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IMM‑7625‑05

2006 CF 1314

Tao Sui (demandeur)

c.

Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (intimé)

Répertorié : Sui c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) (C.F.)

Cour fédérale, juge Gauthier—Vancouver, 18 juillet; Montréal, 30 octobre 2006.

Citoyenneté et Immigration — Statut au Canada — Personnes ayant un statut temporaire — Contrôle judiciaire de la décision d’un délégué du ministre de prendre une mesure d’exclusion fondée sur les art. 41 et 29(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR) — Le permis d’études du demandeur a expiré le 31 juillet 2005 — Comme sa demande de permis de travail a été rejetée par la suite, le demandeur a poursuivi ses études — Le demandeur a présenté une demande de rétablissement de son statut de résident temporaire en application de l’art. 182 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le Règlement) dans les 90 jours suivant l’expiration de son permis d’études — Deux rapports d’interdiction de territoire ont été établis en application de l’art. 44(1) de la LIPR, mais le délégué du ministre a seulement pris en considération le rapport fondé sur les art. 41 et 29(2) de la LIPR avant de prendre une mesure d’exclusion — Dans sa décision, le délégué du ministre ne mentionnait pas la demande de rétablissement du statut — L’art. 182 du Règlement dispose que l’agent rétablit le statut s’il est établi que le demandeur satisfait aux exigences initiales de sa période de séjour et qu’il s’est conformé à toute autre condition imposée — Le preuve ne permettait nullement de penser que le demandeur n’avait pas satisfait à la LIPR ou au Règlement, à l’exception du fait qu’il n’avait pas quitté le Canada au moment de l’expiration de son statut — La décision du délégué du ministre a été annulée — Une erreur de droit a été commise lorsqu’on a jugé que le demandeur n’avait pas le droit de présenter une demande de rétablissement simplement parce qu’un rapport a été rédigé en vertu de l’art. 44(1) de la LIPR après le dépôt de sa demande — Des questions concernant l’examen de la demande de rétablissement par le délégué du ministre ont été certifiées — Demande accueillie.

Interprétation des lois — Art. 182 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le Règlement) — Contrôle judiciaire de la décision d’un délégué du ministre de prendre une mesure d’exclusion fondée sur les art. 41 et 29(2) de la LIPR — L’art. 3(1)g) de la LIPR précise que l’objet de la Loi quant au statut de résident permanent est de faciliter l’entrée des visiteurs, étudiants et travailleurs temporaires — Cet objectif doit être équilibré par les programmes de CIC et la nécessité de promouvoir le respect des diverses obligations prévues par la LIPR — Il ressort de l’application des principes de base de l’interprétation des lois que le délégué du ministre avait le pouvoir discrétionnaire, et même l’obligation, en vertu de l’art. 44(2) de la LIPR, de tenir compte du fait que le demandeur avait demandé le rétablissement de son statut bien avant de faire l’objet d’un rapport rédigé en vertu de l’art. 44(1) parce qu’il avait omis de quitter le Canada à la fin de son séjour autorisé.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire de la décision d’un délégué du ministre de prendre une mesure d’exclusion fondée sur l’article 41 et le paragraphe 29(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR). Le demandeur, un citoyen de la Chine, a étudié au Canada pendant plusieurs années à titre de résident temporaire titulaire d’un permis d’études; la dernière prorogation de son permis le rendait valide jusqu’au 31 juillet 2005. Avant l’expiration de son permis d’études, le demandeur a présenté une demande de permis de travail. Toutefois, le 15 octobre, le demandeur a reçu une lettre de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) datée du 3 octobre 2005 l’informant que sa demande de permis de travail avait été rejetée. Comme il ne pouvait pas travailler, le demandeur a poursuivi ses études et, dans les 90 jours suivant l’expiration de son permis d’études et dans les 90 jours suivant la date à laquelle il aurait perdu son statut de résident temporaire, il a présenté une demande de rétablissement de son statut en application de l’article 182 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le Règlement). Par la suite, il a été détenu et deux rapports d’interdiction de territoire ont été établis en application du paragraphe 44(1) de la LIPR. Le délégué du ministre a seulement pris en considération le rapport fondé sur l’article 41 (non‑respect de la LIPR) et le paragraphe 29(2) (défaut de se conformer aux conditions imposées) avant de prendre la mesure d’exclusion. Le délégué du ministre n’a pas indiqué dans sa décision, qui contenait une liste de contrôle, que le demandeur avait demandé le rétablissement de son statut avant que les rapports d’interdiction de territoire ne soient établis, même si l’agent d’exécution avait fait des commentaires à cet égard dans ses observations adressées au délégué du ministre. Le demandeur a été mis en liberté et a ensuite reçu de CIC un accusé de réception de sa demande de rétablissement et des frais de traitement. Il n’a jamais été statué sur cette demande. Le demandeur a quitté le Canada en mars 2006.

La question litigieuse était de savoir si le délégué du ministre avait le pouvoir discrétionnaire l’autorisant à tenir compte de la demande de rétablissement du statut de résident temporaire lorsqu’il a exclu l’appelant en vertu du paragraphe 44(2) de la LIPR.

Jugement : la demande est accueillie.

Pour demander le rétablissement, le visiteur, le travailleur ou l’étudiant ne doit pas avoir perdu son statut de résident temporaire pendant plus de 90 jours par suite de l’une des situations énumérées à l’article 182, notamment l’omission de quitter le Canada après la période de séjour autorisée (alinéa 185a)). Aucun pouvoir discrétionnaire n’est conféré à l’agent saisi d’une demande de prolongation; il doit rétablir le statut du demandeur s’il est convaincu que ce dernier satisfait aux exigences initiales de son séjour et qu’il s’est conformé à toute autre condition imposée à cette occasion. Les exigences initiales applicables à la délivrance d’un visa de résident temporaire sont énoncées à l’article 179 du Règlement et, selon l’alinéa 179e), l’étranger doit établir qu’il n’est pas interdit de territoire. En l’espèce, la preuve ne permettait nullement de penser que le demandeur n’avait pas satisfait à l’une ou l’autre des exigences initiales de son séjour ni qu’il avait omis de se conformer à une condition, à l’exception du fait qu’il n’avait pas quitté le Canada au moment de l’expiration de son statut.

