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[1994] 1 C.F. 674

T-2013-92

Procureur général du Canada (requérant)

c.

Rudolph Medford (intimé)

Répertorié : Canada (Procureur général) c. Medford (1re inst.)

Section de première instance, juge Joyal—Ottawa, 24 mars et 27 octobre 1993.

Fonction publique — Compétence — Demande de contrôle judiciaire visant la décision déclaratoire d’un arbitre selon laquelle l’employeur, en offrant de former un autre mécanicien, en plus de l’intimé, aux fins de réparer les véhicules d’intervention d’urgence, n’a pas observé l’esprit et l’objet de la clause de la convention collective qui prévoyait la répartition équitable des fonctions de disponibilité — En matière de clauses privatives, comme celle prévue à l’art. 101 de la LRTFP, les cours de justice mettent l’accent sur la manière dont le résultat est obtenu plutôt que sur le résultat lui-même — Selon le raisonnement de l’arbitre, le manque de mécaniciens qualifiés, en disponibilité, compromettait le respect des exigences opérationnelles à l’aéroport le plus occupé du Canada — L’arbitre a-t-il excédé sa compétence en se prononçant sur des questions de politique? — Mise à contribution de l’expérience acquise dans le domaine des relations entre employeur et employé — La décision n’est pas si manifestement déraisonnable que l’intervention de la Cour est justifiée — L’arbitre n’a accordé aucun redressement; il a seulement rendu une décision déclaratoire fondée sur la preuve qui lui était présentée.

Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision déclaratoire d’un arbitre désigné en application de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans laquelle celui-ci dit ne pas être convaincu que l’employeur a observé l’esprit et l’objet de la disposition de la convention cadre relative à la répartition équitable des fonctions de disponibilité. L’intimé était mécanicien préposé à l’entretien du matériel à l’aéroport international Pearson. Dans la convention cadre, l’employeur s’engage à assurer la répartition équitable des fonctions de disponibilité en ce qui concerne la réparation du matériel dans les situations d’urgence. À l’aéroport, une exigence spéciale fait en sorte que les mécaniciens qualifiés doivent réparer les véhicules d’intervention d’urgence (les « véhicules d’intervention »). À toutes les époques pertinentes, l’intimé était le seul employé ayant les qualifications requises à cette fin. Il a présenté un grief dans lequel il a prétendu que l’omission de l’employeur d’avoir à son service plus d’un mécanicien qualifié aux fins de la réparation des véhicules d’intervention emportait la violation de la clause relative aux fonctions de disponibilité. L’employeur s’est engagé à former un deuxième mécanicien pour la réparation des véhicules d’intervention, lequel serait appelé par la suite à partager avec l’intimé les fonctions de disponiblité. L’intimé a exigé que les onze mécaniciens soient formés afin de pouvoir être affectés, à tour de rôle, à des fonctions de disponibilité. L’employeur a fait valoir que les exigences opérationnelles et le manque de personnel l’empêchaient de former tous les mécaniciens. L’arbitre a statué que ces contraintes ne constituaient pas une excuse et il a dit ne pas être convaincu que l’employeur avait observé l’esprit et l’objet de la convention collective. Au moment de la décision de l’arbitre, la clause privative figurant à l’article 101 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique n’avait pas encore été abrogée. La Cour devait déterminer si la conclusion de l’arbitre était manifestement déraisonnable.

Jugement : la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

Lorsque la décision d’un tribunal administratif est protégée par une clause privative, les cours de justice doivent mettre l’accent sur la façon dont le résultat a été obtenu plutôt que sur le résultat lui-même.

