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[2002] 3 C.F. 74

A-265-00

2001 CAF 378

Sriskanthan Krishnapillai (appelant)

c.

Sa Majesté la Reine et le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (intimés)

Répertorié : Krishnapillai c. Canada (C.A.)

Cour d’appel, juge en chef Richard et juges Décary et Noël, J.C.A.Montréal, 20 novembre; Ottawa, 6 décembre 2001.

Citoyenneté et Immigration — Exclusion et renvoi — Processus d’enquête en matière d’immigrationL’appelant, résident permanent reconnu à l’origine comme réfugié au sens de la Convention, a vu une mesure d’expulsion prononcée contre lui parce qu’il constituait un danger pour le publicSa demande d’autorisation de déposer une demande de contrôle judiciaire au motif que le processus administratif prévu par l’art. 53(1) de la Loi sur l’immigration, était inconstitutionnel s’est soldée par un rejet non motivéLe protonotaire avait radié une action subséquente soulevant le même point, outre le point qui contestait la constitutionnalité de l’obligation d’obtenir une autorisation, en application de l’art. 82.1Rejetant l’appel, le juge des requêtes a estimé que l’art. 82.1 ne pouvait être contesté en raison de sa présumée incompatibilité avec les art. 16 et 32 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, parce que ces articles n’avaient pas été incorporés dans le droit interneL’art. 16 donne aux réfugiés « libre et facile accès devant les tribunaux » — L’art. 32 de la Convention interdit l’expulsion de réfugiés au sens de la Convention si ce n’est pour des motifs de sécurité nationale ou d’ordre public, et alors uniquement d’une manière conforme à la procédure prévue par la loiBien que la Convention ne soit pas incorporée dans le droit interne, la législation canadienne n’est pas, du moins implicitement, contraire à ces dispositionsL’art. 16 reconnaît implicitement que les réfugiés sont soumis aux procédures en vigueur dans le pays où ils ont leur résidence habituelleIl n’impose pas à l’État l’obligation d’offrir aux réfugiés les procédures les plus favorables qui puissent être mises en placeLa procédure de demande d’autorisation est une procédure courante en droit canadien et elle est une forme acceptée d’accès aux tribunaux du paysIl n’a pas été avancé qu’au Canada les réfugiés n’ont pas le libre accès à la procédure de demande d’autorisation selon ce que prévoit la Convention.

Pratique — Res judicataAppel dirigé contre le rejet d’un appel à l’encontre de la décision d’un protonotaire qui avait radié une action contestant la constitutionnalité des art. 53(1) et 82.1 de la Loi sur l’immigrationLe juge des requêtes a estimé que la C.A.F. avait déjà décidé que l’art. 82.1 était conforme aux art. 7 et 12 de la Charte et que la question de la constitutionnalité de l’art. 53 était chose jugéePour que s’applique le principe de la préclusion pour question déjà tranchée, le même point doit avoir été effectivement décidé dans le premier procès; il doit ressortir clairement des faits que ce point a bien été décidé; l’élément à l’origine de la préclusion doit avoir été au cœur de la décision rendue dans le premier procèsUne décision qui accorde l’autorisation ou qui la refuse ne constitue pas une décision quant au fondSurtout devant une question constitutionnelle, un jugement non motivé refusant l’autorisation de demander un contrôle judiciaire n’est pas un jugement dont on pourrait dire qu’il dispose quant au fond des points soulevés par le demandeur et qu’il en dispose avec le niveau de persuasion qui s’attache au principe de l’autorité de la chose jugée.

Pratique — Actes de procédure — Requête en radiation Appel dirigé contre le rejet d’un appel à l’encontre de la décision d’un protonotaire qui avait radié une déclarationLa demande d’autorisation de déposer une demande de contrôle judiciaire au motif que le processus administratif prévu par l’art. 53(1) de la Loi sur l’immigration, était inconstitutionnel a été rejetéeUne procédure a par la suite été introduite qui soulevait le même point, et qui contestait aussi la constitutionnalité de l’obligation d’obtenir une autorisation, en application de l’art. 82.1L’art. 82.1 prévoit qu’il ne peut être interjeté appel d’un jugement refusant l’autorisationLe législateur fédéral avait manifestement l’intention de mettre un terme rapidement à la contestation d’une décision prise en vertu de la Loi sur l’immigrationLorsque l’autorisation est refusée, l’introduction d’une instance soulevant un point qui aurait pu être soulevé dans la demande d’autorisation est une tentative indirecte de contourner la volonté du législateur et une contestation furtive du jugement qui a refusé l’autorisationAppel rejeté parce que l’action constituait un abus de la procédure.

