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A-286-97

Ocean Fisheries Ltd. (intimée) (demanderesse)

c.

Pacific Coast Fishermen's Mutual Marine Insurance Company (appelante) (défenderesse)

Répertorié: Ocean Fisheries Ltd.c. Pacific Coast Fishermen's Mutual Marine Insurance Co. (C.A.)

Cour d'appel, juges Stone, Desjardins et McDonald, J.C.A."Vancouver, 30 septembre; Ottawa, 30 octobre 1997.

Droit maritime Assurance Police incorporant les règlements administratifs d'une société qui rendaient obligatoire le renvoi à l'arbitrage de certains différendsAppel de l'ordonnance annulant une ordonnance portant suspension de l'action intentée en vertu d'une police d'assurance maritime pour la perte totale implicite d'un navire et renvoi de l'affaire à l'arbitrageLe différend devait-il être soumis à l'arbitrage?Règles d'interprétation des contrats d'assuranceNature du différend; différends visés par la clause d'arbitrageLa réclamation était-elle visée par la police?L'art. 15 des règlements prévoyait que les différends qui se posent dans le cours des affaires de la société entre un membre ou actionnaire et la société concernant une réclamation présentée contre la société sont soumis à l'arbitrageLes différends visés par l'art. 13 étaient exclusLes motstitulaire de la policeetassuréemployés à l'art. 13, contrairement aux motsmembre ou actionnaireemployés à l'art. 15, indiquaient que l'art. 13 s'appliquait aux différends relatifs à la police d'assuranceUn différend relatif à la couverture entre un membre ou actionnaire et la société devait se poser dans le cours des affaires de la société pour être visé par l'art. 15Les motsaffairesetentrepriseemployés dans les règlements ne voulaient pas dire la même choseExemples de différends entre un membre ou actionnaire et la société qui se posent dans le cours des affaires de la société concernant l'interprétation ou l'application des règlements ou une réclamation présentée contre la société, mais pas en vertu de la police d'assuranceL'art. 15 ne s'appliquait pas au différend en l'espèce.

Il s'agit de l'appel de l'ordonnance annulant une ordonnance portant suspension de l'action intentée par l'intimée en vertu d'une police d'assurance maritime pour la perte totale implicite de son navire, due à un chavirement, et renvoi de l'affaire à l'arbitrage conformément aux conditions de la police. La police d'assurance incorporait par renvoi les règlements administratifs de la société, qui rendaient obligatoire le renvoi à l'arbitrage de certains différends. L'article 13 des règlements autorisait l'assuré à opter pour un arbitrage en cas d'accidents ayant causé une perte ou un dommage susceptible de donner lieu à la présentation d'une réclamation en vertu de la police. L'article 15 prévoyait que les différends qui se posent dans le cours des affaires de la société entre un membre ou actionnaire et la société concernant l'interprétation ou l'application des règlements ou toute réclamation présentée contre la société seraient soumis à l'arbitrage. En vertu des règlements, le statut de titulaire d'une police et celui de membre sont indissociables, c'està-dire que le titulaire d'une police est un membre. Le protonotaire a statué que le différend était visé par l'article 15 qui prévoit le règlement des différends par voie d'arbitrage. Le juge de première instance a statué qu'une réclamation par suite d'un sinistre n'était pas visée par l'article 15, qui régissait les différends sur tout sujet sauf les réclamations en vertu d'une police d'assurance.

La question en litige était de savoir si le différend devait, suivant les termes de la police, être soumis à l'arbitrage.

Arrêt: l'appel doit être rejeté.

Un contrat d'assurance maritime doit être interprété de la même façon que n'importe quel autre contrat d'assurance. L'objectif premier consiste à découvrir l'intention des parties telle qu'elle ressort des termes employés et à y donner effet, et à examiner le contexte dans lequel ces termes sont employés et le but poursuivi par l'emploi de ces termes au moment de la passation du contrat.

La question de savoir si le différend devait, suivant les termes de la police, être soumis à l'arbitrage dépendait (i) de la nature du différend, et (ii) des différends qui sont visés par la clause d'arbitrage. Il s'agissait de savoir si la réclamation de l'intimée était visée par la police. La question suivante consistait à savoir si le différend était visé par la clause d'arbitrage prévue à l'article 15. Cette disposition contient les expressions limitatives "entre un membre ou actionnaire de celle-ci" et "concernant l'interprétation ou l'application des présents règlements ou toute réclamation présentée contre la société ou l'un de ses administrateurs". Elles ne pouvaient pas comprendre les différends visés par l'article 13. On pouvait découvrir d'autres indices de l'intention des parties dans les mots "titulaire de la police" et "assuré" employés à l'article 13, contrairement aux mots "membre ou actionnaire" employés à l'article 15. Les premiers mots font indubitablement référence à un différend entre un titulaire de police et la société en vertu d'une police d'assurance. Pour qu'un différend relatif à la couverture entre un "membre ou actionnaire" et la société soit visé par l'article 15, il faudrait qu'il se pose "dans le cours des affaires" de la société appelante plutôt qu'"en vertu de la présente police". Le mot "affaires" employé à l'article 15 et le mot "entreprise" employé à l'article 6 ont été rapprochés. L'emploi de ces deux mots dans les mêmes règlements indiquait qu'il fallait faire une distinction entre l'"entreprise" et les "affaires" de la société. Même si le traitement d'un "membre ou actionnaire" comme un "titulaire d'une police en cours de validité" appuyait dans une certaine mesure l'argument que l'article 15 était censé englober un différend entre le "titulaire d'une police" et l'appelante, un certain nombre d'exemples ont été fournis au sujet de différends potentiels entre un "membre ou actionnaire" et l'appelante qui peuvent se poser dans le cours des "affaires" de cette dernière et qui entraîneraient forcément "l'interprétation ou l'application" des règlements ou une "réclamation présentée contre la société ou l'un de ses administrateurs", mais qui ne se poseraient pas dans le cadre d'une police d'assurance. L'article 15 n'était pas censé s'appliquer au différend en l'espèce, mais à d'autres sortes de différends relatifs aux "affaires" de l'appelante. Le différend ne devait pas être soumis à l'arbitrage.

lois et règlements

Loi sur l'arbitrage commercial, L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 17, annexe.

