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T-2022-89

Le chef Victor Buffalo agissant en son propre nom et au nom de tous les membres de la Bande et de la Nation des Indiens Samson et la Bande et la Nation des Indiens Samson (requérants) (demandeurs)

c.

Sa Majesté la Reine du chef du Canada et le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et le ministre des Finances (intimés) (défendeurs)

T-1254-92

Le chef John Ermineskin, Lawrence Wildcat, Gordon Lee, Art Littlechild, Maurice Wolfe, Curtis Ermineskin, Gerry Ermineskin, Earl Ermineskin, Rick Wolfe, Ken Cutarm, Brian Lee, Lester Fraynn, chef et conseillers élus de la Bande et de la Nation des Indiens Ermineskin agissant en leur propre nom et au nom des membres de la Bande et de la Nation Ermineskin (demandeurs)

c.

Sa Majesté la Reine du chef du Canada et le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et le ministre des Finances (défendeurs)

Répertorié: Nation et Bande des Indiens Samsonc. Canada(1re inst.)

Section de première instance, juge Teitelbaum" Calgary, 21 octobre; Ottawa, 8 décembre 1997.

Juges et tribunaux Requête en récusation du juge Teitelbaum comme juge du procèsLe juge en chef adjoint a désigné le juge Campbell pour présider l'instruction, mais il l'a réaffecté lorsque le juge a soulevé la question de son amitié avec des membres de la BandeLes demandeurs ont demandé au juge en chef adjoint de ne pas prendre part au choix du nouveau juge du procès en attendant une décision sur une plainte de discrimination contre eux de la part du juge en chef adjoint déposée devant le Conseil canadien de la magistratureUn comité de trois juges a recommandé la désignation du juge Teitelbaum comme juge du procèsCritère d'appréciation d'une crainte raisonnable de partialité, d'une demande de récusation(1) la façon dont a été prise la décision que monsieur le juge Campbell ne présiderait pas l'instruction ne soulève pas de crainte raisonnable de partialitéLe juge en chef adjoint a compétence pour désigner le juge du procèsCe processus n'est pas pertinent à la question de savoir s'il existe une crainte raisonnable de partialité de la part du juge Teitelbaum(2) Le processus utilisé pour désigner le juge Teitelbaum n'engendre pas de crainte raisonnable de partialitéL'art. 15(2) de la Loi sur la Cour fédérale oblige le juge en chef adjoint à prendre des dispositions pour les audiencesIl ne prévoit pas qu'il doit les prendre personnellement ni qu'il lui est interdit de déléguer le pouvoir de les prendreL'art. 6(3) qui exige que les fonctions du juge en chef adjoint soient exercées par le juge le plus ancien ne s'applique pasLe juge en chef adjoint n'a pas pris part au choix du juge du procès à la demande des demandeurs(3) Les remarques faites antérieurement concernant une question n'engendrent pas une crainte raisonnable de partialitéLe juge Teitelbaum s'était prononcé dans des causes antérieures sur les questions visées par l'appelLes déclarations de la CAF devront être suivies chaque fois que la même question sera soulevée dans une autre instance(4) La prétention que le fait de connaître certaines personnes qui participent à l'administration du pays, d'avoir été membre d'un parti politique ou d'avoir participé à son financement engendre une crainte raisonnable de partialité est choquanteElle n'a non plus aucune pertinence en ce qui a trait à la question de la crainte raisonnable de partialitéLe fait de participer au financement ou d'être un ami du premier ministre n'est pas un motif d'inhabilité à être nommé juge d'une cour supérieure(5) La présentation officielle d'une requête en récusation entendue en audience publique n'engendre pas une crainte raisonnable de partialité(6) Le fait que le juge Teitelbaum tranche la requête visant sa propre récusation n'engendre pas une crainte raisonnable de partialitéAutrement, la simple formulation de ces allégations vicierait la procédure et contraindrait le juge à se récuser.

Il s'agissait d'une requête en vue d'obtenir la récusation du juge Teitelbaum comme juge du procès dans les deux instances. Le juge en chef adjoint a désigné le juge Campbell pour présider l'instruction, mais après que le juge Campbell eut soulevé, au moins à deux reprises, la question de son amitié avec trois membres de la Bande Samson, il a été décidé qu'il ne devait pas présider l'instruction. Le juge en chef adjoint ayant déclaré qu'il ne désignerait pas un juge autochtone de nomination récente pour entendre une cause touchant les Autochtones, car un tel juge se sentirait peut-être mal à l'aise d'entendre ce type de cause, la Bande des Indiens Samson a déposé une plainte de discrimination contre le juge en chef adjoint auprès du Conseil canadien de la magistrature et a demandé que le juge en chef adjoint ne désigne pas le juge du procès en attendant une décision sur la plainte. Le juge en chef adjoint a acquiescé à cette demande et un comité de trois juges parmi les plus anciens en poste, dont la composition est demeurée secrète, a choisi le juge Teitelbaum comme juge du procès. Les requérants ont soutenu que la révocation du juge Campbell en qualité de juge du procès et le processus suivi à cette fin ne respectaient pas les principes de la justice naturelle. Ils ont aussi fait valoir que les liens du juge Teitelbaum avec des personnalités politiques, des bureaucrates et le Parti conservateur engendraient une crainte raisonnable de partialité. De plus, dans deux autres instances, le juge Teitelbaum avait énoncé son point de vue et fait des commentaires sur la Loi sur les Indiens, l'autonomie gouvernementale, les obligations de fiduciaire, la prescription des actions, la maturité des bandes indiennes, la dépendance implicite des Indiens qui s'accrochent aux jupes de leur mère, la Couronne étant considérée implicitement comme leur mère, et il a condamné la Bande indienne aux dépens procureur-client. Ils alléguaient que ces points de vue, commentaires, décisions et perspectives engendraient une crainte raisonnable de partialité relativement à la possibilité que des questions cruciales soient tranchées d'avance.

Les questions en litige étaient celles de savoir si les éléments suivants engendraient une crainte raisonnable de partialité: (1) la façon dont a été prise la décision que le juge Campbell ne présiderait pas l'instruction; (2) la façon dont le juge Teitelbaum a été désigné pour présider l'instruction; (3) les paroles et les actes du juge Teitelbaum dans des causes antérieures touchant des Autochtones; (4) les liens que le juge Teitelbaum a eus avec certaines personnes précises et avec le Parti conservateur du Canada; (5) la procédure utilisée pour la récusation; et (6) le fait que le juge Teitelbaum entende et tranche une requête visant sa propre récusation.

Jugement: la requête doit être rejetée.

La crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d'une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires. Ce critère consiste à se demander "à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique." Il doit exister une réelle possibilité de partialité. Suppositions et conjectures ne suffisent pas. Il faut que les circonstances soient telles qu'une personne raisonnable puisse penser qu'il est probable ou vraisemblable que le juge ou le président favorisera l'une des parties au dépens de l'autre.

Les situations suivantes devraient habituellement donner lieu à récusation: la parenté, l'amitié, la partialité, des relations professionnelles ou commerciales particulières avec l'une des parties, l'animosité envers une personne ayant un intérêt dans l'affaire, une opinion arrêtée sur la question en litige. La décision de récuser un juge ne peut être prise qu'avec modération et que dans les cas les plus évidents et exceptionnels. Lorsqu'il n'est pas satisfait au critère d'appréciation de la partialité, le juge continuera à présider le procès jusqu'à la fin.

(1) La façon dont a été prise la décision que le juge Campbell ne présiderait pas l'instruction n'a pas engendré une crainte raisonnable de partialité. La Cour suprême du Canada a indiqué ce qu'elle pensait de cette prétention lorsqu'elle a refusé d'ordonner un renvoi ou un sursis d'exécution de la "décision" du juge en chef adjoint, portant que le juge Campbell ne devait plus être le juge du procès. Le juge en chef adjoint a, et a toujours eu, compétence pour désigner le juge qui jouera le rôle de "juge du procès" dans une cause donnée. Le juge en chef adjoint peut décider qui entendra une cause donnée, jusqu'au moment où le juge est saisi de l'affaire. De même, toute la question de la façon dont il a été décidé que le juge Campbell ne serait plus le juge du procès n'a aucune pertinence en ce qui a trait à la question de la crainte raisonnable de partialité de la part du juge Teitelbaum.

(2) Les demandeurs ont soutenu que la désignation du juge Teitelbaum comme juge du procès est invalide parce que la procédure suivie pour sa désignation est contraire aux dispositions de la Loi sur la Cour fédérale et que, la Cour fédérale étant une cour établie par une loi n'ayant aucune compétence inhérente, la "procédure" énoncée dans la Loi doit être suivie pour désigner un juge du procès. Le paragraphe 15(2) de la Loi sur la Cour fédérale prévoit que les dispositions à prendre pour les audiences sont du ressort du juge en chef adjoint. Il ne prévoit pas que le juge en chef adjoint doit prendre personnellement ces dispositions, ni qu'il lui est interdit de déléguer le pouvoir de les prendre. En matière de procédure, une interprétation "large" ou "libérale" doit être attribuée au paragraphe 15(2). Selon le paragraphe 6(3), en cas d'absence du Canada ou d'empêchement du juge en chef adjoint ou de vacance de son poste, l'intérim est assuré par le juge le plus ancien en poste qui est au Canada, qui est en mesure d'exercer ces fonctions et qui y consent. Aucune des situations énumérées n'existait en l'espèce. Après le dépôt, par les demandeurs, d'une plainte auprès du Conseil canadien de la magistrature concernant les commentaires du juge en chef adjoint, les demandeurs ont demandé que le juge en chef adjoint ne prenne pas part au choix du juge du procès. Le juge en chef adjoint a acquiescé à cette demande et décidé de demander l'avis d'un comité de trois juges parmi les plus anciens en poste, qui a recommandé que le juge Teitelbaum soit choisi pour entendre les affaires en cause. Le juge en chef adjoint ayant convenu de ne pas participer au choix du juge, il a accepté la recommandation du comité. Le processus utilisé ne peut avoir engendré aucune crainte raisonnable de partialité.

