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T-2364-95

La ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (requérante)

c.

Rohan Alphanso Copeland (intimé)

Répertorié: Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)c. Copeland(1re inst.)

Section de première instance, juge McGillis" Winnipeg, 18 novembre; Ottawa, 4 décembre 1997.

Citoyenneté et Immigration Statut au Canada Citoyens Renvoi en vertu de l'art. 18(1)b) de la Loi sur la citoyenneté, visant à déterminer si l'intimé a obtenu la citoyenneté canadienne par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentielsL'intimé a été accusé d'infractions criminelles après le dépôt de sa demande de citoyenneté, mais avant son audition devant le juge de la citoyennetéIl a été déclaré coupable après avoir prêté le serment de citoyennetéIl a ensuite été déclaré coupable sous le régime de l'art. 29(2)a) de la Loi sur la citoyenneté pour avoir dissimulé intentionnellement un fait essentiel au juge de la citoyenneté, soit le fait qu'il était inculpé d'une infraction criminelle au moment de l'auditionUn avis de révocation de la citoyenneté a été délivréSelon le témoignage du juge de la citoyenneté et de l'agente de la citoyenneté, et selon la norme de la forte probabilité, l'intimé a dissimulé intentionnellement les accusations criminelles qui pesaient contre lui.

Droit constitutionnel Charte des droits Procédures criminelles et pénales Renvoi sous le régime de l'art. 18(1)b) de la Loi sur la citoyenneté visant à déterminer si l'intimé a obtenu la citoyenneté canadienne par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentielsL'intimé a été accusé d'infractions criminelles entre le dépôt de sa demande de citoyenneté et l'auditionL'intimé a soutenu qu'il n'était pas tenu de divulguer les accusations parce qu'il bénéficiait de la présomption d'innocence jusqu'à ce qu'il soit déclaré coupableLes protections en matière de procédure prévues par l'art. 11 de la Charte, et notamment la présomption d'innocence, s'appliquent uniquement aux affaires criminelles ou pénalesLe renvoi prévu à l'art. 18 de la Loi sur la citoyenneté est de nature civileLe délai écoulé entre les mois d'août 1993 et de mars 1995 pour que l'affaire soit renvoyée à la Cour était imputable à la réorganisation du MinistèreLes principes applicables dans le contexte de l'immigration, pour déterminer si un retard peut donner lieu à la transgression d'un droit garanti par la Charte, sont tout aussi applicables en matière de révocation de la citoyennetéUn retard peut donner lieu à la transgression d'un droit garanti par la Charte lorsque la preuve d'un préjudice ou d'une injustice est établieEn l'espèce, aucune preuve n'établit l'existence d'un préjudice ou d'une injusticeLe retard n'a qu'aidé l'intimé à demeurer au CanadaIl n'a été porté atteinte à aucun droit garanti par la Charte.

Juges et tribunaux À la demande de l'intimé, la ministre a renvoyé à la Cour fédérale (art. 18(1)b) de la Loi sur la citoyenneté) la question de savoir si l'intimé a obtenu la citoyenneté par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentielsAprès avoir fait une demande de citoyenneté, mais avant de comparaître devant la Cour de la citoyenneté, l'intimé a été accusé d'infractions criminellesÀ l'audition devant la Cour de la citoyenneté, il a signé sous serment une attestation portant qu'il n'avait fait l'objet d'aucune poursuite pénale depuis le dépôt de sa demande de citoyennetéIl a par la suite plaidé coupable aux accusations criminellesIl a été déclaré coupable devant la Cour provinciale d'avoir dissimulé intentionnellement un fait essentiel au juge de la citoyenneté (art. 29(2)a) de la Loi sur la citoyenneté)La preuve de sa déclaration de culpabilité constituait une preuve prima facie de sa culpabilitéLe juge de première instance de la C.F. devait trancher, selon la norme de preuve en matière civile, une question tranchée par le juge de la Cour provinciale, selon la norme applicable en matière criminelleL'intimé a tenté d'attaquer accessoirement la décision définitive d'une juridiction criminelle compétenteLa doctrine du recours abusif au processus judiciaire s'appliquait et interdisait à l'intimé de réfuter la preuve de sa déclaration de culpabilité.

Il s'agissait d'un renvoi en vertu de l'alinéa 18(1)b) de la Loi sur la citoyenneté visant à déterminer si l'intimé a obtenu la citoyenneté canadienne par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels. L'intimé a demandé la citoyenneté canadienne en septembre 1990, époque à laquelle il n'avait pas été condamné pour une infraction criminelle et il n'était pas inculpé d'une telle infraction. En décembre, il a été accusé de voies de fait, agression armée, voies de fait causant des lésions corporelles et possession d'une arme dangereuse pour la paix publique. Le 25 janvier 1991, l'intimé a comparu devant la Cour de la citoyenneté qui a conclu qu'il satisfaisait à toutes les exigences fixées par la Loi sur la citoyenneté. En indiquant dans son avis à la ministre de la décision du juge de la Citoyenneté que l'intimé n'était pas visé par une interdiction prévue à l'article 22 de la Loi sur la citoyenneté, le juge de la citoyenneté a conclu notamment, à partir des déclarations faites par l'intimé, qu'il n'était pas accusé d'un acte criminel. L'intimé a signé sous serment une attestation figurant dans l'Avis à la ministre, confirmant que l'intimé n'avait fait l'objet d'aucune poursuite pénale depuis le dépôt de sa demande de citoyenneté. Le 5 février 1991, l'intimé a prêté le serment de citoyenneté. Le 25 février, l'intimé a plaidé coupable devant un juge de la Cour provinciale aux accusations de voies de fait et de voies de fait ayant causé des lésions corporelles. Les autres accusations ont été suspendues. Le 24 avril 1991, l'intimé a été condamné avec sursis et assujetti à une ordonnance de probation sous surveillance. Le 12 novembre 1991, l'intimé a été accusé, en vertu de l'alinéa 29(2)a) de la Loi sur la citoyenneté, d'avoir dissimulé intentionnellement un fait essentiel au juge de la citoyenneté, soit le fait qu'il était inculpé d'une infraction criminelle au moment de l'audition. À son procès devant un juge de la Cour provinciale en 1992, l'intimé a expliqué ne pas avoir révélé que des accusations pesaient contre lui parce qu'il n'avait pas été déclaré coupable d'une infraction et qu'il bénéficiait de la présomption d'innocence. L'intimé a été déclaré coupable. Le 13 mars 1995, un avis de révocation de la citoyenneté a été délivré et, en novembre, la ministre a renvoyé l'affaire à la Cour.

Les questions à trancher étaient les suivantes: (1) La Cour devait-elle trancher sommairement l'affaire en faveur de la requérante compte tenu de la déclaration de culpabilité de l'intimé en vertu de l'alinéa 29(2)a)? (2) L'intimé a-t-il acquis la citoyenneté en dissimulant intentionnellement des faits essentiels? (3) La requérante doit-elle être déboutée en raison du retard avec lequel elle a renvoyé l'affaire à la Cour?

Jugement: l'intimé a acquis la citoyenneté canadienne en dissimulant intentionnellement des faits essentiels au sens de l'alinéa 18(1)b) de la Loi sur la citoyenneté.

(1) La preuve de la déclaration de culpabilité de l'intimé relativement à l'infraction prévue à l'alinéa 29(2)a) de la Loi sur la citoyenneté, c'est-à-dire la dissimulation intentionnelle de faits essentiels dans le but d'acquérir la citoyenneté, constitue une preuve prima facie, dans le cadre du renvoi, de sa culpabilité relativement à cette infraction. L'alinéa 18(1)b) de la Loi sur la citoyenneté exigeait que soit tranchée, selon la norme de preuve applicable en matière civile, exactement la même question que celle qui avait été tranchée par le juge de la Cour provinciale selon la norme applicable en matière criminelle. Il ne fait aucun doute qu'il y a identité de la question. La preuve était la même. Le juge de la Cour provinciale a conclu qu'il n'accordait pas foi au témoignage rendu par l'intimé, et il a rejeté sa défense pour cette raison. L'intimé tentait, dans le cadre du renvoi, d'attaquer accessoirement la décision définitive d'une juridiction criminelle compétente, afin de soumettre à nouveau au tribunal une question qui avait déjà été tranchée. La doctrine du recours abusif au processus judiciaire s'appliquait et interdisait à l'intimé de réfuter la preuve de sa déclaration de culpabilité.

Quant à la prétention portant que l'intimé n'était pas tenu de divulguer les accusations criminelles portées contre lui après le dépôt de sa demande de citoyenneté, les protections en matière de procédure constitutionnalisées dans l'article 11 de la Charte pour protéger un inculpé, et notamment la présomption d'innocence, ne s'appliquent pas dans le cadre d'un renvoi sous le régime de l'alinéa 18(1)b) de la Loi sur la citoyenneté. Les droits garantis par l'article 11 constituent des protections en matière de procédure applicables aux affaires criminelles et pénales. Le renvoi prévu à l'alinéa 18(1)b) est de nature civile et non une affaire criminelle ou quasi criminelle. En outre, l'article 22 de la Loi sur la citoyenneté interdit, notamment, que la citoyenneté soit accordée à une personne accusée d'un acte criminel prévu par une loi fédérale.

