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A-462-04

2005 CAF 377

Sumas Energy 2, Inc. (appelante)

c.

L'Office national de l'énergie et autres (intimés)

Répertorié : Sumas Energy 2, Inc. c. Canada (Office national de l'énergie) (C.A.F.)

Cour d'appel fédérale, juges Létourneau, Noël et Sharlow, J.C.A.--Vancouver, 7, 8 et 9 novembre 2005.

Énergie -- Appel interjeté d'une décision de l'Office national de l'énergie qui avait rejeté une demande présentée en vertu des art. 58.16 et 58.23 de la Loi sur l'Office national de l'énergie en vue de la délivrance d'un certificat d'utilité publique pour la construction d'une ligne internationale (la ligne) reliant l'État de Washington à la Colombie-Britannique -- Selon les art. 58.16(1) et (2) de la Loi, l'Office devait être persuadé, compte tenu de tous les facteurs qu'il estimait pertinents, que la ligne présentait un caractère d'utilité publique, tant pour le présent que pour le futur -- L'Office n'a pas outrepassé sa compétence lorsqu'il a tenu compte des effets environnementaux potentiels, au Canada, de la centrale électrique, en arguant du lien étroit entre la centrale électrique et la ligne -- Le pouvoir conféré à l'Office par l'art. 58.16(2) de la Loi l'autorisait à prendre en compte des aspects qui n'étaient pas expressément mentionnés dans la Loi -- Le bon critère a été appliqué, celui du caractère d'utilité publique, c'est-à-dire que l'Office a recensé et apprécié les facteurs pertinents -- La preuve autorisait la conclusion selon laquelle les inconvénients de la ligne l'emportaient sur ses avantages, et le critère du caractère d'utilité publique n'était donc pas respecté -- Appel rejeté.

Droit administratif -- Appels prévus par la loi -- Appel interjeté conformément à l'art. 22(1) de la Loi sur l'Office national de l'énergie -- L'Office a rejeté une demande de certificat d'utilité publique au motif que les inconvénients de la ligne internationale (la ligne) l'emportaient sur ses avantages, et que la ligne n'était pas conforme à l'intérêt public canadien et ne présentait pas un caractère d'utilité publique, tant pour le présent que pour le futur -- L'Office a tenu compte de tous les facteurs pertinents, notamment les effets environnementaux potentiels, au Canada, de la centrale électrique -- L'Office n'a pas outrepassé sa compétence et n'a commis aucune erreur sujette à révision.

Droit administratif -- Contrôle judiciaire -- Motifs -- Équité procédurale -- La décision de l'Office national de l'énergie rejetant la demande de certificat d'utilité publique n'était ni arbitraire ni discriminatoire -- La spécialisation de l'Office autorisait l'Office à donner son interprétation de la politique de libre accès et de réciprocité suivie par la Federal Energy Regulatory Commission des États-Unis -- Son approche était fondée sur des principes bien établis.

Commerce extérieur -- L'Office national de l'énergie n'a pas manqué de donner effet à l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) -- L'ALÉNA ne contraint nullement l'Office à exercer le pouvoir que lui confère l'art. 58.16 de la Loi sur l'Office national de l'énergie pour permettre à un producteur d'énergie des États-Unis de construire au Canada une ligne internationale.

Il s'agissait d'un appel formé, conformément au paragraphe 22(1) de la Loi sur l'Office national de l'énergie, contre une décision de l'Office national de l'énergie rejetant la demande qu'avait déposée l'appelante, en vertu des articles 58.16 et 58.23 de la Loi, en vue d'obtenir un certificat d'utilité publique pour la construction d'une ligne internationale (la ligne) reliant sa future centrale électrique, qui serait située dans l'État de Washington, à une sous-station située en Colombie-Britannique. La centrale électrique, qui devait être installée à un kilomètre au sud de la frontière internationale, allait brûler du gaz naturel canadien et transporter l'électricité, via la ligne projetée, jusqu'au réseau électrique principal qui dessert l'Ouest canadien et les États de l'Ouest des États-Unis.

Arrêt : l'appel doit être rejeté.