Pacific Coast Fishermen's Mutual Marine Insurance Company Act, 1945, S.B.C. 1945, ch. 82, art. 5.

jurisprudence

décisions appliquées:

Frenette c. Métropolitaine (La), cie d'assurance-vie, [1992] 1 R.C.S. 647; (1992), 89 D.L.R. (4th) 653; 4 C.C.L.I. (2d) 1; 134 N.R. 169; 46 Q.A.C. 161; Brissette, succession c. Westbury Life Insurance Co.; Brissette, succession c. Crown Life Insurance Co., [1992] 3 R.C.S. 87; (1992), 96 D.L.R. (4th) 609; 13 C.C.L.I. (2d) 1; 47 E.T.R. 109; 142 N.R. 104; 58 O.A.C. 10; Heyman v. Darwins, Ltd., [1942] 1 All E.R. 337 (H.L.).

décision examinée:

Exportations Consolidated Bathurst Ltée c. Mutual Boiler and Machinery Insurance Co., [1980] 1 R.C.S. 888; (1979), 12 D.L.R. (3d) 49; 32 N.R. 488.

décisions citées:

Pickles v. China Mutual Ins. Co. (1913), 47 R.C.S. 429; 10 D.L.R. 323; 12 E.L.R. 300; Robertson v. French (1803), 4 East 130; 102 E.R. 779; Beatty v. First Explor. Fund 1987 & Co. (1988), 25 B.C.L.R. (2d) 377; 40 B.L.R. 90 (C.S.); Ontario v. Abilities Frontier Co-operative Homes Inc., [1996] A.O. no 2586 (Div. gén.) (QL); Gulf Canada Resources Ltd. v. Arochem International Ltd. (1992), 66 B.C.L.R. (2d) 113; 11 B.C.A.C. 145; 43 C.P.R. (3d) 390; 22 W.A.C. 145 (C.A.); No. 363 Dynamic Endeavours Inc. v. 34718 B.C. Ltd. (1993), 81 B.C.L.R. (2d) 359; 31 B.C.A.C. 126; 50 W.A.C. 126 (C.A.); Nanisivik Mines Ltd. c. F.C.R.S. Shipping Ltd., [1994] 2 C.F. 662; (1994), 113 D.L.R. (4th) 536; 167 N.R. 294 (C.A.); Onex Corp. v. Ball Corp. (1994), 12 B.L.R. (2d) 151 (Div. gén. Ont.); T1T2 Limited Partnership v. Canada (1994), 23 O.R. (3d) 66; 19 B.L.R. (2d) 72 (Div. gén.).

doctrine

MacGillivray & Parkington on Insurance Law Relating to all Risks other than Marine, 8th ed. London: Sweet & Maxwell, 1988.

Mustill, Michael J. et Jonathan C. B. Gilman. Arnould's Law of Marine Insurance and Average, 16th ed., Vol.1 , London: Stevens & Sons, 1981.

APPEL de l'ordonnance (Ocean Fisheries Ltd. c. Pacific Coast Fishermen's Mutual Marine Insurance Co., [1997] A.C.F. no 348 (1re inst.) (QL)) annulant une ordonnance portant suspension de l'action intentée en vertu d'une police d'assurance maritime pour la perte totale implicite d'un navire et renvoi de l'affaire à l'arbitrage (Ocean Fisheries Ltd. c. Pacific Coast Fishermen's Mutual Marine Insurance Co., [1997] A.C.F. no 18 (1re inst.) (QL)). Appel rejeté.

avocats:

David F. McEwen pour l'intimée (demanderesse).

Michael J. Bird pour l'appelante (défenderesse).

procureurs:

David F. McEwen, Vancouver, pour l'intimée (demanderesse).

Michael J. Bird, Vancouver, pour l'appelante (défenderesse).

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Stone, J.C.A.: Il s'agit de l'appel de l'ordonnance en date du 26 mars 1997 [[1997] A.C.F. no 48 (1re inst.) (QL)] par laquelle le juge Teitelbaum a annulé une ordonnance rendue par le protonotaire le 2 janvier 1997 [[1997] A.C.F. no 18 (1re inst.) (QL)]. Par son ordonnance, le protonotaire avait statué que l'action intentée par l'intimée en vertu d'une police d'assurance maritime pour la perte totale implicite de son navire North Land due à un chavirement le 19 mars 1996 devait être suspendue et que l'affaire devait être soumise à l'arbitrage conformément aux conditions de la police.

Les questions en litige

La principale question en litige dans le cadre du présent appel consiste à savoir si le juge Teitelbaum a commis une erreur en annulant la suspension accordée par le protonotaire et, en particulier, s'il a commis une erreur en statuant que l'article 15 des règlements administratifs de l'appelante ne rend pas obligatoire le renvoi du différend à l'arbitrage et en appliquant la règle contra proferentem à l'interprétation de l'article 15.

Rappel des faits

Dans sa déclaration, la demanderesse allègue les faits suivants relativement à la perte:

[traduction] 5. Au moment de l'accident évoqué au paragraphe précédent, le navire "North Land" était piloté par Joseph Campbell et naviguait avec le navire "Lynwood" qui, à ce moment-là, se trouvait à environ 200 verges de distance et était piloté par David Campbell.