(2) Selon le témoignage de l'agente de la citoyenneté, l'intimé savait, au début du processus, qu'il pouvait perdre sa citoyenneté s'il ne divulguait pas des renseignements pertinents. Le juge de la citoyenneté a expressément demandé à l'intimé s'il avait eu des problèmes avec la justice, avec l'immigration ou avec les policiers à peine neuf jours après sa comparution devant la Cour provinciale du Manitoba relativement aux accusations criminelles portées contre lui. Compte tenu de la preuve et selon la norme de preuve de la forte probabilité, la logique commandait la conclusion que l'intimé avait dissimulé délibérément et intentionnellement les accusations criminelles qui pesaient contre lui.

(3) Les principes applicables dans le contexte de l'immigration, indiquant qu'un retard peut donner lieu à la transgression d'un droit garanti par la Charte, sont tout aussi applicables en matière de révocation de la citoyenneté. Ces principes indiquent qu'un retard peut donner lieu à la transgression d'un droit garanti par la Charte lorsqu'une personne fait la preuve d'un préjudice ou d'une injustice. La requérante a reconnu que le délai écoulé entre les mois d'août 1993 et de mars 1995, date de l'avis de révocation, était injustifiable, car il était imputable uniquement à la réorganisation du Ministère. Sans égard à l'ampleur du retard, aucune preuve produite par l'intimé, aucun élément de preuve versé au dossier, ni aucune inférence qui pourrait être tirée des circonstances n'indique qu'il a subi un préjudice ou une injustice en raison du retard. Au contraire, le retard en l'espèce a nécessairement aidé l'intimé à demeurer au Canada, car il a épousé une citoyenne canadienne, est devenu le père d'un enfant canadien et a obtenu un emploi pendant la période dont ce retard l'a fait bénéficier. L'intimé n'a pas établi que le retard a porté atteinte à l'un des droits que lui garantit la Charte.

lois et règlements

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 7, 11, 12.

Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46.

Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, art. 10, 18, 22 (mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 30, art. 11; L.C. 1992, ch. 47, art. 67; ch. 49, art. 124), 29(2)a).

Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 2(1) (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 1), 40.1 (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 29, art. 4; L.C. 1992, ch. 49, art. 31), 53 (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 17; L.C. 1992, ch. 49, art. 43).

jurisprudence

décisions appliquées:

Canada (Secrétaire d'État) c. Charran (1988), 6 Imm. L.R. (2d) 138; 21 F.T.R. 117 (C.F. 1re inst.) (sur la question du retard); Canada c. Sadiq, [1991] 1 C.F. 757; (1990), 39 F.T.R. 200; 12 Imm. L.R. (2d) 231 (1re inst.); Canada (Secrétaire d'État) c. Luitjens, [1989] 2 C.F. 125; (1988), 6 Imm. L.R. (2d) 231 (1re inst.); Ahani c. Canada, [1995] 3 C.F. 669; (1995), 32 C.P.R. (2d) 95; 100 F.T.R. 261 (1re inst.); conf. par (1996), 37 C.R.R. (2d) 181; 201 N.R. 233 (C.A.F.); autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée [1997] 2 R.C.S. v; R. c. Wigglesworth, [1987] 2 R.C.S. 541; (1987), 45 D.L.R. (4th) 235; [1988] 1 W.W.R. 193; 61 Sask. R. 105; 28 Admin. L.R. 294; 37 C.C.C. (3d) 385; 60 C.R. (3d) 193; 81 N.R. 16; Sinnappu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] 2 C.F. 791 (1re inst.); Akthar c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] 3 C.F. 32; (1991), 50 Admin. L.R. 153; 14 Imm. L.R. (2d) 39; 129 N.R. 71 (C.A.); Jorgensen v. News Media (Auckland) Ltd., [1969] N.S.L.R. 961 (C.A.); Hunter v. Chief Constable of West Midlands Police, [1982] A.C. 529 (H.L.); Demeter v. British Pacific Life Insurance Co. and two other actions (1984), 48 O.R. (2d) 266 (C.A.); conf. (1983), 43 O.R. (2d) 33 (H.C.); Re Del Core and Ontario College of Pharmacists (1985), 51 O.R. (2d) 1 (C.A.); Angle c. M.R.N., [1975] 2 R.C.S. 248; (1974), 47 D.L.R. (3d) 544; 74 DTC 6278; 2 N.R. 397; Luitjens c. Canada (Secrétaire d'État) (1992), 9 C.R.R. (2d) 149; 142 N.R. 173 (C.A.F.); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Tobiass, [1997] 3 R.C.S. 391; (1997), 151 D.L.R. (4th) 119; 118 C.C.C. (3d) 443; 218 N.R. 81; Simpson v. Geswein, [1995] 6 W.W.R. 233; (1995), 103 Man. R. (2d) 69; 25 C.C.L.T. (2d) 49; 38 C.P.C. (3d) 292 (B.R.); Van Rooy c. M.R.N., [1989] 1 C.F. 489; [1988] 2 C.T.C. 78; (1988), 88 DTC 6323; 87 N.R. 13 (C.A.).

décisions non suivies:

Canada (Ministre du Multiculturalisme et de la Citoyenneté) c. Minhas (1993), 66 F.T.R. 155; 21 Imm. L.R. (2d) 31 (C.F. 1re inst.); Hollington v. Hewthorn (F.) & Co., [1943] K.B. 587 (C.A.).

décision examinée:

Canada (Secrétaire d'État) c. Delezos, [1989] 1 C.F. 297; (1988), 22 F.T.R. 135; 6 Imm. L.R. (2d) 12 (1re inst.).

décision citée:

Canada (Ministre d'État au Multiculturalisme et à la Citoyenneté) c. Julien (1991), 52 F.T.R. 183; 16 Imm. L.R. (2d) 290 (C.F. 1re inst.).

RENVOI en vertu de l'alinéa 18(1)b) de la Loi sur la citoyenneté visant à déterminer si l'intimé a obtenu la citoyenneté canadienne par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels. Cette question a reçu une réponse affirmative.

avocats:

Sharlene Telles-Langdon pour la requérante.

David H. Davis pour l'intimé.

procureurs:

Le sous-procureur général du Canada pour la requérante.

David H. Davis, Winnipeg, pour l'intimé.

Ce qui suit est la version française des motifs de la décision rendus par

Le juge McGillis:

INTRODUCTION

Le 13 mars 1995, la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (la requérante) a donné à Rohan Alphanso Copeland (l'intimé) un avis concernant la révocation de sa citoyenneté en vertu de l'article 18 de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, modifiée. Le 5 novembre 1995, la requérante a renvoyé l'affaire à la Cour, à la demande de l'intimé, en vertu de l'alinéa 18(1)b) de la Loi sur la citoyenneté, afin qu'elle rende une décision sur la question de savoir si l'intimé a obtenu la citoyenneté canadienne par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels.

LES FAITS

Au début de l'audition, les avocats ont déposé en preuve un exposé conjoint des faits et un recueil conjoint de documents à l'appui. De plus, trois témoins ont déposé devant moi. Voici les faits tels que je les ai constatés.

L'intimé est né en Jamaïque en 1965. Il a immigré au Canada grâce au parrainage de son père et il a acquis la qualité de résident permanent dès son arrivée le 5 juillet 1986. Au moment où il a immigré, l'intimé était étudiant.

Le 18 septembre 1990, l'intimé a demandé la citoyenneté canadienne. Ce jour-là, il a rencontré une agente de la citoyenneté, Catherine Kelly, qui lui a expliqué le processus de demande, lui a lu les questions inscrites sur le formulaire et a rempli le formulaire en y consignant les réponses qu'il lui a données. Lorsqu'elle lui a posé les questions énoncées dans la demande de citoyenneté concernant ses antécédents criminels et toute inculpation n'ayant pas encore donné lieu à un jugement, l'intimé a répondu comme suit:

6. PRÉSENTEMENT êtes-vous inculpé, subissez-vous un procès, êtes-vous ou pouvez-vous devenir partie à un appel relativement à:

a)    une infraction prévue par les paragraphes 28(1) ou (2) de la Loi sur la citoyenneté?    non

b)    un acte criminel prévu par une loi fédérale?    non

Si vous avez répondu ""oui" aux questions a) ou b), indiquez la date et le lieu de chaque accusation et condamnation.

7. AU COURS DES TROIS DERNIÈRES ANNÉES, avez-vous été, en vertu d'une disposition législative en vigueur au Canada:

a)    déclaré coupable d'un acte criminel pour lequel vous n'avez pas obtenu une réhabilitation?    non

b)    condamné en cour martiale sans être réhabilité?    non

c)    déclaré coupable d'une infraction prévue par les paragraphes 28(1) ou (2) de la Loi sur la citoyenneté?    non

AU COURS DES QUATRE DERNIÈRES ANNÉES, avez-vous été, ou êtes-vous présentement, en vertu d'une disposition législative en vigueur au Canada:

d)    sous le coup d'une ordonnance de probation?    non

e)    en libération conditionnelle?    non

f)    détenu dans un pénitencier, une prison ou une maison de correction?    non

Si vous avez répondu "oui" à l'une des questions ci-dessus, indiquez la date et le lieu de chaque accusation et condamnation et de toute autre décision, y compris en cour martiale.

La partie 9 de la demande de citoyenneté canadienne de l'intimé comportait la mise en garde suivante:

MISE EN GARDE

9. Nul ne peut recevoir la citoyenneté canadienne ni prêter le serment de citoyenneté pendant qu'il a) est sous le coup d'une ordonnance de probation; b) bénéficie d'une libération conditionnelle; c) est détenu dans un établissement carcéral; d) est inculpé, subit son procès, est ou peut devenir partie à un appel, relativement à une infraction prévue par la Loi sur la citoyenneté ou à un acte criminel prévu par une loi fédérale ou e) demande, mais n'a pas obtenu l'autorisation du ministre de l'Emploi et de l'Immigration pour être admis au Canada et y demeurer à titre de résident permanent.