L'Office n'a pas outrepassé sa compétence quand il a tenu compte des effets environnementaux potentiels, au Canada, de la centrale électrique. Selon les paragraphes 58.16(1) et (2) de la Loi, l'Office devait être persuadé du « caractère d'utilité publique » de la ligne internationale, « tant pour le présent que pour le futur », et devait pour cela tenir compte « de tous les facteurs qu'il estimait pertinents ». L'Office a considéré comme un facteur pertinent les effets environnementaux négatifs, au Canada, produits par la centrale aux États-Unis. La décision rendue par l'Office dans l'affaire CanStates Marketing, où l'Office avait jugé qu'il n'avait pas le pouvoir selon la Loi de tenir compte des effets environnementaux entraînés au Canada par des installations situées aux États-Unis, a été distinguée de la présente affaire. Ici, le lien étroit entre la centrale électrique et la ligne, ce à quoi s'ajoutait la région au Canada sur laquelle le projet aurait des répercussions, une région circonscrite et sensible sur le plan environnemental, donnait lieu à une situation avec laquelle l'Office n'avait pas été amené à composer dans l'affaire CanStates. En mettant l'accent sur ce lien, l'Office ne prétendait pas énoncer un critère juridique. L'Office exerçait simplement le pouvoir qui lui était conféré par le paragraphe 58.16(2) de la Loi, c'est-à-dire le pouvoir de tenir compte de tous les facteurs qu'il estimait pertinents, notamment le fait que tout inconvénient que la centrale électrique risquait de présenter au Canada était directement lié à la ligne. Ce pouvoir habilitait l'Office à tenir compte d'aspects qui n'étaient pas expressément mentionnés dans la Loi. Finalement, l'Office n'était pas tenu de s'en rapporter à la décision du Energy Facility Site Evaluation Council (EFSEC) de l'État de Washington de recommander au gouverneur de cet État d'approuver la construction de la centrale électrique. L'EFSEC s'était penché sur les effets du projet selon une perspective américaine, tandis que l'Office devait considérer la perspective canadienne. Leurs intérêts publics respectifs ne coïncidaient pas nécessairement.

L'Office n'a pas appliqué le mauvais critère pour statuer sur la question du caractère d'utilité publique. Il a défini les facteurs dont il allait tenir compte pour dire si un certificat serait ou non délivré, puis il a attribué une valeur à chacun des facteurs. La preuve autorisait l'Office à dire que « tout bien pesé, les inconvénients de la LIT [la ligne] l'emportent sur ses avantages » et qu'il était « incapable de conclure que la LIT est conforme à l'intérêt public canadien et qu'elle serait d'utilité publique tant pour le présent que pour le futur ».

L'Office n'a pas rendu une décision arbitraire. Sa spécialisation l'autorisait à donner son interprétation de la politique de libre accès et de réciprocité suivie par la Federal Energy Commission des États-Unis. L'Office n'a pas non plus exercé une discrimination à l'encontre de l'appelante. Aucun fondement n'autorisait l'argument selon lequel l'Office avait appliqué des normes différentes ou inédites à la requête de l'appelante. L'approche adoptée par l'Office était fondée sur des principes bien établis.

Finalement, il n'y avait nul bien-fondé dans l'argument de l'appelante selon lequel l'Office n'avait pas donné effet à l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA). L'ALÉNA ne contraint nullement l'Office à exercer le pouvoir que lui confère l'article 58.16 pour permettre à un producteur d'énergie des États-Unis de construire au Canada une ligne internationale que l'Office estime non justifiée.

lois et règlements cités

Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d'Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, le 17 décembre 1992, [1994] R.T. Can. no 2.

Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, L.C. 1992, ch. 37.

Loi sur l'Office national de l'énergie, L.R.C. (1985), ch. N-7, art. 22(1) (mod. par L.C. 1990, ch. 7, art. 11), 58.16 (édicté, idem, art. 23), 58.23 (édicté, idem), 120.1 (édicté par L.C. 1993, ch. 44, art. 188; 2001, ch. 28, art. 56).

jurisprudence citée

décisions appliquées :

Québec (Procureur général) c. Canada (Office national de l'énergie), [1994] 1 R.C.S. 159; (1994), 112 D.L.R. (4th) 129; 20 Admin. L.R. (2d) 79; 14 C.E.L.R. (N.S.) 1; [1994] 3 C.N.L.R. 49; 163 N.R. 241; Nakina (Canton) c. Cie des chemins de fer nationaux du Canada (1986), 69 N.R. 124 (C.A.F.).

décision différenciée :

Relativement à CanStates Gas Marketing; Chevron Canada Resources Limited; Renaissance Energy Ltd., Western Gas Marketing Limited, GH-3-94, motifs de décision datés de novembre 1994, O.N.É.

décisions citées :

Morguard Investments Ltd. c. De Savoye, [1990] 3 R.C.S. 1077; (1990), 76 D.L.R. (4th) 256; [1991] 2 W.W.R. 217; 52 B.C.L.R. (2d) 160; 46 C.P.C. (2d) 1; 122 N.R. 81; 15 R.P.R. (2d) 1; C.N.R. et al. v. Canada Steamship Ltd. et al., [1945] 3 D.L.R. 417; [1945] 2 W.W.R. 100 (P.C.).

APPEL interjeté d'une décision de l'Office national de l'énergie (Relativement à Sumas Energy 2, Inc., EH-1-2000, motifs de décision datés de mars 2004, O.N.É.) qui avait rejeté la demande, déposée par l'appelante en vertu des articles 58.16 et 58.23 de la Loi sur l'Office national de l'énergie, en vue d'obtenir un certificat d'utilité publique. Appel rejeté.

ont comparu :

Russell W. Lusk, c.r., William K. McNaughton et Robert J. C. Deane pour l'appelante.

George Copley, c.r. et James G. Yardley pour les intimés la province de la Colombie-Britannique et autres.

