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[2000] 2 C.F. 445

T-1640-99

Frontier International Shipping Corporation (demanderesse)

c.

Les propriétaires et toutes les autres personnes ayant un droit sur le navire « Tavros » et Passport Maritime S.A. (défendeurs)

Répertorié : Frontier International Shipping Corp. c. Tavros (Le) (1re inst.)

Section de première instance, juge Pinard— Vancouver, 20 décembre; Ottawa, 23 décembre 1999.

Droit maritime Pratique ArbitrageÀ la suite de la présentation d’une requête visant à faire suspendre une action intentée devant la Cour fédérale par suite de la violation d’une charte-partie en faveur d’un arbitrage à New York, le protonotaire avait accordé la suspension, mais il avait adjugé au propriétaire du navire défendeur les dépens de l’action à titre de « mesure conservatoire provisoire » — Appel par voie de requête de la partie de l’ordonnance par laquelle les dépens étaient adjugés contre la demanderesseLa mesure conservatoire provisoire prévue à l’art. 9 du Code d’arbitrage commercial ne permet pas que les dépens soient adjugés à l’avance sans qu’il soit statué au fond sur l’affaireL’adjudication n’a rien de « provisoire » et n’est pas de nature « conservatoire »; il s’agit d’un paiement.

Pratique Frais et dépens À la suite de la présentation d’une requête visant à faire suspendre une action en raison de la violation d’une charte-partie en faveur d’un arbitrage, le protonotaire avait accordé la suspension, mais il avait adjugé au propriétaire du navire défendeur les dépens de l’action à titre de « mesure conservatoire provisoire » — Appel par voie de requête de la partie de l’ordonnance par laquelle les dépens étaient adjugés contre la demanderesseLa défenderesse n’avait pas sollicité les dépens de l’action à un stade quelconque de l’audienceLe protonotaire a commis une erreur en adjugeant les dépens alors que l’action n’avait pas été menée à terme et en adjugeant des dépens que la défenderesse ne sollicitait pas ou dont elle ne parlait pas.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Code d’arbitrage commercial, qui constitue l’annexe de la Loi sur l’arbitrage commercial, L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 17, art. 8, 9.

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Lubrizol Corp. c. Cie pétrolière impériale Ltée (1989), 27 C.I.P.R. 147; 26 C.P.R. (3d) 461; 103 N.R. 237 (C.A.F.); Armada Lines Ltd. c. Chaleur Fertilizers Ltd., [1997] 2 R.C.S. 617; (1997), 148 D.L.R. (4th) 217; 213 N.R. 228; R. c. James Lorimer and Company Limited, [1984] 1 C.F. 1065; (1984), 77 C.P.R. (2d) 262; 180 N.R. 351 (C.A.).

APPEL par voie de requête de la partie d’une ordonnance par laquelle le protonotaire adjugeait les dépens contre la demanderesse. Requête accueillie.

ONT COMPARU :

H. Peter Swanson pour la demanderesse.

Doug G. Morrison pour les défendeurs.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Campney, Murphy, Vancouver, pour la demanderesse.

Bull, Housser & Tupper, Vancouver, pour les défendeurs.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par

[1]        Le juge Pinard : Il s’agit d’un appel que la demanderesse a interjeté en vue de faire annuler une partie de l’ordonnance du 5 novembre 1999 [[2000] 2 C.F. 427 (1re inst.)] dans laquelle le protonotaire avait adjugé les dépens contre elle « à titre de mesure conservatoire provisoire » après que la demande qu’elle avait présentée en vue de faire suspendre l’instance eut été accueillie. L’ordonnance du protonotaire se lit comme suit :

CETTE COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

Cette action est suspendue en attendant la conclusion de l’arbitrage à New York. Les défenderesses auront droit, à titre de mesure conservatoire provisoire, aux dépens et débours de l’action, lesquels, y compris une somme forfaitaire de 750 $ accordée à l’égard de la présente requête, sont fixés à 13 262 64 $.

