Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[1994] 3 C.F. 562

A-225-93

AFFAIRE INTÉRESSANT les parties VI et VII de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10, modifiée par L.C. 1986, ch. 11;

ET une plainte, datée du 8 août 1990, déposée par John Ross Colvin auprès de la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada, concernant la conduite alléguée de Norman Inkster, commissaire de la Gendarmerie royale du Canada;

ET une plainte, datée du 13 août 1990, déposée par John Ross Colvin auprès de la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada, concernant la conduite alléguée de Henry Jensen, ex-sous-commissaire de la Gendarmerie royale du Canada;

ET une demande par voie de mémoire spécial visant à obtenir l’opinion de la Section de première instance de la Cour fédérale, en application de l’alinéa 17(3)b) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7.

Répertorié : Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada) (Re) (C.A.)

Cour d’appel, juges Hugessen, Décary et Linden, J.C.A.—Ottawa, 18 mai et 15 juin 1994.

GRC — Une plainte concernant la conduite du commissaire de la GRC relève de la compétence de la Commission des plaintes du public contre la GRC — La Commission n’a pas compétence pour connaître de la plainte concernant la conduite du sous-commissaire qui a pris sa retraite avant le dépôt de la plainte — La Commission a compétence pour connaître de la plainte concernant la conduite d’un membre qui prend sa retraite ou cesse d’être une personne nommée en vertu de la Loi après le dépôt de la plainte, mais avant le règlement de celle-ci.

En août 1990, un membre du public a déposé des plaintes auprès de la Commission des plaintes du public contre la GRC, aux termes de la partie VII de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, concernant la conduite alléguée de Norman Inkster, commissaire de la GRC, et de Henry Jensen, ex-sous-commissaire (qui avait pris sa retraite en décembre 1989), relativement à l’enquête et au dépôt d’accusations concernant la divulgation prématurée des points saillants du budget fédéral en avril 1989. Le commissaire et le sous-commissaire auraient permis à des agents subordonnés de porter des accusations contre trois personnes même s’ils savaient, ou auraient dû savoir, qu’aucun crime n’avait été commis. Ces accusations ont plus tard été suspendues par le juge de première instance parce que la poursuite du procès serait un abus de procédure.

Le commissaire prétend que la partie VII de la Loi ne confère pas à la Commission le pouvoir de statuer sur les plaintes concernant la conduite du commissaire. L’ex-sous-commissaire soutient que la Commission ne tient pas de la partie VII le pouvoir de statuer sur la plainte contre lui, puisque, au moment du dépôt de la plainte, il avait cessé d’être « membre » de la GRC.

Dans un mémoire spécial visant à obtenir l’opinion de la Section de première instance de la Cour fédérale, en conformité avec l’alinéa 17(3)b) de la Loi sur la Cour fédérale, il a été posé à la Cour les questions suivantes 1) La Commission est-elle compétente, relativement aux parties VI et VII de la Loi sur la GRC, pour connaître de la plainte concernant Inkster, eu égard au fait qu’il était commissaire de la GRC? 2) La Commission est-elle compétente, relativement aux parties VI et VII de la Loi sur la GRC et eu égard à la plainte concernant Jensen, pour connaître des plaintes touchant la conduite alléguée d’un membre de la GRC ou de toute autre personne nommée ou employée sous le régime de la Loi qui : (i) a pris sa retraite ou a cessé d’être une personne nommée ou employée sous le régime de la Loi, avant le dépôt de la plainte; (ii) a pris sa retraite ou a cessé d’être une personne nommée ou employée sous le régime de la Loi, après le dépôt de la plainte mais avant son règlement?

Le juge de première instance a répondu par l’affirmative aux questions 1 et 2(ii) et par la négative à la question 2(i).

Le procureur général interjette appel des réponses données aux questions 1 et 2(ii), et la Commission a formé un appel incident concernant la réponse donnée à la question 2(i).

Arrêt : l’appel et l’appel incident doivent être rejetés.

Question 1La compétence de la Commission à l’égard d’une plainte concernant la conduite du commissaire

La première opposition à la compétence de la Commission sur la conduite du commissaire porte sur le fait que le législateur ne peut pas avoir eu l’intention d’attribuer à la Commission le pouvoir d’enquêter sur la personne même qui, en sa qualité de chef de la GRC, a pleine autorité sur la GRC et qui doit décider si elle doit suivre ou non les conclusions et les recommandations du comité externe d’examen et de la Commission.

Cet argument ne tient pas compte des différences fondamentales qui existent entre les griefs, les mesures disciplinaires et les procédures de renvoi et de rétrogradation établies aux parties III, IV et V de la Loi, et la procédure relative aux plaintes du public établie à la partie VII. Les parties III à V traitent des griefs, qui sont du domaine des relations du travail, et des mesures disciplinaires qui découlent des contraventions au code de déontologie, alors que la partie VII traite de la conduite générale qui n’est pas nécessairement visée dans le cadre des relations du travail ou dans un contexte disciplinaire. Les parties III à V s’appliquent aux membres seulement. La partie VII vise toute personne nommée ou employée sous le régime de la Loi, ce qui comprend les gendarmes spéciaux ainsi que le personnel civil temporaire et permanent. Les parties III à V mènent à des décisions concrètes qui doivent être prises par le commissaire, décisions qui sont définitives et exécutoires, alors que la partie VII donne lieu à des conclusions et à des recommandations, formulées par la Commission, qui n’ont aucun effet obligatoire. Les parties II à V (Comité externe d’examen dans la partie II et le commissaire dans les parties III à V) concernent les membres alors que la partie VII concerne non seulement les membres mais aussi les questions de principe. Il n’y a donc pas d’incompatibilité entre le pouvoir d’agir du commissaire et le pouvoir de faire des recommandations conféré à la Commission.

Le second argument porte sur le fait que, étant donné le rôle que confère la Loi au commissaire dans la procédure de règlement des plaintes du public, le législateur ne peut pas avoir eu l’intention de soumettre le commissaire à la compétence de la Commission. Autrement, le commissaire serait l’arbitre ultime d’une plainte contre lui-même.

Il existe dans la partie VII de la Loi quelques maladresses de rédaction qui auraient pu facilement être évitées. Les tribunaux doivent néanmoins faire de leur mieux pour donner un sens au texte imprécis utilisé par le législateur. En dernière analyse, le texte de la Loi permet une plainte contre le commissaire lui-même, puisqu’il est un « membre » contre qui une plainte peut être portée. Étant donné que le commissaire peut faire l’objet d’une enquête, que cette enquête peut être menée sans la participation de la GRC ni du commissaire et que le commissaire est autorisé à déléguer les pouvoirs qu’il tient de la partie VII de la Loi, excepté la révision finale, le législateur pouvait présumer en toute confiance que, dans les cas où une plainte portée contre le commissaire devrait être examinée par la GRC plutôt que par la Commission, le commissaire demanderait au sous-commissaire de prendre en charge la procédure d’examen jusqu’à la révision finale. Ce pouvoir de délégation est un autre indice faisant présumer que la conduite du commissaire peut elle aussi faire l’objet d’une enquête. De plus, bien que le commissaire ait le dernier mot pour ce qui est de toutes les plaintes, puisque la Commission envoie son rapport final au ministre et fait un rapport annuel au Parlement, la Commission, chaque fois qu’elle estime que l’intérêt public l’exige, dispose de tous les outils dont elle a besoin pour enquêter sur une plainte concernant la conduite du commissaire lui-même. Bien que la procédure ne prévoie pas expressément la situation où des plaintes sont portées contre le commissaire, elle peut, si l’occasion se présente, facilement être adaptée pour les régler étant donné les rôles respectifs du commissaire et du président de la Commission, ainsi que le pouvoir de délégation du commissaire. Il n’y a pas lieu de craindre une avalanche de plaintes contre le commissaire puisque la procédure prévoit un rejet rapide de toute plainte futile.

En conséquence, le commissaire est un « membre » dont la conduite peut faire l’objet d’une enquête par la Commission, et l’autonomie complète de la Commission à l’égard de la Gendarmerie et à l’égard du commissaire a pour objet d’assurer qu’elle peut a) décider de déposer une plainte contre le commissaire ou d’enquêter sur la conduite de celui-ci, b) mener son enquête à bonne fin et c) faire ses constatations et ses recommandations relativement à cette plainte, sans aucune ingérence de la Gendarmerie ou du commissaire et sans porter atteinte à la pleine autorité du commissaire sur la GRC et tout ce qui s’y rapporte.

Question 2(i) Retraite avant le dépôt d’une plainte

Le texte de la Loi et les rapports Marin et McDonald précisent que, pour une plainte portée en vertu de la partie VII, il est nécessaire que la personne dont la conduite fait l’objet de la plainte soit membre de la Gendarmerie au moment du dépôt de la plainte. Si le législateur avait voulu qu’il en soit autrement, il l’aurait dit. Le fait qu’il n’y ait aucune prescription concernant les plaintes du public est un indice qu’il n’est pas prévu que des plaintes sont portées contre des personnes qui ne sont plus membres de la GRC. Cette interprétation semble également porter remède à un autre abus : la mise au pilori des membres de la Gendarmerie. En dernier lieu, dans la Loi, le législateur a restreint la compétence de la Commission à l’examen de plaintes précises portant sur des comportements précis. Seul un organisme d’enquête permanent établi pour étudier les questions de politique qui touchent la GRC, ce que la Commission n’est pas, peut examiner des plaintes déposées après le renvoi du membre dont la conduite fait l’objet d’une plainte. N’est pas fondé l’argument selon lequel les membres qui sont sur le point de prendre leur retraite peuvent échapper à l’examen public. Il n’y a aucune raison de supposer qu’au seuil de leur retraite, les membres chercheront à tirer profit des lacunes dans la loi tout en s’exposant à des procédures au civil et au pénal éventuellement plus néfastes.

Question 2(ii) Retraite après le dépôt de la plainte mais avant son règlement

Contrairement à la situation prévue à la question 2(i), il n’est pas pertinent que le commissaire soit en position d’autorité vis-à-vis de la personne dont la conduite fait l’objet de l’enquête. De plus, puisqu’un membre ne peut décider unilatéralement de démissionner ou de prendre sa retraite, le commissaire peut ou bien refuser de le laisser partir jusqu’à la conclusion de l’enquête, ou bien émettre l’avis de renvoi à la condition que le membre visé participe à l’enquête. La Règle 10 des Ordres permanents du Commissaire (plaintes publiques) prévoit que l’enquête du commissaire sur une plainte doit être menée à terme même si le membre faisant l’objet de l’enquête a démissionné. Ce que le commissaire peut faire pour assurer la poursuite de sa propre enquête, il peut aussi le faire pour assurer la poursuite de l’enquête de la Commission. Finalement, les buts et objectifs de la partie VII de la Loi, par opposition à ceux des procédures disciplinaires qui mènent à des décisions, donnent lieu à des recommandations. Les recommandations visent à prévenir la répétition de conduites jugées répréhensibles en faisant des suggestions appropriées à la personne dont la conduite a fait l’objet d’une plainte et à la Gendarmerie en général. Lorsque la Commission fait enquête, elle s’intéresse de façon constructive à la personne dont la conduite fait l’objet de la plainte, et recherche, pour l’avenir, le bien collectif de la Gendarmerie et du public canadien. Les décisions qui se rattachent à la compétence des comités disciplinaires sur les anciens membres concernant les plaintes portées contre eux pendant qu’ils étaient membres ne sont pas nécessairement pertinentes. La procédure de règlement des plaintes du public participe dans une certaine mesure de la nature d’une procédure réelle (in rem).