Droit constitutionnel — Charte des droits — Vie, liberté et sécurité Appel dirigé contre le rejet d’un appel à l’encontre de la décision d’un protonotaire qui avait radié une action contestant la constitutionnalité de l’art. 82.1 de la Loi sur l’immigration, au motif que la C.A.F. avait déjà décidé que l’art. 82.1 était conforme aux art. 7, 12 de la CharteL’art. 82.1 requiert d’obtenir une autorisation avant que ne soit introduite une demande de contrôle judiciaireIl n’impose pas l’obligation de motiver le rejet de la demande d’autorisationLorsqu’ils rendent leurs décisions, les tribunaux ne sont pas tenus d’exposer des motifs en bonne et due formeLes attendus de l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) n’emportent pas une telle obligation pour les décisions judiciaires où est refusée l’autorisation de déposer une demande de contrôle judiciaireLa contestation de la constitutionnalité du principe de la demande d’autorisation dont il est question à l’art. 82.1 n’avait aucune chance de succès.

Il s’agissait d’un appel formé contre la décision d’un juge des requêtes de rejeter un appel à l’encontre de la décision d’un protonotaire qui avait radié la déclaration. L’appelant avait été reconnu réfugié au sens de la Convention, mais il était par la suite devenu résident permanent. Son expulsion du Canada fut ordonnée parce qu’il constituait un danger pour le public. Il a demandé, en application de l’article 82.1 de la Loi sur l’immigration, l’autorisation de déposer une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la conclusion du ministre selon laquelle il constituait un danger pour le public. Le point principal soulevé dans la demande d’autorisation mettait en doute la constitutionnalité du processus administratif prévu par le paragraphe 53(1). La demande d’autorisation s’est soldée par un rejet non motivé. L’appelant a alors introduit une instance où il contestait encore une fois la constitutionnalité du paragraphe 53(1), mais également la constitutionnalité de l’obligation d’obtenir une autorisation, en application de l’article 82.1. Le protonotaire a fait droit à une requête en radiation de la déclaration. Le juge des requêtes a rejeté l’appel formé contre la décision du protonotaire, au motif que la Cour d’appel fédérale avait déjà décidé que l’article 82.1 était conforme aux articles 7 et 12 de la Charte; l’article 82.1 ne pouvait pas être contesté en raison de sa présumée incompatibilité avec les articles 16 et 32 de la Convention relative au statut des réfugiés, parce que ces articles n’avaient pas été incorporés dans le droit interne; et la question de la constitutionnalité de l’article 53 était chose jugée. L’article 16 accorde aux réfugiés « libre et facile accès devant les tribunaux », en ce sens qu’il donne à tout réfugié le droit d’agir en demande et en défense devant les cours de justice d’un État contractant et de bénéficier, lorsqu’il agit dans une action en demande ou en défense dans l’État contractant où il a sa résidence habituelle, du même traitement qu’un national de cet État, y compris l’assistance judiciaire dans les cas où elle est offerte aux nationaux. L’article 32 interdit l’expulsion d’un réfugié au sens de la Convention, si ce n’est pour des motifs de sécurité nationale ou d’ordre public, et alors uniquement en conformité avec la procédure prévue par la loi.

Arrêt : l’appel doit être rejeté, au motif que la déclaration a été validement radiée, car elle constituait un abus de la procédure et ne révélait aucune cause d’action valable.

Pour que s’applique le principe de la préclusion pour question déjà tranchée, le même point doit avoir été effectivement décidé dans le premier procès. Il doit ressortir clairement des faits que ce point a bien été décidé, et l’élément à l’origine de la préclusion doit avoir été au coeur de la décision rendue dans le premier procès. Il ne doit faire aucun doute que la décision n’aurait pu être rendue sans que cet élément ne soit considéré et véritablement réglé. Dans une demande d’autorisation, il s’agit de savoir si un argument un tant soit peu défendable a été invoqué. Une fois l’autorisation accordée, il s’agit de savoir si le bien-fondé de l’argument a été démontré. On ne saurait dire, s’agissant du principe de l’autorité de la chose jugée, que les deux propositions sont absolument les mêmes. Une décision qui accorde l’autorisation ou qui la refuse ne constitue pas une décision quant au fond. Surtout devant une question constitutionnelle, un jugement non motivé refusant l’autorisation de demander un contrôle judiciaire n’est pas un jugement dont on peut dire qu’il dispose quant au fond des points soulevés par le demandeur et qu’il en dispose avec le niveau de persuasion qui s’attache au principe de l’autorité de la chose jugée, de telle sorte que sera empêché l’examen du bien-fondé des points en question dans un autre procès légitime.