. . .

7. La demanderesse a présenté une réclamation en vertu de la police d'assurance.

8. Le 19 avril 1996, la défenderesse a rejeté la réclamation présentée en vertu de la police au motif qu'au moment de la perte, le navire était piloté par Joseph Campbell et non par le capitaine approuvé, David Campbell.

9. Joseph Campbell est un capitaine au long cours breveté qui détient un certificat l'autorisant à piloter un navire d'au plus 350 tonnes. David Campbell ne détient pas un tel certificat et le pilotage du navire par Joseph Campbell n'a absolument pas causé le chavirement du navire ni contribué à celui-ci.

Au moment de la perte, le North Land était assuré en vertu de la police no 11244 en date du 2 juin 1995 qui a été délivrée à l'appelante à la valeur convenue de 325 000 $ moyennant le paiement d'une prime de 9 750 $. Nul ne conteste que cette police incorporait expressément par renvoi [traduction] "les règlements administratifs de la société et leurs modifications" ou, comme il est indiqué dans la clause 28 des Canadian Hulls (Pacific) Clauses annexées à la police:

[traduction] 28. Nonobstant les autres clauses de la police d'assurance, la protection fournie au moment d'une perte est subordonnée aux règlements administratifs alors en vigueur de la société et à toutes les règles et tous les règlements distribués à ses membres concernant les risques, les taux, les choses assurées et toutes les personnes et questions visées par une restriction en faveur de la société, qui l'emportent sur les clauses antérieures incompatibles.

L'appelante est une société d'assurance mutuelle constituée sous le régime de la loi appelée Pacific Coast Fishermen's Mutual Marine Insurance Company Act, 1945, S.B.C. 1945, ch. 82. L'article 5 de cette Loi autorise l'appelante à s'engager par contrat de la manière suivante:

[traduction] 5. La société peut conclure des contrats d'assurance avec une personne physique ou morale qui exploite activement l'entreprise consistant à capturer, transporter, transformer, entreposer ou vendre du poisson ou des produits du poisson dans la province de la Colombie-Britannique et dans les eaux adjacentes à la province ou sur celles-ci relativement à la perte ou au dommage résultant d'une tempête, d'une collision, d'une épave, d'ennemis, de la foudre, du feu, du vol ou d'un accident, subi par des navires, des bateaux, des chalands, des barges, des marchandises, des engins, des apparaux, des moteurs, des machines, de l'équipement, des biens meubles et des effets utilisés pour exploiter l'entreprise consistant à capturer, transporter, transformer, entreposer ou vendre du poisson ou des produits du poisson sur le territoire ou dans les eaux susmentionnés.

Les règlements administratifs de l'appelante

Les parties reconnaissent que les règlements administratifs qui étaient en vigueur le 19 mars 1996, soit la date à laquelle la perte aurait été subie, ne diffèrent pas sensiblement, pour les fins du présent appel, de ceux qui étaient en vigueur le 2 juin 1995, soit la date à laquelle le contrat d'assurance a été passé. Je m'en tiendrai donc à l'examen des règlements administratifs de 1996, que j'appellerai "les règlements".

Les règlements contiennent deux dispositions qui ont été longuement débattues devant la Cour. Ces deux dispositions rendent obligatoire le renvoi à l'arbitrage de certains différends conformément aux termes qui y sont employés. L'article 13, intitulé [traduction] "Réclamations", dispose ceci à l'alinéa a):

[traduction] a) En cas d'accidents ayant causé une perte ou un dommage susceptible de donner lieu à la présentation d'une réclamation en vertu de la présente police, le titulaire de la police doit . . .

Les alinéas 13e) à i) sont ainsi libellés:

[traduction] e) Dans les trente jours qui suivent la réalisation d'un événement qui donne lieu à la présentation d'une réclamation en vertu d'une police délivrée par la société, l'assuré présente une réclamation de la manière prescrite par les administrateurs, étant entendu, toutefois, que les administrateurs peuvent, à leur gré, prolonger le délai accordé à cette fin.

f) Sur présentation d'une réclamation et sur réception par les administrateurs ou par un comité approuvé par ceux-ci d'un rapport préparé par le ou les vérificateurs, ou par une ou plusieurs autres personnes que peuvent autoriser et nommer les administrateurs ou le comité, pour évaluer l'étendue et le montant du dommage causé au bien assuré ou de la perte du bien assuré, et des autres rapports concernant la cause, la nature et l'étendue du dommage ou de la perte que les administrateurs ou le comité jugent nécessaires pour établir la responsabilité de la société, si les administrateurs ou le comité, au nom de la société, ne sont pas disposés à payer intégralement la réclamation, c'est-à-dire le plein montant réclamé par l'assuré, les administrateurs ou le comité informent l'assuré des conditions auxquelles la société est prête à régler la réclamation.

g) Si l'assuré n'est pas disposé à accepter les conditions proposées en guise de règlement complet de sa réclamation, il doit, dans un délai de trente (30) jours ou dans tout autre délai plus long que les administrateurs peuvent, à leur seule discrétion, lui accorder, à compter de l'envoi par la poste de cet avis, informer par écrit les administrateurs qu'il refuse l'offre; s'il néglige de le faire dans le délai susmentionné, il est tenu d'accepter l'offre en guise de règlement complet de sa réclamation.

h) Dans les trente jours qui suivent la communication de son refus d'accepter les conditions de règlement énoncées dans l'avis des administrateurs, l'assuré peut choisir de demander le renvoi de sa réclamation à l'arbitrage de l'une des façons prévues ci-après, et ce choix est définitif; les façons de faire ce choix sont les suivantes:

1. soit que l'assuré informe la société dans le délai prescrit qu'il souhaite avoir recours à la procédure informelle d'arbitrage,

2. soit que l'assuré informe la société dans un délai de trente jours qu'il souhaite que sa réclamation soit soumise à l'arbitrage conformément aux dispositions de la Commercial Arbitration Act de la Colombie-Britannique, S.B.C. 1986, ch. 3, ci-après appelée la procédure officielle d'arbitrage.

i) Si l'assuré ne donne pas cet avis ou n'opte pas pour la procédure informelle ou officielle d'arbitrage, il est réputé avoir accepté les conditions de règlement exposées dans l'avis des administrateurs et est dans l'impossibilité de réclamer une somme supérieure à celle qui est ainsi accordée.

Il convient de citer intégralement l'article 15 des règlements, intitulé "Différends":

[traduction]

15. Différends

a) Tout différend qui se pose dans le cours des affaires de la société entre un membre ou actionnaire de celle-ci, ou toute personne lésée qui a à quelque moment que ce soit été membre ou actionnaire de la société, ou toute personne qui présente une réclamation par l'entremise d'un membre ou d'une personne lésée, et la société ou l'un de ses administrateurs concernant l'interprétation ou l'application des présents règlements ou toute réclamation présentée contre la société ou l'un de ses administrateurs, est soumise à l'arbitrage.

b) Les dispositions relatives à l'arbitrage prévues à l'article 13 des présents règlements s'appliquent à cet égard dans la mesure où elles sont applicables. Autrement, les dispositions de la Commercial Arbitration Act de la province de la Colombie-Britannique, S.B.C. 1986, ch. 3, s'appliquent et le différend est soumis à deux arbitres qui peuvent nommer une autre personne à titre de tiers-arbitre; si les deux arbitres nommés sont incapables de rendre une décision majoritaire à l'égard des questions dont ils sont saisis, le tiers-arbitre décide l'affaire et sa décision est à tous égards celle des arbitres.

c) La décision rendue à la majorité des arbitres est définitive et péremptoire, et est obligatoire pour les parties à l'arbitrage.

d) À la demande d'une autre partie, les arbitres peuvent obliger une personne qui demande un tel arbitrage, et qui n'est pas, au moment d'en faire la demande, un membre ou un actionnaire de la société, à fournir une garantie d'au plus 1 000 $ pour les dépens de cet arbitrage et la procédure d'arbitrage est suspendue jusqu'au paiement de cette garantie.

Avant de pousser plus loin l'examen des articles 13 et 15, il convient de prendre note de la structure générale des règlements. L'"adhésion" à l'appelante est régie par l'article 2 des règlements, qui précise bien que, d'une manière générale, le statut de titulaire d'une police et celui de membre sont censés être indissociables. Ainsi, l'alinéa 2a) dispose que la [traduction ] "personne qui devient titulaire d'une police en cours de validité de la société devient alors membre . . . et le demeure . . . tant qu'elle détient la police . . . et pas plus longtemps". L'alinéa 2f) impose à chaque membre l'obligation de [traduction ] "souscrire des actions de la société" et précise que les administrateurs peuvent libérer un membre de cette obligation dans les circonstances qui y sont prévues. L'alinéa 3i) semble prévoir la possibilité qu'une personne autre qu'un membre/titulaire d'une police puisse être un actionnaire vu l'emploi des mots [traduction ] "[un] actionnaire . . . qui n'est pas par ailleurs un membre". Les sommes représentant le paiement des actions constituent le [traduction ] "fonds de garantie" de l'appelante qui, aux termes de l'alinéa 3j), est [traduction ] "affecté à toutes . . . les dettes et pertes de l'appelante". Les articles 4 et 5 des règlements régissent la tenue des assemblées, principalement celles des actionnaires, et l'exercice du droit de vote à ces assemblées. Le nombre d'administrateurs, leur élection et leurs pouvoirs sont prévus à l'article 6 qui confie la direction et la supervision des [traduction ] "affaires de la société" aux administrateurs. Les dispositions relatives à la tenue des livres, à la nomination des vérificateurs et à d'autres questions de nature financière sont prévues à l'article 7. Les articles 8 à 13 se rapportent directement aux opérations d'assurance de l'appelante. La fixation des [traduction ] "tarifs" à imposer est prévue à l'article 8; la définition des [traduction ] "risques" à couvrir est prévue à l'article 9; les [traduction ] "primes" à percevoir sont prévues à l'article 10; la présentation de [traduction ] "demandes" d'assurance est prévue à l'article 11; la forme et le libellé des [traduction ] "polices" sont prévues à l'article 12 et la présentation de [traduction ] "réclamations" est prévue à l'article 13.

Le protonotaire a statué que le différend était visé par l'article 15 des règlements qui prévoit le règlement des différends par voie d'arbitrage. Il a conclu que cette disposition était claire et sans ambiguïté pour ce qui est d'imposer cette exigence. Le juge Teitelbaum, qui a accueilli l'appel, a conclu au paragraphe 25 de ses motifs:

De même, je suis convaincu d'après les faits de l'espèce que le différend n'est pas visé à l'article 15 des règlements. L'article 15 traite d'un différend [traduction] "qui se pose dans le cours des affaires de la société". Une réclamation par suite d'un sinistre ne peut être visée par cet article, à mon avis. Cet article des règlements traite de questions concernant les différends relatifs à l'administration de Mutual ou tout autre sujet, sauf les réclamations en vertu d'une police d'assurance. Subsidiairement, à tout le moins, l'article 15 est ambigu et par conséquent doit être interprété contre l'intimée.