Rien ne permettait de savoir si le délégué du ministre avait tenu compte de la demande de rétablissement présentée par le demandeur pendant l’entrevue. On ne pouvait inférer que le délégué du ministre n’avait pas connaissance de la demande de rétablissement ou qu’il n’avait pas tenu compte de l’existence de celle‑ci simplement parce qu’il n’en a fait pas mention dans sa liste de contrôle. Le délégué du ministre était présumé avoir connu l’existence de la demande et savoir que l’agent d’exécution n’avait pas pris en considération le fait que le demandeur avait droit au bénéfice des dispositions de l’article 182. On pouvait seulement inférer que le délégué du ministre avait pris la mesure d’exclusion parce qu’il estimait que le rapport rédigé en vertu du paragraphe 44(1) était fondé.

L’objectif pertinent de la LIPR est énoncé à l’alinéa 3(1)g), qui précise que la LIPR a pour objet de « faciliter l’entrée des visiteurs, étudiants et travailleurs temporaires qui viennent au Canada dans le cadre d’activités commerciales, touristiques, culturelles, éducatives, scientifiques ou autres, ou pour favoriser la bonne entente à l’échelle internationale ». Cet objectif doit être équilibré par la nécessité de protéger l’intégrité des programmes de CIC et de promouvoir le respect des diverses obligations prévues par la LIPR. Même les résidents temporaires qui bénéficient des avantages découlant de leur statut pendant leur séjour autorisé peuvent faire l’objet de mesures au titre de l’observation et de l’exécution, y compris leur renvoi. Le fait que le législateur a confié au ministre la responsabilité définitive de veiller à ce que les agents d’exécution aient exercé leur pouvoir discrétionnaire de façon appropriée lorsqu’ils ont rédigé le rapport en vertu du paragraphe 44(1) sur le fondement de l’article 41 et du paragraphe 29(2) de la LIPR ne signifie pas que le ministre n’a pas à se demander si et comment la demande de rétablissement dûment présentée en application de l’article 182 du Règlement a été prise en compte par ces agents d’exécution.

Comme une « disposition législative doit être lue dans son contexte global, en prenant en considération non seulement le sens ordinaire et grammatical des mots mais aussi l’esprit et l’objet de la loi et l’intention du législateur », le délégué du ministre avait le pouvoir discrétionnaire, et même l’obligation, de tenir compte du fait que le demandeur avait demandé le rétablissement de son statut bien avant de faire l’objet d’un rapport rédigé en vertu du paragraphe 44(1) parce qu’il avait omis de quitter le Canada à la fin de son séjour autorisé. En outre, une erreur de droit a été commise lorsqu’on a jugé que le demandeur n’avait pas le droit de présenter une telle demande de rétablissement simplement parce qu’après le dépôt de sa demande conformément aux dispositions du Règlement, un rapport rédigé en vertu du paragraphe 44(1) a été établi uniquement sur le fondement du paragraphe 29(2) de la LIPR. Par conséquent, la décision du délégué du ministre a été annulée.

Les deux questions suivantes ont été certifiées, soit celles de savoir si : 1) l’existence d’une demande de rétablissement fondée sur l’article 182 du Règlement constitue un facteur pertinent dont le délégué du ministre doit tenir compte lorsqu’il examine l’opportunité de prendre une mesure d’exclusion pour défaut de se conformer au paragraphe 29(2) de la LIPR; et 2) l’étranger qui a demandé le rétablissement de son statut conformément à l’article 182 du Règlement est automatiquement privé de l’avantage de sa demande lorsqu’un agent d’exécution envisage de rédiger un rapport en vertu du paragraphe 44(1) sur le fondement du défaut de se conformer au paragraphe 29(2) de la LIPR.

lois et règlements cités

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 3(1)g),h),i), 20(1)b), 22(1), 25, 29, 40(1)a), 41, 44, 47, 51(2).

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227, art. 179, 182, 183(1),(5),(6), 185 (mod. par DORS/2004‑167, art. 51(F)), 205c)(ii), 225, 228(1)c)(iv) (mod., idem, art. 63).

jurisprudence citée

décision appliquée :

Glykis c. Hydro‑Québec, [2004] 3 R.C.S. 285; 2004 CSC 60.

décision différenciée :

Cha c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2007] 1 R.C.F. 409; 2006 CAF 126.

décision examinée :

Yu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1213.

décisions citées :

De Brito c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1379; Radics c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1590.

doctrine citée

Citoyenneté et Immigration Canada. Guide de l’exécution de la loi (ENF). Chapitre ENF 5 : Rédaction des rapports en vertu du L44(1), en ligne : <http ://www. cic.gc.ca /manuals‑guides/francais/enf/enf05f.pdf>.

Citoyenneté et Immigration Canada. Guide de traitement des demandes au Canada (IP). Chapitre IP 6 : Traitement des demandes de prolongation du statut de visiteur, en ligne : <http ://www.cic.gc.ca/manuals‑ guides/francais/ip/ip06f.pdf>.

Résumé de l’étude d’impact de la réglementation, Gaz. C. 2002.II.195.

DEMANDE de contrôle judiciaire de la décision d’un délégué du ministre de prendre une mesure d’exclusion fondée sur l’article 41 et le paragraphe 29(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés après que le demandeur a présenté une demande de rétablissement de son statut d’étudiant dans les 90 jours suivant la perte de son statut temporaire en application de l’article 182 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés. Demande accueillie.

ont comparu :

Lawrence Wong pour le demandeur.

R. Keith Reimer pour l’intimé.

avocats inscrits au dossier :

Wong Pederson, Vancouver, pour le demandeur.

Le sous‑procureur général du Canada pour l’intimé.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance et de l’ordonnance rendus par

[1]La juge Gauthier : La présente demande soulève une question inédite touchant l’effet d’une demande de rétablissement du statut de résident temporaire présentée en application de l’article 182 du Règlement sur l’immi-gration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement), et son incidence, le cas échéant, sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire que le paragraphe 44(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR) confère au délégué du ministre.

[2]J’ai décidé d’accueillir la demande pour les motifs qui suivent et j’ai certifié deux questions.

Contexte

[3]Le demandeur, Tao Sui, est un citoyen chinois âgé de 24 ans. Il a étudié au Canada pendant plusieurs années à titre de résident temporaire titulaire d’un permis d’études qui a été renouvelé de temps à autre. La dernière prorogation rendait son permis d’études valide jusqu’au 31 juillet 2005.

[4]Avant l’expiration de son permis d’études, le demandeur a retenu les services d’un consultant en immigration pour l’aider à obtenir une offre d’emploi de manière à pouvoir demander un permis de travail après l’obtention d’un diplôme (sous‑alinéa 205c)(ii) du Règlement).