Sous réserve de la Loi sur le casier judiciaire, nul ne peut recevoir la citoyenneté canadienne ni prêter le serment de citoyenneté s'il a été déclaré coupable d'une infraction prévue par les paragraphes 28(1) ou (2) de la Loi sur la citoyenneté ou d'un acte criminel prévu par une loi fédérale a) au cours des trois ans précédant la date de sa demande ou b) entre la date de sa demande et celle prévue pour l'attribution de sa citoyenneté ou la prestation du serment.

Un certificat de citoyenneté peut être annulé ou révoqué s'il a été obtenu par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels.

Dans la partie 12 de sa demande de citoyenneté, l'intimé a signé la section intitulée "Attestation" et il a déclaré sous serment que les déclarations faites dans sa demande étaient véridiques. Au moment où l'intimé a signé sa demande de citoyenneté, il n'avait pas été condamné pour une infraction criminelle et il n'était pas inculpé d'une telle infraction.

Le 3 décembre 1990, l'intimé a été accusé des infractions suivantes prévues par les dispositions pertinentes du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, modifié: voies de fait, agression armée, voies de fait causant des lésions corporelles et possession d'une arme dangereuse pour la paix publique. L'intimé a comparu pour la première fois devant la Cour provinciale du Manitoba le 5 décembre 1990 et sa cause a alors été remise au 17 décembre 1990. À cette date, sa cause a été ajournée au 16 janvier 1991, date à laquelle elle a été remise à nouveau au 25 février 1991.

Le 25 janvier 1991, soit neuf jours après avoir comparu devant la Cour provinciale du Manitoba relativement aux accusations criminelles portées contre lui, l'intimé a comparu devant le juge McDonald du Bureau de la citoyenneté. Ce jour-là, le juge McDonald a entendu l'intimé et conclu qu'il satisfaisait à toutes les exigences fixées par la Loi sur la citoyenneté. Dans son avis à la ministre de la décision du juge de la Citoyenneté (avis à la ministre), le juge McDonald a indiqué, notamment, que l'intimé n'était pas visé par une interdiction prévue à l'article 22 [mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 30, art. 11; L.C. 1992, ch. 47, art. 67; ch. 49, art. 124] de la Loi sur la citoyenneté. En d'autres termes, elle a conclu notamment, à partir des déclarations faites par l'intimé, qu'il n'était pas accusé d'un acte criminel.

L'intimé a signé sous serment l'attestation suivante figurant dans l'avis à la ministre:

[traduction] J'atteste la véracité et l'exactitude des déclarations faites dans les présentes et j'affirme n'avoir fait l'objet d'aucune poursuite pénale ni d'aucune procédure en matière d'immigration depuis le dépôt de ma demande de citoyenneté.

Le 5 février 1991, l'intimé a prêté le serment de citoyenneté.

Le 25 février 1991, devant la Cour provinciale du Manitoba, le procureur de la Couronne a choisi de procéder par voie d'acte d'accusation relativement aux accusations criminelles portées contre l'intimé. L'intimé, qui était représenté par un avocat, a plaidé coupable devant un juge de la Cour provinciale aux accusations de voies de fait et de voies de fait ayant causé des lésions corporelles. Les autres accusations ont été suspendues. Le juge de la Cour provinciale a ordonné la préparation d'un rapport présentenciel et remis la cause de l'intimé au 17 avril 1991 pour le prononcé de la sentence.

Le 25 mars 1991, des fonctionnaires du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration ont entamé une enquête relativement aux circonstances dans lesquelles l'intimé avait obtenu la citoyenneté canadienne.

Le 17 avril 1991, le prononcé de la sentence de l'intimé a été ajourné au 24 avril 1991. À cette date, l'intimé a été condamné avec sursis et assujetti à une ordonnance de probation d'un an assortie de la condition qu'il suive une thérapie avec succès conformément aux instructions du Service de probation.

Le 16 mai 1991, le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration a demandé à la Gendarmerie royale du Canada de mener une enquête sur les circonstances dans lesquelles l'intimé avait obtenu la citoyenneté canadienne.

Le 12 novembre 1991, l'intimé a été accusé, en vertu de l'alinéa 29(2)a) de la Loi sur la citoyenneté, d'avoir dissimulé intentionnellement un fait essentiel au juge de la citoyenneté, soit le fait qu'il était inculpé d'une infraction criminelle au moment de l'audition.

Le 15 janvier 1992, l'intimé a nié sa culpabilité relativement à l'infraction visée à l'alinéa 29(2)a) de la Loi sur la citoyenneté. Il a subi son procès devant un juge de la Cour provinciale du Manitoba le 16 juillet 1992. Catherine Kelly, l'agente de la citoyenneté qui a aidé l'intimé à remplir sa demande de citoyenneté, le juge McDonald et l'intimé ont témoigné à l'instruction. Au cours de son témoignage, incohérent et confus, l'intimé a déclaré à une occasion ne pas se rappeler que le juge McDonald lui avait demandé s'il avait eu des problèmes avec la justice, l'immigration ou les policiers. Toutefois, à d'autres moments, il a reconnu dans son témoignage que le juge McDonald lui avait demandé s'il avait eu "des problèmes". Il a expliqué ne pas lui avoir révélé que des accusations pesaient contre lui parce qu'il n'avait pas été déclaré coupable d'une infraction et qu'il bénéficiait de la présomption d'innocence.

Le juge de la Cour provinciale qui a déclaré l'intimé coupable de l'infraction prévue à l'alinéa 29(2)a) de la Loi sur la citoyenneté a noté, dans les motifs de sa décision, que l'issue de l'instance était liée à la crédibilité et qu'il n'accordait pas foi au témoignage rendu par l'intimé. Il a conclu, en particulier, que l'intimé avait témoigné de façon évasive. Il a en outre souligné que l'explication donnée par l'intimé concernant la présomption d'innocence indiquait qu'il avait envisagé ce problème avant de répondre aux questions du juge McDonald lors de l'audition sur la citoyenneté. Le juge de la Cour provinciale a condamné l'intimé à une amende de 100 $ et à des dépens de 2 $, ou à une peine d'emprisonnement de cinq jours à défaut du paiement de l'amende. L'intimé n'a pas interjeté appel de sa condamnation ni de la peine qui lui a été imposée.

Au moment du renvoi, l'intimé avait une 12e année de scolarité au Canada et avait un emploi stable. Il était marié à une citoyenne canadienne et père d'un enfant canadien.

LES QUESTIONS EN LITIGE

Voici les questions soulevées dans l'instance:

i) La Cour doit-elle trancher sommairement l'affaire en faveur de la requérante compte tenu de la déclaration de culpabilité de l'intimé en vertu de l'alinéa 29(2)a) de la Loi sur la citoyenneté?

ii) L'intimé a-t-il acquis la citoyenneté en dissimulant intentionnellement des faits essentiels?

iii) La requérante doit-elle être déboutée en raison du retard avec lequel elle a renvoyé l'affaire à la Cour?

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

Les dispositions législatives mentionnées dans les présents motifs sont reproduites dans l'Annexe "A".

ANALYSE

i) décision sommaire fondée sur la déclaration de culpabilité sous le régime de l'alinéa 29(2)a) de la Loi sur la citoyenneté

a) les arguments des avocats relativement à la requête préliminaire

Au début de l'audition, l'avocate de la requérante a demandé à la Cour de trancher l'affaire sommairement en faveur de la requérante, au motif que la déclaration de culpabilité de l'intimé en vertu de l'alinéa 29(2)a) de la Loi sur la citoyenneté constitue une preuve prima facie du bien-fondé de son recours. L'avocate de la requérante soutient plus particulièrement que les éléments de droit constitutifs de l'infraction dont l'intimé a été déclaré coupable, soit la dissimulation intentionnelle de faits essentiels pour l'application de la Loi sur la citoyenneté, sont identiques aux questions dont la Cour est saisie dans le cadre du renvoi sous le régime de l'alinéa 18(1)b) de la Loi sur la citoyenneté. Elle soutient en outre que, compte tenu de la nature identique des questions de fait et des éléments de droit, ce serait faire affront à la justice et abuser du processus judiciaire que de permettre à l'intimé de faire valoir le même moyen de défense que lors de son échec devant la Cour provinciale du Manitoba.

En réponse à ces prétentions, l'avocat de l'intimé a soutenu, en invoquant la décision Canada (Ministre du Multiculturalisme et de la Citoyenneté) c. Minhas (1993), 66 F.T.R. 155 (C.F. 1re inst.), que l'intimé n'avait pas l'obligation, en vertu de la loi ou autrement, de révéler les accusations criminelles portées contre lui après le dépôt de sa demande de citoyenneté. Il a également souligné que la question soulevée par l'avocate de la requérante n'avait jamais été tranchée par la Cour1. L'avocat de l'intimé n'a pas indiqué que la preuve qu'il entendait produire devant la Cour était différente, sous un aspect important, de celle produite pendant le procès devant la Cour provinciale du Manitoba relativement à l'accusation portée sous le régime de l'alinéa 29(2)a) de la Loi sur la citoyenneté.

