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T-1497-95

General Accident Indemnity Company (demanderesse)

c.

Les propriétaires et toutes les autres personnes ayant un droit sur le navire Panache IV et le navirePanache IV, Helmut Peter Hahn et Diana Mary Hahn (défendeurs)

Répertorié: General Accident Indemnity Co.c. Panache IV (Le)(1re  inst.)

Section de première instance, protonotaire Hargrave" Vancouver, 31 juillet et 31 octobre 1997.

Droit maritime Sauvetage L'assureur réclame une prime de sauvetage imputable au produit de la vente du navire sauvéLorsque le navire a coulé, la demanderesse a refusé la demande règlement parce qu'elle soupçonnait le propriétaire d'avoir sabordé le navire(1) L'art. 452 de la Loi sur la marine marchande du Canada qui prévoit que le propriétaire d'un navire naufragé doit payer une indemnité ne s'applique pas car il n'accorde pas au sauveteur de droit sur le navire sauvé quant à une prime de sauvetageMême s'il a droit à une prime en vertu de l'art. 12 de la Convention internationale de 1989 sur l'assistance, l'assureur a aussi droit à une prime de sauvetage en vertu de la common lawTrois éléments nécessaires à un sauvetage: (i) le danger pour le navire sauvé; (ii) la prestation volontaire de services; (iii) la réussite ou la contribution à la réussiteLa localisation et la récupération du navire sombré par grand fond où il continuait à s'endommager satisfont aux conditions (i) et (iii)L'assureur, qui avait refusé la couverture, a agi bénévolement vu qu'il n'avait aucune obligation ni aucun intérêt personnel prépondérant qui empêchent toute demande de prime de sauvetage(2) En général, l'assureur est une partie ayant un droit sur le navire et ne peut pas réclamer de prime de sauvetageAprès qu'un navire a été abandonné en mer, l'assureur peut réclamer une prime de sauvetage s'il loue un navire de sauvetage et en devient ainsi temporairement propriétaireEn l'espèce, l'assureur a loué un navire, du matériel et du personnel pour procéder à la récupération du navireEntente verbale par laquelle les propriétaires des navires, du matériel et du personnel ont convenu de ne pas réclamer de prime de sauvetageLa doctrine ne rejette pas le locus standi d'un affréteur qui n'est pas à coque nue de demander une prime de sauvetageLes principes d'ordre public visant à encourager les services de sauvetage constituent une justification importante et reconnue du sauvetageC'est un important principe d'ordre public que d'encourager le dépistage des fraudes à l'assuranceUne prime de sauvetage constitue en l'espèce une juste expression des valeurs de la collectivité ou du principe d'ordre publicL'intérêt personnel n'interdit pas de réclamer une prime de sauvetage étant donné que (i) le résultat du sauvetage prévu était conjectural; (ii) pour annuler une prime de sauvetage, il doit s'agir de services rendus sans intention de réclamer une prime de sauvetageL'assureur avait l'intention d'appliquer la valeur des biens sauvés aux coûts du sauvetageDistinction faite d'avec la jurisprudence relative à l'acte méritoire(3) Le montant de la prime de sauvetage est discrétionnaireExamen des facteurs exposés dans Humphreys et al. v. M/V Florence No. 2 quant à l'évaluation du montant de la prime sauvetageIndication qu'il y a lieu d'accorder une prime généreuse12 000 $ accordés sur une valeur des biens sauvés de 30 100 $.

L'assureur réclamait une prime de sauvetage imputable au produit de la vente du Panache IV. Le Panache IV avait été hypothéqué pour quelque 224 000 $ sur lesquels des intérêts importants avaient couru, ce qui représentait une dette d'environ 240 000 $ envers la Banque Canadienne Impériale de Commerce (CIBC). Le Panache IV était assuré auprès de General Accident pour 275 000 $. Lorsque le Panache IV a coulé, l'assureur du navire, la demanderesse en l'instance, a eu des soupçons que le navire avait été sabordé et a refusé la demande de règlement. Il a utilisé les services de Coast Underwriters comme agent pour localiser et récupérer le navire. Coast Underwriters a affrété des navires et engagé différents sous-traitants à des conditions prévoyant le paiement des services, quelle que soit l'issue de l'entreprise, et que toutes les réclamations de prime de sauvetage seraient faites par Coast Underwriters, ou ses commettants, et non par un sous-traitant ou propriétaire de navire. Le coût de la localisation du navire s'est élevé à quelque 61 500 $. Après trois tentatives dont le coût total s'est chiffré à 307 854,44 $, chacune employant une méthode différente, le navire a été renfloué et il a été confirmé qu'il avait été sabordé. La GRC a saisi le navire afin de l'examiner et de recueillir des preuves. Le Panache IV n'a été rendu à l'assureur qu'après trois semaines. Le Panache IV a subi d'importantes détériorations pendant qu'il reposait par grand fond et il s'est vraisemblablement détérioré davantage lorsqu'il était sous la garde de la GRC. La Cour a ordonné la vente du navire. Le prix de vente a été de 30 100 $. Des frais de vente de 2 893,12 $ ont été acquittés sur le produit. La demanderesse a aussi dépensé 916,43 $ pour nettoyer le navire et 1 724,38 $ pour soulever le navire et l'entreposer à quai. Le propriétaire du navire a été ultérieurement reconnu coupable de tentative de fraude à l'assurance. Le renflouage du Panache IV a permis de recueillir des preuves d'une importance critique, non seulement pour la Couronne, qui a décidé d'intenter des poursuites, mais aussi en vue de la déclaration de culpabilité. CIBC s'oppose à la demande de prime de sauvetage, car elle souhaite que le produit de la vente serve à régler l'hypothèque importante qu'elle détient.

Les questions en litige étaient de savoir: (1) si les services étaient assimilables à un sauvetage; (2) si un assureur a droit à une prime de sauvetage; (3) le montant de la prime.

Jugement: l'action doit être accueillie.

(1) L'article 452 de la Loi sur la marine marchande du Canada, selon lequel, si un navire est naufragé ou abandonné et qu'une assistance est prêtée pour sauver l'épave, le propriétaire doit payer une indemnité au sauveteur, ne s'applique pas de manière à accorder une prime de sauvetage dans tous les cas. Cet article traite de la compétence in personam, puisqu'il exige du propriétaire qu'il paie une prime de sauvetage. Il n'accorde pas au sauveteur de droit in rem sur le navire sauvé ou sur le produit de sa vente. En l'espèce, la revendication porte sur le produit de la vente.

L'article 12 de la Convention internationale de 1989 sur l'assistance, qui prévoit que les opérations d'assistance qui ont abouti donnent droit à une récompense, peut fort bien rendre obligatoire l'octroi d'une prime à l'assureur qui n'est plus lié par la police d'assurance et n'assume donc plus le risque. L'assureur a également droit, en l'espèce, à une prime de sauvetage sous l'empire de la common law.

En common law, les primes de sauvetage, qui sont régies par des considérations d'ordre public, notamment le fait qu'il est souhaitable d'encourager les sauveteurs à prendre des risques pour sauver des biens, ne sont jamais automatiques mais dépendent de la présence de trois éléments: (1) le danger pour le navire sauvé; (2) la prestation volontaire de services; (3) la réussite ou la contribution à la réussite. Ces éléments existaient en l'espèce. La localisation et la récupération, avec succès, de l'épave du Panache IV, qui reposait par 145 brasses de fond, compte tenu que le navire avait souffert des avaries et aurait continué à s'endommager, répondent clairement au premier et au troisième élément. Si les services sont rendus en vertu d'un contrat ou d'une obligation officielle due à un propriétaire, ou seulement pour une question d'autopréservation, les services ne constituent pas un sauvetage. L'assureur, qui avait refusé la couverture, a agi bénévolement, vu qu'il n'avait aucune obligation ni aucun intérêt personnel prépondérant qui empêchent toute demande de prime de sauvetage.

(2) En général, l'assureur est une partie ayant un droit sur un navire et ne peut donc pas réclamer de prime de sauvetage. La proposition suivant laquelle, après l'abandon du navire en mer, un assureur qui parvient à sauver le navire a droit de réclamer une prime de sauvetage est limitée aux cas où les assureurs louent un navire de sauvetage et en deviennent ainsi temporairement propriétaires. L'assureur a loué des navires, du matériel et du personnel pour procéder à la récupération du Panache IV, et il tombe donc dans la catégorie de sauveteur, mais la CIBC fait remarquer que l'affrètement des navires et la location de matériel ne constituaient pas un affrètement aux termes duquel Coast Underwriters serait responsable, au même titre qu'un propriétaire, de la perte ou du dommage subis par le navire ou par le matériel. Dans ces circonstances, c'est le propriétaire, non l'affréteur, qui a droit à la prime de sauvetage. Il y a deux réponses à cela. Premièrement, dans les ententes verbales pour la location de matériel et de navires, les propriétaires du matériel et des navires ont convenu de ne pas réclamer de prime de sauvetage. Deuxièmement, la doctrine ne rejette ni le locus standi d'un affréteur qui ne serait pas à coque nue, ni son droit de recevoir une prime de sauvetage, et il se peut que l'ordre public favorise les droits de l'affréteur qui n'est pas à coque nue.

Les principes d'ordre public visant à encourager les services de sauvetage constituent une justification importante et reconnue du sauvetage. Les tribunaux encouragent ces principes en accordant aux sauveteurs, chaque fois qu'il est raisonnable de le faire, des primes plus élevées qu'une simple récompense correspondant au quantum meruit. C'est un important principe d'ordre public que d'encourager le dépistage des fraudes à l'assurance. Une façon de prodiguer des encouragements, lorsqu'un assureur monte une opération de sauvetage, surtout s'il s'agit d'un navire abandonné, est de considérer l'assureur comme un sauveteur, sauf si, évidemment, il est tenu de sauver le navire. En l'espèce, une prime de sauvetage constitue une juste expression des valeurs de la collectivité ou du principe d'ordre public visant à encourager le sauvetage.

À l'argument de la CIBC selon lequel l'intérêt personnel de l'assureur interdit à ce dernier de réclamer une prime de sauvetage, deux réponses ont été apportées. Tout d'abord, bien qu'il ait été dans l'intérêt de l'assureur de s'assurer de la cause du sinistre, le résultat du renflouage prévu était conjectural. Le sauvetage de navires est aussi motivé, dans une large mesure, par l'intérêt économique personnel. Pour annuler une prime de sauvetage, l'intention doit aller au-delà d'une opération motivée par l'intérêt personnel et consister dans des services rendus sans avoir l'intention de réclamer une prime de sauvetage. La CIBC allègue que l'assureur ne devrait pas obtenir de prime de sauvetage parce qu'il aurait entrepris le renflouage du navire, même sans la perspective d'une prime éventuelle. L'assureur, après avoir rejeté la demande de règlement et, par conséquent, refusé la garantie, n'était pas tenu de renflouer le Panache IV. En outre, il avait clairement l'intention de se servir de la valeur des biens sauvés pour couvrir le coût du renflouage du Panache IV. Une prime de sauvetage est appropriée.

La présente affaire se distingue des affaires d'acte méritoire (lorsque des services méritoires et couronnés de succès ont été rendus, qui ne constituent pas strictement du sauvetage, une rémunération généreuse est peut-être de mise) parce que le propriétaire n'a pas demandé que le navire soit renfloué. Les causes d'actes méritoires viennent cependant renforcer la notion que l'utilisation de matériel de louage n'exclut pas l'attribution d'une sorte de prime et qu'un tribunal compétent en droit maritime applique toujours des principes d'equity pour veiller à récompenser les services méritoires. Ces deux notions sont pertinentes en l'espèce.