[5]Le 11 juillet 2005, le consultant a envoyé une lettre à Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) dans laquelle il présente la demande de Tao Sui visant à obtenir ce permis de travail et mentionne que le demandeur a reçu une offre d’emploi d’une société appelée Pro Bis Enterprises (Canada) Inc. CIC a subséquemment procédé à des vérifications au sujet de cette société et conclu que celle‑ci n’avait pas présenté une offre bona fide au demandeur puisqu’il ne paraissait pas s’agir d’une société en exploitation.

[6]Le 15 octobre 2005, le demandeur a reçu une lettre de CIC datée du 3 octobre 2005 l’informant qu’il ne satisfaisait pas aux exigences applicables en matière de permis de travail et qu’il devait quitter le Canada immédiatement faute de quoi des mesures d’exécution seraient prises contre lui. Il ressort des notes de l’entrevue consignées par l’agent d’exécution que le demandeur a appelé aux bureaux de CIC à Vegreville et qu’on lui aurait dit que tout se passerait [traduction] « bien » à la condition qu’il demande une [traduction] « prolongation » de son permis dans les trois mois suivant le refus.

[7]Comme il ne pouvait pas travailler, M. Sui a décidé de poursuivre ses études et il s’est inscrit au Kwantlen University College (établissement dont il détenait déjà un diplôme) en vue d’obtenir un diplôme d’études commerciales. Le 19 octobre 2005, soit dans les 90 jours suivant l’expiration de son permis d’études et dans les 90 jours suivant la date à laquelle il aurait perdu son statut de résident temporaire1, il a présenté une demande de rétablissement de son statut en application de l’article 182 du Règlement.

[8]M. Sui est demeuré au Canada dans l’attente qu’il soit statué sur sa demande de rétablissement.

[9]Le 29 novembre 2005, deux agents d’immigration se sont rendus à son domicile pour l’interroger et l’informer qu’il n’avait plus de statut au Canada. Ils ont saisi son passeport et lui ont demandé de se présenter à une entrevue le 1er décembre 2005.

[10]Au cours de son entrevue avec le demandeur, l’agent d’exécution a confronté ce dernier aux renseignements concernant Pro Bis Enterprises (Canada) Inc. Le demandeur a ensuite été mis en détention.

[11]Le 2 décembre 2005, l’agent d’exécution a établi deux rapports d’interdiction de territoire en application du paragraphe 44(1) de la LIPR. Le premier rapport se fondait sur l’alinéa 40(1)a) de la LIPR et le fait qu’il [traduction] « existait des motifs raisonnables de croire que cet étranger est interdit de territoire parce qu’il a, directement ou indirectement, fait une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi ».

[12]Le second rapport se fondait sur l’article 41 et le paragraphe 29(2) de la LIPR et le fait que M. Sui était interdit de territoire pour avoir omis de respecter son obligation, à titre de résident temporaire, de quitter le Canada à la fin de la période de séjour autorisée, soit en octobre 2005.

[13]Le 5 décembre 2005, un délégué du ministre a rencontré le demandeur en matinée afin de décider s’il devait prendre une mesure d’exclusion en application du paragraphe 44(2) de la LIPR et du sous‑alinéa 228(1)c)(iv) [mod. par DORS/2004-167, art. 63] du Règlement.

[14]Après avoir examiné les deux rapports et les observations écrites supplémentaires fournies par l’agent d’exécution, le délégué du ministre a décidé de prendre une mesure d’exclusion fondée sur l’article 41 et le paragraphe 29(2) de la LIPR. À la lumière de l’article 225 du Règlement, cela signifiait que le demandeur ne pouvait revenir au Canada pour une période d’un an suivant son départ, à moins d’obtenir le consentement écrit du ministre. Le délégué du ministre n’a pas renvoyé l’autre question à la Section de l’immigration pour qu’elle procède à une enquête sur la présentation erronée alléguée et aucune autre mesure n’a été prise quant à l’autre rapport fondé sur le paragraphe 44(1).

[15]Le délégué du ministre ne mentionne nulle part dans la liste de contrôle relative à une mesure de renvoi faisant partie de sa décision que M. Sui avait demandé le rétablissement de son statut avant qu’un quelconque rapport ne soit établi. Toutefois, dans ses observations supplémentaires adressées au délégué du ministre, l’agent d’exécution précise :

[traduction] « Malgré la présentation de la demande de rétablissement, il n’a jamais été statué sur celle‑ci et, comme le client fait maintenant l’objet d’un rapport rédigé en vertu du L44, il ne peut bénéficier d’un rétablissement.

[16]Plus tard ce jour‑là, après l’audience relative à la détention, le demandeur a été mis en liberté au motif qu’il se conformerait vraisemblablement à une mesure de renvoi.

[17]Malgré ce qui précède, en janvier 2006, CIC a envoyé à M. Sui un accusé de réception de la demande de rétablissement et des frais de traitement (200 $). Il n’a jamais été statué sur cette demande.

[18]Le demandeur a quitté le Canada en mars 2006.

[19]À l’audience, la Cour a accueilli la requête de l’intimé visant à modifier l’intitulé de la cause de manière à remplacer le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile.

Questions en litige

[20]Le demandeur soutient que le délégué du ministre a omis de tenir compte du fait qu’il est demeuré au Canada uniquement parce qu’on lui a laissé croire qu’il pouvait agir ainsi pour présenter une demande en application de l’article 182 du Règlement. Il affirme que cette demande était manifestement une demande  bona fide pour les raisons suivantes : il avait payé des frais de scolarité non remboursables de 6 000 $ au Kwantlen University College, cet établissement avait confirmé qu’il était accepté et il disposait de fonds suffisants dans son compte bancaire pour couvrir ses frais de subsistance.

[21]Il avance que la thèse de l’intimé selon laquelle sa demande de rétablissement était dénuée de pertinence à partir du moment où un agent d’immigration a établi un rapport en application du paragraphe 44(1) de la LIPR est contraire à l’intention évidente du législateur voulant que le statut de résident temporaire doive être rétabli si l’étranger se conforme aux exigences initiales afférentes à la délivrance de son visa. Selon le demandeur, le fait d’avoir quitté le Canada après la perte de son statut à la fin de la période de séjour autorisée ne peut faire partie de ces exigences initiales puisque c’est justement pour éviter une telle mesure que cette disposition particulière a été adoptée. En outre, le demandeur invoque le Guide de Traitement des demandes au Canada de CIC, chapitre IP 06 : Traitement des demandes de prolongation du statut de visiteur, qui énonce ce qui suit :

5.6          Refus d’une demande de permis de travail ou d’études

Si un visiteur au Canada demande un permis de travail ou d’études et qu’on le lui refuse, son statut de visiteur n’est pas touché. Dès qu’il est avisé du rejet de sa demande de PT ou de PE, le visiteur doit, s’il désire demeurer au Canada en qualité de visiteur, présenter une demande distincte visant à proroger son statut de RT.