Après avoir entendu les arguments des avocats, j'ai réservé ma décision concernant la question préliminaire de savoir si la déclaration de culpabilité en vertu de l'alinéa 29(2)a) de la Loi sur la citoyenneté est déterminante quant à l'issue du renvoi en vertu de l'alinéa 18(1)b), et j'ai entendu la preuve des parties sur la question à trancher dans le cadre du renvoi.

b) la nature du renvoi prévu par l'article 18 en matière de citoyenneté

Pour trancher la question préliminaire de l'admissibilité et de l'effet de la déclaration de culpabilité antérieure de l'intimé, je dois tenir compte de la nature de l'instance introduite devant la Cour. À cette fin, je dois examiner le régime législatif régissant la citoyenneté et la jurisprudence.

Selon l'esprit de la Loi sur la citoyenneté, la citoyenneté est un droit accordé aux personnes qui sont nées au Canada et aux autres personnes qui satisfont aux exigences fixées dans la partie I de la Loi. La partie II de la Loi sur la citoyenneté contient des dispositions concernant la perte de la citoyenneté, et notamment l'alinéa 10(1)a) qui précise, notamment, qu'une personne cesse d'être citoyen canadien lorsque le gouverneur en conseil est convaincu, à la suite d'un rapport que lui soumet le ministre, que cette personne a obtenu la citoyenneté par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels. La partie V de la Loi sur la citoyenneté décrit la procédure à suivre dans différentes situations, notamment lorsque le ministre a l'intention de présenter un rapport au gouverneur en conseil en vertu de l'article 10 aux fins de la révocation de la citoyenneté. Dans ce cas, l'article 18 de la Loi sur la citoyenneté prévoit notamment que le ministre doit aviser la personne en cause de son intention de présenter un rapport au gouverneur en conseil. La personne qui reçoit cet avis peut demander au ministre de renvoyer l'affaire à la Cour.

Si une demande de renvoi est formulée, la Cour doit décider si l'acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté, ou la réintégration dans celle-ci, est imputable à une fraude, à une fausse déclaration ou à la dissimulation intentionnelle de faits essentiels. Après le prononcé de la décision de la Cour dans le cadre du renvoi, le ministre peut présenter un rapport au gouverneur en conseil. Si le gouverneur en conseil est convaincu que la personne en cause a acquis, conservé ou répudié sa citoyenneté, ou a été réintégrée dans celle-ci, par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou d'une dissimulation intentionnelle de faits essentiels, cette personne perd sa citoyenneté ou est réputée ne pas avoir répudié sa citoyenneté, selon le cas, conformément au paragraphe 10(1) de la Loi sur la citoyenneté. L'alinéa 10(1)a) de la Loi sur la citoyenneté prévoit plus particulièrement la perte automatique de la citoyenneté dans le cas où le gouverneur en conseil est convaincu qu'une personne a obtenu la citoyenneté en dissimulant intentionnellement des faits essentiels. Au moment où prend effet la perte de la citoyenneté en vertu du paragraphe 10(1) de la Loi sur la citoyenneté, la personne en cause devient un résident permanent du Canada, conformément à la définition donnée à cette expression au paragraphe 2(1) [mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 1] de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, modifiée. En conséquence, cette personne est assujettie à toutes les dispositions de la Loi sur l'immigration, dont celles touchant le renvoi du Canada.

Après cet exposé du contexte législatif, je dois analyser la jurisprudence concernant la nature et l'objet d'un renvoi sous le régime de l'article 18 de la Loi sur la citoyenneté.

Dans l'arrêt Luitjens c. Canada (Secrétaire d'État) (1992), 9 C.R.R. (2d) 149 (C.A.F.), le juge d'appel Linden a déclaré, au nom de la Cour, que la décision prise dans le cadre d'un renvoi sous le régime de l'article 18 constitue une conclusion de fait qui n'a pas d'effet définitif sur quelque droit que ce soit. La décision rendue dans le cadre du renvoi fournit au ministre le fondement factuel de son rapport et peut servir, plus tard, de fondement à une décision rendue par le gouverneur en conseil. Le juge Linden a ajouté, à la page 152, concernant la décision rendue lors d'un renvoi, qu'il "ne s'agit donc que d'une étape d'une action qui peut aboutir ou non à la révocation définitive de la citoyenneté et à l'expulsion ou l'extradition de l'intéressé". En d'autres termes, le renvoi vise uniquement ou exclusivement à déterminer s'il y a eu "fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels" au sens de l'alinéa 18(1)b ) de la Loi sur la citoyenneté. Dans l'arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Tobiass, [1997] A.C.S. no 82 (QL), la Cour suprême du Canada a approuvé, au paragraphe 52, le raisonnement retenu par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Luitjens c. Canada (Secrétaire d'État), précité.

Le juge Collier a fait brièvement allusion à la nature de la procédure de renvoi dans la décision Canada (Secrétariat d'État) c. Luitjens, [1989] 2 C.F. 125 (1re inst.), à la page 134:

Après avoir examiné la jurisprudence citée, je suis convaincu que la présente action est de nature civile. J'avais été tenté toutefois d'utiliser l'expression "une action de nature quasi criminelle". Ce serait, à mon avis, une formule trop imprécise, qui créerait une certaine confusion.

Plusieurs autres décisions de la Cour ont établi qu'un renvoi sous le régime de l'article 18 de la Loi sur la citoyenneté est de nature civile et qu'il faut lui appliquer la norme de la preuve en matière civile2.

Pour déterminer la nature de la procédure de renvoi prévue à l'article 18 de la Loi sur la citoyenneté, il est utile d'examiner l'approche adoptée relativement à un renvoi formé dans le contexte de l'immigration.

Dans la décision Ahani c. Canada, [1995] 3 C.F. 669 (1re inst.); conf. par (1996), 37 C.R.R. (2d) 181 (C.A.F.); autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada refusée le 3 juillet 1997 [[1997] 2 R.C.S. v], j'ai examiné la constitutionnalité de l'article 40.1 [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 29, art. 4; L.C. 1992, ch. 49, art. 31] de la Loi sur l'immigration. Selon cette disposition, le juge auquel ce pouvoir a été délégué doit décider, à la suite d'un renvoi, si l'attestation remise par le ministre selon laquelle une personne nommée appartient à une catégorie de personnes inadmissibles est raisonnable. À la page 685, j'ai souligné que la procédure prévue à l'article 40.1 vise uniquement et exclusivement à établir le caractère raisonnable de l'attestation. Si un juge auquel ce pouvoir a été délégué conclut que l'attestation est raisonnable, le ministre doit rendre une autre décision en vertu de l'article 53 [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 17; L.C. 1992, ch. 49, art. 43] de la Loi sur l'immigration avant que la personne en cause puisse être renvoyée du Canada.

Voici ce que j'ai déclaré, aux pages 690 et 691, relativement à la façon dont doivent être appliqués les droits protégés par la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]] (la Charte) dans le contexte de l'immigration:

En ce qui a trait au second volet de l'analyse fondée sur l'article 7 de la Charte, les principes à appliquer pour déterminer si un régime législatif donné viole les principes de justice fondamentale ont été énoncés par le juge Sopinka dans l'arrêt Chiarelli c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711. Pour examiner la constitutionnalité des dispositions législatives antérieures régissant le renvoi de résidents permanents reconnus coupables de certaines infractions criminelles, le juge Sopinka a confirmé l'importance d'adopter une méthode contextuelle pour interpréter l'article 7 de la Charte. À cet égard, il a déclaré ce qui suit aux pages 733 et 734:

Donc, pour déterminer la portée des principes de justice fondamentale en tant qu'ils s'appliquent en l'espèce, la Cour doit tenir compte des principes et des politiques qui sous-tendent le droit de l'immigration. Or, le principe le plus fondamental du droit de l'immigration veut que les non-citoyens n'aient pas un droit absolu d'entrer au pays ou d'y demeurer. En common law, les étrangers ne jouissent pas du droit d'entrer au pays ou d'y demeurer.

. . .

La distinction entre citoyens et non-citoyens est reconnue dans la Charte. Bien que le par. 6(2) accorde aux résidents permanents le droit de se déplacer dans tout le pays, d'établir leur résidence et de gagner leur vie dans toute province, seuls les citoyens ont le droit "de demeurer au Canada, d'y entrer ou d'en sortir", que garantit le par. 6(1).

Le Parlement a donc le droit d'adopter une politique en matière d'immigration et de légiférer en prescrivant les conditions à remplir par les non-citoyens pour qu'il leur soit permis d'entrer au Canada et d'y demeurer. C'est ce qu'il a fait dans la Loi sur l'immigration . . .

À mon avis, les propos du juge Sopinka s'appliquent directement à l'affaire qui nous occupe. En conséquence, je conclus que la constitutionnalité de l'article 40.1 de la Loi sur l'immigration doit être analysée en tenant compte "des principes et des politiques qui sous-tendent le droit de l'immigration". Je constate en outre que l'instance prévue à l'article 40.1 de la Loi sur l'immigration ne vise qu'à déterminer le caractère raisonnable de l'attestation ministérielle de non-admissibilité. La question est purement et simplement une question d'immigration.

La Cour d'appel fédérale, qui a confirmé cette décision, a noté, à la page 184, "le contexte de l'art. 40.1 n'est nullement apparenté à un contexte criminel."

Bien que la décision Ahani c. Canada, précitée, comporte l'application de principes d'interprétation dans le contexte du contrôle de la constitutionnalité d'une disposition législative, on peut se demander si les principes fondamentaux énoncés dans cet arrêt s'appliquent à la détermination de la nature du renvoi prévu par l'article 18 de la Loi sur la citoyenneté. Pour répondre à cette question, il faut tenir compte de l'objet et du sens de la Loi sur l'immigration et de la Loi sur la citoyenneté.