Les moyens invoqués par les parties

L'appelante soutient que le différend entre les parties est visé par l'article 15 des règlements parce qu'il s'agit d'un différend qui [traduction] "se pose dans le cours des affaires de la société entre un membre ou actionnaire de celle-ci . . . concernant . . . toute réclamation présentée contre la société". Pour cette raison, l'appelante soutient que le différend doit être soumis à l'arbitrage. C'est la conclusion à laquelle est arrivé le protonotaire, qui a déclaré au paragraphe 32 de ses motifs:

Comme je l'ai dit, l'article 15 du règlement intérieur traite manifestement du règlement des différends par opposition du traitement et au règlement des demandes d'indemnités. Il n'y a même, selon cette interprétation, aucune ambiguïté là non plus puisque le différend est manifestement indifférend entre d'une part un membre assuré et actionnaire et d'autre part la Mutuelle, un différend qui doit être résolu par l'arbitrage en vertu de l'alinéa 15a) du règlement intérieur.

L'appelante soutient qu'il faut interpréter les articles 13 et 15 des règlements de manière à obtenir un "résultat commercial raisonnable", et que ce résultat s'obtient en considérant que l'article 13 s'applique à un différend concernant le montant d'une réclamation et que l'article 15 se rapporte à un différend relatif à la couverture. Autrement, seuls les différends portant sur le montant d'une réclamation seraient soumis à l'arbitrage, de sorte que le règlement des différends ayant trait à la couverture serait laissé aux tribunaux, avec les coûts et les retards qui en découlent pour les parties visées. Ce moyen est fondé sur les opinions que le juge Estey a exprimées sur l'interprétation d'une police d'assurance dans l'arrêt Exportations Consolidated Bathurst Ltée c. Mutual Boiler and Machinery Insurance Co. , [1980] 1 R.C.S. 888. Le juge Estey s'est exprimé en ces termes à la page 901:

. . . les règles normales d'interprétation amènent une cour à rechercher une interprétation qui, vu l'ensemble du contrat, tend à traduire et à présenter l'intention véritable des parties au moment où elles ont contracté. Dès lors, on ne doit pas utiliser le sens littéral lorsque cela entraînerait un résultat irréaliste ou qui ne serait pas envisagé dans le climat commercial dans lequel l'assurance a été contractée. Lorsque des mots sont susceptibles de deux interprétations, la plus raisonnable, celle qui assure un résultat équitable, doit certainement être choisie comme l'interprétation qui traduit l'intention des parties. De même, une interprétation qui va à l'encontre des intentions des parties et du but pour lequel elles ont à l'origine conclu une opération commerciale doit être écartée en faveur d'une interprétation de la police qui favorise un résultat commercial raisonnable.

L'appelante soutient en outre que les circonstances ne sont pas de nature à justifier l'application de la règle contra proferentem parce que l'article 15 prévoit clairement l'arbitrage du différend. Voir Consolidated Bathurst, précité, le juge Estey, aux pages 899 à 901; MacGillivray & Parkington on Insurance Law Relating to all Risks other than Marine, 8e éd. (Londres: Sweet & Maxwell, 1988), à la page 454. De plus, l'appelante prétend que cette règle ne devrait pas être appliquée de toute façon à cause de la nature spéciale de la relation entre les parties en vertu d'un contrat d'assurance "mutuelle" telle que cette relation a été expliquée dans l'arrêt Pickles v. China Mutual Ins. Co. (1913), 47 R.C.S. 429, le juge Idington, à la page 435, et le juge Duff, aux pages 437 et 438. Voir aussi Mustill and Gilman, Arnould's Law of Marine Insurance and Average, vol. 1, 16e éd. (Londres: Stevens & Sons, 1981), à la page 76.

Selon l'intimée, si les différends de cette nature étaient censés être visés par l'article 15, on aurait facilement pu incorporer les mots voulus dans cette disposition. D'après son libellé même, l'article 15 ne s'applique qu'aux différends qui se posent dans le cours des "affaires" de l'appelante entre un "membre ou actionnaire" et l'appelante. Le différend en l'espèce n'appartient pas à cette catégorie de différends. Si l'article 15 est, de fait, ambigu, alors la règle contra proferentem devrait s'appliquer malgré le fait que le différend se pose en vertu d'une police d'assurance mutuelle.

L'intimée souligne que les termes "réclamation" et "réclamations" apparaissent pas moins de dix-sept fois dans les Canadian Hulls (Pacific) Clauses annexées à la police et que le contexte dans lequel ces termes sont employés donne à penser qu'ils s'appliquent à la fois à la question du montant de la réclamation et à la question de la couverture. L'avocat souligne le fait que les lettres que se sont échangées les parties relativement à la perte montrent que l'appelante elle-même a traité toute la question, c'est-à-dire la couverture et le montant de la réclamation, comme une "réclamation" puisqu'elle a fait référence à la réclamation proprement dite dans le corps de ses lettres et l'a appelée [traduction ] "Réclamation no  25-96" même après l'avoir rejetée. L'article 13 porte explicitement sur la présentation et le traitement de réclamations d'assurance. Le début de l'alinéa 13a) veut dire que la "présentation d'une réclamation en vertu d'une police" doit résulter "d'accidents ayant causé une perte ou un dommage" et doit donc émaner du "titulaire de la police" et "assuré". Les seules circonstances qui rendent l'arbitrage d'une "réclamation" obligatoire, ainsi qu'il est prévu aux alinéas 13g) à 13i), sont celles dans lesquelles le montant de la réclamation est litigieux.

