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A-284-03

2004 CAF 414

Scott Irwin Simser (appelant)

c.

Sa Majesté la Reine (intimée)

et

Société canadienne de l'ouïe (intervenante)

Répertorié : Simser c. Canada (C.A.F.)

Cour d'appel fédérale, juges Stone, Nadon et Sharlow, J.C.A.--Toronto, 13 mai; Ottawa, 7 décembre 2004.

Impôt sur le revenu -- Calcul du revenu -- Appel d'une décision de la C.C.I. qui a conclu que les sommes reçues par l'appelant au titre des Subventions pour initiatives spéciales en faveur des étudiants atteints d'un handicap permanent (SEH) constituaient une bourse d'études au sens de l'art. 56(1)n) de la Loi de l'impôt sur le revenu -- L'appelant est un étudiant atteint de surdité inscrit au cours de formation professionnelle du Barreau -- La demande d'aménagements spéciaux avait été rejetée par le Barreau du Haut-Canada -- L'employeur, le ministère de la Justice, avait accepté de financer les services requis à la condition que l'appelant demande d'abord une SEH -- Dans les dictionnaires, le mot « bourse » est défini comme une subvention accordée aux étudiants qui ont besoin d'une aide financière pour continuer leurs études -- Le texte de l'art. 56(1)n) doit recevoir une interprétation libérale -- La SEH n'est pas offerte à tous les étudiants handicapés, mais seulement à ceux qui répondent aux critères touchant les études et la situation financière -- L'appelant n'a pas reçu la SEH en raison simplement de son handicap -- La SEH accordée à l'appelant entre dans le champ de l'art. 56(1)n) de la Loi--Appel rejeté.

Droit constitutionnel -- Charte des droits -- Droits à l'égalité -- L'inclusion des Subventions pour initiatives spéciales en faveur des étudiants atteints d'un handicap permanent (SEH) dans le revenu de l'appelant portait-elle atteinte aux droits que lui garantissait l'art. 15 de la Charte parce qu'elle est discriminatoire? -- Application du critère énoncé par la C.S.C. dans l'arrêt Law c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) -- La SEH n'a pas été accordée à l'appelant dans l'accomplissement d'une obligation d'accommodation et elle ne lui a pas été versée uniquement en raison de son handicap -- Son droit d'obtenir des services spéciaux n'est pas un droit générique exécutoire à l'encontre de l'établissement de son choix -- L'appelant n'était pas libre de disposer comme il l'entendait de la SEH obtenue, mais cela ne permet pas de dire qu'il a été traité différemment -- L'inclusion de la SEH dans le revenu de l'appelant n'entraîne pas une inégalité pour les personnes handicapées.

Droits de la personne -- Le Barreau a rejeté la demande d'aménagements spéciaux présentée par un étudiant atteint de surdité inscrit au cours de formation professionnelle conformément au Code des droits de la personne de l'Ontario -- Le droit d'une personne de recevoir les services demandés semble être un droit inconditionnel, qui ne dépend pas de sa situation financière ni du bien-fondé de sa requête -- Les Subventions pour initiatives spéciales en faveur des étudiants atteints d'un handicap permanent (SEH) accordées par le ministère de l'Éducation et DRHC n'équivalent pas à une obligation de fournir des aménagements spéciaux, parce qu'elles sont réservées aux étudiants qui atteignent un niveau et des résultats satisfaisants et qui ont besoin d'une aide financière -- L'appelant devait exercer ses droits à des aménagements spéciaux contre le Barreau -- Ni DRHC ni le ministère de l'Éducation n'avait envers lui une obligation d'accommodation -- L'inclusion de la SEH dans le revenu de l'appelant n'est pas discriminatoire.

Il s'agissait d'un appel d'une décision de la Cour canadienne de l'impôt qui a conclu que les sommes reçues par l'appelant au titre des Subventions pour initiatives spéciales en faveur des étudiants atteints d'un handicap permanent (SEH) constituaient une bourse d'études au sens de l'alinéa 56(1)n) de la Loi de l'impôt sur le revenu et que l'inclusion de cette bourse par le ministre du Revenu national dans le revenu de l'appelant pour l'année d'imposition 1997 était valide. L'appelant, qui est né avec une surdité, a fréquenté l'école de droit Osgoode Hall de septembre 1994 à avril 1997. Après avoir terminé ses études de droit et obtenu un diplôme de droit, il s'est inscrit au cours de formation professionnelle du Barreau, donné par le Barreau du Haut-Canada. Lorsqu'il s'est inscrit à la phase I du cours de formation professionnelle du Barreau en mai 1997, l'appelant a demandé au Barreau d'assumer les frais des aménagements spéciaux qui lui seraient destinés dans la salle de cours, plus précisément les services d'interprétation du langage gestuel et les services de sous-titrage en temps réel. Le Barreau avait refusé au candidat sa demande de prise en charge. Toutefois, le ministère fédéral de la Justice, où il avait obtenu un emploi comme étudiant stagiaire a accepté de payer les services susdits, mais à la condition que l'appelant demande d'abord une SEH. La SEH est un programme financé conjointement par le ministère de l'Éducation et de la Formation de l'Ontario (le ministère de l'Éducation) à un niveau de 40 p. 100 et par le ministère du Développement des ressources humaines Canada (DRHC) à un niveau de 60 p. 100. On a estimé que l'appelant répondait aux conditions du programme, mais il fut informé par le ministère de l'Éducation que l a somme maximale qu'il pouvait obtenir était de 2 000 $, qu'il a affectée à l'achat de services d'interprétation du langage gestuel, soit un total de 1 978,50 $. Le ministre a inclus la SEH dans le revenu de l'appelant pour 1997, en application de l'alinéa 56(1)n) de la Loi, au motif que la SEH était une bourse. L'appelant a donc dû payer pour cette année-là des impôts additionnels de 588,90 $. Il a fait appel devant la Cour canadienne de l'impôt de la nouvelle cotisation émise par le ministre, en faisant valoir que la SEH n'était pas une « bourse d'études » au sens de l'alinéa 56(1)n) de la Loi. Il a aussi fait valoir que, si la subvention était une bourse d'études, alors l'inclusion de cette subvention dans son revenu portait atteinte aux droits que lui garantissait l'article 15 de la Charte. Le juge de la Cour canadienne de l'impôt a rejeté les deux arguments. Les deux principales questions en litige soulevées en appel sont : 1) la SEH est-elle une « bourse d'études » au sens de l'alinéa 56(1)n) de la Loi?; 2) le cas échéant, la décision de Revenu Canada d'inclure la SEH dans le revenu de l'appelant contrevient-elle au paragraphe 15(1) de la Charte?

Arrêt : l'appel est rejeté.

1) La SEH reçue par l'appelant est une subvention financée conjointement par le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral qui s'adresse aux étudiants handicapés qui répondent aux conditions d'admissibilité. Elle est conçue pour venir en aide aux étudiants handicapés qui sont inscrits dans un programme d'études. Pour être admissible à une SEH en vertu de la Loi fédérale sur l'aide financière aux étudiants (LFAFE) et du Règlement fédéral sur l'aide financière aux étudiants, un candidat doit être inscrit à un établissement d'enseignement, en qualité d'étudiant, et avoir l'intention de fréquenter cet établissement (paragraphe 2(1) de la LFAFE); avoir atteint un niveau et des résultats satisfaisants (alinéa 12(1)a) de la LFAFE); avoir besoin d'aide financière (alinéa 12(1)b) de la LFAFE); avoir besoin d'un service ou d'un équipement exceptionnel lié aux études (alinéa 34(1)d) du Règlement). En tant qu'étudiant atteint de surdité, l'appelant pouvait avoir droit à des aménagements spéciaux de la part de l'établissement d'enseignement qu'il fréquentait, c'est-à-dire le Barreau, en conformité avec le Code des droits de la personne de l'Ontario. Le droit d'une personne de recevoir les services demandés semble être un droit inconditionnel, qui ne dépend pas de la situation financière de l'intéressé ni du bien-fondé de sa requête. Par conséquent, dans la plupart des cas, un établissement d'enseignement devra supporter le coût des services dont un étudiant handicapé a besoin pour continuer ses études. Toutefois, la SEH n'équivaut pas pour le ministère de l'Éducation et pour DRHC à s'acquitter de leur obligation d'accommodation envers l'appelant. Elle est réservée aux étudiants qui atteignent un niveau et des résultats satisfaisants et qui ont besoin d'une aide financière. Par conséquent, les caractéristiques de la SEH sont telles qu'une subvention de ce genre ne peut être assimilée à des aménagements spéciaux. La SEH n'a pas été établie en tant que gratification lorsqu'un établissement d'enseignement néglige pour quelque raison de s'acquitter de son devoir de consentir des aménagements spéciaux à une personne handicapée. Son objet est de permettre à certains étudiants ayant des coûts liés à leur handicap de poursuivre leurs études. Si l'appelant était en quête d'aménagements spéciaux, il aurait dû exercer ses droits contre le Barreau.

L'appelant a fait valoir que la SEH était une subvention d'accommodation et non une bourse d'études au motif qu'il n'était pas libre de dépenser les fonds comme il l'entendait. Le fait que l'appelant n'avait pas la libre disposition des fonds de la SEH, en ce sens qu'il était obligé de les affecter à des services précis, ne modifie pas la nature de la subvention. Son affirmation selon laquelle une subvention ne peut être qualifiée de « bourse d'études » à moins que le bénéficiaire n'ait la libre disposition des fonds ne repose sur aucune autorité, et le sens ordinaire des mots « bourse d'études » et « bursary » n'appuie pas non plus cette affirmation.

Quant à la question de savoir si la SEH est une bourse d'études, les définitions des dictionnaires du mot « bourse » montrent que les bourses d'études sont des subventions accordées aux étudiants qui ont besoin d'une aide financière pour continuer leurs études. L'appelant a fait valoir qu'il n'avait pas en réalité « reçu » les sommes, puisqu'il n'avait été qu'un intermédiaire entre l'école de droit et le ministère de l'Éducation et DRHC. Il n'y a aucun doute que l'appelant a bien reçu une somme de 2 000 $ dont l'objet était de payer les services dont il avait besoin pour assister au cours de formation professionnelle du Barreau. La SEH a été remise à l'appelant par une institution gouvernementale, mais cela aussi est sans rapport avec le point de savoir si elle constitue une bourse. Qu'une subvention soit versée par un organisme public ou privé ne change pas sa nature. L'esprit du paragraphe 56(1) de la Loi s'accorde davantage avec l'objet traditionnel des lois fiscales, c'est-à-dire la collecte de fonds pour faire face aux dépenses publiques : son objet déclaré est d'inclure dans le revenu d'un contribuable certaines sources de revenus, sauf celles qui ont été expressément exemptées par la disposition. L'alinéa 56(1)n) suit cet objectif. Son texte conduit à conclure que ce mot doit recevoir une interprétation libérale. Le mot « bursary », dans la version anglaise, n'est aucunement nuancé. L'expression « bourse d'études », à l'alinéa 56(1)n), montre clairement qu'une « bourse » est liée à la qualité d'étudiant. Les définitions du dictionnaire citées évoquent l'idée d'une aide financière apportée aux étudiants dans le besoin. Un étudiant handicapé qui demande une SEH doit d'abord remplir une demande de prêt canadien pour étudiant à temps partiel ou à temps plein, afin d'établir ses besoins financiers. Les besoins rattachés à l'invalidité sont évalués séparément. Si l'objet véritable d'une bourse d'études est d'apporter une aide financière aux étudiants, alors il n'est pas logique d'exclure de la définition de ce mot les sommes accordées sous condition d'évaluation des besoins financiers. L'objet fondamental d'une bourse d'études est d'apporter une aide à un étudiant, non d'une manière générique, mais expressément pour l'aider à poursuivre ses études. La SEH n'est pas offerte à tous les étudiants handicapés, mais seulement à ceux qui répondent aux critères touchant les études et la situation financière. La SEH accordée à l'appelant entre dans le champ de l'alinéa 56(1)n) de la Loi et, en concluant de la sorte, le juge de la Cour canadienne de l'impôt n'a commis aucune erreur.

