Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

T-866-95

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (demandeur)

c.

Helmut Oberlander (défendeur)

Répertorié: Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)c. Oberlander(1re   inst.)

Section de première instance"juge MacKay"Kitchener (Ontario), 17 septembre; Ottawa, 30 septembre 1998.

Preuve Admissibilité de documents produits à titre de preuve par le ministre dans le cadre d'un renvoi concernant l'acquisition de la citoyenneté par le défendeurLes documents en question étaient des documents de guerre allemands, provenant du bureau central ou des bureaux locaux des forces armées ou de la police, servant le gouvernement du Troisième Reich, pendant la Seconde guerre mondiale; des documents testimoniaux préparés pour des procédures judiciaires canadiennes ou fournis dans pareilles procédures, et notamment des affidavits dont les auteurs étaient décédés ou étaient incapables de témoigner; divers documents(1) Les documents de guerre renfermaient du ouï-direIls étaient étayés par les affidavits d'archivistes et d'autres personnes attestant l'authenticité de la copie du document en causeL'art. 30 de la Loi sur la preuve au Canada prévoit que lorsqu'une preuve orale concernant une chose est admissible, une pièce établie dans le cours ordinaire des affaires et qui contient des renseignements sur cette chose est admissible sur production de la pièceLes documents de guerre étaient des piècesL'activité dans le cadre de laquelle ils avaient été établis était clairement visée par la définition large du motaffairesfigurant à l'art. 30(12) (c'est-à-dire dans le cours ordinaire des activités d'organismes du gouvernement)Les documents ne devraient pas être exclus pour le motif qu'ils ne satisfont pas à l'exigence concernant la fiabilité parce que les seules personnes qui étaient disponibles pour attester que les documents avaient initialement été produits dans le cours usuel et ordinaire des affaires étaient les experts en histoire qui en avaient indirectement connaissanceL'art. 30 n'exige pas qu'il soit attesté que le document est établi dans le cours ordinaire des affaires ou d'une activité par quelqu'un qui est au courant de la chose à cause de son expérience personnelle et qui a participé à la production du documentLes connaissances spéciales des historiens satisfaisaient au critère préliminaire nécessaire relatif à la fiabilité lorsqu'il s'agissait d'admettre les documents en preuve à titre de documents officiels(2) Les documents testimoniaux constituaient du ouï-direLe critère relatif à la fiabilité des documents n'est pas satisfait lorsque les documents sont préparés à titre d'affidavits à l'égard de procédures judiciaires en prévision d'un contre-interrogatoire qui n'a en fait pas lieuLe critère relatif à la nécessité n'a pas été satisfait étant donné que la Cour disposait déjà d'éléments de preuve similairesEn vertu de l'art. 30(10), une pièce établie en prévision d'une procédure judiciaire ou la transcription de témoignages recueillis au cours d'une autre procédure judiciaire ne sont pas admisÉtant donné que les documents étaient visés par ces descriptions précises, il ne serait pas approprié de les admettre sur la base de l'exception fondée sur des principes à la règle prévue par la common law(3) Les documents divers ont été admis à l'exception d'une copie du verdict rendu par un tribunal allemand lors du procès subi au criminel par une autre personneIls n'étaient clairement pas pertinents.

Il s'agissait d'une décision au sujet de l'admissibilité de certains documents, provenant principalement d'archives tenues par des gouvernements étrangers, produits à titre de preuve pour le compte du ministre dans le cadre d'un renvoi à l'égard de l'acquisition de la citoyenneté par le défendeur. Le défendeur s'opposait à l'admission des documents pour le motif qu'il s'agissait de ouï-dire. La majorité des documents visés par l'objection du défendeur étaient des "documents de guerre", provenant du bureau central ou des bureaux locaux des forces armées ou de la police, servant le gouvernement du Troisième Reich, en Allemagne, pendant la Seconde guerre mondiale. Ils comprenaient des directives ou des ordres du haut commandement des Forces armées et des rapports provenant des unités de campagne transmis le long de la chaîne de commandement. D'autres documents ont été décrits comme des documents testimoniaux préparés pour des procédures judiciaires canadiennes ou fournis dans pareilles procédures, et notamment des affidavits dont les auteurs étaient décédés ou incapables de témoigner; des transcriptions de la preuve ainsi que l'interrogatoire principal et le contre-interrogatoire d'un témoin maintenant décédé dans des procédures similaires. Il y avait également divers documents, notamment une liste des décorations de service de guerre et deux documents concernant des procédures postérieures à la guerre, lesquels étaient tous d'origine allemande. Le ministre a soutenu que tous les "documents de guerre" étaient admissibles conformément à l'article 30 de la Loi sur la preuve au Canada , sur la base des affidavits les accompagnant et du rapport d'un témoin expert. Tous les documents de guerre étaient étayés par des affidavits d'archivistes responsables de la conservation et de la garde des originaux ainsi que d'affidavits d'autres personnes, attestant l'authenticité de la copie du document en cause. Ces affidavits attestaient donc que chaque document provenaient des archives officielles de l'État et que l'original ne pouvait pas être produit devant la Cour étant donné qu'il s'agissait d'un document historique officiel conservé dans les archives en question; ils indiquaient les circonstances dans lesquelles l'original avait été copié et attestaient qu'une copie certifiée avait été établie et produite devant la Cour. Le paragraphe 30(1) prévoit que lorsqu'une preuve orale concernant une chose est admissible dans une procédure judiciaire, une pièce établie dans le cours ordinaire des affaires et qui contient des renseignements sur cette chose est admissible sur production de la pièce. Il a été soutenu que les documents testimoniaux devraient être admis conformément à l'"exception fondée sur des principes" à la règle du ouï-dire énoncée par la Cour suprême du Canada dans R. c. Smith ; R. c. Kahn et R. c. B. (K.G.). Cette exception permet d'admettre une preuve par ouï-dire lorsqu'une déclaration a été faite dans des circonstances telles qu'elle peut être considérée comme fiable, et lorsqu'il est raisonnablement nécessaire d'admettre la preuve en vue de corroborer ou de réfuter une question en litige.

Jugement: les documents de guerre devraient être admis conformément à l'article 30, sous réserve des plaidoyers qui pourront être présentés au sujet de leur pertinence ou de leur valeur probante; les documents testimoniaux ne devraient pas être admis; les documents divers devraient être admis à l'exception de la copie du verdict rendu par la Cour régionale de Munich à la suite du procès de Kurt Christmann, et de la version anglaise partielle de ce document.

1) Les documents de guerre étaient des "pièces" et l'activité dans le cadre de laquelle ils avaient été établis était visée par la définition large du mot "affaires", figurant au paragraphe 30(12): toute entreprise de quelque nature que ce soit exploitée au Canada ou à l'étranger, y compris toute activité exercée ou opération effectuée par un gouvernement ou un organisme d'un gouvernement. Les "documents de guerre" se rapportaient à des activités d'organismes importants du gouvernement allemand de l'époque, de ses forces armées et de ses services de police. Les documents contenaient uniquement du ouï-dire et, de fait, du double ouï-dire, mais il s'agissait apparemment de documents produits dans le cours ordinaire des activités d'organismes gouvernementaux s'occupant d'opérations militaires et policières.