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 17(3)(b).

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10, art. 2 (mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 1), 5 (mod., idem, art. 2), 7(1)(c) (mod., idem, art. 4), 10(1),(2), 23(3)(a) (mod., idem, art. 14), 24.1 (édicté, idem, art. 15), partie II (mod., idem, art. 16), partie III (édictée, idem; L.C. 1990, ch. 8, art. 65), partie IV (édictée par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 16; L.C. 1990, ch. 8, art, 66, 67), partie V (édictée par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 16; L.C. 1990, ch. 8, art. 68), partie VI (édictée par L.R.C. (1985) (2e suppl.) ch. 8, art. 16), partie VII (édictée, idem; 1990, ch. 8, art. 68), 49(2) (mod., idem, art. 20).

Loi sur le Barreau du Québec, L.R.Q., ch. B-1.

Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-33.

Ordres permanents du Commissaire (plaintes du public), DORS/88-522, Règle 10.

Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (1988), DORS/88-361, art. 76, 92(1)(g).

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (Can.) (Re), [1991] 1 C.F. 529; (1990), 34 F.T.R. 1; 123 N.R. 120 (C.A.); Maurice c. Priel, [1989] 1 R.C.S. 1023; (1989), 58 D.L.R. (4th) 736; [1989] 3 W.W.R. 673; 77 Sask. R. 22; 36 Admin. L.R. 169; 96 N.R. 175; Chalmers v. Toronto Stock Exchange (1989), 70 O.R. (2d) 532; 40 Admin. L.R. 311 (C.A.); autorisation de pourvoi devant la C.S.C. refusée (1990), 105 N.R. 398; 37 O.A.C. 399; Maurice c. Priel (1987), 46 D.L.R. (4th) 416; [1988] 1 W.W.R. 491; 60 Sask. R. 241 (C.A.).

DISTINCTION FAITE AVEC :

Sansfaçon c. Tribunal des professions, C.S. Montréal, 500-05-017992-924, 1993-04-15, J.E. 93-986; R. v. Saskatchewan College of Physicians and Surgeons et al., Ex p. Samuels (1966), 58 D.L.R. (2d) 622; 57 W.W.R. 385 (B.R. Sask.); Bohnet v. Law Society of Alberta (1992), 90 D.L.R. (4th) 373 (B.R. Alb.).

DOCTRINE

Commission d’enquête sur certaines activités de la Gendarmerie royale du Canada. Deuxième rapportvol. 1 : La liberté et la sécurité devant la loi. Ottawa : Approvisionnements et Services 1981 (Président : D.C. McDonald).

Commission des plaintes du public contre la GRC. Rapport annuel, 1989-90.

Débats de la Chambre des communes, 1re sess., 3e lég., vol. vii.

Rapport de la Commission d’enquête sur les plaintes du public, la discipline interne et le règlement des griefs au sein de la Gendarmerie royale du Canada. Ottawa : Imprimeur de la Reine, 1976 (Président : R.J. Marin).

APPEL ET APPEL INCIDENT interjetés des réponses données par le juge de première instance ([1993] 2 C.F. 351) aux questions soumises par voie de mémoire spécial, réponses selon lesquelles 1- la Commission des plaintes du public contre la GRC a compétence pour connaître d’une plainte concernant la conduite du commissaire de la GRC; et 2(i)- la Commission n’a pas compétence pour connaître d’une plainte concernant la conduite d’une personne qui a pris sa retraite ou qui a cessé d’être une personne nommée ou employée sous le régime de la Loi sur la GRC avant le dépôt de la plainte; mais 2(ii)elle a effectivement compétence pour connaître d’une plainte concernant la conduite d’une personne qui a pris sa retraite ou qui a cessé d’être une personne nommée ou employée sous le régime de la Loi sur la GRC après le dépôt de la plainte, mais avant son règlement. L’appel et l’appel incident devraient être rejetés; il faudrait répondre par l’affirmative aux questions 1 et 2(ii) et par la négative à la question 2(i).

AVOCATS :

Brian A. Crane, c.r. et Robert F. Batt pour le procureur général du Canada (appelant).

Eleanor A. Cronk et Richard B. Swan pour la Commission des plaintes du public contre la GRC (appelante à l’incident).

Leslie A. Vandor, c.r., pour Henry Jensen (intimé).

PROCUREURS :

Gowling, Strathy & Henderson, Ottawa, pour le procureur général du Canada (appelant).

Fasken, Campbell, Godfrey, Toronto, pour la Commission des plaintes du public contre la GRC (appelante à l’incident).

Vandor & Company, Ottawa, pour Henry Jensen (intimé).

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Décary, J.C.A. : En août 1990, John Ross Colvin, citoyen d’Ottawa, a déposé deux plaintes auprès de la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada (la « Commission ») aux termes de la partie VII [articles 45.35 à 45.47] de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada[1] (la « Loi »). L’une des plaintes portait sur la conduite alléguée de Norman Inkster, commissaire de la Gendarmerie royale du Canada (la « GRC »), et l’autre concernait la conduite alléguée de Henry Jensen, ex-sous-commissaire de la GRC ayant pris sa retraite en décembre 1989.

Ces deux plaintes ont été déposées par suite des circonstances entourant la divulgation prématurée des points saillants du budget fédéral d’avril 1989. Après la divulgation des points saillants, la GRC a ouvert une enquête criminelle intensive, qui a mené au dépôt d’accusations contre Douglas Small, John Appleby et Normand Bélisle. Ces accusations ont par la suite été suspendues, notamment parce que la poursuite du procès constituerait un abus de procédure. Dans ses plaintes, M. Colvin allègue que le commissaire Inkster et le sous-commissaire Jensen ont autorisé des agents subordonnés de la GRC à porter des accusations contre MM. Small, Appleby et Bélisle même s’ils savaient, ou auraient dû savoir, qu’aucun crime n’avait été commis.

D’après la nature des plaintes et le caractère éminemment public des faits à l’origine des plaintes, le président de la Commission a émis l’avis que le public pourrait juger qu’une enquête interne menée par la GRC sur la conduite de ces deux officiers supérieurs manquerait d’impartialité. Par conséquent, le président de la Commission a informé le commissaire Inkster, aux termes du paragraphe 45.43(1) de la Loi, qu’il enquêterait sur les plaintes.

Le président de la Commission a par la suite été informé que le ministère de la Justice était d’avis que la partie VII de la Loi ne conférait pas à la Commission la compétence pour statuer a) sur les plaintes concernant la conduite du commissaire et b) sur les plaintes concernant M. Jensen car, au moment du dépôt de la plainte, M. Jensen avait cessé d’être « membre » de la GRC au sens de la Loi.

Le 25 mars 1991, le président de la Commission a émis un rapport sur l’état de l’enquête concernant les plaintes déposées par M. Colvin. Il conclut qu’il n’est pas en mesure de faire des constatations et des recommandations sur l’une ou l’autre de ces plaintes et qu’il ne peut poursuivre l’enquête à cause de la position adoptée par la GRC.

Le procureur général du Canada et la Commission sont convenus, dans le mémoire spécial en date du 4 septembre 1991, de solliciter l’opinion de la Section de première instance de la Cour fédérale, en conformité avec l’alinéa 17(3)b) de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7], sur les questions suivantes[2] :

1. La Commission est-elle compétente, relativement aux parties VI et VII de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10, modifiée par L.C. 1986, ch. 11 (la « Loi »), pour connaître de la plainte concernant Inkster, énoncée dans l’exposé conjoint des faits, eu égard au fait que cette plainte porte sur la conduite alléguée du commissaire de la Gendarmerie royale du Canada (la « GRC »)?

2. La Commission est-elle compétente, relativement aux parties VI et VII de la Loi et eu égard à la plainte concernant Jensen, énoncée dans l’exposé conjoint des faits, pour connaître des plaintes touchant la conduite alléguée d’un membre de la GRC ou de toute autre personne nommée ou employée sous le régime de la Loi qui :

(i)   a pris sa retraite ou a cessé d’être membre de la GRC, ou a cessé d’être une personne nommée ou employée sous le régime de la Loi, avant le dépôt de la plainte;

(ii)  a pris sa retraite ou a cessé d’être membre de la GRC, ou a cessé d’être une personne nommée ou employée sous le régime de la Loi, après le dépôt de la plainte mais avant son règlement?

Dans son jugement, en date du 23 février 1993 [[1993] 2 C.F. 351 (1re inst.)], le juge MacKay répond par l’affirmative aux questions 1 et 2(ii) et par la négative à la question 2(i). En vertu de ce jugement, la Commission est donc autorisée à poursuivre l’examen de la plainte contre le commissaire Inkster, mais non de la plainte contre l’ex-sous-commissaire Jensen.

Le procureur général du Canada a interjeté appel contre les réponses données aux questions 1 et 2(ii), et la Commission a présenté un appel incident concernant la réponse donnée à la question 2(i).

À l’audience, nous avons exprimé nos doutes concernant l’à-propos de la question 2(ii), étant donné qu’elle ne semble pas reliée aux faits particuliers de l’espèce. Ce point n’a pas été soulevé devant le juge MacKay. Nous avons décidé, compte tenu de son rapport avec la question 2(i) et de façon à éviter aux parties et à la Cour une nouvelle audience inévitable[3], de répondre à la question 2(ii). Cette décision ne doit toutefois pas être interprétée comme une incitation à demander, en conformité avec l’alinéa 17(3)b) de la Loi sur la Cour fédérale, l’opinion de la Cour sur des questions tout à fait théoriques.

Je crois qu’il est utile de reproduire, dès le départ, le texte des principales dispositions auxquelles je ferai référence; j’ai également inclus en annexe le texte de la partie VII de la Loi, de même que les autres dispositions pertinentes [art. 2 (mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 1), 5 (mod., idem, art. 2), 24.1 (édicté, idem, art. 15)].

DÉFINITIONS

2. (1) …

« membre »

a) Personne nommée en qualité d’officier ou à tout autre titre en vertu de l’article 5 ou des alinéas 6(3)a) ou 7(1)a);

b) personne non congédiée ni renvoyée de la Gendarmerie dans les conditions prévues à la présente loi, à ses règlements ou aux consignes du commissaire.

PARTIE I

CONSTITUTION ET ORGANISATION

Commissaire

5. (1) Le gouverneur en conseil peut nommer un officier, appelé commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, qui, sous la direction du ministre, a pleine autorité sur la Gendarmerie et tout ce qui s’y rapporte.

(2) Le commissaire peut déléguer à tout membre les pouvoirs ou fonctions que lui attribue la présente loi, à l’exception du pouvoir de délégation que lui accorde le présent paragraphe, du pouvoir que lui accorde la présente loi d’établir des règles et des pouvoirs et fonctions visés à l’article 32 (relativement à toute catégorie de griefs visée dans un règlement pris en application du paragraphe 33(4)), aux paragraphes 42(4) et 43(1), à l’article 45.16, au paragraphe 45.19(5), à l’article 45.26 et aux paragraphes 45.46(1) et (2).