La question constitutionnelle a été soulevée en même temps que d’autres questions à la faveur de la demande d’autorisation de déposer une demande de contrôle judiciaire. L’article 82.1 prévoit qu’il ne peut être interjeté appel d’un jugement refusant l’autorisation. L’intention du législateur était manifestement de mettre un terme rapidement à la contestation d’une décision prise en vertu de la Loi sur l’immigration. Lorsque l’autorisation est refusée, l’introduction d’une instance soulevant un point qui a été soulevé ou aurait pu être soulevé dans la demande d’autorisation est une tentative indirecte de contourner la volonté du législateur et une contestation furtive du jugement qui a refusé l’autorisation. Il s’agit là d’un abus de la procédure.

Le juge des requêtes a eu raison de dire que les articles 16 et 32 de la Convention relative au statut des réfugiés n’avaient pas été intégrés dans le droit interne. Toutefois, ces dispositions sont quand même pertinentes. Les normes internationales ont été considérées par la Cour dans l’arrêt Bains c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), et la législation canadienne a été jugée, du moins implicitement, conforme aux normes en question. L’article 16 reconnaît implicitement que les réfugiés sont soumis aux procédures en vigueur dans le pays où ils ont leur résidence habituelle. Il n’impose pas à l’État l’obligation d’offrir aux réfugiés, parce qu’ils sont des réfugiés, les procédures les plus favorables qui puissent être mises en place. Le droit de demander une autorisation est un droit d’ester en justice. La procédure de demande d’autorisation est une procédure courante en droit canadien et elle est, en des termes canadiens, une forme acceptée d’accès aux tribunaux du pays. Il n’a pas été avancé qu’au Canada les réfugiés n’ont pas le libre accès à la procédure de demande d’autorisation selon ce que prévoit la Convention.

Il n’était pas sûr que l’article 32 se rapporte à la procédure de contrôle judiciaire qui est applicable après que la décision est prise d’expulser un réfugié. Si effectivement il se rapporte à cette procédure, alors il ne fait aucun doute que le principe de la demande d’autorisation s’accorde avec la procédure prévue par la loi. Le seul point inédit soulevé dans cet appel au regard de la constitutionnalité du principe de la demande d’autorisation est l’absence d’une obligation de motiver un refus d’autorisation. Lorsqu’ils rendent leurs décisions, les tribunaux ne sont pas tenus d’exposer des motifs en bonne et due forme, et les attendus de l’arrêt Baker sur la nécessité de motiver dans certains cas les décisions administratives n’emportent en aucune façon une telle obligation pour les décisions judiciaires où est refusée l’autorisation de déposer une demande de contrôle judiciaire. La contestation de la constitutionnalité du principe de la demande d’autorisation dont il est question à l’article 82.1 n’avait aucune chance de succès.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44].

Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, [1969] R.T.Can. no 6, art. 16, 32.

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 57 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 19).

Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 27(1), 53(1) (mod. par L.C. 1995, ch. 15, art. 12), 82.1 (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 19; L.C. 1992, ch. 49, art. 73).

Règlement sur l’immigration de 1978, DORS/78-172.

Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, règle 221(1)a), b), f).

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Bains c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1990), 47 Admin. L.R. 317; 109 N.R. 239 (C.A.F.); Singh c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 596 (C.A.) (QL); RJRMacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311; (1994), 111 D.L.R. (4th) 385; 164 N.R. 1; Paul v. La Reine, [1960] R.C.S. 452; (1960), 127 C.C.C. 129; 34 C.R. 110.

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Metodieva c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1991), 132 N.R. 38 (C.A.F.); Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 2 C.F. 592 (2000), 18 Admin. L.R. (3d) 159; 5 Imm. L.R. (3d) 1; 252 N.R. 1 (C.A.).

DÉCISIONS CITÉES :

Angle c. M.R.N., [1975] 2 R.C.S. 248; (1974), 47 D.L.R. (3d) 544; 74 DTC 6278; 2 N.R. 397; Ernewein c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1980] 1 R.C.S. 639; (1979), 103 D.L.R. (3d) 1; 14 C.P.C. 264; 30 N.R. 316; Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038; (1989), 59 D.L.R. (4th) 416; 26 C.C.E.L. 85; 89 CLLC 14,031; 93 N.R. 183; Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817; (1999), 174 D.L.R. (4th) 193; 14 Admin. L.R. (3d) 173; 1 Imm. L.R. (3d) 1; 243 N.R. 22; Supermarchés Jean Labrecque Inc. c. Flamand, [1987] 2 R.C.S. 219; (1987), 43 D.L.R. (4th) 1; 28 Admin. L.R. 239; 87 CLLC 14,045; 78 N.R. 201; 9 Q.A.C. 161.

