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Greenline Resins Limited (Demanderesse) c.
American Can Company et Skelly Oil Company (Défenderesses)
Division de première instance, le juge Heald— Ottawa, le 28 novembre 1972.
Marques de commerce—Procédure—Action en usurpation intentée à la suite d'une action en radiation—Requête en suspension des procédures dans l'action en usurpation en attendant qu'il soit statué sur l'action en radiation—Pouvoir discrétionnaire de la Cour—Requête rejetée—Règle 324 de la Cour fédérale—Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, c. T-10, art. 18, 19 et 20.
La demanderesse a actionné les défenderesses en usurpa tion de s a marque de commerce déposée. Les défenderes- ses qui, quelques mois auparavant, avaient intenté une action en radiation de la marque de commerce de la deman- deresse, en tardant cependant à la faire juger, demandent une suspension des procédures dans l'action en usurpation.
Arrêt: La Cour, exerçant son pouvoir discrétionnaire, rejette la requête. Les procédures de radiation se règlent par voie sommaire.
Arrêt cité: Weight Watchers International Inc. c. Weight Watchers of Ontario Ltd. (1972) 5 C.P.R. (2e) 122.
REQUÊTE.
Roger T. Hughes pour la demanderesse.
W. R. Meredith, c.r. pour les défenderesses.
LE JUGE HEALD—La présente affaire porte sur un avis de requête des défenderesses visant à obtenir une ordonnance portant suspension de toutes les procédures pendantes dans cette ins tance jusqu'à ce que la Cour rende un jugement final dans l'affaire inscrite au greffe sous le T-3464-71. Il s'agit d'une action en radiation instituée par les défenderesses contre la deman- deresse et visant à faire radier l'enregistrement 176,238 portant sur la marque de commerce «Chemplex» qui, selon la demanderesse, serait usurpée par ces défenderesses. La Cour statue sur cette requête sans comparution en per- sonne, conformément à la Règle 324, en vertu d'une ordonnance du juge en chef adjoint. Les parties ont déposé des observations écrites et détaillées conformément à la Règle 324.
L'instance inscrite au T-3464-71 du greffe de cette Cour a été introduite par les défende- resses le 8 novembre 1971 par un avis de requête introductif d'instance. Une copie certi-
fiée conforme de cet avis de requête introductif d'instance a été signifiée à la demanderesse ce même 8 novembre, 1971. D'après le dossier, l'acte de procédure suivant a été un avis de requête introductif d'instance amendé déposé le 17 juillet 1972. Cet acte amendé a été signifié à l'avocat de la demanderesse le 26 juillet 1972 et le procès-verbal de signification a été déposé au greffe le 31 juillet 1972. En septembre 1972, la demanderesse a présenté une requête de consi- gnation pour frais et dépens et le 18 septembre 1972, mon confrère le juge Kerr a ordonné le dépôt d'une somme de $1,000 et suspendu toutes les procédures en cours jusqu'au dépôt du cautionnement, survenu le 23 octobre 1972.
Dans la présente affaire, la demanderesse allègue qu'elle est le propriétaire inscrit de la marque de commerce enregistrée «Chemplex» en vertu de la Loi sur les marques de commerce. La demanderesse soutient qu'aux termes de l'article 19 de cette loi, elle a droit à l'exploita- tion exclusive de cette marque de commerce au Canada tant que cette dernière n'est pas décla- rée nulle.
La demanderesse soutient que son action contre les défenderesses n'est pas seulement une action en usurpation de marques de com merce enregistrées mais aussi une action fondée sur l'article 7 b) de la Loi sur les marques de commerce c'est-à-dire une action découlant de ses droits en common law d'éviter une confu sion de marques.
La plaignante réclame en l'espèce une injonc- tion interdisant aux défenderesses:
a) d'usurper la marque de commerce enregis- trée «Chemplex» de la demanderesse;
b) d'utiliser la marque de commerce «Chem- plex» ou toute autre appellation prêtant à confusion avec celle-ci relativement à la vente ou à la distribution au Canada de rési- nes polyéthylènes ou de produits semblables;
c) d'attirer l'attention du public sur ses mar- chandises ou son entreprise d'une matière qui cause ou est susceptible de causer de la con fusion au Canada entre ses marchandises et son entreprise et celles de la demanderesse.
Elle réclame en outre des dommages-intérêts ou une restitution des bénéfices, à son choix.
Dans l'affaire Weight Watchers International Inc. c. Weight Watchers of Ontario Ltd. (1972) 5 C.P.R. (2e) 122, plus particulièrement aux pages 129 et 130, j'ai examiné les principes qui régissent l'exercice du pouvoir discrétionnaire judiciaire dans une affaire de ce genre.
En l'espèce, le premier argument opposable à la requête des défenderesses a trait à la nature des deux instances présentées à la Cour ainsi qu'à la manière dont elles se sont déroulées jusqu'à présent.
Il y a plus d'un an déjà que les défenderesses ont intenté une action en radiation fondée sur l'article 57 de la Loi sur les marques de com merce. Il me semble qu'il y a eu des retards considérables pour mettre l'affaire en état et que ceux-ci sont entièrement attribuables aux requérantes, les défenderesses dans cette ins tance. Aucun acte n'a été fait entre novembre 1971 et juillet 1972, date à laquelle les requé- rantes ont amendé leur requête introductive d'instance. La demanderesse a présenté alors une demande de consignation pour frais et dépens, accueillie par une ordonnance du 18 septembre 1972 mais les défenderesses n'ont déposé le cautionnement que le 23 octobre 1972.