En examinant la Loi sur l'immigration et la Loi sur la citoyenneté, on constate que les règles de droit concernant l'immigration et la citoyenneté sont de nature complémentaire et qu'elles établissent, ensemble, le régime législatif qui permet à un immigrant d'entrer et de demeurer au Canada et d'acquérir la citoyenneté. À cet égard, la Loi sur l'immigration régit l'admission, l'exclusion et le renvoi des non-citoyens, alors que la Loi sur la citoyenneté réglemente notamment les situations dans lesquelles un immigrant peut obtenir le droit d'acquérir la citoyenneté. En ce sens, la Loi sur la citoyenneté contrôle la phase finale de l'immigration d'une personne au pays. La nature complémentaire de ces deux lois apparaît très clairement dans les cas où la perte de la citoyenneté par application de l'alinéa 10(1)a) de la Loi sur la citoyenneté prend effet à l'égard d'une personne. Dans ce cas, le statut de cette personne au Canada et la question de son renvoi éventuel du pays sont régis par les dispositions de la Loi sur l'immigration. Il est également utile de souligner que la Loi sur l'immigration et la Loi sur la citoyenneté prévoient toutes les deux une procédure de renvoi, notamment aux articles 40.1 et 18, respectivement, dans le cadre de laquelle un juge de la Cour doit tirer des conclusions de fait pour aider le ministre et le gouverneur en conseil à s'acquitter de leurs responsabilités légales concernant la question de savoir si certaines personnes devraient être autorisées à demeurer au Canada, en qualité de citoyens ou autrement.

En l'espèce, je suis convaincue que les principes d'interprétation fondamentaux énoncés dans la décision Ahani c. Canada, précitée, s'appliquent en matière de citoyenneté. J'ai donc conclu que la portée de la procédure prévue à l'article 18 de la Loi sur la citoyenneté doit être analysée dans le contexte des principes et des politiques qui sous-tendent les règles de droit relatives à l'immigration et à la citoyenneté, et non dans le contexte du droit criminel. En fait, comme je l'ai déjà mentionné, le juge qui préside un renvoi en vertu de l'article 18 de la Loi sur la citoyenneté tire uniquement une conclusion de fait concernant les circonstances dans lesquelles une personne a acquis la citoyenneté canadienne. Pour paraphraser mes propos dans la décision Ahani c. Canada, précitée, cette conclusion de fait est purement et simplement une question d'immigration. En l'espèce, je souscris à l'opinion exprimée par le juge Collier dans la décision Canada (Secrétaire d'État) c. Luitjens, précitée, selon laquelle un renvoi formé en vertu de l'article 18 de la Loi sur la citoyenneté est de nature civile et on doit lui appliquer la norme de la preuve en matière civile.

c) admissibilité de la déclaration de culpabilité dans une instance civile

Compte tenu de ma conclusion sur la nature du renvoi, je dois examiner la jurisprudence concernant l'admissibilité d'un certificat de déclaration de culpabilité dans une instance civile ultérieure. Je dois nécessairement débuter cet examen en me reportant a l'arrêt Hollington v. Hewthorn (F.) & Co., [1943] K.B. 587 (C.A.), dans lequel un certificat de déclaration de culpabilité a été jugé inadmissible dans une instance civile ultérieure. Le raisonnement retenu dans l'affaire Hollington, précitée, a rapidement fait l'objet de critiques et a été expressément rejeté dans l'arrêt Jorgensen v. News Media (Auckland) Ltd., [1969] N.Z.L.R. 961 (C.A.). Dans cet arrêt, la Cour d'appel de la Nouvelle-Zélande a conclu, à l'unanimité, qu'un certificat de déclaration de culpabilité constituait, aux fins d'une instance civile ultérieure, une preuve concluante de la déclaration de culpabilité et qu'il était admissible en preuve pour établir que l'accusé était coupable de l'infraction criminelle dont il était accusé au moment et à l'endroit précisés dans l'acte d'accusation. La Cour a en outre statué que la preuve admissible concernant la culpabilité devait être examinée par le tribunal de première instance avec l'ensemble des autres éléments de preuve produits lors de l'instruction, afin de déterminer si la partie qui avait le fardeau de la preuve s'en était acquittée.

Dans l'arrêt Hunter v. Chief Constable of West Midlands Police, [1982] A.C. 529 (H.L.), la Chambre des lords a étudié la question de savoir si une partie au litige pouvait soulever, dans une instance civile, une question identique à celle déjà tranchée par une juridiction criminelle compétente. Dans son analyse, à la page 543, la Chambre des lords a souligné que l'arrêt Hollington, précité, était [traduction] "considéré en général comme erroné", et elle s'est reportée aux dispositions législatives édictées pour l'écarter. Aux pages 543 à 545, la Chambre des lords a conclu que, selon une règle générale d'intérêt public, le recours à une action civile pour attaquer accessoirement une décision définitive rendue par une juridiction criminelle compétente devait être traité comme un abus du processus judiciaire. La seule exception que la Chambre des lords a bien voulu reconnaître à cette règle générale était l'existence de [traduction ] "nouveaux éléments de preuve" obtenus à la suite d'un procès criminel et qui [traduction ] "changent la situation du tout au tout".

Au Canada, l'arrêt Hollington, précité, a été expressément rejeté dans Demeter v. British Pacific Life Insurance Co. and two other actions (1984), 48 O.R. (2d) 266 (C.A.); confirmant (1983), 43 O.R. (2d) 33 (H.C.), dans les termes suivants, à la page 268:

[traduction] Nous souscrivons à l'analyse minutieuse et approfondie de la jurisprudence effectuée par le juge Osler ainsi qu'à sa conclusion portant que l'arrêt Hollington v. F. Hewthorn & Co., Ltd. et al., [1943] 1 K.B. 587, selon laquelle le fait que le conducteur défendeur en l'espèce ait été déclaré coupable de conduite avec négligence ne constituait même pas une preuve prima facie de sa négligence dans la conduite de son véhicule à ce moment ou dans ce lieu, ne correspond pas à l'état du droit en Ontario. Nous sommes également d'avis que le recours à une action civile pour attaquer accessoirement une décision définitive rendue par une juridiction criminelle compétente dans l'espoir de soumettre à nouveau au tribunal une question déjà tranchée constitue un abus du processus judiciaire. Les prétendus nouveaux éléments de preuve ou la preuve de fraude ou de collusion sont loin d'appuyer la prétention selon laquelle il y a lieu de faire exception à la règle générale d'ordre public.

Si l'on s'en remet aux faits de l'espèce, comme l'a souligné le juge des requêtes, ce serait faire affront au sens de la justice que de permettre que ces actions suivent leur cours . . .

Dans l'arrêt Re Del Core and Ontario College of Pharmacists (1985), 51 O.R. (2d) 1 (C.A.), le juge d'appel Finlayson a affirmé, au nom de la majorité, qu'une personne qui insiste pour que le fondement de sa condamnation criminelle soit examiné à nouveau par un tribunal, dans le cadre de sa défense dans une instance civile, attaque accessoirement une décision définitive d'une juridiction criminelle compétente. Le juge d'appel Blair, dans ses motifs concordants, partage cette opinion et a souligné qu'une partie peut faire la preuve d'une déclaration de culpabilité criminelle antérieure pertinente dans une instance civile. Toutefois, il a émis une mise en garde portant qu'une condamnation antérieure ne peut être contestée lorsque ce débat équivaut à un recours abusif aux tribunaux. Il a résumé sa position dans les termes suivants, à la page 22:

[traduction] L'admissibilité de cette preuve ne dépend pas de la question de savoir si la contestation de la déclaration de culpabilité constituerait un recours abusif aux tribunaux. Comme je l'ai expliqué plus tôt, la preuve de la déclaration de culpabilité antérieure est admissible dans tous les cas, lorsqu'elle est pertinente. La doctrine du recours abusif aux tribunaux ne peut être invoquée, dans un cas donné, que pour interdire la réfutation de cette preuve.

La question de la préclusion fondée sur l'identité de la question (issue estoppel) découlant de la preuve d'une déclaration de culpabilité pour évasion fiscale en matière d'impôt sur le revenu dans une instance civile ultérieure portant sur l'établissement d'une nouvelle cotisation a été portée à l'attention de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Van Rooy c. M.R.N., [1989] 1 C.F. 489 (C.A.). À la page 496, le juge Urie, J.C.A., a traité du concept de la préclusion fondée sur l'identité de la question:

Je dois dire premièrement que je suis incapable de souscrire à la proposition générale . . . selon laquelle "[l]a question à débattre lors des poursuites peut difficilement être comparée à la question fondamentale à trancher lors d'un appel découlant d'une cotisation". Dans son contexte, cette déclaration semble avoir été fondée sur les différences entre la qualité de la preuve exigée en matière criminelle d'une part, et en matière civile d'autre part. J'ai été incapable de trouver dans la jurisprudence à laquelle on nous a renvoyés à ce sujet que l'absence d'identité des questions en litige puisse se fonder sur de telles différences. En fait, j'aurais plutôt cru le contraire puisque le fardeau d'une preuve au-delà de tout doute raisonnable applicable aux affaires criminelles est considérablement plus élevé que le fardeau applicable dans les instances civiles, où la preuve exigée est régie par la prépondérance des probabilités. La première preuve comprend certainement la dernière si tous les faits présentés en preuve sont identiques ou substantiellement identiques, à tout le moins lorsqu'une déclaration de culpabilité a été prononcée contre l'accusé.