Commissions d’enquête

24.1 (1) Le ministre ou le commissaire peut constituer les personnes qu’il estime indiquées en commission chargée d’enquêter et de faire rapport sur toute question liée à l’organisation, la formation, la conduite, l’exercice des fonctions, la discipline, l’efficacité et la bonne administration de la Gendarmerie ou touchant un membre ou une autre personne nommée ou employée sous le régime de la présente loi.

(9) Sauf instruction contraire du ministre ou du commissaire qui a constitué la commission d’enquête, l’enquête ainsi que les audiences de celle-ci se tiennent à huis clos.

PARTIE VII

PLAINTES DU PUBLIC

Réception et enquête

45.35 (1) Tout membre du public qui a un sujet de plainte concernant la conduite, dans l’exercice de fonctions prévues à la présente loi, d’un membre ou de toute autre personne nommée ou employée sous le régime de celle-ci peut, qu’il en ait ou non subi un préjudice, déposer une plainte auprès soit :

a) de la Commission;

b) d’un membre ou de toute autre personne nommée ou employée sous le régime de la présente loi;

45.37 (1) Le président de la Commission peut porter plainte contre un membre ou toute autre personne nommée ou employée sous le régime de la présente loi, s’il est fondé à croire qu’il faudrait enquêter sur la conduite, dans l’exercice de fonctions prévues à la présente loi, de ce membre ou de cette personne. En pareil cas, sauf si le contexte s’y oppose, le mot « plaignant », employé ci-après dans la présente partie, s’entend en outre du président de la Commission.

Renvoi devant la Commission

45.43 (1) Le président de la Commission peut, s’il estime dans l’intérêt public d’agir de la sorte, tenir une enquête ou convoquer une audience pour enquêter sur une plainte portant sur la conduite, dans l’exercice de fonctions prévues à la présente loi, d’un membre ou de toute autre personne nommée ou employée sous le régime de celle-ci, que la Gendarmerie ait ou non enquêté ou produit un rapport sur la plainte, ou pris quelque autre mesure à cet égard en vertu de la présente partie.

45.46 (1) Sur réception du rapport visé aux paragraphes 45.42(3), 45.43(3) ou 45.45(14), le commissaire révise la plainte à la lumière des conclusions et des recommandations énoncées au rapport.

(2) Après révision de la plainte conformément au paragraphe (1), le commissaire avise, par écrit, le ministre et le président de la Commission de toute mesure additionnelle prise ou devant l’être quant à la plainte. S’il choisit de s’écarter des conclusions ou des recommandations énoncées au rapport, il motive son choix dans l’avis.

(3) Après examen de l’avis visé au paragraphe (2), le président de la Commission établit et transmet au ministre, au commissaire et aux parties un rapport écrit final énonçant les conclusions et les recommandations qu’il estime indiquées.

Question 1 : La compétence de la Commission à l’égard d’une plainte concernant la conduite du commissaire.

En guise d’introduction et pour situer le contexte de la présente espèce, il est utile de rappeler les propos du juge MacGuigan, J.C.A., dans l’arrêt Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (Can.) (Re) (ci-après le « Renvoi concernant la GRC »[4]) :

Il est constant que la genèse de la Loi modificative se trouve dans le Rapport de la Commission d’enquête sur les plaintes du public, la discipline interne et le règlement des griefs au sein de la Gendarmerie royale du Canada, Information Canada, Ottawa, 1976 (le rapport de la Commission Marin). Les auteurs de ce rapport recommandaient la création d’un système de traitement des plaintes du public qui soit distinct, tant sur le plan opérationnel que sur le plan fonctionnel, du système disciplinaire.

La situation que la Loi modificative visait à réformer est indubitablement exprimée avec exactitude dans la déclaration suivante de la Commission Marin (à la page 107) :

La nécessité qu’il y ait un organisme indépendant afin de réviser les mesures prises par la Gendarmerie dans le traitement des plaintes du public n’est pas fondée sur quelque histoire d’abus ou de négligence. Au contraire, nous n’avons pas trouvé beaucoup d’affaires dans lesquelles la Gendarmerie n’a pas mené une enquête approfondie ou réglé une plainte d’une façon injuste. Mais il demeure néanmoins que de nombreuses personnes peuvent difficilement comprendre comment la Gendarmerie peut à la fois agir à titre de surveillant et d’arbitre en dernier ressort en ce qui a trait aux plaintes du public. Les plaignants, les membres impliqués dans les plaintes et les Canadiens en général sont en droit d’aspirer à une confiance sans réserve à l’égard de la Gendarmerie royale du Canada. À notre avis, l’implantation d’un organisme indépendant de révision permettrait de satisfaire à de telles aspirations.

Comme l’intimé nous l’a fait remarquer, le solliciteur général de l’époque a fait écho à cette manière de voir en proposant la deuxième lecture de la Loi modificative (Débats de la Chambre des communes, 11 septembre 1985, à la page 6518) :

Je vois l’établissement de la Commission des plaintes du public comme une modification de première importance. C’est une solution contemporaine à la nécessité de traiter de façon objective, ouverte et juste les plaintes formulées contre des agents de la GRC, solution qui méritera la confiance de la population.

Ainsi donc, un objet de la loi qu’on peut dégager de la situation qu’elle visait à réformer est de protéger le public contre la tenue d’enquêtes secrètes sur ses plaintes. Mais il ressort à l’évidence d’autres éclaircissements fournis par le solliciteur général que l’on voulait aussi se protéger contre un autre abus, à savoir la mise au pilori des membres de la Gendarmerie (Débats, 11 septembre 1985, à la page 6519) :

Ce projet de loi donne suite à la plupart des recommandations de la commission Marin et l’on a passé beaucoup de temps à préparer des révisions qui aideront la GRC dans son travail tout en préservant le délicat équilibre entre la protection des droits du public et celle des membres de la GRC.

Cette observation indique que l’on se prémunit également contre les deux abus.

Pour répondre à la question 1, je crois utile d’exposer certains des scénarios envisagés par la partie VII de la Loi. La procédure, comme je le démontrerai, est complexe, et les rôles respectifs du commissaire de la GRC, du président de la Commission et de la Commission varient considérablement d’un scénario à l’autre.

Scénario no 1 :

-  plainte déposée par un membre du public (45.35(1))

-  auprès du commissaire (45.35(1)b))

-  règlement à l’amiable par le commissaire, du consentement des deux parties (45.36(1))

Scénario no 2 :

-  plainte déposée par un membre du public (45.35(1))

-  auprès du commissaire (45.35(1)b))

-  refus sommaire d’examiner la plainte opposé par le commissaire pour plusieurs motifs, notamment, parce que la plainte est futile ou a été portée de mauvaise foi (45.36(5))

Scénario no 2a :

-  si le plaignant est satisfait, fin de la procédure

Scénario no 2b :

-  si le plaignant n’est pas satisfait, il peut renvoyer sa plainte devant la Commission pour examen (45.36(6)). Voir le scénario no 7 concernant le renvoi

Scénario no 3 :

-  plainte déposée par un membre du public (45.35(1))

-  auprès de la Commission (45.35(1)b))

-  enquête menée par la GRC conformément aux règles établies par le commissaire (45.36(4), 45.38)

-  rapport du commissaire comportant un résumé de la plainte, les résultats de l’enquête, un résumé des mesures prises ou projetées (45.4)

-  le plaignant non satisfait peut renvoyer sa plainte devant la Commission pour examen (45.4d))

-  voir le scénario no 7 concernant le renvoi

Scénario no 4 :

-  plainte déposée par un membre du public (45.35(1))

-  auprès de tout membre de la GRC autre que le commissaire (45.35(1)b))

-  règlement de la plainte :

scénario no 4a : comme le scénario no 1

scénario no 4b : comme le scénario no 2

scénario no 4c : comme le scénario no 3

Scénario no 5 :

-  plainte déposée par le président de la Commission (45.37(1))

-  avis au ministre et au commissaire (45.37(2))

-  enquête menée par la GRC (45.37(4))

-  rapport établi par le commissaire comme au scénario no 3

-  possibilité de renvoi devant la Commission pour examen comme au scénario no 3

Scénario no 6 :

-  plainte portée par un membre du public (scénario no 6a) ou par le président de la Commission (scénario no 6b) (45.35, 45.37)

-  décision du président de la Commission, s’il estime dans l’intérêt public d’agir de la sorte, de faire tenir une enquête sur la plainte par la Commission elle-même, plutôt que par la GRC (45.43(1), (2))

-  rapport établi par le président de la Commission comme au scénario no 8

Scénario no 7 : (après renvoi devant la Commission pour examen)

-  le président de la Commission transmet au commissaire une copie de la plainte (45.41(2))

-  le commissaire transmet au président de la Commission un avis du refus sommaire d’examiner la plainte (scénario no 2) ou un rapport sur les résultats de l’enquête (scénario no 3)

-  le président de la Commission examine la plainte :

Scénario no 7a :

- le président de la Commission est satisfait de la décision de la GRC et transmet un rapport écrit à cet effet au ministre et au commissaire (45.42(2))

Scénario no 7b :

-  le président de la Commission n’est pas satisfait de la décision de la GRC ou est d’avis qu’une enquête plus approfondie est justifiée

Scénario no 7b(i) :

-  le président de la Commission établit et transmet au ministre et au commissaire un rapport énonçant les conclusions et les recommandations qu’il estime indiquées (45.42(3)a))

Scénario no 7b(ii) :

-  le président de la Commission demande au commissaire de tenir une enquête plus approfondie (45.42(3)b))

Scénario no 7b(iii) :

-  le président de la Commission demande à la Commission elle-même de tenir une enquête plus approfondie ou de convoquer une audience pour enquêter sur la plainte (45.42(3)c))

Scénario no 8 : (après une enquête menée par la Commission, c’est-à-dire les scénarios nos 6 et 7b(iii))

Scénario no 8a :

-  le président de la Commission établit et transmet au ministre et au commissaire un rapport énonçant les conclusions et les recommandations qu’il estime indiquées (45.43(3))

Scénario no 8b :

-  le président de la Commission convoque une audience pour enquêter sur la plainte (45.44(1))—cette audience est publique (45.45(11))—et au terme de l’audience, il établit et transmet au ministre et au commissaire son rapport (45.45(14))

Scénario no 9 : (la dernière étape)

-  sur réception du rapport du président de la Commission en vertu des scénarios nos 7b(iii), 8a et 8b, le commissaire révise la plainte à la lumière des conclusions et des recommandations énoncées au rapport (45.46(1))

-  après révision de la plainte, le commissaire avise le ministre et le président de la Commission de toute mesure additionnelle prise ou devant l’être quant à la plainte, et s’il choisit de s’écarter des conclusions ou des recommandations énoncées au rapport, il motive son choix dans l’avis (45.46(2))

-  après examen de l’avis du commissaire, le président de la Commission établit et transmet au ministre, au commissaire et aux parties un rapport écrit final énonçant les conclusions et les recommandations qu’il estime indiquées (45.46(3)).

À partir de ce qui précède, il est tout à fait justifié de conclure ce qui suit :

1. Certaines plaintes sont déposées et réglées au bureau du commissaire, et ne sont jamais transmise à la Commission (scénarios nos 1 et 2a).