(3) Il reviendra à la Cour d'appel de retenir ou de rejeter l'interprétation donnée par le juge Teitelbaum des différents articles de la Loi sur les Indiens concernant la question de l'autonomie gouvernementale, des obligations de fiduciaire, de la prescription des actions et toute autre question soulevée par les deux autres jugements et il sera tenu, en droit, de suivre le jugement de la Cour d'appel chaque fois que la même question sera soulevée. Si les propos d'un juge relativement à l'interprétation de la loi pouvaient engendrer une crainte raisonnable de partialité, les juges ne pourraient jamais siéger dans une cause touchant une question sur laquelle ils se sont déjà prononcés. Un juge ne fait pas preuve de partialité ni n'engendre de crainte raisonnable de partialité pour avoir simplement fait antérieurement des remarques concernant une question ou interprété la loi en regard d'une question particulière. Si un juge a tranché dans une autre cause des questions semblables ou identiques à celles qu'il est appelé à trancher, il n'y a pas lieu à récusation pour cause de crainte raisonnable de partialité du fait qu'il s'est déjà prononcé sur ces questions.

(4) La prétention que le fait de connaître certaines personnes qui participent à l'administration du pays ou que le fait d'avoir été membre d'un parti politique fédéral légal ou d'avoir participé à son financement engendre une crainte raisonnable de partialité était choquante et n'avait aucune pertinence quant à la question de la crainte raisonnable de partialité. Le fait de participer au financement d'un parti politique ou d'être une connaissance ou un ami du premier ministre du Canada n'est pas un motif d'inhabilité à être nommé juge d'une cour supérieure au Canada.

(5) La procédure de récusation actuelle dans le cadre de laquelle les demandeurs ont présenté officiellement une requête en récusation, entendue en audience publique, n'engendre pas de crainte raisonnable de partialité.

(6) Se récuser simplement parce qu'il a entendu la requête en récusation constituerait, de l'avis du juge Teitelbaum, un dangereux précédent. Il inviterait de la sorte les parties mécontentes à formuler les allégations qui leur plairaient à l'appui d'une requête en récusation du juge. Si ces allégations ne justifiaient pas une conclusion de partialité ou de crainte raisonnable de partialité, la simple formulation de ces allégations, de par leur nature, vicierait la procédure et contraindrait le juge à se récuser. Aucune source jurisprudentielle qui laisserait croire qu'un juge autre que celui visé par la demande de récusation devrait entendre la requête n'a été invoquée.

lois et règlements

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 7.

Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur la Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5], préambule, art. 101.

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 3 (mod. par L.C. 1993, ch. 34, art. 68), 6(3), 15(2).

Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), ch. I-5.Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règle 491(11) (édictée par DORS/90-846, art. 20).

jurisprudence

décisions appliquées:

Committee for Justice and Liberty et autres c. Office national de l'énergie et autres, [1978] 1 R.C.S. 369; (1976), 68 D.L.R. (3d) 716; 9 N.R. 115; Metropolitan Properties Co. (F.G.C.), Ltd. v. Lannon, [1968] 3 All E.R. 304 (C.A.); Middelkamp v. Fraser Valley Real Estate Board (1993), 83 B.C.L.R. (2d) 257; 20 C.P.C. (2d) 27 (C.A.); conf. [1993] B.C.J. no 2965 (C.S.) (QL).

décisions examinées:

Enquête énergie c. Commission de contrôle de l'énergie atomique, [1984] 2 C.F. 227; (1984), 8 D.L.R. (4th) 735; 5 Admin. L.R. 165; 13 C.E.L.R. 66; 43 C.P.C. 13 (1re inst.); conf. par [1985] 1 C.F. 563; (1984), 15 D.L.R. (4th) 48; 11 Admin. L.R. 287; 13 C.E.L.R. 162; 56 N.R. 135 (C.A.); G.W.L. Properties Ltd. v. W.R. Grace & Co. of Canada Ltd. (1992), 74 B.C.L.R. (2d) 283; 37 W.A.C. 167 (C.A.); Blanchard c. Canadian Paper Workers' Union, Local 263 et al. (1991), 113 R.N.-B. (2e) 344; 285 A.P.R. 344; 49 C.P.C. (2d) 151 (C.A.); Mattson v. ALC Airlift Canada Inc. (1993), 18 C.P.C. (3d) 310 (C.S.C.-B.); R. c. S. (R.D.), [1977] 3 R.C.S. 484; (1997), 161 N.S.R. (2d) 241; 151 D.L.R. (4th) 193; 118 C.C.C. (3d) 353; 218 N.R. 1; Bande indienne Samson c. Canada, [1997] S.C.C.A. no 291 (QL); Ellis-Don Ltd. v. Ontario (Labour Relations Board) (1992), 98 D.L.R. (4th) 762; 64 O.A.C. 321 (Div. gén. Ont.) Chemins de fer nationaux du Canada c. Commission canadienne des droits de la personne (1985), 64 N.R. 312 (C.A.F.); Morgentaler c. La Reine (1984), 29 McGill L.J. 369.

décisions citées:

Bande indienne Wewayakum c. Canada et Bande indienne Wewayakai (1995), 99 F.T.R. 1 (C.F. 1re inst.); Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui, [1996] 3 C.F. 373; (1996), 134 D.L.R. (4th) 555; [1997] 2 C.N.L.R. 16; 111 F.T.R. 161 (1re inst.).

doctrine

Friedland, Martin L. Une place à part: l'indépendance et la responsabilité de la magistrature au Canada. Ottawa: Conseil canadien de la magistrature, 1995.

REQUÊTE en récusation du juge du procès fondée sur une crainte raisonnable de partialité. Requête rejetée.

avocats:

James A. O'Reilly, Edward H. Molstad, c.r., Marco S. Poretti et Priscilla E. S. Kennedy pour le demandeur Victor Buffalo.

Marvin R. V. Storrow, c.r., Joni Paulus et Maria A. Morellato pour le demandeur J. Ermineskin.

Alan D. MacLeod, c.r., W. Clark Hunter, Thomas E. Valentine, Mary E. Comeau et Wendy K. Johnston pour les défendeurs.

procureurs:

O'Reilly & Associates, Montréal, et Parlee McLaws, Edmonton, pour le demandeur Victor Buffalo.

Blake, Cassels & Graydon, Vancouver, pour le demandeur J. Ermineskin.

Le sous-procureur général du Canada pour les défendeurs.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par

Le juge Teitelbaum: Il s'agit d'un avis de requête déposé, le 16 octobre 1997, au greffe de la Cour fédérale du Canada, à Calgary (Alberta), par les demandeurs, le chef Victor Buffalo et la Bande et la Nation des Indiens Samson, en vue d'obtenir la réparation décrite comme suit:

[traduction]

 1. Une ordonnance déclarant la désignation du juge du procès dans les présentes actions nulle et notamment contraire à la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, mod., l'art. 3, 6(3) et 15(2), à l'art. 7 de la Charte des droits et libertés et au préambule et à l'art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867;

 2. Une ordonnance prescrivant la divulgation par M. le juge Teitelbaum ou, subsidiairement, la divulgation volontaire par M. le juge Teitelbaum, des liens qu'il a eus avec les personnes qui suivent, y compris la nature et le degré de proximité de ces liens, depuis 1956: l'honorable Brian Mulroney, ancien premier ministre du Canada; Bernard Roy, ancien premier secrétaire de l'honorable Brian Mulroney; Peter G. White, secrétaire de l'honorable Brian Mulroney de 1983 à 1986; le sénateur W. David Angus, ancien trésorier du Parti conservateur du Canada, l'honorable W. Warren Allmand, ancien compagnon de classe et ancien ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien; G. Ian Watson, apparemment un ancien compagnon de classe et ancien président du Comité permanent des Affaires indiennes, et les personnes suivantes qui ont fréquenté la faculté de droit de l'Université McGill à la même époque que M. le juge Teitelbaum: l'ancien ministre du Cabinet Donald J. Johnston; P. Michael Pitfield, ancien secrétaire du Conseil privé, et Yves L. Fortier, c.r., ancien ambassadeur aux Nations-Unies;

 3. Une ordonnance prescrivant la divulgation par M. le juge Teitelbaum ou, subsidiairement, la divulgation volontaire par M. le juge Teitelbaum, des liens qu'il a eus, y compris la nature et le degré de proximité de ces liens, depuis 1956, avec toute personne qu'il a rencontrée ou connue, et qui a occupé ou occupe l'un des postes suivants:

(a) député à la Chambre des communes ou membre du Sénat, y compris de leurs comités;

(b) membre du gouvernement fédéral;

(c) fonctionnaire du gouvernement fédéral;

(d) membre du personnel ou conseiller d'un premier ministre ou d'un ministre du gouvernement fédéral;

(e) personne qui fournit des services ou qui est associée au Parti libéral du Canada ou au Parti conservateur fédéral;

 4. Une ordonnance prescrivant la divulgation par M. le juge Teitelbaum ou, subsidiairement, la divulgation volontaire par M. le juge Teitelbaum, de ses activités liées au Parti conservateur du Canada, et notamment de sa participation au financement du parti et de toute autre activité politique;

 5. Une ordonnance enjoignant à M. le juge Teitelbaum de se récuser comme juge du procès dans la présente instance ou, subsidiairement, la récusation de M. le juge Teitelbaum comme juge du procès dans la présente instance.