[2]        Lorsque la demande visant à la suspension de l’instance a été entendue devant le protonotaire le 18 octobre 1999, la défenderesse Passport Maritime S.A. (la défenderesse) a demandé un cautionnement à l’égard de la demande qu’elle avait présentée dans le cadre de l’arbitrage, à New York, ou subsidiairement un cautionnement pour les dépens de la présente instance, y compris les frais liés au cautionnement. Dans les observations qu’elle a présentées en réponse, la défenderesse a défini comme suit la question dont la Cour était saisie :

[traduction]

POINTS LITIGIEUX

1. La Cour devrait-elle ordonner à la demanderesse, comme condition de l’octroi d’une suspension de l’instance, de fournir un cautionnement à l’égard du montant demandé par les défenderesses dans la procédure d’arbitrage qui a lieu aux États-Unis ou un cautionnement pour les dépens engagés par la demanderesse dans la présente instance, y compris les frais liés au cautionnement que la demanderesse a obligé la défenderesse à fournir?

[3]        Dans le même document, la défenderesse a sollicité l’ordonnance suivante :

[traduction]

ORDONNANCE SOLLICITÉE

Les défenderesses sollicitent une ordonnance portant que, comme condition de l’octroi d’une suspension de l’instance dont cette Cour est ici saisie, la demanderesse doit leur fournir un cautionnement;

a) à l’égard de la demande qu’elles ont présentée dans la procédure d’arbitrage, aux États-Unis;

b) subsidiairement, à l’égard des dépens qu’elles ont engagés dans l’instance dont cette Cour est ici saisie, y compris les frais liés au cautionnement que la demanderesse les a obligées à fournir;

[4]        Il semble donc que la défenderesse n’ait pas sollicité les dépens à un stade quelconque de l’audience et certainement pas les dépens de l’action. La défenderesse a plutôt sollicité trois types différents de cautionnement à titre de « mesure conservatoire provisoire ».

[5]        Il ressort clairement des motifs que le protonotaire a prononcés à l’appui de sa décision qu’il voulait adjuger à la défenderesse les dépens et débours relatifs à la présente action « à titre de mesure conservatoire provisoire » au sens de l’article 9 du Code d’arbitrage commercial, qui constitue l’annexe de la Loi sur l’arbitrage commercial, L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 17, lequel se lit comme suit :

Article 9

[…]

La demande par une partie à un tribunal, avant ou pendant la procédure arbitrale, de mesures provisoires ou conservatoires et l’octroi de telles mesures par un tribunal ne sont pas incompatibles avec une convention d’arbitrage.

[6]        Dans ses motifs, le protonotaire dit également ceci, au paragraphe 35 [page 444] :

Le défendeur aura droit aux frais qu’il a engagés en vue de fournir un cautionnement et à la somme forfaitaire que j’ai adjugée pour cette requête […] Il incombera au défendeur de recouvrer ses frais comme il le pourra.

[7]        À mon avis, l’ordonnance contestée devrait être infirmée pour le motif qu’elle ne prévoit pas l’octroi de la mesure conservatoire provisoire prévue à l’article 9 du Code d’arbitrage commercial. Je souscris à l’argument de la demanderesse selon lequel une mesure conservatoire provisoire est « provisoire » en ce sens que quelque chose est fait en attendant le règlement final des questions au fond. Il s’agit d’une mesure de protection et non d’un paiement. Dans ce cas-ci, le protonotaire a adjugé les dépens qui doivent être recouvrés maintenant, sans aucunement statuer sur le bien-fondé de l’affaire. Il n’existe aucune possibilité de modifier cette adjudication. L’adjudication n’a rien de « provisoire » et elle n’est pas de nature « conservatoire »; il s’agit d’un paiement.

[8]        De plus, je conclus que le protonotaire a commis une erreur en adjugeant les dépens de l’action alors que celle-ci n’avait pas été menée à terme ou qu’elle n’avait pas été réglée d’une façon définitive, et en adjugeant des dépens que la défenderesse ne sollicitait pas ou dont la défenderesse ne parlait pas (voir Lubrizol Corp. c. Cie pétrolière impériale Ltée (1989), 27 C.I.P.R. 147 (C.A.F.); et Armada Lines Ltd. c. Chaleur Fertilizers Ltd., [1997] 2 R.C.S. 617).

[9]        Il semble donc que les dépens aient été erronément adjugés à la partie déboutée (voir R. c. James Lorimer and Company Limited, [1984] 1 C.F. 1065 (C.A.)).

[10]      Pour ces motifs, la requête est accueillie et la partie de l’ordonnance par laquelle le protonotaire a adjugé les dépens et débours de l’action aux défenderesses à titre de mesure conservatoire provisoire est infirmée. Les dépens de cette requête sont adjugés à la demanderesse.

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