2. Tout plaignant non satisfait de la façon dont sa plainte a été traitée par la GRC peut renvoyer sa plainte devant la Commission pour examen (scénarios nos 2b, 3 et 5).

3. L’examen de la plainte par la Commission peut être fait sans la participation de la GRC (scénario no 7b(iii).

4. Une plainte peut être portée par la Commission, ou au sein de la Commission, à l’égard de laquelle une enquête est menée par la Commission et le rapport établi par le président de la Commission, sans la participation du commissaire ou de la GRC (scénario no 6).

5. Toute mesure concrète prise au sein de la GRC concernant une plainte relève de la discrétion et de l’autorité du commissaire.

6. Les conclusions et recommandations de la Commission ne lient aucunement le commissaire et le ministre.

7. C’est la Commission qui a le dernier mot puisque c’est elle qui prépare le rapport final.

Ce qui me frappe, c’est que le législateur a conçu un système qui essaie de prévoir toutes les situations possibles. L’ensemble du processus reconnaît le rôle spécial du commissaire, en sa qualité de chef de la GRC et de décideur principal, chaque fois que des mesures précises au sein de la GRC sont envisagées; la Commission n’a de toute évidence pas été créée pour diminuer le rôle et les pouvoirs du commissaire au sein de la GRC. Simultanément, le processus reconnaît que la Commission, dans l’exécution de son mandat—qui consiste à faire des constatations ou des recommandations qui n’ont aucune portée obligatoire—, est aussi autonome qu’elle le peut et qu’elle le veut dans ses relations avec le commissaire lui-même et avec la GRC en général.

Les arguments présentés par le procureur général sont doubles.

Premièrement, il fait valoir que le législateur ne peut pas avoir eu l’intention d’attribuer à la Commission le pouvoir d’enquêter sur la conduite de la personne même qui, en sa qualité de chef de la GRC, a pleine autorité sur la GRC, et qui doit, dans le cadre de ses responsabilités, décider si elle doit suivre ou non les conclusions et recommandations d’organismes créés par la Loi pour examiner les plaintes et les griefs, comme le Comité externe d’examen (Partie II [articles 25 à 30 (mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 16)]) et la Commission des plaintes du public (Parties VI [art. 45.29 à 45.34 (édictée, idem)] et VII), et enfin décider des mesures qui s’imposent.

À mon avis, cet argument ne tient pas compte des différences fondamentales qui existent entre les griefs, les mesures disciplinaires et les procédures de renvoi et de rétrogradation établies aux parties III [articles 31 à 36 (édicté, idem; mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 65)], IV [articles 37 à 45.17 (édictée par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 16; mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 66, 67)] et V [articles 45.18 à 45.28 (édictée par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 16; mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 68)] de la Loi, et la procédure relative aux plaintes du public établie à la partie VII. Comme le fait observer le juge MacGuigan, J.C.A., dans le Renvoi concernant la GRC[5], le système de traitement des plaintes du public a été conçu pour être « distinct, tant sur le plan opérationnel que sur le plan fonctionnel, du système disciplinaire ».

Les parties III à V traitent des griefs, qui sont du domaine des relations du travail, et des mesures disciplinaires qui découlent des contraventions au code de déontologie (voir les paragraphes 41(1) et 43(1)). La partie VII traite de la conduite générale qui n’est pas nécessairement visée dans le cadre des relations du travail ou dans un contexte disciplinaire.

Les parties III à V s’appliquent aux membres de la GRC uniquement. La partie VII vise également toute personne nommée ou employée sous le régime de la Loi, ce qui comprend les gendarmes spéciaux (alinéa 7(1)c) [mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 4]) ainsi que le personnel civil temporaire (paragraphe 10(2)) et permanent (paragraphe 10(1))[6].

Les parties III à V mènent à des décisions concrètes qui doivent être prises en bout de ligne par le commissaire, décisions qui sont « définitives et exécutoires » et qui « sous réserve du contrôle judiciaire prévu par la Loi sur la Cour fédérale, [ne sont] pas susceptibles d’appel ou de révision en justice » (paragraphes 32(1), 45.16(7) et 45.26(6)). Par ailleurs, la partie VII mène à des conclusions et recommandations, formulées par la Commission, qui n’ont aucun effet obligatoire et qui, aux termes mêmes de la Loi, ne sont aucunement assujetties au contrôle judiciaire prévu par la Loi sur la Cour fédérale (paragraphe 45.46(3)). Il est vrai qu’en vertu de la partie VII le commissaire peut prendre les mesures qui s’imposent, mais il est douteux que ce genre de mesures puissent être comparées aux décisions prises en vertu des parties III à V.

Selon les parties III à V, c’est le commissaire qui a le dernier mot, c’est-à-dire que sa décision est définitive et exécutoire. Dans la partie VII, ce rôle revient au président de la Commission, puisque ses conclusions et recommandations constituent le « rapport final » (paragraphe 45.46(3)), sans toutefois avoir d’effet obligatoire.

Le Comité externe d’examen établi en vertu de la partie II pour étudier certains griefs en vertu de la partie III (paragraphe 33(1)) ne tient pas d’audiences publiques; ce comité siège à huis clos (paragraphe 35(10)) pour traiter des griefs déposés par les membres contre la GRC. Le mandat de la Commission établi en vertu de la partie VII pour examiner les plaintes du public est, par sa nature même, d’intérêt public et les audiences de la Commission, s’il en est, sont publiques (paragraphe 45.45(11)).

Les décisions prises par le commissaire en vertu des parties III à V concernent les membres. Elles portent sur les droits et les responsabilités d’un membre de la Gendarmerie. Les recommandations faites par la Commission en vertu de la partie VII, même si elles découlent d’une plainte portée spécifiquement contre la conduite d’un membre de la Gendarmerie, concernent les membres, bien sûr, mais elles peuvent aussi, quand les circonstances le permettent, traiter de questions de principe. Il suffit de jeter un coup d’œil aux recommandations faites par la Commission depuis sa création en 1988, et dont on trouvera des exemples dans les rapports annuels de la Commission déposés au Parlement, pour constater le rôle important que la Commission a joué au niveau des questions de principe; pourtant, je n’ai pas entendu le procureur général affirmer qu’il n’était pas du ressort de la Commission de faire des recommandations sur des questions de principe. En fait, la Commission serait amputée d’une partie importante de son rôle si elle ne pouvait pas faire ce genre de recommandations.

Le législateur a choisi d’établir, à mi-chemin entre un Comité externe d’examen dont les pouvoirs spécifiques sont limités aux griefs présentés dans le cadre des relations du travail par les membres de la GRC, et des commissions d’enquête dont les vastes pouvoirs leur permettent d’enquêter sur la conduite de la Gendarmerie elle-même (paragraphe 24(1)), une Commission des plaintes du public à qui il a conféré le pouvoir, notamment quand son président « estime dans l’intérêt public d’agir de la sorte » (paragraphe 45.43(1)), d’enquêter sur la conduite des membres et autres personnes employées à la GRC et de faire des recommandations au ministre et au commissaire. En agissant ainsi, le législateur doit avoir eu l’intention de confier à la Commission précisément ce rôle politique—aussi limité soit-il par le fait que l’enquête porte sur la conduite d’une personne en particulier—que la Commission assume depuis sa création et qu’envisageait déjà le solliciteur général dans ses observations à la Chambre des communes le 5 février 1986[7] :

Je ne pense pas que ce soit souhaitable d’établir un organisme d’enquête permanent pour étudier les questions de politique qui touchent la GRC. Selon moi, il vaut mieux avoir une commission d’examen des plaintes qui, en étudiant les circonstances entourant des plaintes précises portant sur un comportement précis, pourra examiner en même temps tout renseignement connexe qu’elle jugera approprié. Il n’y a aucun doute que la commission serait autorisée à tirer des conclusions au sujet de la politique de la GRC, comme il se doit.

Je reviendrai sur les rôles respectifs de la Commission et d’une commission d’enquête constituée aux termes du paragraphe 24(1).

Le premier argument du procureur général, se fondant sur la responsabilité ultime du commissaire de prendre les mesures qui s’imposent, doit être rejeté : il n’y a pas d’incompatibilité entre le pouvoir d’agir du commissaire et le pouvoir de faire des recommandations conféré à la Commission.

Le deuxième argument du procureur général est plus technique que le premier. Il fait valoir qu’étant donné le rôle que confère la Loi au commissaire dans la procédure de règlement des plaintes du public, le législateur n’a pas envisagé que la Loi puisse être interprétée d’une façon qui soumette le commissaire à la compétence de la Commission. Selon l’argument du procureur général, une telle interprétation ferait en sorte que le commissaire serait l’arbitre ultime d’une plainte concernant sa propre conduite, lui imposant ainsi la tâche contradictoire d’accepter ou de rejeter des conclusions ou des recommandations pouvant aller à l’encontre de ses intérêts personnels, et de prendre les mesures dictées par ces conclusions ou recommandations.

Que la partie VII de la Loi comporte quelques maladresses de rédaction, qui auraient facilement pu être évitées, je le concède aisément. Comme le note le juge de première instance, selon la définition du mot « membre », au paragraphe 2(1) de la Loi, les membres de la Commission, y compris le président, sont assujettis à la procédure de règlement des plaintes du public en vertu d’une interprétation stricte ou littérale de l’article 45.35 de la Loi. Et il est vrai, comme le soutient le procureur général, qu’un système en vertu duquel le responsable ultime serait autorisé à mener une enquête sur sa propre conduite serait un animal étrange. La Cour doit néanmoins faire de son mieux pour donner un sens au texte imprécis utilisé par le législateur.

Une plainte peut être portée concernant la conduite « d’un membre ou de toute autre personne nommée ou employée sous le régime de [la Loi] » (paragraphe 45.35(1)). Le mot « membre », défini au paragraphe 2(1), comprend une personne nommée en qualité d’officier en vertu de l’article 5 de la Loi, et c’est précisément l’article 5 qui prévoit la nomination « [d]’un officier, appelé commissaire ». Cette définition modifiée du mot « membre » a été adoptée en 1986 en même temps que la partie VII[8].

Le législateur ne peut pas avoir ignoré, en choisissant les mots qu’il a utilisés au paragraphe 45.35(1), qui est la pierre de touche de la nouvelle procédure de règlement des plaintes du public établie par cet article, qu’une plainte pourrait ainsi être portée contre la conduite du commissaire. Qui plus est, ces mêmes mots sont repris à l’alinéa 45.35(1)b) et il est incontestable qu’ils signifient qu’une plainte peut être déposée auprès du commissaire lui-même. Les mêmes mots utilisés deux fois dans le même paragraphe doivent, selon les principes d’interprétation reconnus, avoir la même signification. Ceci est encore plus vrai quand il s’agit d’un mot—« membre »—qui est expressément défini dans la Loi. Je note également qu’il n’est pas nécessaire que la plainte, quand elle est portée devant la GRC plutôt que devant la Commission, soit déposée auprès du commissaire lui-même : elle peut être déposée auprès « d’un membre », ce qui laisse supposer qu’une plainte concernant la conduite du commissaire puisse être déposée, par exemple, auprès du sous-commissaire.