Les seules personnes qui étaient disponibles pour attester que les documents avaient initialement été produits dans le cours usuel et ordinaire des affaires étaient les experts en histoire qui en avaient indirectement connaissance. Les documents ne devraient pas être exclus pour le motif qu'ils ne satisfaisaient pas au principe fondamental de la fiabilité parce qu'ils n'avaient pas été identifiés par une personne qui avait une connaissance directe de la procédure de compte rendu, à titre de documents apparemment établis dans le cours ordinaire des affaires ou de l'activité. L'article 30 n'exige pas qu'il soit attesté que le document est établi dans le cours usuel et ordinaire des affaires ou d'une activité de l'organisme par quelqu'un qui est au courant de la chose à cause de son expérience personnelle et qui a participé à la production du document. Le paragraphe 30(3) prévoit que les copies des documents originaux doivent être admises sur la base "d'un premier document indiquant les raisons pour lesquelles il n'est pas possible ou raisonnablement commode de produire la pièce et d'un deuxième document préparé par la personne qui a établi la copie indiquant d'où elle provient et attestant son authenticité". Le paragraphe 30(6) autorise le tribunal à "examiner [la pièce], admettre toute preuve à son sujet fournie de vive voix ou par affidavit, y compris la preuve des circonstances dans lesquelles les renseignements contenus dans la pièce ont été écrits, consignés, conservés ou reproduits et tirer toute conclusion raisonnable de la forme ou du contenu de la pièce". La Loi n'exige pas que l'auteur de l'affidavit ait directement connaissance de la procédure suivie à l'égard de la production du document. Il appartient à la Cour de déterminer, en se fondant sur les affidavits, si l'exigence nécessaire, en ce qui concerne la fiabilité, est satisfaite. Les connaissances spéciales des historiens satisfaisaient au critère préliminaire nécessaire lorsqu'il s'agissait d'admettre les documents en preuve à titre de documents officiels et de documents établis dans le cours usuel et ordinaire des affaires ou d'une activité des organismes concernés.

2) Les documents testimoniaux constituaient du ouï-dire. Le critère relatif à la fiabilité n'est pas satisfait lorsque les documents sont préparés à titre d'affidavits à l'égard de procédures judiciaires en prévision d'un contre-interrogatoire qui n'a en fin de compte pas lieu. En outre, le critère relatif à la nécessité n'a pas été satisfait. Il a été allégué que les documents renfermaient des éléments de preuve similaires à ceux que les anciens contrôleurs de visas avaient déjà présentés à la Cour à l'égard de la procédure d'examen des demandeurs aux fins de leur admission à titre d'immigrants au Canada à partir de l'Allemagne. Si la Cour disposait déjà d'éléments de preuve similaires, le critère relatif à la nécessité n'était pas satisfait. En outre, lorsque la nécessité est simplement exprimée au point de vue de la possibilité de faire admettre une preuve par ouï-dire, cela ne constitue pas une nécessité. Il faut tout au moins établir que l'élément de preuve en question était essentiel, en ce qui concerne un point litigieux et que la Cour ne disposait pas déjà d'autres éléments de preuve similaires. Les documents en question étaient visés par les mots "une pièce [. . .] établie en prévision d'une procédure judiciaire" dans le cas des affidavits, ou des mots "transcription [. . .] de témoignages recueillis au cours d'une autre procédure judiciaire" qui figurent dans les deux cas au paragraphe 30(10) de la Loi sur la preuve au Canada , à titre de documents qui ne devraient pas être admis en vertu de cette disposition de la Loi à titre de pièces commerciales. Si le législateur a veillé à exclure pareils documents de l'exception à la règle du ouï-dire prévue à l'article 30 à l'égard des pièces commerciales admissibles, il ne serait pas approprié de les admettre sur la base de l'exception fondée sur des principes à la règle prévue par la common law.

3) Les documents divers ont été admis, à l'exception de la copie du verdict rendu par la Cour régionale de Munich à la suite du procès de Kurt Christmann, et de la version anglaise partielle de ce document. Il s'agissait d'une décision rendue par un tribunal étranger, à l'égard d'une autre personne qui avait subi un procès en vertu du droit criminel qui s'appliquait alors en Allemagne. Il s'agissait d'une copie d'une pièce officielle, mais cela constituait clairement du ouï-dire. Ce document n'était pas pertinent et n'avait pas de valeur probante en ce qui concerne la principale question.

lois et règlements

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 53(2).

Loi sur la preuve, L.R.O. 1990, ch. E.23, art. 35.

Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5, art. 30 (mod. par L.C. 1994, ch. 44, art. 91).

Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règle 920.

jurisprudence

décisions appliquées:

R. c. Khan, [1990] 2 R.C.S. 531; (1990), 59 C.C.C. (3d) 92; 79 C.R. (3d) 1; 113 N.R. 53; 41 O.A.C. 353; R. c. Smith, [1992] 2 R.C.S. 915; (1992), 94 D.L.R. (4th) 590; 75 C.C.C. (3d) 257; 15 C.R. (4th) 133; 139 N.R. 323; 55 O.A.C. 321; R. c. B. (K.G.), [1993] 1 R.C.S. 740; (1993), 79 C.C.C. (3d) 257; 19 C.R. (4th) 1; 148 N.R. 241; 61 O.A.C. 1.

décision examinée:

R. v. Grimba and Wilder (1977), 38 C.C.C. (2d) 469 (C. cté Ont.).

décisions citées:

R. v. Anthes Business Forms Ltd. et al. (1974), 19 C.C.C. (2d) 394; 16 C.P.R. (2d) 216 (H.C. Ont.); conf. par (1975), 10 O.R. (2d) 153; 26 C.C.C. (2d) 349; 20 C.P.R. (2d) 1 (C.A.); conf. par [1978] 1 R.C.S. 970; (1978), 22 N.R. 541; R. v. Penno (1977), 76 D.L.R. (3d) 529; [1977] 3 W.W.R. 361; 35 C.C.C. (2d) 266; 37 C.R.N.S. 391 (C.A.C.-B.); R. v. Martin, [1997] 6 W.W.R. 62; (1997), 152 Sask. R. 164; 8 C.R. (5th) 246; 140 W.A.C. 164 (C.A.); Ares c. Venner, [1970] R.C.S. 608; (1970), 14 D.L.R. (3d) 4; 73 W.W.R. 347; 12 C.R.N.S. 349; Setak Computer Services Corporation Ltd. v. Burroughs Business Machines Ltd. et al. (1977), 15 O.R. (2d) 750; 76 D.L.R. (3d) 641 (H.C.).

