’accès à l’information puisqu’il s’agit d’un argument circulaire : l’article 24 de la Loi sur l’accès à l’information fait référence à l’article 17 de la Loi sur la statistique qui fait référence au paragraphe 19(2) de la Loi sur l’accès à l’information. (Le paragraphe 19(2) de la Loi sur l’accès à l’information fait référence à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Voir annexe A.) Bien que la Cour reconnaisse que cela soit circulaire, l’exception prévue à l’alinéa 8(2)k) de la Loi sur la protection des renseignements personnels relève manifestement de la « loi », et l’intention du législateur en adoptant cette disposition légale est évidente, à savoir permettre que des renseignements personnels relevant d’une institution fédérale puissent être communiqués à une bande indienne en vue de l’établissement des droits de ses membres. Par conséquent, l’alinéa 8(2)k) de la Loi sur la protection des renseignements personnels est une « loi » au sens de l’alinéa 17(2)d) de la Loi sur la statistique.

Question no 5 :

TROISIÈME ÉTAPE

Que signifie « les renseignements mis à la disposition du public » au sens de l’alinéa 17(2)d) de la Loi sur la statistique?

[50]Le sens de l’expression « information available to the public » (« les renseignements mis à la disposition du public ») dans la version anglaise de l’alinéa 17(2)d) de la Loi sur la statistique est une question de droit que la Cour doit trancher en s’aidant des définitions données par les dictionnaires. Voir Pfizer Co. Ltd. c. Sous‑ ministre du Revenu national (Douanes et Accise), [1973]  C.F.  3  (C.A.),  le  juge en chef Jackett, à la page 7 :

En droit, le principe général est qu’il y a lieu d’interpréter les textes de lois ou les décrets ayant force de loi, en donnant aux termes leur sens ordinaire et usuel dans le contexte que le sens des mots est une question de droit qui doit être tranchée par la Cour à l’aide de dictionnaires ou d’autres moyens légitimes d’interprétation.

[51]Le défendeur soutient que le mot « available » dans le texte anglais de la loi (« mis à la disposition ») implique le droit ou la certitude juridique d’obtenir quelque chose. Selon The Oxford English Dictionary, 2e éd. (Oxford, U.K. : Clarendon Press, 1989), « available » signifie : [traduction] « susceptible d’être employé, utilisé, dont on peut disposer, qui est à portée de main ».

[52]Le défendeur soutient que le mot « public » doit être interprété comme signifiant le public en général, pas un élément particulier ou une partie du public. Selon The Oxford English Dictionary, l’adjectif « public » signifie notamment : [traduction] « 1. relatif à la collectivité prise dans son ensemble; qui appartient à la collectivité ou à l’État, ou qui en relève [. . .] Qui peut être utilisé ou partagé par tous les membres d’une collectivité, qui n’est pas restreint à un usage privé ».

[53]Avec respect, la Cour n’est pas d’accord avec le défendeur. La définition qu’il cite se rapporte au mot « public » pris comme adjectif, pas comme nom. Dans l’expression « available to the public », le mot « public » est un nom. Pour déterminer le sens grammatical et ordinaire des mots utilisés par les Canadiens, la Cour préfère les définitions que l’on trouve dans le Canadian Oxford Dictionary, 2e éd. (Toronto : Oxford University Press, 2004), où le mot « public », comme nom, est défini ainsi :

[traduction] 1. la collectivité en général, ou des membres de la collectivité. 2. une partie de la collectivité ayant un intérêt particulier ou quelque chose en commun [. . .]

Le nom « public » a donc trois sens, et désigne soit l’ensemble de la collectivité, certains membres de la collectivité ou une partie de la collectivité dont les membres ont une situation ou des intérêts en commun. Chacun de ces sens est suffisant pour définir le mot « public » à l’alinéa 17(2)d) de la Loi sur la statistique.

[54]Le Canadian Oxford Dictionary définit l’adjectif « available » comme suit :

[traduction] 1. susceptible d’être utilisé; mis à la disposition de quelqu’un; pouvant être obtenu.

Par conséquent, l’expression « information available to the public » s’applique à des dossiers pouvant être obtenus par le public en général, ou par des membres ou des parties du public. Pour être en mesure d’obtenir un dossier en particulier, les membres du public doivent avoir un droit d’accès.