Analyse

Bien que la question litigieuse en l'espèce se rapporte à l'interprétation d'un contrat d'assurance maritime, pareil contrat doit être interprété de la même façon que n'importe quel autre contrat d'assurance: Robertson v. French (1803), 4 East 130, le lord juge en chef Ellenborough, à la page 135; 102 E.R. 779, à la page 781. L'objectif premier consiste à découvrir l'intention des parties telle qu'elle ressort des termes employés et à y donner effet, et à examiner le contexte dans lequel ces termes sont employés et le but poursuivi par l'emploi de ces termes au moment de la passation du contrat. Deux décisions récentes de la Cour suprême confirment cette démarche. Dans l'arrêt Frenette c. Métropolitaine (La), cie d'assurance-vie, [1992] 1 R.C.S. 647, le juge L'Heureux-Dubé a déclaré au nom de la Cour, aux pages 667 et 668:

Dans l'interprétation d'un contrat d'assurance, il est maintenant bien établi que les principes d'interprétation sont les mêmes que ceux qui s'appliquent généralement aux contrats commerciaux . . . C'est ainsi que, s'il s'avère nécessaire d'interpréter un contrat, la règle cardinale est que l'intention des parties doit l'emporter . . . Dans la recherche de cette intention, on doit tout particulièrement examiner les termes utilisés par les parties, le contexte dans lequel ils sont utilisés et, enfin, le but poursuivi par les parties en utilisant ces termes (Jean-Guy Bergeron, Les contrats d'assurance (1989), t. 1, à la p. 106). Le tribunal est habilité à appliquer la règle contra proferentem seulement dans le cas où toutes les règles d'interprétation n'ont pas permis de découvrir l'intention véritable des parties et, dans ce cas, le contrat s'interprète contre celui qui a stipulé (Exportations Consolidated Bathurst Ltée c. Mutual Boiler and Machinery Insurance Co., [1980] 1 R.C.S. 888, aux pp. 900 et 901.)

Dans l'arrêt Brissette, succession c. Westbury Life Insurance Co.; Brissette, succession c. Crown, Cie d'assurance-vie, [1992] 3 R.C.S. 87, le juge Sopinka, qui s'exprimait au nom des juges de la majorité, a résumé aux pages 92 et 93 les règles d'interprétation applicables ainsi qu'il suit:

L'interprétation d'un contrat d'assurance, les règles d'interprétation relatives aux contrats doivent être ainsi appliquées:

(1) La cour doit rechercher une interprétation qui, compte tenu de l'ensemble du contrat, traduit l'intention véritable des parties au moment de la formation du contrat.

(2) Si les mots peuvent avoir plus d'un sens, il faut choisir celui qui traduit le plus raisonnablement l'intention des parties.

(3) Les ambiguïtés sont interprétées contre l'assureur.

(4) L'interprétation qui procure un gain fortuit à l'assureur ou une indemnité imprévue à l'assuré doit être écartée. Voir Exportations Consolidated Bathurst Ltée c. Mutual Boiler and Machinery Insurance Co., [1980] 1 R.C.S. 888.

La question litigieuse en l'espèce consiste à savoir si le différend entre les parties doit, suivant les termes de la police, être soumis à l'arbitrage. Le vicomte Simon, L.C., a exposé la bonne façon d'aborder cette question particulière dans l'arrêt Heyman v. Darwins, Ltd., [1942] 1 All E.R. 337 (H.L.), à la page 339:

[traduction] La réponse à la question de savoir si un différend est visé par une clause d'arbitrage dans un contrat doit dépendre a) de la nature du différend et b) des différends qui sont visés par la clause d'arbitrage.

et par lord Macmillan, à la page 345:

[traduction] Lorsqu'une instance est introduite par l'une des parties à un contrat qui contient une clause d'arbitrage et que l'autre partie s'appuie sur cette clause pour demander une suspension d'instance, la première chose à vérifier est la nature précise du différend qui se pose. La question suivante est de savoir si le différend est visé par les termes employés dans la clause d'arbitrage . . .

Le libellé des clauses d'arbitrage varie beaucoup d'un contrat à l'autre car les parties contractantes ont toute latitude pour définir à leur gré les questions qu'elles désirent soumettre à l'arbitrage. Parfois, le libellé se limite à des questions pratiques qui se présentent dans le cours de l'exécution du contrat; parfois, les termes employés sont très généraux afin d'englober toute question qui peut se poser entre les parties relativement à quelque aspect que ce soit du contrat.

Cette démarche a été appliquée dans la récente affaire Ontario v. Abilities Frontier Co-operative Homes Inc., [1996] O.J. no 2586 (Div. gén.) (Q.L.), le juge Sharpe, au paragraphe 10.

L'objet du présent litige ne fait évidemment pas de doute. Il s'agit de savoir si la réclamation de l'intimée est visée par la police. La question suivante consiste donc à savoir si, eu égard à la jurisprudence déjà invoquée, le différend est visé par la clause d'arbitrage prévue à l'article 15. Comme il vient d'être mentionné, l'article 15 s'applique à un différend "qui se pose dans le cours des affaires de la société entre un membre ou actionnaire de celle-ci, ou toute personne lésée qui a à quelque moment que ce soit été membre ou actionnaire de la société, ou toute personne qui présente une réclamation par l'entremise d'un membre ou d'une personne lésée, et la société ou l'un de ses administrateurs concernant l'interprétation ou l'application des présents règlements ou toute réclamation présentée contre la société ou l'un de ses administrateurs". Les premiers mots de cette disposition sont incontestablement généraux. Mais aussi généraux qu'ils soient, ils ne sont certainement pas non limitatifs car ils sont immédiatement suivis de l'expression limitative "entre un membre ou actionnaire de celle-ci" et, plus loin, des mots "concernant l'interprétation ou l'application des présents règlements ou toute réclamation présentée contre la société ou l'un de ses administrateurs". Ces mots ne sauraient comprendre les différends visés par l'article 13.