2) Le juge de la Cour canadienne de l'impôt a conclu que l'inclusion de la SEH dans le revenu de l'appelant ne portait pas atteinte aux droits que lui confère l'article 15 de la Charte. Le droit de l'appelant à des aménagements spéciaux n'est pas visé par l'analyse de l'alinéa 56(1)n) de la Loi, analyse qui doit être faite dans le contexte de l'article 15. Le droit d'obtenir des aménagements spéciaux concerne l'accès à un service particulier et il doit être exercé contre l'institution à qui il incombe de fournir les aménagements en question. Dans la présente affaire, le droit invoqué par l'appelant est le droit de bénéficier d'aménagements spéciaux dans la salle de classe tant qu'il suit le cours de formation professionnelle du Barreau. L'obligation correspondante de consentir des aménagements spéciaux à l'appelant semble être celle du Barreau, en raison des dispositions applicables du Code des droits de la personne de l'Ontario. Si l'obligation de consentir des aménagements spéciaux dans la salle de classe est exécutoire à l'encontre d'un organe gouvernemental par l'effet de l'article 15 de la Charte, ce doit nécessairement être dans les cas où il incombe à un organe public d'offrir l'enseignement en question. La question précise soulevée en l'espèce était celle de savoir si l'inclusion de la SEH dans le revenu de l'appelant en application de l'alinéa 56(1)n) de la Loi est discriminatoire. Selon le premier volet du critère établi par l'arrêt Law c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), pour savoir s'il y a eu discrimination, il s'agissait de se demander si cette disposition fait, entre l'appelant et les autres étudiants, une distinction fondée sur une ou plusieurs caractéristiques personnelles ou si elle entraîne entre eux une différence réelle de traitement fondée sur de telles caractéristiques parce qu'elle ne tient pas compte de la position déjà défavorisée de l'appelant. L'alinéa 56(1)n) ne fait aucune distinction entre les bénéficiaires d'une SEH et les bénéficiaires d'autres SEH. Il fallait donc apprécier si la disposition négligeait de tenir compte de la position défavorisée du bénéficiaire de la SEH au sein de la société canadienne, c'est-à-dire évaluer l'effet préjudiciable possible de la disposition. Le droit de l'appelant d'obtenir des services spéciaux n'est pas un droit générique exécutoire à l'encontre de l'établissement de son choix. La SEH ne lui a pas été versée uniquement en raison de son handicap. Il a reçu la subvention parce qu'il avait un handicap, parce qu'il manquait de ressources pour continuer ses études et parce qu'il avait atteint un niveau et des résultats satisfaisants. Le droit de l'appelant à des aménagements spéciaux est hors de propos, puisque ni DRHC ni le ministère de l'Éducation n'avaient envers lui une obligation. L'inclusion de la bourse d'études dans le revenu de l'appelant, par rapport à l'inclusion d'autres bourses d'études dans le revenu d'un contribuable, n'avait pas d'effet discriminatoire. L'appelant n'était pas libre de disposer comme il l'entendait de la SEH, en raison des exigences du programme, mais cela ne permet pas de dire qu'il a été traité différemment. L'appelant n'a pas saisi la similitude entre sa situation et celle d'autres groupes. L'inclusion de la SEH dans le revenu de l'appelant n'a pas entraîné une « différence réelle de traitement » fondée sur ses caractéristiques personnelles, ou une inégalité pour les personnes handicapées.

lois et règlements cités

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 1, 15.

Code des droits de la personne, L.R.O. 1990, ch. H.19, art. 1 (mod. par L.O. 1999, ch. 6, art. 28; 2001, ch. 32, art. 27(A)), 8, 17(1) (mod., idem), (2) (mod. par L.O. 2002, ch. 18, ann. C, art. 3), (3) (mod., idem), (4) (mod. par L.O. 1994, ch. 27, art. 65; 2002, ch. 18, ann. C, art. 1), 24(1) (mod. par L.O. 1999, ch. 6, art. 28; 2001, ch. 32, art. 27(A)), (2) (mod. par L.O. 2002, ch. 18, ann. C, art. 4), (3) (mod., idem).

Hospital Insurance Act, R.S.B.C. 1996, ch. 204.

Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, art. 56(1)n) (mod. par L.C. 1994, ch. 7, ann. II, art. 32), u) (mod., idem; 1998, ch. 19, art. 97; 2000, ch. 12, ann. 2, art. 1, 7(A), 12), 110(1)f) (mod. par L.C. 1994, ch. 21, art. 49; ch. 7, ann. II, art. 78; ann. VIII, art. 45).

Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63.

Loi fédérale sur l'aide financière aux étudiants, L.C. 1994, ch. 28, art. 2(1) « étudiant admissible » (mod. par L.C. 2003, ch. 15, art. 9), 12.

Règlement fédéral sur l'aide financière aux étudiants, DORS/95-329, art. 34 (mod. par DORS/96-368, art. 21, 22; 2002-219, art. 1, 6).

jurisprudence citée

décisions appliquées :

Québec (Communauté urbaine) c. Corp. Notre-Dame de Bon-Secours, [1994] 3 R.C.S. 3; [1995] 1 C.T.C. 241; (1994), 95 DTC 5017; 171 N.R. 161; 63 Q.A.C. 161; Law c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497; (1999), 170 D.L.R. (4th) 1; 43 C.C.E.L. (2d) 49; 236 N.R. 1.

décisions différenciées :

Granovsky c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [2000] 1 R.C.S. 703; (2000), 186 D.L.R. (4th) 1; 50 C.C.E.L. (2d) 177; 253 N.R. 329; 2000 CSC 28; Nouvelle-Écosse (Workers' Compensation Board) c. Martin; Nouvelle-Écosse (Workers' Compensation Board) c. Laseur, [2003] 2 R.C.S. 504; (2003), 217 N.S.R. (2d) 301; 231 D.L.R. (4th) 385; 4 Admin. L.R. (4th) 1; 29 C.C.E.L. (3d) 1; 110 C.R.R. (2d) 233; 310 N.R. 22; 2003 CSC 54.

décisions examinées :

Jones c. R., [2002] 3 C.T.C. 2483 (C.C.I.); R. c. Savage, [1983] 2 R.C.S. 428; [1983] CTC 393; (1983), 83 DTC 5409; 50 N.R. 321; Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1997] 3 R.C.S. 624; (1997), 151 D.L.R. (4th) 577; 96 B.C.A.C. 81; 218 N.R. 161; Eaton c. Conseil scolaire du comté de Brant, [1997] 1 R.C.S. 241; (1997), 31 O.R. (3d) 574; 142 D.L.R. (4th) 385; 207 N.R. 171.

décision citée :

Morin, J-P c. La Reine, [1975] CTC 106; (1974), 75 DTC 5061 (C.F. 1re inst.).

doctrine citée

Grand Robert de la langue française : dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, 2e éd. Paris : Dictionnaires Le Robert, 1992, « bourse ».

ITP Nelson Canadian Dictionary of the English Language. Toronto : ITP Nelson, 1997, « bursary ».

New Oxford Dictionary of English. Oxford : Clarendon Press, 1998, « bursary ».

Politique et directives concernant le handicap et l'obligation d'accommodement, section 3.4 « Obligations et responsabilités dans le processus d'adaptation », en ligne : Commission ontarienne des droits de la personne <http ://www.ohrc.on.ca/french/ publications/disability-policy.shtml>.

Shorter Oxford English Dictionary on Historical Principles, 5th ed. Oxford : Oxford University Press, 2002, « bursary ».     

Une chance de réussir : Éliminer les obstacles à l'éducation pour les personnes handicapées (Rapport de consultation), en ligne : <http ://www.ohrc.on.ca/ french/consultations/ed-consultation-report.pdf>.

APPEL d'une décision de la Cour canadienne de l'impôt ((2003), 106 C.R.R. (2d) 189; [2003] 4 C.T.C. 2378; 2003 DTC 617; 2003 CCI 366) selon laquelle les sommes reçues par l'appelant au titre des Subventions pour initiatives spéciales en faveur des étudiants atteints d'un handicap permanent constituaient une bourse d'études au sens de l'alinéa 56(1)n) de la Loi de l'impôt sur le revenu et donc que l'inclusion de cette bourse par le ministre du Revenu national dans le revenu de l'appelant pour l'année d'imposition 1997 était valide. Appel rejeté.

ont comparu :

Scott Simser et Matthew G. Williams pour l'appelant.

Tracey M. Telford pour l'intimée.

Dianne Wintermute et William Holder pour l'intervenante.

avocats inscrits au dossier :

Scott Simser, Ottawa, pour son propre compte.

Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée.

ARCH : un centre de ressources juridiques pour les personnes handicapées, Toronto, pour l'interve-nante.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]Le juge Nadon, J.C.A. : Il s'agit d'un appel d'une décision du juge suppléant Rowe, de la Cour canadienne de l'impôt, en date du 22 mai 2003 [(2003), 106 C.R.R. (2d) 189], qui a conclu que les sommes reçues par l'appelant au titre des Subventions pour initiatives spéciales en faveur des étudiants atteints d'un handicap permanent (la subvention pour étudiants handicapés, ou SEH) constituaient une bourse d'études au sens de l'alinéa 56(1)n) [mod. par L.C. 1994, ch. 7, ann. II, art. 32] de la Loi de l'impôt sur le revenu [L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1] (la Loi) et donc que l'inclusion de cette bourse par le ministre du Revenu national (le ministre) dans le revenu de l'appelant pour l'année d'imposition 1997 était valide.

[2]Le juge de la Cour de l'impôt a aussi conclu que l'inclusion de la SEH dans le revenu de l'appelant ne portait pas atteinte aux droits que lui garantit l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]] (la Charte).

Les faits

[3]L'appelant est né avec une surdité profonde. De septembre 1994 à avril 1997, il a fréquenté l'école de droit Osgoode Hall et, après avoir terminé ses études de droit et obtenu un diplôme de droit, il s'est inscrit au cours de formation professionnelle du Barreau, donné par le Barreau du Haut-Canada (le Barreau).

[4]Avant son inscription au cours de formation professionnelle du Barreau, l'appelant avait bénéficié gratuitement de services qui tenaient compte de son handicap. Lorsqu'il s'est inscrit à la phase I du cours de formation professionnelle du Barreau en mai 1997, l'appelant a demandé au Barreau d'assumer les frais des aménagements spéciaux qui lui seraient destinés dans la salle de cours. Plus précisément, l'appelant avait demandé au Barreau de payer les services d'interpré-tation du langage gestuel et les services de sous-titrage en temps réel, qui consistent dans la retranscription écrite simultanée du discours.

[5]Le Barreau avait refusé au candidat sa demande de prise en charge. Celui-ci a donc présenté une demande semblable au ministère fédéral de la Justice, où il avait obtenu un emploi comme étudiant stagiaire. Le ministère de la Justice avait accepté de payer les services susdits, mais à la condition que l'appelant demande d'abord une SEH.

[6]Je ferais remarquer que la SEH était un programme financé conjointement par le ministère de l'Éducation et de la Formation de l'Ontario (le ministère de l'Éducation) à un niveau de 40 p. 100 et par le ministère du Développement des ressources humaines Canada (DRHC) à un niveau de 60 p. 100. L'aide financière avait été à l'origine conçue par le gouverne-ment du Canada en tant que subvention pour initiatives spéciales (SIS) (plus tard une subvention canadienne pour études) à l'intention des étudiants atteints d'un handicap permanent. Le gouvernement de l'Ontario la désignait dans la province de l'Ontario comme une bourse d'études pour personnes handicapées (BEPH). Les conditions de la subvention étaient que le bénéficiaire soit considéré comme un étudiant ayant besoin d'une aide financière et que les fonds soient affectés à certaines catégories de dépenses liées au handicap. Il fallait aussi que des reçus soient produits dans les 30 jours suivant la dépense.

[7]L'appelant a donc présenté une demande d'aide financière de 3 625 $ en vertu du programme des SEH. On a estimé qu'il répondait aux conditions du programme, mais il fut informé par le ministère de l'Éducation que la somme maximale qu'il pouvait obtenir était de 2 000 $. Le ministère de l'Éducation a finalement délivré à l'appelant, pour la subvention, un formulaire T-4A pour 1997 (État des pensions de retraite, des rentes et autres revenus).

[8]Durant la première phase du cours de formation professionnelle du Barreau, l'appelant a consacré une somme totale de 4 341,65 $ à l'achat de mesures d'adaptation. Il a affecté la SEH de 2 000 $ à l'achat de services d'interprétation du langage gestuel, soit un total de 1 978,50 $. Pour le reste de ses frais, c'est-à- dire 2 363,15 $, ils ont été payés par le ministère de la Justice. Environ 35 p. 100 des dépenses totales de l'appelant concernaient le sous-titrage en temps réel, dont les trois quarts pour l'interprétation du langage gestuel.

[9]Le ministre a donc inclus la SEH dans le revenu de l'appelant pour 1997, en application de l'alinéa 56(1)n) de la Loi, au motif que la SEH était une bourse. L'appelant a donc dû payer pour cette année-là des impôts additionnels de 588,90 $.