Considérée hors de tout contexte, l’interprétation que fait l’arbitre n’est pas fondée en droit et justifie un contrôle judiciaire. Le fait de conclure, sur le fondement de la décision de l’arbitre, que l’engagement de l’employeur, concernant la répartition équitable des fonctions de disponibilité, se double de l’obligation concomitante de former adéquatement des employés, à la seule fin de rendre la clause opérante, pourrait être considéré comme un écart manifestement déraisonnable de ce qui constitue une simple formule visant à établir un tableau de répartition équitable des fonctions de disponibilité et à éviter le favoritisme ou la discrimination. Toutefois, on pourrait également faire valoir que l’employeur a l’obligation d’« assurer » la répartition équitable des fonctions de disponibilité, quel que soit le nombre d’employés dûment qualifiés. Si pour se conformer à son obligation contractuelle et « assurer » une répartition équitable, l’employeur doit former ou recruter du personnel, il est tenu de le faire. Selon l’arbitre, le manque de mécaniciens dûment qualifiés, en disponibilité, pour réparer les véhicules d’intervention, compromettait le respect des exigences opérationnelles afférentes aux services d’entretien mécanique et de réparation à l’aéroport le plus occupé du Canada. Il s’est dit inquiet de ce qui pourrait arriver si le seul mécanicien compétent en disponibilité ne pouvait rentrer au travail dans une situation d’urgence. Même s’il s’est prononcé sur des questions de politique qui n’étaient pas de son ressort, à titre de membre de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, l’arbitre a pu acquérir, dans le domaine des relations entre employeur et employé, une expérience qui va au-delà de la simple interprétation extensive d’une clause donnée dans une convention collective. Compte tenu de la preuve qui lui était présentée, l’arbitre pouvait accroître la portée de l’« obligation » qui découlait de la clause relative aux fonctions de disponibilité, de manière à transmettre un message à l’employeur, tout en étant très prudent quant au genre de redressement qu’il convenait d’accorder à l’auteur du grief. Il a simplement rendu une décision déclaratoire dans laquelle il dit ne pas être convaincu que l’employeur a observé l’esprit et l’objet de la convention collective. Il ne s’agit aucunement d’un redressement. Dans ce contexte, la décision n’est pas si manifestement déraisonnable que l’intervention de la Cour est justifiée.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35, art. 96(2), 101 (abrogé par L.C. 1992, ch. 54, art. 73).

JURISPRUDENCE

DÉCISION APPLIQUÉES :

Caimaw c. Paccar of Canada Ltd., [1989] 2 R.C.S. 983; (1989), 62 D.L.R. (4th) 437; [1989] 6 W.W.R. 673; 40 Admin. L.R. 181; 40 B.C.L.R. (2d) 1; 89 CLLC 14,050; 102 N.R. 1; Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, [1991] 1 R.C.S. 614; (1991), 80 D.L.R. (4th) 520; 48 Admin. L.R. 161; 91 CLLC 14,017; 123 N.R. 161.

DEMANDE de contrôle judiciaire visant la décision déclaratoire de l’arbitre dans laquelle celui-ci dit ne pas être convaincu que l’employeur a observé l’esprit et l’objet de la clause de la convention cadre relative aux fonctions de disponibilité. Demande rejetée.

AVOCATS :

Harvey A. Newman et John C. Healy pour le demandeur.

Andrew J. Raven et David Yazbeck pour l’intimé.

PROCUREURS :

Le sous-procureur général du Canada pour le demandeur.

Raven, Jewitt and Allen, Ottawa, pour l’intimé.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par

Le juge Joyal : Dans sa demande de contrôle judiciaire, le demandeur exhorte la Cour à annuler la décision d’un arbitre désigné en application de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique [L.R.C. (1985), ch. P-35] aux fins de statuer sur le grief présenté par un employé.

Le plaignant intimé est un mécanicien préposé à l’entretien du matériel à l’atelier de l’aéroport international Pearson, près de Toronto. Il fait partie du groupe Manœuvres et personnes de métier. Ses conditions de travail sont régies par une convention cadre liant le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada. Cette convention reconnaît que des situations d’urgence peuvent survenir relativement au matériel et elle prévoit que le personnel doit remplir des fonctions de disponibilité. L’employé qui est en disponibilité a droit à une indemnité de base et, s’il est appelé à rentrer au travail, à la rémunération au taux applicable des heures supplémentaires ou à un minimum de quatre heures de rémunération au taux horaire.

La clause visée par le grief et sur l’interprétation de laquelle l’arbitre devait statuer est la clause M-30.02 de la convention. En voici le libellé :

M-30.02 L’employé-e désigné par une lettre ou un tableau pour remplir des fonctions de disponibilité, doit pouvoir être atteint au cours de cette période à un numéro téléphonique connu et pouvoir rentrer au travail aussi rapidement que possible s’il est appelé à le faire. Lorsqu’il désigne des employé-e-s pour des périodes de disponibilité, l’employeur s’efforce de prévoir une répartition équitable des fonctions de disponibilité. [Je souligne.]