La requête s'appuie sur de nombreux moyens énumérés dans l'avis de requête. Les demandeurs en énoncent 19. Pour mieux comprendre l'avis de requête, j'estime nécessaire de les énumérer tous dans la présente décision.

Voici les moyens énumérés dans l'avis de requête:

[traduction]

 1. L'art. 15(2) de la Loi sur la Cour fédérale oblige le juge en chef adjoint à prendre des dispositions pour les audiences. L'art. 6(3) prévoit que le juge le plus ancien en poste exerce les fonctions du juge en chef adjoint en cas d'empêchement de celui-ci.

 2. Il y a empêchement du juge en chef adjoint d'agir relativement au choix du juge du procès dans la présente instance. En conséquence, les pouvoirs du juge en chef adjoint relativement au choix de monsieur le juge Teitelbaum comme juge du procès désigné auraient dû être exercés par le juge le plus ancien en poste.

 3. Le juge responsable de la gestion du dossier en l'espèce, le juge MacKay, a indiqué à plusieurs reprises que ce pouvoir avait été exercé par un "comité" de trois juges, contrairement à ce que prévoit l'article 6(3) de la Loi sur la Cour fédérale .

 4. La composition du "comité" demeure secrète, contrairement à l'article 3 de la Loi sur la Cour fédérale , à l'article 7 de la Charte des droits et libertés et à la Loi constitutionnelle de 1867, notamment à son préambule et à l'article 101. Toutefois, même si le processus de désignation avait été public, la désignation par un "comité" demeurerait contraire à la Loi sur la Cour fédérale . La Loi sur la Cour fédérale ne confère aucun pouvoir relatif à un tel "comité", et encore moins de pouvoir permettant une procédure de type inquisitoire.

 5. En ce qui a trait aux ordonnances de divulgation et à la réparation demandées, la jurisprudence, plus particulièrement en matière de crainte de partialité, la primauté du droit et le principe fondamental de la tenue d'une audience publique garanti par l'article 7 de la Charte des droits et libertés, le préambule et l'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 et l'article 3 de la Loi sur la Cour fédérale, exigent la divulgation par le juge du procès de ses activités et de ses liens, actuels et passés, qui ont un rapport avec les questions en litige dans l'action.

 6. La jurisprudence exige en outre que le critère d'appréciation d'une crainte de partialité comporte l'obtention de renseignements auxquels le requérant n'a peut-être pas ou presque pas accès, en pratique. Il se peut que seule la personne qui rend la décision connaisse certains faits. Les principes de la justice naturelle et de l'équité procédurale exigent donc la divulgation aux requérants de tous les faits pertinents. C'est la procédure qu'a récemment suivie Mme le juge McGillis pour trancher la question de la crainte de partialité.

 7. La révocation du juge Campbell en qualité de juge du procès en l'espèce et le processus suivi à cette fin ne respectent pas les principes de la justice naturelle et de l'équité procédurale, ont miné la confiance que les demandeurs Samson ont envers la Cour et son processus de sélection et engendrent, en l'espèce, une crainte raisonnable de partialité institutionnelle de la part de la Cour fédérale du Canada relativement à la désignation du juge du procès.

 8. La procédure différente utilisée par la Couronne et acceptée par le juge en chef associé, ainsi que la procédure de récusation prévue dans l'ordonnance rendue par le juge MacKay le 10 octobre 1997, soulèvent en outre une crainte de partialité fondée sur le traitement inégal des parties au litige, savoir de la Couronne et des parties autochtones; elles portent atteinte aux droits constitutionnels garantis aux demandeurs Samson par les articles 7, 15 et 25 de la Charte des droits et libertés.

 9. Les circonstances particulières de l'instance, et notamment l'approbation par la Cour du refus par la Couronne d'accepter le juge responsable de la gestion du dossier, le juge MacKay, comme juge du procès, et le processus de sélection secret qui a été appliqué pour désigner M. le juge Teitelbaum en qualité de juge du procès, après le retrait du juge en chef associé en juillet 1997 du processus de sélection du juge du procès à la demande des demandeurs Samson, soulèvent une crainte raisonnable de partialité institutionnelle ou engendrent une partialité dans les circonstances particulières de l'instance.

10. Le processus de sélection secret utilisé pour désigner M. le juge Teitelbaum en qualité de juge du procès suscite en soi une crainte raisonnable de partialité.

11. Le jugement rendu par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Bande indienne de Sawridge c. Canada (sub. nom. Twinn) aggrave et renforce les motifs de crainte de partialité mentionnés plus haut. Dans cette décision, la Cour a conclu qu'il existait une crainte raisonnable de partialité de la part du juge du procès, l'un des juges les plus anciens de la Cour. L'instance dans laquelle la conclusion de partialité a été tirée touchait, notamment, tous les membres de la Bande Ermineskin qui sont les demandeurs dans l'instance T-1254-92, qui soulève les même questions que celle introduite par les Indiens Samson et qui a été réunie avec celle-ci.

12. En outre, la décision rendue récemment par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Canada (Ministre de la citoyenneté et de l'immigration) c. Tobias [sic] le 25 septembre 1997, et la perception du public exprimée dans l'éditorial du Globe and Mail du 2 octobre 1997, portant que bon nombre de juges de la Cour fédérale du Canada sont d'anciens députés fédéraux, ministres du Cabinet, fonctionnaires du gouvernement fédéral, ou ont eu des liens importants avec des partis politiques fédéraux, amplifient la perception d'une crainte raisonnable de partialité de la part du juge du procès désigné, plus particulièrement en regard des moyens énoncés ci-dessous.

13. Les demandeurs Samson ne connaissent pas la nature et le degré de proximité des liens que le juge du procès désigné a eus avec les personnes mentionnées précédemment aux paragraphes 2 et 3 décrivant les ordonnances et la réparation demandées, ainsi qu'au paragraphe 6 des moyens invoqués. Toutefois, la présente instance touche des questions qui remontent à une époque antérieure au Traité no 6 de 1876 et concernent de façon importante et significative les actes et omissions de la Couronne et du Gouvernement du Canada, y compris ses fonctionnaires et conseillers, le premier ministre et ses ministres au cours de cette période. Les questions soulevées dans l'instance touchent directement les années 1970 et les années 1980 et englobent toute la période au cours de laquelle l'honorable Brian Mulroney a dirigé le gouvernement.

14. L'instance engagée par les Indiens Samson touche notamment les obligations qui incombent à la Couronne, en vertu de la Constitution, de ses rapports fiduciaires et des traités, concernant la gestion des ressources naturelles détenues en fiducie par la Couronne, les redevances versées en fiducie à la Couronne, la Loi sur les Indiens au cours de la période mentionnée dans le paragraphe qui précède, la constitutionnalité des dispositions de la Loi sur les Indiens, ses règlements d'application, la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes et ses règlements d'application, la Loi sur la gestion des finances publiques, la nature et la portée des droits et avantages conférés par les traités, les droits des demandeurs Samson à des programmes et services, notamment en vertu du Traité no 6, et des demandes de dommages-intérêts pécuniaires importants. Les principales demandes relatives à des dommages-intérêts touchent la période comprise entre 1969 et ce jour.

15. Les contacts de M. le juge Teitelbaum avec des personnes qui ont agi au nom de la Couronne ont un rapport avec les questions en litige en l'espèce et, sous réserve de la divulgation complète des activités de M. le juge Teitelbaum pour le Parti conservateur du Canada, engendrent une crainte raisonnable de partialité concernant M. le juge Teitelbaum comme juge du procès.

16. De plus, dans les affaires Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui et al. (1996), 111 F.T.R. 161 et Bande indienne Wewayakum c. Canada et Bande indienne Wewayakai (1995), 99 F.T.R. 1, le juge du procès a énoncé son point de vue et fait des commentaires sur la Loi sur les Indiens, l'autonomie gouvernementale, les obligations de fiduciaire, la prescription des actions, la maturité des bandes indiennes, la dépendance implicite des Indiens qui s'accrochent aux jupes de leur mère, la Couronne étant considérée implicitement comme leur mère, et il a condamné la Bande indienne Wewayakai aux dépens procureur-client dans cette instance. Ces points de vue, commentaires, décisions et perspectives du juge du procès désigné engendrent, séparément et ensemble, une crainte raisonnable de partialité de la part du juge du procès désigné relativement à la possibilité que des questions cruciales dans l'instance soient tranchées d'avance.