[10]La réglementation applicable à l'année d'imposition 1997 prévoyait que les premiers 500 $ d'une bourse ou d'une indemnité étaient exonérés d'impôt. Ainsi, s'agissant de la subvention de 2 000 $ reçue par l'appelant, seule une somme de 1 500 $ était imposable. Également, en application du régime fiscal applicable à l'année 1997, les frais d'interprétation du langage gestuel entraient dans la catégorie des frais médicaux admissibles aux fins du crédit d'impôt pour frais médicaux, mais les services de sous-titrage en temps réel n'entraient pas dans cette catégorie.

[11]Au moment de produire sa déclaration de revenus pour l'année 1997, l'appelant s'est délibérément abstenu d'inclure la subvention de 2 000 $ dans son revenu, estimant qu'il serait discriminatoire de soumettre à l'impôt les sommes reçues. Il n'a pas non plus inclus comme frais médicaux, dans sa déclaration de revenus, les frais d'interprétation du langage gestuel.

[12]L'appelant a fait appel devant la Cour de l'impôt de la nouvelle cotisation émise par le ministre, en faisant valoir que la SEH n'était pas une « bourse d'études » au sens de l'alinéa 56(1)n) de la Loi. Il a aussi fait valoir, à titre subsidiaire, que, si la subvention était une bourse d'études, alors l'inclusion de cette subvention dans son revenu portait atteinte aux droits que lui garantissait l'article 15 de la Charte. Le juge de la Cour de l'impôt a rejeté les deux arguments de l'appelant. La décision est [aussi] publiée à 2003 CCI 366.

[13]J'ajouterais que, par une ordonnance datée du 8 avril 2004, le juge Stone, J.C.A. a accordé le statut d'intervenant à la Société canadienne de l'ouïe.

Points litigieux

1. La SEH est-elle une « bourse d'études » au sens de l'alinéa 56(1)n) de la Loi?

2. Si la réponse à la première question est affirmative, la décision de Revenu Canada d'inclure la SEH dans le revenu de l'appelant contrevient-elle au paragraphe 15(1) de la Charte?

3. Si la réponse à la deuxième question est affirmative, la contravention constitue-t-elle une limite raisonnable en vertu de l'article premier de la Charte?

Dispositions applicables

[14]Les dispositions législatives applicables au présent appel sont les suivantes :

Loi de l'impôt sur le revenu [art. 56(1)u) (mod. par L.C. 1994, ch. 7, ann. II, art. 32; 1998, ch. 19, art. 97(5); 2000, ch. 12, ann. 2, art. 1, 7(A), 12)]

56. (1) Sans préjudice de la portée générale de l'article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition :

[. . .]

n) l'excédent éventuel :

(i) du total des sommes (à l'exclusion des sommes visées à l'alinéa q), des sommes reçues dans le cours des activités d'une entreprise et des sommes reçues au titre, dans l'occupation ou en vertu d'une charge ou d'un emploi) reçues au cours de l'année par le contribuable à titre de bourse d'études, de bourse de perfectionnement (fellowship) ou de récompense couronnant une oeuvre remarquable réalisée dans son domaine d'activité habituel, à l'exclusion d'une récompense visée par règlement,

sur le plus élevé de 500 $ et du total des montants dont chacun représente le moins élevé des montants suivants :

(ii) le montant visé au sous-alinéa (i) pour l'année au titre d'une bourse d'études, d'une bourse de perfection-nement (fellowship) ou d'une récompense dont le contribuable doit se servir dans la production d'une oeuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique,

(iii) le total des montants dont chacune représente une dépense que le contribuable a engagée au cours de l'année en vue de remplir les conditions aux termes desquelles le montant visé au sous- alinéa (ii) a été reçu, à l'exception :

(A) de ses frais personnels ou de subsistance sauf ses frais de déplacement, de repas et de logement engagés en vue de remplir ces conditions, pendant qu'il était absent de son lieu de résidence habituel pour la période visée par la bourse d'études, de perfection-nement (fellowship) ou la récompense,

(B) des dépenses qui lui ont été remboursées;

(C) des dépenses déductibles par ailleurs dans le calcul de son revenu;

[. . .]

u) la prestation d'assistance sociale payée après examen des ressources, des besoins et du revenu et reçue au cours de l'année par une des personnes suivantes, sauf dans la mesure où elle est à inclure par ailleurs dans le calcul du revenu de ces personnes pour une année d'imposition :

(i) le contribuable, à l'exclusion d'un contribuable marié ou vivant en union de fait qui habite avec son époux ou conjoint de fait au moment de la réception du paiement et dont le revenu pour l'année est inférieur à celui de son époux ou conjoint de fait pour l'année,

(ii) l'époux ou conjoint de fait du contribuable avec qui celui-ci habite au moment de la réception du paiement, si le revenu de l'époux ou conjoint de fait pour l'année est inférieur à celui du contribuable pour l'année; [Le souligné est le mien.]

Loi fédérale sur l'aide financière aux étudiants, L.C. 1994, ch. 28 [art. 2(1) (mod. par L.C. 2003, ch. 15, art. 9)]

2. (1) [. . .]

« étudiant admissible ». S'entend de quiconque, à la fois :

a) est un citoyen canadien, un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés ou une personne protégée au sens du paragraphe 95(2) de cette loi;

b) est inscrit ou remplit les conditions d'inscription à un établissement agréé, en qualité d'étudiant à temps plein ou d'étudiant à temps partiel, pour une période d'études au niveau postsecondaire;

c) a l'intention de suivre, à temps plein ou partiel, les cours d'un tel établissement, pour cette période d'études, s'il a les moyens financiers pour le faire.

[. . .]

12. (1) Sous réserve des règlements, l'autorité compétente visée à l'alinéa 3(1)a) peut, sur demande de l'étudiant admissible, lui délivrer ou faire délivrer, en la forme déterminée par le ministre, un certificat d'admissibilité pour une période d'études donnée dans un établissement agréé situé au Canada ou à l'extérieur du pays, si elle estime que :

a) d'une part, il a atteint un niveau et des résultats satisfaisants;

b) d'autre part, il a besoin d'aide financière.

(2) Si tel est le cas, l'autorité compétente détermine le montant nécessaire à l'étudiant; ce montant prend notamment en compte le programme d'études auquel l'étudiant admissible est inscrit, les frais de fournitures scolaires, ainsi que le fait que l'étudiant admissible fréquente un établissement agréé situé à l'extérieur de sa province de résidence.

(3) Le certificat d'admissibilité doit préciser le numéro d'assurance sociale de l'étudiant admissible et le plafond de l'aide financière qui peut lui être octroyée.

(4) Dans le cas d'un étudiant à temps plein, le plafond pour la province du prêt d'études visé par les règlements pris en vertu de l'alinéa 15j) est le moindre des éléments suivants :

a) le montant qui représente le plafond réglementaire pour la province;

b) le produit des éléments suivants :

(i) le montant visé au paragraphe (2),

(ii) le pourcentage réglementaire pour la province.

(5) Le plafond visé à l'alinéa 4a) peut être rajusté annuellement par application du facteur de progression déterminé selon la formule réglementaire.

(6) Dans le cas d'un étudiant à temps partiel, le plafond du prêt d'études pour la province est celui déterminé par règlement.

(7) Le montant maximal de toute autre aide financière est fixé par règlement ou calculé conformément aux formules réglementaires.

(8) Le montant maximal de l'aide financière, quand un certificat d'admissibilité n'est pas requis, est fixé par règlement ou calculé conformément aux formules réglementaires.

Règlement fédéral sur l'aide financière aux étudiants, DORS/95-329 [art. 34 (mod. par DORS/96-368, art. 21, 22; 2002-219, art. 1, 6)]

Subventions pour étudiants ayant une invalidité permanente

34. (1) L'autorité compétente ou l'entité autorisée par le ministre à agir pour une province peut octroyer une subvention canadienne aux fins d'études à un étudiant admissible, si celui-ci :

a) a une invalidité permanente;

b) répond aux critères énoncés au paragraphe 12(1) de la Loi;

c) ne fait pas l'objet d'un refus de prêt d'études en vertu de l'article 15;

d) a besoin, afin d'exercer les activités quotidiennes nécessaires à la poursuite d'études de niveau postsecon-daire, d'un service ou d'un équipement exceptionnel mentionné dans la Liste des services et des équipements exceptionnels admissibles, compte tenu de ses modifications successives, publiée dans la Gazette du Canada Partie I;

e) a utilisé les subventions qui lui ont été préalablement octroyées aux termes du présent article aux fins prévues.

(2) L'étudiant admissible doit, pour obtenir une subvention en vertu du présent article :

a) remettre à l'autorité compétente ou à l'entité autorisée une demande de subvention dûment remplie, sur le formulaire établi par le ministre;

b) joindre à sa demande de subvention une preuve de son invalidité permanente, sous l'une des formes suivantes :

(i) un certificat médical,

(ii) une évaluation psychopédagogique,

(iii) un document attestant qu'il reçoit une allocation d'invalidité fédérale ou provinciale;

c) joindre à sa demande de subvention une attestation portant qu'il a besoin, pour suivre des études, d'un service ou d'un équipement exceptionnel, signée par une personne qualifiée pour déterminer ce besoin.

(3) Le montant total maximal des subventions octroyées à un étudiant admissible en vertu du présent article est, pour chaque année de prêt, de 8 000 $.

Code des droits de la personne de l'Ontario, L.R.O. 1990, c. H.19 [art. 1 (mod. par L.O. 1999, ch. 6, art. 28, 2001, ch. 32, art. 27(1)(A)), 8, 17(1) (mod. idem, art. 27(5)(A)), (2) (mod. par L.O. 2002, ch. 18, ann. C, art. 3), (3) (mod., idem), (4) (mod. par L.O. 1994, ch. 27, art. 65; 2002, ch. 18, ann. C, art. 1), 24(1) (mod. par L.O. 1999, ch. 6, art. 28; 2001, ch. 32, art. 27(5)(A)), (2) (mod. par L.O. 2002, ch. 18, ann. C, art. 4), (3) (mod., idem)]

1 Toute personne a droit à un traitement égal en matière de services, de biens ou d'installations, sans discrimination fondée sur la race, l'ascendance, le lieu d'origine, la couleur, l'origine ethnique, la citoyenneté, la croyance, le sexe, l'orientation sexuelle, l'âge, l'état matrimonial, le partenariat avec une personne de même sexe, l'état familial ou un handicap.

[. . .]

8 Toute personne a le droit de revendiquer et de faire respecter les droits que lui reconnaît la présente loi, d'introduire des instances aux termes de la présente loi et d'y participer, et de refuser de porter atteinte à un droit reconnu à une autre personne par la présente loi, sans représailles ni menaces de représailles.

[. . .]

17 (1) Ne constitue pas une atteinte à un droit d'une personne reconnu dans la présente loi le fait que cette personne est incapable, à cause d'un handicap, de s'acquitter des obligations ou de satisfaire aux exigences essentielles inhérentes à l'exercice de ce droit.

(2) La Commission, le Tribunal ou un tribunal judiciaire ne doit pas conclure qu'une personne est incapable, à moins d'être convaincu que la personne à laquelle il incombe de tenir compte des besoins de cette personne ne peut le faire sans subir elle-même un préjudice injustifié, compte tenu du coût, des sources extérieures de financement, s'il en est, et des exigences en matière de santé et de sécurité, le cas échéant.

(3) La Commission, le Tribunal ou un tribunal judiciaire tient compte des normes prescrites par les règlements pour évaluer ce qui constitue un préjudice injustifié.

(4) Si, après avoir enquêté sur une plainte, la Commission décide que les preuves ne justifient pas que la question faisant l'objet de la plainte soit renvoyée au Tribunal en raison de l'application du paragraphe (1), elle peut néanmoins tenter d'amener les parties à accepter un règlement relativement aux obligations ou exigences.

[. . .]

24-- (1) Ne constitue pas une atteinte au droit, reconnu à l'article 5, à un traitement égal en matière d'emploi le fait :

a)     qu'un organisme ou un groupement religieux, philanthropique, éducatif, de secours mutuel ou social dont le principal objectif est de servir les intérêts de personnes identifiées par la race, l'ascendance, le lieu d'origine, la couleur, l'origine ethnique, la croyance, le sexe, l'âge, l'état matrimonial, le partenariat avec une personne de même sexe ou un handicap n'emploie que des personnes ainsi identifiées ou leur accorde la préférence si cette qualité requise est exigée de façon raisonnable et de bonne foi compte tenu de la nature de l'emploi;

b)     que la discrimination en matière d'emploi repose sur des raisons fondées sur l'âge, le sexe, l'existence d'un casier judiciaire, l'état matrimonial ou le partenariat avec une personne de même sexe, si l'âge, le sexe, le casier judiciaire, l'état matrimonial ou le partenariat avec une personne de même sexe du candidat constitue une qualité requise qui est exigée de façon raisonnable et de bonne foi compte tenu de la nature de l'emploi

c)     qu'un particulier refuse d'employer une personne pour des raisons fondées sur un motif illicite de discrimination précisé à l'article 5 si les principales fonctions reliées à l'emploi consistent à dispenser des soins médicaux ou personnels au particulier ou à un de ses enfants malade ou à son conjoint, partenaire de même sexe ou parent âgé, infirme ou malade;

d)     qu'un employeur accorde ou refuse un emploi ou une promotion à une personne qui est son conjoint, son partenaire de même sexe, son enfant ou son père ou sa mère ou à une personne qui est le conjoint, le partenaire de même sexe, l'enfant ou le père ou la mère d'un employé.