DÉCISION relative à l'admissibilité de certains documents, provenant principalement d'archives tenues par des gouvernements étrangers, produits en preuve pour le compte du ministre dans le cadre d'un renvoi concernant l'acquisition de la citoyenneté par le défendeur. Les directives ou ordres du haut commandement de l'armée allemande pendant la Seconde guerre mondiale et les rapports des unités de campagne devraient être produits conformément à l'article 30 de la Loi sur la preuve au Canada, sous réserve des plaidoyers qui pourront être présentés au sujet de leur pertinence ou de leur valeur probante; les documents testimoniaux, préparés pour des procédures judiciaires canadiennes ou fournies dans pareilles procédures, y compris des affidavits dont les auteurs étaient décédés ou incapables de témoigner, les transcriptions de la preuve ainsi que l'interrogatoire principal et le contre-interrogatoire d'un témoin maintenant décédé dans des procédures similaires, ne devraient pas être admis; les documents divers devraient être admis à l'exception de la copie du verdict rendu à la suite d'un procès criminel subi par un autre individu en Allemagne, et de la version anglaise partielle de ce document.

ont comparu:

Peter A. Vita, c.r., pour le demandeur.

Eric Hafemann pour le défendeur.

avocats inscrits au dossier:

Le sous-procureur général du Canada pour le demandeur.

Eric Hafemann, Kitchener (Ontario) pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs de la décision relative à la preuve documentaire

Le juge MacKay: Les présents motifs visent à confirmer ceux qui ont été prononcés oralement lors de l'audience du 17 septembre 1998 au sujet de l'admissibilité de certains documents, provenant principalement d'archives tenues par des gouvernements étrangers, produits à titre de preuve documentaire pour le compte du ministre demandeur. Au début de l'audience qui a eu lieu à la suite du renvoi effectué par le ministre à l'égard de l'acquisition de la citoyenneté par le défendeur, l'avocat du défendeur a déclaré qu'il s'opposait à l'admission d'une bonne partie de la preuve documentaire qui devait être produite pour le compte du ministre demandeur, pour le motif qu'il s'agissait simplement de ouï-dire et que pareille preuve n'était pas admissible dans la présente instance. Il a été convenu qu'un certain temps serait alloué aux fins de l'examen de cette objection, ce qui a été fait le 15 septembre 1998.

Je donne ici d'une façon plus détaillée que dans les motifs que j'ai prononcés oralement à l'audience, lors de laquelle les avocats étaient au courant de l'existence des documents en question, une description des documents en cause et des affidavits qui ont été produits à l'appui. De plus, je résume les arguments invoqués par les avocats, qui ont été utiles à la Cour et qui peuvent permettre de comprendre plus facilement les questions ici en cause.

Pour le compte du ministre, un certain nombre de documents ont été produits en preuve, en plus de ceux qui ont été produits et identifiés de la façon habituelle dans le cadre de l'interrogatoire des témoins. Il y avait notamment les affidavits d'anciens agents du gouvernement du Canada ou des rapports de témoins experts qui ont témoigné au cours de l'instance, ainsi que des lettres ou d'autres documents provenant du gouvernement canadien, et dans certains cas de gouvernements étrangers, qui ont été identifiés par les témoins, et notamment par un agent de la police, comme étant des documents qui avaient été montrés au défendeur, M. Oberlander, lors d'une entrevue qui avait eu lieu en janvier 1995.

La plupart des documents produits pour le compte du ministre sont tirés de dossiers gouvernementaux. Le défendeur ne s'est pas opposé à la production des documents qui proviennent du gouvernement canadien, ou des cartes produites et identifiées par les témoins. En outre, l'objection du défendeur ne vise pas les documents provenant d'archives du gouvernement allemand qui se rapportent à la procédure de naturalisation utilisée en 1994, aux fins de l'acquisition de la citoyenneté allemande, par la famille de M. Oberlander, à savoir par sa mère, sa sœur et lui-même, ou qui se rapportent à la naturalisation de M. Oberlander aux fins de la citoyenneté allemande et qui ont été identifiés en tant que tels par le témoin Hans Huebert. Une troisième catégorie générale de documents produits par le demandeur auxquels le défendeur ne s'oppose pas concerne les affidavits d'archivistes, de copistes et de traducteurs, qui ont été produits en vue de satisfaire aux exigences de forme du paragraphe 30(3) de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5, dans sa forme modifiée [par L.C. 1944, ch. 44, art. 91] (la Loi), se rapportant à des documents gouvernementaux, en particulier ceux d'origine étrangère.

L'avocat du défendeur s'oppose à la production de trois genres de documents. La majorité d'entre eux sont des documents que nous appellerons, pour plus de commodité, des "documents de guerre", apparemment d'origine allemande, provenant du bureau central ou des bureaux locaux des forces armées ou de la police, servant le gouvernement du Troisième Reich, en Allemagne, de 1941 à 1945, pendant la Seconde Guerre mondiale. Le défendeur s'oppose en outre à la production de documents testimoniaux, comme je les appellerai, préparés pour des procédures judiciaires canadiennes ou fournis dans pareilles procédures. Enfin, il s'oppose à la production de quelques documents divers, dont certains sont admis, comme je le ferai remarquer en conclusion, sur la même base que les "documents de guerre" ou parce que les témoins les ont identifiés lorsqu'ils ont été interrogés.

J'examinerai tour à tour chacune des trois catégories de documents susmentionnées. Cependant, il peut être utile d'énoncer auparavant les motifs invoqués à l'égard de la question de l'admissibilité, du moins en ce qui concerne les deux premières catégories.

Au nom du ministre, il est soutenu que tous les "documents de guerre" en question sont admissibles conformément à l'article 30 [mod., idem ] de la Loi, sur la base des affidavits qui les accompagnent et du rapport de M. Manfred Messerschmidt, témoin expert. Subsidiairement, il est soutenu que ces documents sont admissibles conformément à l'article 35 de la Loi sur la preuve de l'Ontario, L.R.O., 1990, ch. E.23, et subsidiairement encore, qu'ils sont admissibles conformément à l'exception à la règle du ouï-dire connue sous le nom d'exception relative à l'obligation commerciale, qui existe en common law. Enfin, subsidiairement encore, il est soutenu que ces documents devraient être admis conformément à l'"exception fondée sur des principes" à la règle du ouï-dire récemment énoncée par la Cour suprême du Canada, notamment dans R. c. Kahn , [1990] 2 R.C.S. 531; R. c. Smith, [1992] 2 R.C.S. 915; R. c. B. (K.G.), [1993] 1 R.C.S. 740 (lesquels sont ci-après appelés les arrêts Kahn, Smith et K.G.B.).

En ce qui concerne les documents testimoniaux préparés pour des procédures judiciaires canadiennes ou fournis dans pareilles procédures, le seul motif invoqué aux fins de leur admission est l'exception fondée sur des principes à la règle du ouï-dire, énoncée dans les arrêts Kahn, Smith et K.G.B.