Au-delà de cette précision, bien entendu, la procédure concernant le traitement des plaintes est énoncée de façon générale et se fonde, comme il se doit, sur le postulat fondamental selon lequel le commissaire « a pleine autorité sur la Gendarmerie et tout ce qui s’y rapporte » (paragraphe 5(1) de la Loi). Compte tenu du fait que le commissaire, selon le texte même du paragraphe 45.35(1), peut faire l’objet d’une enquête, que cette enquête peut être menée sans la participation de la GRC ni du commissaire (scénario no 6a) et que le paragraphe 5(2) de la Loi confère au commissaire le pouvoir de déléguer les pouvoirs ou fonctions que lui attribue la Loi et ceux qui lui incombent aux termes de la partie VII, à l’exception des pouvoirs énoncés aux paragraphes 45.46(1) et (2), le législateur pouvait présumer en toute confiance que, dans les cas où une plainte concernant la conduite du commissaire devrait être examinée par la GRC plutôt que par la Commission, le commissaire demanderait au sous-commissaire de prendre en charge la procédure d’examen jusqu’à la révision finale (paragraphes 45.46(1) et (2)), étape à laquelle le commissaire reprendrait les choses en main. J’ajouterais que je vois dans ce pouvoir de délégation accordé au commissaire, pour ce qui concerne la plus grande partie de son rôle dans la procédure d’examen des plaintes du public, un autre indice faisant présumer que sa conduite peut elle aussi faire l’objet d’une enquête.

Le deuxième argument du procureur général se réduit donc à ceci : le fait que le commissaire ne puisse déléguer ses pouvoirs de révision finale prévus aux paragraphes 45.46(1) et (2) est un indice probant selon lequel le législateur n’a pas prévu à la partie VII que la conduite du commissaire puisse faire l’objet d’une enquête.

Ici encore, à mon avis, cet argument doit être rejeté. Il faut se rappeler que le commissaire, au sein de la GRC, a toujours le dernier mot, ce qui suppose qu’il a également toute latitude pour décider de ce qu’il doit faire personnellement. Aucun membre de la Gendarmerie ne peut lui dicter sa conduite et c’eut été de s’ingérer dans le pouvoir que détient le commissaire au sein de la GRC que d’autoriser la Commission à tirer des conclusions et à faire des recommandations non obligatoires, même pour ce qui a trait à la propre conduite du commissaire, à un membre de la Gendarmerie autre que le commissaire lui-même. En vertu de la Loi, le commissaire n’est comptable qu’au ministre, et, sous sa « direction » (paragraphe 5(1)), il a « pleine autorité sur la Gendarmerie et tout ce qui s’y rapporte ». Cette hiérarchie est scrupuleusement respectée au paragraphe 45.46 : par exemple, si le commissaire décide de ne pas suivre une recommandation concernant sa propre conduite, le dernier mot revient au ministre, à qui le président de la Commission fait également parvenir son rapport final, et au public qui, s’il n’a pas déjà été informé de la procédure au moyen d’une audience publique tenue aux termes de l’article 45.44, en sera informé dans le rapport annuel de la Commission que le ministre « fait déposer devant chaque chambre du Parlement » (article 45.34).

À mon avis, la solution est celle retenue par le juge MacKay au terme d’un raisonnement remarquablement formulé : chaque fois qu’elle estime dans l’intérêt public d’agir de la sorte, la Commission dispose de tous les outils dont elle a besoin pour enquêter sur une plainte concernant la conduite du commissaire.

Il est vrai, comme le laisse entendre le procureur général, que la procédure ne prévoit pas expressément la situation où la plainte concerne la conduite du commissaire et que, par cette omission, elle donne expressément au commissaire un rôle à jouer dans cette procédure, ce qui est, à première vue, incompatible avec le fait que c’est sa propre conduite qui fait l’objet de l’enquête.

Et pourtant, on peut difficilement s’attendre à ce que le législateur ait invité ouvertement le public à déposer des plaintes contre le commissaire et qu’il ait conçu un mécanisme distinct pour ces très rares occasions où un membre du public pourrait avoir un sujet de plainte légitime contre la conduite du commissaire. Si l’occasion se présente, comme c’est le cas en l’espèce, la procédure peut facilement être adaptée et il y a, en fait, peu de choses à modifier si l’on tient compte des rôles respectifs du commissaire et du président de la Commission, ainsi que du pouvoir de délégation du commissaire.

J’ai pris note des craintes du procureur général selon lesquelles le commissaire, du fait de sa position unique au sein de la Gendarmerie, pourrait devenir le bouc émissaire faisant l’objet de toutes les plaintes portées par des individus, y compris par certains membres mécontents, qui se sentent lésés ou qui cherchent à prendre leur revanche sur une injustice présumée. À mon avis, ces craintes ne sont guère fondées. La Commission elle-même ne fait pas usage du pouvoir qui lui est attribué à l’article 45.43, à moins que le président de la Commission estime « dans l’intérêt public d’agir de la sorte ». Une plainte futile concernant la conduite du commissaire serait immédiatement rejetée par le titulaire de la délégation de pouvoir autorisée à l’article 45.36 et, même si le plaignant non satisfait demandait que sa plainte soit renvoyée devant la Commission pour examen, le président de la Commission, une fois convaincu que la plainte n’est pas fondée, en informerait le ministre et le plaignant, mettant ainsi un terme à l’affaire (scénario no 7a).

Je suis donc convaincu que le commissaire est un « membre » dont la conduite peut faire l’objet d’une enquête par la Commission et que l’autonomie complète de la Commission à l’égard de la Gendarmerie et à l’égard du commissaire a pour objet d’assurer qu’elle peut a) décider de déposer une plainte contre le commissaire ou d’enquêter sur la conduite de celui-ci; b) mener son enquête à bonne fin; et c) faire ses constatations et ses recommandations relativement à cette plainte, sans aucune ingérence de la Gendarmerie ou du commissaire et sans porter atteinte à la pleine autorité du commissaire sur la GRC et tout ce qui s’y rapporte.

Il faut donc répondre à la question no 1 par l’affirmative.

Question 2(i) : La compétence de la Commission à l’égard des plaintes concernant la conduite d’une personne qui a pris sa retraite ou qui a cessé d’être une personne nommée sous le régime de la Loi avant le dépôt de la plainte.

Une simple lecture du paragraphe 45.35(1) et une étude attentive des extraits portés à notre attention par les procureurs et tirés du Rapport de la Commission d’enquête sur les plaintes du public, la discipline interne et le règlement des griefs au sein de la Gendarmerie royale du Canada (le Rapport Marin, 1976); du premier volume du deuxième rapport de la Commission d’enquête sur certaines activités de la Gendarmerie royale du Canada [La liberté et la sécurité devant la loi] (le Rapport McDonald, 1981); du Rapport annuel 1989-90 de la Commission des plaintes du public contre la GRC et des débats de la Chambre des communes, m’ont amené à conclure que la personne faisant l’objet de la plainte doit nécessairement être membre de la Gendarmerie au moment du dépôt de la plainte.

Une plainte portée en vertu de la partie VII concerne la conduite d’un membre. Selon la définition même du mot « membre » à l’article 2 de la Loi, un ancien membre n’est pas un membre. Soutenir qu’une plainte peut concerner la conduite d’un ancien membre va à l’encontre du sens clair des mots utilisés par le législateur.

La procédure de règlement des plaintes du public suppose qu’au moment du dépôt de la plainte le commissaire est en position d’autorité relativement à la personne qui fait l’objet de la plainte. La plainte peut être déposée auprès d’un membre de la Gendarmerie (alinéa 45.35(1)b)); le commissaire a l’obligation d’aviser le membre visé par la plainte (paragraphes 45.35(4) et 45.37(3)); le commissaire peut essayer de régler à l’amiable la plainte avec le consentement du membre (paragraphe 45.36(1)); le commissaire peut établir des règles pour régir la procédure à suivre par la Gendarmerie lorsqu’elle avise les personnes intéressées (article 45.38). Si le législateur avait eu l’intention d’étendre l’autorité du commissaire à des personnes qui ne sont plus membres de la Gendarmerie ou de lui imposer une obligation légale et exécutoire, comme la signification d’un avis de plainte, relativement à une personne qui ne relève plus de son autorité, il y a lieu de croire qu’il se serait exprimé de façon expresse.

En outre, le fait que le législateur n’ait fixé aucune prescription concernant les plaintes du public est un indice, à mon avis, qu’il n’envisageait pas que les plaintes puissent être déposées contre un membre de la GRC une fois qu’il n’en est plus membre. Comme le fait observer le savant juge de première instance, prétendre que des plaintes peuvent être déposées à n’importe quel moment contre d’anciens membres équivaut à prétendre que les membres de la GRC et d’autres personnes employées par la GRC ne pourront jamais se libérer de leurs obligations après avoir quitté le service, situation qui ne se retrouve nulle part ailleurs dans la fonction publique. Un objectif aussi peu commun doit être exprimé de façon claire et précise.

Enfin, cette interprétation semble porter remède au deuxième abus signalé par le juge MacGuigan, J.C.A., dans le Renvoi concernant la GRC[9], c’est-à-dire la mise au pilori des membres de la Gendarmerie. D’après les documents auxquels nous avons fait référence ci-dessus, il ne semble pas que la possibilité d’autoriser le dépôt de plaintes concernant la conduite d’anciens membres de la GRC ait jamais été envisagée. Il convient en effet de noter que le législateur n’a pas retenu la recommandation faite dans le Rapport Marin selon laquelle le processus devrait s’appliquer aux plaintes dénonçant le défaut, par la Gendarmerie, de répondre aux aspirations du public[10] et qu’il a choisi d’accorder à des commissions d’enquête nommées par le ministre ou le commissaire, aux termes du paragraphe 24(1) de la Loi, plutôt qu’à la Commission elle-même, le pouvoir général de faire enquête sur la conduite des membres de la GRC.

De toute évidence, à mon avis, le législateur avait l’intention de restreindre, ce qu’il a effectivement fait, la compétence de la Commission à l’examen de plaintes précises portant sur des comportements précis et il s’est bien gardé d’établir, pour reprendre les mots du solliciteur général, « un organisme d’enquête permanent pour étudier les questions de politique qui touchent la GRC ». Accepter l’argument de la Commission selon lequel sa compétence s’étend aux plaintes déposées après le renvoi d’un membre dont la conduite fait l’objet d’une plainte équivaut à faire de la Commission cet organisme d’enquête permanent que le législateur a précisément choisi de ne pas établir, optant plutôt pour la constitution de commissions d’enquête spéciales. Le public et la Commission ont le droit de porter plainte, mais uniquement en ce qui a trait à la conduite spécifique des membres de la Gendarmerie toujours en activité. Ce n’est pas à moi de décider si le législateur aurait dû aller plus loin dans cette voie.

Je me rends bien compte que la conduite des membres, dans les derniers moments de leur carrière, peut échapper à l’examen public de la Commission, étant donné qu’en pratique les plaintes ne peuvent pas toujours être déposées avant leur renvoi. La conduite des membres pourrait néanmoins faire l’objet de procédures au civil ou au criminel, si besoin est, ou de tout autre type d’enquête. Mon rôle n’est pas de pallier ce que d’aucuns considèrent comme une lacune de la Loi, et je ne suis non plus disposé à supposer qu’au seuil de leur retraite les membres agiront de façon à tirer profit de cette lacune tout en s’exposant à d’autres types d’enquête, dont les effets sur leur réputation peuvent être encore plus néfastes. À mon avis, il s’agit là d’un argument fondé sur la crainte qui a été rejeté à bon droit par le juge Cory dans l’arrêt Maurice c. Priel[11].