DOCTRINE

Lange, Donald J. The Doctrine of Res Judicata in Canada. Toronto : Butterworths, 2000.

Nations Unies. Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés. Genève, janvier 1992.

Weis, Paul, ed. The Refugee Convention, 1951. Cambridge : Cambridge University Press, 1995.

APPEL dirigé contre la décision d’un juge des requêtes de rejeter un appel à l’encontre de la décision d’un protonotaire qui avait radié la déclaration contestant la constitutionnalité du paragraphe 53(1) et de l’article 82.1 de la Loi sur l’immigration, après qu’avait été refusée l’autorisation de déposer une demande de contrôle judiciaire de la conclusion du ministre selon laquelle l’appelant constituait un danger pour le public. Appel rejeté, au motif que la déclaration avait été validement radiée car elle constituait un abus de la procédure et ne révélait aucune cause d’action valable.

ONT COMPARU :

Pia Zambelli, pour l’appelant.

Michel Pépin, pour l’intimé.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Joseph W. Allen, Montréal, pour l’appelant.

Le sous-procureur général du Canada, pour l’intimé.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]        Le juge Décary, J.C.A. : L’appelant a été reconnu réfugié au sens de la Convention en 1994. Il est devenu un résident permanent du Canada en 1996.

[2]        Son expulsion du Canada a été ordonnée en 1999 conformément à l’alinéa 53(1)d) [mod. par L.C. 1995, ch. 15, art. 12] de la Loi sur l’immigration [L.R.C. (1985), ch. I-2] (la Loi), parce qu’il constituait un danger pour le public au Canada.

[3]        Il a demandé, en application de l’article 82.1 [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 19; L.C. 1992, ch. 49, art. 73] de la Loi, l’autorisation de déposer une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la conclusion du Ministre selon le paragraphe 27(1) [mod., idem, art. 16] de la Loi, conclusion selon laquelle il constituait un danger pour le public. Le point principal soulevé dans la demande d’autorisation mettait en doute la constitutionnalité du processus administratif prévu par le paragraphe 53(1) de la Loi. Était également soulevée la question de savoir si la conclusion du ministre était raisonnable. La demande s’est soldée par un rejet non motivé le 30 septembre 1999.

[4]        Le 26 novembre 1999, l’appelant introduisait une instance où il contestait encore une fois la constitutionnalité du paragraphe 53(1), mais également la constitutionnalité de l’obligation d’obtenir une autorisation, en application de l’article 82.1 de la Loi. L’intimé déposa une requête en radiation de la déclaration dans son intégralité, au motif qu’elle ne révélait aucune cause d’action valable, qu’elle n’était pas pertinente ou était redondante et qu’elle constituait un abus de la procédure (alinéas 221(1)a), b) et f) des Règles de la Cour fédérale (1998) [DORS/98-106]).

[5]        Le 7 février 2000, le protonotaire radiait la déclaration.

[6]        Le 17 avril 2000, le juge des requêtes rejetait dans les termes suivants l’appel interjeté contre l’ordonnance du protonotaire :

[traduction]

CONSIDÉRANT que la Cour d’appel fédérale a déjà jugé que l’article 82.1 de la Loi est conforme aux articles 7 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, et

CONSIDÉRANT que l’article 82.1 ne peut être contesté au motif qu’il contrevient aux articles 16 et 32 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, ces articles n’ont pas été incorporés dans le droit interne et finalement,

CONSIDÉRANT que la question de la constitutionnalité de l’article 53 est chose jugée, le demandeur n’a pas démontré que la décision rendue par le protonotaire Morneau est manifestement erronée.

[7]        J’examinerai dans l’ordre inverse les motifs du juge des requêtes.

La constitutionnalité du paragraphe 53(1) et l’autorité de la chose jugée

[8]        Contrairement au juge des requêtes, j’hésiterais à décider ce point pour le motif qu’un rejet non motivé d’une demande d’autorisation de déposer une demande de contrôle judiciaire donne lieu à préclusion au regard d’une question constitutionnelle soulevée dans la demande.

[9]        Pour que s’applique le principe de la préclusion pour question déjà tranchée (par opposition au principe de la préclusion pour identité de cause d’action, qui n’est pas débattu ici), le même point doit avoir été effectivement décidé dans le premier procès. Pour que le même point ait été effectivement décidé dans le premier procès, il doit ressortir clairement des faits que ce point a bien été décidé, et l’élément à l’origine de la préclusion doit avoir été au cœur de la décision rendue dans le premier procès. Pour que cet élément ait été au cœur du premier procès, il ne doit faire aucun doute que la décision n’aurait pu être rendue sans que cet élément ne soit considéré et véritablement réglé. Une conclusion discutable ne peut fonder une préclusion pour question déjà tranchée. (Voir l’arrêt Angle c. M.R.N., [1975] 2 R.C.S. 248; The Doctrine of Res Judicata in Canada, Donald J. Lange, Butterworths, 2000, aux pages 38 et suiv.)