(3) Le montant de la prime de sauvetage est discrétionnaire. Cette affirmation est mitigée par la maxime selon laquelle en droit, le pouvoir discrétionnaire doit être exercé judicieusement et les primes doivent être équitables et raisonnables. Sans les efforts de l'assureur, il n'y aurait pas du tout d'argent. Il n'est qu'équitable que l'assureur, qui a dépensé plus dans l'opération de sauvetage que la valeur de l'assurance qu'il a refusée et ainsi épargnée, soit indemnisé dans une certaine mesure.

Les facteurs à prendre en considération dans l'évaluation du montant sont exposés dans Humphreys et al. v. M/V Florence No. 2. Il s'agit: (i) de la gravité du danger pour les biens sauvés; (ii) de la valeur de ceux-ci; (iii) de l'effet des services rendus et de la question de savoir si d'autres services étaient disponibles; (iv) des risques courus par les sauveteurs; (v) de la durée et de l'importance de leurs efforts; (vi) de l'initiative et de l'habileté démontrées; (vii) de la valeur et de l'efficacité du navire utilisé; (viii) des risques auxquels ils se sont exposés. Le danger auquel le Panache IV était exposé n'était pas important à court terme mais, à long terme, ou en l'absence d'un sauveteur au portefeuille bien garni, la récupération risquait d'être impossible. La valeur du Panache IV, une fois sauvé, était très faible et cela limite en soi la prime de sauvetage. Le renflouage réussi a été méritoire et constitue à vrai dire, quand on prend en compte les déconvenues, un exemple de détermination menant à un bon résultat. Il y avait certainement d'autres sauveteurs dans la région de Vancouver et de Victoria, mais aucun d'entre eux n'était prêt à entreprendre une aventure à l'issue aussi incertaine. Cet état de choses donne lieu à une prime majorée. Les sauveteurs mêmes étaient parfois dans une situation difficile et dangereuse. Le renflouage ne s'est pas fait rapidement, mais il ne semble pas que les sauveteurs aient perdu de temps: ils étaient plutôt tenaces et entreprenants, et ont fait montre de l'habileté requise. Ils ont dépensé un montant d'argent important pour renflouer l'épave du Panache IV. Le dernier facteur à prendre en considération est que l'assureur a sauvé une épave. Les tribunaux n'accordent plus automatiquement la moitié dans le cas d'une épave, mais prennent en considération tous les facteurs habituels. Tous ces facteurs indiquent que la prime doit être généreuse. Une prime de 12 000 $ en faveur des sauveteurs, sur une valeur des biens sauvés de 30 100 $, est généreuse et appropriée, si on garde à l'esprit qu'il faut aussi protéger les droits de la CIBC en tant que créancière hypothécaire. Les sauveteurs ne devraient pas supporter les frais d'entreposage sur la terre ferme et de nettoyage. L'assureur reçoit donc 2 640,81 $ de plus, imputables au produit de la vente, pour couvrir les frais nécessaires et raisonnables engagés après le renflouage. Le solde du produit de la vente et les intérêts courus vont à la CIBC.

lois et règlements

Convention internationale de 1989 sur l'assistance, Londres, 28 avril 1989, L.C. 1993, ch. 36, ann. V, art. 1 "opération d'assistance", 12.

Loi sur la marine marchande du Canada, L.R.C. (1985), ch. S-9, art. 449.1 (édicté par L.C. 1993, ch. 36, art. 1), 452.

jurisprudence

décisions appliquées:

Fisher v. The ShipOceanic Grandeur— (1972), 127 C.L.R. 315 (Aust. H.C.); Neptune, In re The (1824), 1 Hagg. 227; 166 E.R. 81; Pickwick (The) (1852), 16 Jur. 669 (Adm.); True Blue, The (1866), L.R. 1 P.C. 250; Cuba, In re The, [1860] Lush. 14; (1860), 167 E.R. 8; Humphreys et al. v. M/V Florence No. 2, [1948] R.C.É. 426; Cythera, The, [1965] 2 Lloyd's Rep. 454 (N.S.W.S.C.); Cape Packet, In re The (1848), 3 W. Rob. 122; 166 E.R. 909; Atlas, In re The, [1862] Lush. 518; (1862), 167 E.R. 235 (P.C.); Fusilier, In re The, [1865] Br. & L. 341; (1865), 167 E.R. 391 (P.C.).

distinction faite avec:

Ruabon Steamship Company v. London Assurance, [1900] A.C. 6 (H.L.).

décisions examinées:

Crouan v. Stanier, [1904] 1 K.B. 87; Purissima Concepcion, In re The (1849), 3 W. Rob. 181; 166 E.R. 930; Liffey, The (1887), 6 Asp. M.L.C. 255; Lomonosoff, The, [1921] P. 97; Favorite, In re The (1844), 2 W. Rob. 255; 166 E.R. 751; Acanthus, The, [1902] P. 17; Jacobsen et al. v. The ShipArcher— (1894), 3 B.C.R. 374 (Ex. Ct.); Simon v. Taylor , [1975] 2 Lloyd's Rep. 338 (Singapore H.C.); Glengyle, The, [1898] P. 97 (C.A.); Cape Packet, In re The (1848), 3 W. Rob. 122; 166 E.R. 909; Atlas, In re The, [1862] Lush. 518; (1862), 167 E.R. 235 (P.C.); R. v. Hahn, greffe de Victoria 82319-T, juge Skipp, jugement en date du 4-10-96, C.S.C.-B., encore inédit; Paust, The, [1951] 2 Lloyd's Rep. 171; Saltburn, The (1894), 7 Asp. M.L.C. 474.

décisions citées:

Thetis, in re H.M.S. (1833), 3 Hagg. 14; 166 E.R. 312; Cargo, The, ex Honor (1866), L.R. 1 A. & E. 87; Kate B. Jones, The, [1892] P. 366; Happy Return, In re The (1828), 2 Hagg. 198; 166 E.R. 217; Bartley, In re The, [1857] Swab. 1093; (1857), 166 E.R. 1093; Henry, In re The, [1810] Edw. 192; (1810), 165 E.R. 1079; Watt, In re The (1843), 2 W. Rob. 70; 166 E.R. 681; Glengyle (Owners of) v. Neptune Salvage Company, [1898] A.C. 519 (H.L.); Scheldestad, The (1933), 45 Ll.L. Rep. 269 (Adm.); Pacific, The (1931), 41 Ll.L. Rep. (Adm.); Topa Topa, The (1935), 50 Ll.L. Rep. 211 (Adm.); Evaine, The, [1966] 2 Lloyd's Rep. 413 (C.A.); Markin c. Le navire Sea Gay, T-2692-71, jugement en date du 2-3-72, C.F. 1re inst., non publié.

doctrine

Kennedy, W. R. Civil Salvage, 4th ed. by K. C. McGuffie. London: Stevens & Sons, 1958.

Kennedy, W. R. Law of Salvage, 5th ed. by D. W. Steel and F. D. Rose. London: Stevens & Sons, 1985.

Newson, Harry. The Law of Salvage, Towage, and Pilotage. London: W. Clowes and Sons, 1886.

Sutton, C. T. The Assessing of Salvage Awards: An Enquiry into English Admiralty Practice. London: Stevens & Sons, 1949.

ACTION intentée par l'assureur pour obtenir une prime de sauvetage imputable au produit de la vente du navire sauvé. Action accueillie.

avocats:

Shelley A. Chapelski et S. Harry Lipetz pour la demanderesse.

Brad M. Caldwell pour la Banque Canadienne Impériale de Commerce.

Murray B. Blok pour les défendeurs.

procureurs:

Connell Lightbody, Vancouver, pour la demanderesse.

Brad M. Caldwell, Vancouver, pour la Banque Canadienne Impériale de Commerce.

Russell & DuMoulin, Vancouver, pour les défendeurs.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par

Le protonotaire Hargrave: En fin de soirée, le 23 février 1995, le Panache IV, un voilier auxiliaire de quarante-quatre pieds (longueur enregistrée), a sombré par grand fond dans le détroit de Haro, environ à un mille à l'ouest de Turn Point alors qu'il faisait route à partir de Crescent Beach, sur la terre ferme, vers Seattle, en passant par Victoria, sur l'île de Vancouver.

La demanderesse, General Accident Indemnity Company, assureur du Panache IV (ci-après "General Accident" et "l'assureur"), qui a rapidement refusé la demande de règlement, a organisé avec détermination une opération de renflouage, à vrai dire tout à fait remarquable, grâce à laquelle elle a pu faire remettre le navire à flot. À ce stade, les soupçons de l'assureur ont pu être confirmés: le Panache IV avait clairement été sabordé. Le navire a ensuite été vendu par ordonnance judiciaire mais n'a permis de réaliser qu'une faible partie de sa valeur avant sabordage.

L'assureur réclame maintenant une prime de sauvetage imputable au produit de la vente. La Banque Canadienne Impériale de Commerce (CIBC), créancière hypothécaire du Panache IV, s'oppose à la demande de prime de sauvetage, car elle souhaite que le produit de la vente serve à régler l'hypothèque importante qu'elle détient. Les propriétaires ont renoncé à leur droit sur le Panache IV au profit de l'assureur.

La présente action soulève un certain nombre de points intéressants, notamment la question de savoir si les services étaient assimilables à un sauvetage, les droits de l'assureur, qui se trouve dans la position de General Accident, à une prime de sauvetage et, le cas échéant, le montant de la prime, vu l'ensemble des circonstances, notamment le fait que le Panache IV était une épave. Je passe maintenant à certains faits importants du contexte.

LES FAITS

Le Panache IV avait été construit en 1986 et acheté en 1989 par les défendeurs Helmut et Diana Hahn au prix de 165 000 $US. Conformément à un règlement entre M. et Mme Hahn, le navire avait été inscrit en 1993 auprès de courtiers de San Diego (Californie) au prix de 225 000 $US, mais il n'avait pas pu être vendu.

Les propriétaires ont décidé d'inscrire le navire auprès de courtiers de Seattle, dans l'État de Washington. M. Hahn a entrepris de remettre le navire aux courtiers en février 1995. Le Panache IV a ensuite été hypothéqué pour quelque 224 000 $CAN sur lesquels des intérêts importants avaient couru, ce qui représentait une dette d'environ 240 000 $ envers la CIBC. Le Panache IV était assuré auprès de General Accident pour 275 000 $CAN.

Le Panache IV, avec M. Hahn comme seul occupant à bord, a quitté Crescent Beach dans la Boundary Bay vers 17 h 30, le 23 février 1995, à destination d'un mouillage pour la nuit à Oak Bay, près de Victoria. Le Panache IV faisait route à environ 7,5 nœuds, moteur en marche.

Peu après avoir doublé Turn Point et s'être engagé dans le détroit de Haro, soit à près des deux tiers de la distance de Oak Bay, le moteur du navire s'est arrêté, selon la déclaration écrite de M. Hahn aux assureurs. Lorsqu'il a cherché à descendre à l'intérieur du navire, M. Hahn a trouvé deux pieds et demi d'eau dans la cabine principale. En temps voulu, il a envoyé un signal de détresse, donné sa position à la Garde côtière américaine de Seattle et abandonné le Panache IV par temps calme, grâce à un radeau pneumatique d'où il a été récupéré par hélicoptère avant d'être déposé à l'aéroport de Victoria.