Si, au moment du rejet de la demande de PT ou de PE, le statut du visiteur était valide par suite de l’application du R183(6), c.-à-d. s’il s’agit d’un « statut implicite », celui‑ci devra alors demander le rétablissement de son statut de visiteur s’il souhaite demeurer au Canada.

5.7          Rétablissement

Si un visiteur, un travailleur ou un étudiant a perdu son statut, il peut en demander le rétablissement conformément au R182. Cette disposition réglementaire s’applique seulement si le résident temporaire n’a pas perdu son statut depuis plus de 90 jours et n’a pas omis de se conformer aux conditions prévues.

Si une personne demande le renouvellement de son statut de visiteur, de permis de travail ou d’études après l’expiration de son statut de résident temporaire, mais dans un délai de 90 jours suivant la perte de ce statut, le CTD‑Vegreville l’avisera qu’elle doit également présenter une demande de rétablissement de son statut si elle ne l’a pas déjà fait. Elle aura alors 90 jours, à compter de la date de l’avis, pour demander le rétablissement de son statut et payer les frais afférents.

Note :     La personne doit toutefois convaincre l’agent qu’elle est un véritable résident temporaire pour être admissible au rétablissement de son statut.

Les frais à payer pour l’examen d’une demande de rétablissement du statut de résident temporaire s’élèvent actuellement à 200 $ (R306).

Si une personne fait déjà l’objet d’un rapport rédigé en vertu du L44, elle ne peut alors pas obtenir le rétablissement de son statut. Toutefois, un agent peut accepter d’examiner la demande de rétablissement d’un client sans statut s’il est d’avis que ce dernier satisfait aux conditions susmentionnées. [Non souligné dans l’original.]

[22]L’intimé affirme que le paragraphe 29(2) de la LIPR est sans équivoque et qu’il n’est pas contesté que le demandeur avait perdu son statut de résident temporaire puisque la période de séjour autorisée était terminée. Suivant les articles 29 et 41 de la LIPR, le résident temporaire qui demeure au pays après cette échéance devient interdit de territoire.

[23]L’intimé fait valoir que le législateur, lorsqu’il a adopté les paragraphes 183(5) et (6) du Règlement, a manifestement indiqué que le statut d’un étranger sera prorogé seulement dans l’attente qu’il soit statué sur la demande de renouvellement ou de prolongation d’un permis ou d’un visa de résident temporaire. Ces demandes doivent être produites avant l’expiration du statut de résident temporaire.

[24]L’intimé soutient donc que l’article 182 du Règlement vise simplement à permettre aux étrangers de présenter une demande de rétablissement de leur statut. Il n’a pas pour objet de les soustraire à l’obligation d’observer la loi ni aux mesures d’exécution ou d’expulsion. Selon l’intimé, une demande de rétablissement n’a pas plus d’effet sur le droit de CIC de renvoyer une personne du Canada qu’une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire présentée en application de l’article 25 de la LIPR.

[25]Enfin, l’intimé signale que la légalité de la décision de l’agent d’exécution de rédiger un rapport en application du paragraphe 44(1) de la LIPR n’a en aucune façon été contestée par voie d’une demande de contrôle judiciaire et que le délégué du ministre lui‑même n’avait aucun pouvoir discrétionnaire l’autorisant à tenir compte de la demande de rétablissement. Quoi qu’il en soit, même si le délégué avait eu ce pouvoir, il n’avait en l’espèce aucune obligation d’agir ainsi. En effet, le statut de M. Sui ne pouvait être rétabli puisque ce dernier faisait alors déjà l’objet d’un rapport rédigé en vertu du paragraphe 44(1) (Guide de traitement des demandes au Canada de CIC; voir plus haut, au paragraphe 21).

a) Dispositions législatives applicables

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.

3. (1) En matière d’immigration, la présente loi a pour objet :

[. . .]

g) de faciliter l’entrée des visiteurs, étudiants et travailleurs temporaires qui viennent au Canada dans le cadre d’activités commerciales, touristiques, culturelles, éducatives, scientifiques ou autres, ou pour favoriser la bonne entente à l’échelle internationale;

[. . .]

20. (1) L’étranger non visé à l’article 19 qui cherche à entrer au Canada ou à y séjourner est tenu de prouver :

[. . .]

b) pour devenir un résident temporaire, qu’il détient les visas ou autres documents requis par règlement et aura quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

[. . .]

22. (1) Devient résident temporaire l’étranger dont l’agent constate qu’il a demandé ce statut, s’est déchargé des obligations prévues à l’alinéa 20(1)b) et n’est pas interdit de territoire.

[. . .]

29. (1) Le résident temporaire a, sous réserve des autres dispositions de la présente loi, l’autorisation d’entrer au Canada et d’y séjourner à titre temporaire comme visiteur ou titulaire d’un permis de séjour temporaire.

(2) Le résident temporaire est assujetti aux conditions imposées par les règlements et doit se conformer à la présente loi et avoir quitté le pays à la fin de la période de séjour autorisée. Il ne peut y rentrer que si l’autorisation le prévoit.

[. . .]

40. (1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants :

a) directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi;

[. . .]

44. (1) S’il estime que le résident permanent ou l’étranger qui se trouve au Canada est interdit de territoire, l’agent peut établir un rapport circonstancié, qu’il transmet au ministre.

(2) S’il estime le rapport bien fondé, le ministre peut déférer l’affaire à la Section de l’immigration pour enquête, sauf s’il s’agit d’un résident permanent interdit de territoire pour le seul motif qu’il n’a pas respecté l’obligation de résidence ou, dans les circonstances visées par les règlements, d’un étranger; il peut alors prendre une mesure de renvoi.

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [article 185 (mod. par DORS/2004-167, art. 51(F))]

179. L’agent délivre un visa de résident temporaire à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis :

a) l’étranger en a fait, conformément au présent règlement, la demande au titre de la catégorie des visiteurs, des travailleurs ou des étudiants;

b) il quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée qui lui est applicable au titre de la section 2;

c) il est titulaire d’un passeport ou autre document qui lui permet d’entrer dans le pays qui l’a délivré ou dans un autre pays;

d) il se conforme aux exigences applicables à cette catégorie;

e) il n’est pas interdit de territoire;

f) il satisfait aux exigences prévues à l’article 30.

[. . .]