Cette disposition prévoyant la répartition équitable des fonctions de disponibilité semble plutôt raisonnable. Chaque employé qualifié est appelé, à tour de rôle, à remplir des fonctions de disponibilité. Toutefois, à l’aéroport international Pearson, une exigence spéciale fait en sorte que les mécaniciens qualifiés doivent réparer les véhicules d’intervention d’urgence (les « véhicules d’intervention »). Or, à toutes les époques pertinentes, un seul employé avait les qualifications requises à cette fin. Qu’en est-il alors de la répartition équitable prévue à la clause M-30.02?

C’est la raison pour laquelle l’intimé a présenté un grief que je qualifierais d’inventif. Il prétend en effet que l’employeur manque à ses obligations aux termes de la clause M-30.02 parce qu’il n’a à son service qu’un seul mécanicien qualifié aux fins de réparer les véhicules d’intervention.

L’employeur, qui s’est montré relativement conciliant, s’est engagé à former un deuxième mécanicien pour la réparation des véhicules d’intervention, lequel serait appelé par la suite à partager avec le plaignant intimé les fonctions de disponibilité et de rappel au travail.

L’engagement de l’employeur n’a cependant pas satisfait le plaignant. Au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs, celui-ci a exigé que les onze mécaniciens soient dûment formés afin de pouvoir être affectés, à tour de rôle, à des fonctions de disponibilité. L’employeur a répondu qu’il n’en était pas question. Les exigences opérationnelles ne le permettaient pas, et les ressources de l’employeur étaient limitées. Ce n’est pas seulement la formation spécialisée, mais aussi la connaissance du matériel et de ses particularités, qui permettent de faire face aux situations d’urgence, ce que ne saurait garantir l’affectation de onze mécaniciens. L’employeur a cependant réitéré son intention de former un deuxième mécanicien.

Au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, l’employeur, même s’il estimait toujours ne pas contrevenir à la clause M-30.02, a insisté sur le fait que sa proposition de former un deuxième mécanicien pour la réparation des véhicules d’intervention résoudrait le problème.

Finalement, le grief a été renvoyé à l’arbitrage. Après avoir examiné les éléments de preuve, l’arbitre a tout d’abord adhéré au principe voulant que les obligations contractuelles doivent être respectées. Il a convenu que pour satisfaire à ses obligations concernant la répartition équitable des fonctions de disponibilité, l’employeur aurait dû assurer la formation de mécaniciens, ce qui, selon l’employeur, était impossible en raison d’exigences opérationnelles et d’un manque de personnel.

De l’avis de l’arbitre, les facteurs invoqués par l’employeur ne constituent pas une excuse valable, sinon la plupart des clauses d’une convention collective seraient rendues inopérantes. Il ajoute que la formation du personnel doit tenir compte de l’obligation contractuelle de l’employeur aux termes de la clause M-30.02. Il s’agit, selon l’arbitre, d’une obligation précise, et la décision de l’employeur de former un autre mécanicien ne saurait être considérée comme autre chose qu’un geste symbolique.

L’arbitre tire ensuite les conclusions suivantes :

La présente affaire ne comporte aucun redressement précis; la Commission ne peut faire plus que rendre une décision « déclaratoire » portant que l’employeur n’a pas interprété ou appliqué comme il faut les dispositions de la clause litigieuse. Pour les motifs énoncés plus haut, je ne suis pas convaincu que l’employeur s’est conformé à l’esprit et à l’objet de la clause M-30.02, et je suis disposé à rendre une décision déclaratoire à cet effet.

Comme le fonctionnaire n’a demandé aucun autre redressement, je n’ajouterai rien à cette déclaration. Je ferai cependant remarquer que je suis pour le moins étonné que l’employeur n’ait pas fait en sorte que plus d’un autre employé ait reçu toute la formation voulue pour être en mesure de réparer et de modifier les véhicules d’intervention d’urgence à l’aéroport le plus occupé du Canada. J’ignore combien d’employés au juste devraient être ainsi qualifiés; leur nombre devrait toutefois être suffisant pour qu’on puisse répondre à tous les imprévus et offrir au personnel le perfectionnement dont il a besoin ainsi que les occasions auxquelles il a droit.