17. Compte tenu de toutes ces circonstances, une personne sensée et raisonnable, qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet, qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, aurait une crainte raisonnable de partialité relativement à M. le juge Teitelbaum comme juge du procès dans l'instance.

18. De plus, compte tenu de toutes les circonstances, les demandeurs Samson, qui sont membres d'une communauté autochtone particulière ayant une dynamique raciale, dont des antécédents de discrimination contre les peuples autochtones, et sachant ce qui s'est passé jusqu'à ce jour concernant le juge du procès dans la présente instance, ont une crainte raisonnable de partialité encore plus grande.

19. Une crainte raisonnable de partialité est incompatible avec la justice fondamentale protégée par l'article 7 de la Charte des droits et libertés et la primauté du droit consacrée dans le préambule et l'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867, et commande la récusation de M. le juge Teitelbaum.

La Bande et la Nation des Indiens Samson et autres, à titre de demandeurs, ont déposé comme preuve à l'appui de la présente requête des affidavits signés par Phil Fontaine, chef national de l'Assemblée des Premières Nations, Elijah Harper, un Indien visé par un traité qui a été chef de la Première Nation de Red Sucker Lake et qui est toujours "chef honoraire de la Première Nation de Red Sucker Lake", Victor Buffalo, chef intérimaire de la Bande de la Nation des Indiens Samson, Florence Buffalo, chef de la Bande et de la Nation des Indiens Samson, Ovide Mercredi, ancien Grand chef national, et l'affidavit de C. Allan Donovan, avocat, qui était l'un des procureurs inscrits au dossier dans l'affaire Bande indienne Wewayakum (Campbell River) c. Canada et Bande indienne Wewayakai (Cape Mudge) et lors du procès Bande indienne Wewayakum c. Canada et Bande indienne Wewayakai (1995), 99 F.T.R. 1 (C.F. 1re inst.) (que j'ai moi-même présidé). Ce jugement est maintenant en appel devant la Cour d'appel fédérale.

Des motifs communs ont été prononcés dans ces deux affaires dans lesquelles j'ai rejeté l'action intentée par la Bande indienne Wewayakai (Cape Mudge) contre la Couronne, avec dépens sur la base procureur-client pour les motifs énoncés dans le jugement. La Cour d'appel décidera, après avoir entendu l'appel, si j'ai exercé correctement mon pouvoir discrétionnaire, pour les motifs que j'ai exposés dans le jugement. Me Donovan ne mentionne pas dans son affidavit que la demande reconventionnelle présentée par la Bande indienne Wewayakai contre la Bande indienne Wewayakum (Campbell River) a été rejetée sans dépens, et que la demande de la Bande indienne Wewayakum contre la Couronne a également été rejetée sans dépens.

Les avocats des demandeurs Chef John Ermineskin et autres dans l'affaire T-1254-92, ont déposé l'affidavit de William Roberts, un pêcheur et "chef héréditaire de la Bande indienne Wewayakum" (Bande de Campbell River) qui affirme avoir témoigné dans les affaires concernant la Bande indienne de Cape Mudge et la Bande indienne de Campbell River. Il déclare:

[traduction]

5. Au cours de mon témoignage, j'ai été interrogé abondamment et avec insistance par le juge du procès, M. le juge Teitelbaum. Le ton sur lequel il m'a interrogé a créé chez moi le sentiment très net que le juge du procès tentait de me piéger. Je me suis senti comme si moi, ou une personne de ma famille, étions accusés de fautes graves commises dans des affaires remontant à près de 50 ans.

6. Compte tenu de l'intensité de l'interrogatoire et des remarques formulées par le juge du procès, j'ai subi beaucoup de stress et d'anxiété, ce qui m'a rendu malade pendant plusieurs jours par la suite.

7. J'ai songé sérieusement à dénoncer le juge du procès au Conseil de la magistrature en raison de la façon dont il m'a traité et j'en ai parlé à l'époque avec mon avocat. J'estimais que l'attitude du juge était totalement inopportune et particulièrement intimidante pour une personne qui n'est pas familière avec les formalités juridiques ou la procédure judiciaire.

William Roberts n'a pas précisé quelles remarques lui auraient causé beaucoup de stress et d'anxiété.

J'ai étudié la transcription des questions qui ont été posées au témoin au cours du procès. Je suis convaincu de ne pas avoir tenté de "piéger" M. Roberts, mais d'avoir simplement tenté de comprendre son témoignage. À cette fin, j'ai cru nécessaire de poser beaucoup de questions au témoin. De plus, le simple fait d'être témoin dans un procès peut causer du stress et de l'anxiété. C'est tout à fait normal. Cela n'a rien à voir avec les remarques formulées ou non.

Les avocats ont également déposé l'affidavit de Gerry Ermineskin, chef élu de la Bande des Indiens Ermineskin.

À l'exception de C. Allan Donovan et de William Roberts, tous les auteurs des affidavits ont déposé des pièces jointes à leur affidavit. L'une de ces pièces, la pièce "U" jointe à l'affidavit de Victor Buffalo, est une liste de 266 décisions que j'ai rendues et qui, selon Victor Buffalo ou, devrais-je dire, "les avocats des Indiens Samson", ont donné gain de cause à la "Couronne" dans 74,1 p. 100 des cas et je suppose que cela suscite chez le chef intérimaire Victor Buffalo une crainte raisonnable de partialité de ma part. Je n'ai pas examiné en détail chaque élément de la liste car je suis convaincu que cette allégation est dénuée de sens. Je tranche chaque litige qui m'est soumis à partir de la preuve qui est produite devant moi et du droit applicable. Je ne calcule pas le pourcentage des causes tranchées en faveur ou en défaveur d'une partie avant de rendre ma décision.

Je n'ai pas l'intention de réfuter chacune des allégations formulées par les auteurs des affidavits. Les moyens énoncés dans l'avis de motion indiquent ce que les auteurs des affidavits y ont déclaré. Ceux-ci parlent du processus suivi par la Cour pour décider que M. le juge Campbell ne devait pas présider l'instruction, de la "méthode" utilisée pour me désigner comme juge du procès et de mes "paroles et actes" découlant des affaires Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui , [1996] 3 C.F. 373 (1re inst.) des affaires concernant la Bande indienne Wewayakum (précitées).

Je crois important de reproduire les paragraphes 44, 45 et 46 de l'affidavit de Victor Buffalo et d'y répondre dans la présente décision.

[traduction]

44. J'ai été informé par les avocats des Indiens Samson et je tiens pour véridique qu'on a demandé récemment à l'ancien premier ministre du Canada, l'honorable Brian Mulroney, s'il connaissait M. le juge Teitelbaum, et qu'il a répondu "Bien sûr que je connais Max". En raison de ces renseignements, je crois réellement que M. le juge Teitelbaum est une connaissance de l'ancien premier ministre du Canada, l'honorable Brian Mulroney. L'honorable Brian Mulroney était premier ministre et membre du Cabinet lorsque M. le juge Teitelbaum a été nommé à la Cour fédérale, en 1985. L'honorable Brian Mulroney était aussi premier ministre entre le 17 septembre 1984 et le 25 juin 1993, période au cours de laquelle beaucoup de demandes contre la Couronne ont pris naissance dans la présente action.

45. J'ai été informé par les avocats des Indiens Samson et je tiens pour véridique que M. le juge Teitelbaum a fréquenté la faculté de droit de l'Université McGill au même moment que l'honorable W. Warren Allmand, ancien ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, que G. Ian Watson, ancien président du Comité permanent des Affaires indiennes, que l'honorable Donald J. Johnson, ancien ministre du Cabinet, et que P. Michael Pitfield, ancien secrétaire du Conseil privé, et Yves Fortier, c.r., ancien ambassadeur aux Nations-Unies. La pièce "T" qu'on me présente et qui est jointe à mon affidavit constitue une copie conforme d'une liste des finissants de 1957 et 1958 de la faculté de droit de l'Université McGill.

46. J'ai été informé par les avocats des Indiens Samson et je tiens pour véridique qu'ils ont demandé des renseignements et qu'ils ont été avisés que monsieur le juge Teitelbaum a participé activement au financement du Parti conservateur du Canada avant d'être nommé à la Cour fédérale.

Ces allégations sont formulées uniquement par le chef intérimaire Victor Buffalo et, comme il l'a dit lui-même, il s'agit de renseignements obtenus des "avocats des Indiens Samson"; il s'agit, selon les renseignements qui m'ont été donnés, de Me  James O'Reilly qui, d'après ce qu'il m'a dit, est un ami de l'honorable Brian Mulroney, qu'il connaît depuis 1964.