On peut découvrir d'autres indices de l'intention des parties en rapprochant les mots "membre ou actionnaire" employés à l'article 15 et les mots "titulaire de la police" et "assuré" employés à l'article 13. Ces derniers mots, contrairement à "membre ou actionnaire", font indubitablement référence à un différend entre un titulaire de police en tant que tel et l'appelante en vertu d'une police d'assurance. Même s'il était possible d'affirmer qu'un différend relatif à la couverture est un différend qui peut exister entre un "membre ou actionnaire" et l'appelante, pour qu'un tel différend soit visé par l'article 15, il faudrait qu'il se pose "dans le cours des affaires" de la société appelante plutôt qu'"en vertu de la présente police" ainsi qu'il est mentionné à l'article 13. Il faut rapprocher le mot "affaires" employé dans les règlements et le mot [traduction ] "entreprise" employé à l'article 6. Il est évident que l'"entreprise" de l'appelante ne correspond pas exactement à ses "affaires". L'emploi de ces deux mots dans les mêmes règlements montre que ceux-ci ne sont pas interchangeables et que le rédacteur était d'avis qu'il fallait faire une distinction entre l'"entreprise" et les "affaires" de l'appelante. Comparer p. ex. avec Beatty v. First Explor. Fund 1987 & Co. (1988), 25 B.C.L.R. (2d) 377 (C.S.).

Le traitement d'un "membre ou actionnaire" comme un "titulaire d'une police en cours de validité" appuie dans une certaine mesure l'argument que l'article 15 est censé englober un différend entre le "titulaire d'une police" et l'appelante, malgré l'emploi des mots "membre ou actionnaire" dans cette disposition. Il convient de noter, toutefois, qu'un certain nombre de différends potentiels entre un "membre ou actionnaire" et l'appelante peuvent se poser dans le cours des "affaires" de cette dernière et que ces différends entraîneraient forcément "l'interprétation ou l'application" des règlements ou une "réclamation présentée contre la société ou l'un de ses administrateurs". À titre d'exemple, les circonstances dans lesquelles l'appelante peut annuler une police par application de l'alinéa 2c), ou annuler des actions et demander à un actionnaire de l'indemniser avant de payer le prix de rachat par application de l'alinéa 3d), ou encore déclarer la perte par confiscation d'actions par suite d'un défaut de paiement dans le cadre d'une mise en demeure par application des paragraphes 3f)(2) et (3), sont propres au statut d'actionnaire ou de membre plutôt qu'à celui de titulaire de police1 . Des différends de cette nature peuvent se poser entre l'appelante et un actionnaire qui est un membre, ou un actionnaire qui ne l'est pas. À mon avis, de tels différends se poseraient véritablement "dans le cours des affaires de la société . . . concernant l'interprétation ou l'application des présents règlements ou toute réclamation présentée contre la société ou l'un de ses administrateurs". Le rapprochement des mots "membre ou actionnaire" et du mot "affaires" employés à l'article 15 avec les mots "titulaire de la police" et "assuré" employés à l'article 13 vient appuyer l'argument que l'article 15 n'est pas censé s'appliquer au différend dont nous sommes saisis, mais plutôt à d'autres sortes de différends qui se posent dans le cours des "affaires" de l'appelante.

Compte tenu de l'analyse qui précède, je suis arrivé à la conclusion que le différend entre les parties n'était pas censé être soumis à l'arbitrage prévu à l'article 15 des règlements.

Avant de statuer sur l'appel, je tiens à examiner un dernier moyen invoqué par l'appelante, soit celui qui repose sur certaines dispositions du Code d'arbitrage commercial (le Code) qui figure à l'annexe de la Loi sur l'arbitrage commercial, L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 17. L'appelante soutient qu'en cas de doute sur la question de savoir si l'article 15 des règlements rend obligatoire le renvoi du différend à l'arbitrage, c'est au tribunal arbitral qu'il devrait appartenir de statuer sur sa compétence conformément à ces dispositions. Selon l'intimée, puisque l'article 15 est visiblement inapplicable, les circonstances ne sont pas de nature à justifier qu'on laisse le tribunal arbitral statuer ainsi sur sa compétence. L'article 5 du Code dispose: "Pour toutes les questions régies par le présent code , les tribunaux ne peuvent intervenir que dans les cas où celui-ci le prévoit." Voici le libellé du paragraphe 8(1) et de l'article 16, qui ont également été invoqués:

Article 8

Convention d'arbitrage et actions

intentées quant au fond devant

un tribunal

1. Le tribunal saisi d'un différend sur une question faisant l'objet d'une convention d'arbitrage renverra les parties à l'arbitrage si l'une d'entre elles le demande au plus tard lorsqu'elle soumet ses premières conclusions quant au fond du différend, à moins qu'il ne constate que la convention est caduque, inopérante ou non susceptible d'être exécutée.

. . .

Article 16

Compétence du tribunal

arbitral pour statuer sur sa

propre compétence

1. Le tribunal arbitral peut statuer sur sa propre compétence, y compris sur toute exception relative à l'existence ou à la validité de la convention d'arbitrage. À cette fin, une clause compromissoire faisant partie d'un contrat est considérée comme une convention distincte des autres clauses du contrat. La constatation de nullité du contrat par le tribunal arbitral n'entraîne pas de plein droit la nullité de la clause compromissoire.