182. Sur demande faite par le visiteur, le travailleur ou l’étudiant dans les quatre‑vingt‑dix jours suivant la perte de son statut de résident temporaire parce qu’il ne s’est pas conformé à l’une des conditions prévues à l’alinéa 185a), aux sous‑alinéas 185b)(i) à (iii) ou à l’alinéa 185c), l’agent rétablit ce statut si, à l’issue d’un contrôle, il est établi que l’intéressé satisfait aux exigences initiales de sa période de séjour et qu’il s’est conformé à toute autre condition imposée à cette occasion.

183. (1) Sous réserve de l’article 185, les conditions ci‑après sont imposées à tout résident temporaire :

a) il doit quitter le Canada à la fin de la période de séjour autorisée;

b) il ne doit pas travailler, sauf en conformité avec la présente partie ou la partie 11;

c) il ne doit pas étudier, sauf en conformité avec la présente partie ou la partie 12.

[. . .]

(5) Si le résident temporaire demande la prolongation de sa période de séjour et qu’il n’est pas statué sur la demande avant l’expiration de la période, celle‑ci est prolongée :

a) jusqu’au moment de la décision, dans le cas où il est décidé de ne pas la prolonger;

b) jusqu’à l’expiration de la période de prolongation accordée.

(6) Si la période de séjour est prolongée par l’effet de l’alinéa (5)a) ou par application de l’alinéa (5)b), le résident temporaire conserve son statut, sous réserve des autres conditions qui lui sont imposées, pendant toute la prolongation.

[. . .]

185. Les conditions particulières ci‑après peuvent être imposées, modifiées ou levées par l’agent à l’égard du résident temporaire :

a) la période de séjour autorisée;

b) l’exercice d’un travail au Canada, ou son interdiction, et notamment :

(i) le genre de travail,

(ii) l’employeur,

(iii) le lieu de travail,

(iv) les modalités de temps de celui‑ci,

(v) dans le cas d’un membre d’équipage, le délai à l’intérieur duquel il doit se rendre au moyen de transport;

c) la poursuite d’études au Canada, ou son interdiction, et notamment :

(i) le genre d’études ou de cours,

(ii) l’établissement d’enseignement,

(iii) le lieu des études,

(iv) les modalités de temps de celles‑ci;

d) la partie du Canada où sa présence est obligatoire ou interdite;

e) les date, heure et lieu où il doit :

(i) se soumettre à une visite médicale, une surveillance médicale ou un traitement médical,

(ii) présenter des éléments de preuve de conformité aux conditions applicables.

[26]Après l’audience, les parties ont invoqué d’autres dispositions des guides de l’immigration de CIC qu’elles estimaient pertinentes ainsi que des documents relatifs à l’historique législatif de l’article 182 du Règlement et des articles 29, 41 et 47 de la LIPR. La Cour a examiné tous ces documents en gardant en mémoire que, même s’ils peuvent fournir certains indices utiles, ils ne lient la Cour d’aucune manière (Cha c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2007] 1 R.C.F. 409 (C.A.F.), au paragraphe 15).

b) Norme de contrôle

[27]M. Sui affirme que les questions qu’il soulève sont de pures questions de droit, et l’intimé ne l’a pas contredit.

[28]La Cour arrive à la conclusion que la question soulevée par l’intimé quant à savoir si le délégué du ministre avait ou non un pouvoir discrétionnaire suffisant pour lui permettre de tenir compte de l’existence de la demande de rétablissement lorsqu’il a pris sa décision en application du paragraphe 44(2) est une question de droit.

[29]Il est toutefois difficile de savoir, à la lecture de la décision elle‑même—laquelle comprend la liste de contrôle—si le délégué du ministre a ou non tenu compte de cet élément. Si elle applique une présomption pour conclure que le délégué a tenu compte de la demande de rétablissement parce qu’elle est mentionnée dans les observations de l’agent d’exécution, la Cour devra aussi en inférer que le délégué convenait avec l’agent d’immigration que M. Sui ne pouvait pas présenter cette demande. Il s’agit également d’une question de droit.

[30]Dans le cas contraire, si l’existence de la demande de rétablissement est d’une telle importance que le décideur aurait dû préciser de façon expresse comment il a traité ce fait, la Cour devra en déduire que le délégué ne l’a pas du tout pris en considération. Le point de savoir s’il aurait dû en tenir compte est une autre question de droit.

[31]La décision du délégué du ministre n’est assujet-tie à aucune clause privative. Cependant, le paragraphe 51(2) de la LIPR envisage expressément la possibilité d’un contrôle judiciaire. Lorsqu’on examine les connaissances relatives du délégué du ministre, il est manifeste que ce dernier n’en possède pas autant que la Cour pour trancher les questions de droit. La Cour est convaincue, comme dans l’arrêt Cha, susmentionné, que la norme de la décision correcte doit être appliquée pour chacune des questions soulevées en l’espèce.

c) Analyse

[32]La Cour convient que la principale différence entre la demande de prolongation visée aux paragraphes 183(5) et (6) et la demande de rétablissement prévue à l’article 182 du Règlement tient au fait que seule la personne qui demande une prolongation avant l’expiration de son statut continue de jouir des droits associés au statut de résident temporaire, comme le droit de visiter les États‑Unis (voir la décision De Brito c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigra-tion), 2003 CF 1379). Cependant, cela ne permet pas de trancher les questions soulevées en l’espèce.

[33]Pour demander le rétablissement, le visiteur, le travailleur ou l’étudiant ne doit pas avoir perdu son statut de résident temporaire pendant plus de 90 jours par suite de l’une des situations énumérées à l’article 182, notamment l’omission de quitter le Canada après la période de séjour autorisée (alinéa 185a)).

[34]Aucun pouvoir discrétionnaire n’est conféré à l’agent saisi d’une demande de prolongation. Il doit rétablir le statut du demandeur si, à l’issue d’un contrôle, il est convaincu que ce dernier satisfait aux exigences initiales de son séjour et qu’il s’est conformé à toute autre condition imposée à cette occasion.

[35]L’article 179 du Règlement énonce les exigences initiales applicables à la délivrance d’un visa de résident temporaire (voir la décision Radics c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1590, au paragraphe 10). Selon l’alinéa 179e), l’étranger doit établir qu’il n’est pas interdit de territoire. Interpréter cette disposition comme si elle signifiait que l’agent peut décider que le demandeur n’a pas satisfait aux exigences initiales de son séjour simplement parce qu’il n’a pas quitté le Canada à la fin de la période autorisée aurait pour effet de priver de sens l’article 182 du Règlement. L’agent pourrait toujours rejeter la demande pour cette raison. Le demandeur n’aurait absolument aucune chance d’obtenir le rétablissement de son statut puisqu’il est à mon avis manifeste que, dans l’attente d’une décision statuant sur la demande de rétablissement, un demandeur comme M. Sui est et demeure sans statut. Cela serait contraire à l’intention du législateur. Cela serait en outre incompatible avec les renseignements fournis au grand public, y compris Tao Sui, dans le Guide de traitement des demandes au Canada de CIC, en particulier le passage reproduit au paragraphe 21, puisque M. Sui ne faisait l’objet d’aucun rapport rédigé en vertu du paragraphe 44(1) lorsqu’il a produit sa demande.