Je commencerai par préciser que l'allégation portant sur la question de savoir si je connais l'honorable Brian Mulroney ou une autre des personnes dont le nom figure dans les paragraphes qui précèdent n'a absolument rien à voir avec la question de la crainte raisonnable de partialité. On m'a demandé de divulguer les liens que j'ai eus avec les personnes mentionnées dans les paragraphes 44 et 45 de l'affidavit et ma participation au financement du Parti conservateur du Canada avant ma nomination, car le chef intérimaire Victor Buffalo ou à tout le moins ses avocats, pourraient en déduire qu'il existe une crainte raisonnable de partialité. Je crois que les demandeurs tentent en fait de faire valoir que, puisque je connais Brian Mulroney, je dois me récuser, tout comme le juge Campbell a été affecté à d'autres causes parce qu'il connaît Roy Louis, Cathy Louis et Wilson Okimaw. On compare ainsi des situations qui ne sont pas comparables. Roy Louis, Cathy Louis et Wilson Okimaw sont membres de la Bande et de la Nation des Indiens Samson. Les personnes mentionnées aux paragraphes 44 et 45 de l'affidavit de Victor Buffalo n'ont aucun intérêt dans l'issue des deux instances. Roy et Cathy Louis ont certainement un intérêt direct dans l'issue de la cause. Roy Louis est un membre actif de la Bande et de la Nation des Indiens Samson et Cathy Louis est une bonne amie de M. le juge Campbell.

J'ai affirmé que j'étais une "connaissance" de l'honorable Brian Mulroney, car je n'ai pas eu de liens avec lui dans le cadre de ma vie sociale. L'honorable Warren Allmand, ancien ministre libéral des Affaires indiennes et du Nord canadien, et G. Ian Watson ont fréquenté l'école de droit de l'Université McGill au même moment que moi et ils étaient mes compagnons de classe. Je confirme avoir entendu parler de Donald J. Johnson et l'avoir peut-être salué à une ou deux reprises. Je n'ai jamais eu le plaisir de rencontrer P. Michael Pitfield. Je connais Yves Fortier, c.r.

Après avoir demandé aux avocats des demandeurs quelle était leur définition du terme "financement", j'ai déclaré n'avoir jamais participé au financement du Parti conservateur du Canada. J'ai ajouté qu'on devait considéré comme un honneur de servir son pays en occupant un poste politique et de connaître une personne qui a servi son pays en qualité de député fédéral. À mon avis, cela ne donne pas naissance à une crainte raisonnable de partialité.

Comme je l'ai déjà mentionné, les allégations qui figurent dans les paragraphes 44, 45 et 46 de l'affidavit de Victor Buffalo sont, non seulement non pertinentes, mais totalement dénuées de sens aux fins de la présente requête.

LES QUESTIONS EN LITIGE

Après avoir lu l'avis de requête et la preuve par affidavit, ainsi que les pièces qui y sont jointes, je suis convaincu que les questions suivantes sont celles qu'il faut trancher pour déterminer s'il peut ou non exister, en droit, une crainte raisonnable de partialité compte tenu des faits de l'espèce:

1) la façon dont a été prise la décision que M. le juge Campbell ne présiderait pas l'instruction;

2) la façon dont j'ai été désigné pour présider l'instruction;

3) la question de savoir si "mes paroles et mes actes" dans les instances touchant les bandes indiennes de Campbell River et de Cape Mudge, et dans la cause Canadien Pacifique Ltée c. Bande Indienne de Matsqui engendrent une crainte raisonnable de partialité;

4) la question de savoir si les liens, mentionnés par le Chef intérimaire Victor Buffalo, que j'ai eus avec certaines personnes précises et avec le Parti conservateur du Canada suffisent pour justifier une conclusion portant qu'il existe une crainte raisonnable de partialité;

5) la question de la procédure utilisée pour la récusation;

6) une sixième question, surgie lors de l'audition, lorsque les avocats de la Bande et de la Nation des Indiens Ermineskin et autres ont laissé entendre que le simple fait que j'entende et que je tranche une requête concernant ma propre récusation soulève une crainte raisonnable de partialité.

LE DROIT

Le critère d'appréciation d'une crainte raisonnable de partialité

Ce critère, tel qu'il est formulé aujourd'hui, tire son origine de la dissidence du juge de Grandpré dans l'affaire Committee for Justice and Liberty et autres c. Office national de l'énergie et autres, [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394 (ci-après appelée l'arrêt Committee for Justice):

. . . la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d'une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d'appel, ce critère consiste à se demander "à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique".

La question de savoir quel degré de connaissance cette personne raisonnable devrait posséder n'est pas tout à fait fixée. Dans l'arrêt Committee for Justice, le juge de Grandpré a parlé d'une personne "bien renseignée", à la page 394, comme d'une personne "raisonnable".

On cite souvent à ce sujet un extrait de l'opinion rendue par lord Denning dans l'affaire Metropolitan Properties Co. (F.G.C.), Ltd. v. Lannon, [1968] 3 All E.R. 304 (C.A.), à la page 310:

[traduction] . . . pour trancher la question de savoir s'il y avait une réelle probabilité de partialité, la Cour ne scrute pas l'esprit du juge ou du président du tribunal, ni de quiconque exerce une fonction judiciaire. La Cour ne se demande pas s'il existe une réelle probabilité que l'intéressé avantage ou a de fait avantagé une partie aux dépens de l'autre. La Cour s'intéresse à l'impression produite. Même si le juge était on ne peut plus impartial, dans la mesure où des personnes sensées estiment que, compte tenu des circonstances, il y a une réelle probabilité de partialité de sa part, il ne doit pas siéger. S'il siège, sa décision ne peut pas être maintenue [décisions citées omises]. Cela dit, il doit y avoir une réelle probabilité de partialité. Suppositions et conjectures ne suffisent pas [décisions citées omises]. Il faut que les circonstances soient telles qu'une personne raisonnable puisse penser qu'il est probable ou vraisemblable que le juge ou le président favorise ou a favorisé injustement l'une des parties aux dépens de l'autre. La Cour ne cherchera pas à savoir si le juge a effectivement favorisé injustement l'une des parties. Il suffit que des personnes raisonnables puissent le penser. La raison en est évidente. La justice suppose un climat de confiance qui ne peut subsister si des personnes sensées ont l'impression que "le juge a fait preuve de partialité." [Non souligné dans l'original.]

Bien que les situations dans lesquelles un juge devrait se récuser dépendent nécessairement du degré de généralité retenu, plusieurs situations semblent surgir régulièrement. Dans l'affaire Enquête énergie c. Commission de contrôle de l'énergie atomique, [1985] 1 C.F. 563 (C.A.), conf. par [1984] 2 C.F. 227 (1re inst.), le juge Marceau, J.C.A., a laissé entendre, à la page 580, que le juge devait habituellement se récuser pour les motifs suivants:

. . . la parenté, l'amitié, la partialité, des relations professionnelles ou commerciales particulières avec l'une des parties, l'animosité envers une personne ayant un intérêt dans l'affaire, une opinion arrêtée sur la question en litige, etc.

Plusieurs causes ont lancé un avertissement aux juges de ne pas accueillir à la légère une requête en récusation. Le juge en chef McEachern a formulé le commentaire suivant dans G.W.L. Properties Ltd. v. W.R. Grace & Co. of Canada Ltd. (1992), 74 B.C.L.R. (2d) 283 (C.A.), à la page 287:

[traduction] Une crainte raisonnable de partialité ne surgira habituellement pas à moins qu'il existe des motifs juridiques justifiant la récusation du juge. L'affaire n'est pas aussi simple, car il faut toujours veiller à ce qu'il n'y ait pas apparence d'injustice. Le tribunal n'est pas pour autant autorisé à plier devant chaque violente objection concernant le déroulement de l'instance. Nous entendons tant de violentes objections, de nos jours, que nous devons nous assurer de ne pas sacrifier de droits importants simplement pour calmer l'anxiété des personnes qui veulent tout régler à leur manière, peu importe le coût ou le prix à payer.

Dans la même veine, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a fait la déclaration suivante, dans l'arrêt Middelkamp v. Fraser Valley Real Estate Board (1993), 83 B.C.L.R. (2d) 257 (C.A.), à la page 261:

[traduction] Comme le juge en chef de notre Cour l'a dit je crois à plus d'une reprise, un procès n'est pas une réception mondaine. Mais quand on parle de partialité, on ne parle pas d'un juge qui ne ferait pas preuve d'une politesse ou d'une prévenance absolue. La partialité s'entend d'un parti pris en faveur d'une partie ou d'une autre. Il ne s'agit pas d'une opinion sur le litige qui s'appuierait sur la preuve, ni d'un penchant, d'une préférence, ou même d'un sentiment avoué de respect particulier envers un avocat ou un autre, ni d'un manque de respect manifeste envers un autre avocat, si le juge estime que celui-ci manque de professionnalisme.

. . .

Il ne faut pas confondre la partialité et un procès qui pourrait s'avérer insatisfaisant en bout de ligne. [Non souligné dans l'original.]

Ainsi, comme le juge Hoyt de la Cour d'appel l'a déclaré dans l'affaire Blanchard c. Canadian Paper Workers' Union, Local 263 et al. (1991), 113 R.N.-B. (2e) 344 (C.A.), la décision de récuser un juge est une mesure "qui ne peut être prise qu'avec modération et que dans les cas les plus évidents et exceptionnels" (à la page 351).

Lorsque l'application du critère d'appréciation de la partialité ne permet pas de conclure qu'il y a partialité, le tribunal a souligné, dans l'affaire Mattson v. ALC Airlift Canada Inc. (1993), 18 C.P.C. (3d) 310 (C.S.C.-B.), que le juge continuera à présider au procès jusqu'à la fin, malgré le mécontentement des avocats ou des parties concernant le déroulement du procès.