[55]Dans l’hypothèse où le sens de l’expression « available to the public » serait équivoque, ambigu ou imprécis, le juge Binnie de la Cour suprême du Canada a affirmé dans l’arrêt Canada (Chambre des communes) c. Vaid, [2005] 1 R.C.S. 667, au paragraphe 80, que la façon appropriée d’interpréter les lois consiste à lire les termes d’une loi dans leur contexte global, interprétés dans leur sens large et en suivant le sens ordinaire conformément à l’intention du législateur :

[. . .] la « présomption » évoquée par lord Hatherley, il y a 135 ans, va à l’encontre des principes contemporains d’interprétation des lois reconnus au Canada, tel que Driedger les décrit dans Construction of Statutes (2e éd. 1983) :         

[traduction] Aujourd’hui il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur. [p. 87]

Cette approche a récemment été confirmée dans Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, [2002] 2 R.C.S. 559, 2002 CSC 42, par. 26, et dans R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45, 2001 CSC 2, par. 33. De plus, elle est renforcée par l’art. 12 de la Loi d’interprétation, L.R.C. 1985, ch. I‑21, qui prévoit que tout texte « est censé apporter une solution de droit et s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet ». Ces principes d’interprétation s’appliquent avec une rigueur particulière dans le cadre de l’application des lois relatives aux droits de la personne. [Non souligné dans l’original.]

[56]Les renseignements qui se trouvent dans les dossiers de recensement demandés par les bandes algonquines sont exactement du même type que ceux dont le législateur voulait permettre la divulgation à une population autochtone ou à une bande indienne en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels. De même, c’est exactement le type d’infor-mation que la Couronne est tenue de communiquer à une population autochtone ou à une bande indienne en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Si on adopte les principes contemporains d’interprétation des lois, les mots « available to the public » doivent être interprétés dans leur sens large, dans le sens d’un membre du public et non du public dans son ensemble.

[57]Toujours dans l’hypothèse où le sens des mots « available to the public » ne serait pas clair, le défendeur ne se serait quand même pas acquitté de la charge de la preuve qui lui incombe en vertu de l’article 48 de la Loi sur l’accès à l’information, parce que je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que son interprétation de l’expression était correcte. Pour ces motifs, je suis d’avis d’accueillir la demande.

Conclusion relativement aux questions nos 3, 4 et 5

[58]En conclusion, l’interprétation correcte de la loi dans la présente affaire est que l’alinéa 17(2)d) de la Loi sur la statistique s’applique parce qu’un membre du public, c’est‑à‑dire les bandes algonquines, a un droit d’accès en raison d’une loi ou d’une autre règle de droit, soit l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, en raison des obligations de common law mentionnées au paragraphe 46, et en raison de l’alinéa 8(2)k) de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Je fais remarquer qu’une seule loi ou obligation de common law suffit à satisfaire aux exigences de l’alinéa 17(2)d) de la Loi sur la statistique.

Question no 6 :

Dans l’hypothèse où il serait interdit au défendeur de divulguer les dossiers de recensement, en application de l’article 17 de la Loi sur la statistique, quel serait l’effet de l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982?

[59]Selon le paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, la Constitution du Canada rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit :

52. (1) La Constitution du Canada est la loi suprême du Canada; elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit.

[60]Indépendamment de la Loi sur l’accès à l’information, la Couronne a l’obligation de fournir aux bandes algonquines les dossiers de recensement qui sont nécessaires pour prouver le bien‑fondé de leur revendication territoriale. Cette obligation a été constitu-tionnalisée par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Conformément à l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982, l’article 17 de la Loi sur la statistique, dans la mesure où il est incompatible, est inopérant à moins qu’il soit possible d’en établir le bien‑ fondé.

[61]Dans l’arrêt R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075, aux paragraphes 59 à 62, la Cour suprême du Canada a statué qu’un texte de loi pouvait restreindre les droits constitutionnels des Autochtones, mais que les tribunaux exigeaient qu’une telle intervention gouverne-mentale soit justifiée. Par conséquent, si l’article 17 de la Loi sur la statistique interdit la divulgation des dossiers de recensement dans la présente affaire, il n’est pas automatiquement inopérant en raison de l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982. Il sera valide s’il satisfait au critère applicable permettant de justifier une atteinte au droit autochtone reconnu au sens du paragraphe 35(1).

[62]Dans l’affaire qui nous occupe, la Cour conclut que l’article 17 ne satisfait pas au critère applicable permettant de justifier une atteinte au droit des peuples autochtones d’obtenir leurs propres dossiers de recensement nécessaires à l’établissement du bien‑fondé de leurs revendications territoriales. Il serait absurde que la Couronne, qui a l’obligation de venir en aide aux peuples autochtones en ce qui a trait à leurs revendications territoriales, puisse dissimuler la preuve nécessaire à l’établissement de leur bien‑fondé. Le défendeur n’a offert aucune justification pour déroger à ce droit constitutionnel. Bien que la confidentialité des dossiers de recensement soit nécessaire pour garantir que les réponses données aux recenseurs soient complètes et sincères, les dossiers de recensement demandés ont plus de 60 ans, et ils peuvent être dévoilés sous réserve de l’engagement de confidentialité mentionné plus haut. Ce ne sont pas des dossiers de recensement récents qui sont demandés ou divulgués, et ceux‑ci ne sont pas nécessaires parce que les listes de bande qu’on a commencé à dresser en 1950 fournissent la preuve requise pour la revendication territoriale. Par conséquent, la divulgation des dossiers de recensement de 1941 et des années antérieures n’aura pas pour effet d’empêcher la confection de dossiers de recensement complets et honnêtes à l’avenir.