Thomas R. Berger, c.r., Howard Mann et Timothy J. Howard pour les intimés la Society Promoting Environmental Conservation et autres.

Patrick K. McMurchy pour l'intimée l'Association des gens d'affaires du centre-ville d'Abbotsford.

Andrew R. Hudson et Jody L. Saunders pour l'intimé l'Office national de l'énergie.

avocats inscrits au dossier :

Borden Ladner Gervais s.r.l., Vancouver, pour l'appelante.

Murdy & McAllister, Vancouver, pour les intimés la province de la Colombie-Britannique et autres.

Sierra Legal Defence Fund, Vancouver, pour les intimés la Society Promoting Environmental Conservation et autres.

Palmer, Gillen, Abbotsford (Colombie- Britannique), pour l'intimée l'Association des gens d'affaires du centre-ville d'Abbotsford.

L'Office national de l'énergie, Calgary, pour l'intimé l'Office national de l'énergie.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés à l'audience par

[1]La Cour: La société Sumas Energy 2, Inc. (SE2) a sollicité, en vertu des articles 58.16 [édicté par L.C. 1990, ch. 7, art. 23] et 58.23 [édicté, idem] de la Loi sur l'Office national de l'énergie, L.R.C. (1985), ch. N-7 (la Loi sur l'ONÉ), un certificat d'utilité publique (le certificat) pour la construction d'une ligne internationale (la ligne) reliant sa future centrale électrique de Sumas (État de Washington) à la sous-station Clayburn de la B.C. Hydro and Power Authority, juste au nord de la frontière internationale. Ces dispositions sont ainsi rédigées :

58.16 (1) Sous réserve de l'agrément du gouverneur en conseil et de l'article 24, l'Office peut, s'il est convaincu de son caractère d'utilité publique, tant pour le présent que pour le futur, délivrer un certificat pour une ligne internationale visée par un décret ou une décision pris au titre des articles 58.15 ou 58.23 ou d'une ligne interprovinciale visée par un décret pris au titre de l'article 58.4.

(2) Pour déterminer s'il y a lieu de délivrer un certificat, l'Office tient compte de tous les facteurs qu'il estime pertinents.

[. . .]

58.23 Le demandeur ou le titulaire de permis ou de certificat peut notifier sa décision à l'Office, en la forme réglementaire, portant que les dispositions de la présente loi mentionnées à l'article 58.27, et non la loi provinciale visée à l'article 58.19, s'appliquent à toute ligne internationale, existante ou projetée.

[2]SE2 entend installer sa centrale électrique à un kilomètre au sud de la frontière internationale, à Sumas (État de Washington). Il est prévu que la centrale électrique brûlera du gaz naturel canadien et transportera l'électricité, via la ligne projetée, par l'entremise de la sous-station Clayburn, jusqu'au réseau électrique principal qui dessert la Colombie-Britannique, l'Alberta et 11 États de l'Ouest des États-Unis.

[3]La construction et l'exploitation de la centrale électrique ont été approuvées par le gouverneur de l'État de Washington, conformément à la recommandation du Energy Facility Site Evaluation Council (EFSEC) de cet État. L'évaluation de l'EFSEC comprenait un examen environnemental qui portait pour l'essentiel sur le même dossier que celui qui a été soumis à l'Office national de l'énergie (l'Office). S'agissant des points de fait relatifs aux aspects environnementaux, l'EFSEC est arrivé pour l'essentiel aux mêmes conclusions. La centrale électrique devrait émettre plus de 800 tonnes de polluants chaque année dans le bassin atmosphérique de la vallée du Fraser.

[4]Le 4 mars 2004, l'Office rejetait la demande de SE2 [Relativement à Sumas Energy 2, Inc.] (EH-1-2000). SE2 a alors demandé, en application du paragraphe 22(1) [mod., idem, art. 11] de la Loi sur l'ONÉ, l'autorisation de faire appel de la décision de l'Office. Cette disposition est ainsi formulée :

22. (1) Il peut être interjeté appel devant la Cour d'appel fédérale, avec l'autorisation de celle-ci, d'une décision ou ordonnance de l'Office, sur une question de droit ou de compétence.

[5]L'autorisation d'appel a été accordée le 26 juillet 2004. SE2 sollicite une ordonnance annulant la décision de l'Office et renvoyant l'affaire à l'Office pour qu'il délivre le certificat ou pour que l'affaire soit réexaminée par une autre formation, d'une manière conforme aux motifs de la Cour.

[6]L'audience principale a duré 30 jours (entre mai et septembre 2003). SE2 a convoqué de nombreux témoins. Les administrations provinciales et municipales ont contesté les arguments de SE2 en convoquant leurs propres témoins experts. Un grand nombre d'autres intervenants, notamment les intimés, la Society Promoting Environmental Conservation, la Fondation David Suzuki, la province de la Colombie-Britannique, la ville d'Abbotsford, le District régional de la vallée du Fraser et l'Association des gens d'affaires du centre-ville d'Abbotsford, se sont eux aussi opposés à la demande.