De même, dans l'affaire R. c. S. (R.D.), [1997] 3 R.C.S. 484, aux pages 530 à 532:

(iv)  Le critère à appliquer en matière de crainte raisonnable de partialité

Lorsqu'on allègue la partialité du décideur, le critère à appliquer consiste à se demander si la conduite particulière suscite une crainte raisonnable de partialité. Voir arrêt Idziak, précité, à la p. 660. On reconnaît depuis longtemps qu'il n'est pas nécessaire d'établir l'existence de la partialité dans les faits. Il est en effet habituellement impossible de déterminer si le décideur a abordé l'affaire avec des idées réellement préconçues. Voir arrêt Newfoundland Telephone, précité, à la p. 636.

C'est dans ce contexte que le lord juge en chef Hewart a énoncé la célèbre maxime: [traduction] "[I]l est essentiel que non seulement justice soit rendue, mais que justice paraisse manifestement et indubitablement être rendue". The King c. Sussex Justices, Ex Parte McCarthy , [1924] 1 K.B. 256, à la p. 259. Le ministère public a avancé que cette maxime constituait un motif distinct d'examen de la décision du juge Sparks, laissant entendre que les cours d'appel interviennent plus volontiers dans les cas où l'"impression de justice" est en jeu que dans les cas où il s'agit d'"apparence de partialité". Cet argument est mal fondé. L'affaire Sussex Justices concernait une allégation de partialité. L'exigence que justice paraisse être rendue signifie simplement que la personne qui allègue la partialité n'est pas tenue de prouver l'existence de cette partialité dans les faits. Le ministère public ne peut avoir gain de cause que si les motifs du juge Sparks suscitent une crainte raisonnable de partialité.

Dans ses motifs de dissidence dans l'arrêt Committee for Justice and Liberty c. Office national de l'énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, à la p. 394, le juge de Grandpré a exposé avec beaucoup de clarté la façon dont il convient d'appliquer le critère de la partialité:

[L]a crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d'une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet . . . [C]e critère consiste à se demander "à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique . . .".

C'est ce critère qui a été adopté et appliqué au cours des deux dernières décennies. Il comporte un double élément objectif: la personne examinant l'allégation de partialité doit être raisonnable, et la crainte de partialité doit elle-même être raisonnable eu égard aux circonstances de l'affaire. Voir les décisions Bertram, précitée, aux pp. 54 et 55; Gushman, précitée, au par. 31. La personne raisonnable doit de plus être une personne bien renseignée, au courant de l'ensemble des circonstances pertinentes, y compris [traduction] "des traditions historiques d'intégrité et d'impartialité, et consciente aussi du fait que l'impartialité est l'une des obligations que les juges ont fait le serment de respecter". R. c. Elrick , [1983] O.J. No. 515 (H.C.), au par. 14. Voir aussi Stark, précité, au par. 74; R. c. Lin, [1995] B.C.J. No. 982 (C.S.), au par. 34. À ceci j'ajouterais que la personne raisonnable est également censée connaître la réalité sociale sous-jacente à une affaire donnée, et être sensible par exemple à l'ampleur du racisme ou des préjugés fondés sur le sexe dans une collectivité donnée.

. . .

Peu importe les mots précis utilisés pour définir le critère, ses diverses formulations visent à souligner la rigueur dont il faut faire preuve pour conclure à la partialité, réelle ou apparente. C'est une conclusion qu'il faut examiner soigneusement car elle met en cause un aspect de l'intégrité judiciaire. De fait, l'allégation de crainte raisonnable de partialité met en cause non seulement l'intégrité personnelle du juge, mais celle de l'administration de la justice toute entière.

DISCUSSION

Comme je l'ai mentionné, je considère la présente requête comme une requête visant à ce que je me récuse et que je ne préside pas l'instruction des affaires susmentionnées qui doit débuter bientôt, à une date indéterminée. Comme on s'attendait que l'instruction s'échelonne sur une ou deux années, ou plus, à Calgary, il a été décidé qu'il convenait d'affecter un juge à l'instruction. En conséquence, le juge en chef adjoint, qui avait compétence à cet égard, a décidé que M. le juge Campbell serait désigné pour présider l'instruction.

1)  La désignation de M. le juge Campbell en qualité de juge du procès

Je ne crois pas nécessaire pour trancher la présente requête de relater en détail les étapes qui ont mené à la désignation de M. le juge Campbell en qualité de juge du procès, ni de préciser comment le juge en chef adjoint a décidé que M. le juge Campbell ne devait pas être désigné comme juge du procès.

Pour connaître les événements qui se sont produits selon les demandeurs, il suffit de lire les affidavits du chef Florence Buffalo et les prétentions écrites des demandeurs aux fins de la présente requête.

Après avoir décidé que M. le juge Campbell ne serait plus le juge désigné pour présider le procès, le juge en chef adjoint a informé les avocats des demandeurs de sa décision par téléphone. Selon leurs prétentions, le juge en chef adjoint aurait formulé, au cours de cette conversation, des commentaires portant qu'il aurait décidé que M. le juge Campbell ne devait pas siéger en qualité de juge du procès parce qu'il connaissait trois personnes qui sont, ou pourraient être, membres de la Bande des Indiens Samson, qui est demanderesse. À ce qu'on m'a dit, la réaffectation de M. le juge Campbell découle du fait que celui-ci a, de son propre chef, soulevé la question de ses liens avec trois membres de la Bande et de la Nation des Indiens Samson, qui ont tous un intérêt direct dans l'issue de l'instance. Les juges ne soulèvent habituellement pas ce type de question, à moins de craindre que la découverte de ces liens, après le début de l'audition, puisse soulever une crainte raisonnable de partialité. M. le juge Campbell a soulevé la question à au moins deux reprises. Je suis convaincu que cette attitude dénote clairement sa crainte que ses liens d'amitié avec ces personnes soulève une crainte raisonnable de partialité.

Les avocats des demandeurs soutiennent que le juge en chef adjoint aurait déclaré qu'il ne désignerait pas un juge autochtone de nomination récente pour entendre une cause touchant les Autochtones, car il estimait qu'un tel juge se sentirait peut-être mal à l'aise d'entendre ce type de cause.

En conséquence, la Bande des Indiens Samson a déposé une plainte de discrimination contre le juge en chef adjoint auprès du Conseil canadien de la magistrature et a demandé que le juge en chef adjoint ne désigne plus le juge du procès en attendant une décision sur la plainte déposée auprès du Conseil de la magistrature. Il faut souligner que ce sont les demandeurs qui ont demandé expressément que le juge en chef adjoint ne désigne plus le juge du procès.

Les demandeurs ont voulu interjeter appel de la décision du juge en chef adjoint à la Cour d'appel fédérale. Le juge en chef a donné une directive précisant que la décision du juge en chef adjoint que M. le juge Campbell ne serait plus le juge du procès ne constituait pas un "jugement" ni une "ordonnance" susceptible d'appel.

Les demandeurs ont porté toute la question à l'attention de la Cour suprême du Canada en présentant une requête afin d'obtenir une autorisation de pourvoi, un certiorari et renvoi, un sursis d'exécution ou une autre réparation, ainsi qu'afin de faire abréger les délais légaux. Dans cette requête en autorisation, les demandeurs ont énoncé de façon très détaillée toute la situation factuelle démontrant pourquoi la "décision" du juge en chef adjoint de "récuser" M. le juge Campbell en qualité de juge du procès était invalide et, je dirais, pourquoi ils soutiennent maintenant que le processus soulève une crainte raisonnable de partialité.

Le 26 juin 1997 [Bande indienne Samson c. Canada, [1997] S.C.C.A. no 291 (QL)], la Cour suprême du Canada a rendu la décision qui suit:

Les demandes sollicitant l'audition accélérée des demandes d'autorisation d'appel sont accordées.

Les demandes de renvoi, de sursis d'exécution, de certiorari et d'audition des demandes d'autorisation d'appel sont rejetées.

Les demandes d'autorisation d'appel sont rejetées.

Il est évident que la Cour suprême du Canada n'a pas retenu les prétentions des demandeurs. Il est particulièrement intéressant de noter que la Cour a refusé d'ordonner un renvoi ou un sursis d'exécution de la "décision" du juge en chef adjoint, portant que M. le juge Campbell ne devait plus être le juge du procès.

Comme je l'ai déjà dit, les demandeurs ont produit une preuve par affidavit soutenant que le processus utilisé par la Section de première instance de la Cour fédérale pour décider que M. le juge Campbell ne serait plus le juge du procès soulève une crainte raisonnable de partialité.

Je ne saurais adhérer à cette thèse. La Cour suprême du Canada n'a pas retenu elle non plus cette allégation. Le juge en chef adjoint a, et a toujours eu, compétence pour désigner le juge qui jouera le rôle de "juge du procès" dans une cause donnée. Je suis convaincu que le juge en chef adjoint peut décider qui entendra une cause donnée, jusqu'au moment où le juge est saisi de l'affaire.

De même, toute la question de la façon dont il a été décidé que M. le juge Campbell ne serait plus le juge du procès n'a aucune pertinence en ce qui a trait à la question de la crainte raisonnable de partialité de ma part.