Il a ajouté, à la page 498:

Mis à part le fondement apparent de la conclusion du juge que la doctrine de l'issue estoppel, qui s'appuie sur les conclusions de faits tirées dans le cadre d'une poursuite criminelle, ne peut s'appliquer dans les appels interjetés contre de nouvelles cotisations, il me semble qu'une telle conclusion est contraire à de nombreux arrêts dont l'autorité est convaincante.

Le juge Urie a ensuite étudié les arrêts de principe concernant l'admissibilité d'une déclaration de culpabilité dans une instance civile ultérieure, et notamment les arrêts Jorgensen v. News Media (Auckland) Ltd., précité; Hunter v. Chief Constable of West Midlands Police, précité; Demeter v. British Pacific Life Insurance Co., précité; et Re Del Core and Ontario College of Pharmacists, précité. Voici ce qu'il a déclaré, à la page 502, après avoir examiné cette jurisprudence:

Les propos qui précèdent démontrent que la Cour d'appel de l'Ontario n'a pas eu de difficulté à conclure que la preuve de la culpabilité d'une partie, dans des circonstances données, fournirait dans le cadre d'une instance civile une certaine preuve ou une preuve prima facie de la culpabilité, dont le tribunal siégeant en matière civile pourrait d'une manière ou d'une autre examiner l'effet. Les tribunaux statuant dans les arrêts Demeter et Del Core ont tous deux conclu que l'autorisation d'instruire les actions concernées aurait constitué un abus de procédures. Toutefois, je ne vois aucun motif empêchant que ces mêmes considérations ne s'appliquent aux affaires dans lesquelles est présenté un plaidoyer d'issue estoppel ainsi que l'ont conclu lord Denning et Sir George Baker dans l'arrêt McIlkenny, prémentionné.

En conséquence, il a conclu, à la page 505, que la préclusion fondée sur l'identité de la question découlant d'une déclaration de culpabilité dans une affaire criminelle pouvait s'appliquer dans une instance civile, selon les circonstances de l'espèce.

Pour trancher la question de savoir si la question soulevée devant la Cour provinciale était identique à celle soulevée en appel de l'établissement d'une nouvelle cotisation, le juge Urie s'est appuyé sur le critère suivant approuvé par la Cour suprême du Canada dans Angle c. M.R.N., [1975] 2 R.C.S. 248, à la page 254:

. . . (1) que la même question ait été décidée; (2) que la décision judiciaire invoquée comme créant la fin de non-recevoir soit finale; et, (3) que les parties dans la décision judiciaire invoquée, ou leurs ayants droit, soient les mêmes que les parties engagées dans l'affaire où la fin de non-recevoir est soulevée, ou leurs ayants droit . . .

Quant à la question de savoir si la même question avait été tranchée par la Cour provinciale, le juge Urie a noté, à la page 507: "[c]omme . . . la valeur probante d'un certificat de condamnation dans une situation mettant en jeu l'issue estoppel est au moins semblable, sinon identique, à sa valeur probante dans les affaires mettant en jeu l'abus de procédures, les faits qui s'y trouvent énoncés constituent à tout le moins une preuve prima facie, ou une certaine preuve, réfutable, des faits qui s'y trouvent déclarés." Le juge Urie a déclaré qu'il était possible d'examiner les motifs énoncés par le juge à l'appui de la déclaration de culpabilité pour trancher la question de savoir si les questions soulevées dans les instances criminelle et civile étaient suffisamment identiques. Voici ce qu'il dit, sur ce point, à la page 509:

Je n'ai pas non plus de difficulté à conclure qu'il n'est pas irrégulier d'examiner les motifs de jugement pour vérifier si l'issue estoppel est effectivement plaidée à bon droit. Il n'importe pas, dans les circonstances telles qu'elles m'apparaissent en l'espèce, de savoir si l'examen des motifs est considéré comme une question de réfutation de la preuve prima facie résultant du dépôt du certificat de condamnation, ou s'il constitue l'exercice d'un pouvoir judiciaire discrétionnaire dépendant des faits particuliers à chaque espèce, une manière d'aborder la question adoptée dans certains arrêts américains. L'objet d'un tel examen est l'appréciation de l'identité des questions en cause, un élément jouant un rôle crucial relativement à l'applicabilité de l'issue estoppel; les faits qui ont amené le juge du procès à conclure à la culpabilité de la personne accusée devraient donc être pris en considération.

Dans l'arrêt Simpson v. Geswein, [1995] 6 W.W.R. 233 (B.R. Man.), le juge Krindle a procédé à une revue détaillée de plusieurs arrêts de principe concernant l'admissibilité et l'effet d'une condamnation criminelle dans le cadre d'un appel d'une ordonnance accordant un jugement sommaire au demandeur pour les dommages causés par les voies de fait et les coups allégués de la part du défendeur. À la page 242 de ses motifs, le juge Krindle a souligné que la transcription des motifs justifiant la déclaration de culpabilité du défendeur avait été produite en preuve. Il a souligné en outre que la transcription était [traduction] "suffisante pour permettre de trancher les questions soulevées". Après avoir examiné les principes applicables, le juge Krindle a conclu:

[traduction] . . . compte tenu de l'identité des questions soulevées en l'espèce et de celles soumises [au juge dans l'instance criminelle], de la norme de preuve applicable en matière criminelle et de l'absence de nouveaux éléments de preuve auxquels le défendeur aurait accès et qui lui permettraient de mettre en doute la proposition voulant qu'il ait commis des voies de fait et administré des coups au demandeur, ce serait faire affront au sens de la justice et abuser du processus judiciaire que de permettre au défendeur de continuer à contester sa responsabilité.

d) la décision relative à la requête préliminaire

Je suis convaincue, après avoir examiné la jurisprudence, que la preuve de la déclaration de culpabilité de l'intimé relativement à l'infraction prévue à l'alinéa 29(2)a) de la Loi sur la citoyenneté, c'est-à-dire la dissimulation intentionnelle de faits essentiels dans le but d'acquérir la citoyenneté, constitue une preuve prima facie, dans le cadre du renvoi, de sa culpabilité relativement à cette infraction. Étant donné que l'alinéa 18(1)b) de la Loi sur la citoyenneté exige que la question de savoir si l'intimé a acquis la citoyenneté en dissimulant intentionnellement des faits essentiels soit tranchée dans le cadre du renvoi, je dois trancher, selon la norme de preuve applicable en matière civile, exactement la même question que celle qui a été tranchée par le juge de la Cour provinciale selon la norme applicable en matière criminelle. En d'autres termes, il ne fait aucun doute qu'il y a identité de la question en l'espèce.

L'avocat de l'intimé n'a pas indiqué à la Cour que la preuve qui doit être produite dans le cadre du renvoi est différente sous un aspect important de celle examinée par le juge de la Cour provinciale, ni qu'il entendait produire de nouveaux éléments de preuve. En fait, il serait difficile d'imaginer comment la preuve produite dans le cadre du renvoi pourrait être différente sous un aspect important de la preuve produite lors du procès criminel, étant donné la nature de l'infraction et le fait que l'intimé a témoigné lors de son procès devant la Cour provinciale du Manitoba. En conséquence, en m'appuyant sur le principe énoncé dans l'arrêt Van Rooy c. M.R.N., précité, j'ai lu attentivement la transcription du procès devant la Cour provinciale du Manitoba. Il en ressort que le juge de la Cour provinciale a conclu que l'intimé n'était pas un témoin crédible et a rejeté ses moyens de défense pour ce motif.

Dans les circonstances, je suis convaincue que l'intimé tente, dans le cadre du renvoi, d'attaquer accessoirement la décision définitive d'une juridiction criminelle compétente, afin de soumettre à nouveau au tribunal une question qui a déjà été tranchée. La doctrine du recours abusif au processus judiciaire s'applique donc et interdit à l'intimé de réfuter la preuve de sa déclaration de culpabilité.

J'ai donc conclu, à partir de la preuve prima facie de sa déclaration de culpabilité sous le régime de l'alinéa 29(2)a) de la Loi sur la citoyenneté et de l'absence manifeste de tout élément de preuve additionnel concernant les circonstances en cause, que l'intimé a acquis la citoyenneté en dissimulant intentionnellement des faits essentiels, au sens de l'alinéa 18(1)b) de la Loi.

Avant d'aborder la prochaine question, je tiens à trancher l'argument avancé par l'avocat de l'intimé selon lequel l'intimé n'avait pas l'obligation, en vertu de la loi ou autrement, de divulguer les accusations criminelles portées contre lui après le dépôt de sa demande de citoyenneté. Comme je l'ai mentionné plus tôt, l'avocat de l'intimé invoquait à l'appui de cet argument la décision Canada (Ministre du Multiculturalisme et de la Citoyenneté) c. Minhas, précitée, dans laquelle la Cour a déclaré ce qui suit, à la page 157:

Les faits de la cause ne permettent pas de tirer une conclusion dans ce sens. Au moment où M. Minhas fit sa demande de citoyenneté, il n'avait rien à divulguer puisqu'il n'avait pas été inculpé de l'infraction en question . . . Le jour où il se présenta à l'entrevue avec le juge de la citoyenneté, l'intimé, bien qu'inculpé d'une infraction punie par le Code criminel, n'en avait pas encore été déclaré coupable. Tant qu'un verdict de culpabilité n'est pas prononcé, notre système de justice pénale veut que l'individu soit présumé innocent et, en conséquence, le défaut de divulguer une inculpation ne peut être considéré comme une "fausse déclaration", une "fraude", ou la "dissimulation intentionnelle de faits essentiels", que vise le paragraphe 10(1).