(2)     La Commission, le Tribunal ou un tribunal judiciaire ne doit pas conclure qu'une qualité requise aux termes de l'alinéa (1) b) est exigée de façon raisonnable et de bonne foi, à moins d'être convaincu que la personne à laquelle il incombe de tenir compte de la situation de la personne ne peut le faire sans subir elle-même un préjudice injustifié, compte tenu du coût, des sources extérieures de financement, s'il en est, et des exigences en matière de santé et de sécurité, le cas échéant.

(3)     La Commission, le Tribunal ou un tribunal judiciaire tient compte des normes prescrites par les règlements pour évaluer ce qui constitue un préjudice injustifié.

Analyse

[15]J'examinerai maintenant le premier point : la SEH est-elle une bourse d'études au sens de l'alinéa 56(1)n) de la Loi?

[16]L'appelant invoque trois arguments pour dire que la SEH n'est pas une bourse d'études. D'abord, il fait valoir que le ministère de l'Éducation l'a à tort qualifiée de bourse d'études plutôt que de subvention d'accommodation. Il soutient aussi que la SEH ne saurait participer d'une bourse d'études puisqu'il n'était pas libre de la dépenser comme bon lui semblait, à cause des strictes catégories de dépenses auxquelles il était astreint et à cause de l'obligation pour lui de produire des reçus. Finalement, l'appelant nous invite à conclure que la SEH résulte d'une obligation d'accommodation dont il est créancier et qu'elle ne dépend pas de l'inscription à un programme d'études. L'intimée ne partage pas l'avis de l'appelant et affirme que le juge de la Cour de l'impôt n'a pas commis d'erreur lorsqu'il a dit que la SEH était une bourse d'études.

[17]Avant d'examiner les conclusions de l'appelant, il importe de garder à l'esprit les caractéristiques de la SEH reçue par l'appelant. Il s'agit d'une subvention financée conjointement par le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral. Cette subvention s'adresse aux étudiants handicapés qui répondent aux conditions d'admissibilité. Il ressort clairement des dispositions applicables de la Loi fédérale sur l'aide financière aux étudiants, L.C. 1994, ch. 28 (la LFAFE), et du Règlement fédéral sur l'aide financière aux étudiants DORS/95-329 (le Règlement), que la SEH est conçue pour venir en aide aux étudiants handicapés qui sont inscrits dans un programme d'études. Pour être admissible à une SEH, un candidat doit :

a) être inscrit et remplir les conditions d'inscription à un établissement d'enseignement, en qualité d'étudiant, et avoir l'intention de fréquenter cet établissement (paragraphe 2(1) de la LFAFE);

b) avoir atteint un niveau et des résultats satisfaisants (alinéa 12(1)a) de la LFAFE);

c) avoir besoin d'aide financière (alinéa 12(1)b) de la LFAFE);

d) avoir besoin d'un service ou d'un équipement exceptionnel lié aux études (alinéa 34(1)d) du Règlement).

[18]Dans ses première et troisième prétentions, l'appelant dit que la SEH est une subvention d'accommodation, non une bourse d'études. Sa deuxième prétention va pratiquement dans le même sens. Il fait valoir qu'il n'est pas libre de dépenser les sommes comme il l'entend et, à son avis, cela montre clairement que la SEH n'est pas rattachée à un programme d'études postsecondaires, mais résulte plutôt d'une obligation d'accommodation que le ministère de l'Éducation et DRHC ont envers lui.

[19]Bien qu'il soit disposé à reconnaître que cette obligation incombait surtout au Barreau, l'appelant dit que le ministère de l'Éducation et DRHC avaient eux aussi l'obligation de veiller à ce qu'il bénéficie d'aménagements spéciaux. Il invoque notamment à l'appui de cette prétention la Politique et directives concernant le handicap et l'obligation d'accommode-ment de la Commission ontarienne des droits de la personne. Cette politique prévoit ce qui suit, dans sa section 3.4 :

Le processus d'adaptation est une responsabilité partagée. Toutes les parties en cause devraient s'y engager dans un esprit de collaboration, partager l'information disponible et se prévaloir des solutions possibles.

[20]De l'avis de l'appelant, la SEH constitue un [traduction] « coup de pouce financier » donné par le gouvernement aux universités et aux collèges pour qu'ils puissent remplir leur obligation de venir en aide aux étudiants handicapés. Cela le conduit à dire que le lien entre l'objet du financement des aménagements spéciaux et le motif de discrimination proscrit par l'article 15 de la Charte était d'une importance telle qu'il n'est pas possible de considérer la SEH comme une bourse d'études. Finalement, l'appelant fait valoir que, si l'on s'en tient au sens ordinaire de l'expression « bourse d'études », la subvention doit avoir pour objet de permettre à un étudiant de poursuivre ses études. Par conséquent, on ne saurait dire que la SEH a été conçue pour atteindre cet objet.

[21]Le juge de la Cour de l'impôt a rejeté les conclusions de l'appelant. Selon lui, il existait un lien évident entre la SEH et les études poursuivies par celui qui la reçoit. À mon avis, la conclusion du juge de la Cour de l'impôt est correcte. Les arguments de l'appelant oublient qu'un candidat ne peut pas obtenir une SEH à moins qu'il ne soit un étudiant qui a atteint un niveau d'études satisfaisant et qui a besoin d'une aide financière. Ainsi, un étudiant handicapé qui ne répond pas aux conditions fixées devra acheter les services nécessaires à même ses propres ressources, ou trouver une autre source de financement.

[22]En tant qu'étudiant atteint de surdité, l'appelant pouvait fort bien avoir droit à des aménagements spéciaux de la part de l'établissement d'enseignement qu'il fréquentait, c'est-à-dire le Barreau. Son argument en faveur de son droit à tels aménagements serait que, en conformité avec le Code des droits de la personne de l'Ontario, L.R.O. 1990, ch. H.19 (le Code de l'Ontario), le Barreau, comme tout autre établissement d'enseignement, a l'obligation de procurer à l'appelant les services qui, en raison de son handicap, sont nécessaires pour lui permettre de poursuivre ses études (voir les articles 1, 8 et 17 du Code de l'Ontario).

[23]Sauf les cas où un établissement d'enseignement prouve qu'il subirait une contrainte excessive s'il devait fournir les services dont a besoin un étudiant, il semblerait que le droit d'une personne de recevoir les services demandés est un droit inconditionnel, qui ne dépend pas de la situation financière de l'intéressé ni du bien-fondé de sa requête. Par conséquent, dans la plupart des cas, un établissement d'enseignement devra supporter le coût des services dont a besoin un étudiant handicapé pour continuer ses études (voir les paragraphes 17(2) et 24(2) du Code de l'Ontario). Cette obligation est expliquée par la Commission ontarienne des droits de la personne dans un document intitulé Une chance de réussir : Éliminer les obstacles à l'éducation pour les personnes handicapées (Rapport de consultation), approuvé par la Commission le 30 juillet 2003. La Commission s'exprime ainsi, à la page 53 :

Ces collèges [privés d'enseignement professionnel], les universités privées et les organismes de réglementation professionnelle, comme tous les autres établissements postsecondaires, sont assujettis au Code. Ils sont tenus de fournir un traitement égal en matière de services, sans discrimination fondée sur un handicap. Cela signifie qu'ils doivent fournir des adaptations aux étudiants handicapés, dans la mesure où ils ne subissent pas de préjudice injustifié. Le coût des mesures d'adaptation ne peut être considéré comme entraînant un tel préjudice que s'il est assez élevé pour modifier profondément la nature de l'entreprise ou affecter sa viabilité.

[24]À mon avis cependant, on ne saurait dire que la SEH équivaut pour le ministère de l'Éducation et pour DRHC à s'acquitter de leur obligation d'accommodation envers l'appelant. Il est vrai que la SEH sera versée aux étudiants handicapés qui ont « besoin, afin d'exercer les activités quotidiennes nécessaires à la poursuite d'études de niveau postsecondaire, d'un service ou d'un équipement exceptionnel (DORS/95-329, alinéa 34(1)d) (mod. par DORS/96-368, art. 22)), mais la subvention est réservée aux étudiants qui atteignent un niveau et des résultats satisfaisants et qui ont besoin d'une aide financière (voir les alinéas 12(1)a) et b) de la Loi fédérale sur l'aide financière aux étudiants. Par ailleurs, un tel étudiant doit apporter une preuve documentaire attestant qu'il reçoit une allocation d'invalidité fédérale ou provinciale. Par conséquent, je suis persuadé que les caractéristiques de la SEH sont telles qu'une subvention de ce genre ne peut être assimilée à des aménagements spéciaux. La SEH n'a pas été établie en tant que gratification lorsqu'un établissement d'enseignement néglige pour quelque raison de s'acquitter de son devoir de consentir des aménagements spéciaux à une personne handicapée. Autrement, cela voudrait dire que le créancier d'une telle obligation pourrait dans les faits céder sa qualité de créancier de l'obligation à une autre personne ou institution.

[25]Je suis d'avis que la SEH procède de la décision du gouvernement d'apporter une aide financière à certains étudiants pour les coûts liés à leur handicap, aide financière dont l'objet est de leur permettre de poursuivre leurs études, et cela bien que les établissements d'enseignement puissent être tenus de consentir des aménagements spéciaux à ces étudiants.

[26]Je suis d'avis que, si l'appelant est en quête d'aménagements spéciaux, il doit exercer ses droits contre le Barreau. Au paragraphe 18 de son mémoire, l'appelant dit que le Barreau avait envers lui une obligation d'accommodation, mais que, vu le refus du Barreau de s'en acquitter et vu le choix qu'avait l'appelant d'engager des poursuites contre le Barreau ou bien [traduction] « d'accepter l'aide représentée par la subvention pour initiatives spéciales, il était inévitable que [l'appelant] décide d'opter pour la subvention ». Je voudrais souligner qu'ici je ne dis pas, ni ne veux donner à entendre, que l'appelant aurait gain de cause contre le Barreau. Comme nous ne sommes pas saisis de la question et que par conséquent le Barreau n'est pas partie à la présente instance, il ne nous appartient pas de nous prononcer sur cet aspect.

[27]Le deuxième argument avancé par l'appelant pour dire que la SEH n'est pas une bourse d'études est le fait qu'il n'est pas libre de dépenser les fonds comme il l'entend, comme ce serait le cas pour une bourse d'excellence, une bourse d'études ou un prix en espèces. Selon lui, alors que les bourses d'études et autres sont des prix en espèces, « sans attaches » ou consistent en une réduction des frais de scolarité ou du prix d'achat de livres, la SEH contient de strictes catégories de dépenses et requiert la production de reçus.

[28]L'appelant accorde beaucoup d'importance au fait qu'il était tenu de dépenser les sommes reçues au titre de la SEH pour acheter des services d'interprétation du langage gestuel et des services de sous-titrage en temps réel, services dont il avait besoin en raison de son handicap. C'est pour cette raison que, selon l'appelant, la SEH était une subvention d'accommodation et non une bourse d'études.

[29]L'intimée signale l'existence d'autres bourses d'études réservées aux personnes handicapées, et le fait que ces bourses d'études sont toutes incluses dans le revenu du contribuable. Cependant, les sommes payées au titre de ces bourses d'études ne sont pas réservées à des dépenses précises. La seule exception à cela semble être la bourse pour frais de garde d'enfants du Régime d'aide financière aux étudiants de l'Ontario (RAFEO). L'objectif déclaré de la bourse pour frais de garde d'enfants est d'« aider les étudiantes et étudiants à assumer les frais entraînés par la garde de trois enfants ou plus ». Selon le régime, le fournisseur de soins aux enfants doit facturer les soins à l'étudiant, inscrire dans sa déclaration de revenus les frais perçus et remettre à l'étudiant des reçus RAFEO dûment remplis de frais de garde d'enfants, pour les frais perçus. Autrement dit, les conditions de la subvention obligent l'étudiant à prouver qu'il a affecté les sommes reçues à des services précis.