Il est raisonnable de supposer que l’employeur n’a pas accepté de bonne grâce que l’arbitre tente de faire découler de son interprétation de la clause M-30.02 une directive enjoignant à la direction de mettre de l’ordre dans ses affaires. L’employeur voyait en effet son engagement à répartir équitablement les fonctions de disponibilité transformé en obligation de former un nombre indéterminé d’employés. Il s’agissait, selon lui, d’une interprétation que le libellé de la clause M-30.02 ne justifiait pas. Il la jugeait manifestement déraisonnable de même que contraire au paragraphe 96(2) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, lequel empêche l’arbitre de rendre une décision qui aurait pour effet d’exiger la modification d’une convention collective.

En somme, prétend l’employeur, si le grief de l’intimé traduit une certaine inventivité, l’interprétation de la clause applicable par l’arbitre est le fruit d’une inventivité encore plus grande que la Cour ne saurait cautionner. En conséquence, la décision devrait être annulée.

Pour sa part, l’intimé invoque la doctrine de l’erreur « manifestement déraisonnable », celle-ci étant bien établie par la jurisprudence relative au contrôle judiciaire d’une décision protégée par une clause privative. En pareil cas, le contrôle judiciaire n’est possible que lorsque l’erreur est si manifestement déraisonnable qu’aucun tour d’adresse ni aucune acrobatie intellectuelle ne peut la sauvegarder. L’intimé soutient que ce n’est pas le cas de la décision de l’arbitre. Il s’agit d’une interprétation que le libellé de la clause applicable peut raisonnablement fonder, d’autant plus qu’elle est compatible avec l’ensemble de la convention dans laquelle les parties prévoient les obligations auxquelles chacune d’elles doit satisfaire.

CONCLUSIONS

Il ne fait aucun doute que la clause privative correspondant à l’article 101 [abrogé par L.C. 1992, ch. 54, art. 73] de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique protège jusqu’à un certain point la décision de l’arbitre contre le contrôle judiciaire. Dans Caimaw c. Paccar of Canada Ltd., [1989] 2 R.C.S. 983, le juge La Forest s’exprime comme suit au nom de la majorité des juges de la Cour suprême du Canada (aux pages 1003 et 1004) :

Lorsque, comme en l’espèce, un tribunal administratif est protégé par une clause privative, notre Cour a déclaré qu’elle n’examinera la décision du tribunal que si celui-ci a commis une erreur en interprétant les dispositions attributives de compétence ou s’il a excédé sa compétence en commettant une erreur de droit manifestement déraisonnable dans l’exercice de sa fonction; voir Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau-Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227. Le tribunal a le droit de commettre des erreurs, même des erreurs graves, pourvu qu’il n’agisse pas de façon « déraisonnable au point de ne pouvoir rationnellement s’appuyer sur la législation pertinente et d’exiger une intervention judiciaire » (p. 237). Le critère de contrôle constitue un « test sévère » : voir Blanchard c. Control Data Canada Ltée, [1984] 2 R.C.S. 476, à la p. 493. Cette portée restreinte du contrôle oblige les cours de justice à adopter une attitude de retenue à l’égard des décisions du tribunal administratif. La retenue judiciaire est plus qu’une fiction invoquée par les cours de justice lorsque celles-ci sont d’accord avec les décisions du tribunal. Un simple désaccord avec le résultat atteint par le tribunal administratif ne suffit pas à rendre ce résultat « manifestement déraisonnable ». Les cours de justice doivent prendre soin de vérifier si la décision du tribunal a un fondement rationnel plutôt que de se demander si elles sont d’accord avec celle-ci. L’accent devrait être mis non pas sur le résultat auquel est arrivé le tribunal, mais plutôt sur la façon dont le tribunal est arrivé à ce résultat. Les clauses privatives comme celles contenues aux art. 31 à 34 du Code constituent des exercices permis du pouvoir du législateur et, dans la mesure où elles restreignent la portée du contrôle judiciaire dans le cadre des pouvoirs constitutionnels, la Cour devrait respecter cette restriction et s’en remettre à la décision de la Commission.

La Cour suprême du Canada a adopté le même point de vue dans Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, [1991] 1 R.C.S. 614, à la page 628. Il reste cependant que la doctrine de l’erreur « manifestement déraisonnable » pourrait n’avoir pour effet que de conforter le juge dans l’opinion qu’il a déjà relativement à l’affaire dont il est saisi, qu’elle soit fondée ou non. Comme le signale le juge La Forest, supra, la retenue judiciaire est plus qu’une fiction invoquée par les cours de justice lorsque celles-ci sont d’accord avec la décision incriminée. Je me permets toutefois de dire qu’il n’est pas facile de faire preuve de retenue judiciaire lorsqu’on est totalement en désaccord avec la décision en cause.