Bien entendu, ma décision se fonde sur le texte de la Loi sur la GRC et sur le rôle spécial qui est conféré à la Commission en vertu de cette Loi. Il faut se garder, dans des cas comme celui en l’espèce, de suivre aveuglément les décisions rendues dans un contexte législatif différent et au sujet de tribunaux disciplinaires plus traditionnels. Cela dit, je me rends compte que j’en arrive à la même conclusion que la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Maurice c. Priel[12] et la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt Chalmers v. Toronto Stock Exchange[13]. Dans l’arrêt Sansfaçon c. Tribunal des professions[14], le juge Lévesque est parvenu à une conclusion différente dans une cause dans laquelle la Loi sur le Barreau du Québec [L.R.Q., ch. B-1] étendait expressément la compétence du Comité de discipline du Barreau aux personnes n’étant plus membres de cette corporation.

Je répondrais donc à la question 2(i) par la négative.

Question 2(ii) La compétence de la Commission à l’égard des plaintes concernant la conduite d’une personne qui a pris sa retraite ou qui a cessé d’être une personne nommée sous le régime de la Loi, après le dépôt de la plainte mais avant son règlement.

Le procureur général s’appuie de nouveau sur le sens à donner au mot « membre » utilisé à l’article 45.35. Il prétend que la définition du mot « membre » à l’article 2 de la Loi signifie clairement que la procédure de règlement des plaintes du public ne s’applique plus lorsque le membre dont la conduite fait l’objet de l’enquête cesse d’être membre de la GRC. Il ajoute que, chaque fois que le législateur a voulu faire référence aux anciens membres, il l’a fait expressément, comme en témoignent l’alinéa 23(3)a) [mod., idem, art. 14] et le paragraphe 49(2) [mod., idem, art. 20] de la Loi, ainsi que l’article 76 et l’alinéa 92(1)g) du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (1988)[15] (le « Règlement sur la GRC »).

Avec égards, l’argument présenté au nom du procureur général élude la question. Il ne fait aucun doute qu’une plainte ne peut porter que sur la conduite d’une personne dans l’exercice de ses fonctions prévues à la Loi et que la conduite d’une personne qui, à l’époque des faits reprochés, n’était pas membre ou n’était plus membre ne peut faire l’objet de la plainte. Autrement dit, il est clair que la seule conduite pouvant faire l’objet d’une enquête est la conduite d’un membre de la GRC dans l’exercice de ses fonctions. Toutefois, il reste à savoir si cette conduite ne peut faire l’objet d’une enquête que lorsque le membre visé est toujours membre de la GRC.

Contrairement à la situation prévue à la question 2(i), une fois que la plainte est portée et que la Commission a eu la possibilité de mener sa propre enquête ou de tenir sa propre audience, il n’est pas pertinent que le commissaire soit en position d’autorité vis-à-vis la personne dont la conduite fait l’objet de l’enquête. L’avis relatif à la décision de tenir une audience est transmis par le président de la Commission, et non par le commissaire, au membre visé (paragraphe 45.44(1)) et, à partir de ce moment, il n’est pas nécessaire que le commissaire communique avec le membre visé, et il n’est d’ailleurs aucunement tenu de le faire. Même après avoir reçu le rapport de la Commission et avoir révisé la plainte, le commissaire n’est nullement tenu d’informer le membre de sa décision de suivre les recommandations qui lui ont été faites ou de s’en écarter (paragraphe 45.46(2)).

De plus, même en supposant l’existence d’une telle obligation, on peut présumer que le commissaire aurait été dans une position d’autorité, après le dépôt de la plainte et avant la mise à la retraite ou le renvoi du membre, et aurait pu lui demander de participer à l’enquête, malgré qu’il ne soit plus membre de la GRC. Comme le fait observer l’avocat du procureur général du Canada, la Loi et le Règlement sur la GRC exigent la signification d’un avis de renvoi avant qu’un membre puisse démissionner ou prendre sa retraite; il n’est tout simplement pas du pouvoir d’un membre de la GRC de décider unilatéralement de démissionner ou de prendre sa retraite. Le commissaire pourrait donc soit exiger que le membre reste en fonction jusqu’à la conclusion de l’enquête, soit émettre l’avis de renvoi à la condition que le membre visé participe à l’enquête[16].

Cette interprétation est fortement appuyée par la position adoptée par le commissaire lui-même dans l’exercice du pouvoir qui lui est conféré à l’article 45.38 de la Loi, quand il établit des règles concernant les plaintes du public sous forme d’ordres permanents[17], qui renferment la disposition suivante :

10. Toute enquête sur une plainte doit être menée à terme, même si le membre ou l’autre personne dont la conduite fait l’objet de la plainte quitte la Gendarmerie.

Bien entendu, la Règle 10 ne s’applique pas aux enquêtes menées par la Commission, mais elle indique clairement que, même dans l’esprit du commissaire quand il tient sa propre enquête, le fait que la personne dont la conduite fait l’objet de la plainte ne soit plus membre de la Gendarmerie ne constitue un obstacle ni théorique ni pratique à la poursuite de cette enquête. De toute évidence, ce que le commissaire peut faire, avant le renvoi, pour assurer la poursuite de sa propre enquête, il peut aussi le faire pour assurer la poursuite de l’enquête de la Commission.

Le fait que l’expression « ancien membre » ne soit pas mentionnée ne porte pas à conséquence. Il est clair, comme je l’ai déjà indiqué, que les anciens membres sont visés par la procédure uniquement s’ils étaient membres de la Gendarmerie au moment où la conduite qui leur est reprochée s’est produite. Puisque le législateur a retenu, comme éléments déterminants, le moment où la conduite reprochée a eu lieu et celui du dépôt de la plainte, plutôt que le moment d’appartenance à la GRC, il n’était pas nécessaire de faire référence aux « anciens membres ». Les articles de la Loi et du Règlement qu’on nous a cités qui font emploi des mots « ancien membre » sont des articles qui, ou bien accordent des avantages dont seraient exclus les anciens membres n’eut été de cette référence explicite ou bien, et je me réfère spécifiquement au paragraphe 49(2) de la Loi, créent des infractions comportant une exception spéciale en faveur des anciens membres.

Toutefois, l’argument le plus probant se trouve dans la nature même de la Commission. Comme je l’ai déjà dit, la procédure de règlement des plaintes du public ne peut pas et ne doit pas être comparée aux procédures disciplinaires déjà visées à la partie IV de la Loi. Les buts et objectifs des procédures disciplinaires sont très différents de ceux poursuivis à la partie VII de la Loi. Ces procédures disciplinaires mènent à des décisions; elles servent généralement à déterminer la culpabilité ou l’innocence de la personne qui fait l’objet de la plainte. Au besoin, une forme quelconque de punition en découle. Elles s’adressent à la personne visée en tant que membre de la GRC, pour déterminer si elle peut conserver ce statut à la lumière de la faute alléguée. Si la personne visée n’est plus membre de la profession ou du métier en question, la procédure perd tout simplement sa raison d’être et elle est abandonnée à moins, bien entendu, que la loi habilitante ne contienne des dispositions contraires (voir note 16).

Au contraire, les buts et objectifs de la partie VII de la Loi mènent à des recommandations. Les recommandations de la Commission visent à prévenir la répétition de conduites jugées répréhensibles en faisant des suggestions appropriées à la personne dont la conduite a fait l’objet d’une plainte (si elle est toujours membre de la GRC) et à la Gendarmerie en général. Au bout du compte, on peut dire que la Commission, en enquêtant sur une plainte, s’intéresse de façon constructive à la personne dont la conduite fait l’objet de la plainte, et recherche, pour l’avenir, le bien collectif de la Gendarmerie et du public canadien. Pour reprendre les mots du juge MacGuigan, J.C.A., dans le Renvoi concernant la GRC[18], « la Commission agit plutôt comme un protecteur du citoyen capable de persuader l’autorité ultime, le commissaire ».

Voilà pourquoi les décisions qui se rattachent à la compétence des comités disciplinaires sur les anciens membres concernant les plaintes portées contre eux pendant qu’ils étaient membres, ne sont pas nécessairement pertinentes[19]. Il est toutefois intéressant de noter les observations formulées par le juge Disbery, dans l’arrêt Samuels, à la page 646 :

[traduction] Lorsque les accusations ont été portées et aussi lors de l’audience en novembre, il était membre en règle et, en tant que tel, il était assujetti aux pouvoirs disciplinaires de l’Ordre des médecins et devait donc répondre devant le Comité de discipline de toute faute commise pendant qu’il était membre et dont le Comité pouvait faire la preuve. Il ne peut empêcher l’Ordre de rendre sa décision finale relativement à l’accusation portée contre lui en refusant délibérément de payer sa cotisation pour que son nom soit rayé du tableau de l’Ordre. Aucune disposition de la Loi n’empêche le Comité de discipline de mener à terme la procédure engagée pendant que le médecin était membre de l’Ordre des médecins, même si cette procédure se termine après qu’il a cessé d’être membre …

Il est également utile de citer les observations du juge en chef Bayda, qui a prononcé l’opinion majoritaire de la Cour d’appel de la Saskatchewan dans l’arrêt Maurice v. Priel[20], maintenu en Cour suprême :

[traduction] Les dispositions disciplinaires ont pour but de sanctionner les fautes commises par les avocats de cette province dans l’exercice de leur profession en appliquant, principalement (mais non exclusivement), des moyens de dissuasion d’ordre économique. L’avocat contrevenant peut être tenu de payer une amende ou de subir les conséquences économiques qu’entraîne une suspension ou même une radiation permanente du tableau de l’Ordre. L’intention est de punirde sorte que l’objectif de la Loi puisse ultimement être atteint. Le but est de protéger le public et de promouvoir son bien-être en assurant le maintien de normes professionnelles élevées dans la pratique du droit et dans l’administration de la justice en général.

Il est important de garder à l’esprit quelle n’est pas l’intention de ces dispositions disciplinaires. Leur intention n’est pas d’établir des précédents sur lesquels les avocats pourront adapter leur conduite dans l’avenir, bien qu’il s’agisse peut-être là de l’un des effets bénéfiques découlant de ces procédures disciplinaires. Leur intention n’est pas non plus de faire des déclarations pour démarquer une conduite professionnelle d’une conduite non professionnelle. Il ne s’agit pas de faire de la censure ou de la morale, sur un ton noble et vain, au sujet des fautes passées. En fait, ces procédures ne mettent pas l’accent sur la conduite, mais bien sur la personne. Elles ne tiennent pas de la nature d’une action réelle (in rem), mais bien d’une action personnelle (in personam). Si, pour une raison quelconque, il est impossible de punir la personne visée, la Loi ne prévoit pas que la procédure doive tout de même être intentée pour, à tout le moins, « condamner » la conduite alléguée en rendant une décision appropriée. Si les mesures disciplinaires ne peuvent s’appliquer contre personne, alors la procédure n’aboutit à rien.