[30]Le juge a conclu, et je partage entièrement son avis, que « [l]'étendue du pouvoir discrétionnaire concernant l'utilisation des fonds n'a aucun effet en ce qui concerne la nature du paiement » (2003 CCI 366, paragraphe 46 de ses motifs). À mon avis, le fait que l'appelant n'avait pas la libre disposition des fonds de la SEH, en ce sens qu'il était obligé de les affecter à des services précis, ne modifie pas la nature de la subvention. Au demeurant, l'affirmation de l'appelant selon laquelle une subvention ne peut être qualifiée de « bourse d'études » à moins que le bénéficiaire n'ait la libre disposition des fonds ne repose sur aucune autorité, et le sens ordinaire des mots « bourse d'études » et «  bursary » n'appuie pas non plus cette affirmation.

[31]Ayant conclu que la SEH n'est pas une subvention d'accommodation, je dois néanmoins me demander s'il s'agit d'une « bourse d'études » au sens de l'alinéa 56(1)n) de la Loi. Le juge a conclu, sans ambiguïté, que la subvention était une bourse d'études.

[32]Aux paragraphes 38 à 42 de ses motifs, le juge se réfère aux dictionnaires pour les définitions des mots « bourse » et « bursary » définitions qu'il cite :

Le Concise Oxford English Dictionary, 10e édition révisée, Oxford University Press, définit une bourse de la façon suivante :

1. a grant, especially one awarded to a student.

Quant au New Collegiate Dictionary, Thomas Allen & Son Limited, Toronto, il définit le terme « bourse » ainsi :

2. a monetary grant to a needy student.

Le Canadian Oxford Paperback Dictionary, Oxford University Press, pour sa part, contient la définition suivante du terme « bourse » :

a financial award to a university student made primarily on the basis of financial need or some other criterion in addition to academic merit.

Ce même dictionnaire définit le terme « subvention » de la façon suivante :

2a : a sum of money given by the state for any of various purposes, e.g. to finance education.

La version française de l'alinéa en question emploie l'expression « bourse d'études » et le mot « bourse » susceptible par ailleurs d'autres définitions, est défini comme suit dans le Larousse - Dictionnaire Général édition de 1994 :

3. Pension accordée par l'État ou par une institution à un élève, à un étudiant ou à un chercheur pour l'aider à poursuivre ses études.

[33]À ces définitions, peuvent s'ajouter les suivantes :

Le grand Robert de la langue française : dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, 2e éd. Paris, à la page 132 : Dictionnaires Le Robert; 1992 :

1. BOURSE

3. Bourse d'études, et, absolt, bourse : pension accordée à un élève, un étudiant, pour subvenir à ses besoins pendant le temps de ses études.

The New Oxford Dictionary of English. Oxford : Clarendon Press, 1998, à la page 246 :

bursary [. . .] 1. a grant, especially one awarded to someone to enable them to study at university or college.

ITP Nelson Canadian Dictionary of the English Language. Toronto : ITP Nelson, 1997, à la page 188 :

bursary : 1. a university scholarship based primarily on need.

Shorter Oxford English Dictionary on Historical Principles, 5e éd. Oxford : Oxford University Press, 2002, à la page 311 :

bursary [. . .] 3. An endowment given to a student.

[34]Ces définitions du mot « bourse » montrent que les bourses d'études sont des subventions accordées aux étudiants qui ont besoin d'une aide financière pour continuer leurs études.

[35]Aux paragraphes 45 et 46 de ses motifs, le juge expose le raisonnement qui l'amène à conclure que la SEH est une bourse d'études :

Dans le contexte de la prestation de fonds accordée dans le cadre de ce programme particulier précisément dans le but de fournir à l'appelant les moyens de suivre le cours obligatoire de formation professionnelle du Barreau, il est difficile d'envisager le paiement en question autrement que comme une rentrée de fonds visée, ordinairement et facilement, par la définition de « bourse » selon le libellé de l'alinéa 56(1)n) de la Loi. Je ne constate aucune ambiguïté inhérente qui doive être résolue en faveur du contribuable. L'usage de l'expression « services d'adaptation » bien qu'il s'agisse d'une description appropriée de l'objet réel du financement selon le point de vue des sciences sociales, ne change en rien la nature du paiement qualifié de bourse et versé à l'appelant dans le cadre d'un programme destiné à aider financièrement les étudiants handicapés. La législation habilitante fédérale de portée générale sur l'aide financière aux étudiants ne comporte aucune définition du mot « subvention ». Si une définition avait existé et qu'elle avait été en contradiction avec celle du mot « bourse » que fournissent les dictionnaires, qui comprend l'octroi d'une aide financière à un étudiant dans le besoin, il est possible que cet écart aurait pu fournir à l'appelant un argument convaincant, étant donné que l'alinéa pertinent de la Loi ne définissait pas le mot « bourse » et ne faisait pas davantage mention d'une « subvention » sinon dans le contexte d'une subvention de recherche, dans les alinéas suivants du paragraphe 56(1).

La présence, dans la subvention versée à l'appelant, d'un nombre de conditions supérieur à celui qu'on trouve dans les subventions accordées aux autres étudiants dans le cadre du programme de SCE, n'a pas pour effet d'exclure ce paiement du revenu de l'appelant, conformément à la définition d'une « bourse ». Il ne serait pas inhabituel d'accorder une bourse ou une bourse d'études de manière à donner simplement au bénéficiaire un crédit en vue de réduire ses frais de scolarité ou les coûts liés à ses études, ou bien les deux, sous la forme d'un paiement direct de la partie subventionnaire à l'établissement d'enseignement. Par ailleurs, si la bourse ou la bourse d'études avait été allouée par l'établissement lui-même, les écritures comptables pourraient consigner un paiement et une rentrée de fonds compensatoire fictifs. Tout paiement d'une bourse ou d'une bourse d'études a lieu dans le cadre de la poursuite ou de l'achèvement d'études. En fait, ces fonds sont alloués par un subventionneur, pour cet objectif général. Le nombre de conditions attachées au paiement peut varier au gré du payeur. L'étendue du pouvoir discrétionnaire concernant l'utilisation des fonds n'a aucun effet en ce qui concerne la nature du paiement. À mon avis, toutes les définitions pertinentes établissent un rapport entre le versement de fonds et un bénéficiaire qui poursuit un objectif éducatif quelconque. À titre d'exemple, un ordre du gouvernement ou un établissement d'enseignement peut accorder une somme à un bénéficiaire admissible dans le but précis de lui permettre de défrayer son transport entre l'établissement d'enseignement et son domicile habituel de manière à libérer ses fonds personnels pour l'achat de biens ou de services associés normalement à la poursuite d'un programme d'études qui nécessite la présence de l'étudiant en classe. Ainsi, du point de vue du bénéficiaire, le résultat final est une amélioration de sa situation financière générale, même si chaque sou de la bourse ou de la subvention est dépensé pour se rendre à l'établissement d'enseignement et pour en revenir. Dans une telle situation, tout comme en l'instance, la rentrée de fonds aide les bénéficiaires à poursuivre des études. Dans l'exemple fourni, l'aide financière permettait à l'étudiant d'arriver jusqu'à la porte de la classe. Dans le cas de l'appelant, cette aide lui a permis d'acquérir des services pour comprendre la documentation des cours et pour participer pleinement au cours de formation professionnelle du barreau dans le cadre normal de salles de classe. [Non souligné dans l'original.]

[36]Au paragraphe 45 de ses motifs, après avoir fait observer que la demande de SEH de l'étudiant était présentée sur un formulaire fourni par le ministère de l'Éducation, formulaire qui renfermait plusieurs mentions telles que « fonds provenant d'une bourse » « chèque de bourse » et « programme de bourse » et que la correspondance échangée entre l'appelant et le ministère de l'Éducation à propos de la demande emploie l'expression « aide boursière » pour désigner les sommes reçues, le juge arrive à la conclusion que l'objet de la SEH était d'apporter une aide financière aux étudiants handicapés. Au paragraphe 46, le juge dit que la SEH était versée « dans le cadre de la poursuite ou de l'achèvement d'études ». Il dit ensuite que, si l'appelant n'avait pas le pouvoir de disposer des fonds comme il l'entendait, cela ne modifie pas la nature de la SEH.

[37]Prenant le contre-pied de la décision du juge, l'appelant fait valoir, entre autres, qu'il a trop insisté sur le fait que l'aide financière avait été appelée « bourse d'études » par le ministère de l'Éducation. Il m'est impossible de partager ici l'avis de l'appelant. Après examen des définitions données par les dictionnaires pour les mots « bourse » et « bursary » le juge a appliqué ces définitions à la SEH reçue par l'appelant et a conclu qu'il n'y avait aucune raison de ne pas appeler la subvention une « bourse ».

[38]J'ai déjà exposé au paragraphe 17 des présents motifs les conditions qu'un candidat doit remplir pour être admissible à une SEH. Peut-on dire que le législateur, lorsqu'il a prescrit l'inclusion, dans le revenu d'un contribuable, des « sommes reçues [. . .] au cours de l'année par le contribuable à titre de bourse d'études, de bourse de perfectionnement (fellowship) ou de récompense couronnant une oeuvre remarquable réalisée dans son domaine d'activité habituel » (alinéa 56(1)n) de la Loi (non souligné dans le texte)), entendait que soient incluses les sommes dont l'objet était d'amortir le coût des services nécessités par le handicap d'une personne, pour permettre à cette personne de poursuivre ses études?

[39]Peut-être conviendrait-il, avant d'aller plus loin, de faire quelques observations sur le mot « reçues » qui se trouve au sous-alinéa 56(1)n)(i) de la Loi, puisque l'appelant fait valoir qu'il n'a pas en réalité « reçu » les sommes, puisqu'il n'était qu'un intermédiaire entre l'école de droit et le ministère de l'Éducation et DRHC. Dans la décision Jones c. R., [2002] 3 C.T.C. 2483 (C.C.I.), au paragraphe 58, le juge Margeson, juge de la Cour canadienne de l'impôt, cite en l'approuvant le sens donné au mot « recevoir » dans la décision Morin, J-P c La Reine, [1975] CTC 106 (C.F. 1re inst.), à la page 110 :

[traduction] [. . .] le mot recevoir ou toucher veut évidem-ment dire en bénéficier ou en profiter. En recevoir les avantages sans être obligé de l'avoir dans ses mains.

Puis, au paragraphe 60 de ses motifs, le juge Margeson s'expliquait ainsi sur le sens du mot « recevoir » :

La Cour n'a aucun doute quant au fait qu'en l'espèce, ce que l'appelant a reçu entre dans le cadre de la définition de « Bourses d'études » figurant à l'alinéa 56(1)n). Il est indubitable que, dans la présente espèce, l'argent correspondant à la bourse d'études est allé dans le compte de l'appelant au collège. La preuve établit clairement que l'écriture passée dans le compte de l'appelant fait état de la somme d'argent en cause et que l'on débitait périodiquement ce compte pour indiquer ce qu'il restait à l'appelant comme crédit après que des frais étaient imputés sur ce compte. La Cour est donc convaincue que, quoi que ce soit qu'elle représente, la bourse d'études a en fait été reçue par l'appelant, malgré le fait que ce dernier ne l'a pas eue entre les mains, qu'il n'a en fait jamais reçu le montant en argent et qu'il n'a jamais pu le contrôler, sauf qu'il savait que le montant de la bourse compensait les frais imputés sur son compte.

[40]Je ne puis trouver aucune faille dans le raisonne-ment ci-dessus. Il ne saurait faire aucun doute, à mon avis, que l'appelant a bien reçu une somme de 2 000 $ dont l'objet était de payer les services dont il avait besoin pour assister au cours de formation profession-nelle du Barreau.

[41]La SEH a été remise à l'appelant par une institution gouvernementale, mais cela aussi est sans rapport avec le point de savoir si elle constitue une bourse. Qu'une subvention soit versée par un organisme public ou privé, ne change pas sa nature. L'alinéa 56(1)n) ne permet pas à mon avis d'avancer un tel argument. Dans l'arrêt R. c. Savage, [1983] 2 R.C.S. 428, à la page 443, le juge Dickson (son titre à l'époque), examinant l'expression « récompense cou-ronnant une oeuvre remarquable » que l'on trouve dans l'alinéa 56(1)n) [S.C. 1970-71-72, ch. 63], faisait les observations suivantes :

Premièrement, l'al. 56(1)n) n'a rien à voir avec l'identité de celui qui paie ni avec le rapport qui peut exister entre le donateur et le donataire. Rien dans cet alinéa ne rend une bourse d'études ou de perfectionnement (fellowship) ou une récompense imposable pour le motif que le donateur ou celui qui paie est l'employeur du contribuable. Deuxièmement, les mots « bourse d'études, [. . .] bourse de perfectionnement (fellowship) » auxquels est lié le mot « récompense » s'emploient normalement à l'égard de réussites intellectuelles, habituellement dans le domaine des études supérieures, et à l'égard des belles-lettres. [Non souligné dans l'original.]