[10]      Il est vrai, comme l’a noté le juge Mahoney, J.C.A. dans l’arrêt Bains c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1990), 47 Admin. L.R. 317 (C.A.F.), à la page 318, que, dans les demandes d’autorisation selon l’article 82.1 de la Loi sur l’immigration, « le seul élément dont il faut tenir compte est de savoir si une cause défendable a été établie ». Or, lorsqu’il y a rejet non motivé d’une demande d’autorisation, le juge peut s’être fondé sur une foule de raisons, outre celles invoquées par le demandeur, qui puissent donner lieu à préclusion au regard d’un élément donné. Par exemple, même si un seul point de droit est soulevé, le juge a pu être d’avis que les faits n’autorisaient pas le point soulevé ou que le point soulevé ne permettait pas de disposer du cas.

[11]      Dans une demande d’autorisation selon la Loi sur l’immigration, il s’agit de savoir si un argument un tant soit peu défendable est invoqué. Une fois l’autorisation accordée, il s’agit de savoir si le bien-fondé de l’argument a été démontré. On ne saurait dire, s’agissant du principe de l’autorité de la chose jugée, que les deux propositions sont absolument les mêmes. Une décision qui accorde l’autorisation ou qui la refuse ne constitue pas une décision quant au fond. Je n’ai connaissance d’aucune décision d’octroi ou de refus dont on se soit autorisé pour prétendre que les points soulevés dans une demande d’autorisation ont été effectivement décidés dans un sens ou dans l’autre.

[12]      L’arrêt Metodieva c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1991), 132 N.R. 38 (C.A.F.), dont s’autorise l’intimé, permet d’affirmer que la Cour n’a pas compétence, après qu’elle a refusé une demande d’autorisation, pour statuer sur une demande d’autorisation se rapportant à la même affaire. L’arrêt rendu dans l’affaire Metodieva n’était pas fondé sur une exception de la chose jugée.

[13]      Plus pertinente me semble-t-il est une décision que j’ai rendue à titre de juge unique dans l’affaire Singh c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 596 (C.A.) (QL). L’intimé avait plaidé que, lorsqu’une demande d’autorisation d’appel met en cause l’effet, sur le plan constitutionnel, d’une disposition du Règlement sur l’immigration de 1978 [DORS/78-172], le demandeur doit donner avis de la question constitutionnelle aux termes de l’article 57 de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 19)]. J’avais rejeté dans les termes suivants cette manière de voir [au paragraphe 2] :

[traduction] Cette proposition n’a aucune valeur. L’article 57 requiert un avis « lorsque les lois fédérales ou provinciales ou leurs textes d’application, dont la validité, l’applicabilité ou l’effet, sur le plan constitutionnel, est en cause devant la Cour… ». Dans la demande d’autorisation d’appel, la Cour n’est pas priée de statuer sur la validité, l’applicabilité ou l’effet d’une loi sur le plan constitutionnel, mais plutôt de décider s’il y a ou non une cause défendable justifiant la saisine de la Cour. Un avis de question constitutionnelle serait prématuré, sinon présomptueux, à ce stade préliminaire.

[14]      J’observe que, dans l’arrêt RJRMacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311, les juges Sopinka et Cory, qui examinaient des requêtes interlocutoires en suspension d’instance, ont exprimé l’avis, à la page 337, que :

[…] l’autorisation d’appel sur le fond qu’une cour d’appel accorde constitue une indication que des questions sérieuses sont soulevées, mais un refus d’autorisation dans un cas qui soulève les mêmes questions n’indique pas automatiquement que les questions de fond ne sont pas sérieuses.

[15]      Dans l’arrêt Paul v. The Queen, [1960] R.C.S. 452, une décision citée avec approbation par le juge en chef Laskin dans l’arrêt Ernewein c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1980] 1 R.C.S. 639, le juge Taschereau a fait l’observation suivante à la page 457 :

[traduction]

Je suis d’ailleurs fermement d’avis que le refus d’une cour d’appel d’accorder l’autorisation d’appel n’équivaut pas à un rejet de l’appel. Un tel refus signifie simplement que le droit d’appel, qui n’est pas automatique mais résulte seulement d’une autorisation, n’a jamais existé. Un jugement qui dispose d’une demande d’autorisation d’appel constitue un jugement, et la décision qui dispose de l’affaire quant au fond après que l’autorisation a été accordée constitue un autre jugement. Le refus de la cour d’appel d’accorder l’autorisation ne dispose pas de l’affaire quant au fond.