En l’espèce, je n’ai aucune difficulté à conclure que la procédure de règlement des plaintes du public participe dans une certaine mesure de la nature d’une procédure réelle (in rem). Si le législateur a pris la peine d’établir une commission nouvelle et indépendante en vue de rétablir la confiance des Canadiens dans la procédure de traitement des plaintes par la GRC, ce n’est certes pas dans l’intention que des plaintes dûment portées pour dénoncer la conduite des membres de la GRC soient sommairement abandonnées parce que ceux-ci ont été libérés de la Gendarmerie après le dépôt de la plainte.

Je répondrais donc à la question 2(ii) par l’affirmative.

Si l’on examine les questions 2(i) et (ii) ensemble, à mon avis, on peut tirer une certaine logique de la réponse donnée à chacune d’entre elles. Étant donné que la Commission n’est pas une commission d’enquête permanente, ni même spéciale, chargée d’enquêter sur la conduite de la Gendarmerie elle-même, elle n’est pas compétente pour connaître des plaintes ayant trait, au moment de leur dépôt, à d’anciens membres de la Gendarmerie; et parce que la Commission ne peut être assimilée à un comité de discipline, on lui a donné compétence pour poursuivre l’enquête même si le membre visé cesse d’être membre de la Gendarmerie entre le dépôt de la plainte et son règlement.

De cette façon, les deux abus signalés par le juge MacGuigan, J.C.A., dans le Renvoi sur la GRC[21] sont évités : la confiance du public dans la procédure établie pour examiner des plaintes spécifiques concernant la conduite des membres de la GRC est rétablie grâce à la création d’une commission entièrement indépendante de la GRC, et la possibilité que les membres puissent être mis au pilori est considérablement amoindrie par le fait que la Commission n’est pas autorisée à entendre les plaintes dénonçant la conduite de personnes qui ne sont plus membres de la GRC.

Dans son Rapport annuel, 1989-90, à la page 111, la Commission fait observer que « bien des choses se sont passées depuis le rapport de la Commission Marin, en 1976 », que « l’idée qui a présidé aux solutions adoptées dans la Partie VII a peut-être été dépassée par les événements dans le domaine de l’examen par un organisme externe » et qu’« à un moment donné, il faudrait réexaminer l’application des grandes questions de principe à la partie VII de la Loi sur la GRC ».

Ne pouvant effectuer ce réexamen, qui n’est pas de son ressort, la Cour accueillerait certainement de façon très favorable des précisions sur ces questions, précisions qui s’imposent, comme en témoignent les présents motifs.

CONCLUSION

Il faut donc répondre aux trois questions posées dans le mémoire spécial visant à obtenir l’opinion de la Cour de la manière suggérée par le juge MacKay.

L’appel principal et l’appel incident devraient être rejetés. Les dépens de l’appel incident devraient être adjugés à M. Jensen à l’encontre de la Commission. Les dépens de l’appel principal devraient être adjugés à la Commission à l’encontre du procureur général du Canada.

Le juge Hugessen, J.C.A. : Je souscris à ces motifs.

Le juge Linden, J.C.A. : Je souscris à ces motifs.

* * *

ANNEXE

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10, modifiée par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8 et par L.C. 1990, ch. 8

PARTIE III

GRIEFS

Présentation des griefs

32. (1) Le commissaire constitue le dernier niveau de la procédure applicable aux griefs; sa décision est définitive et exécutoire et, sous réserve du contrôle judiciaire prévu par la Loi sur la Cour fédérale, n’est pas susceptible d’appel ou de révision en justice.

(2) Le commissaire n’est pas lié par les conclusions ou les recommandations contenues dans un rapport portant sur un grief renvoyé devant le Comité conformément à l’article 33; s’il choisit de s’en écarter, il doit toutefois motiver son choix dans sa décision.

PARTIE IV

DISCIPLINE

Mesures disciplinaires simples

42. …

(6) Le commissaire constitue le dernier niveau de la procédure d’appel relativement aux appels interjetés par des officiers contre les mesures disciplinaires simples visées aux alinéas 41(1)e) à g) et relativement aux appels interjetés par des membres, autres que les officiers, contre la mesure disciplinaire simple visée à l’alinéa 41(1)g); la décision du commissaire à cet égard est définitive et exécutoire et, sous réserve du contrôle judiciaire prévu par la Loi sur la Cour fédérale, n’est pas susceptible d’appel ou de révision en justice.

Appel

45.16

(6) Le commissaire n’est pas lié par les conclusions ou les recommandations contenues dans un rapport portant sur une affaire qui a été renvoyée devant le Comité conformément à l’article 45.15; s’il choisit de s’en écarter, il doit toutefois motiver son choix dans sa décision.

(7) La décision du commissaire portant sur un appel interjeté en vertu de l’article 45.14 est définitive et exécutoire et, sous réserve du contrôle judiciaire prévu par la Loi sur la Cour fédérale, n’est pas susceptible d’appel ou de révision en justice.

PARTIE V

RENVOI ET RÉTROGRADATION

Appel

45.26

(5) Le commissaire n’est pas lié par les conclusions ou les recommandations contenues dans un rapport portant sur une affaire qui a été renvoyée devant le Comité conformément à l’article 45.25; s’il choisit de s’en écarter, il doit toutefois motiver son choix dans sa décision.

(6) La décision du commissaire portant sur un appel interjeté en vertu de l’article 45.24 est définitive et exécutoire et, sous réserve du contrôle judiciaire prévu par la Loi sur la Cour fédérale, n’est pas susceptible d’appel ou de révision en justice.

PARTIE VI

COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC CONTRE LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Constitution et organisation de la Commission

45.29 (1) Est constituée la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada composée d’un président, d’un vice-président, d’un représentant de chacune des provinces contractantes et d’au plus trois autres membres, nommés par décret du gouverneur en conseil.

(6) Un membre de la Gendarmerie ne peut faire partie de la Commission.

45.3 (1) Le président de la Commission en assure la direction et contrôle la gestion de son personnel.

Rapport annuel

45.34 Le président de la Commission présente au ministre, dans les trois premiers mois de chaque exercice, le rapport d’activité de la Commission pour l’exercice précédent, et y joint ses recommandations, le cas échéant. Le ministre le fait déposer devant chaque chambre du Parlement dans les quinze premiers jours de séance de celle-ci suivant sa réception.

PARTIE VII

PLAINTES DU PUBLIC

Réception et enquête

45.35 (1) Tout membre du public qui a un sujet de plainte concernant la conduite, dans l’exercice de fonctions prévues à la présente loi, d’un membre ou de toute autre personne nommée ou employée sous le régime de celle-ci peut, qu’il en ait ou non subi un préjudice, déposer une plainte auprès soit :

a) de la Commission;

b) d’un membre ou de toute autre personne nommée ou employée sous le régime de la présente loi;

c) de l’autorité provinciale dans la province d’origine du sujet de plainte, compétente pour recevoir des plaintes et faire enquête.

(2) Il est accusé réception par écrit des plaintes déposées conformément au paragraphe (1), si le plaignant le demande ou si la plainte a été faite par écrit.

(3) Toutes les plaintes sont portées à l’attention du commissaire.

(4) Dès qu’il est avisé du dépôt d’une plainte, le commissaire avise par écrit le membre ou l’autre personne, dont la conduite fait l’objet de la plainte, de la teneur de celle-ci, pour autant qu’il soit d’avis qu’une telle mesure ne risque pas de nuire à la conduite d’une enquête sur la question.

45.36 (1) Le commissaire doit considérer si la plainte peut être réglée à l’amiable et, moyennant le consentement du plaignant et du membre ou de la personne visés par la plainte, il peut tenter de la régler ainsi.

(2) Les réponses ou déclarations faites, dans le cadre d’une tentative de règlement à l’amiable, par le plaignant ou par le membre ou l’autre personne, dont la conduite fait l’objet de la plainte, ne peuvent être utilisées ni ne sont recevables dans des poursuites pénales, civiles ou administratives, sauf s’il s’agit d’une audience tenue en vertu de l’article 45.1 portant sur l’allégation selon laquelle un membre a fait une telle réponse ou déclaration, qu’il savait fausse, dans l’intention de tromper.

(3) Tout règlement amiable doit être consigné et approuvé par écrit par le plaignant; il doit de plus être notifié au membre ou à la personne visés par la plainte.

(4) À défaut d’un tel règlement, la plainte fait l’objet d’une enquête par la Gendarmerie selon les règles établies en vertu de l’article 45.38.

(5) Par dérogation aux autres dispositions de la présente partie, le commissaire peut refuser qu’une plainte fasse l’objet d’une enquête ou ordonner de mettre fin à une enquête déjà commencée si, à son avis :

a) il est préférable de recourir, au moins initialement, à une procédure prévue par une autre loi fédérale;

b) la plainte est futile ou vexatoire ou a été portée de mauvaise foi;

c) compte tenu des circonstances, il n’est pas nécessaire ou raisonnablement praticable de procéder à une enquête ou de poursuivre l’enquête déjà commencée.

(6) Le commissaire, s’il rend une décision conformément au paragraphe (5), transmet au plaignant et, lorsqu’ils ont été avisés conformément au paragraphe 45.35(4), au membre ou à l’autre personne dont la conduite fait l’objet de la plainte, un avis écrit de la décision, de ses motifs et du droit du plaignant de renvoyer sa plainte devant la Commission pour examen, en cas de désaccord.

45.37 (1) Le président de la Commission peut porter plainte contre un membre ou toute autre personne nommée ou employée sous le régime de la présente loi, s’il est fondé à croire qu’il faudrait enquêter sur la conduite, dans l’exercice de fonctions prévues à la présente loi, de ce membre ou de cette personne. En pareil cas, sauf si le contexte s’y oppose, le mot « plaignant », employé ci-après dans la présente partie, s’entend en outre du président de la Commission.

(2) Le président de la Commission avise le ministre et le commissaire des plaintes qu’il porte en vertu du paragraphe (1).

(3) Dès qu’il est avisé d’une plainte conformément au paragraphe (2), le commissaire avise par écrit le membre ou l’autre personne, dont la conduite fait l’objet de la plainte, de la teneur de celle-ci, pour autant qu’il soit d’avis qu’une telle mesure ne risque pas de nuire à la conduite d’une enquête sur la question.

(4) Une plainte portée en vertu du paragraphe (1) fait l’objet d’une enquête menée par la Gendarmerie selon les règles établies en vertu de l’article 45.38.

45.38 Le commissaire peut établir des règles pour régir la procédure que doit suivre la Gendarmerie lorsqu’elle enquête sur une plainte ou tente de la régler, ou, de façon générale, lorsqu’elle traite d’une plainte.

45.39 Au plus tard quarante-cinq jours après avoir été avisé d’une plainte et, par la suite, tous les mois pendant la durée de l’enquête, le commissaire avise par écrit le plaignant et le membre ou l’autre personne dont la conduite fait l’objet de la plainte, de l’état d’avancement de l’enquête, pour autant qu’il soit d’avis qu’une telle mesure ne risque pas de nuire à la conduite de toute enquête sur la question.

45.4 Au terme de l’enquête, le commissaire transmet au plaignant et au membre ou à l’autre personne dont la conduite fait l’objet de la plainte un rapport comportant les éléments suivants :

a) un résumé de la plainte;

b) les résultats de l’enquête;

c) un résumé des mesures prises ou projetées pour régler la plainte;

d) s’il s’agit d’une plainte déposée en vertu du paragraphe 45.35(1), la mention du droit qu’a le plaignant, en cas de désaccord sur le règlement de la plainte par la Gendarmerie, de renvoyer la plainte devant la Commission pour examen.