La mesure corrective

[63]Dans la présente affaire, le statisticien en chef a commis des erreurs de droit touchant :

i. l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982,

ii. l’obligation qu’a la Couronne en common law de divulguer aux bandes algonquines l’information utile à leur revendication territoriale;

iii. l’alinéa 8(2)k) de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Puisque la décision contestée était entachée d’erreurs de droit, elle doit être annulée et renvoyée au statisticien en chef, qui devra considérer la demande de communica-tion en cause au regard de l’alinéa 17(2)d) de la Loi sur la statistique, conformément aux présents motifs et suivre la directive portant que les dossiers de recense-ment de 1921, 1931 et 1941 peuvent être communiqués à M. James Morrison au nom des bandes algonquines sous réserve de son engagement à préserver la confiden-tialité des renseignements personnels se trouvant dans les dossiers de recensement concernant des personnes non autochtones. Puisque les dossiers de recensement de 1911 ont été rendus publics, la question du droit d’accès ou de leur divulgation est sans objet.

[64]Les deux parties ont avisé la Cour qu’elles ne demandent pas l’adjudication des dépens dans la présente affaire. Il n’y aura donc pas d’ordonnance sur les dépens.

ANNEXE A

1. Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A‑1

4. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi mais nonobstant toute autre loi fédérale, ont droit à l’accès aux documents relevant d’une institution fédérale et peuvent se les faire communiquer sur demande :

a) les citoyens canadiens;

b) les résidents permanents au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés

[. . .]

19. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le responsable d’une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents contenant les renseignements personnels visés à l’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

(2) Le responsable d’une institution fédérale peut donner communication de documents contenant des renseignements personnels dans les cas où :

a) l’individu qu’ils concernent y consent;

b) le public y a accès;

c) la communication est conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[. . .]

24. (1) Le responsable d’une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents contenant des renseignements dont la communication est restreinte en vertu d’une disposition figurant à l’annexe II.

[. . .]

41. La personne qui s’est vu refuser communication totale ou partielle d’un document demandé en vertu de la présente loi et qui a déposé ou fait déposer une plainte à ce sujet devant le Commissaire à l’information peut, dans un délai de quarante‑cinq jours suivant le compte rendu du Commissaire prévu au paragraphe 37(2), exercer un recours en révision de la décision de refus devant la Cour. La Cour peut, avant ou après l’expiration du délai, le proroger ou en autoriser la prorogation.

42. (1) Le Commissaire à l’information a qualité pour :

a) exercer lui‑même, à l’issue de son enquête et dans les délais prévus à l’article 41, le recours en révision pour refus de communication totale ou partielle d’un document, avec le consentement de la personne qui avait demandé le document;

b) comparaître devant la Cour au nom de la personne qui a exercé un recours devant la Cour en vertu de l’article 41;

c) comparaître, avec l’autorisation de la Cour, comme partie à une instance engagée en vertu des articles 41 ou 44.

[. . .]

48. Dans les procédures découlant des recours prévus aux articles 41 ou 42, la charge d’établir le bien‑fondé du refus de communication totale ou partielle d’un document incombe à l’institution fédérale concernée.

49. La Cour, dans les cas où elle conclut au bon droit de la personne qui a exercé un recours en révision d’une décision de refus de communication totale ou partielle d’un document fondée sur des dispositions de la présente loi autres que celles mentionnées à l’article 50, ordonne, aux conditions qu’elle juge indiquées, au responsable de l’institution fédérale dont relève le document en litige d’en donner à cette personne communication totale ou partielle; la Cour rend une autre ordonnance si elle l’estime indiqué.

ANNEXE II

(article 24)

Loi sur la statistique, article 17

[Non souligné dans l’original]

[. . .]

2. Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P‑21 (sanctionnée le 1er juillet 1983)

8. [. . .]

(2) Sous réserve d’autres lois fédérales, la communication des renseignements personnels qui relèvent d’une institution fédérale est autorisée dans les cas suivants :

[. . .]

k) communication à tout gouvernement autochtone, association d’autochtones, bande d’Indiens, institution fédérale ou subdivision de celle‑ci, ou à leur représentant, en vue de l’établissement des droits des peuples autochtones ou du règlement de leurs griefs; [Non souligné dans l’original.]