[42]Dans l'arrêt Québec (Communauté urbaine) c. Corp. Notre-Dame de Bon-Secours, [1994] 3 R.C.S. 3, le juge Gonthier, rédigeant l'opinion unanime de la Cour suprême du Canada, exposait, à la page 20 de ses motifs, les règles devant s'appliquer à l'interprétation des lois fiscales :

Les principes dégagés dans les pages précédentes, dont certains, d'ailleurs, ont été récemment invoqués dans l'affaire Symes c. Canada, [1993] 4 R.C.S. 695, peuvent se résumer ainsi :

- L'interprétation des lois fiscales devrait obéir aux règles ordinaires d'interprétation;

- Qu'une disposition législative reçoive une interprétation stricte ou libérale sera déterminé par le but qui la sous-tend, qu'on aura identifié à la lumière du contexte de la loi, de l'objet de celle-ci et de l'intention du législateur; c'est l'approche téléologique;

- Que l'approche téléologique favorise le contribuable ou le fisc dépendra uniquement de la disposition législative en cause et non de l'existence de présomptions préétablies;

- Primauté devrait être accordée au fond sur la forme dans la mesure où cela est compatible avec le texte et l'objet de la loi;

- Seul un doute raisonnable et non dissipé par les règles ordinaires d'interprétation sera résolu par le recours à la présomption résiduelle en faveur du contribuable.

[43]Dans l'exposé de ses motifs, aux pages 15 et 16, le juge Gonthier énonçait les deux objets des lois fiscales au Canada, à savoir la collecte de fonds par le gouvernement pour faire face à ses dépenses, et la réalisation d'objets sociaux et économiques.

[44]Quant au paragraphe 56(1) de la Loi, il me semble que l'esprit de cette disposition s'accorde davantage avec l'objet traditionnel des lois fiscales, c'est-à-dire la collecte de fonds pour faire face aux dépenses publiques : l'objet déclaré du paragraphe 56(1) est d'inclure dans le revenu d'un contribuable certaines sources de revenus, sauf celles qui ont été expressément exemptées par la disposition. L'alinéa 56(1)n) suit cet objectif : par exemple, sont incluses dans le revenu les récompenses couronnant des oeuvres remarquables réalisées par le contribuable dans son domaine d'activité habituel, mais non celles qui sont prévues par règlement et celles qui ne sont pas réalisées par le contribuable dans son domaine d'activité habituel.

[45]Le mot « bursary » dans la version anglaise, n'est aucunement nuancé. Le texte de l'alinéa 56(1)n) me conduit à conclure que ce mot doit recevoir une interprétation libérale. L'expression « bourse d'études » dans l'alinéa 56(1)n), montre clairement qu'une « bourse » est liée à la qualité d'étudiant. Quant aux définitions du dictionnaire citées par le juge, et à celles que j'ai ajoutées à sa liste, elles évoquent l'idée d'une aide financière apportée aux étudiants dans le besoin. Ce critère est présent dans la SEH : la subvention est accordée aux étudiants nécessiteux qui justifient d'un certain niveau de réussite dans leurs études.

[46]Avant de conclure sur ce point, je dois examiner un argument subsidiaire avancé par l'appelant : la SEH est une prestation d'assistance sociale, qui relève de l'alinéa 56(1)u) de la Loi. De l'avis de l'appelant, cette catégorisation est plus favorable, puisque le revenu, une fois inclus selon l'alinéa 56(1)u), est déductible selon l'alinéa 110(1)f) [mod. par L.C. 1994, ch. 21, art. 49; ch. 7, ann. II, art. 78; ann. VIII, art. 45] de la Loi.

[47]L'argument de l'appelant repose sur le texte de l'alinéa 56(1)u), qui définit une « prestation d'assistance sociale » comme une prestation payée après examen des « ressources, des besoins et du revenu ». L'appelant dit que la SEH entre dans cette définition, puisqu'elle est accordée après examen des besoins, c'est-à-dire qu'un candidat qui présente sa demande en Ontario doit d'abord faire reconnaître son besoin d'aide financière selon le RAFEO. À première vue, l'argument de l'appelant n'est pas sans fondement, mais, finalement, il ne peut être admis.

[48]Après examen des documents versés dans le dossier, documents qui concernent les prêts et bourses versés aux étudiants en général et l'aide apportée aux étudiants handicapés en particulier, on constate qu'un étudiant handicapé qui demande une SEH doit d'abord remplir une demande de prêt canadien pour étudiant à temps partiel ou à temps plein, afin d'établir ses besoins financiers. Les besoins rattachés à l'invalidité sont évalués séparément. La question est alors la suivante : devrions-nous conclure que, parce que le bénéfice d'une SEH dépend en partie de l'évaluation des besoins financiers d'un candidat, une telle subvention ressemble davantage à une prestation d'assistance sociale au sens de l'alinéa 56(1)u) qu'à une bourse d'études au sens de l'alinéa 56(1)n)?

[49]Nombre des définitions données par les dictionnaires pour le mot « bourse » se réfèrent à la notion de besoin financier pour circonscrire une bourse ou une subvention. C'est également ce qui distingue en anglais les scholarships (bourses d'excellence) des bursaries (bourses d'études). Une bourse d'excellence est souvent accordée à un étudiant en reconnaissance de l'excellence de ses résultats, alors qu'une bourse d'études est en général accordée à titre d'aide financière à un étudiant. Les deux mots (scholarships et bursaries) sont employés dans la version anglaise de l'alinéa 56(1)n).

[50]Si l'objet véritable d'une « bursary » (bourse d'études) est d'apporter une aide financière aux étudiants, alors il n'est pas logique d'exclure de la définition de ce mot les sommes accordées sous condition d'évaluation des besoins financiers. Cela équivaudrait en effet à exclure de la définition de « bursary » toutes les subventions accordées en application de la LFAFE. Une autre caractéristique commune de la définition de « bursary » est le fait qu'une telle bourse est accordée aux étudiants pour leur permettre de continuer leurs études. À mon avis, c'est là l'objet fondamental d'une « bursary » : apporter une aide à un étudiant, non d'une manière générique, mais expressément pour l'aider à avancer dans ses études. Par conséquent, pour savoir si une subvention versée sous condition de vérification du revenu entre dans la catégorie des « bourses d'études » ou des « prestations d'assistance sociale » il faut déterminer son objet premier. Au paragraphe 46 de ses motifs, le juge de la Cour de l'impôt disposait de cet aspect dans les termes suivants :

À mon avis, il n'y a aucune raison de qualifier le paiement de la SCE à l'appelant autrement que comme une bourse visée par cette disposition. Ce paiement ne répond pas aux critères associés à une prestation d'assistance sociale selon la signification ordinaire de cette expression dans diverses dispositions législatives. Pour que cela soit le cas, il faudrait ignorer le contexte dans lequel le paiement de la SCE a été versé ainsi que le but visé par ce paiement, qui est inextrica-blement lié à un aspect de l'enseignement postsecondaire, et préférer plutôt une définition qui s'applique généralement à un programme gouvernemental de financement à grande échelle et généralisé associé plus justement à l'allégement des effets des bas revenus sur les particuliers et sur les familles dans le long terme. [Non souligné dans l'original.]

[51]Comme je l'ai déjà dit, la SEH n'est pas offerte à tous les étudiants handicapés, mais seulement à ceux qui répondent aux critères touchant les études et la situation financière. Ces critères, ainsi que le fait observer le juge de la Cour de l'impôt, et à juste titre à mon avis, font ressortir le lien entre la SEH et la poursuite d'études postsecondaires par le candidat.

[52]Je suis donc d'avis que la SEH accordée à l'appelant entre dans le champ de l'alinéa 56(1)n) de la Loi et que, en concluant de la sorte, le juge de la Cour de l'impôt n'a commis aucune erreur. Je passe donc à la question qui concerne la Charte.

[53]La validité constitutionnelle de l'inclusion de la SEH dans le revenu de l'appelant a été contestée par l'appelant devant la Cour de l'impôt, et le juge de la Cour de l'impôt a estimé que cette inclusion ne portait pas atteinte aux droits de l'appelant protégés par l'article 15.

[54]Avant d'arriver à sa conclusion, le juge de la Cour de l'impôt a exposé correctement, au paragraphe 76, le critère énoncé par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Law c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497, pour savoir s'il y avait eu discrimination : 1) L'alinéa 56(1)n) de la Loi impose-t-il une différence de traitement entre l'appelant et les autres étudiants, dans son objet ou dans son effet? 2) La différence de traitement est-elle fondée sur le motif énuméré qu'est la déficience? 3) L'alinéa 56(1)n) de la Loi impose-t-il un objet ou un effet discriminatoire au sens de la garantie d'égalité?

[55]Après avoir accepté le groupe de référence choisi par l'appelant, c'est-à-dire le groupe des étudiants non handicapés bénéficiant de bourses d'études, de subventions, de bourses de perfectionnement ou de bourses d'excellence, lesquels ne sont pas astreints à payer des services d'accommodation simplement pour accéder à la salle de classe sur un plan physique ou pour comprendre le matériel d'enseignement, le juge a examiné le premier volet du critère de l'arrêt Law, à savoir la différence de traitement. Il est arrivé à la conclusion que l'assujettissement de la SEH à l'impôt résultait de la nature du soutien financier, sans qu'interviennent les caractéristiques personnelles de l'appelant. Selon lui, par conséquent, l'alinéa 56(1)n) n'établissait aucune distinction de fond entre l'appelant et ceux auxquels il était comparé. L'essentiel du raisonnement du juge se trouve aux paragraphes 84 et 86 de ses motifs :

Si l'on revient aux faits pertinents au présent appel, la SCE n'a été allouée à l'appelant qu'après que ce dernier ait prouvé ses besoins financiers, c'est-à-dire la clef de voûte de cette structure particulière conçue conformément au programme d'ensemble qui vise à financer des étudiants au moyen de prêts et de subventions. Tous les étudiants qui reçoivent une aide financière sous une forme qui correspond aux définitions générales des termes employés dans l'alinéa 56(1)n) de la Loi sont tenus d'inclure dans leur revenu la fraction imposable de cette aide. Cette obligation s'applique peu importe que la subvention vise précisément à permettre à un étudiant d'obtenir des fonds afin de défrayer son transport pour se rendre à l'établissement d'enseignement et en revenir, ou bien qu'elle vise à défrayer les frais de scolarité et autres frais connexes, à acheter des livres et des fournitures, à indemniser des tuteurs, ou à acquérir de l'équipement ou des services spécialisés. Sur le plan des dépenses particulières, il y aura bien sûr des différences selon la nature et le but de l'aide financière, et selon les besoins du bénéficiaire, selon les modalités d'attribution d'une bourse, d'une bourse de perfectionnement ou d'une bourse d'études en particulier. La spécificité de l'objet visé par la bourse ne constitue pas une différence de traitement, non plus que l'attestation des sommes dépensées. Les autres groupes admissibles à des SCE étaient les femmes qui poursuivent des études de doctorat et les étudiants ayant des enfants à charge. Il n'existe aucun élément de preuve convaincant concernant la nature des obligations imposées aux bénéficiaires, mais on peut présumer sans risque que les conditions auxquelles les subventions leur étaient accordées étaient plus générales que celles applicables à M. Simser. Ce dernier a déposé une demande d'aide financière en vue d'obtenir certains services, notamment de sous-titrage en temps réel et d'interprétation du langage gestuel, et une bourse lui a été accordée, bien que moindre que ce à quoi il s'attendait, afin qu'il puisse obtenir ces services nécessaires pour suivre le cours de formation professionnelle du Barreau. Cependant, ces trois catégories d'aide financière assujettissaient leurs éventuels bénéficiaires aux obligations de prouver leurs besoins financiers, de documenter leur admissibilité pour ce motif, et de se conformer à plusieurs autres conditions. Le bénéficiaire d'une SCE versée à un étudiant ayant des personnes à charge n'avait probablement pas à justifier l'achat d'articles précis, tels que des aliments pour bébé, des couches et autres articles ordinaires nécessaires aux enfants, mais on peut raisonnablement présumer que certaines conditions, applicables tant avant qu'après l'octroi de la subvention, liaient en général l'étudiant. De toute évidence, l'objet consistant à aider les étudiants à poursuivre leurs études en leur allouant des fonds pour alléger les contraintes imposées par les besoins financiers, ne vise pas à financer l'achat d'articles considérés comme récréatifs, ou à permettre à un étudiant de participer à des activités à l'égard desquelles il est impossible de prouver une relation raisonnable avec la poursuite d'études particulières.