Les documents de guerre

Les documents de guerre en question proviennent de quatre sources: c'est-à-dire, dans deux cas, de la République fédérale d'Allemagne, à savoir des archives ouest-allemandes, à Coblence, et des archives militaires ouest-allemandes, à Fribourg, et dans les deux autres cas, de la Russie, à savoir du Centre de conservation des collections historiques et documentaires, à Moscou, et de la succursale Taganrog des archives de l'oblast de Roskov. Parmi les divers documents, un autre document de guerre, soit une copie de la [traduction] "Liste des décorations no  17 concernant les croix de service de guerre de 2e classe, avec épées" du haut commandement de l'Armée, à la production de laquelle le défendeur ne s'oppose pas, provenait des archives ouest-allemandes, Bureau central des dossiers, à Aachen"Komelimünster. Deux autres documents concernant des procédures postérieures à la guerre, engagées devant la Cour régionale de Munich I, provenaient du Bureau du ministère public de la Cour régionale de Munich I.

Chacun des documents en question, à l'exception des trois derniers documents désignés ci-dessus comme étant des documents divers, est produit devant la Cour au moyen d'affidavits des archivistes responsables de leur conservation et de leur garde ainsi que d'affidavits d'autres personnes, attestant l'authenticité de la copie du document en cause. Ces affidavits attestent donc que chaque document provient des archives officielles de l'État et que l'original ne peut pas être produit devant la Cour étant donné qu'il s'agit d'un document historique officiel conservé dans les archives en question; ils indiquent les circonstances dans lesquelles l'original a été copié et attestent qu'une copie certifiée a été établie et est maintenant produite devant la Cour. Chaque affidavit rédigé en allemand ou en russe, et chaque document rédigé en allemand, est traduit en anglais et l'affidavit d'un traducteur, agréé par le Bureau de la traduction de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, atteste l'exactitude de la version traduite. Ces divers affidavits satisfont aux exigences de forme du paragraphe 30(3) de la Loi, et on ne s'oppose pas à l'admission des affidavits eux-mêmes.

Je décrirais les documents de guerre en question comme étant des directives ou des ordres du haut commandement des Forces armées de la Wehrmacht, ou du chef de la Police de sécurité et des SD (un service de sûreté des SS), du commandement de l'Armée ou d'un quartier général local, ainsi que des rapports provenant des unités de campagne, appelés "rapports d'événements, URSS", ou des rapports ultérieurs sur les activités, provenant des territoires occupés de l'Est, établis régulièrement à l'aide de rapports d'unités individuelles, et conformément aux directives du bureau central, transmis le long de la chaîne de commandement aux bureaux centraux des services de police et des services militaires.

J'examinerai d'abord l'argument du ministre selon lequel les documents sont admissibles en vertu des exceptions à la règle du ouï-dire reconnues par la loi ou en common law. Au nom du ministre demandeur, il est soutenu que les documents en question sont admissibles, en premier lieu, conformément à l'article 30 de la Loi sur la preuve au Canada, qui est en partie ainsi libellé:

30. (1) Lorsqu'une preuve orale concernant une chose serait admissible dans une procédure judiciaire, une pièce établie dans le cours ordinaire des affaires et qui contient des renseignements sur cette chose est, en vertu du présent article, admissible en preuve dans la procédure judiciaire sur production de la pièce.

[. . .]

(3) Lorsqu'il n'est pas possible ou raisonnablement commode de produire une pièce décrite au paragraphe (1) ou (2), une copie de la pièce accompagnée d'un premier document indiquant les raisons pour lesquelles il n'est pas possible ou raisonnablement commode de produire la pièce et d'un deuxième document préparé par la personne qui a établi la copie indiquant d'où elle provient et attestant son authenticité, est admissible en preuve, en vertu du présent article, de la même manière que s'il s'agissait de l'original de cette pièce pourvu que les documents satisfassent aux conditions suivantes: que leur auteur les ait préparés soit sous forme d'affidavit reçu par une personne autorisée, soit sous forme de certificat ou de déclaration comportant une attestation selon laquelle ce certificat ou cette déclaration a été établi en conformité avec les lois d'un État étranger, que le certificat ou l'attestation prenne ou non la forme d'un affidavit reçu par un fonctionnaire de l'État étranger.

[. . .]

(6) Aux fins de déterminer si l'une des dispositions du présent article s'applique, ou aux fins de déterminer la valeur probante, le cas échéant, qui doit être accordée aux renseignements contenus dans une pièce admise en preuve en vertu du présent article, le tribunal peut, sur production d'une pièce, examiner celle-ci, admettre toute preuve à son sujet fournie de vive voix ou par affidavit, y compris la preuve des circonstances dans lesquelles les renseignements contenus dans la pièce ont été écrits, consignés, conservés ou reproduits et tirer toute conclusion raisonnable de la forme ou du contenu de la pièce.

[. . .]

(10) Le présent article n'a pas pour effet de rendre admissibles en preuve dans une procédure judiciaire:

a) un fragment de pièce, lorsqu'il a été prouvé que le fragment est, selon le cas:

[. . .]

(ii) une pièce établie au cours d'une consultation en vue d'obtenir ou de donner des conseils juridiques ou établie en prévision d'une procédure judiciaire,

[. . .]

c) une transcription ou un enregistrement de témoignages recueillis au cours d'une autre procédure judiciaire.

[. . .]

(12) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

"affaires" Tout commerce ou métier ou toute affaire, profession, industrie ou entreprise de quelque nature que ce soit exploités ou exercés au Canada ou à l'étranger, soit en vue d'un profit, soit à d'autres fins, y compris toute activité exercée ou opération effectuée, au Canada ou à l'étranger, par un gouvernement, par un ministère, une direction, un conseil, une commission ou un organisme d'un gouvernement, par un tribunal ou par un autre organisme ou une autre autorité exerçant une fonction gouvernementale.

[. . .]

"pièce" Sont assimilés à une pièce l'ensemble ou tout fragment d'un livre, d'un document, d'un écrit, d'une fiche, d'une carte, d'un ruban ou d'une autre chose sur ou dans lesquels des renseignements sont écrits, enregistrés, conservés ou reproduits, et, sauf pour l'application des paragraphes (3) et (4), tout copie ou transcription admise en preuve en vertu du présent article en conformité avec le paragraphe (3) ou (4).

"procédure judiciaire" Toute procédure ou enquête, en matière civile ou pénale, dans laquelle une preuve est ou peut être faite, y compris l'arbitrage.

Il est soutenu pour le compte du ministre que le paragraphe 30(1) de la Loi devrait s'appliquer d'une manière libérale de façon à faciliter l'admission des pièces commerciales, telles qu'elles sont définies au paragraphe 30(12), qui ont été établies dans le cours usuel et ordinaire de presque toute activité, qu'il s'agisse d'un commerce, d'une affaire ou d'une autre entreprise, soit dans ce cas-ci d'une activité exercée par des organismes gouvernementaux, et que cette activité ait été exercée au Canada ou à l'étranger, dans la mesure où les pièces se rapportent à une chose à l'égard de laquelle une preuve orale serait admissible. Il est soutenu que cela comprend les documents, décrits comme renfermant du double ouï-dire, qui sont établis par une personne à partir de renseignements fournis par une autre personne. L'avocat se fonde sur la décision rendue par le juge Callaghan, de la Cour de comté, (tel était alors son titre), dans l'affaire R. v. Grimba and Wilder (1977), 38 C.C.C. (2d) 469 (C. cté Ont.), dans laquelle il était question de l'admissibilité de pièces relatives à des empreintes digitales, obtenues en partie du Federal Bureau of Investigation, à Washington, et du témoignage d'un agent du FBI, qui était un spécialiste en la matière. Les documents relatifs aux empreintes digitales copiés des dossiers du FBI ont été admis, à titre de copies et de pièces, conformément à l'article 30 de la Loi. En statuant sur l'affaire, le juge Callaghan a notamment fait les remarques suivantes [aux pages 471 à 473]:

[traduction] Il semblerait que le fondement de cette disposition [c'est-à-dire l'art. 30], lorsqu'il s'agit d'admettre une forme de preuve par ouï-dire, est la garantie circonstancielle inhérente d'exactitude qui existerait dans un contexte commercial, dans le cas de pièces sur lesquelles on se fonde dans les affaires courantes d'entreprises individuelles et qui sont assujetties à des vérifications et à des contre-vérifications fréquentes. Il semble que l'art. 30 n'empêche pas l'examen par la Cour des pièces ainsi systématiquement conservées et produites, et sur lesquelles on se fonde régulièrement, simplement parce qu'elles contiennent du ouï-dire ou du double ouï-dire.

[. . .]

La difficulté fondamentale soulevée par les plaidoyers dans ce cas-ci se rapportait à la question de savoir si l'entreprise du Federal Bureau of Investigation pouvait être considérée comme des "affaires" au sens du par. 30(12). Il a été soutenu que la règle ejusdem generis devrait s'appliquer aux mots "entreprise de quelque nature que ce soit exploité[e] au Canada ou à l'étranger". La règle ejusdem generis devrait également s'appliquer aux mots "y compris toute activité exercée ou opération effectuée, au Canada ou à l'étranger, par un gouvernement". Cela aurait pour effet de restreindre la définition de "commerce ou métier ou [. . .] affaire, profession, industrie ou entreprise" du même genre, soit une entreprise qui se rapporterait à un commerce, un métier, une affaire ou une industrie. À mon avis, cette interprétation du mot "entreprise" serait beaucoup trop restrictive. Le libellé de cette disposition est extrêmement large et il semble que le législateur ait voulu que toute activité exercée ou que toute entreprise exploitée au Canada ou à l'étranger par "un" gouvernement soit visée par cette disposition.

Il me semble que la mention générique d'"un gouvernement" comprendrait un gouvernement étranger et, par conséquent, une direction ou un organisme des États-Unis d'Amérique et du Department of Justice américain serait à mon avis admissible en vertu du par. 30(12) si les pièces étaient établies dans le cours usuel des affaires de pareil organisme.

J'aimerais également souligner qu'il a été soutenu devant moi que l'application extraterritoriale de cette définition créerait des problèmes constitutionnels ainsi que de nombreux autres problèmes lorsqu'il s'agit d'évaluer et d'apprécier les documents de gouvernements autres que le gouvernement américain, mais le législateur a légiféré et peut légiférer à l'égard d'un élément de preuve obtenu dans d'autres ressorts, comme le montre l'art. 23; il importe en outre de noter qu'en vertu du par. 30(6), c'est le tribunal qui détermine la valeur probante des documents provenant de gouvernements étrangers. Il semblerait donc que le législateur ait examiné le problème que l'avocat a soulevé et qu'il ait prévu un recours à cet égard.

[. . .]

Un argument m'a beaucoup préoccupé, à savoir celui qui avait trait à la corrélation entre les par. 30(1) et (9). Il a été soutenu que M. Harper n'était pas admissible à témoigner parce qu'il n'était pas l'auteur des documents et qu'il n'avait pas eu initialement connaissance des faits qui y étaient énoncés. Il va sans dire, bien sûr, que M. Harper n'a pas eu connaissance de l'établissement de ces documents, mais à mon avis, toute personne exerçant des fonctions officielles telles que les siennes, auprès d'un organisme qui conserve pareils documents dans le cours ordinaire de ses affaires, aurait connaissance des faits qui y sont énoncés, compte tenu de son expérience en la matière, conformément aux exigences du par. (9). Je statue donc que M. Harper est compétent pour témoigner au sujet des faits énoncés dans les documents en question, compte tenu de son expérience et des fonctions qu'il exerce auprès du Federal Bureau of Investigation.

J'aimerais faire remarquer que l'idée selon laquelle l'article 30 s'applique notamment au double ouï-dire figurant dans des pièces commerciales, comme le juge Callaghan en a fait mention dans la décision R. v. Grimba and Wilder, a été suivie dans les décisions R. v. Anthes Business Forms Ltd. et al. (1974), 19 C.C.C. (2d) 394 (H.C. Ont.); conf. par (1975), 10 O.R. (2d) 394 (C.A.); conf. par [1978] 1 R.C.S. 970; R. v. Penno (1977), 76 D.L.R. (3d) 529 (C.A.C.-B.); et R. v. Martin, [1997] 6 W.W.R. 62 (C.A. Sask.).

Au nom du ministre, il est soutenu que les documents ici décrits dans les affidavits des archivistes comme ayant été établis par divers organismes allemands, par des autorités militaires et policières, dans le cours usuel et ordinaire de leurs affaires devraient être admis. La preuve orale du contenu des documents serait admissible, mais les personnes qui ont initialement fourni ou recueilli les renseignements ne sont pas connues et seraient probablement maintenant décédées, de sorte qu'elles ne peuvent pas témoigner. Cela étant, il est soutenu que les exigences de l'article 30 sont satisfaites.

Si la Cour se préoccupe de l'admission des documents, dont le contenu renferme du double ouï-dire, il est soutenu pour le compte du ministre que les documents sont admissibles conformément au paragraphe 53(2) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, dans sa forme modifiée, qui prévoit que la Cour a le pouvoir discrétionnaire d'admettre une preuve si, selon le droit en vigueur dans une province et selon l'article 35 de la Loi sur la preuve de l'Ontario, elle l'était devant une cour supérieure de cette province. Cette dernière disposition, en ce qui concerne l'admission des pièces commerciales, prévoit expressément en ces termes au paragraphe 35(4), l'admission du double ouï-dire:

35. [ . . .]

(4) Les circonstances dans lesquelles l'écrit ou le document ont été établis, y compris l'absence de connaissance directe des faits de la part de leur auteur, peuvent être exposées afin de diminuer la force probante de l'écrit ou du document sans toutefois porter atteinte à leur admissibilité.

Subsidiairement, l'avocat soutient que les documents de guerre sont admissibles en vertu de l'exception à la règle du ouï-dire prévue par la common law à l'égard des pièces commerciales, comme la Cour suprême du Canada l'a mentionné dans l'arrêt Ares c. Venner, [1970] R.C.S. 608. De la façon dont le juge Griffiths a appliqué l'exception dans la décision Setak Computer Services Corporation Ltd. v. Burroughs Business Machines Ltd. et al. (1977), 15 O.R. (2d) 750 (H.C.), les pièces ici en cause ne semblent pas, à première vue ou selon la preuve, avoir été établies par des personnes qui avaient connaissance de tous les faits consignés; or, si cette exigence de la common law n'est pas satisfaite, les pièces sont tout au plus admissibles en vue d'établir que les auteurs des documents avaient uniquement connaissance des autres documents ou rapports à l'aide desquels le document en question a été établi, et non de l'exactitude de leur contenu. Il n'est pas clairement évident selon moi que tous les documents ici en cause seraient admis conformément à l'exception prévue par la common law à l'égard des pièces établies dans le cours usuel des affaires ou d'une activité.