Le juge Taschereau s’exprimait au nom du juge Abbott, et son avis sur ce point a été adopté à la page 466 par les juges Fauteux et Judson.

[16]      Je sais que ces vues ont été exprimées dans un contexte législatif différent et qu’elles ne sont pas le résultat d’observations sur l’autorité de la chose jugée, mais elles renforcent mon hésitation, surtout devant une question constitutionnelle, à dire qu’un jugement non motivé refusant l’autorisation de demander un contrôle judiciaire est un jugement dont on pourrait dire qu’il dispose quant au fond des points soulevés par le demandeur, et qu’il en dispose avec le niveau de persuasion qui s’attache au principe de l’autorité de la chose jugée, de telle sorte que sera empêché l’examen du bien-fondé des points en question dans un autre procès légitime.

[17]      En définitive, je préfère ne pas fonder ma conclusion sur le principe de l’autorité de la chose jugée et m’en remettre, pour les motifs suivants, à la notion d’abus de la procédure.

[18]      La question constitutionnelle a été soulevée, comme le prévoit l’article 82.1 de la Loi, à la faveur du seul processus envisagé par le législateur pour contester la décision du ministre : une demande d’autorisation de déposer une demande de contrôle judiciaire. La question a été soulevée, on doit le présumer, en même temps que les autres questions qui pouvaient être soulevées pour contester la décision du ministre. L’article 82.1 de la Loi prévoit qu’il ne peut être interjeté appel d’un jugement refusant l’autorisation. L’intention du législateur était manifestement de mettre un terme rapidement, c’est-à-dire dès le refus d’autorisation, à la contestation d’une décision prise en vertu de la Loi sur l’immigration. Lorsque l’autorisation est refusée, l’introduction d’une instance soulevant un point qui a été soulevé ou aurait pu être soulevé dans la demande d’autorisation est une tentative indirecte de contourner la volonté du législateur et une contestation furtive du jugement qui a refusé l’autorisation. Il s’agit là d’un abus de la procédure.

[19]      Cette conclusion dispose du point soulevé au regard de la validité constitutionnelle du paragraphe 53(1). Elle pourrait disposer aussi d’une bonne partie des points soulevés au regard de la validité constitutionnelle du principe de la demande d’autorisation, parce que, abstraction faite du point se rapportant à l’absence de motifs dans le refus d’autorisation, point qui à l’évidence n’aurait pu être soulevé avant la décision refusant l’autorisation, ces points auraient pu et auraient dû être soulevés à la première occasion, c’est-à-dire dans la demande d’autorisation. Toutefois, l’argument n’a pas été avancé sur cette base, et j’aborderai sous la rubrique suivante, comme l’ont fait les parties, la question tout entière de la validité du principe de la demande d’autorisation.

La constitutionnalité du principe de la demande d’autorisation, énoncé à l’article 82.1 de la Loi, et les articles 16 et 32 de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6 (la Convention)

[20]      Les deux premières raisons de droit invoquées par le juge des requêtes peuvent être examinées ensemble.

[21]      Les articles 16 et 32 de la Convention sont ainsi rédigés :

Article 16

Droit d’ester en justice

1. Tout réfugié aura, sur le territoire des États Contractants, libre et facile accès devant les tribunaux.

2. Dans l’État Contractant où il a sa résidence habituelle, tout réfugié jouira du même traitement qu’un ressortissant en ce qui concerne l’accès aux tribunaux, y compris l’assistance judiciaire et l’exemption de la caution judicatum solvi.

3. Dans les États Contractants autres que celui où il a sa résidence habituelle, et en ce qui concerne les questions visées au paragraphe 2, tout réfugié jouira du même traitement qu’un national du pays dans lequel il a sa résidence habituelle.

[…]

Article 32

Expulsion

1. Les États Contractants n’expulseront un réfugié se trouvant régulièrement sur leur territoire que pour des raisons de sécurité nationale ou d’ordre public.

2. L’expulsion de ce réfugié n’aura lieu qu’en exécution d’une décision rendue conformément à la procédure prévue par la loi. Le réfugié devra, sauf si des raisons impérieuses de sécurité nationale s’y opposent, être admis à fournir des preuves tendant à le disculper, à présenter un recours et à se faire représenter à cet effet devant une autorité compétente ou devant une ou plusieurs personnes spécialement désignées par l’autorité compétente.

3. Les États Contractants accorderont à un tel réfugié un délai raisonnable pour lui permettre de chercher à se faire admettre régulièrement dans un autre pays. Les États Contractants peuvent appliquer, pendant ce délai, telle mesure d’ordre interne qu’ils jugeront opportune.