Erreurs alléguées

[7]Au soutien de son appel, SE2 dit que l'Office 1) a outrepassé sa compétence en tenant compte des effets environnementaux potentiels, au Canada, de la centrale électrique, 2) n'a pas appliqué les bons critères, 3) a agi d'une manière arbitraire et discriminatoire, et 4) n'a pas donné effet à l'Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d'Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, le 17 décembre 1992, [1994] R.T. Can. no 2 (l'ALÉNA).

Norme de contrôle

[8]L'interprétation de l'article 58.16 de la Loi sur l'ONÉ, et en particulier celle de l'expression « caractère d'utilité publique », qui apparaît dans cet article, est une question de droit. Le point de savoir si l'Office a le pouvoir de tenir compte des effets environnementaux, au Canada, de la centrale électrique est lui aussi une question de droit. L'avocat de SE2 dit que la décision de l'Office concernant ces deux aspects doit être revue selon la norme de la décision correcte. Nous partageons son avis.

[9]Quant à la norme de contrôle applicable à la décision de l'Office relative à la question du « caractère d'utilité publique », nous relevons que le législateur fédéral oblige l'Office à établir par lui-même les facteurs dont il tiendra compte pour se convaincre du « caractère d'utilité publique, tant pour le présent que pour le futur » d'une ligne internationale. L'article 58.16 prévoit que l'Office « tient compte de tous les facteurs qu'il estime pertinents ». Vu la formulation large et souple de l'article 58.16, le degré de spécialisation de l'Office, enfin le caractère éminemment factuel de l'enquête menée par l'Office sur les aspects dont parle la disposition, des aspects qui intéressent intimement la spécialisation de l'Office, le législateur n'a pas pu vouloir que la Cour intervienne à la légère dans l'appréciation de ce qui, aux yeux de l'Office, est un facteur pertinent. À notre avis, la norme de contrôle en la matière appelle une retenue plus grande que celle de la décision correcte. Comme nous le verrons, nous n'avons pas à décider, aux fins du présent appel, si la norme est celle de la décision raisonnable ou si l'Office a droit à la retenue encore plus grande dont il faut faire preuve quand la décision manifestement déraisonnable est la norme applicable.

Point no 1--Pouvoirs de l'Office

[10]SE2 dit que l'Office n'avait pas le pouvoir, selon la Loi sur l'ONÉ, de tenir compte des effets environne-mentaux potentiels, au Canada, de la centrale électrique américaine. SE2 se réfère ici à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, L.C. 1992, ch. 37 (la LCÉE), un texte in pari materia que la Loi sur l'ONÉ, et elle dit que la Loi sur l'ONÉ devrait être interprétée de la même manière.

[11]Plus précisément, selon SE2, puisque l'Office a estimé que, selon la LCÉE, il n'avait pas le pouvoir de tenir compte des effets environnementaux dont la source se trouve à l'extérieur du Canada, il devait nécessairement dire que son pouvoir était pareillement limité selon la Loi sur l'ONÉ.

[12]Malheureusement, nous ne partageons pas ce point de vue. Ainsi que l'Office l'expliquait dans ses motifs, son aptitude à donner effet à ses ordonnances peut servir à circonscrire les pouvoirs que lui a conférés le législateur. S'agissant de la LCÉE, il serait impossible à l'Office de donner effet à une mesure d'atténuation aux États-Unis puisque sa décision n'aurait aucun effet contraignant en dehors du Canada. Il est improbable que le législateur voulait que l'Office ait le pouvoir de rendre des ordonnances sans avoir la capacité de les faire exécuter.

[13]En revanche, la décision en cause montre que, lorsqu'il a statué sur la demande présentée par SE2 en vertu de la Loi sur l'ONÉ, l'Office avait bien la capacité d'atténuer ou de neutraliser les effets environnementaux négatifs au Canada résultant de la centrale électrique aux États-Unis, s'il était d'avis que ce facteur militait contre la délivrance du certificat. Selon les paragraphes 58.16(1) et (2) de la Loi sur l'ONÉ, l'Office devait être persuadé du « caractère d'utilité publique » de la ligne internationale, « tant pour le présent que pour le futur », et devait donc tenir compte « de tous les facteurs qu'il estim[ait] pertinents ». L'Office a considéré comme un facteur pertinent les effets environnementaux négatifs, au Canada, produits par la centrale aux États-Unis. Après avoir apprécié les aspects tant favorables que défavorables, l'Office a décidé que la ligne internationale ne présentait pas un « caractère d'utilité publique » et a donc refusé de délivrer le certificat.

[14]C'est là le contexte dans lequel l'Office a estimé qu'il avait le pouvoir, selon la Loi sur l'ONÉ, mais non selon la LCÉE, de tenir compte des effets environnementaux, au Canada, de la centrale électrique qui aurait été située aux États-Unis. À notre avis, aucune erreur ne peut ici être imputée à l'Office.