3. Loi sur la statistique, L.R.C. (1985), ch. S‑19

SECRET

17. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article et sauf pour communiquer des renseignements conformément aux modalités des accords conclus en application des articles 11 ou 12 ou en cas de poursuites engagées en vertu de la présente loi :

a) nul, si ce n’est une personne employée ou réputée être employée en vertu de la présente loi et qui a été assermentée en vertu de l’article 6, ne peut être autorisé à prendre connaissance d’un relevé fait pour l’application de la présente loi;

b) aucune personne qui a été assermentée en vertu de l’article 6 ne peut révéler ni sciemment faire révéler, par quelque moyen que ce soit, des renseignements obtenus en vertu de la présente loi de telle manière qu’il soit possible, grâce à ces révélations, de rattacher à un particulier, à une entreprise ou à une organisation identifiables les détails obtenus dans un relevé qui les concerne exclusivement.

(2) Le statisticien en chef peut, par arrêté, autoriser la révélation des renseignements suivants :

a) les renseignements recueillis par des personnes, des organisations ou des ministères, pour leur propre usage, et communiqués à Statistique Canada avant ou après le 1er mai 1971; toutefois, ces renseignements sont assujettis, lorsqu’ils ont été communiqués à Statistique Canada, aux prescriptions concernant le secret auxquelles ils étaient assujettis lorsqu’ils ont été recueillis et ils ne peuvent être révélés par Statistique Canada que de la manière et dans la mesure où en sont convenus ceux qui les ont recueillis et le statisticien en chef;

b) les renseignements ayant trait à une personne ou à une organisation, lorsque cette personne ou organisation donne, par écrit, son consentement à leur révélation;

c) les renseignements ayant trait à une entreprise, lorsque celui qui à ce moment‑là en est le propriétaire donne, par écrit, son consentement à leur révélation;

d) les renseignements mis à la disposition du public en vertu d’une loi ou de toute autre règle de droit;

e) les renseignements ayant trait à un hôpital, un établissement pour malades mentaux, une bibliothèque, un établissement d’enseignement, un établissement d’assistan-ce sociale ou autre établissement non commercial du même genre, à l’exception des détails présentés de telle façon qu’elle permettrait à n’importe qui de les rattacher à un malade, un pensionnaire ou une autre personne dont s’occupe un tel établissement;

f) les renseignements revêtant la forme d’un index ou d’une liste, relativement à des établissements particuliers, ou des firmes ou entreprises particulières, indiquant l’un ou plusieurs des éléments suivants :

(i) leurs noms et adresses,

(ii) les numéros de téléphone où les joindre relativement à des données statistiques,

(iii) la langue officielle qu’ils préfèrent utiliser relativement à des données statistiques,

(iv) les produits obtenus, manufacturés, fabriqués, préparés, transportés, entreposés, achetés ou vendus par eux, ou les services qu’ils fournissent au cours de leurs activités,

(v) s’ils se rangent dans des catégories déterminées quant au nombre des employés ou des personnes qu’ils engagent ou qui constituent leur main‑ d’œuvre;

g) les renseignements ayant trait à un transporteur ou à une entreprise d’utilité publique. [Non souligné dans l’original.]

4. Loi modifiant la Loi sur la statistique, L.C. 2005, ch. 31 (sanctionnée le 29 juin 2005)

1. La Loi sur la statistique est modifiée par adjonction, après l’article 18, de ce qui suit :

18.1 (1) Les articles 17 et 18 cessent de s’appliquer aux renseignements contenus dans les relevés de tout recensement de la population fait entre 1910 et 2005 quatre‑vingt‑douze ans après la tenue du recensement.

(2) La même règle s’applique à l’égard de tout recensement de la population fait en 2006 ou par la suite, mais seulement si la personne visée par les renseignements consent, lors du recensement, à ce que ceux‑ci cessent d’être protégés quatre‑vingt‑douze ans plus tard.

(3) Lorsque les articles 17 et 18 cessent de s’appliquer aux renseignements visés aux paragraphes (1) et (2), ceux‑ci sont placés sous la garde et la responsabilité de Bibliothèque et Archives du Canada.

5. Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.‑U.)

PARTIE II

Droits des peuples autochtones du Canada

35. (1) Les droits existants—ancestraux ou issus de traités—des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés.

(2) Dans la présente loi, “peuples autochtones du Canada” s’entend notamment des Indiens, des Inuit et des Métis du Canada.

(3) Il est entendu que sont compris parmi les droits issus de traités, dont il est fait mention au paragraphe (1), les droits existants issus d’accords sur des revendications territoriales ou ceux susceptibles d’être ainsi acquis.

[. . .]

52. (1) La Constitution du Canada est la loi suprême du Canada; elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit. [Non souligné dans l’original.]

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