[. . .]

Dans le présent appel, l'impossibilité [sic] de la SCE reçue par l'appelant découle de la nature de cette source de financement, sans aucun égard aux caractéristiques personnelles. La disposition précise de la Loi, soit l'alinéa 56(1)n), n'établit aucune distinction formelle entre M. Simser et les autres étudiants, peu importe qu'ils aient été handicapés, qu'ils aient bénéficié d'une autre catégorie de SCE ou qu'ils aient été des étudiants non handicapés qui ont obtenu une aide financière sous forme de bourse, de bourse d'études ou de bourse de perfectionnement. Cette disposition législative vise à imposer les sommes d'argent distribuées par divers moyens aux personnes qui, selon la définition ordinaire de cette expression, poursuivent des études. L'alinéa établit une distinction entre les catégories susmentionnées en n'imposant un prix en argent que si ce prix récompense une oeuvre remarquable réalisée dans un domaine d'activité habituel du contribuable. [Non souligné dans l'original.]

[56]Puis le juge s'est demandé si l'alinéa 56(1)n) négligeait de prendre en compte la position déjà défavorisée de l'appelant au sein de la société canadienne, une position entraînant une différence réelle de traitement entre lui et les autres en raison de son handicap. Après un examen attentif de la preuve, le juge a conclu que l'alinéa 56(1)n) de la Loi n'oubliait pas de prendre en compte la position défavorisée de l'appelant. Aux paragraphes 92 à 94 de ses motifs, le juge explique ainsi sa conclusion :

Ce dernier [l'appelant] devait faire face à une barrière à la communication en raison de sa surdité profonde et il avait besoin d'une aide financière pour surmonter cet obstacle. Les autres étudiants, qu'ils aient ou non été handicapés et admissibles à une SCE ou à une myriade d'autres formes d'aide financière en fonction de nombreux critères, avaient également besoin d'une aide financière pour composer avec certaines circonstances qui avaient érigé une barrière par ailleurs tout aussi insurmontable apparemment à la poursuite de leurs études. Certains étudiants peuvent faire partie d'un groupe défavorisé de la société canadienne, comme c'est le cas, par exemple, pour un étudiant autochtone qui vit dans une région où le taux de chômage est extrêmement élevé et qui est touchée par un revenu annuel par habitant terriblement faible. Comme il a été mentionné précédemment dans un autre contexte, l'obligation d'ajouter au revenu les fonds accordés en fonction des besoins repose sur le principe de l'égalité de traitement de tous les étudiants au lieu de la tentative de créer des catégories spéciales au sein du regroupement plus large, même si l'effet en aval varie d'une personne à l'autre, au moment de l'imposition, selon de nombreux autres facteurs dont le montant des autres revenus imposables perçus pendant cette année d'imposition-là. Même en 1997, on reconnaissait que les bénéficiaires de sommes incluses aux termes de l'alinéa 56(1)n) de la Loi avaient droit à une exonération d'impôt de 500 $. À juste titre, cette exonération a été augmentée depuis lors à 3 000 $. Selon l'appelant, le ministre n'aurait pas dû s'arrêter à la forme du paiement qui lui a été versé à titre de BEPH octroyée dans le cadre du programme de SCE, lequel représentait un élément du cadre général d'aide financière aux étudiants constitué par le Programme canadien de prêts aux étudiants. L'appelant soutient qu'en examinant d'un peu plus près la nature véritable de cette bourse, le ministre aurait pu établir que les fonds avaient été dépensés réglementairement dans le seul but d'acquérir les services d'adaptation qui lui permettaient de suivre ses cours en classe sur le même pied d'égalité que les autres étudiants. L'appelant a soutenu que l'omission de la deuxième démarche fait défaut de tenir compte du caractère viager de sa situation défavorisée, en tant que personne atteinte de surdité, et que le refus de cerner la portée d'une bourse de manière à exclure l'aide financière pour l'obtention de services d'adaptation, comme les experts les définissent, donne lieu à une différence de traitement importante entre lui et les autres étudiants inscrits au cours de formation professionnelle du Barreau, en raison uniquement de sa caractéristique personnelle, c'est-à-dire, la surdité.

Compte tenu de la totalité des éléments de preuve pertinents, il m'est impossible de conclure que le ministre était tenu d'interpréter l'alinéa 56(1)n) de la Loi de manière à établir entre l'appelant et les autres bénéficiaires d'une bourse, d'une bourse de perfectionnement, d'une bourse d'études ou d'une récompense imposable, une distinction permettant l'exonération fiscale du paiement versé à l'appelant [. . .]

À mon avis, l'appelant ne s'est pas acquitté du fardeau qui lui incombait de prouver que l'alinéa 56(1)n) de la Loi avait omis de tenir compte de sa situation dans la catégorie des individus déjà défavorisés, d'une manière qui créait une différence de traitement important entre lui et d'autres bénéficiaires de bourse parce qu'il était sourd et avait besoin de certains services spécialisés pour poursuivre ses études. [Non souligné dans l'original.]

[57]Pour conclure comme il l'a fait, le juge de la Cour de l'impôt a estimé que nombre d'étudiants non handicapés avaient besoin d'une aide financière pour composer avec des circonstances qui avaient érigé une barrière par ailleurs « tout aussi insurmontable apparemment » à la poursuite de leurs études et que, en conséquence, le ministre n'avait aucune raison d'interpréter l'alinéa 56(1)n) de la Loi d'une manière qui établirait une différence entre l'appelant et les autres bénéficiaires de bourses d'études et qui permettrait de soustraire à l'impôt la SEH reçue par l'appelant.

[58]L'appelant fait valoir que l'alinéa 56(1)n) le traite d'une manière différente parce que les étudiants non handicapés qui reçoivent des subventions ou des bourses peuvent les utiliser à diverses fins, alors que lui doit affecter la SEH à l'achat des services dont il a besoin dans la salle de cours. L'appelant dit aussi que le groupe des étudiants non handicapés ne requiert pas d'aménagements spéciaux dans la salle de cours.

[59]Avant d'aborder le premier volet du critère de l'arrêt Law, quelques commentaires s'imposent. L'appelant et l'intervenante accordent beaucoup d'importance au fait que la Cour suprême du Canada a jugé que l'article 15 de la Charte englobe une obligation de consentir des aménagements spéciaux (voir par exemple l'arrêt Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1997] 3 R.C.S. 624; l'arrêt Granovsky c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [2000] 1 R.C.S. 703; et l'arrêt Nouvelle- Écosse (Workers' Compensation Board) c. Martin; Nouvelle-Écosse (Workers' Compensation Board c. Laseur, [2003] 2 R.C.S. 504 [ci-après Martin]). Leurs arguments reposent sur un postulat commun, c'est-à-dire que la SEH a été accordée à l'appelant en raison de son droit d'obtenir des aménagements spéciaux. J'ai déjà expliqué pourquoi je suis d'avis que cet argument est fautif, et je me propose maintenant de montrer que le droit de l'appelant à des aménagements spéciaux n'intéresse pas l'analyse de l'alinéa 56(1)n) de la Loi, analyse qui doit être faite dans le contexte de l'article 15 de la Charte.

[60]La manière dont je vois la question repose sur une interprétation stricte du droit à des aménagements spéciaux, par opposition à la perspective générale préconisée par l'appelant et par l'intervenante. Le droit d'obtenir des aménagements spéciaux est un droit qui concerne l'accès à un service particulier, et il doit être exercé contre l'institution à qui il incombe de fournir les aménagements en question. Dans la présente affaire, le droit auquel prétend l'appelant est le droit de bénéficier d'aménagements spéciaux dans la salle de classe tant qu'il suit le cours de formation professionnelle du Barreau. L'obligation correspondante de consentir des aménagements spéciaux à l'appelant semble avoir été celle du Barreau, en raison des dispositions applicables du Code des droits de la personne de l'Ontario.

[61]Si l'obligation de consentir des aménagements spéciaux dans la salle de classe est exécutoire à l'encontre d'un organe gouvernemental par l'effet de l'article 15 de la Charte, ce doit nécessairement être dans les cas où il incombe à un organe public d'offrir l'enseignement en question, comme c'était le cas dans l'arrêt Eaton c. Conseil scolaire du comté de Brant, [1997] 1 R.C.S. 241, une affaire où la responsabilité des classes pour élèves en difficulté incombait clairement au ministère de l'Éducation de l'Ontario et, par délégation, au conseil scolaire.

[62]De même, dans l'arrêt Eldridge, la question portait sur les dispositions à prendre pour répondre aux besoins des patients atteints de surdité, dans le contexte des services médicaux fournis par les hôpitaux publics, en application du Hospital Insurance Act de la Colombie-Britannique [R.S.B.C. 1996, ch. 204]. Il s'agissait là encore de l'accès à des services publics.

[63]Dans l'arrêt Martin, il ne s'agissait pas de l'accès à des services, mais plutôt de l'admissibilité à des prestations d'invalidité. Ce qui avait déclenché dans cette affaire une analyse fondée sur l'article 15, c'était la différence de traitement que subissaient les accidentés du travail souffrant de douleur chronique, et cela parce que la douleur chronique était exclue de l'application du régime d'indemnisation des accidentés du travail dans la province de la Nouvelle-Écosse, la conséquence étant que l'appelant s'était vu refuser une indemnité pour incapacité partielle permanente. Cette différence de traitement a été jugée discriminatoire, sans qu'elle puisse être légitimée par une règle de droit « dans des limites qui soient raisonnables »

[64]Appelé à dire si la différence de traitement était discriminatoire, le juge Gonthier a conclu, dans l'arrêt Martin, que le régime institué pour la douleur chronique dans la loi de la Nouvelle-Écosse ne répondait pas aux besoins spécifiques des travailleurs souffrant de douleur chronique. Le juge Gonthier a souligné dans ce contexte l'obligation d'adapter l'action de l'État aux circonstances particulières des personnes handicapées. Au paragraphe 93 de ses motifs, il fait les observations suivantes :

[. . .] [la raison d'être de l'interdiction de la discrimination] est de permettre la reconnaissance des besoins particuliers et des capacités véritables de personnes qui, dans des contextes sociaux très variés, sont atteintes de déficiences très différentes les unes des autres. Conformément à cette raison d'être, le par. 15(1) oblige l'État à agir, dans une large mesure, d'une manière qui tienne compte raisonnablement de la situation particulière de certaines personnes atteintes d'une déficience.

[65]En l'espèce, ni le ministère de l'Éducation ni DRHC n'avaient l'obligation de donner un enseigne-ment à l'appelant. La SEH n'a pas été accordée à l'appelant en exécution d'une obligation de lui venir en aide dans la salle de classe, mais elle s'inscrivait plutôt dans un programme d'aide financière qui s'adressait aux étudiants répondant aux conditions de la LFAFE et de son Règlement. L'obligation de venir en aide à l'appelant dans la salle de classe, comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, incombait probablement au Barreau.

[66]L'appelant a demandé une SEH et il l'a obtenue. Nul n'a prétendu devant le juge de la Cour de l'impôt, ni devant nous, que DRHC ou le ministère de l'Éducation n'a pas adapté sa politique de subventions aux nécessités, capacités et circonstances particulières de l'appelant. Comme l'appelant répondait aux conditions imposées pour l'attribution d'une SEH, il a reçu une réponse favorable et, dans la mesure où le ministère de l'Éducation et DRHC avaient envers lui l'obligation de répondre à ses besoins, cette obligation a été remplie. Par conséquent, la présente affaire n'est pas assimilable aux circonstances de l'affaire Martin ou à celles de l'affaire Granovsky, qui toutes deux concernaient l'admissibilité à des prestations.

[67]La question précise soulevée par le présent appel est celle de savoir si l'inclusion de la SEH dans le revenu de l'appelant en application de l'alinéa 56(1)n) de la Loi est discriminatoire. On peut répondre à cette question en suivant les étapes décrites dans l'arrêt Law, gardant à l'esprit la conclusion à laquelle je suis arrivé : la SEH n'a pas été accordée à l'appelant pour remplir une obligation d'accommodation.

[68]Comme je l'ai dit précédemment, le juge de la Cour de l'impôt a accepté le groupe de référence choisi par l'appelant, et il n'y a pas de désaccord entre les parties sur cet aspect.

[69]Je commencerai par le premier volet du critère de l'arrêt Law : l'alinéa 56(1)n) de la Loi fait-il véritable-ment, entre l'appelant et les autres étudiants, une distinction fondée sur une ou plusieurs caractéristiques personnelles, ou entraîne-t-il entre eux une différence réelle de traitement fondée sur de telles caractéristiques parce qu'il ne tient pas compte de la position déjà défavorisée de l'appelant?