[15]SE2 affirme aussi que, en disant qu'il avait la compétence requise, l'Office s'est écarté de sa décision antérieure, rendue dans l'affaire Relativement à CanStates Gas Marketing; Chevron Canada Resources Limited; Rennaissance Energy Ltd.; Western Gas Marketing Limited, (novembre 1994), GH-3-94 (O.N.É.) (l'affaire CanStates), où il avait jugé qu'il n'avait pas le pouvoir selon la Loi sur l'ONÉ de tenir compte des effets environnementaux entraînés au Canada par des installations situées aux États-Unis.

[16]L'Office a cru devoir distinguer sa décision CanStates de la présente affaire. Il a d'abord relevé ce qui suit, à la page 151 :

La question en litige dans cette affaire était les émissions de gaz à effet de serre résultant de la combustion du gaz à la centrale électrique et leur incidence sur le patrimoine naturel mondial. L'Office s'est penché sur la question plus limitée de savoir s'il avait compétence pour examiner les effets environnementaux, dans des domaines de compétence fédérale, de l'utilisation ultime du gaz aux États-Unis.

L'Office a examiné tout d'abord le champ de compétence que lui conférait le Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement (DLDPÉEE), qui a maintenant été remplacé par la LCÉE. La seule mention qu'il y ait trouvée au sujet d'événements survenant à l'étranger était une disposition autorisant l'examen d'effets environnementaux qui se déplacent du Canada vers d'autres nations. Il n'y avait aucune instruction explicite concernant l'examen d'effets qui migrent au Canada. L'Office a alors déclaré que, si le législateur avait voulu qu'il examine des effets environnementaux qui migrent au Canada, il l'aurait prévu de façon explicite. L'Office a donc conclu que le DLDPÉEE ne lui accordait pas, implicitement ou explicitement, le pouvoir de tenir compte de ces effets.

L'Office a ensuite noté que la Loi sur l'ONÉ n'accordait pas un pouvoir explicite d'examiner des effets environnementaux provenant de l'extérieur du Canada. Il a déclaré qu'il en arrivait, dans le cas de cette loi, à la même conclusion que celle à laquelle il était parvenu au sujet du DLDPÉEE.

[17]Puis l'Office a expliqué que, dans l'affaire CanStates, il avait affaire à un contexte factuel différent, à la page 151 :

Dans CanStates, l'Office n'avait pas examiné le lien qui existait entre la licence d'exportation de gaz et la migration des effets environnementaux au Canada, ni la question de savoir si l'existence d'un lien direct rendrait ces effets pertinents dans le cadre de ses délibérations. Même si l'Office, pour les besoins de son analyse dans cette cause, avait examiné les effets qui ressortissaient à des domaines de compétence fédérale, ce qui était vraiment en cause dans cette affaire était les émissions de gaz à effet de serre qui ont des effets mondiaux, plutôt que régionaux.

Dans le cas qui nous occupe, l'Office a reconnu le lien étroit qui existe entre la centrale électrique et la LIT [ligne internationale]. De plus, les questions qu'ont soulevées les intervenants se rapportent précisément à des effets environnementaux tels que ceux qui peuvent affecter la qualité de l'air dans leurs collectivités locales, plutôt qu'à des effets sur le patrimoine naturel international, qui sont plus difficiles à cerner.

[18]Il a alors expliqué le lien étroit qu'il avait reconnu, et la raison pour laquelle il avait, de par ce lien, le pouvoir de tenir compte dans la présente affaire des effets environnementaux, à la page 154 :

L'Office juge que la centrale électrique et la LIT ont des liens réciproques. La LIT ne serait pas nécessaire s'il n'y avait pas de centrale électrique. Inversement, si la LIT n'était pas construite, il se pourrait que la centrale électrique ne voie pas le jour. La LIT aurait pour toute fonction de transmettre toute l'électricité produite par la centrale. Ces deux entreprises seraient, en fait, des composantes d'une même entreprise. Il est clair que tous les avantages ou inconvénients engendrés par la LIT comme telle sont des considérations pertinentes pour ce qui est de déterminer si la LIT est conforme à l'intérêt public canadien. Selon l'avis de l'Office, tout inconvénient (et avantage) que la centrale électrique pourrait entraîner au Canada est directement lié à la LIT et donc d'égale pertinence. Ainsi, l'Office en conclut qu'il a le pouvoir, en vertu de la Loi sur l'ONÉ, de tenir compte des effets environnementaux que la centrale électrique de l'État de Washington aurait au Canada, en tant que question pertinente à la détermination qu'il doit faire au sujet de la conformité de la LIT proposée à l'intérêt public canadien.

[19]À notre avis, l'Office a validement jugé que le lien étroit entre la centrale électrique et la ligne internationale, ce à quoi s'ajoutait la région au Canada sur laquelle le projet aurait des répercussions, une région circonscrite et sensible sur le plan environnemental, donnait lieu à une situation avec laquelle il n'avait pas été amené à composer dans l'affaire CanStates.

[20]SE2 affirme qu'il n'appartenait pas à l'Office de tenir compte des effets potentiels, au Canada, de la centrale électrique au motif qu'elle était « liée » à la ligne de transport d'électricité. Selon SE2, ce « critère du lien » n'apparaît nulle part dans la Loi sur l'ONÉ, et il s'agit d'un « critère autogénéré » qui est sans précédent (notes écrites de SE2, paragraphe 121).