[36]Dans la présente affaire, sous réserve de la question de la présentation erronée mentionnée dans le second rapport2 rédigé en vertu du paragraphe 44(1), la preuve ne permet nullement de penser que M. Sui n’a pas satisfait à l’une ou l’autre des exigences initiales de son séjour ni qu’il a omis de se conformer aux autres conditions, à l’exception du fait qu’il n’avait pas quitté le Canada au moment de l’expiration de son statut.

[37]Dans ses observations écrites et à l’audience, l’intimé a soutenu que la conclusion voulant que M. Sui ne puisse [traduction] « bénéficier d’un rétablisse-ment » repose entièrement sur le fait que le demandeur, ayant contrevenu aux dispositions du paragraphe 29(2) de la LIPR, faisait maintenant l’objet d’un rapport rédigé en vertu du paragraphe 44(1) uniquement pour ce motif. À mon sens, les observations formulées par l’agent d’exécution dans son rapport sur les points saillants étaient ambiguës si on tient compte de l’allégation de présentation erronée. Cependant, en réponse à la question soumise à la Cour, l’intimé a affirmé que le fond même de la demande n’a jamais été examiné ni par l’agent d’exécution ni par le délégué du ministre. La preuve présentée par ces derniers est muette sur ce point. La Cour suppose donc qu’il n’y avait aucun rapport entre la présentation erronée alléguée et la décision de l’agent d’exécution ou celle du délégué du ministre.

[38]Dans la décision Yu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1213, la juge Sandra Simpson a examiné une situation analogue où une mesure d’exclusion avait été prise parce que le permis d’études du demandeur avait expiré, que le demandeur avait perdu son statut de résident temporaire en application de l’article 47 de la LIPR et qu’il ne bénéficiait pas du statut implicite accordé au paragraphe 183(6) du Règlement. Dans sa décision, la juge Simpson signale qu’elle doit se demander [au paragraphe 5] « s’il était juste et conforme aux principes de justice naturelle et à l’article 182 du Règlement de prendre la mesure d’exclusion pour cause de perte de statut sans avoir tranché la demande de rétablissement du statut ».

[39]Dans cette affaire, la mesure d’exclusion renvoyait par erreur à l’alinéa 21a) (au lieu de l’alinéa 20(1)b)) et à l’article 41 de la LIPR. La juge Simpson a estimé que ces dispositions ne s’appliquaient pas en l’espèce. Elle a également conclu [au paragraphe 7] qu’on « ne saurait dire en effet que le résident temporaire qui, comme le Règlement lui permet de le faire, a demandé dans les délais prescrits le rétablissement de son statut a contrevenu à la LIPR ou ne s’y est pas conformé ».

[40]L’intimé fait valoir que la Cour ne doit pas adopter ce point de vue, qu’elle n’est pas liée par le principe de l’adhésion déférente et qu’elle n’a donc pas à suivre la décision Yu susmentionnée parce que la juge Simpson n’a jamais eu à examiner l’incidence du paragraphe 29(2), soit la disposition invoquée par le délégué du ministre dans la présente instance.

[41]Le demandeur affirme qu’il est inutile pour la Cour de répondre à cette question ou de décider si elle doit ou non suivre la décision Yu susmentionnée. Il souligne que la Cour peut trancher la présente affaire en se prononçant uniquement sur le point de savoir si l’existence de la demande de rétablissement est un facteur pertinent dont il faut tenir compte avant de prendre une mesure fondée sur le paragraphe 44(2) de la LIPR.

[42]L’intimé avait peu de choses à dire sur la question de savoir si la Cour devait inférer que le délégué du ministre avait un tant soit peu tenu compte de l’existence de la demande de rétablissement présentée par M. Sui.

[43]Rien ne permet de penser que cette question a été abordée pendant l’entrevue. M. Sui n’était pas représenté à son enquête et, comme son avocat lui avait conseillé de ne rien dire avant l’audience relative à sa détention devant se tenir plus tard ce jour‑là, il est vraisemblable que le demandeur n’a pas lui‑même soulevé ce point.

[44]Comme il est signalé plus haut, l’existence de cette demande est mentionnée sans équivoque dans le rapport sur les points saillants, où figurent les observations écrites de l’agent d’exécution. Le dossier dont disposait le délégué du ministre était mince et le rapport lui était directement adressé.

[45]La Cour n’est pas disposée à inférer, comme le laisse entendre le demandeur, que le délégué du ministre ne savait tout simplement pas qu’une demande de rétablissement avait été présentée ou qu’il n’a pas tenu compte de l’existence de celle‑ci parce qu’il n’en fait pas explicitement mention dans sa liste de contrôle. À mon avis, à la lumière des faits en l’espèce, le délégué du ministre est présumé avoir connu l’existence de la demande et savoir que l’agent d’exécution n’a pas pris en considération le fait que M. Sui avait droit au bénéfice des dispositions de l’article 182.

[46]L’absence de mention relative à la demande de rétablissement permet uniquement d’inférer que le délégué du ministre a pris la mesure d’exclusion parce qu’il estimait que le rapport rédigé en vertu du paragraphe 44(1) était fondé. Cela pourrait simplement tenir au fait qu’il convenait que M. Sui était interdit de territoire ou qu’il croyait qu’il n’avait pas le pouvoir discrétionnaire de tenir compte de cet élément.

[47]La Cour ne peut être d’accord avec l’intimé lorsqu’il avance que l’arrêt Cha, susmentionné, permet d’affirmer que, selon le paragraphe 44(2), le délégué du ministre n’avait aucun pouvoir discrétionnaire pour tenir compte de l’existence de la demande de M. Sui et de l’incidence de l’article 182, notamment le point de savoir si M. Sui perdait automatiquement le droit au bénéfice de cette disposition comme le signale l’agent d’exécution.