[70]L'alinéa 56(1)n) ne fait aucune distinction entre les bénéficiaires d'une SEH et les bénéficiaires de subventions d'autres types. L'inclusion de ces subventions dans le revenu d'un contribuable s'applique à toutes les subventions pour initiatives spéciales prévues par la LFAFE et son Règlement, et plus généralement à toutes les bourses d'études. Ainsi, aux yeux de Revenu Canada, la SEH ne jouit pas d'un statut particulier. Elle est considérée comme toutes les autres subventions, bourses d'études et bourses d'excellence qui sont accordées aux étudiants à divers titres, par exemple le manque de ressources, les résultats scolaires, l'appartenance à un groupe donné, le sexe, la race, etc. Que telles subventions aient été ou non accordées en raison des caractéristiques personnelles du bénéficiaire, elles doivent être déclarées et incluses dans le revenu du contribuable.

[71]L'analyse du premier volet du critère doit donc permettre de dire si la disposition néglige de tenir compte de la position défavorisée du bénéficiaire de la SEH au sein de la société canadienne ou, en d'autres termes, elle doit permettre d'évaluer l'effet préjudiciable possible de la disposition. Dans l'arrêt Eldridge, le juge La Forest soulignait l'importance d'être attentif à la question de la discrimination découlant d'effets préjudiciables, lorsqu'on a affaire à des personnes handicapées (au paragraphe 64) :

La discrimination découlant d'effets préjudiciables est particulièrement pertinente dans le cas des déficiences. Le gouvernement va rarement prendre des mesures discriminatoires à l'endroit des personnes handicapées. Il est plus fréquent que des lois d'application générale aient un effet différent sur ces personnes. Ce fait a été reconnu par le Juge en chef dans son opinion dissidente dans l'arrêt Rodriguez, précité, où il a conclu que la règle de droit créant l'infraction d'aide au suicide portait atteinte au par. 15(1) de la Charte en établissant une distinction fondée sur la déficience physique. Dans cette affaire, notre Cour à la majorité a décidé, notamment, que la validité de la règle de droit était sauvegardée par l'article premier de la Charte, à supposer, sans trancher la question, qu'elle portait atteinte au par. 15(1). Bien que je m'abstienne de me prononcer sur le bien-fondé de la conclusion du Juge en chef quant à l'application du par. 15(1) dans cette affaire, je souscris à son analyse générale de la portée de cette disposition, qu'il a énoncée ainsi, à la page 549 :

Non seulement le par. 15(1) impose-t-il au gouvernement une vigilance accrue dans l'établissement de distinctions expresses ou directes sur le fondement de caractéristiques personnelles, mais il fait aussi que des lois également applicables à tous peuvent porter atteinte au droit à l'égalité consacré dans cette disposition, et peuvent donc devoir être justifiées aux termes de l'article premier. Même en imposant des mesures universelles, le gouvernement doit tenir compte de différences qui existent en fait entre les individus et s'assurer, dans la mesure du possible, que les mesures adoptées n'auront pas, en raison de caractéristiques personnelles non pertinentes, des répercussions plus lourdes sur certaines catégories de personnes que sur l'ensemble de la population. En d'autres termes, pour favoriser l'objectif d'une société plus égale, le par. 15(1) s'oppose à ce que les autorités politiques édictent des mesures sans tenir compte de leur effet possible sur des catégories de personnes déjà défavorisées. [Non souligné dans l'original.]

[72]S'agissant de ce volet du critère, le juge de la Cour de l'impôt a estimé que l'assujettissement de la subvention à l'impôt résultait de la nature de l'aide financière, sans qu'intervienne une quelconque caracté-ristique personnelle. Il a donc conclu que l'alinéa 56(1)n) n'avait pas pour objet ou pour effet d'établir une distinction entre l'appelant et ceux auxquels il était comparé. L'appelant dit que le juge de la Cour de l'impôt a pris en compte la nécessité d'une égalité de traitement, mais qu'il n'a pas tenu compte de l'effet de la disposition sur les étudiants handicapés. Il avance deux arguments pour dire que l'assujettissement de la SEH à l'impôt n'a pas les mêmes effets sur les personnes atteintes d'un handicap :

1. L'étudiant handicapé a droit à des aménagements spéciaux. Aucune des autres catégories d'étudiants, ceux qui ne sont pas handicapés, n'a à première vue besoin d'aménagements dans la salle de classe. Les étudiants handicapés sont donc singularisés parce qu'ils sont assujettis à l'impôt alors qu'ils bénéficient d'aménage-ments au titre de leurs droits fondamentaux, contraire-ment aux autres groupes protégés par la Charte, et contrairement aux étudiants qui ne viennent pas de milieux traditionnellement défavorisés.

2. Les étudiants handicapés étaient autrefois pris en charge par le gouvernement, qui finançait les établisse-ments se consacrant aux personnes qui avaient besoin de services spéciaux. Ces subventions institutionnelles échappaient le plus souvent à l'impôt parce que les subventions étaient versées à des institutions qui ne payaient pas d'impôt, par exemple les autres niveaux de gouvernement, les universités ou les collèges. De nos jours, les étudiants handicapés sont imposés en tant que strate additionnelle intercalée dans un transfert de fonds d'un niveau de gouvernement à un autre, bien que les services dont ils ont besoin incombent aux établisse-ments chargés de donner l'enseignement. C'est là une absurdité logique, qui entraîne une inégalité de traitement pour les étudiants handicapés. Ces étudiants handicapés passent du statut de bénéficiaires d'aména-gements spéciaux en vertu d'un droit prévu par la Charte, à celui de bénéficiaires de ce que Revenu Canada appelle artificiellement un « revenu » Revenu Canada a en réalité établi artificiellement une autre opération dans le flux du revenu.

[73]Le premier argument de l'appelant est à mon avis dépourvu de fondement. Son droit d'obtenir des services spéciaux n'est pas, comme je l'ai déjà dit, un droit générique dont il serait créancier à l'encontre de l'établissement de son choix. Le Barreau a refusé de répondre à ses besoins spéciaux et, plutôt que de poursuivre le Barreau, l'appelant a choisi d'accepter l'aide financière de son employeur, le ministère de la Justice, pour payer le coût de services qui, tout probablement, auraient dû être fournis par le Barreau. La SEH ne lui a pas été versée en raison d'une obligation de DRHC et du ministère de l'Éducation de répondre à ses besoins particuliers, et elle ne lui a pas non plus été versée uniquement en raison de son handicap. Il a reçu la subvention parce qu'il avait un handicap, parce qu'il manquait de ressources pour continuer ses études et parce qu'il avait atteint un niveau et des résultats satisfaisants.

[74]Je relève en passant que le document se rapportant à la BEPH, qui complète la SEH financée par le gouvernement de l'Ontario, reconnaît que la subvention versée en vertu de ce programme n'est pas liée aux aménagements spéciaux auxquels pourrait avoir droit un candidat. Le document concerné renferme ce qui suit (voir dossier d'appel, vol. 2, onglet F-4, à la page 216) :

[traduction]

Les dépenses non admissibles à un financement au titre de la BEPH comprennent :

- les dépenses attribuables aux services ou aménagements qui sont fournis par l'établissement dans le cadre de son obligation de fournir des services spéciaux aux personnes handicapées, selon le Code des droits de la personne de l'Ontario. [Italique dans l'original.]

[75]Il s'ensuit donc, à mon avis, que le droit de l'appelant à des aménagements spéciaux est hors de propos, puisque ni DRHC ni le ministère de l'Éducation n'avaient une obligation envers lui.

[76]Quant au deuxième argument de l'appelant sur cet aspect, il n'est pas non plus recevable. L'appelant dit que, bien que les établissements d'enseignement doivent fournir les aménagements requis, les étudiants handicapés sont imposés en tant que strate additionnelle intercalée dans un transfert des fonds destinés à cette fin, d'un niveau de gouvernement à un autre, entraînant ainsi un flux artificiel de revenu. Je suis sensible à l'argument de l'appelant, mais cet argument passe à côté de ce qui s'est véritablement produit dans la présente affaire : le Barreau (qui n'est pas un « niveau de gouvernement ») n'a pas demandé à l'appelant de solliciter une SEH comme condition préalable de services spéciaux qu'il lui fournirait. Le Barreau a tout simplement refusé de lui fournir des services spéciaux. L'appelant a pu surmonter l'effet de ce refus lorsque son employeur a accepté de le soutenir financièrement, à la condition qu'il sollicite la SEH. L'appelant ne prétend pas que le ministère de la Justice était tenu de lui fournir des services spéciaux, et il ne dit pas non plus que le ministère de la Justice n'aurait pas dû l'obliger à solliciter la SEH.

[77]J'ai du mal à voir l'effet discriminatoire de l'inclusion de la bourse dans le revenu de l'appelant, par rapport à l'inclusion d'autres bourses d'études dans le revenu d'un contribuable. Plusieurs bourses d'études ont pour objet d'aider les étudiants à venir à bout de divers obstacles qui autrement les empêcheraient de faire des études. L'idée est sans aucun doute de faire en sorte que ces bourses d'études soient utilisées par les bénéficiaires pour surmonter les obstacles en question, et je n'ai aucune raison de douter qu'elles sont généralement employées à cette fin. L'appelant n'était pas libre de disposer comme il l'entendait de la SEH, en raison des exigences du programme, mais cela ne permet pas selon moi de dire qu'il a été traité différemment.

[78]Comme le fait observer l'intimée, le groupe de référence, c'est-à-dire les étudiants non handicapés qui reçoivent un soutien financier, englobe de nombreuses personnes qui font partie de groupes bénéficiant de la protection de l'article 15. Il est sans doute difficile de mesurer empiriquement les obstacles que connaissent ces groupes en matière d'accès aux études, mais les coûts qui, à première vue, sembleront constituer des frais personnels ou des frais de subsistance peuvent se révéler, après examen plus attentif, des obstacles à l'égalité d'accès aux études.

[79]À mon avis, l'appelant n'a pas saisi la similitude entre sa situation et celle d'autres groupes. Son argument selon lequel il se distingue des autres bénéficiaires non handicapés parce que la nature de ses dépenses le place tout simplement dans la même position que les autres étudiants ne tient pas compte du fait que de nombreux étudiants ont besoin d'une aide financière pour être placés eux aussi dans la même position que d'« autres » étudiants. Le juge de la Cour de l'impôt aborde ce point au paragraphe 84 de ses motifs, et il donne notamment l'exemple des étudiants ayant des enfants à charge :

Le bénéficiaire d'une SCE versée à un étudiant ayant des personnes à charge n'aviat probablement pas à justifier l'achat d'articles précis, tels que des aliments pour bébé, des couches et autres articles ordinaires nécessaires aux enfants, mais on peut raisonnablement présumer que certaines conditions, applicables tant avant qu'après l'octroi de la subvention, liaient en général l'étudiant. De toute évidence, l'objet consistant à aider les étudiants à poursuivre leurs études en leur allouant des fonds pour alléger les contraintes imposées par les besoins financiers, ne vise pas à financer l'achat d'articles considérés comme récréatifs, ou à permettre à un étudiant de participer à des activités à l'égard desquelles il est impossible de prouver une relation raisonnable avec la poursuite d'études particulières.

[80]Il ne fait aucun doute que l'objet d'une subvention versée à des étudiants ayant des enfants à charge est de permettre aux étudiants en question de faire des études. Sans ce soutien financier, ils pourraient bien ne pas être en mesure de faire des études. Par conséquent, l'effet du soutien financier est de mettre sur un pied d'égalité, pour l'accès aux études, les étudiants ayant des enfants à charge et les étudiants sans enfant à charge. Il va sans dire que les étudiants ayant des enfants à charge devront quand même payer leurs frais de scolarité, leurs livres et tous les autres frais directement rattachés à leurs études.

[81]Avant de conclure, je voudrais réaffirmer que l'appelant n'a pas reçu la SEH en raison simplement de son handicap. C'est son handicap, combiné à son statut d'étudiant manquant de ressources, qui lui a donné droit à la subvention. Par conséquent, je ne vois pas comment on peut dire que l'inclusion de la SEH dans le revenu de l'appelant entraîne pour lui une « différence réelle de traitement » fondée sur ses caractéristiques person-nelles.

[82]Je n'ai donc pas été persuadé que l'inclusion de la SEH dans le revenu de l'appelant entraîne une inégalité pour les personnes handicapées. Vu cette conclusion, il ne m'est pas nécessaire d'examiner les deuxième et troisième volets du critère de l'arrêt Law.

[83]Pour ces motifs, je rejetterais l'appel.

Le juge Stone, J.C.A. : Je souscris aux présents motifs.

La juge Sharlow, J.C.A. : Je souscris aux présents motifs.

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