[21]À notre humble avis, en mettant l'accent sur ce lien, l'Office ne prétendait pas énoncer un critère juridique. Il montrait plutôt que tout inconvénient (ainsi que tout avantage) que la centrale électrique pourrait entraîner au Canada était directement lié à la ligne internationale et qu'il intéressait donc l'exercice, par l'Office, de son pouvoir de décider s'il convenait ou non de délivrer le certificat. Ce faisant, l'Office exerçait simplement le pouvoir qui lui était conféré par le paragraphe 58.16(2) de la Loi sur l'ONÉ, c'est-à-dire le pouvoir de tenir compte « de tous les facteurs qu'il estim[ait] pertinents ».

[22]Puis l'Office a ensuite examiné l'argument selon lequel un texte explicite serait nécessaire pour qu'il ait le pouvoir de tenir compte des effets, au Canada, de la centrale électrique située aux États-Unis. L'Office s'est référé à l'arrêt Québec (Procureur général) c. Canada (Office national de l'Énergie), [1994] 1 R.C.S. 159, une affaire où il avait pris en compte des aspects qui auparavant avaient été expressément inclus dans la Loi sur l'ONÉ, mais qui avaient été supprimés par le législateur. La Cour suprême a confirmé que le pouvoir de l'Office de tenir compte des aspects qui étaient pertinents habilitait l'Office à tenir compte d'aspects qui n'étaient pas expressément mentionnés dans la Loi sur l'ONÉ.

[23]Plus à propos est l'arrêt rendu par la Cour dans l'affaire Nakina (Canton) c. Cie des chemins de fer nationaux du Canada (1986), 69 N.R. 124 (C.A.F.). Dans cette affaire, la Commission canadienne des transports, par l'entremise d'un comité, avait tenu des audiences concernant la fermeture d'une gare de chemin de fer située dans le canton de Nakina. Le canton avait produit une preuve montrant les effets négatifs de la fermeture sur l'économie de la région. Le comité avait décidé qu'il n'était pas fondé à tenir compte de ces effets puisque le texte de loi en vertu duquel il exerçait ses fonctions ne mentionnait que l'exploitation technique, la sécurité et le service. La Cour, constatant que le comité reconnaissait qu'il était tenu de prendre en compte l'intérêt public, s'était exprimée ainsi (à la page 2) :

Je trouve une telle conclusion étonnante. Le Comité reconnaît devoir prendre en considération l'intérêt public. L'expression « intérêt public » me semble, par définition, désigner les intérêts de tous les membres du public touchés par une décision. Pour déterminer ce que veut l'intérêt public, il faut apprécier l'importance respective des considérations opposées en jeu. Certaines considérations seront jugées négligeables alors que d'autres paraîtront déterminantes. Il est cependant certain qu'un organisme chargé de prendre une décision dans l'intérêt public est « autorisé » à prendre en considération les effets des changements projetés sur l'ensemble du public. En conséquence, je suis d'avis que le refus de prendre en considération toute classe ou catégorie d'intérêts compris dans l'intérêt public général constitue une erreur de droit appelant l'intervention de la Cour.

[24]La Cour donnait plus loin l'explication suivante (à la page 3) :

S'il est vrai que la Loi sur les chemins de fer confie des responsabilités particulières à la Commission en ce qui regarde les trois aspects mentionnés par le Comité, à savoir l'aspect technique et l'aspect sécurité de l'exploitation des chemins de fer ainsi que les services fournis par les compagnies de chemin de fer, la compétence décisionnelle de la Commission ne se trouve aucunement restreinte à une stricte prise en considération de ces seules questions. Au contraire, en certains cas, la Commission ne doit prendre sa décision qu'en fonction de critères très généraux, comme, par exemple, la nécessité et l'utilité publiques. Autrement dit, bien que la Commission puisse être compétente à réglementer, dans l'intérêt public, les questions relatives à l'aspect technique et à la sécurité de l'exploitation des chemins de fer ainsi qu'aux services fournis par les compagnies de chemins de fer, ces champs de compétence ne limitent pas ni ne définissent par eux-mêmes la notion d'intérêt public, que ce soit généralement ou au regard de quelque situation particulière.

[25]La norme légale évoquée dans ces précédents était suffisamment assimilable à la norme établie par le paragraphe 58.16(1) pour rendre ces observations tout à fait à propos. À notre avis, l'Office était parfaitement fondé à dire que l'absence de toute référence expresse, dans la Loi sur l'ONÉ ou dans ses règlements d'application, à un aspect que l'Office juge par ailleurs pertinent n'empêche en aucune façon l'Office de tenir compte de cet aspect.

[26]Finalement, SE2 fait valoir que, lorsque l'Office s'est demandé s'il avait le pouvoir de tenir compte des effets, au Canada, de la centrale électrique, il aurait dû être attentif à la décision de l'EFSEC et au rôle joué par les principes de la « courtoisie internationale ». L'idée de SE2 est que cela aurait pu conduire l'Office à une conclusion autre.