General Accident employait Coast Underwriters Ltd., de Vancouver, à titre d'agent. Peu après avoir reçu avis du naufrage du Panache IV, Paul Mendham, directeur adjoint des sinistres chez Coast Underwriters, a commencé à entretenir des soupçons à propos de ce naufrage. Il a appris, entre autres choses, que M. Hahn avait retiré les appareils électroniques et autres objets de valeur du Panache IV avant le départ: c'était là, d'après lui, un geste incohérent, sachant que le navire avait été mis en vente. L'heure de départ et l'itinéraire qui devait amener le navire à traverser le golfe de Géorgie et le détroit de Haro la nuit, ne correspondaient pas à la marée, au trafic et à la destination finale. Lorsque M. Mendham a comparé les déclarations faites à la Gendarmerie royale et à un expert, il a remarqué des divergences importantes. M. Mendham estimait aussi qu'il y avait un risque moral, vu qu'à son avis, le navire valait, au moment du sinistre, près de 200 000 $ mais était assuré pour 275 000 $. L'assureur a refusé la demande de règlement.

Coast Underwriters, au nom de l'assureur, a décidé de chercher à localiser le Panache IV et à le récupérer afin de justifier encore davantage son refus d'accepter la demande de règlement. Coast Underwriters estimait que le Panache IV aurait une valeur qui l'aiderait à couvrir le coût de la récupération. Pour renflouer le Panache IV, Coast Underwriters a affrété des navires et engagé différents sous-traitants. J'accepte la déposition de M. Mendham selon laquelle l'affrètement des navires et l'engagement de sous-traitants ont eu lieu à des conditions prévoyant le paiement des services, quelle que soit l'issue de l'entreprise, et que toutes les réclamations de prime de sauvetage seraient faites par Coast Underwriters, ou ses commettants, et non par un sous-traitant ou propriétaire de navire.

Au début de mars 1995, Coast Underwriters a engagé Western Subsea Technology Ltd., dans un premier temps, pour la localisation du navire. Western Subsea a mobilisé son matériel le 10 mars 1995, localisé un navire le 15 mars, et confirmé ensuite l'identité du Panache IV au moyen d'une caméra vidéo environ par 145 brasses de fond. Le coût de la localisation du navire, qui a exigé d'utiliser un véhicule téléguidé et des appareils à balayage latéral, s'est élevé à quelque 61 500 $.

La difficulté particulière que posait le renflouage du Panache IV tenait à l'endroit où il avait coulé, c'est-à-dire une zone de grand fond relativement exposée où les turbulences provoquées par les marées ne suivent pas seulement un mouvement latéral, mais aussi un mouvement horizontal dans les deux sens, ce qui créait beaucoup de remous. De fait, selon la déposition de l'assureur, qui s'appuyait sur des avis d'experts, la zone au large de Turn Point était le deuxième endroit le plus agité du monde, avec un débit d'eau équivalant à celui de l'embouchure de l'Amazone.

Coast Underwriters, au nom de son commettant, l'assureur, a essayé par trois fois de renflouer le Panache IV. Pour sa première tentative, elle a utilisé un véhicule sous-marin téléguidé. L'objectif était d'amarrer un câble au Panache IV et de le tirer à la surface. Cette tentative, qui a coûté environ 36 800 $, a échoué.

La deuxième tentative de renflouage du Panache IV a eu lieu du 25 au 27 mars 1995. On a fait appel aux services de Can-Dive Marine Services Ltd. et d'un plongeur équipé d'un Newt-Suit, c'est-à-dire d'une tenue de plongée brevetée en métal et à joints souples, qui permet au plongeur de travailler à une profondeur plus grande que la portée du matériel de plongée conventionnel. Cette tentative, au coût de quelque 115 000 dollars, a aussi échoué.

Il semble que l'échec des deux premières tentatives de renflouage du Panache IV était imputable aux intempéries et au courant. Pendant la premier essai, les conditions météorologiques et le courant étaient tels que le cordon ombilical rattachant le véhicule téléguidé s'était pris dans l'hélice d'un remorqueur présent sur les lieux. Un navire supplémentaire a dû être appelé à la rescousse pour que les plongeurs puissent aller dans l'eau dégager l'hélice. De fait, pendant cette opération, l'un des plongeurs s'est trouvé en difficulté, et un petit navire de sauvetage a coulé en tentant de le sauver. Cette opération a été annulée, car les conditions étaient trop dangereuses. De la même manière, à la deuxième tentative, le plongeur équipé du Newt-Suit s'est trouvé en difficulté à cause des conditions du courant de marée, et cette tentative a dû être abandonnée.

À ce stade, je voudrais signaler que la présence sur les lieux et la participation directe à l'opération de récupération ne constitue pas une condition préalable à l'octroi d'une prime de sauvetage (Thetis, in re H.M.S. (1833), 166 E.R. 312, en ce qui concerne la prime de sauvetage accordée à l'amiral Baker)1, mais peuvent la majorer. En l'espèce, le président de Coast Underwriters a assisté à l'opération, à l'occasion, et Paul Mendham, de Coast Underwriters, y a, quant à lui, assisté du début à la fin. J'ai accepté la déposition de M. Mendham en contre-interrogatoire sur son affidavit, selon laquelle en tant qu'ancien marin, il avait agi comme membre de l'équipage pendant les opérations de récupération et c'était lui qui décidait en dernier ressort si une opération devait continuer ou s'arrêter.

Le Panache IV a été renfloué avec succès à la troisième tentative. En préparation de cette opération, Coast Underwriters a fait fabriquer un grappin de deux tonnes utilisé à partir d'une barge. À l'aide d'un équipage de dix personnes, la barge a été placée sur une ancre de huit tonnes par point unique et promenée sur les lieux du naufrage en enroulant et en déroulant le câble de l'ancre, alors qu'un remorqueur prêtait main forte pour assujettir la barge. Pendant cette opération de pêche au grappin, Coast Underwriters a modifié les pinces du grappin en y ajoutant des crochets. Après cinq jours de dragage, le grappin s'est pris dans l'hélice du Panache IV. Le navire a pu alors être remonté à la surface grâce à la barge-grue lourde N.W. Rigger, le 19 mai 1997. La barge-grue et le Panache IV ont été remorqués jusqu'à Bedwell Harbour, soit un voyage de six heures à faible vitesse pour éviter de perdre le Panache IV contre la marée.

À Bedwell Harbour, le Panache IV a été amené au fond, à une faible profondeur, là où des plongeurs ont placé des élingues pour bien le soulever. Le Panache IV a ensuite été remonté à la surface et écopé. À ce stade, M. Mendham, deux experts et un officier de la Gendarmerie royale sont montés à bord du navire; ils ont non seulement trouvé trois trous au fond du navire, d'où avaient été retirés des accessoires, mais ils ont également pu se rendre compte que la ligne de flottaison semblait avoir été coupée vers l'avant. De plus, deux commutateurs électriques, celui de la pompe de cale arrière et celui d'une pompe automatique, étaient en position arrêtée.

Bedwell Harbour offre un mouillage pendant les mois d'hiver, mais il est exposé à des vents violents qui soufflent depuis l'entrée de la baie. Ce port n'a que des installations rudimentaires et ne constitue pas un lieu de mouillage sûr pour un navire dans l'état où était le Panache IV. La Gendarmerie royale a saisi le Panache IV et ordonné qu'il soit amené à Sidney, sur l'île de Vancouver. En route vers Sidney, au beau milieu de la nuit, le navire a commencé à sombrer. L'un des experts qui s'en occupait a pu monter à bord du navire par une écoutille à l'avant où il est resté debout sur les deux trous faits à la main dans le fond du navire et les a ainsi bouché, tandis que le navire était à nouveau écopé. Une fois le Panache IV amené à Sidney, la Gendarmerie royale l'a pris sous sa garde de façon à l'examiner et à recueillir des preuves. Le Panache IV n'a pas été rendu à l'assureur et ce, pour pouvoir le nettoyer et le préserver, pendant près de trois semaines.

Cette troisième tentative de renflouage du Panache IV, couronnée de succès, a coûté un peu plus de 62 000 $. Le coût des trois tentatives susmentionnées ne comprend pas la recherche aérienne initiale des marques d'hydrocarbures, les honoraires des experts, les frais du personnel de Coast Underwriters, les droits d'entreposage, les frais de nettoyage et autres coûts. Le coût total de localisation et de renflouage du Panache IV, du remorquage jusqu'à Sidney pour le mettre en lieu sûr, de l'entreposage et du nettoyage s'élève à 307 854,44 $.

Malheureusement, le Panache IV a subi d'importantes détériorations pendant qu'il reposait par grand fond, notamment la corrosion du moteur, du filage électrique et des accessoires. Il s'est détérioré davantage lorsqu'il était sous la seule garde de la Gendarmerie royale à Sidney, à l'exclusion de l'assureur et de toute autre personne. Malgré les allégations contraires, je ne blâme pas l'assureur, que ce soit pour avoir fait appel à la Gendarmerie royale ou pour n'avoir pas pris les mesures nécessaires à la préservation et au nettoyage du Panache IV, immédiatement après son arrivée à Sidney. La Gendarmerie royale, pendant que le navire était sous sa garde, a enlevé certains articles qui se trouvaient à bord. Ces articles qui, je le crois, comprenaient deux commutateurs de pompe de cale corrodés en position arrêtée, auraient peut-être eu pour effet d'augmenter la valeur de revente de façon minimale, mais il ne faudrait pas blâmer les assureurs pour le retrait de ces articles qui devaient servir, par la suite, dans les poursuites au criminel à l'encontre de M. Hahn. Il est devenu impératif de vendre le navire au début de 1996 avant les fortes gelées, car on craignait que de l'eau sous pression n'ait pénétré dans la coque et dans le pont, entre les surfaces en fibre de verre externes et internes du navire, et qu'elle ne gèle, ce qui aurait causé d'autres dégâts importants. Pour cette raison et d'autres, notamment le coût permanent de l'entreposage et la valeur estimative minimale du navire, de l'ordre de 25 000 à 30 000 $, la Cour a ordonné la vente du navire. Le prix de vente était de 30 100 $. Des frais de vente de 2 893,12 $ ont été acquittés sur le produit. General Accident a aussi dépensé 916,43 $ pour nettoyer le Panache IV, ce qui incluait le retrait à la pelle de la boue qui se trouvait dans la cabine et 1 724,38 $ pour soulever le navire et l'entreposer à quai. Le reste du produit de la vente, qui est en cause dans la présente action, est placé en fiducie avec intérêt.

Un événement survenu après le renflouage du navire est aussi pertinent. M. Hahn a été accusé de diverses infractions criminelles. En octobre 1996, après un procès de deux semaines, il a été condamné, entre autres choses, pour tentative de fraude à l'assurance parce qu'il avait sabordé le Panache IV. J'accepte la déposition par affidavit de M. Mendham, laquelle a été examinée à fond en contre-interrogatoire, lorsqu'il dit que le renflouage du Panache IV avait permis de recueillir des preuves d'une importance critique, non seulement pour la Couronne, qui a décidé d'intenter des poursuites, mais aussi en vue de la déclaration de culpabilité. Ainsi, le fait que le renflouage du Panache IV avait permis de recueillir une preuve importante est aussi confirmé par les motifs du juge de première instance qui ont été rendus pendant le procès dans le cadre d'un voir-dire.