[22]      L’avocate de l’appelant reconnaît que ces dispositions n’ont pas été incorporées dans le droit interne canadien. (J’observe que, dans l’arrêtSuresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 2 C.F. 592 (C.A.), la Cour a exprimé l’avis, dans une remarque incidente, au paragraphe 116, que l’article 32, paragraphe 2, de la Convention « a été intégrée à notre droit national par la promulgation de la Loi sur l’immigration ». La Cour, comme le contexte le montre clairement, parlait en réalité du paragraphe 3.) L’avocate de l’appelant soutient plutôt que, même si les dispositions n’ont pas été ainsi intégrées, elles sont néanmoins pertinentes dans la mesure où il est maintenant établi en droit que les normes internationales devraient influencer l’interprétation de la Charte [Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]] (voir l’arrêt Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038, à la page 1057, le juge Lamer; et l’arrêt Suresh, précité, au paragraphe 22) et « peuvent, toutefois, être prises en compte dans l’approche contextuelle de l’interprétation des lois et en matière de contrôle judiciaire » (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 70, le juge L’Heureux-Dubé).

[23]      Le juge des requêtes a eu raison de dire que les dispositions n’avaient pas été intégrées dans le droit interne. Si cette conclusion signifiait qu’elles n’étaient pas pertinentes, alors le juge des requêtes a erré. J’examinerai un peu plus loin l’incidence de ces dispositions.

[24]      S’agissant de la constitutionnalité de l’article 82.1 de la Loi sur l’immigration, il est utile d’abord de citer les motifs du juge Mahoney dans l’arrêt Bains, précité, à la page 318 :

L’obligation de l’autorisation n’interdit pas aux revendicateurs du statut de réfugié de s’adresser à la Cour. Le droit de demander une telle autorisation est en soi un droit d’accès à la Cour et à notre avis, l’obligation d’obtenir cette autorisation avant qu’un appel ou une demande de contrôle judiciaire ne puisse être instruit ne porte pas atteinte aux droits garantis aux revendicateurs du statut de réfugié par les art. 7 ou 15 de la Charte canadienne des droits et libertés.

[25]      L’avocate de l’appelant fait observer à juste titre que l’arrêt Bains a été rendu dans une affaire qui concernait un revendicateur du statut de réfugié au sens de la Convention et non, comme en l’espèce, un réfugié au sens de la Convention. La Convention n’était donc pas applicable. Or, dans les nombreuses observations écrites alors présentées à la Cour par Mme Jackman, avocate de M. Bains, on faisait valoir, sous la rubrique « Normes internationales », au paragraphe 20, que :

[traduction] S’agissant des droits fondamentaux, l’importance d’un recours effectif devant les tribunaux et d’un libre accès aux tribunaux a été reconnue au niveau international.

et mention était faite, entre autres, de la Convention et plus particulièrement de ses articles 16 et 32. L’avocate avait ainsi conclu, au paragraphe 22 :

[traduction] Il est allégué en particulier que la communauté internationale a reconnu que, lorsque la protection des réfugiés est en jeu, il doit exister une procédure efficace d’appel ou de révision quant au fond.

[26]      Il s’ensuit que les normes internationales ont été considérées par la Cour dans l’arrêt Bains et que la législation canadienne a été jugée, du moins implicitement, conforme aux normes en question. Par acquit de conscience, cependant, j’ai étudié attentivement les dispositions de l’article 16 et de l’article 32, paragraphes 1 et 2, de la Convention, sur lesquels s’appuie l’avocate de l’appelant. J’ai pris soin, ce faisant, de ne pas introduire dans notre loi les mots mêmes de la Convention, car ces mots doivent être employés uniquement comme guides pour nous aider dans l’interprétation des dispositions de notre propre loi. C’est l’esprit, et non la lettre, de la Convention qui devrait nous guider.

[27]      L’article 16 se trouve dans le chapitre II de la Convention. Le chapitre II parle du « statut juridique » des réfugiés dans leur pays de refuge après que leur statut de réfugié a été établi. Je note en passant que, selon le paragraphe 12 II) du Guide des procédures et des critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, publié par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, les dispositions du chapitre II « soient sans incidence sur le processus de reconnaissance du statut de réfugié ». Ce processus a été appliqué ici.

[28]      L’article 16 est intitulé « Droit d’Ester en Justice » (Access to Courts). Il s’agit d’une disposition générale qui accorde aux réfugiés « libre et facile accès devant les tribunaux » (free access to the courts of law), en ce sens qu’elle donne à tout réfugié le droit d’agir en demande et en défense devant les cours de justice d’un État Contractant et de bénéficier, lorsqu’il agira dans une action en demande ou en défense dans l’État Contractant où il a sa résidence habituelle, du même traitement qu’un national de cet État, y compris l’assistance judiciaire dans les cas où elle est offerte aux nationaux.