2)  La désignation du juge Max M. Teitelbaum en qualité de juge du procès

Les demandeurs soutiennent que la façon dont j'ai été désigné juge du procès est irrégulière et qu'elle soulève donc une crainte raisonnable de partialité. En résumé, les demandeurs soutiennent que ma désignation comme juge du procès est invalide parce que la procédure suivie pour ma désignation est contraire aux dispositions de la Loi sur la Cour fédérale et que, la Cour fédérale étant une cour établie par une loi n'ayant aucune compétence inhérente, la "procédure" énoncée dans la Loi doit être suivie pour désigner un juge du procès. Ils prétendent donc, selon l'avis de requête, que ma "désignation" est nulle et, notamment, contraire à l'article 3 [mod. par L.C. 1993, ch. 34, art. 68] et aux paragraphes 6(3) et 15(2) de la Loi sur la Cour fédérale , L.R.C. (1995), ch. F-7, modifiée, ainsi qu'à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44] et au préambule et à l'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 [30 & 31] Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5]].

Les moyens à l'appui des prétentions qui précèdent figurent, je crois, aux paragraphes 1, 2, 3, 4 et 5 des moyens invoqués.

Je n'ai pas l'intention de débattre de la question de l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés ni de la Loi constitutionnelle de 1867. Ni la Charte ni la Loi constitutionnelle de 1867 ne s'appliquent.

Voici le texte de l'article 15 de la Loi sur la Cour fédérale:

15. (1) Sous réserve des règles, tout juge de la Section de première instance peut exercer ses fonctions en tout temps et partout au Canada pour les travaux de la Cour; il constitue alors la Cour.

(2) Sous réserve des règles, les dispositions à prendre pour les audiences ou, à quelque autre titre, les travaux de la Section de première instance, de même que pour l'affectation des juges en conséquence, sont du ressort du juge en chef adjoint.

(3) L'instruction de toute affaire devant la Section de première instance peut, sur l'ordre de la Cour, se dérouler en plus d'un lieu.

Il est fait plus particulièrement mention du paragraphe 15(2) qui prévoit que les dispositions à prendre pour les audiences sont du ressort du juge en chef adjoint. Cette disposition ne prévoit pas que le juge en chef adjoint doit prendre personnellement ces dispositions, ni qu'il lui est interdit de déléguer le pouvoir de prendre ces dispositions. En matière de procédure, une interprétation large ou libérale doit être attribuée au paragraphe 15(2) de la Loi sur la Cour fédérale.

L'avocat des demandeurs invoque ensuite le paragraphe 6(3) de la Loi sur la Cour fédérale. En voici le libellé:

6. . . .

(3) En cas d'absence du Canada ou d'empêchement du juge en chef ou du juge en chef adjoint ou de vacance de leur poste, l'intérim est assuré par le juge le plus ancien en poste en mesure d'exercer ces fonctions et y consentant.

On a recours à ces dispositions uniquement lorsque le poste de juge en chef est vacant (ce qui n'est pas le cas), lorsque le juge en chef adjoint est absent du Canada (ce qui n'est pas le cas), ou en cas "d'empêchement" (ce qui n'est pas le cas).

Rien ne laisse croire que le poste du juge en chef adjoint était vacant ou que le juge en chef adjoint était absent du Canada. Il s'agirait donc d'un cas d'empêchement du juge en chef adjoint.

Après le dépôt, par les demandeurs, d'une plainte auprès du Conseil canadien de la magistrature concernant les commentaires du juge en chef adjoint, les demandeurs ont demandé que le juge en chef adjoint ne prenne pas part au choix du juge du procès. Le juge en chef adjoint, pour des motifs qui lui appartiennent, a acquiescé à cette demande et décidé de demander l'avis d'un comité de trois juges parmi les plus anciens en poste. Le comité de trois juges parmi les plus anciens a recommandé que je sois choisi pour entendre les affaires en cause. Le juge en chef adjoint ayant convenu de ne pas participer au choix du juge, il a accepté la recommandation du comité de me désigner pour entendre les deux instances.

Je ne comprends pas la prétention des demandeurs portant que ma désignation était contraire à la Loi sur la Cour fédérale. Je suis convaincu que le processus utilisé ne peut avoir engendré aucune crainte raisonnable de partialité.

3)  Mes "paroles" et mes "actes" passés dans deux instances judiciaires engendrent une crainte raisonnable de partialité

Les deux causes qui, d'après les prétentions des demandeurs, engendrent une crainte raisonnable de partialité, sont l'affaire Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui, [1996] 3 C.F. 373 (1re inst.) et Bande indienne Wewayakum (Campbell River) c. Canada et Bande indienne Wewayakai (Cape Mudge) et l'affaire Bande indienne Wewayakum c. Canada et Bande indienne Wewayakai publiée dans (1995), 99 F.T.R. 1 (C.F. 1re inst.).

Ces deux affaires ont été portées à l'attention de la Cour d'appel fédérale.

Les moyens numéros 16 et 17 renvoient expressément à ces deux affaires et aux raisons pour lesquelles mes paroles engendreraient une crainte "raisonnable" de partialité chez une "personne raisonnable".

Il est bien sûr manifeste, ou à tout le moins il devait être manifeste pour une personne ayant reçu une formation en droit, que je ne puis donner de précisions sur la signification de ce que j'ai déclaré dans ces deux jugements. Ce que j'ai dit dans ces jugements y est écrit. Il reviendra à la Cour d'appel de retenir ou de rejeter mon interprétation des différents articles de la Loi sur les Indiens [L.R.C. (1985), ch. I-5] concernant la question de l'autonomie gouvernementale, des obligations de fiduciaire, de la prescription des actions et toute autre question soulevée par ces deux jugements.

Certes, les avocats des demandeurs savent que, si jamais j'ai fait erreur en prononçant ces deux jugements, la Cour d'appel le dira et que je serai tenu, en droit, chaque fois que la même question sera soulevée, de suivre le jugement de la Cour d'appel ou ce que la Cour suprême du Canada pourrait décider en la matière.

Je crois nécessaire de faire quelques remarques sur la question des dépens sur la base procureur-client qui ont été adjugés contre la Bande indienne Wewayakai. Les motifs pour lesquels je les ai adjugés sont également exposés dans le jugement soumis à la Cour d'appel et celle-ci décidera si ma décision est juste. Je le répète, il ne faut pas oublier que dans l'affaire Bande indienne Wewayakum c. Canada et Bande indienne Wewayakai, j'ai rejeté les demandes de la Bande indienne Wewayakum contre la Couronne et la Bande indienne Wewayakai sans dépens et la demande reconventionnelle faite par la Bande indienne Wewayakai contre la Bande indienne Wewayakum sans dépens. Il semble que ni Me C. Allan Donovan ni les demandeurs ne le mentionnent.

Je ferais aussi remarquer en ce qui a trait à la "dépendance implicite des Indiens qui s'accrochent aux jupes de leur mère, la Couronne étant considérée implicitement comme leur mère". Répétons-le, cette cause, Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui est maintenant à l'étude devant la Cour d'appel et il reviendra aux membres de cette Cour d'interpréter mes remarques. Je me contenterai de dire que ce sont les demandeurs eux-mêmes qui ont qualifié la Loi sur les Indiens de paternaliste.

Je ne vois pas comment les propos que j'ai tenus relativement à l'interprétation de la loi pourraient engendrer une crainte raisonnable de partialité. Si c'était le cas, je ne pourrais jamais siéger dans une cause touchant une question sur laquelle je me suis déjà prononcé. Cela s'appliquerait bien sûr à tous les autres juges du Canada qui ont rendu une décision sur une question particulière.

Une abondante jurisprudence établit qu'un juge ne fait pas preuve de partialité ni n'engendre de crainte raisonnable de partialité pour avoir simplement fait antérieurement des remarques concernant une question ou interprété la loi en regard d'une question particulière.

Dans l'affaire Ellis-Don Ltd. v. Ontario (Labour Relations Board) (1992), 98 D.L.R. (4th) 762 (Div. gén. Ont.), l'avocat de l'employeur exigeait que l'un des juges du tribunal se récuse parce qu'il avait autrefois présidé le Conseil des relations de travail qui avait tranché une cause touchant une question similaire à celle dont la Cour était saisie. L'avocat ne laissait pas entendre que le juge avait un intérêt dans l'instance. La requête a été rejetée parce que la récusation d'un juge n'était pas requise du seul fait d'une position qu'il avait adoptée antérieurement sur un sujet avant d'accéder à la magistrature. La Cour a ajouté que, même si le juge avait tranché cette question en qualité de juge, il n'aurait pas existé de crainte raisonnable de partialité.

Dans l'affaire Chemins de fer nationaux du Canada c. Commission canadienne des droits de la personne (1985), 64 N.R. 312 (C.A.F.), la Cour d'appel a refusé de récuser le juge MacGuigan du tribunal de trois juges simplement parce qu'il avait exprimé son opinion, relativement à une autre affaire, sur un point de droit qui était soulevé dans la cause.