ANALYSE

Je suis convaincu que les faits qui entourent le renflouage du Panache IV renferment les éléments nécessaires pour constituer un sauvetage. Le Panache IV, coulé et abandonné par grand fond, a pu être renfloué avec succès et amené en lieu sûr à Sidney, en Colombie-Britannique. L'assureur, qui avait refusé la couverture, a agi bénévolement, vu qu'il n'avait aucune obligation ni aucun intérêt personnel prépondérant qui empêchent toute demande de prime de sauvetage. Le fait que le sauveteur doive être un bénévole est une notion sur laquelle je reviendrai en temps voulu, mais il importe tout d'abord d'examiner le fondement de la réclamation de prime de sauvetage, à commencer par les dispositions de la Loi sur la marine marchande du Canada [L.R.C. (1985), ch. S-9].

L'article 452 de la Loi sur la marine marchande du Canada

Je me contenterai de passer brièvement sur les observations faites au nom de l'assureur, à savoir que General Accident peut réclamer de plein droit une prime de sauvetage, conformément à l'article 452 de la Loi sur la marine marchande du Canada selon laquelle, si un navire est naufragé ou abandonné, le propriétaire doit payer une indemnité. Il est entendu que le propriétaire a abandonné le Panache IV en le laissant comme épave. Toutefois, cela ne signifie pas qu'il faille obligatoirement accorder une prime de sauvetage dans tous les cas.

L'article 452 de la Loi sur la marine marchande du Canada prévoit que:

452. Lorsqu'un bâtiment est naufragé, abandonné, échoué ou en détresse dans les eaux canadiennes ou sur le littoral du Canada ou près de celui-ci et qu'une personne prête assistance au bâtiment ou participe au sauvetage d'une épave, le propriétaire du bâtiment ou de l'épave, selon le cas, doit payer au sauveteur un montant raisonnable en indemnité de sauvetage, y compris les dépenses régulièrement faites. [Non souligné dans l'original.]

Cet article traite clairement de la compétence in personam, puisqu'il exige du propriétaire qu'il paie une prime de sauvetage. Il n'accorde pas au sauveteur de droit in rem sur le navire sauvé ou sur le produit de sa vente, ni ne fait allusion à un tel droit. Or, en l'espèce, la revendication porte sur le produit de la vente. Aucune revendication n'est faite à l'encontre du propriétaire. L'article 452 n'a pas pour effet de donner un droit automatique à une prime de sauvetage.

La convention sur l'assistance de 1989

L'avocat de l'assureur m'a aussi renvoyé à la Convention internationale de 1989 sur l'assistance signée à Londres en 1989, [L.C. 1993, ch. 36, ann. V], laquelle a force de loi au Canada en vertu de l'article 449.1 [édicté par L.C. 1993, ch. 36, art. 1] de la Loi sur la marine marchande du Canada. L'article 12 prévoit que les opérations d'assistance qui ont abouti donnent droit à une récompense. L'expression "opération d'assistance" est définie à l'article premier comme "tout acte ou activité entrepris pour assister un navire ou tout autre bien en danger dans des eaux navigables ou dans n'importe quelles autres eaux". Il se peut fort bien que cette disposition rende obligatoire l'octroi d'une prime à l'assureur qui n'est plus lié par la police d'assurance et n'assume donc plus le risque. Toutefois, l'assureur a également droit, en l'espèce, à une prime de sauvetage sous l'empire de la common law. C'est cette question que j'examinerai à présent.

Le sauvetage en common law

En common law, les primes de sauvetage, qui sont régies par des considérations d'ordre public, notamment le fait qu'il est souhaitable d'encourager les sauveteurs à prendre des risques pour sauver des biens, ne sont jamais automatiques mais dépendent de la présence de trois éléments nécessaires et distincts. Ces éléments sont le danger pour le navire sauvé, la prestation volontaire de services et la réussite ou la contribution à la réussite, autant d'éléments clairement exposés dans l'affaire Fisher v. The ShipOceanic Grandeur— (1972), 127 C.L.R. 315 (Aust. H.C.), à la page 318:

[traduction] "L'octroi de primes de sauvetage est soumis dans une large mesure à des considérations d'ordre public et au fait qu'il est souhaitable d'encourager les sauveteurs à prendre des risques pour sauver des biens"."(Le juge Willmer dans l'affaire The Sandefjord [1953] 2 Lloyd's Rep 557, à la p. 561.) Toutefois, bien que les tribunaux regardent d'un œil favorable les demandes de primes de sauvetage (TheSappho— (1871) L.R. 3 P.C. 690, à la p. 695)"certaines caractéristiques essentielles doivent être présentes avant que ne naissent des droits à une prime. Il doit y avoir danger pour le navire sauvé, et prestation de services volontaire, en ce sens que les services ne doivent pas avoir été rendus en vertu d'une obligation contractuelle ou officielle due au navire sauvé. Encore une fois, en l'absence d'un contrat particulier, les services doivent avoir mené ou contribué à la réussite avant qu'aucune prime ne puisse être accordée.

En l'espèce, la localisation et la récupération, avec succès, de l'épave du Panache IV, qui reposait par 145 brasses de fond, sachant que le navire avait souffert des avaries et aurait continué à s'endommager, répondent clairement à deux des critères nécessaires au sauvetage. Que les services rendus par l'assureur l'ait été volontairement ou non à titre d'obligation constitue un point plus intéressant que je vais maintenant examiner.

L'assureur en tant que sauveteur

La notion de sauvetage comporte un élément essentiel: l'assureur doit être bénévole. Si les services sont rendus en vertu d'un contrat ou d'une obligation officielle due à un propriétaire, ou seulement pour une question d'autopréservation, les services ne constituent pas un sauvetage. Cette notion a été clairement exprimée par lord Stowell dans l'affaire In re The Neptune (1824), 166 E.R. 81, à la page 85:

[traduction] Qu'est-ce qu'un sauveteur? Une personne qui, sans avoir de lien particulier avec un navire en détresse, rend des services utiles à titre d'aventurier bénévole, en l'absence de contrat préexistant lui imposant à l'obligation de s'employer à préserver le navire.

En général, l'assureur est une partie ayant un droit sur un navire et ne peut donc pas réclamer de prime de sauvetage: voir, par exemple, l'affaire Crouan v. Stanier, [1904] 1 K.B. 87, dans laquelle les assureurs ont renfloué avec succès un navire abandonné et demandé une prime de sauvetage. Il s'agissait d'une décision du juge Kennedy, plus tard sir William Rann Kennedy, auteur de Kennedy's Civil Salvage. Elle a donc beaucoup de poids. Dans cette affaire, le Isidoro Antunes avait échoué dans l'Amazone et était submergé sur presque toute sa longueur. Le navire avait été abandonné par ses propriétaires qui avaient fait une demande de règlement pour perte totale. La police ne visait que la perte totale, ou la perte réputée totale, et renfermait la clause habituelle de mesures conservatoires et préventives, en vertu de laquelle si le propriétaire s'efforçait d'éviter une perte totale ou réputée telle, il avait le droit de recouvrer les frais engagés pour ses efforts.

Pour récupérer le Isidoro Antunes, les assureurs avaient conclu avec une entreprise de sauveteurs un contrat reposant sur le principe de la rémunération en fonction du succès et donnant droit à une prime de sauvetage fixe en cas de réussite. Un des points essentiels est qu'il ne s'agissait pas d'un contrat d'utilisation d'un navire de sauvetage par les assureurs, mais bien plutôt d'un contrat de sauvetage. L'opération a abouti, les assureurs ont versé la prime convenue aux sauveteurs, et ils ont ensuite demandé à être remboursés, soit à titre de sauveteurs, soit en common law pour le travail effectué. Le juge Kennedy a fait remarquer que les assureurs, ainsi que l'assuré, avaient le droit de travailler sur le navire et d'essayer de le préserver. Les propriétaires auraient peut-être pu travailler à récupérer le navire et auraient eu le droit d'exiger des assureurs le remboursement de leurs dépenses. Lorsque ces derniers ont réclamé une indemnité pour le travail effectué pour le compte de l'assuré, ils demandaient en fait à la Cour de leur accorder une prime qui pourrait leur être réclamée ensuite par l'assuré, en vertu de la clause de mesures conservatoires et préventives de la police alors en vigueur. Le juge Kennedy a estimé que la partie de la réclamation portant sur le sauvetage était beaucoup plus difficile à refuser, car il ne faisait aucun doute que les assureurs avaient joué un rôle essentiel dans le sauvetage d'un navire qui appartenait à l'assuré. Il a fait valoir que, si cette action pouvait être maintenue, il s'agirait d'une chose des plus extraordinaire étant donné le nombre de navires sauvés par des assureurs. Dans le cas du Isidoro Antunes, il estimait qu'il était dans l'intérêt des assureurs de le sauver afin d'éviter la perte réputée totale et qu'ils n'étaient donc pas bénévoles. Toutefois, pour en arriver à cette conclusion, le juge Kennedy a dû faire une distinction avec la décision de M. Lushington dans l'affaire The Pickwick (1852), 16 Jur. 669 (Adm.).

Dans l'affaire The Pickwick, le navire avait été abandonné au large du Calf of Man. Les assureurs du Pickwick avaient affrété le navire à vapeur President et réussi à amener le Pickwick en lieu sûr. En établissant une distinction avec l'affaire The Pickwick, le juge Kennedy a fait référence à M. Lushington et déclaré (Crouan v. Stanier, supra, aux pages 93 et 94):

[traduction] L'éminent juge, me semble-t-il, agissait tout bonnement en partant du principe qu'il devait pour le moment traiter les assureurs, sous le régime du contrat pour l'emploi du President, comme s'ils étaient propriétaires de l'instrument du service de sauvetage qui était en danger, et c'est à ce titre qu'il leur a accordé une prime de sauvetage. Il me semble qu'en l'espèce, les circonstances ne sont pas les mêmes. Si elles l'étaient, je m'estimerais tout simplement tenu de suivre cette décision. Mais, en l'espèce, il n'y avait aucun contrat de location ou d'utilisation du navire . . . Tout comme le propriétaire d'un navire a droit à une prime s'il a utilisé son navire et son équipage pour effectuer un sauvetage, le juge, dans cette affaire, a accordé aux assureurs (qui, mis à part le fait qu'ils avaient été temporairement propriétaires du navire de sauvetage, n'étaient pas sauveteurs), la récompense que les propriétaires du navire affrété auraient dû recevoir en leur qualité de propriétaires, conformément à la pratique de la Cour d'amirauté, mais qu'ils ont dû, selon mon interprétation des faits, abandonner aux assureurs en vertu de la charte-partie. Tel n'est absolument pas le cas en l'espèce; certains services ont été rendus avec succès par des personnes engagées en vertu d'un contrat conclu avec les assureurs. Celles-ci avaient non seulement un intérêt, en tant qu'assureurs, à ce que les biens soient en sécurité et n'étaient par conséquent pas de purs bénévoles, mais elles ont aussi fait ce qui, dans les circonstances, a permis d'empêcher la perte réputée totale, avec le consentement éclairé de l'assuré et, dans un sens en son nom"autrement dit, elles ont pris, à sa place, des mesures conservatoires et préventives alors qu'il savait fort bien qu'en vertu de la police, il avait le droit de traiter l'affaire, directement ou indirectement, comme faite aux dépens des assureurs.

En effet, le juge Kennedy, tel était son titre, estimait qu'il aurait été contraint de suivre l'affaire The Pickwick si les assureurs avaient affrété un navire de sauvetage au lieu de conclure un contrat de sauvetage sur le principe de la rémunération en fonction du succès avec les propriétaires d'un navire de sauvetage.