[29]      Selon les Travaux préparatoires de la Convention, analysés en 1995 par le Dr Paul Weis (Weis (éd.), The Refugee Convention, 1951, Cambridge International Documents Series, volume 7, Cambridge University Press), l’objet de l’article 16 est essentiellement le suivant (à la page 131) :

[traduction] Bien qu’en principe le droit d’un réfugié d’ester en justice ne soit pas contesté, il existe en pratique des obstacles insurmontables à l’exercice de ce droit par les réfugiés impécunieux : l’obligation de fournir la cautio judicatum solvi et le refus d’accorder aux réfugiés le bénéfice de l’assistance judiciaire rendent le droit illusoire.

[30]      L’expression « libre et facile accès devant les tribunaux » (free access to the courts of law) est par conséquent une expression qui concerne non le genre de procédure prévue par le droit interne, mais l’accès effectif des réfugiés aux tribunaux. L’assistance judiciaire et la dispense de cautionnement pour dépens ont été expressément prévues au paragraphe 2 de l’article 16. Les éléments tels que l’assistance gratuite d’un interprète sont envisagés par l’emploi de l’expression « y compris », dans ce paragraphe.

[31]      L’article 16 ne définit pas une procédure spéciale ni ne prévoit des procédures spéciales pour les réfugiés. Bien au contraire : en donnant aux réfugiés le droit à un traitement égal devant les tribunaux, il reconnaît implicitement que les réfugiés sont soumis aux procédures en vigueur dans le pays où ils ont leur résidence habituelle. L’article 16 n’impose pas à l’État l’obligation d’offrir aux réfugiés, parce qu’ils sont des réfugiés, les procédures les plus favorables qui puissent être mises en place.

[32]      Il ne fait aucun doute que le droit de demander une autorisation est un droit d’ester en justice. La procédure de demande d’autorisation est une procédure courante en droit canadien et elle est, en des termes canadiens, une forme acceptée d’accès aux tribunaux du pays. Il n’a pas été avancé qu’au Canada les réfugiés n’ont pas le libre accès à la procédure de demande d’autorisation selon ce que prévoit la Convention : l’avocate de l’appelant n’a pas prétendu que l’assistance judiciaire et les services d’interprétation n’étaient pas accessibles ou qu’un cautionnement pour dépens devait être déposé, et elle n’a indiqué à la Cour aucune forme d’obstacle envisagé par la Convention qui pourrait empêcher un réfugié de demander l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire.

[33]      L’article 32 (Expulsion) se trouve au chapitre V, « Mesures administratives ». Il ne m’apparaît pas évident que cet article se rapporte à la procédure de contrôle judiciaire qui est applicable après que la décision est prise d’expulser un réfugié. Si effectivement il se rapporte à cette procédure, alors il ne fait aucun doute à mon avis que le principe de la demande d’autorisation s’accorde avec l’application régulière de la loi.

[34]      Le seul point inédit soulevé dans le présent appel au regard de la constitutionnalité du principe de la demande d’autorisation est l’absence d’une obligation de motiver un refus d’autorisation. Je dis que c’est un point inédit parce qu’il n’a pas été formellement soulevé dans l’arrêt Bains, bien que les avocats et la Cour fussent certainement au fait de la pratique générale de la Cour consistant à refuser une autorisation sans donner de motifs.

[35]      Il n’est guère surprenant que ni la Cour ni les avocats ne se soient penchés sur cette pratique. Il était alors bien établi en droit que les décisions judiciaires ne sont pas soumises à l’obligation d’exposer des motifs en bonne et due forme (voir l’arrêt Supermarchés Jean Labrecque Inc. c. Flamand, [1987] 2 R.C.S. 219, à la page 233), et à mon avis les attendus de l’arrêt Baker, aux paragraphes 35 et suivants, sur la nécessité de motiver dans certains cas les décisions administratives n’emportent en aucune façon une telle obligation pour les décisions judiciaires qui refusent l’autorisation de déposer une demande de contrôle judiciaire.

[36]      La contestation de la constitutionnalité du principe de la demande d’autorisation dont il est question à l’article 82.1 de la Loi sur l’immigration n’a aucune chance de succès.

[37]      La déclaration a été validement radiée dans son intégralité vu qu’elle constituait d’une part un abus de la procédure et qu’elle ne révélait d’autre part aucune cause d’action valable.

[38]      L’appel sera donc rejeté, avec dépens.

Le juge en chef Richard : J’y souscris.

Le juge Noël, J.C.A. : J’y souscris.

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