[48]Au paragraphe 13 de ses motifs, le juge Robert Décary précise sans équivoque que l’appel interjeté dans l’arrêt Cha, susmentionné, visait uniquement les étrangers qui font l’objet d’un rapport d’interdiction de territoire établi pour le seul motif de la criminalité au Canada et à l’égard desquels le délégué du ministre a pris une mesure d’expulsion. Il ajoute qu’il ne traite d’aucun autre motif d’interdiction de territoire et qu’il : « n’enten[d] statuer que sur la question en litige très précise dont la Cour est saisie ». Le juge Décary mentionne clairement que le terme « peut », au paragraphe 44(2), a été employé en partie pour refléter le fait que cette disposition s’applique à une multitude de situations, ce qui peut entraîner l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire plus ou moins étendu de la part du délégué du ministre selon les circonstances.

[49]On signale dans l’arrêt Cha, susmentionné, que le législateur a clairement démontré que la criminalité des non‑citoyens constituait une préoccupation importante puisqu’il en fait mention dans deux des objectifs visés par la LIPR (alinéas 3(1)h) et 3(1)i)). La Cour suprême du Canada a aussi affirmé récemment que ces deux objectifs dénotent l’intention de donner la priorité à la sécurité et que cette intention se matérialise notamment par le renvoi des demandeurs qui ont un casier judiciaire au Canada. De même, le législateur a fourni un code complet, détaillé et explicite qui régit la façon dont les agents d’immigration et les délégués du ministre doivent exercer le pouvoir discrétionnaire que leur confère l’article 44 de la Loi.

[50]En l’espèce, l’objectif pertinent est différent. L’alinéa 3(1)g) prévoit que la LIPR a pour objet « de faciliter l’entrée des visiteurs, étudiants et travailleurs temporaires qui viennent au Canada dans le cadre d’activités commerciales, touristiques, culturelles, éducatives, scientifiques ou autres, ou pour favoriser la bonne entente à l’échelle internationale » [soulignement ajouté].

[51]Cet objectif doit évidemment être équilibré par la nécessité de protéger l’intégrité des programmes de CIC et de promouvoir le respect des diverses obligations prévues par la LIPR.

[52]Il ne fait aucun doute que même les résidents temporaires qui bénéficient des avantages découlant de leur statut pendant leur séjour autorisé peuvent faire l’objet de mesures au titre de l’observation et de l’exécution, y compris le renvoi.

[53]Comme il est signalé dans de nombreuses dispositions des guides de l’immigration de CIC, dont la section 8.1 du Guide de l’éxécution de la loi (ENF), chapitre ENF 5 intitulé Rédaction des rapports en vertu du L44(1), il est important que les agents et les délégués du ministre fassent preuve de discernement et de bon sens lorsqu’ils appliquent les clauses d’interdiction de territoire en matière d’immigration. Ils doivent garder en mémoire les divers objectifs et clauses de la Loi régissant l’immigration au Canada. Cela englobe certainement les règlements d’application et, en particulier, les dispositions comme l’article 182.

[54]La Cour signale que la section 8.1 susmentionné énonce expressément que l’agent, avant de choisir de rédiger un rapport en vertu du paragraphe 44(1), peut tenir compte du fait que la personne a demandé le rétablissement de son statut et qu’elle semble admissi-ble.

[55]Le fait que le législateur a confié au ministre (et à ses délégués) la responsabilité définitive de veiller à ce que les agents d’exécution aient exercé leur pouvoir discrétionnaire de façon appropriée lorsqu’ils ont rédigé le rapport en vertu du paragraphe 44(1) sur le fondement de l’article 41 et du paragraphe 29(2) de la LIPR ne signifie pas que le ministre n’a pas à se demander si et comment la demande de rétablissement dûment présentée en application de l’article 182 du Règlement a été prise en compte par ces agents d’exécution.

[56]Le tableau qui se trouve aux pages 7 et 8 du Guide de l’exécution de la loi (ENF) de CIC, chapitre ENF 5 et qui vise à expliciter l’ensemble du processus fait état de la possibilité de rétablir le statut après que le délégué du ministre a examiné un rapport rédigé par un agent d’exécution en vertu du paragraphe 44(1) (voir l’annexe 1).

[57]Comme il est signalé dans le Résumé de l’étude d’impact de la règlementation présentée avec le projet de Règlement DORS/2002‑227 publié le 11 juin 2002, à la page 194, on considère que les étudiants étrangers sont une source d’avantages économiques importants pour le Canada puisque chacun d’entre eux dépense en moyenne une somme de 20 000 $ par année en frais de scolarité et de subsistance.

[58]On peut lire ce qui suit aux pages 195 et 196 :

Publication préalable

Suite à la publication préalable, nous avons reçu des commentaires de groupes et organisations incluant : le Comité consultatif sur les étudiants internationaux et l’immigration (CCEII), le bureau canadien de l’éducation internationale, le « Alberta Centre for International Education », l’Association des collèges communautaires du Canada, l’Association nationale des collèges carrières et L. Cordome & Associates Research Services. Le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration a également fait des recommandations.

Les principales questions soulevées concernent les exigences reliées au rétablissement en statut, la période d’attente suivant le non‑respect des conditions afin de pouvoir faire une nouvelle demande de permis, ainsi que l’inclusion de dispositions clarifiant l’accès scolaire des enfants mineurs au Canada.

Il a été suggéré de laisser à l’agent la discrétion de rétablir en statut l’étudiant. Cependant, il n’y a aucune disposition dans la nouvelle loi permettant de conférer une telle discrétion à l’agent.

[. . .]

En réponse aux commentaires reçus, les changements suivants ont été apportés :

—            la période allouée afin de permettre à l’étudiant de faire une demande de rétablissement a été portée de 30 à 90 jours suivant la date d’expiration du permis d’études. L’étudiant qui n’aura pas fait sa demande à l’intérieur de ce délai devra soumettre une demande de permis d’études à l’extérieur du Canada;

—            les situations pouvant mener l’étudiant à faire une demande de rétablissement ont été élargies pour inclure non seulement le non‑respect de la période de séjour autorisée, mais aussi le non‑respect des conditions suivantes : le genre d’études, l’établissement d’enseigne-ment, le lieu des études et les modalités de temps relatives aux études;

—            la période pendant laquelle un agent peut refuser d’émettre ou de renouveler un permis d’études dans ces circonstances a été diminuée de 12 mois à 6 mois;

—            cette période de 6 mois ne s’applique pas aux étrangers qui n’ont pas respecté les conditions pour lesquelles ils auraient pu avoir accès à une demande de rétablissement, n’eut été du fait qu’ils sont à l’extérieur du délai de 90 jours3. [Mon souligné.]