Les circonstances de l'espèce sont semblables à celles de l'affaire The Pickwick: l'assureur a loué des navires, du matériel et du personnel pour procéder à la récupération du Panache IV, et il tombe donc dans la catégorie de sauveteur. De fait, comme on peut le lire dans The Law of Salvage, Towage, and Pilotage de Newson (W. Clowes and Sons, Londres, 1886), à la page 39:

[traduction] Si, après l'abandon du navire en mer par le capitaine et l'équipage, les assureurs du navire ou de la cargaison parviennent à sauver le navire et la cargaison, ils ont le droit de réclamer une prime de sauvetage pour leurs services.

Newson s'appuie sur The Pickwick pour faire cette proposition, qui est limitée par l'affaire Crouan v. Stanier, comme nous le savons maintenant, aux cas où les assureurs louent un navire de sauvetage et en deviennent ainsi temporairement propriétaires. L'ouvrage Newson on Salvage fait également référence à l'affaire In the The Purissima Concepcion (1849), 166 E.R. 930, qui est une décision de M. Lushington. Dans cette affaire, la Cour était prête à accorder une rétribution à un agent de la Lloyd's parce qu'il avait organisé un sauvetage réussi, bien qu'il soit resté sur la terre ferme sans avoir participé aux opérations, car la prime de sauvetage dépendait de la présentation par le sauveteur de comptes montrant qu'il avait traité convenablement le produit de la vente de la cargaison retirée du navire sauvé. En l'espèce, le sauvetage était l'œuvre des agents de Vancouver des assureurs, Coast Underwriters. Je note toutefois que non seulement des dirigeants de Coast Underwriters se trouvaient à bord des navires de sauvetage, mais que ces personnes ont également eu le dernier mot sur les opérations de sauvetage.

L'avocat de la CIBC fait remarquer que l'affrètement des navires et la location de matériel ne constituaient pas, sauf pour ce qui est du sonar à balayage latéral utilisé pour localiser le navire, un affrètement coque nue ou une convention de location de matériel semblable et aux termes de laquelle Coast Underwriters serait responsable, au même titre qu'un propriétaire, de la perte ou du dommage subis par le navire ou par le matériel. Il a alors fait référence à un passage de la cinquième édition de Kennedy intitulée Law of Salvage (Londres, Stevens & Sons, 1985), à la page 161, qui découle de l'affirmation générale selon laquelle la prime de sauvetage est payable au propriétaire du navire de sauvetage:

[traduction] Par conséquent, on a toujours estimé que, lorsqu'un navire est affrété en vertu d'une charte-partie qui n'est pas à coque nue et qui ne mentionne pas le renflouage, c'est bien le propriétaire"et non l'affréteur"qui a droit à la prime de sauvetage.

Cette affirmation invite deux réponses. Premièrement, je suis convaincu que dans les ententes verbales pour la location de matériel et de navires, les propriétaires du matériel et des navires ont convenu de ne pas réclamer de prime de sauvetage, mais de se contenter du prix de louage garanti. Ainsi, ils ne devaient pas s'attendre à une prime de sauvetage pour le Panache IV. La deuxième réponse à la question se trouve dans Kennedy, aux passages qui suivent, aux pages 161 à 163. Selon Kennedy, les chances d'un affréteur à temps de gagner une prime de sauvetage sont peut-être réduites, mais les auteurs ne rejettent spécifiquement ni le locus standi d'un affréteur qui ne serait pas à coque nue, ni son droit de recevoir une prime de sauvetage, et il se peut que l'ordre public favorise les droits de l'affréteur qui n'est pas à coque nue. En l'espèce, non seulement il est clair que les personnes qui ont fourni des navires et du matériel à Coast Underwriters ne réclameraient pas de prime de sauvetage, mais l'affaire soulève en outre une question d'ordre public.

Principes d'ordre public visant à encourager le sauvetage

Les principes d'ordre public visant à encourager les services de sauvetage constituent une justification importante et reconnue du sauvetage. Les tribunaux encouragent ces principes en accordant aux sauveteurs, chaque fois qu'il est raisonnable de le faire, des primes plus élevées qu'une simple récompense correspondant au quantum meruit. Pourtant, il existe des principes d'ordre public d'une portée supérieure au simple encouragement des sauveteurs à récupérer des biens maritimes. En l'espèce, il convient de citer un passage des motifs du juge Skipp, dans l'affaire R. v. Hahn, greffe de Victoria, 82319-T, jugement en date du 4-10-96, C.S.C.-B., occasionnés par un voir-dire sur l'admission de témoignages que la Gendarmerie royale avait obtenus du Panache IV dans des poursuites au criminel. Le juge Skipp entend la notion d'ordre public au sens de valeurs partagées par la collectivité dans son ensemble et affirme que le public serait bien sévère si des preuves matérielles du sabordage du Panache IV devaient être exclues [à la page 11 des motifs]:

[traduction] Enfin, l'effet qu'aurait l'exclusion de cette preuve. Un des effets, selon le procureur de la Couronne, serait que la Couronne n'aurait plus qu'à mettre fin à l'affaire (sic). Ce n'est pas un motif valide pour ne pas faire droit à un argument valide en faveur de l'accusé mais je voulais parler, comme on l'a dit, des valeurs de la collectivité dans son ensemble.

Il est très difficile pour tout un chacun, même pour un avocat ou un juge, de prétendre comprendre précisément les valeurs de la collectivité dans son ensemble. Ma perception de ces valeurs est que le public serait bien sévère si des preuves matérielles devaient être exclues dans les circonstances de l'espèce. Je ne crois pas que la collectivité dans son ensemble approuverait.

Pour prendre un autre exemple de principes pertinents d'ordre public, je me souviens qu'à plusieurs reprises par le passé, des assureurs, sur cette côte, ont sauvé des navires et établi des motifs valables pour refuser la couverture de l'assurance. C'est un important principe d'ordre public que d'encourager le dépistage des fraudes à l'assurance, non seulement en général, mais plus particulièrement pour protéger les autres assurés des effets à long terme du paiement de demandes frauduleuses, c'est-à-dire des primes plus élevées.

On doit donc logiquement en arriver à la conclusion qu'il faut encourager les assureurs, dans les cas appropriés, à enquêter soigneusement sur les demandes de règlement vraiment suspectes. Une façon de prodiguer des encouragements, lorsqu'un assureur monte une opération de sauvetage, surtout s'il s'agit d'un navire abandonné, est de considérer l'assureur comme un sauveteur, sauf si, évidemment, il est tenu de sauver le navire. En l'espèce, puisque l'assureur a clairement et pour de bonnes raisons répudié le risque, une prime de sauvetage constitue une juste expression des valeurs de la collectivité ou du principe d'ordre public visant à encourager le sauvetage.

Le sauveteur intéressé

Il me faut traiter à ce stade de la question de l'intérêt personnel des sauveteurs, car l'assureur avait intérêt, lorsqu'il a rejeté la demande de règlement parce qu'il soupçonnait qu'un sabordage avait eu lieu, à s'assurer de la cause du sinistre.

Tout d'abord, le résultat du renflouage prévu était conjectural. L'assureur ne savait pas ce qu'il découvrirait sur la cause de la perte, jusqu'à ce que le Panache IV ait été renfloué. De plus, même s'il existe une obligation morale universelle de prêter assistance en mer, surtout lorsqu'il s'agit de sauver des vies, le sauvetage de navires et de cargaisons est aussi motivé, dans une large mesure, par l'intérêt économique personnel.

L'avocat de la CIBC soutient que l'intérêt personnel interdit de réclamer une prime de sauvetage. Il s'appuie sur l'affaire Crouan v. Stanier, précitée, et plus particulièrement sur un passage figurant à la page 91:

[traduction] Pour autant que je sache, une telle réclamation de la part d'assureurs est pratiquement inédite, à moins que l'affaire The Pickwick n'ait soulevé la question; et si elle pouvait être maintenue en droit, ce serait une chose bien extraordinaire, étant donné le nombre de navires qui ont dû être sauvés par des assureurs au cours de ce dernier siècle.

Le juge Kennedy, tel était alors son titre, estimait que les assureurs agissaient dans leur propre intérêt, et non pas comme bénévoles, lorsqu'ils cherchaient à empêcher la perte réputée totale du Isidoro Antunes. J'ai déjà souligné que les faits de la présente affaire ressemblent plutôt à ceux de l'affaire The Pickwick, avec laquelle le juge Kennedy devait faire une distinction. Cependant, cela n'a pas nécessairement de rapport avec la question de savoir si l'assureur, en l'espèce, avait des visées particulièrement intéressées, ce qui l'empêcherait de réclamer la prime de sauvetage. Sur ce point, l'avocat de la CIBC fait valoir que les rédacteurs de la cinquième édition Kennedy on Salvage n'ont pas, en laissant de côté l'affaire Crouan v. Stanier, bien rendu compte de la notion d'intention dans les cas de sauvetage. Faisant de la paraphrase, l'avocat déclare, avec justesse selon moi, que selon Kennedy on Salvage, actuellement, pour annuler une prime de sauvetage, l'intention doit aller au-delà d'une opération motivée par l'intérêt personnel et consister dans des services rendus sans avoir l'intention de réclamer une prime de sauvetage: Kennedy on Salvage, 5e édition, aux pages 25 à 26 et 193 à 195. L'avocat, à l'appui de ce qui, selon lui, est une perception erronée de la part des rédacteurs de Kennedy on Salvage, fait référence aux affaires The Liffey (1887), 6 Asp. M.L.C. 255; The Lomonosoff, [1921] P. 97; et Simon v. Taylor, [1975] 2 Lloyd's Rep. 338 (Singapore H.C.).

Dans l'affaire The Liffey, un demandeur avait rendu des services apparentés au sauvetage en croyant sauver son propre navire. Ceci étant, il était inconcevable qu'il n'essaie pas de le sauver. Le juge a statué qu'il était équitable qu'ayant découvert son erreur et s'étant rendu compte qu'il n'était pas le propriétaire, il n'y ait aucune raison de lui refuser la prime de sauvetage.

Dans l'affaire The Lomonosoff, le demandeur de prime de sauvetage avait agi entièrement par intérêt personnel. Pris sous le feu provenant du quai et d'autres navires, il avait réquisitionné le Lomonosoff, à Mourmansk, afin d'échapper, en compagnie des officiers et soldats britanniques et belges avec lesquels il servait, à un emprisonnement certain et à une mort probable sous les balles des bolcheviques, s'ils restaient à Mourmansk. Le juge Hill a pris acte du fait que les demandeurs disposaient d'autres moyens de fuite et qu'il n'avait aucune obligation de sauver le Lomonosoff. Ils étaient donc bénévoles et, à ce titre, avaient droit à une prime de sauvetage (page 103).

L'affaire Simon v. Taylor est l'histoire du sauvetage, en 1971, de la cargaison de mercure d'un sous-marin allemand qui avait sombré en 1944 dans le détroit de Malacca. La Haute Cour de Singapour, rejetant la récupération réussie de la cargaison d'un navire ayant coulé depuis longtemps, a abouti à des conclusions intéressantes, notamment que le sous-marin, malgré le fait qu'il soit resté loin au fond de la mer pendant quelque 28 ans, n'était pas une épave, que la cargaison n'était pas en danger et que les plongeurs n'avaient pas droit à une prime de sauvetage parce qu'ils avaient ramené la cargaison à la surface à leur seul profit. Selon l'avocat, la bonne interprétation de l'affaire Simon v. Taylor consiste à dire qu'elle justifie le refus d'accorder une prime de sauvetage dans d'autres situations, comme dans le cas du Panache IV. Les rédacteurs de Kennedy on Salvage donnent quant à eux une interprétation étroite de cette affaire. Selon eux, lorsque un demandeur rend un service avec l'intention de ne pas réclamer de prime de sauvetage, aucune prime n'est payable. Dans Simon v. Taylor, le tribunal était peut-être indigné que les plongeurs qui avaient remonté la cargaison aient essayé de se l'approprier en entier, comme si elle leur appartenait parce qu'ils l'avaient trouvée et récupérée, au lieu de se contenter de revendiquer un droit sur elle à titre de sauveteurs.