L'exception prévue par la common law qui a été invoquée pour le compte du ministre n'a pas été soulevée sur la base de la preuve relative aux documents et à la façon dont ceux-ci avaient été établis, à part la preuve fournie par des affidavits connexes qui établissent qu'il s'agit de pièces établies dans le cours usuel et ordinaire des activités des organismes concernés. Il n'a donc pas été soutenu que ces documents étaient admissibles en vertu de l'exception prévue par la common law à l'égard des documents publics.

Au nom du défendeur, il a été soutenu qu'il n'est pas établi en l'espèce que les documents en question doivent être admis en vertu de l'exception à la règle du ouï-dire prévue par la common law à l'égard des pièces commerciales. Un certain nombre d'exigences habituelles relatives à cette exception ne sont tout simplement pas satisfaites; ainsi, les rapports ne renferment pas des inscriptions originales, mais ils sont établis à l'aide de rapports rédigés par des tiers et, à première vue, ils ne semblent pas avoir été établis au moment où les événements enregistrés se sont produits. En outre, le témoin expert du demandeur, M. Messerschmidt, a reconnu qu'il ne serait pas surprenant que certains documents aient été fabriqués, de sorte que leur exactitude, selon le défendeur, devrait être considérée comme douteuse.

De l'avis du défendeur, l'article 35 de la Loi sur la preuve de l'Ontario ne fournit pas, aux fins de l'admission des documents, un meilleur fondement que ne le fait l'article 30 de la Loi sur la preuve au Canada; or, cette dernière disposition, est-il soutenu, ne prévoit pas leur admission. Deux arguments principaux sont invoqués. En premier lieu, il est soutenu que les documents ne sont pas de la nature de pièces commerciales visées par l'article 30. Il s'agit de documents créés pendant la guerre par des organismes qui n'ont rien à voir avec une entreprise de quelque genre que ce soit au sens ordinaire de ce terme. Il est soutenu que, dans bien des cas, l'examen des documents montre qu'ils n'ont rien à voir avec les questions dont la Cour est ici saisie et que, s'ils sont pertinents, leur valeur probante est faible. En second lieu, il est soutenu qu'aucun témoin ou déclarant n'a eu directement connaissance, non seulement des affaires enregistrées dans les documents, mais aussi de la procédure par laquelle les documents ont été créés et conservés. Les personnes qui attestent que les documents en question ont été créés dans le cours usuel et ordinaire des affaires des organismes concernés sont des historiens ou des archivistes qui n'ont qu'une connaissance indirecte des documents et de la procédure d'établissement suivie, fondée sur l'étude de l'histoire et sur les documents dont ils disposaient aux fins de cette étude.

Au nom du défendeur, l'avocat a soutenu qu'en admettant les documents de guerre et les autres documents ici en cause à titre d'exceptions à la règle du ouï-dire, conformément à l'exception légale invoquée ou à l'exception fondée sur des principes élaborée par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Khan, sur laquelle je reviendrai ci-dessous, on se trouverait à étendre la portée des exceptions à la règle du ouï-dire qui ont jusqu'à maintenant été reconnues par les tribunaux.

Documents testimoniaux préparés pour des procédures judiciaires canadiennes ou provenant de procédures judiciaires canadiennes

Il y a quatre documents de ce genre. Deux documents sont des affidavits qui ont été faits dans le cadre de la préparation de la présente instance, par Arthur Northcott, autrefois contrôleur des visas, maintenant décédé, et par Julian Vickerman, autrefois contrôleur des visas, maintenant invalide et incapable de témoigner. Les affidavits n'ont pas déjà été déposés en l'espèce et ils n'ont pas fait l'objet d'un contre-interrogatoire. Les autres documents que le ministre a présentés en vue de les faire admettre sont des transcriptions de la preuve, soit l'interrogatoire principal et le contre-interrogatoire de Gerrard Keelan qui ont été présentés lors de deux renvois du même genre que la présente instance, dans lesquels M. Keelan, autrefois contrôleur des visas, maintenant décédé, témoignait pour le compte du ministre.

Le seul fondement invoqué en vue de faire admettre ces documents est l'exception fondée sur des principes élaborée par la Cour suprême du Canada dans les arrêts Kahn, Smith et K.G.B., supra. Cette exception à la règle du ouï-dire permet peut-être d'admettre une preuve par ouï-dire lorsqu'une déclaration a été faite dans des circonstances telles qu'elle peut être considérée comme fiable, et lorsqu'il est raisonnablement nécessaire d'admettre la preuve en vue de corroborer ou de réfuter une question en litige. Il est soutenu que les arrêts dans lesquels l'exception a été élaborée se rapportent tous à l'admissibilité de déclarations orales dans le contexte de procédures criminelles, mais que les mêmes principes devraient s'appliquer en l'espèce lorsqu'il s'agit d'admettre des déclarations écrites, soit les affidavits et les transcriptions de la preuve orale présentés dans le cadre d'autres procédures. Il est soutenu que les déclarations écrites ou les comptes rendus de déclarations effectués par d'anciens contrôleurs des visas, qui en général corroborent la preuve des autres anciens agents comparaissant maintenant devant la Cour dans la présente instance, satisfont aux normes nécessaires de fiabilité. En outre, ces documents devraient être admis sur la base du critère de la nécessité raisonnable, car autrement la Cour ne les aura pas à sa disposition lorsqu'elle examinera les principales questions à régler.

Au nom du défendeur, on affirme que cette exception ne s'applique pas en vue d'admettre en preuve les quatre documents testimoniaux ou les documents de guerre. En les admettant, on étendrait la portée des exceptions reconnues à la règle du ouï-dire. On se trouverait implicitement à accepter, comme fondement à la nécessité, le temps que le ministre a mis à engager la présente instance. Rien ne permet de conclure que les déclarations ou les documents soient fiables et il n'existe aucune possibilité de contre-interroger les personnes qui ont fait les déclarations dans le cas des documents testimoniaux, ou les personnes qui connaissent, par expérience personnelle, le processus par lequel les documents de guerre ont été produits.

La décision de la Cour

Je conclus que tous les documents de guerre sont admissibles en principe, conformément à l'article 30 de la Loi, et j'ordonne qu'ils soient admis en preuve à toutes fins utiles, sous réserve des plaidoyers qui pourront être présentés au sujet de leur fiabilité et de leur valeur probante ou de leur poids en l'espèce. En outre, je conclus que les quatre documents testimoniaux en question ne sont pas admissibles et j'ordonne qu'ils ne soient pas admis en preuve.

Il y a en outre divers documents que j'examinerai ci-dessous.