Enfin, la déclaration faite par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Morgentaler c. La Reine, 2 octobre 1974, C.S.C., requête no 13504 (publiée dans (1984), 39 McGill L. J. 369, aux pages 405 et 406) semble avoir une application large:

[traduction] Tous les membres de notre Cour, anciens et actuels, ont, à des degrés divers, avant leur accession à la magistrature et leur nomination à notre Cour, exprimé des points de vue sur des questions qui ont des connotations juridiques, sans que cela ait constitué, à quelque moment que ce soit, un élément pertinent à leur récusation.

J'interprète la jurisprudence susmentionnée comme établissant que, si un juge a tranché dans une autre cause des questions semblables ou identiques à celles qu'il est appelé à trancher, il n'y a pas lieu à récusation pour cause de crainte raisonnable de partialité du fait qu'il s'est déjà prononcé sur ces questions.

4)  Mes liens passés

Je crois qu'il est intéressant de souligner qu'on me demande de divulguer les liens que j'ai eus avec différentes personnalités "politiques" (motif numéro 2) ainsi que les liens que j'ai eus, depuis 1956, avec des députés fédéraux ou des membres du Sénat, y compris leurs comités, avec des membres du gouvernement fédéral, des fonctionnaires du gouvernement fédéral, des membres du personnel et des conseillers du premier ministre ou d'un ministre du gouvernement fédéral et des personnes qui travaillent pour le Parti libéral fédéral ou le Parti conservateur fédéral, ou qui ont des liens avec ces partis.

Les demandeurs semblent avoir la conviction ou, à tout le moins, leurs avocats ont la conviction que le fait de connaître certaines personnes qui participent à l'administration du pays, que ce soit en qualité de premier ministre ou de ministre de la Couronne, ou de député fédéral ou de membre du Sénat, ou d'un de leurs comités, ou que le fait d'avoir été membre d'un parti politique fédéral légal ou d'avoir participé à son financement, engendre une crainte raisonnable de partialité.

Je ferai d'abord remarquer que cette prétention, telle qu'elle est formulée dans l'avis de requête, est choquante et n'a aucune pertinence en ce qui a trait à la question de la crainte raisonnable de partialité.

J'ai divulgué mes liens avec les personnes mentionnées dans le moyen numéro 2. J'ai déclaré n'avoir jamais participé au financement du Parti conservateur fédéral. J'ai en outre affirmé qu'il n'est pas illégal de participer au financement d'un parti et, qu'à ma connaissance, ce genre d'activité n'est pas un motif d'inhabilité à être nommé juge d'une cour supérieure au Canada. Il en va de même, selon moi, du fait d'être une connaissance ou un ami d'un premier ministre ou d'un ministre du Canada.

De plus, Martin L. Friedland a déclaré, à la page 259 d'un rapport préparé pour le Conseil canadien de la magistrature et intitulé Une place à part: L'indépendance et la responsabilité de la magistrature au Canada:

Il n'y a bien sûr rien de mal à nommer juge une personne qui a déjà fait de la politique. En réalité, la connaissance du processus politique peut représenter pour elle un avantage.

Cette prétention des demandeurs n'est pas fondée.

5)  La question de la procédure utilisée pour la récusation

Les demandeurs soutiennent que la procédure de récusation dans le cadre de laquelle on leur a demandé de présenter officiellement une requête en récusation qui serait entendue en audience publique, engendre une crainte raisonnable de partialité car cette procédure est différente de la "procédure" utilisée par la Couronne pour présenter une demande relativement à M. le juge Campbell.

Je dois dire que je ne vois pas comment la "procédure actuelle" engendre une crainte raisonnable de partialité. On a dit aux demandeurs qu'ils devaient présenter officiellement une requête à la Cour s'ils avaient des "inquiétudes" à mon sujet, parce qu'ils refusaient de divulguer quelles étaient ces inquiétudes. Les demandeurs ont présenté des observations pendant deux jours et demi. Les modalités de la décision portant que M. le juge Campbell ne serait plus le juge du procès n'ont absolument rien à voir avec la question d'une crainte raisonnable de partialité de ma part. De plus, comme je l'ai déjà dit, en ce qui a trait à M. le juge Campbell, c'est M. le juge Campbell lui-même qui a soulevé la question de ses liens avec trois personnes qui sont membres de la Bande et de la Nation demanderesses et une telle divulgation de la part d'un juge constitue habituellement une invitation implicite aux avocats à renoncer à soulever la question. En l'espèce, les avocats de la Couronne n'ont pas répondu à cette invitation et ont plutôt exprimé leur crainte en envoyant une lettre, datée du 6 mai 1997, dans laquelle ils ont exposé clairement leurs inquiétudes.

L'inquiétude des avocats des demandeurs à mon égard est très différente. En fait, avant de présenter une requête, les demandeurs n'avaient mentionné aucun motif pouvant justifier leur inquiétude. En conséquence, on a demandé aux demandeurs de présenter une requête à la Cour et de l'étayer à l'aide de documents.

6)  Crainte de partialité découlant du fait que je tranche la question de la crainte raisonnable de partialité

Le mieux que je puisse faire c'est, semble-t-il, de citer mon serment d'office:

SERMENT D'OFFICE

Je, Max Mortimer Teitelbaum, promets et jure solennellement et sincèrement d'exercer bien fidèlement, et au mieux de ma capacité et de mes connaissances, les pouvoirs et attributions qui me sont dévolus en ma qualité de Juge de la Cour fédérale du Canada.

Ainsi Dieu me soit en Aide.

J'ai prononcé le serment qui précède à Montréal, dans la province de Québec, le 28 novembre 1985, soit un peu plus de 12 ans avant la date de la présente audition. Au cours des 12 dernières années, j'ai exercé fidèlement mes fonctions et mes attributions. J'ai l'intention de continuer à le faire.

Je ne puis conclure, après avoir entendu la présente requête en récusation, qu'une personne raisonnable et bien renseignée éprouverait une crainte raisonnable de partialité de ma part si je présidais l'instruction de ces deux causes.

Dans l'affaire Middelkamp v. Fraser Valley Real Estate Board, [1993] B.C.J. no 2965 (QL), le juge Boyd, de la Cour suprême, a déclaré [aux paragraphes 24 et 25].

[traduction] Enfin, M. Rankin a soutenu que, même en l'absence de motifs de récusation, je devais néanmoins me récuser parce qu'il me serait maintenant impossible d'entendre la cause des demandeurs de façon juste et impartiale en qualité de juge du procès. M. Rankin pose la question suivante: ". . . un observateur raisonnable pourrait-il s'attendre que Madame le juge demeure impartiale et indépendante, alors que la personne qui a révélé ces renseignements est une partie au litige dont elle est saisie?" C'est ce que M. Cadman a qualifié d'argument qui débouche sur une impasse.

Je ne puis retenir cet argument car, en le faisant, j'estime que j'établirais un très dangereux précédent. En effet, j'inviterais de la sorte les parties mécontentes ou insatisfaites ou leurs avocats à formuler les allégations qui leur plairaient à l'appui d'une requête en récusation du juge. Si ces allégations ne justifiaient pas une conclusion de partialité ou de crainte raisonnable de partialité, la partie en litige aurait tout de même la satisfaction de savoir que la simple formulation de ces allégations, de par leur nature, vicierait la procédure et contraindrait le juge à se récuser. C'est exactement le danger que le juge en chef McEachern de la Colombie-Britannique a su reconnaître dans l'arrêt G.W.L. Properties Limited v. W.R. Grace & Company of Canada Ltd. (1992), 74 B.C.L.R. (2d) 283 (C.A. C.-B.).

Je partage l'opinion du juge Boyd. J'interprète également sa décision comme établissant que le juge contre lequel une demande de récusation est présentée doit entendre la requête en récusation. L'avocat de la Bande des Indiens Ermineskin a émis l'hypothèse que je n'aurais pas dû entendre la présente requête. Il n'a invoqué aucune source jurisprudentielle qui laisserait croire qu'un juge autre que celui visé par les allégations visant sa récusation devrait entendre la requête.

J'ai lu toute la preuve par affidavit qui a été déposée. Je n'ai pas commenté chaque pièce déposée parce que cela me semblait inutile. Je n'ai pas non plus traité de la question soulevée par les demandeurs et portant que M. le juge MacKay ne s'était pas conformé au paragraphe 491(11) [édicté par DORS/90-846, art. 20] des Règles de la Cour fédérale [C.R.C., ch. 663] et que j'étais tenu de me récuser pour cette raison.

Règle 491. . .

(11) Les questions à discuter dans le cadre d'une conférence préparatoire à l'instruction autres que celles qui ont fait l'objet d'une entente ou d'une directive doivent demeurer confidentielles et sans préjudice des droits des parties.

Si je comprends bien, les demandeurs soutiennent que M. le juge MacKay m'a informé de questions confidentielles discutées dans le cadre d'une conférence préparatoire. Je me contenterai de dire que c'est inexact, comme le démontre une note adressée le 16 octobre 1997 aux avocats des demandeurs et dans laquelle il déclare [traduction] "Je conclus en soulignant que j'estime avoir communiqué au juge Teitelbaum uniquement les renseignements que je jugeais nécessaires pour qu'il planifie la façon dont il s'acquittera de ses responsabilités en qualité de juge du procès".

La requête visant ma récusation est rejetée. Je présiderai, en qualité de juge du procès, à l'instruction des affaires T-2022-89 et T-1254-92 qui seront entendues en même temps.

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