L'avocat de la CIBC allègue que les assureurs, en l'espèce, comme dans l'affaire Crouan v. Stanier, ne devraient pas obtenir de prime de sauvetage parce qu'ils auraient entrepris le renflouage du navire, même sans la perspective d'une prime éventuelle. Je crois que l'avocat de la CIBC ne saisit pas que les rédacteurs de Kennedy on Salvage, lorsqu'ils traitent de l'intention et des actes volontaires, évoquent l'intention de ne pas réclamer de prime de sauvetage et l'absence d'obligation de prêter assistance à un navire ou de le renflouer. Je n'interprète pas de façon particulière le fait que les rédacteurs des deux dernières éditions, au moins, de Kennedy on Salvage ne font référence ni à l'affaire Crouan v. Stanier, ni à l'affaire The Pickwick: ils n'abordent pas cette question. À mon avis, le raisonnement qui sous-tend les décisions dans les affaires Crouan v. Stanier et The Pickwick est clair. Comme je l'ai souligné, il est possible de différencier les deux affaires. Les circonstances qui entourent le renflouage du Panache IV se recoupent avec les principes de l'affaire The Pickwick. Il est inutile de s'évertuer à rationaliser les faits et circonstances entourant le Panache IV pour les faire correspondre artificiellement à l'exception que le juge du procès a trouvée dans l'affaire Crouan v. Stanier.

Selon moi, l'affaire Simon v. Taylor ne s'applique pas vraiment en l'espèce. Quant aux affaires Liffey et Lomonosoff, il y était en fait question d'obligation: dans les deux cas, les sauveteurs n'étaient tenus à aucune obligation préexistante de rendre le service, ils étaient bénévoles et, malgré la présence d'un élément d'intérêt personnel et même d'autopréservation, n'avaient aucunement l'intention de renoncer à réclamer la prime de sauvetage. En l'espèce, l'assureur du Panache IV, après avoir rejeté la demande de règlement et, par conséquent, refusé la garantie, n'était pas tenu de renflouer le Panache IV. En outre, il avait clairement l'intention de se servir de la valeur des biens sauvés pour couvrir le coût du renflouage du Panache IV.

L'acte méritoire

À la fin des plaidoiries, dans la présente requête, j'ai demandé à l'avocat de présenter un mémoire sur la doctrine de la prime pour acte méritoire, comme alternative à la prime de sauvetage. Bien que je trouve qu'une prime de sauvetage soit appropriée dans les circonstances, il serait utile d'aborder la notion selon laquelle, lorsque des services méritoires et couronnés de succès ont été rendus, qui ne constituent pas strictement du sauvetage, une rémunération généreuse est peut-être de mise: voir l'affaire In re The Favorite (1844), 166 E.R. 751, à la page 752. Dans l'affaire The Favorite, le demandeur, engagé par le capitaine, a réussi à effectuer un sauvetage méritoire de la cargaison d'un navire échoué dans des circonstances où, sans ses efforts, la cargaison aurait été perdue. Le propriétaire de la cargaison a refusé de payer des frais de 155 ". M. Lushington ne pouvait pas accorder de prime de sauvetage, car le demandeur avait été engagé par le capitaine pour récupérer la cargaison, mais il a tout de même accordé 250 ", plus les dépens, pour services méritoires. Dans l'affaire The Favorite , comme dans d'autres affaires de ce genre, les services ont été rendus à l'aide de matériel de louage et, dans certains cas, sans que le demandeur participe physiquement au sauvetage.

De la même façon, dans quatre autres affaires, In re The Purissima Concepcion (1849), 166 E.R. 930; The Cargo ex Honor (1866), L.R. 1 A. & E. 87; The Kate B. Jones, [1892] P. 366; et In re The Happy Return (1828), 166 E.R. 217, citées par l'avocat de l'assureur, des mandataires ayant organisé et financé des sauvetages réussis ont eu le droit de présenter des réclamations à titre de sauveteurs, bien qu'ils n'aient été exposés en personne à aucun risque physique.

L'avocat de la CIBC souligne à bon droit que, dans chacune de ces affaires d'actes méritoires, le capitaine ou le propriétaire avait demandé de l'aide et qu'une entente en avait résulté: c'est en cela que ces affaires d'actes méritoires se distinguent de celle du Panache IV, où la preuve indique que, non seulement le propriétaire n'a pas demandé que le navire soit renfloué, mais que cette possibilité l'inquiétait même plutôt. Toutefois, cette série de causes vient renforcer la notion que l'utilisation de matériel de louage n'exclut pas l'attribution d'une sorte de prime et qu'un tribunal compétent en droit maritime applique toujours des principes équitables pour veiller à récompenser les services méritoires. Ces deux notions sont pertinentes en l'espèce. Ayant trouvé des éléments à l'appui d'une prime de sauvetage, je passe maintenant à la détermination du montant.

LA PRIME DE SAUVETAGE

Quelques considérations d'équité

L'avocat de la CIBC prétend que, même si l'assureur est un sauveteur, je dois appliquer des principes équitables et refuser la prime, en considérant par exemple l'assureur, pour paraphraser Kennedy, comme un intervenant officieux qu'il faut débouter (Kennedy on Salvage, 5e édition, à la page 18). Je rejette également la notion selon laquelle la CIBC devrait pouvoir, en toute équité, attendre sur la terre ferme l'arrivée du Panache IV renfloué et en affecter l'entière valeur à l'hypothèque, puisque l'assureur a agi dans son propre intérêt. L'avocat a fait référence pour cet argument à l'affaire Ruabon Steamship Company v. London Assurance, [1900] A.C. 6 (H.L.). Il est facile de faire la distinction avec l'affaire Ruabon Steamship, dans laquelle le propriétaire avait profité d'un accostage aux dépens des assureurs pour faire une visite de classification. Comme il est expliqué dans l'affaire The Acanthus, [1902] P. 17, à la page 22, personne n'est tenu de contribuer à un projet ou à une entreprise en l'absence d'obligation légale: le simple fait qu'une personne ait obtenu un avantage découlant d'une occasion quand celle-ci pourrait suggérer à certaines personnes l'idée d'imposer une obligation de paiement, ne suffit pas à imposer une obligation légale. En l'espèce, il appert que la CIBC a profité de l'occasion pour envoyer un expert visiter le navire après le renflouage, ce qui s'accorde bien avec l'affaire Ruabon Steamship, mais l'assureur n'est pas tenu de remettre le navire à la CIBC, comme s'il s'agissait d'une aubaine pour un créancier hypothécaire.

L'avocat de la CIBC allègue que la banque a perdu des sommes importantes et comme l'assureur a atteint son objectif, c'est-à-dire le rejet sans contestation de la demande de règlement, il serait équitable que la CIBC perçoive la totalité du produit de la vente du Panache IV. Cependant, sans les efforts de l'assureur, il n'y aurait pas du tout d'argent. Il serait équitable que l'assureur, qui a dépensé plus dans l'opération de sauvetage que la valeur de l'assurance qu'il a refusée et ainsi épargnée, soit indemnisé dans une certaine mesure. Du point de vue de la CIBC, l'assureur aurait toujours un droit personnel contre ses clients, les débiteurs hypothécaires du Panache IV.

Toujours en matière d'équité, l'avocat de l'assureur a souligné que, bien qu'informée qu'un renflouage allait être tenté, la CIBC n'a rien fait pour y participer physiquement ou financièrement. Je ne vois rien de répréhensible à cela, car les banquiers devraient se garder de prendre part à des opérations de sauvetage, qui sont risquées et coûteuses. Toutefois, la CIBC ne devrait pas non plus s'étonner qu'une prime de sauvetage, prime à vrai dire substantielle, soit accordée à l'assureur.

L'évaluation des primes de sauvetage

Le montant de la prime de sauvetage est discrétionnaire:

[traduction] Le montant de la prime de sauvetage due n'est déterminé par aucune règle; il s'agit d'une question de pouvoir discrétionnaire et il est probable qu'en ceci ou en tout autre cas, il n'est pas deux tribunaux qui seraient du même avis. [In re The Cuba (1860), 167 E.R. 8, à la page 8.]

Cette affirmation est mitigée par la maxime selon laquelle en droit, le pouvoir discrétionnaire doit être exercé judicieusement, et par le principe général du sauvetage qui édicte que les primes doivent être équitables et raisonnables: voir Sutton, The Assessing of Salvage Awards: An Enquiry into English Admiralty Practice, Stevens & Sons (Londres, 1949), à la page 2. Il existe, en outre, des facteurs traditionnels ou reconnus qu'il me faut prendre en compte dans l'exercice de mon pouvoir discrétionnaire, afin de parvenir à une juste considération ou réconciliation de ce qui est dû aux propriétaires ou, en l'espèce, à la CIBC, à titre de créancière hypothécaire, pour la protection de ses droits sur le navire, avec une prime généreuse aux sauveteurs pour service méritoire: voir l'affaire The Thetis, précitée, à la page 329. Les facteurs à prendre en considération dans l'évaluation du montant sont souples, mais on trouve une bonne formulation des facteurs reconnus et déterminants dans l'affaire Humphreys et al. v. M/V Florence No. 2, [1948] R.C.É. 426, à la page 434. Il s'agit de la décision du juge Sidney Smith:

[traduction] Les facteurs qui entrent dans la détermination d'une prime de sauvetage sont bien connus et bien établis, mais il n'est pas inutile de les répéter en l'espèce. Il s'agit, premièrement, de la gravité du danger pour les biens sauvés, de la valeur de ceux-ci, de l'effet des services rendus et de la question de savoir si d'autres services étaient disponibles; deuxièmement, des risques courus par les sauveteurs, de la durée et de l'importance de leurs efforts, de l'initiative et de l'habileté démontrées, de la valeur et de l'efficacité du navire utilisé et des risques auxquels ils se sont exposés. Le montant de la prime dépend de la mesure dans laquelle sont présents tous ces facteurs, bon nombre d'entre eux, ou quelques-uns seulement.

Je commencerai par analyser le danger pour les biens sauvés.

Gravité du danger pour le Panache IV

En concluant à l'existence d'un danger du seul fait que le Panache IV reposait abandonné sur le fond à un emplacement inconnu, inaccessible au propriétaire ou à la CIBC en tant que créancière hypothécaire, je ne perds pas de vue l'affaire Simon v. Taylor, précitée, dans laquelle la Haute Cour de Singapour a souligné qu'une cargaison peut rester au fond de la mer pendant des années et ne pas être pour autant exposée à un danger imminent (page 344). Tel n'est pas le cas en l'espèce. Les deux avocats conviennent que le navire était en train de se détériorer et qu'il se détériorerait davantage en restant au fond.

J'ai tenu compte de la perte du droit de propriété en l'absence de danger physique: voir, par exemple, l'affaire The Cythera, [1965] 2 Lloyd's Rep. 454 (N.S.W.S.C.), où il était question de récupérer un navire aux mains de pirates qui étaient de bons marins et n'avaient causé aucun dommage, si ce n'est un trouble de jouissance pour le propriétaire, et cette dépossession a suffi pour fonder la revendication d'une prime de sauvetage par le demandeur. En l'espèce, le propriétaire et la CIBC, en tant que créancière hypothécaire, auraient bien pu être dépossédés de la sorte à tout jamais, si l'assureur n'avait pas localisé et récupéré le Panache IV. De fait, il ne faudrait surtout pas déprécier la localisation du navire par l'assureur: il a fallu de l'habileté, de la persévérance et de l'argent pour localiser le navire en eaux libres, en partant d'un point de repère approximatif.