1. Un document intitulé: [traduction] "Octroi par le haut commandement de l'Armée de la croix de service de guerre de 2e classe, liste no 17" a été identifié par le témoin expert Messerschmidt et accepté par le défendeur, qui ne savait pas que le document ou la liste montraient entre autres qu'une croix de service de guerre lui avait été décernée. En fin de compte, le document n'a donné lieu à aucune objection et il est admis.

2. Un deuxième document, soit une note biographique sur laquelle était apparemment apposée la signature du témoin Hans Huebert, et qui concernait celui-ci, document qui n'a pas été présenté à M. Huebert pendant qu'il témoignait, est admissible. Ce document n'a en fin de compte fait l'objet d'aucune objection et, s'il est pertinent, il est admissible sur la même base que les documents de guerre, conformément à l'article 30 de la Loi.

3. Le troisième document est une copie d'une déclaration rédigée en allemand, et la version anglaise y afférente, que le défendeur aurait apparemment remise au consulat général de l'Allemagne, à Toronto, en 1970; il se rapporte à une enquête préliminaire concernant d'anciens membres de l'unité connue sous le nom de Einsatzkommando 10a, qui existait en temps de guerre, lesquels avaient été accusés de meurtre ou de complicité après le fait; cette enquête était alors en instance devant la Cour régionale de Munich I. La déclaration a été identifiée par le défendeur comme étant la sienne, et elle est admise.

4. Le quatrième et dernier document renferme le verdict, en allemand, partiellement traduit en anglais, provenant du Bureau du ministère public, Cour régionale de Munich I, lequel a été rendu le 25 mars 1981 à la suite du procès devant jury de M. Kurt Christmann, autrefois commandant de l'Einsatzkommando 10a, et par lequel l'accusé était déclaré coupable et condamné pour [traduction] "deux infractions simultanées d'aide ou d'encouragement à l'égard des meurtres, sous 30 chefs chacune". Je conclus que ce dernier document n'est pas admissible. Il s'agit d'une décision rendue par un tribunal étranger, à l'égard d'une autre personne qui a subi un procès en vertu du droit criminel qui s'appliquait alors en Allemagne. À mon avis, il s'agit d'une copie d'une pièce officielle, mais dans la présente instance, cela constitue clairement du ouï-dire. Ce document n'est pas pertinent, autant que je puisse en juger, et il n'a pas de valeur probante en ce qui concerne la principale question dont cette Cour est saisie.

En ce qui concerne les documents de guerre en question, il est à mon avis possible de répondre à l'objection du défendeur, à savoir que par leur nature ils ne devraient pas être considérés comme des pièces commerciales [traduction] "au sens de l'article 30 de la Loi", en se reportant au sens clair des mots "pièce" et "affaires", tels qu'ils sont définis au paragraphe 30(12). Ces documents sont clairement des pièces et, à mon avis, l'activité dans le cadre de laquelle ils auraient apparemment été établis est clairement visée par la définition large du mot "affaires", qui est en partie ainsi libellée:

30. (12) [. . .]

"affaires" [. . .] toute [. . .] entreprise de quelque nature que ce soit exploité[e] [. . .] au Canada ou à l'étranger, [. . .] y compris toute activité exercée ou opération effectuée, au Canada ou à l'étranger, par un gouvernement, par un ministère, une direction, un conseil, une commission ou un organisme d'un gouvernement, [. . .] ou par un autre organisme ou une autre autorité exerçant une fonction gouvernementale.

Les "documents de guerre" en question, même s'il ne s'agit pas du genre de documents aisément reconnus comme caractéristiques d'une entreprise régulière au sens commercial du terme, se rapportent clairement à mon avis à des activités d'organismes du gouvernement, et dans ce cas-ci d'organismes importants du gouvernement allemand de l'époque, de ses forces armées et de ses services de police.

De toute évidence, les documents contiennent uniquement du ouï-dire et, de fait, du soi-disant double ouï-dire, mais il s'agirait apparemment de documents produits dans le cours ordinaire des activités d'organismes gouvernementaux s'occupant d'opérations militaires et policières.

Ce sont les déclarations qui sont faites au moyen d'affidavits, à savoir que les documents ont été produits dans le cours usuel et ordinaire des affaires ou d'une activité des organismes concernés, qui donnent lieu à la deuxième objection soulevée pour le compte du défendeur à l'égard de l'admission en preuve de ces documents. Le seul élément de preuve tendant à montrer que ces documents ont été produits dans le cours usuel et ordinaire des activités de ces organismes est qu'ils ont été fournis par des historiens et par des archivistes. En d'autres termes, ils ne sont pas, et ils ne devraient peut-être pas être, admissibles à titre de documents satisfaisant au principe fondamental de la fiabilité, au moyen de leur identification par une personne qui pourrait témoigner, ou qui pourrait attester au moyen d'un affidavit, en se fondant sur une connaissance directe de la procédure de compte rendu, à titre de documents apparemment établis dans le cours ordinaire des affaires ou de l'activité. En l'espèce, cet élément de preuve n'est tout simplement pas disponible. Les seules personnes qui sont disponibles pour attester que les documents ont initialement été produits dans le cours usuel et ordinaire des affaires sont les experts en histoire qui en ont indirectement connaissance.

Je ne suis pas prêt à exclure les documents en question en me fondant sur cette objection. À mon avis, l'article 30 de la Loi n'exige pas qu'il soit attesté que le document est établi dans le cours usuel et ordinaire des affaires ou d'une activité de l'entreprise ou de l'organisme concerné par quelqu'un qui est au courant de la chose à cause de son expérience personnelle et qui a participé à la production du document. Cette soi-disant exigence est peut-être conforme à la façon dont la question de la fiabilité est abordée en common law, mais selon l'interprétation que je donne au paragraphe 30(3), cette disposition prévoit que les copies des documents originaux doivent être admises sur la base "d'un premier document indiquant les raisons pour lesquelles il n'est pas possible ou raisonnablement commode de produire la pièce et d'un deuxième document préparé par la personne qui a établi la copie indiquant d'où elle provient et attestant son authenticité". En outre, le paragraphe 30(6) autorise le tribunal à "examiner celle-ci, admettre toute preuve à son sujet fournie de vive voix ou par affidavit, y compris la preuve des circonstances dans lesquelles les renseignements contenus dans la pièce ont été écrits, consignés, conservés ou reproduits et tirer toute conclusion raisonnable de la forme ou du contenu de la pièce".

La Loi n'exige pas que l'auteur de l'affidavit ait directement connaissance de la procédure suivie à l'égard de la production du document. À mon avis, il appartient à la Cour de déterminer, en se fondant sur les affidavits, si l'exigence nécessaire, en ce qui concerne la fiabilité, est satisfaite.