Dans la présente affaire, il serait malhonnête de ma part de nier que l’interprétation que fait l’arbitre de la clause M-30.02, considérée hors de tout contexte, n’est pas fondée en droit et justifie un contrôle judiciaire. On pourrait faire valoir que l’obligation de l’employeur de répartir équitablement les fonctions de disponibilité ne s’applique que dans le cas où le nom de plus d’un employé figure au tableau et où, évidemment, deux employés ou plus ont les compétences requises pour que leur nom y soit inscrit. Le fait de conclure, sur le fondement de la décision de l’arbitre, que l’engagement de l’employeur à cet égard se double de l’obligation concomitante de former adéquatement des employés à la seule fin de rendre la clause opérante pourrait être considéré comme un écart manifestement déraisonnable de ce qui constitue une simple formule visant à établir un tableau de répartition équitable des fonctions de disponibilité et à éviter le favoritisme ou la discrimination.

Par contre, on pourrait également prétendre que la clause M-30.02 prévoit expressément que l’employeur a l’obligation d’« assurer » la répartition équitable des fonctions de disponibilité, quel que soit le nombre d’employés dûment qualifiés. Si pour se conformer à son obligation contractuelle et « assurer » une répartition équitable, l’employeur doit former ou recruter du personnel, il est tenu de le faire. Une telle exigence est très justifiée dans la mesure où l’aéroport Pearson est le plus occupé au Canada et où les employés ont des responsabilités considérables en cas d’urgence.

De toute évidence, tel est l’avis de l’arbitre. Dans ses motifs, l’arbitre conclut que l’obligation prévue à la clause M-30.02 n’est pas atténuée par les exigences opérationnelles, mais que celles-ci demeurent un facteur important à prendre en considération. Il signale que la clause M-30.02 ne comporte aucune réserve, c’est-à-dire que les exigences opérationnelles et le manque de personnel ne justifient pas l’atténuation de l’obligation. Il ajoute que l’employeur ne peut invoquer de tels facteurs pour excuser ses actes. Il ressort toutefois de son raisonnement qu’il estime que le manque de mécaniciens dûment qualifiés, en disponibilité pour réparer les véhicules d’intervention, compromet le respect des exigences opérationnelles afférentes aux services d’entretien mécanique et de réparation à l’aéroport le plus occupé du Canada. Il se dit en effet inquiet de ce qui pourrait arriver si le seul mécanicien compétent en disponibilité ne pouvait rentrer au travail dans une situation d’urgence.

Aux fins des présentes, on peut soutenir que l’arbitre se prononce sur des questions de politique qui ne sont pas de son ressort et qui soulèvent certaines difficultés au chapitre de la compétence. Par ailleurs, à titre de membre de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, l’arbitre a maintes fois été saisi d’affaires de ce genre et on peut supposer qu’il a acquis une certaine expérience dans le domaine des relations entre employeur et employé qui va au-delà de la simple interprétation extensive d’une clause donnée dans une convention collective. En d’autres termes, l’arbitre est enclin à tenir compte de l’ensemble des circonstances et à conclure que la clause M-30.02 prévoit une obligation qui ouvre la porte à un recours qui est de la nature d’une action paulienne et qui débouche sur des mesures plus tangibles, de la part de l’employeur, aux fins d’assurer des services de réparation plus efficaces à l’égard des véhicules d’intervention.

Je ne peux évidemment pas lire dans les pensées de l’arbitre. Je présume toutefois que, compte tenu de la preuve qui lui était présentée, il pouvait accroître la portée de l’« obligation » prévue à la clause M-30.02 de manière à transmettre un message à l’employeur tout en étant très prudent quant au genre de redressement qu’il convenait d’accorder à l’auteur du grief. Il a simplement rendu une décision déclaratoire, et ses motifs le précisent. À cet égard, il n’a pas outrepassé son mandat. Aucun redressement n’est accordé, aucune ordonnance n’est rendue. L’arbitre déclare seulement ne pas être convaincu que l’employeur a observé l’esprit et la lettre de la clause M-30.02.

Dans cette optique, je ne peux conclure que la décision est si manifestement déraisonnable que l’intervention de la Cour est justifiée. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

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