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Allied Farm Equipment Limited (Appelante)
c.
Le ministre du Revenu national (Intime')
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges suppléants Perrier et Choquette—Montréal, le 12 décembre 1972.
Impôt sur le revenu—Compagnies associées—L'associa- tion à une compagnie étrangère suffit-elle—Loi de l'impôt sur le revenu, art. 39(4).
Aux fins de l'article 39(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu, une compagnie est censée être associée à une autre si elle répond à un certain nombre de critères. Si les deux compagnies ne sont pas imposables aux termes de la Partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu, ledit article ne s'applique pas.
Distinction faite avec l'arrêt International Fruit Distribu tors Ltd. c. M.R.N. [1953] C.T.C. 342.
APPEL infirmant une décision du juge Heald, [1972] C.F. 263.
Philip F. Vineberg, c.r. pour l'appelante. George W. Ainslie, c.r. pour l'intimé.
LE JUGE EN CHEF JACKETT (oralement)—Le présent appel porte sur un jugement de la Divi sion de première instance, rejetant l'appel d'un jugement de la Commission d'appel de l'impôt, dans la mesure celui-ci a rejeté les appels de l'appelante relativement aux cotisations établies à son égard en vertu de la Partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu au titre de ses années d'imposition 1960, 1961, 1962, 1963 et 1964.
La seule question soulevée quant à ces coti- sations est celle de savoir si l'appelante, compa- gnie qui exploitait une entreprise au Canada, était une corporation «associée», au sens de l'article 39(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, à deux autres corporations, qui exploitaient une entreprise au Canada, pendant les années d'im- position en question, ce qui a eu pour effet de rendre applicable à son revenu imposable un taux d'impôt plus élevé que celui qui lui aurait été applicable si elle n'avait pas été ainsi «associée».
Pour être en mesure de bien préciser l'objet du litige, il est nécessaire de tenter de résumer l'esprit de l'article 39 d'une manière à la fois intelligible et suffisamment exacte.
La Partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu assujettit à l'impôt sur le revenu le revenu imposable annuel de toute personne résidant au Canada ou y exploitant une entreprise (article 2). 1 L'article 39 fixe le taux auquel cet impôt est calculé en ce qui concerne les corporations (par opposition aux particuliers). On peut résumer l'article 39 comme suit:
1. Le paragraphe (1) fixe le taux applicable à la première tranche de $35,000 du revenu imposable 2 et un taux sensiblement plus élevé pour le reste, «sauf disposition contraire».
2. Le paragraphe (2) vise par ailleurs le cas «deux ou plusieurs corporations sont asso- ciées les unes aux autres» et prévoit qu'en pareil cas, l'impôt exigible de «chacune d'el- les» doit être calculé au taux plus élevé sur la totalité de son revenu imposable.
3. Le paragraphe (3) prévoit que nonobstant le paragraphe (2), «si toutes les corporations d'un groupe qui sont associées les unes aux autres» accomplissent certains actes, «l'impôt payable par chacune des corporations» doit être calculé conformément à une formule selon laquelle le bénéfice du taux réduit sur $35,000 doit être réparti entre elles et le paragraphe (3a) prévoit une autre façon qui produit le même résultat lorsque «l'une des corporations d'un groupe qui sont associées les unes aux autres» a omis d'accomplir les- dits actes.
4. Les paragraphes (4) et suivants prévoient une série de règles très complexes et très détaillées qui ont pour objet de préciser le sens de l'expression «corporations asso- ciées», qui pourrait autrement être ambiguë, sinon dépourvue de sens, employée dans la première partie de l'article. Parmi ces para- graphes, les deux qui nous intéressent sont les suivants:
a) le paragraphe (4), qui prévoit qu'«aux fins du présent article», une corporation est «associée» à une autre si elle répond à l'un ou à l'autre des critères qui y sont énoncés, 3 et
b) le paragraphe (5), qui prévoit que «lors- que deux corporations sont associées ou sont considérées, en vertu du présent paragraphe, comme associées à la même corporation ...»,
elles sont, «pour l'application du présent arti cle» censées être «associées» l'une à l'autre.
Je vais maintenant tenter de préciser la ques tion qu'il nous faut trancher.
Quatre corporations sont en cause:
a) l'appelante, qui résidait au Canada et y exploitait une entreprise,
b) deux autres corporations, qui résidaient au Canada et y exploitaient une entreprise (ci- après appelées «les autres corporations cana- diennes»), et
c) une corporation américaine qui ne résidait pas au Canada et n'y exploitait pas d'entreprise.