Renvoi devant la Commission

45.41 (1) Le plaignant visé au paragraphe 45.35(1) qui n’est pas satisfait du règlement de sa plainte par la Gendarmerie ou de la décision rendue en vertu du paragraphe 45.36(5) à l’égard de sa plainte peut renvoyer par écrit sa plainte devant la Commission pour examen.

(2) En cas de renvoi devant la Commission conformément au paragraphe (1) :

a) le président de la Commission transmet au commissaire une copie de la plainte;

b) le commissaire transmet au président de la Commission l’avis visé au paragraphe 45.36(6) ou le rapport visé à l’article 45.4 relativement à la plainte, ainsi que tout autre document pertinent placé sous la responsabilité de la Gendarmerie.

45.42 (1) Le président de la Commission examine chacune des plaintes qui sont renvoyées devant la Commission conformément au paragraphe 45.41(1) ou qui sont portées en application du paragraphe 45.37(1), à moins qu’il n’ait déjà fait enquête ou convoqué une audience pour faire enquête en vertu de l’article 45.43.

(2) Après examen de la plainte, le président de la Commission, s’il est satisfait de la décision de la Gendarmerie, établit et transmet un rapport écrit à cet effet au ministre, au commissaire, au membre ou à l’autre personne dont la conduite fait l’objet de la plainte et, dans le cas d’une plainte en vertu du paragraphe 45.35(1), au plaignant.

(3) Après examen de la plainte, le président de la Commission, s’il n’est pas satisfait de la décision de la Gendarmerie ou s’il est d’avis qu’une enquête plus approfondie est justifiée, peut :

a) soit établir et transmettre au ministre et au commissaire un rapport écrit énonçant les conclusions et les recommandations qu’il estime indiquées;

b) soit demander au commissaire de tenir une enquête plus approfondie sur la plainte;

c) soit tenir une enquête plus approfondie ou convoquer une audience pour enquêter sur la plainte.

45.43 (1) Le président de la Commission peut, s’il estime dans l’intérêt public d’agir de la sorte, tenir une enquête ou convoquer une audience pour enquêter sur une plainte portant sur la conduite, dans l’exercice de fonctions prévues à la présente loi, d’un membre ou de toute autre personne nommée ou employée sous le régime de celle-ci, que la Gendarmerie ait ou non enquêté ou produit un rapport sur la plainte, ou pris quelque autre mesure à cet égard en vertu de la présente partie.

(2) Par dérogation aux autres dispositions de la présente partie, en cas d’enquête ou de convocation d’une audience conformément au paragraphe (1), la Gendarmerie n’est pas tenue d’enquêter ou de produire un rapport sur la plainte, ou de prendre quelque autre mesure à cet égard avant que le commissaire n’ait reçu le rapport visé au paragraphe (3) ou le rapport provisoire visé au paragraphe 45.45(14).

(3) Au terme de l’enquête prévue à l’alinéa 45.42(3)c) ou du paragraphe (1), le président de la Commission établit et transmet au ministre et au commissaire un rapport écrit énonçant les conclusions et les recommandations qu’il estime indiquées, à moins qu’il n’ait déjà convoqué une audience, ou se propose de le faire, pour faire enquête en vertu de cet alinéa ou paragraphe.

45.44 (1) Le président de la Commission, s’il décide de convoquer une audience pour enquêter sur une plainte en vertu des paragraphes 45.42(3) ou 45.43(1), désigne le ou les membres de la Commission qui tiendront l’audience, transmet un avis écrit de sa décision au ministre et en signifie copie au ministre, au commissaire, au membre ou à l’autre personne dont la conduite fait l’objet de la plainte et, dans le cas d’une plainte en vertu du paragraphe 45.35(1), au plaignant.

(2) Dans les cas où la plainte faisant l’objet de l’audience porte sur la conduite, dans le cadre de services fournis en exécution d’arrangements conclus en vertu de l’article 20, le membre de la Commission représentant la province où la cause de la plainte a pris naissance doit être désigné, seul ou avec d’autres membres de la Commission, pour tenir l’audience.

45.45 (1) Pour l’application du présent article, le ou les membres qui tiennent l’audience sont réputés être la Commission.

(2) La Commission signifie aux parties un avis écrit de la date, de l’heure et du lieu de l’audience.

(3) Lorsqu’une partie désire comparaître devant la Commission, celle-ci siège à la date, à l’heure et à l’endroit au Canada qu’elle détermine eu égard à la situation des parties.

(4) La Commission dispose, relativement à la plainte dont elle est saisie, des pouvoirs dont jouit une commission d’enquête en vertu des alinéas 24.1(3)a), b) et c).

(5) Les parties et toute personne qui convainc la Commission qu’elle a un intérêt direct et réel dans la plainte dont celle-ci est saisie doivent avoir toute latitude de présenter des éléments de preuve à l’audience, d’y contre-interroger les témoins et d’y faire des observations, soit personnellement, soit par l’intermédiaire d’un avocat.

(6) La Commission doit permettre aux témoins de se faire représenter à l’audience par avocat.

(7) L’officier compétent peut en outre se faire représenter ou assister à l’audience par un autre membre.

(8) Par dérogation au paragraphe (4), la Commission ne peut recevoir ou accepter :

a) sous réserve du paragraphe (9), des éléments de preuve ou autres renseignements non recevables devant un tribunal du fait qu’ils sont protégés par le droit de la preuve;

b) les réponses ou déclarations faites en réponse aux questions visées au paragraphes 24.1(7), 35(8), 40(2), 45.1(11) ou 45.22(8);

c) les réponses ou déclarations faites à la suite des questions visées au paragraphe (9) lors de toute audience tenue en vertu du présent article pour enquêter sur une autre plainte;

d) les réponses ou déclarations faites dans le cadre d’une tentative de règlement à l’amiable en vertu de l’article 45.36.

(9) Au cours de l’audience, un témoin n’est pas dispensé de répondre aux questions portant sur la plainte dont est saisie la Commission lorsque celle-ci l’exige, au motif que sa réponse peut l’incriminer ou l’exposer à des poursuites ou à une peine.

(10) Dans le cas où le témoin est un membre, les réponses ou déclarations faites à la suite des questions visées au paragraphe (9) ne peuvent être utilisées ni ne sont recevables contre lui au cours d’une audience tenue en vertu de l’article 45.1 et portant sur l’allégation selon laquelle il a contrevenu au code de déontologie, autre qu’une audience portant sur l’allégation selon laquelle il a fait une telle réponse ou déclaration, qu’il savait fausse, dans l’intention de tromper.

(11) Les audiences sont publiques; toutefois, la Commission peut ordonner le huis clos pendant tout ou partie d’une audience si elle estime qu’au cours de celle-ci seront probablement révélés :

a) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de porter préjudice à la défense du Canada ou d’États alliés ou associés avec le Canada ou à la détection, à la prévention ou à la répression d’activités hostiles ou subversives;

b) des renseignements risquant d’entraver la bonne exécution des lois;

c) des renseignements concernant les ressources pécuniaires ou la vie privée d’une personne dans le cas où l’intérêt de cette personne l’emporte sur l’intérêt du public dans ces renseignements.

(14) Au terme de l’audience, la Commission établit et transmet au ministre et au commissaire un rapport écrit énonçant les conclusions et les recommandations qu’elle estime indiquées.

45.46 (1) Sur réception du rapport visé aux paragraphes 45.42(3), 45.43(3) ou 45.45(14), le commissaire révise la plainte à la lumière des conclusions et des recommandations énoncées au rapport.

(2) Après révision de la plainte conformément au paragraphe (1), le commissaire avise, par écrit, le ministre et le président de la Commission de toute mesure additionnelle prise ou devant l’être quant à la plainte. S’il choisit de s’écarter des conclusions ou des recommandations énoncées au rapport, il motive son choix dans l’avis.

(3) Après examen de l’avis visé au paragraphe (2), le président de la Commission établit et transmet au ministre, au commissaire et aux parties un rapport écrit final énonçant les conclusions et les recommandations qu’il estime indiquées.

45.47 Le commissaire :

a) établit et conserve un dossier de toutes les plaintes reçues par la Gendarmerie en application de la présente partie;

b) fournit à la Commission, à sa demande, tout renseignement contenu dans le dossier.



[1] L.R.C. (1985), ch. R-10, édictée par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 16; L.C. 1990, ch. 8, art. 68.

[2] [1993] 2 C.F. 351, à la p. 360.

[3] La Cour prend connaissance du fait qu’après l’audience et, bien entendu, sans qu’il n’y ait aucun lien avec celle-ci, le commissaire Inkster a annoncé qu’il prenait sa retraite. La question 2(ii) aurait donc pu se poser concrètement.

[4] [1991] 1 C.F. 529 (C.A.), aux p. 555 et 556.

[5] Voir note 4, à la p. 555.

[6] On pourrait prétendre que le personnel civil permanent qui, aux termes de l’art. 10(1), est nommé ou employé en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique [L.R.C. (1985), ch. P-33], n’est pas « nommé ou employé sous le régime de la [Loi] » (Loi sur la GRC) (je souligne), au sens de l’art. 45.35(1).

[7] Débats de la Chambre des communes, 1re sess., 33e lég., vol. vii, à la p. 10498.

[8] L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8.

[9] Voir note 4 ci-dessus.

[10] Voir : Commission des plaintes du public contre la GRC, Rapport annuel, 1989-1990, à la p. 64.

[11] [1989] 1 R.C.S. 1023, à la p. 1032.

[12] Voir note 11 ci-dessus.

[13] (1989), 70 O.R. (2d) 532 (l’autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada a été refusée le 22 février 1990, C.S.C. 21710 [(1990), 105 N.R. 398]).

[14] 15 avril 1993, 500-05-017992-924 (C.S.Q.).

[15] DORS/88-361.

[16] Je note avec intérêt que, dans l’arrêt Maurice c. Priel, note 11 ci-dessus, le juge Cory fait observer ce qui suit à la p. 1032, en réponse à l’argument fondé sur la crainte selon lequel les membres peuvent démissionner de la Law Society juste avant l’audition en matière de discipline : « De toute façon, il convient de souligner que la Loi a été modifiée de manière à ce qu’une personne ne puisse démissionner comme membre de la Law Society sans l’autorisation de son conseil »; dans l’arrêt Chalmers v. Toronto Stock Exchange , note 13 ci-dessus, le juge Finlayson, J.C.A., à la p. 542, fait également remarquer ce qui suit : [traduction] « Bon nombre de lois applicables ont envisagé cette situation et portent qu’il est nécessaire d’obtenir une autorisation pour démissionner ».

[17] Ordres permanents du Commissaire (plaintes du public), DORS/88-522.

[18] Voir note 4, à la p. 560.

[19] Voir : R. v. Saskatchewan College of Physicians and Surgeons et al., Ex p. Samuels (1966), 58 D.L.R. (2d) 622 (B.R. Sask.); Bohnet v. Law Society of Alberta (1992), 90 D.L.R. (4th) 373 (B.R. Alb.).

[20] (1987), 46 D.L.R. (4th) 416 (C.A. Sask.), à la p. 425.

[21] Voir note 4 ci-dessus.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.