En d'autres termes, le juge a appliqué la présomption d'innocence dans le cadre du renvoi et conclu que monsieur Minhas n'était pas tenu de divulguer les accusations criminelles qui pesaient contre lui. Je ne puis souscrire au raisonnement retenu dans Canada (Ministre du Multiculturalisme et de la Citoyenneté) c. Minhas, précité, car le droit à la présomption d'innocence, constitutionnalisé dans l'alinéa 11d) de la Charte, s'applique uniquement à un "inculpé". Dans l'arrêt R. c. Wigglesworth , [1987] 2 R.C.S. 541, le juge Wilson a conclu, au nom de la majorité, à la page 558, que les droits garantis par l'article 11 de la Charte constituaient des protections en matière de procédure applicables "aux plus graves infractions que nous connaissons dans notre droit, c.-à-d. les affaires criminelles et pénales". Comme je l'ai déjà mentionné, le renvoi prévu à l'alinéa 18(1)b ) de la Loi sur la citoyenneté est de nature civile; il ne s'agit pas d'une affaire criminelle ou quasi criminelle. Compte tenu de la nature du renvoi, la personne qui en fait l'objet n'est pas inculpée, au sens attribué à ce terme dans l'arrêt R. c. Wigglesworth, précité. Par conséquent, les protections en matière de procédure enchassées dans l'article 11 de la Charte pour protéger un inculpé, et notamment la présomption d'innocence, ne s'appliquent pas dans le cadre d'un renvoi sous le régime de l'alinéa 18(1)b) de la Loi sur la citoyenneté. En outre, l'article 22 de la Loi sur la citoyenneté interdit, notamment, que la citoyenneté soit accordée à une personne accusée d'un acte criminel prévu par une loi fédérale. Dans les circonstances, je suis d'avis que la décision Canada (Ministre du Multiculturalisme et de la Citoyenneté) c. Minhas, précitée, est fondée sur un raisonnement erroné et ne doit pas s'appliquer en l'espèce.

Je tiens également à soulever une question de procédure. L'avocate de la requérante a présenté oralement sa requête pour demander à la Cour de trancher le renvoi sommairement, le matin de l'audition. Selon moi, elle aurait dû déposer un avis de requête et un affidavit à l'appui avant la date prévue pour l'audition afin de ne pas causer d'inconvénient au témoin ni à la Cour.

ii) l'intimé a-t-il acquis la citoyenneté en dissimulant intentionnellement des faits essentiels?

Compte tenu de ma conclusion portant que la question soulevée par le renvoi doit être tranchée sommairement pour les motifs déjà énoncés, il n'est pas nécessaire que je me prononce sur le fond. Toutefois, comme je l'ai déjà mentionné, j'ai entendu tous les éléments de preuve relatifs au renvoi avant de rendre ma décision sur la question préliminaire soulevée par l'avocate de la requérante. Dans les circonstances, je préciserai que la preuve produite par les parties m'a convaincue, selon la norme de la forte probabilité3, que l'intimé a dissimulé intentionnellement des faits essentiels au juge de la Citoyenneté, au sens de l'alinéa 18(1)b) de la Loi sur la citoyenneté.

Au cours de la présentation de la preuve dans le cadre du renvoi, l'agente de la citoyenneté, Mme Kelly, a témoigné ne pas se rappeler précisément de l'intimé, ni de sa rencontre avec lui. Toutefois, elle avait comme pratique courante à l'époque de passer en revue les parties du formulaire avec le candidat à la citoyenneté et de consigner ses réponses sur le formulaire. En ce qui a trait aux parties du formulaire concernant les activités criminelles, Mme Kelly demandait habituellement à la personne en cause si elle avait eu des problèmes avec les policiers depuis son arrivée au Canada et si elle avait été accusée d'une infraction criminelle ou assujettie à une ordonnance de probation relativement à une telle infraction. En ce qui concerne la mise en garde énoncée dans la partie 9, Mme Kelly demandait au candidat à la citoyenneté de la lire et l'informait qu'il pouvait perdre la citoyenneté s'il donnait sciemment des renseignements inexacts ou s'il dissimulait intentionnellement des renseignements. Bien que Mme Kelly ait reconnu en contre-interrogatoire qu'il était possible qu'elle n'ait pas suivi sa pratique habituelle, il est improbable qu'elle ait dérogé à ses habitudes dans le cas de l'intimé, car elle avait rempli le formulaire avec lui et devait lui avoir posé les questions habituelles avant de cocher chaque case du formulaire. En outre, étant donné que l'intimé l'avait avisée en répondant à la question 5 qu'il avait déjà été expulsé (fait qu'elle a noté sur le formulaire), elle a vraisemblablement révisé très soigneusement le reste du formulaire. L'intimé n'a pas contredit le témoignage de Mme Kelly, car il était incapable de se rappeler quelque détail que ce soit concernant sa rencontre avec elle. Le témoignage de Mme Kelly m'a donc convaincue que l'intimé savait, à cette étape du début du processus, qu'il pouvait perdre sa citoyenneté s'il ne divulguait pas des renseignements pertinents.

Le juge McDonald ne se souvient pas précisément de l'intimé, mais elle a témoigné concernant la procédure qu'elle suit habituellement dans toutes les causes qu'elle entend. Elle a notamment déclaré qu'avant de vérifier si le candidat à la citoyenneté connaît le Canada, elle lui demande toujours s'il a eu des problèmes avec la justice, avec l'immigration ou avec les policiers. Si une personne avoue avoir eu de tels problèmes, elle met immédiatement fin à l'audition et renvoie le dossier pour la tenue d'une enquête plus approfondie. À la fin de l'audition, lorsqu'elle demande au candidat à la citoyenneté de signer le formulaire d'avis au ministre, elle l'interroge toujours une deuxième fois sur les problèmes éventuels qu'il aurait eus avec la justice, l'immigration ou les policiers.

Le témoignage du juge McDonald était convaincant et sans équivoque. Le contre-interrogatoire n'en a nullement diminué la force probante. Par contre, le témoignage de l'intimé était très vague et peu convaincant. L'intimé n'est notamment pas parvenu à se rappeler quelque détail que ce soit concernant son audition devant le juge McDonald. Dans les circonstances, j'ai conclu, en me fondant sur la preuve produite, que le juge McDonald a demandé expressément à l'intimé s'il avait eu des problèmes avec la justice, l'immigration et les policiers. Étant donné que le juge McDonald a posé cette question à l'intimé à peine neuf jours après sa comparution devant la Cour provinciale du Manitoba relativement à des accusations criminelles portées contre lui, la logique m'oblige à conclure que l'intimé lui a dissimulé délibérément et intentionnellement les accusations criminelles qui pesaient contre lui.

Dans les circonstances, je conclus sans aucune hésitation que l'intimé a dissimulé intentionnellement des faits importants au juge de la Citoyenneté, au sens de l'alinéa 18(1)b) de la Loi sur la citoyenneté.

iii) la longueur du délai

L'avocat de l'intimé a soutenu que le renvoi à la Cour devrait être rejeté en raison de la longueur injustifiable du délai écoulé avant que la procédure de révocation soit engagée par la requérante. Bien que l'avocat de l'intimé n'ait pas expliqué précisément le fondement juridique de son argumentation, il s'est appuyé sur la décision Canada c. Sadiq, précitée, dans laquelle le juge Cullen a rejeté une requête au motif qu'il y avait eu violation du devoir d'agir équitablement en raison du long délai écoulé avant l'introduction de la procédure de révocation. Dans cette cause, Sadiq avait présenté une requête demandant l'annulation du renvoi à la Cour en invoquant différents moyens, dont la violation des droits que lui garantissaient les articles 7 et 12 de la Charte. Sadiq a prétendu plus particulièrement, à la page 767 de la décision, que "le retard dans le commencement des procédures et le préjudice qu'il subirait contreviennent aux droits qui lui sont garantis par les articles 7 et 12 de la Charte". Lorsqu'on lit la décision dans son ensemble, on constate que l'argument fondé sur la Charte invoqué par Sadiq s'appuyait bel et bien sur la présupposition qu'il avait subi un préjudice en raison de ce retard.

Dans la décision Canada c. Sadiq, précitée, le juge Cullen a conclu, à la page 769, qu'il était "évident que la Charte a été violée. Les fonctionnaires de la Citoyenneté ont l'obligation d'être équitables et, à mon sens, ils ont manqué à cette obligation, compte tenu du retard". Il a en outre fait la remarque suivante, à la page 772: "en raison d'un long et malencontreux retard, Sadiq n'a pas été traité comme il aurait dû l'être, c'est-à-dire de manière équitable".

Un argument semblable a été invoqué devant le juge Dubé dans l'affaire Canada (Secrétaire d'État) c. Charran, précitée, dans un cas où une période de sept ans s'était écoulée avant que les autorités entament la procédure de révocation de la citoyenneté. En analysant les arguments de l'avocat, le juge Dubé a déclaré, aux pages 144 et 145, que même en adoptant une interprétation large de l'article 7 de la Charte, il "ne pourrai[t] conclure en l'espèce que le retard dans l'examen de la révocation de la citoyenneté de l'intimée lui a causé un préjudice grave de nature autre que physique. Il est évident que plus longtemps la révocation était retardée, plus longtemps elle pouvait demeurer au Canada". En d'autres termes, le juge Dubé a fondé son analyse sur le préjudice, s'il en est, causé à Charran par le retard.