La valeur des biens sauvés

La valeur des biens sauvés est l'un des éléments les plus importants de la détermination d'une prime, mais elle ne doit pas amener les tribunaux à accorder une somme hors de proportion avec les services rendus: The Glengyle, [1898] P. 97 (C.A.), à la page 103. Notons également que, lorsque la valeur des biens sauvés est élevée, le montant de la prime s'établit moins en proportion de la valeur des biens que dans les cas où les biens sauvés sont de peu de valeur. En l'espèce, la valeur du Panache IV renfloué, un peu plus de 30 000 $, était très faible, surtout comparativement aux frais du sauveteur.

Effet des services

En l'espèce, le sauvetage était réussi. Sans les efforts fournis par l'assureur à titre de sauveteur, il est fort probable, étant donné toutes les conditions qui entourent la position du Panache IV, que le navire n'aurait jamais été localisé ni remonté à la surface.

Le risque couru par les sauveteurs

Les tribunaux saisis d'affaires de sauvetage ont toujours reconnu le danger pour la vie des sauveteurs comme un facteur important, sinon essentiel, de la détermination de la prime: voir, par exemple, In re The Bartley (1857), 166 E.R. 1093, à la page 1094 et In re The Henry (1810), 165 E.R. 1079, à la page 1080.

Je prends acte de la constatation générale que les opérations de renflouage, notamment celles qui utilisent des dispositifs de levage lourds dans une zone exposée, sont en elles-mêmes dangereuses. En l'espèce, les plongeurs engagés par les sauveteurs ont rencontré des difficultés à deux reprises. Un des experts s'est exposé au danger lorsqu'il a emprunté en rampant une écoutille avant, la nuit, alors que le Panache IV commençait à couler au moment où on l'emmenait à un port sûr, et il a eu le courage et la présence d'esprit de se tenir debout sur deux trous au fond du Panache IV jusqu'à ce que l'on puisse pomper l'eau. Ces risques et difficultés militent en faveur d'une prime substantielle.

Le temps passé au sauvetage

Le facteur du temps passé à effectuer un renflouage est bien exposé dans la cinquième édition de Kennedy on Salvage, à la page 469:

[traduction] Si le service de sauvetage est dangereux, ou s'il exige la démonstration d'habileté ou un travail assidus, il est évident que sa durée augmentera la prime du sauveteur.

En l'espèce, la localisation du Panache IV et l'opération de renflouage qui a suivi ont eu lieu du 7 mars 1995 au 19 mai 1995, date à laquelle le navire a finalement été récupéré. Toutefois, je reconnais également que le matériel de renflouage n'était pas constamment sur les lieux, mais seulement au moment de la localisation du navire, puis lors des trois tentatives distinctes de renflouage, entre lesquelles on a pris du temps pour formuler de nouveaux plans et pour trouver, construire et mobiliser des navires et du matériel. En l'espèce, le temps passé et la ténacité que démontrent les trois tentatives faites par le sauveteur ont pour effet de majorer la prime.

L'initiative et l'habileté

Les actions d'éclat exemplaires en matière de matelotage et de sauvetage sont toujours bien récompensées. En fait, [traduction] "la prime de sauvetage est toujours en proportion de l'habileté et des connaissances démontrées dans l'exécution du service de sauvetage": Kennedy, Civil Salvage, 4e édition, 1958, à la page 184.

En l'espèce, les sauveteurs ont localisé le navire de manière professionnelle, notamment en recourant aux conseils d'experts, en montant une recherche aérienne pour repérer d'éventuelles marques d'hydrocarbures et en se procurant du matériel dernier cri pour localiser le navire et confirmer qu'il s'agissait bien du Panache IV. J'admets que les sauveteurs ont dû faire trois tentatives et utiliser différentes sortes de matériel pour récupérer le Panache IV, mais les annales du renflouage sont truffées de cas où il a fallu plusieurs tentatives avant que le sauvetage ne réussisse.

La CIBC conteste le professionnalisme des sauveteurs et estime même qu'ils ont commis de nombreuses erreurs dont il faudrait tenir compte pour déterminer une prime juste. Tout d'abord, [traduction] "quand des personnes entreprennent un service de sauvetage, elles sont tenues d'user d'habileté et de prudence ordinaires dans l'exécution d'une obligation qu'elles s'imposent à elles-mêmes": In re The Cape Packet (1848), 166 E.R. 909, à la page 909. Dans l'affaire The Cape Packet, M. Lushington a en outre fait valoir que les sauveteurs [traduction] "doivent démontrer et exercer le même degré de prudence et d'habileté que démontrent habituellement les personnes de leur condition et auquel on peut raisonnablement s'attendre de leur part": à la page 910.

La charge de la preuve d'un acte fautif visant à priver le sauveteur qui a réalisé le renflouage avec succès, de tout ou partie d'une prime incombe aux personnes qui portent l'accusation. Cette preuve doit être irréfragable, en ce sens qu'elle ne doit laisser aucune place à un doute raisonnable:

[traduction] . . . lorsque l'entreprise a enfin réussi, ni une simple erreur de jugement dans la façon d'y aboutir, ni un acte fautif, à l'exception d'un acte volontaire qui peut être tenu pour criminel si les propriétaires contestant la réclamation le prouvent au-delà de tout doute raisonnable, ne donnera lieu à une confiscation totale de la prime de sauvetage. L'erreur ou l'acte fautif autre que criminel, qui diminue la valeur des biens sauvés ou occasionne des frais aux propriétaires, est justement pris en compte dans le calcul du montant de l'indemnité à accorder. L'acte fautif volontaire ou criminel peut donner lieu à une confiscation totale mais les personnes qui portent une telle accusation doivent la prouver. Il y a évidemment présomption en faveur de l'innocence, et cette règle s'applique si bien aux sauveteurs que le savant juge de l'amirauté, dans l'affaire TheCharles Adolphe— (Swab. 156), a statué que la preuve doit être "irréfragable" pour que l'on puisse les déclarer coupables; ce par quoi il voulait dire que la preuve ne doit pas laisser de doute raisonnable dans l'esprit du juge. (In re The Atlas (1862), 167 E.R. 235 (P.C.), à la page 241.]

La CIBC invoque la déposition de M. Mendham, selon lequel le Panache IV, en reposant sur le fond, se détériorait rapidement à cause de l'eau qui pénétrait le noyau de balsa de la coque et du pont en fibre de verre, et du fait de la corrosion. Dans son mémoire, la CIBC blâme l'assureur pour avoir mis 90 jours à renflouer le navire (il a été retrouvé 84 jours après avoir sombré) et pour avoir commencé les opérations en utilisant un véhicule téléguidé, puis un plongeur équipé d'un Newt-suit, alors qu'il aurait dû se servir d'un grappin dès le début. Il s'agit là d'un jugement après coup. En effet, on peut bien s'attendre à ce qu'il y ait eu de bonnes raisons pour ne pas utiliser de grappin dès le début, car les chances étaient très minces de retrouver un petit voilier reposant par 145 brasses de fond en eaux libres, en utilisant un grappin attaché au bout d'une ligne de 1000 pieds et une barge ancrée dans le courant à un câble d'acier de 1000 mètres de long, et en essayant de faire en sorte que le grappin se prenne dans un accessoire ou un gréement assez solide pour permettre de soulever le Panache IV.

La CIBC blâme également l'assureur, et ce point est à la fois une approbation et une réprobation, pour avoir utilisé le grappin qui, en se prenant dans la mèche de gouvernail du Panache IV, aurait soi-disant fait basculer le navire et brisé le mât, ce qui aurait réduit la valeur du navire sauvé de 5 000 $. Le grappin est un outil rudimentaire et très aléatoire qui peut facilement causer des dommages à un objet aussi fragile qu'un voilier. Cependant, son utilisation à titre d'outil de renflouage de dernier recours, après que le matériel perfectionné s'est montré inapte à effectuer le travail, ne constitue certainement pas un acte fautif, une erreur ou une erreur de jugement car, à ce stade, les sauveteurs ne semblaient plus disposer de moyens économiques pour renflouer le navire.

Enfin, la CIBC blâme les sauveteurs pour avoir fait intervenir la police. La CIBC soutient que l'intervention de la police, qui a saisi le navire pendant trois semaines pour l'examiner et recueillir des preuves du sabordage, a amené le navire se détériorer. D'après la déposition de M. Mendham, la police avait demandé à être avisée si le navire était récupéré (page 10 de son affidavit sous serment du 31 octobre 1995), et il souhaitait pour sa part qu'un officier de la Gendarmerie royale soit présent pour s'assurer qu'on ne toucherait pas au navire lors de son renflouage. C'était là une approche prudente et sensée. La CIBC aurait en effet conseillé à l'assureur, ses employés et sous-traitants de s'entendre pour dissimuler les preuves du sabordage. Le moins que l'on puisse dire, c'est que, pour la banque, cela aurait été faire montre d'une bien piètre conscience sociale.

Les navires utilisés pour le sauvetage

La valeur des navires et du matériel utilisés par les sauveteurs et le danger auquel ils sont exposés sont des éléments à considérer dans chaque cas. L'objectif est de faire en sorte que les propriétaires de navires de sauvetage soient indemnisés pour le risque auquel ils s'exposent, afin d'encourager les propriétaires de navires, surtout de navires de gros tonnage et de grande valeur, à rendre des services de sauvetage.

En l'espèce, des navires et du matériel de très grande valeur ont été utilisés pour le renflouage. L'assureur s'est toutefois organisé pour ne pas être responsable, dans l'ensemble, des pertes et dommages au matériel et aux navires. Mais ce n'est pas tout. Les frais des sauveteurs sont aussi pertinents, et les tribunaux essaient, si possible, de leur accorder une prime suffisante pour les couvrir, ainsi qu'un montant raisonnable à titre d'indemnité pour les services rendus. S'il s'agit de services méritoires qui permettent de sauver un navire de grande valeur, les tribunaux accordent une majoration de prime en tenant compte des cas où le sauveteur engage des frais élevés et trouve que le navire sauvé est de faible valeur, sans qu'il y soit pour rien. C'est le cas en l'espèce. Les frais élevés engagés par l'assureur pour sauver le Panache IV constituent un bon motif pour accorder une prime majorée. Toutefois, quelle que soit la façon dont on calcule les avantages reçus, l'assureur devra supporter une partie des frais.

L'ordre public

J'ai déjà abordé la question de l'ordre public qui, avec le principe selon lequel les sauveteurs doivent être payés pour les avantages qu'ils confèrent, est le fondement du droit du sauvetage. Dans l'affaire In re The Fusilier (1865), 167 E.R. 391 (P.C.), à la page 394, M. Lushington a exprimé cette idée très clairement:

[traduction] Le renflouage n'est pas régi par les règles ordinaires qui ont cours sur la terre ferme dans les transactions commerciales. Il est régi par égard à l'avantage reçu et par souci de l'intérêt général des navires et du commerce maritime.