[27]Il n'est pas nécessaire d'explorer en profondeur les principes de la « courtoisie internationale » pour répondre à cet argument (voir l'arrêt Morguard Investments Ltd. c. De Savoye, [1990] 3 R.C.S. 1077, aux pages 1095 et 1096). Qu'il suffise de dire que l'EFSEC s'était penché sur les effets du projet selon une perspective américaine, tandis que l'Office devait considérer la perspective canadienne. Les deux instances s'employaient à défendre leurs intérêts publics respectifs, qui en l'occurrence ne coïncidaient pas. Dans ce contexte, l'Office n'était pas tenu de s'en remettre à l'EFSEC ou de modifier de quelque façon sa manière de voir les facteurs qu'il jugeait pertinents.

[28]Nous sommes donc d'avis que l'Office n'a commis aucune erreur lorsque, jugeant du caractère d'utilité publique de la ligne internationale, il a dit qu'il avait le pouvoir de tenir compte des effets environnementaux, au Canada, de la centrale électrique.

Point no 2--L'Office a-t-il appliqué le mauvais critère pour juger du caractère d'utilité publique de la ligne internationale?

[29]SE2 dit essentiellement que l'Office a appliqué un critère de nécessité indispensable, pour juger du « caractère d'utilité publique [de la ligne internationale], tant pour le présent que pour le futur ». En d'autres termes, SE2 affirme que l'Office a appliqué à sa demande de délivrance d'un certificat un critère plus rigoureux que le critère requis en droit.

[30]Au soutien de sa prétention, SE2 nous renvoie aux trois extraits suivants, très brefs, des vues exprimées par l'Office, extraits qui, il convient de le souligner, doivent être lus dans leur contexte :

a)     Néanmoins, au vu de la preuve produite, l'Office estime que, même si ces avantages pourraient survenir, il n'existe actuellement dans la région de marché de SE2 aucun problème de fiabilité ou problème de marché qui soit important au point qu'il faille absolument mettre à profit ces avantages potentiels; [À la page 45; non souligné dans l'original.]

b)     Selon l'Office, la centrale électrique de SE2 n'est qu'un de plusieurs petits producteurs d'électricité indépendants qui cherchent à s'implanter sur le marché et elle n'aurait pas un effet appréciable sur la mesure où il est satisfait à l'accroissement de la demande. [À la page 44; non souligné dans l'original.]

c)     L'Office trouve que les avantages potentiels de la LIT et de la centrale électrique, même s'ils se matérialisaient tous, ne procureraient pas de retombées importantes aux Canadiens, ni aux collectivités locales et régionales. [À la page 106; non souligné dans l'original.]

[31]C'est dans les mots soulignés que SE2 voit la création, par l'Office, d'un nouveau critère de nécessité, un critère qui est trop rigoureux, et qui, de l'avis de SE2, empêchera les petits producteurs indépendants de jamais pénétrer le marché et contribuer au développement de programmes énergétiques propres à répondre à une demande croissante.

[32]Malheureusement, SE2 comprend mal et interprète mal ce qu'affirme et ce que fait l'Office. Il saute aux yeux, lorsque les mots soulignés sont placés dans leur contexte propre, que l'Office n'établit pas un nouveau critère du caractère d'utilité publique ni ne modifie le critère contenu dans la Loi sur l'ONÉ.

[33]Ce que fait l'Office, c'est simplement définir, en application du paragraphe 58.16(2) de la Loi sur l'ONÉ, les facteurs dont il tiendra compte pour dire si un certificat sera ou non délivré, puis, ainsi que le requiert la Loi sur l'ONÉ, attribuer une valeur à chacun des facteurs. L'Office procède à une mise en balance des avantages et des inconvénients résultant de la ligne internationale et de la centrale électrique, afin de se convaincre, le cas échéant, du caractère d'utilité publique de la ligne.

[34]En fin de compte, après avoir considéré et apprécié les divers facteurs retenus, l'Office a estimé que, « tout bien pesé, les inconvénients de la LIT l'emportent sur ses avantages » et qu'il était « incapable de conclure que la LIT est conforme à l'intérêt public canadien et qu'elle serait d'utilité publique tant pour le présent que pour le futur » (à la page 107). La preuve autorisait cette conclusion et, contrairement à ce que prétend SE2, nous sommes d'avis que l'Office a appliqué le bon critère pour y parvenir.

Point no 3--Arbitraire et discrimination

[35]Selon SE2, l'Office a commis une erreur de droit quand il a dit que la seule limite évidente à l'exercice de son pouvoir discrétionnaire dans la définition des facteurs pertinents est la bonne foi (C.N.R. et al. v. Canada Steamship Lines Ltd. et al., [1945] 3 D.L.R. 417 (C.P.)). Nous reconnaissons que le pouvoir discrétionnaire de l'Office à cet égard peut être l'objet d'un contrôle sur la base de moyens autres qu'une absence de bonne foi, notamment le fait de ne pas prendre en compte un facteur qu'il a jugé pertinent. Cependant, il importe de rappeler que le choix des facteurs pertinents appartient exclusivement à l'Office et que la décision de l'Office en la matière appelle de la part de la Cour une retenue considérable.