Les principes qu'il faut appliquer pour trancher la question de savoir si un retard peut porter atteinte à un droit garanti par la Charte ont été énoncés par la Cour d'appel fédérale relativement au traitement des revendications du statut de réfugié sous le régime de la Loi sur l'immigration. Dans la décision Sinnappu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] 2 C.F. 791 (1re inst.), j'ai résumé le raisonnement adopté par la Cour d'appel fédérale sur la question du retard [aux pages 823 à 825]:

La Cour d'appel fédérale s'est demandée à deux occasions si le délai lié à la procédure d'immigration donne lieu à un manquement aux droits reconnus par la Charte. Dans l'arrêt Akthar c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] 3 C.F. 32 (C.A.), le juge Hugessen, J.C.A., s'est demandé si un délai entre la présentation d'une revendication du statut de réfugié et la première étape de l'audition de la revendication pouvait donner lieu à une transgression des droits garantis par la Charte. Pour les besoins de son analyse, le juge Hugessen a présumé que la procédure d'examen des revendications du statut de réfugié déclenchait l'application des droits reconnus à l'article 7 de la Charte et que le droit de se faire entendre dans un délai raisonnable constituait un aspect des principes de justice fondamentale. Dans son analyse, le juge Hugessen [à la page 38] a mentionné que "deux obstacles insurmontables s'opposent . . . à la prétention des parties requérantes que le retard apporté au traitement de leurs revendications constitue une violation des droits que leur confère la Charte. En ce qui a trait au premier obstacle, il a souligné que le revendicateur du statut de réfugié ne se trouve pas dans la même situation juridique qu'une personne accusée d'un crime. Par conséquent, il a conclu, à la page 40 de la décision, que "toute prétention à la violation de la Charte fondée sur le retard doit dépendre de la preuve d'un préjudice causé au demandeur, à savoir que le retard était abusif pour une personne dans sa situation". Le deuxième obstacle est la question de savoir si la preuve présentée dans l'affaire démontre qu'un préjudice a été causé au demandeur. Sur ce point, il a formulé l'avertissement suivant à la page 42 de sa décision:

À mon avis, dans les affaires non criminelles, toute prétention à la violation de la Charte fondée sur un retard doit s'appuyer sur la preuve, ou à tout le moins sur quelque inférence tirée des circonstances environnantes, que la partie demanderesse a réellement subi un préjudice ou une injustice imputable au retard.

Même si le juge Hugessen n'a pas [à la page 43] "[exclu] la possibilité que le retard à tenir l'audience d'un réfugié donne lieu à une réparation fondée sur la Charte, il a conclu que les requérants n'avaient pas prouvé qu'un droit garanti par la Charte avait été transgressé.

Dans l'arrêt Hernandez c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 154 N.R. 231 (C.A.F.), la Cour a rejeté l'argument selon lequel le retard à traiter une revendication du statut de réfugié allait à l'encontre de l'article 7 de la Charte. Commentant l'analyse de l'arrêt Akthar c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), précité, le juge Robertson, J.C.A., a mentionné, aux pages 232 et 233, que "il est bien clair que l'argument "retard abusif" ne saurait être perçu comme un motif fécond d'annulation des décisions judiciaires. Sur le plan juridique, il est probablement plus réaliste de présupposer que cet argument sera rarement, ou jamais, invoqué avec succès".

Les décisions rendues dans les affaires Akthar c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) et Hernandez c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, précitées, indiquent que, lorsqu'une personne présente une preuve démontrant l'existence d'un préjudice ou d'un traitement inéquitable, le retard à traiter une revendication du statut de réfugié peut donner lieu à une transgression des droits garantis par la Charte.

À mon avis, les principes énoncés par la Cour d'appel fédérale dans le contexte de l'immigration, indiquant qu'un retard peut donner lieu à la transgression d'un droit garanti par la Charte lorsqu'une personne fait la preuve d'un préjudice ou d'une injustice, sont tout aussi applicables en matière de révocation de la citoyenneté. En fait, ma conclusion à cet égard est compatible avec le raisonnement adopté par la Cour jusqu'à maintenant dans les instances portant sur la révocation. En particulier, dans les décisions Canada c. Sadiq et Canada (Secrétaire d'État) c. Charran, précitées, la Cour a analysé la prétendue violation d'un droit de la Charte en se demandant si le retard à entamer la procédure de révocation de la citoyenneté avait causé un préjudice ou créé une situation inéquitable.

En l'espèce, l'avocate de la requérante a reconnu que le délai écoulé entre le mois d'août 1993 et le 13 mars 1995, date de l'avis de révocation, était injustifiable, car il était imputable uniquement à la réorganisation du Ministère. Toutefois, sans égard à l'ampleur du retard, l'intimé a témoigné devant moi et n'a produit aucun élément de preuve indiquant qu'il avait subi un préjudice ou une injustice en raison du retard en l'espèce. Il n'a donc pas surmonté le premier obstacle décrit par le juge Hugessen dans l'arrêt Akthar c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] 3 C.F. 32 (C.A.). Il n'a pas non plus surmonté le deuxième obstacle décrit par le juge Hugessen, car aucun élément de preuve versé au dossier, ni aucune inférence qui pourrait être tirée des circonstances n'indique qu'il a subi un préjudice ou une injustice en raison du retard. Au contraire, le retard en l'espèce a nécessairement aidé l'intimé à demeurer au Canada, car il a épousé une citoyenne canadienne, est devenu le père d'un enfant canadien et a obtenu un emploi pendant la période dont ce retard l'a fait bénéficier. Dans les circonstances, l'intimé n'a pas établi que le retard a porté atteinte à l'un des droits que lui garantit la Charte.

DÉCISION

L'intimé a acquis la citoyenneté canadienne en dissimulant intentionnellement des faits essentiels au sens de l'alinéa 18(1)b) de la Loi sur la citoyenneté.

1 Dans Canada (Secrétaire d'État) c. Charran (1988), 6 Imm. L.R. (2d) 138 (C.F. 1re inst.) et dans Canada (Secrétaire d'État) c. Delezos, [1989] 1 C.F. 297 (1re inst.), la Cour s'est fondée sur des déclarations de culpabilité antérieures pour conclure que les intimés avaient obtenu la citoyenneté par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels. Toutefois, dans chacune de ces causes, l'exposé conjoint des faits contenait un paragraphe indiquant que l'intimé avait obtenu la citoyenneté au moyen de fausses déclarations faites dans sa demande de citoyenneté.

2 Voir, par exemple, Canada (Secrétaire d'État) c. Delezos, précité; Canada c. Sadiq, [1991] 1 C.F. 757 (1re inst.); Canada (Ministre du Multiculturalisme et de la Citoyenneté) c. Minhas (1993), 66 F.T.R. 155 (C.F. 1re inst.); Canada (Ministre d'État au Multiculturalisme et à la Citoyenneté) c. Julien (1991), 52 F.T.R. 183 (C.F. 1re inst.).

3 Dans la décision Canada (Secrétaire d'État) c. Luitjens, précitée, le juge Collier a statué que, bien qu'un renvoi prévu par l'art. 18 de la Loi sur la citoyenneté soit de nature civile, la norme de preuve appropriée est celle de la forte probabilité. Comme il n'est pas nécessaire que j'établisse quel est le fardeau de la preuve en regard des faits de l'espèce, j'ai décidé d'appliquer simplement la norme approuvée par le juge Collier, sans trancher la question.

ANNEXE "A"

Loi sur la citoyenneté

10. (1) Sous réserve du seul article 18, le gouverneur en conseil peut, lorsqu'il est convaincu, sur rapport du ministre, que l'acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté, ou la réintégration dans celle-ci, est intervenue sous le régime de la présente loi par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels, prendre un décret aux termes duquel l'intéressé, à compter de la date qui y est fixée:

a) soit perd sa citoyenneté;

b) soit est réputé ne pas avoir répudié sa citoyenneté.

(2) Est réputée avoir acquis la citoyenneté par fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels la personne qui l'a acquise à raison d'une admission légale au Canada à titre de résident permanent obtenue par l'un de ces trois moyens.

. . .

18. (1) Le ministre ne peut procéder à l'établissement du rapport mentionné à l'article 10 sans avoir auparavant avisé l'intéressé de son intention en ce sens et sans que l'une ou l'autre des conditions suivantes ne se soit réalisée:

a) l'intéressé n'a pas, dans les trente jours suivant la date d'expédition de l'avis, demandé le renvoi de l'affaire devant la Cour;

b) la Cour, saisie de l'affaire, a décidé qu'il y avait eu fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels.

(2) L'avis prévu au paragraphe (1) doit spécifier la faculté qu'a l'intéressé, dans les trente jours suivant sa date d'expédition, de demander au ministre le renvoi de l'affaire devant la Cour. La communication de l'avis peut se faire par courrier recommandé envoyé à la dernière adresse connue de l'intéressé.

(3) La décision de la Cour visée au paragraphe (1) est définitive et, par dérogation à toute autre loi fédérale, non susceptible d'appel.

. . .

29. . . .

(2) Commet une infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une amende maximale de mille dollars et un emprisonnement maximal d'un an, ou l'une de ces peines, quiconque:

a) dans le cadre de la présente loi, fait une fausse déclaration, commet une fraude ou dissimule intentionnellement des faits essentiels;

Loi sur l'immigration

2. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

"résident permanent" Personne qui remplit les conditions suivantes:

a) elle a obtenu le droit d'établissement;

b) elle n'a pas acquis la citoyenneté canadienne;

c) elle n'a pas perdu son statut conformément à l'article 24 ou 25.1.

Est également visée par la définition la personne qui a acquis la citoyenneté canadienne mais l'a perdue conformément au paragraphe 10(1) de la Loi sur la citoyenneté, compte non tenu du paragraphe 10(2) de cette loi.

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