Comme le juge Skipp l'a fait remarqué dans l'affaire R. v. Hahn, précitée, il est difficile pour tout un chacun de comprendre précisément les valeurs de la collectivité dans son ensemble: les mêmes obstacles surgissent lorsque l'on tente d'établir ce qu'est l'ordre public à une époque donnée. Toutefois, il est fort probable que le public, qui paye des primes d'assurance de toutes sortes, encouragerait volontiers la découverte de fraudes à l'assurance. Ainsi, j'estime que l'encouragement d'enquêtes légitimes et la découverte de fraudes à l'assurance sont des motifs pour accorder une prime de renflouage majorée.

Les autres sauveteurs

Un des aspects du danger auquel doit faire face un navire en détresse peut être la disponibilité ou l'absence d'une autre assistance adaptée ou opportune. Dans certains cas, comme en l'instance, il convient de prendre en compte la possibilité d'une autre assistance comme facteur dans l'évaluation d'une prime. Je pense ici à des affaires comme The Paust, [1951] 2 Lloyd's Rep. 171, où le coût de l'assistance était peut-être de 300 ". Or, pour un certain nombre de motifs, notamment le fait que le navire de sauvetage était le seul à être en mesure de prêter assistance au Paust , qui avait perdu son hélice au large des côtes du Groenland, la prime accordée était bien plus élevée. Il n'y avait pas de canots de sauvetage basés à terre, ni de navires de sauvetage ou quoi que ce soit dans les environs. Cette absence d'autres possibilités d'assistance n'était pas le seul facteur en faveur d'une prime de 9 000 ", pour une valeur des biens sauvés, incluant le navire et la cargaison, de 46 000 ", mais c'en était sûrement un. Dans le cas du Panache IV , il y avait un grand nombre de sauveteurs à quelques heures de l'endroit du naufrage. Il ne semble pas cependant que d'autres que General Accident aient été prêts à monter une opération de renflouage à l'issue aussi incertaine. J'admets que la prime de sauvetage n'était pas la considération principale, mais le fait que General Accident ait décidé d'entreprendre le renflouage mérite d'être pris en compte dans la détermination de la prime.

Épave

Le dernier facteur à prendre en considération est que l'assureur a sauvé une épave. Le Panache IV a été abandonné volontairement par son capitaine et propriétaire, sans intention de retour ou de récupération. Il est donc devenu une épave.

Historiquement parlant, dans les cas d'épaves, les tribunaux compétents en droit maritime ont accordé la moitié de la valeur du navire ou des biens sauvés. Exceptionnellement, des montants supérieurs à la moitié ont été accordés: voir, par exemple, The Jubilee, une décision de 1826 mentionnée dans The Thetis, précité (à la page 323), dans une très longue note de bas de page. La moitié a continué à être utilisée comme prime pendant une bonne partie du 19e siècle: In re The Watt (1843), 166 E.R. 681, à la page 682, décision dans laquelle M. Lushington a déclaré qu'il était tenu d'accorder une moitié pour le renflouage réussi d'une épave. Toutefois, vingt ans plus tard, dans The True Blue (1866), L.R. 1 P.C. 250, à la page 256, M. Lushington a fait valoir, dans son arrêt rendu au nom du Conseil privé, que même dans les cas d'épaves, les tribunaux n'accordaient pas automatiquement la moitié, mais prenaient en considération tous les facteurs habituels:

[traduction] Or, en vérité, lorsque la Cour en vient à examiner la question de savoir s'il s'agit d'une épave ou non, elle prend en compte le danger pour les biens; et il en est également ainsi quand le navire n'est pas une épave: les biens peuvent être exposés à un grave danger sans être à l'état d'épaves; mais la Cour estime toujours que le danger pour les biens est un des éléments principaux qui l'amènent à accorder une prime de sauvetage élevée; le danger peut être (je ne dis pas qu'il l'est nécessairement, mais qu'il peut l'être), et dans certains cas de renflouage, il l'est, aussi grave pour des biens qui ne sont pas à l'état d'épaves que pour des biens qui le sont. Par conséquent, la meilleure façon, dans de pareils cas, semblables est de considérer le fait qu'un bien soit une épave comme un facteur qui contribue à la gravité du danger dans lequel il se trouve.

Ainsi, le fait que le Panache IV était une épave n'est qu'un simple élément à prendre en compte pour déterminer une prime appropriée.

Il est intéressant d'examiner un peu plus en détail l'évolution du droit des épaves et sur le principe de la moitié. Dans la quatrième édition de Kennedy, 1958, à la page 180, le rédacteur souligne que dans les cas d'épaves, la prime est rarement inférieure à un tiers, sauf quand la valeur des biens sauvés est très élevée:

[traduction] La prime, dans les cas d'épaves, a souvent été de l'ordre de la moitié de la valeur des biens sauvés; dans quelques cas de nature exceptionnelle, de plus de la moitié, et rarement de moins d'un tiers. Mais, dans les cas où la valeur des biens sauvés était très élevée, les tribunaux ont accordé des sommes correspondant à moins d'un dixième de cette valeur.

Dans l'édition actuelle de Kennedy, la cinquième (1985), les rédacteurs mentionnent ce qu'ils appellent la pratique ancienne d'accorder la moitié aux sauveteurs d'épaves, mais remarquent qu'il est maintenant bien établi que le droit à la moitié n'est pas automatique. Le fait qu'un navire soit une épave implique généralement un danger plus grave pour le navire, mais ce n'est là qu'un seul des facteurs à prendre en compte: Kennedy, 5e édition, à la page 463. Il résulte de ces considérations que la pratique de la détermination des primes, si l'épave est un facteur, a évolué de façon remarquable au cours de ce siècle. Dans la cinquième édition de Kennedy, les rédacteurs signalent également que les primes supérieures à la moitié restent rares et que les tribunaux prennent en considération le caractère général de l'affaire: aux pages 459 et 460.

Un examen de cette façon moderne d'aborder la notion de moitié, dans la jurisprudence des quelque cent dernières années, révèle que lorsque les primes ont été généreuses, il y avait plus que le renflouage réussi d'une épave. Par exemple, dans l'affaire Jacobsen et al. v. The ShipArcher— (1894), 3 B.C.R. 374 (C. de l'É.), les sauveteurs ont obtenu 50 % d'une valeur des biens sauvés de quelque 5 000 $, ainsi qu'une indemnité pour le remorquage. Dans cette affaire, le Archer avait été sauvé d'une destruction certaine, des vies avaient été sauvées, et on avait dû repousser les autochtones par la force. Des primes généreuses semblables, de l'ordre de 25 %, comme dans l'affaire Glengyle (Owners of) v. Neptune Salvage Company, [1898] A.C. 519 (H.L.), à 68 %, dans l'affaire The Scheldestad (1933), 45 Ll.L. Rep. 269 (Adm.), ont été accordées, la moyenne s'établissant normalement entre 25 et 40 %: voir, par exemple, les affaires The Pacific (1931), 41 Ll. L. Rep. 83 (Adm.), une prime de 6 000 " (38 %); The Topa Topa (1935), 50 Ll. L. Rep. 211 (Adm.), une prime de 20 000 " (28 %); The Evaine , [1966] 2 Lloyd's Rep. 413 (C.A.), une prime de 1 200 " (40 %); et Markin c. Le navire Sea Gay , T-2692-71, jugement en date du 2-3-72, C.F. 1re inst.), inédit, une prime de 4 000 $ (24 %). Ces causes ne portaient pas toutes sur des épaves mais, quand c'était le cas, elles comportaient d'autres facteurs méritoires en faveur d'une prime généreuse.

CONCLUSION

J'ai abordé divers éléments pertinents à prendre en considération pour accorder une prime en l'espèce. Le danger auquel le Panache IV était exposé n'était pas important à court terme mais, à long terme, ou en l'absence d'un sauveteur au portefeuille bien garni, la récupération risquait d'être impossible. La valeur du Panache IV, une fois sauvé, était très faible et cela limite en soi la prime de sauvetage. Le renflouage réussi a été méritoire et constitue à vrai dire, quand on prend en compte les déconvenues, un exemple de détermination menant à un bon résultat. Il y avait certainement d'autres sauveteurs dans la région de Vancouver et de Victoria, mais aucun d'entre eux n'était prêt à entreprendre une aventure à l'issue aussi incertaine. Cet état de choses donne lieu à une prime majorée. Les sauveteurs mêmes étaient parfois dans une situation difficile et dangereuse. Le renflouage ne s'est pas fait rapidement, mais il ne semble pas que les sauveteurs aient perdu de temps: ils étaient plutôt tenaces et entreprenants, et ont fait montre de l'habileté requise. Ils ont dépensé un montant d'argent important pour renflouer l'épave du Panache IV. Tous ces facteurs indiquent que la prime doit être généreuse.

Il est parfois possible de trouver des causes aux faits analogues et de les utiliser comme guides. Dans cette approche, l'écueil est qu'il est peu probable que deux tribunaux auxquels les mêmes faits sont soumis accordent la même prime. En l'espèce, les faits sont peut-être tout à fait uniques. À ma connaissance, il n'y a aucune décision publiée qui puisse nous aider à titre de comparaison.

Compte tenu de tous ces facteurs, une prime de 12 000 $ en faveur des sauveteurs, sur une valeur des biens sauvés de 30 100 $, est généreuse et appropriée, si on garde à l'esprit qu'il faut aussi protéger les droits de la CIBC en tant que créancière hypothécaire.

Une autre question se pose, à savoir celle des frais engagés pour nettoyer le Panache IV afin de le rendre présentable pour la vente, et le coût de l'entreposage, du sauvetage jusqu'à la vente. Les frais de nettoyage totalisent 916,43 $ et ceux d'entreposage, 1 724,38 $. Ces frais comprennent le hissage du Panache IV hors de l'eau et l'entreposage sur la terre ferme.

L'approche habituelle consiste à accorder aux sauveteurs un montant global couvrant à la fois la rémunération pour le renflouage et une indemnité pour pertes et frais. Dans la plupart des cas, les pertes et frais des sauveteurs font partie intégrante du renflouage et se produisent à cette occasion. Toutefois, dans certains cas, les tribunaux ont aussi procédé à une évaluation séparée des frais et effectué un remboursement indépendamment de la prime de sauvetage: par exemple, dans l'affaire The Archer, précitée, la valeur de vente du navire a été grandement améliorée par les réparations du sauveteur, qui a donc reçu en remboursement un montant substantiel, lequel a majoré la prime au-delà de la moitié. Dans l'affaire The Saltburn (1894), 7 Asp. M.L.C. 474, un montant destiné à couvrir les frais du propriétaire du navire de sauvetage a été réparti avant qu'il n'y ait une répartition de la prime de sauvetage entre tous les sauveteurs. Bien souvent dans les affaires de renflouage, une indemnité distincte est accordée pour le remorquage, nécessaire après le sauvetage. En l'espèce, les sauveteurs ne devraient pas supporter les frais d'entreposage sur la terre ferme et de préparation du Panache IV pour le présenter à des acquéreurs éventuels. L'assureur recevra donc 2 640,81 $ de plus, imputables au produit de la vente, pour couvrir les frais nécessaires et raisonnables engagés après le renflouage. Le solde du produit de la vente et les intérêts courus iront à la CIBC.

Les dépens n'ont pas été plaidés devant moi. Les parties souhaitent présenter des arguments à la suite de la présente décision.

1 L'affaire Thetis est habituellement citée à titre d'exemple de prime où est accordée la moitié (moiety) de la valeur des biens sauvés, ce qui était, à une époque, la prime standard pour les sauveteurs d'épaves. Elle récompensait les risques pris dans un sauvetage en majorant la prime. Toutefois, ce dernier jugement publié de sir Christopher Robinson vaut la peine d'être lu comme récit d'un sauvetage proprement épique.

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