[36]Il est admis par les parties que l'Office aura commis une erreur rédhibitoire de droit ou de compétence si sa décision est entachée d'arbitraire ou de discrimination. Nous partageons ce point de vue.

[37]Les conclusions de SE2 sur l'arbitraire dont elle taxe l'Office sont longues et détaillées. Nous n'entendons pas les examiner d'une manière aussi détaillée. Nous avons cependant examiné très attentivement les portions de la décision de l'Office qui sont contestées par SE2, ainsi que les preuves accessoires présentées de part et d'autre. Notre examen n'a pas décelé la présence de contradictions inconciliables dans les conclusions de fait de l'Office ou dans sa décision. Au contraire, une lecture objective des motifs de l'Office révèle que l'Office a apprécié et mis en balance, très consciencieusement, un grand nombre de facteurs qu'il jugeait pertinents, dont certains favorisaient SE2 et d'autres non. Il nous est impossible de taxer l'Office d'arbitraire.

[38]L'argument de SE2 sur le supposé arbitraire de l'Office s'appuie en partie sur l'allégation que l'Office a tenu certains propos qui n'avaient aucun fondement dans la preuve. Une bonne part de cet argument se focalise sur l'interprétation, donnée par l'Office, de la politique de libre accès et de réciprocité suivie par la Federal Energy Regulatory Commission (FERC) des États-Unis (à la page 44). Nous n'acceptons pas l'argument de SE2 selon lequel la manière dont l'Office a évalué cet aspect souffrait d'une absence de preuve ou était entachée d'une erreur de droit. La spécialisation de l'Office en ces matières l'autorisait à donner son interprétation de la politique de la FERC des États-Unis, sans l'intervention de la Cour.

[39]SE2 fait valoir que l'Office a exercé contre elle une discrimination en appliquant à la demande de SE2 des normes différentes ou inédites. Le dossier ne révèle aucun fondement autorisant cet argument. Au contraire, l'approche adoptée par l'Office nous semble fondée sur des principes bien établis, notamment les principes dérivés de la propre jurisprudence de l'Office, appliqués aux circonstances particulières de la présente affaire.

Point no 4--L'ALÉNA

[40]Finalement, SE2 affirme que la décision de l'Office est fondamentalement viciée parce que l'Office n'a pas rempli son obligation, selon l'article 120.1 [édicté par L.C. 1993, ch. 44, art. 188; 2001, ch. 28, art. 56] de la Loi sur l'ONÉ, « d'appliquer l'ALÉNA ». L'Office a tenu compte de l'ALÉNA dans les deux seuls contextes où cet instrument a été invoqué, une fois en rapport avec sa décision sur la requête relative aux effets environnementaux, et une fois dans sa décision principale, en marge d'un argument de SE2 selon lequel l'Office n'avait pas le loisir d'appliquer l'article 58.16 pour protéger les producteurs canadiens d'énergie contre la concurrence des producteurs américains d'énergie. Il nous semble que l'Office a reconnu que son mandat ne l'autorisait pas à protéger un quelconque producteur contre la concurrence.

[41]SE2 ne dit pas qu'elle-même ou une autre partie a présenté, au sujet de l'ALÉNA, un argument dont l'Office n'a pas tenu compte. Le genre d'analyse de l'ALÉNA que, selon ce que dit aujourd'hui SE2, l'Office aurait dû faire n'a jamais été suggéré à l'Office lui-même. Il est difficile d'admettre que la Cour puisse réformer une décision de l'Office au motif qu'il n'a pas examiné un point qui n'a pas été soulevé au cours d'une audience de 30 jours, après des années de procédures préalables.

[42]Vu les arguments particuliers présentés à l'Office au regard de l'ALÉNA, et vu la manière dont l'Office a abordé les points sur lesquels portaient lesdits arguments, nous ne voyons nul bien-fondé dans l'argument de SE2 selon lequel l'Office n'a pas donné effet à l'ALÉNA ainsi que le requiert l'article 120.1 de la Loi sur l'ONÉ. Nous ne sommes pas non plus persuadés que tel ou tel aspect de la décision de l'Office enfreigne un principe ou un objectif de l'ALÉNA. Sur ce point, nous ne croyons pas que l'ALÉNA contraigne l'Office à exercer le pouvoir que lui confère l'article 58.16 pour permettre à un producteur d'énergie des États-Unis de construire au Canada une ligne internationale que l'Office estime non justifiée parce qu'il n'est pas convaincu de son caractère d'utilité publique.

DISPOSITIF

[43]Pour ces motifs, l'appel sera rejeté, avec dépens en faveur des intimés, à l'exception de l'ONÉ, qui n'a pas sollicité l'adjudication de dépens.

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