2. L'exception d'incompétence du tribunal arbitral peut être soulevée au plus tard lors du dépôt des conclusions en défense. Le fait pour une partie d'avoir désigné un arbitre ou d'avoir participé à sa désignation ne la prive pas du droit de soulever cette exception. L'exception prise de ce que la question litigieuse excéderait les pouvoirs du tribunal arbitral est soulevée dès que la question alléguée comme excédant ses pouvoirs est soulevée pendant la procédure arbitrale. Le tribunal arbitral peut, dans l'un ou l'autre cas, admettre une exception soulevée après le délai prévu, s'il estime que le retard est dû à une cause valable.

3. Le tribunal arbitral peut statuer sur l'exception visée au paragraphe 2 du présent article soit en la traitant comme une question préalable, soit dans sa sentence sur le fond. Si le tribunal arbitral détermine, à titre de question préalable, qu'il est compétent, l'une ou l'autre partie peut, dans un délai de trente jours après avoir été avisée de cette décision, demander au tribunal visé à l'article 6 de rendre une décision sur ce point, laquelle ne sera pas susceptible de recours; en attendant qu'il soit statué sur cette demande, le tribunal arbitral est libre de poursuivre la procédure arbitrale et de rendre une sentence.

Les parties s'entendent sur l'effet de ces dispositions. S'il est clair que le différend est visé par la clause d'arbitrage prévue à l'article 15, le protonotaire a suspendu à bon droit l'action. L'inverse est évidemment vrai s'il est clair que le différend n'est pas visé par la clause d'arbitrage prévue à l'article 15. Ces opinions sont confirmées par la jurisprudence: Gulf Canada Resources Ltd. v. Arochem International Ltd. (1992), 66 B.C.L.R. (2d) 113 (C.A.); No. 363 Dynamic Endeavours Inc. v. 34718 B.C. Ltd. (1993), 81 B.C.L.R. (2d) 359 (C.A.); Nanisivik Mines Ltd. c. F.C.R.S. Shipping Ltd., [1994] 2 C.F. 662 (C.A.); Onex Corp. v. Ball Corp. (1994), 12 B.L.R. (2d) 151 (Div. gén. Ont.); T1T2 Limited Partnership v. Canada (1994), 23 O.R. (3d) 66 (Div. gén.).

Je suis arrivé à la conclusion que l'article 15 est clair et sans ambiguïté et qu'il ne rend pas obligatoire le renvoi à l'arbitrage du différend en l'espèce. Puisqu'il en est ainsi, il n'y a pas lieu de poursuivre l'examen du moyen tiré des articles 8 et 16 du Code, ni celui qui se rapporte à la règle contra proferentem.

Je suis d'avis de rejeter l'appel avec dépens.

Le juge Desjardins, J.C.A.: Je souscris à ces motifs.

Le juge McDonald, J.C.A.: Je souscris à ces motifs.

1 Les art. 2c), 3d) et 3f)(2) et (3) sont ainsi libellés:

[traduction]

2.c) Les administrateurs ont pleins pouvoirs de la manière prévue ci-après pour annuler une ou des polices d'assurance détenues par un membre qui, selon eux, s'est comporté d'une manière préjudiciable à la société.

. . .

3.d) Les administrateurs peuvent, au nom de la société, racheter et réémettre les actions à dividende garanti de la société au moment et de la manière qu'ils jugent opportuns, étant toujours entendu que:

1. Les administrateurs peuvent en tout temps obliger un actionnaire à présenter son certificat d'actions pour annulation sur présentation d'un avis offrant de payer à ce dernier le montant versé à la société à l'égard de chaque action ainsi représentée. Si l'actionnaire ne se conforme pas à cet avis dans un délai de soixante jours, son action est de ce fait réputée avoir été rachetée, et le montant ne lui est versé qu'une fois qu'il a convenu par écrit d'indemniser la société pour toutes les dépenses et dettes auxquelles celle-ci peut être tenue du fait de la non-remise du certificat.

2. Quiconque est ainsi obligé de renoncer à son certificat d'actions ne cesse pas, pour cette raison, d'être un membre de la société, malgré toute disposition des présents règlements obligeant les membres à être des actionnaires.

3. Un membre peut demander en tout temps aux administrateurs de la société de racheter une action de la société qu'il détient, et joint à sa demande le certificat d'actions qui a été délivré à l'égard de ladite action. Sur réception de la demande, les administrateurs rachètent l'action dès qu'ils le jugent opportun, au mieux des intérêts de la société.

4. La société peut réémettre une action rachetée conformément aux présentes.

. . .

3.f) . . .

2. Les administrateurs peuvent mettre en demeure les actionnaires de verser une somme due relativement aux actions à dividende garanti de la société qu'ils détiennent, selon que les besoins de la société le justifient, et la mise en demeure est censée avoir été faite au moment de l'adoption de la résolution des administrateurs qui l'autorise, pourvu qu'un avis soit donné sans délai à l'actionnaire ou aux actionnaires visés.

3. Si un actionnaire refuse de payer une somme réclamée relativement à ses actions dans le délai de deux mois suivant la date de la mise en demeure, les administrateurs peuvent, moyennant un avis d'un mois envoyé par courrier recommandé à la dernière adresse postale connue de l'actionnaire, déclarer que les actions de l'actionnaire défaillant, et toutes les sommes antérieurement payées à cet égard, sont confisquées par la société, et ils peuvent par la suite, à moins que la somme réclamée ne soit versée à la société dans le délai d'un mois en question, annuler les actions ou les vendre et les réémettre au prix ou aux prix qu'ils jugent suffisants et à l'avantage de la société uniquement; ou, au choix des administrateurs, ils peuvent intenter une poursuite et contraindre l'actionnaire à payer toutes les sommes ainsi réclamées à l'égard des actions.

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