En l'espèce, des copies de documents historiques produits et par la suite conservés par des organismes gouvernementaux, et maintenant conservés dans des archives nationales ou dans des archives de l'administration centrale, en Allemagne et en Russie, sont ici présentées en vue d'être admises, avec des affidavits à l'appui faits par des archivistes ou des historiens chargés de conserver les originaux, qui ont des connaissances spéciales en matière d'identification de documents officiels ou de documents gouvernementaux. Ainsi, certains documents en cause sont produits avec l'affidavit de M. Josef Henke, directeur des archives ouest-allemandes, à Coblence, titulaire d'un doctorat en histoire moderne et archiviste agréé, dont les responsabilités lui ont permis d'acquérir des connaissances précises au sujet des documents visés par l'affidavit et qui déclare que les documents qui, selon lui, [traduction] "sont officiels, ont été produits dans le cours usuel et ordinaire des affaires de divers bureaux du gouvernement allemand du Reich et du NSDAP [le parti nazi] et ont été traités par ceux-ci". D'autres documents, provenant de la succursale de Taganrog des archives de l'oblast de Roskov, en Russie, sont authentifiés au moyen de l'affidavit de l'archiviste chargé de les garder et de les conserver ainsi qu'au moyen de l'affidavit de M. Franz Golczewski, professeur agréé en histoire de l'Europe de l'Est à l'université de Hambourg, qui est un expert en ce qui concerne les documents relatifs à l'occupation allemande de l'Ukraine pendant la Seconde Guerre mondiale ainsi qu'en ce qui concerne la nature des opérations allemandes et la politique en matière d'occupation en Ukraine, lequel atteste que les documents mentionnés dans son affidavit [traduction ] "ont été établis par divers organismes des SS, de la Police de sécurité et des SD (service de sûreté) et par les autorités militaires allemandes, pendant l'occupation de l'Union soviétique par les Allemands, dans le cours usuel et ordinaire de leurs affaires". Tous les documents de guerre en question sont étayés par des affidavits de ce genre.

À mon avis, les connaissances spéciales des historiens satisfont au critère préliminaire nécessaire relatif à la fiabilité lorsqu'il s'agit d'admettre les documents en preuve à titre de documents officiels et de documents établis dans le cours usuel et ordinaire des affaires ou d'une activité des organismes concernés.

Toutefois, puisque j'ai statué que les documents établis en temps de guerre sont admissibles conformément à l'article 30 de la Loi sur la preuve au Canada, je ne rends aucune décision au sujet des autres fondements invoqués pour le compte du ministre à l'égard de leur admission, c'est-à-dire la Loi sur la preuve de l'Ontario ou la common law, ou encore l'exception fondée sur des principes que la Cour suprême du Canada a récemment élaborée. Si je ne m'étais pas prononcé sur leur admissibilité en me fondant sur l'article 30, j'aurais minutieusement examiné l'application de l'exception énoncée dans les arrêts Smith, Khan et K.G.B. en me fondant sur une évaluation de la fiabilité des documents, établis dans le cours usuel et ordinaire d'une activité des organismes concernés, ainsi que la nécessité d'admettre le document en l'espèce. Cependant, je ne me prononcerai pas sur la question.

J'examinerai maintenant les documents testimoniaux préparés pour la présente instance, soit deux affidavits de MM. Northcott et Vickerman, et les transcriptions du témoignage présenté dans d'autres procédures judiciaires canadiennes par M. Keelan. Il est soutenu que, compte tenu de l'exception fondée sur des principes à la règle du ouï-dire énoncée dans des arrêts récents de la Cour suprême du Canada, ces documents devraient être admis. Il est soutenu qu'ils satisfont suffisamment au critère préliminaire relatif à la fiabilité pour qu'il soit possible d'omettre de tenir compte du fait qu'il est impossible d'effectuer un contre-interrogatoire dans la présente instance, et qu'ils satisfont au critère de la nécessité étant donné que, s'ils ne sont pas admis, la Cour ne disposera pas des éléments de preuve qu'ils renferment.

De toute évidence, dans la présente instance, ces documents testimoniaux constituent du ouï-dire. À mon avis, le critère relatif à la fiabilité n'est pas satisfait lorsque les documents sont préparés à titre d'affidavits à l'égard de procédures judiciaires en prévision d'un contre-interrogatoire qui n'a en fin de compte pas lieu.

En outre, à mon avis, le critère relatif à la nécessité n'est pas satisfait en l'espèce, de sorte que les affidavits ou les transcriptions ne sont pas admissibles. Il est soutenu que les documents renferment des éléments de preuve similaires à ceux que les anciens contrôleurs de visas ont déjà présentés à la Cour à l'égard de la procédure d'examen des demandeurs aux fins de leur admission à titre d'immigrants au Canada à partir de l'Allemagne. Si la Cour dispose maintenant d'éléments de preuve similaires, le critère relatif à la nécessité n'est, à mon avis, pas satisfait. En outre, lorsque la nécessité est simplement exprimée au point de vue de la possibilité de faire admettre une preuve par ouï-dire, cela ne constitue tout simplement pas une nécessité, selon l'interprétation que je donne à la jurisprudence. Il faut tout au moins établir que l'élément de preuve en question est essentiel, en ce qui concerne un point litigieux et que la Cour ne dispose pas déjà d'autres éléments de preuve similaires.

Les documents en question sont visés par les mots "une pièce [. . .] établie en prévision d'une procédure judiciaire" dans le cas des affidavits de MM. Northcott et Vickerman, ou des mots "transcription [. . .] de témoignages recueillis au cours d'une autre procédure judiciaire" qui figurent dans les deux cas au paragraphe 30(10) de la Loi sur la preuve au Canada , à titre de documents qui, est-il expressément soutenu, ne devraient pas être admis en vertu de cette disposition de la Loi à titre de pièces commerciales.

Je me rends bien compte que l'avocat du demandeur ne demande pas que les documents testimoniaux soient admis en vertu de l'article 30. Pourtant, si le législateur a veillé à exclure pareils documents de l'exception à la règle du ouï-dire prévue à l'article 30 à l'égard des pièces commerciales admissibles, il me semble qu'il ne serait pas approprié de les admettre maintenant en se fondant sur l'exception fondée sur des principes à la règle prévue par la common law. À mon avis, les documents testimoniaux en question ne sont pas admissibles en preuve en l'espèce, et c'est ce que j'ai décidé à l'audience.

Conclusion

Je confirme les directives données oralement à l'égard des documents en question que le ministre demandeur cherche à faire admettre en preuve. Les soi-disant documents de guerre, désignés sous les numéros 3 à 17, 20 à 27, 60 à 64 et 68 à 75, figurant sur la liste de documents du demandeur préparée en vertu de la Règle 920 [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663], produite conformément à l'ordonnance du 23 décembre 1997 à l'égard de procédures se rapportant à la présente instance, sont tous admis, sous réserve de tout plaidoyer qui pourra être présenté dans l'avenir au sujet de la pertinence ou de la valeur probante d'un document. Les documents testimoniaux que le demandeur cherche à faire admettre ne sont pas admissibles. Il s'agit des affidavits de MM. Northcott et Vickerman, et des transcriptions du témoignage que M. Keelan a présenté dans deux renvois antérieurs. Les documents divers en question sont admis, à l'exception du document no 55, soit la copie du verdict rendu par la Cour régionale de Munich I lors du procès que M. Kurt Christmann, en date du 25 mars 1981, et de la version anglaise de ce document.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.