La procédure de radiation fondée sur l'article 57 de la loi doit être une procédure sommaire; cette conclusion ressort clairement de la lecture des articles 57 à 59 de la loi ainsi que de la Règle 704 de la Cour fédérale. (Voir également: Broderick & Bas corn Rope v. Registrar of Trade Marks, 62 C.P.R. 268; Home Juice c. Orange Maison Ltée [1968] 2 R.C.É. 535; Eli Lilly & Co. c. Martineau [1954] R.C.É. 681.) La Règle 704(3) dispose que le requérant doit déposer les affidavits venant à l'appui de sa demande dans un délai de quinze jours à compter du dépôt de l'avis introductif d'instance.
Comme nous l'avons indiqué, l'action en radiation a été intentée dès novembre 1971 et les affidavits de la requérante n'ont été déposés que le 31 juillet 1972.
L'avocat des défenderesses a allégué que l'expression «procédure sommaire» signifie simplement que l'action ne comprend pas toutes les formalités ou tous les actes d'une action en bonne et due forme et que cette expression n'a
aucun rapport avec la durée de l'action. Je ne peux malheureusement souscrire à cette défini- tion par trop étroite du terme «sommaire». Je préfère retenir la définition qu'en donne le Shorter Oxford English Dictionary -3e éd. (page 2076):
[TRADUCTION] Désigne les procédures judiciaires rendues expéditives (les italiques sont de moi) par l'omission de certaines formalités de common law.
On peut donc dire que les procédures som- maires ont pour objet d'être plus simples et plus expéditives que la procédure normale devant la Cour. Une lecture attentive de la Règle 704 nous confirme dans cette opinion. Les délais prévus sont très courts et les témoignages sont remplacés par des affidavits. Le contre-interro- gatoire sur affidavit n'est possible qu'avec l'as- sentiment de la Cour. Tout dans cette procédure témoigne de l'intention d'établir un cadre moins rigide et plus expéditif. Les règles de la Cour constituaient donc dans les mains des défende- resses un bon moyen d'obtenir un jugement sur la validité de l'enregistrement de la demande- resse avant l'introduction de la présente ins tance. Par suite, je suis d'avis qu'il n'y a pas lieu de leur permettre d'utiliser leur action en radia tion pour obtenir une suspension de l'action en usurpation de la demanderesse.
Le second argument opposable à cette sus pension est l'état des deux procédures. Du fait que les défenderesses n'ont pas été diligentes dans leur action en radiation, aux termes de la Règle 704, la demanderesse en l'espèce, a jus- qu'à la fin du mois de novembre 1972 environ pour déposer une réponse. Or, la demanderesse n'a pas encore déposé sa réponse de sorte que la contestation n'est pas encore liée dans l'ac- tion en radiation.
En ce qui concerne la présente instance, la déclaration a été déposée le 4 avril 1972. Il a été nécessaire d'obtenir une ordonnance de la Cour pour procéder à une signification ex juris aux défenderesses. La permission a été obtenue le 26 juin 1972 et une comparution a été dépo- sée au greffe pour les défenderesses le 28 juillet 1972. Les défenderesses n'ont pas encore déposé leur défense à l'heure actuelle.
Les circonstances de cette affaire sont donc semblables à celles de l'affaire Weight Watchers (précitée) dans laquelle j'ai refusé d'accorder
une suspension parce que la requête était pré- maturée et que la contestation n'était pas encore liée. Je ne suis fondé à accorder une suspension que lorsque celle-ci est clairement justifiée et je ne pense pas que ce soit le cas dans cette affaire.
L'avocat des défenderesses a déposé un affi davit de John C. Singlehurst, auquel était joint un projet de défense. Dans cet affidavit le déclarant affirme sous serment:
[TRADUCTION] Comme indiqué la présente défense constitue la position des défenderesses dans la présente instance et pour le cas ou l'honorable Cour ne jugerait pas opportun d'ordonner la suspension des procédures visées, la défende- resse a l'intention de déposer sa défense dans des termes identiques ou très semblables.
Il n'en reste pas moins qu'aucune défense n'a été déposée. Après le dépôt de la défense, la demanderesse a le droit de déposer une réplique et, normalement, la contestation n'est liée qu'à. ce moment-là. Quels que soient les autres argu ments opposables à cette demande, il me semble que cette dernière est prématurée.
L'avocat de la demanderesse a soutenu aussi que le litige n'a pas le même objet dans les deux instances et il s'appuie sur la décision que j'ai rendue dans l'affaire Weight Watchers (préci- tée) et sur l'arrêt de la Cour suprême dans l'affaire General Foods Ltd. c. Struthers Scien tific and International Corp. (1971) 4 C.P.R. (2e) 97.
Vu qu'aucune défense n'a été déposée dans l'un et l'autre cas, la contestation n'est pas liée et, par suite, il n'est donc pas possible ni même nécessaire dans cette affaire de décider si l'ob- jet du litige est ou n'est pas le même dans les deux cas.
Je conclus donc que les défenderesses n'ont pas réussi à s'acquitter de la charge de la preuve dans cette affaire. La requête est donc rejetée avec dépens en faveur de la demanderesse, quelle que soit l'issue de la cause.
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