[59]Comme une « disposition législative doit être lue dans son contexte global, en prenant en considération non seulement le sens ordinaire et grammatical des mots mais aussi l’esprit et l’objet de la loi et l’intention du législateur » (Glykis c. Hydro‑Québec, [2004] 3 R.C.S. 285, au paragraphe 5), je suis arrivée à la conclusion qu’en l’espèce, le délégué du ministre avait le pouvoir discrétionnaire, et même l’obligation, de tenir compte du fait que M. Sui avait demandé le rétablissement de son statut bien avant de faire l’objet d’un rapport rédigé en vertu du paragraphe 44(1) parce qu’il avait omis de quitter le Canada à la fin de son séjour autorisé.

[60]Je conclus en outre qu’une erreur de droit a été commise lorsqu’on a jugé que M. Sui n’avait pas le droit de présenter une telle demande de rétablissement simplement parce qu’après le dépôt de sa demande conformément aux dispositions du Règlement, un rapport rédigé en vertu du paragraphe 44(1) a été établi uniquement sur le fondement du paragraphe 29(2) de la LIPR.

[61]À la lumière de ce qui précède, j’arrive à la conclusion que la décision doit être annulée.

[62]L’intimé a proposé la certification des deux questions suivantes :

[traduction]

1.             L’article 182 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés empêche‑t‑il le ministre de prendre une mesure de renvoi contre un résident temporaire qui n’a pas quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée au Canada, pendant le délai de 90 jours au cours duquel le résident temporaire peut demander le rétablissement de son statut au Canada?

2.             Est‑il interdit au ministre de prendre une mesure de renvoi contre un résident temporaire qui n’a pas quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée et qui a demandé le rétablissement de son statut au Canada en application de l’article 182 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés tant qu’il n’a pas été statué sur la demande de rétablissement?

[63]Le demandeur a quant à lui proposé la certification de la question suivante :

[traduction]

1.             L’article 182 du Règlement impose‑t‑il au ministre l’obligation de tenter d’obtenir plus de renseignements quant à l’existence d’une demande de rétablissement en instance de façon à vérifier si elle peut servir à réfuter une quelconque contravention alléguée de la LIPR ou du Règlement.

[64]Les deux questions proposées par l’intimé n’ont pas été directement soulevées par le demandeur, lequel s’oppose à leur certification.

[65]La Cour convient que la première question est purement hypothétique puisque M. Sui a, dans les faits, demandé le rétablissement de son statut. La deuxième question n’a pas été expressément examinée dans les présents motifs.

[66]J’ai décidé de certifier les questions suivantes :

1.             L’existence d’une demande de rétablissement fondée sur l’article 182 du Règlement constitue‑t‑elle un facteur pertinent dont le délégué du ministre doit tenir compte lorsqu’il examine l’opportunité de prendre une mesure d’exclusion pour défaut de se conformer au paragraphe 29(2) de la LIPR?

2.             L’étranger qui a demandé le rétablissement de son statut dans le délai fixé à l’article 182 du Règlement est‑il automatiquement privé de l’avantage de sa demande lorsqu’un agent d’exécution envisage de rédiger un rapport en vertu du paragraphe 44(1) sur le fondement du défaut de se conformer au paragraphe 29(2) de la LIPR?

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1. Que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie;

2. Que la décision prise par le délégué du ministre soit annulée et que l’affaire soit renvoyée à un délégué différent pour qu’il l’examine de nouveau et statue sur elle;

3. Que les questions suivantes soient certifiées :

L’existence d’une demande de rétablissement fondée sur l’article 182 du Règlement constitue‑ t‑elle un facteur pertinent dont le délégué du ministre doit tenir compte lorsqu’il examine l’opportunité de prendre une mesure d’exclusion pour défaut de se conformer au paragraphe 29(2) de la LIPR?

L’étranger qui a demandé le rétablissement de son statut dans le délai fixé à l’article 182 du Règlement est‑il automatiquement privé de l’avan-tage de sa demande lorsqu’un agent d’exécution envisage de rédiger un rapport en vertu du paragraphe 44(1) sur le fondement du défaut de se conformer au paragraphe 29(2) de la LIPR?

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1 Sa demande de permis de travail a prolongé son statut jusqu’à ce qu’une décision soit rendue.

2 Autre fondement à l’interdiction de territoire dont on peut certainement tenir compte au moment d’examiner la demande de rétablissement à la lumière des exigences énoncées à l’article 179 du Règlement.

3 Comme il est précisé plus haut, la prise d’une mesure d’exclusion à l’endroit d’un étranger qui a omis de quitter le pays à la fin de son séjour autorisé pour demander le rétablissement de son statut empêche ce dernier de revenir au Canada pendant un an, à moins qu’il n’obtienne une autorisation particulière (art. 225 du Règlement).

ENF 5 Writing 44(1) Reports /  ENF-5 R action des rapports en vertu du L44(1)

7.     Immigration and refugee Protection Act - Subsection A44(1) Process /

7.     Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés   Procédures en vertu du L44(1)

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Determine admissibility  /  Déterminer l’admissibilité

 

In Canada - Officder examination, interview or review /

Au Canada – Contrôle, entrevue ou examen par l’agent

 

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Allowed to come into Canada by Regulations /

Autorisé à venir au Canada en vertu du Règlement

 

Port of Entry - Primary or Secondary examination /

Point d’entrée – Ligne d’inspection primaire ou contrôle secondaire

 
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Write A44(1) report / Rédaction du rapport en vertu du L44(1)

 

Restoration of status  /  Rétablissement du statut

 

Direction to leave, direct back to USA, allow withdrawal POE only  / Ordre de quitter, renvoi temporaire aux É.-U., permet le retrait au PDE seulement

Point d’entrée – Ligne d’inspection primaire ou contrôle secondaire

 

Authorization to enter or remain /

Autorisé à entrer ou à rester

 
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Review by Minister’s delegate /

Examen par le délégué du ministre

 

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Restoration of status  /  Rétablissement du statut

 

Allowed to come into Canada by Regulations / Autorisé à venir au Canada en vertu du Réglement

u du Règlement

 

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Authorization to enter or remain  /

Autorisation à venir ou à rester au Canada

 

Direct back to USA - Allow withdrawal (POE only) /

  Renvoi temporaire aux É.‑U., permet le retrait au PDE seulement

 

Suspend or defer consideration of the report indefinitely (Sine die)  /  Suspendre ou reporter indéfiniment l’examen du rapport (sine die)

 

Admissibility hearing /

Enquête

 

Removal order in specific circumstances as prescribed by Regulations / 

Mesure de renvoi dans certaines circonstances précisées dans le Règlement

 

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Removal order  /

Mesure de renvoi

 

Authorization to enter or remain  /

Autorisé à entrer ou à rester

 

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