Il est admis de part et d'autre que, selon les seuls critères de l'article 39(4), l'appelante n'é- tait pas, aux fins de l'article 39, «associée» à l'une ou l'autre des corporations canadiennes. D'autre part, si l'on appliquait lesdits critères à l'appelante et à la corporation américaine, ces deux corporations seraient considérées comme des corporations «associées» l'une à l'autre; de même, si l'on appliquait ces critères à l'une ou l'autre des autres corporations canadiennes et à la corporation américaine, on obtiendrait le même résultat. C'est à ce point que les parties ne sont plus du même avis. L'intimé prétend que l'article 39(4) s'applique avec ce résultat que l'appelante et les autres corporations cana- diennes sont associées à la même corporation, la corporation américaine, et que, par suite, elles sont nécessairement «censées être asso- ciées l'une à l'autre», aux termes de l'article 39(5). Pour sa part, l'appelante soutient que, comme la corporation américaine n'est pas assujettie à l'impôt en vertu de la Partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu, l'article 39(4) ne peut pas s'appliquer à celle-ci et que, par suite, rien ne peut justifier l'application de l'article 39(5).
A mon avis, on doit rechercher la réponse exacte dans une analyse des paragraphes (2), (3), (3a) et (4) de l'article 39. Chacun des trois premiers fixe des circonstances de fait se rap- portant à «deux ou plusieurs» ou à «un groupe» de corporations «associées» (le sens de cette expression n'est pas suffisamment clair dans le contexte) et énonce ensuite une règle à suivre
dans le calcul de «l'impôt payable par chacune d'elles» ou de «l'impôt payable par chacune des corporations» qui correspondent aux circons- tances du cas. L'article 39(4) précise ensuite ce que signifie l'expression «corporations asso- ciées», employée dans les paragraphes qui pré- cèdent. Ce paragraphe énonce que, «aux fins du présent article 4 , une corporation est associée à une autre» si elle répond à l'un ou l'autre des critères qui y sont prévus.
Il résulte de cette analyse que
a) les critères énoncés à l'article 39(4) ne s'appliquent que pour déterminer quelles cor porations sont «associées» aux fins de l'arti- cle 39,
b) l'article 39 énonce trois règles de fond applicable aux corporations «associées», et que
c) chacune de ces règles fixe, dans certaines circonstances, le montant de «l'impôt paya ble» en vertu de la Partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu «par chacune des corpo rations» qui sont «associées». A mon avis, il s'ensuit que l'article 39(4) ne s'applique pas pour déterminer si deux corporations sont associées, à moins qu'elles ne soient toutes deux assujetties à l'impôt sur le revenu exigi- ble en vertu de la Partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Il est peut-être utile d'ajouter que je ne vois aucun conflit entre cette conclusion et le juge- ment rendu dans l'affaire International Fruit Distributors Ltd. c. M.R.N. [1953] C.T.C. 342. Je crois savoir que cet arrêt a été confirmé en Cour suprême, mais que celle-ci n'a pas donné de motifs écrits. Dans cette affaire, il a été allégué que le mot «personne», employé dans la Loi de l'impôt sur le revenu, ne comprend pas une corporation ou, à tout le moins, une corpo ration étrangère, mais cet argument n'a pas été retenu. Il est arrivé que, dans cette affaire, il se posait la question de savoir si deux filiales canadiennes d'une corporation-mère américaine étaient des corporations liées en vertu de l'arti- cle qu'a remplacé l'article 39(4)b) et, à mon avis, il ne fait pas de doute que la réponse à cette question serait la même en vertu de l'arti- cle 39(4)b).
Par suite, je suis d'avis que la corporation américaine n'était pas «associée» à l'appelante ni à l'une ou l'autre des autres corporations canadiennes, au sens du paragraphe (4) de l'arti- cle 39 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il s'ensuit, eu égard au «mémoire spécial» déposé devant la Division de première instance, que
1. L'appel doit être accueilli avec dépens, tant devant cette Cour que devant la Division de première instance;
2. Le jugement de la Division de première instance doit être infirmé;
3. Les nouvelles cotisations établies à l'égard de l'appelante en vertu de la Partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu au titre des années d'imposition 1960, 1961, 1962, 1963 et 1964 doivent être renvoyées à l'intimé pour nouvel examen et nouvelle cotisation, en tenant compte du fait que l'appelante n'était pas associée à la Falcon Equipment Company Limited ni à la Northwest Farm Equipment Limited, au sens de l'article 39 de la Loi de l'impôt sur le revenu.
* * *
LES JUGES SUPPLÉANTS PERRIER et CHO- QUETTE ont souscrit à l'avis.
1 Il n'est pas nécessaire d'examiner les dispositions qui ne concernent que les particuliers, comme celles qui traitent des impôts que doivent payer les personnes «employées» au Canada.
2 Aux fins de la présente affaire, il n'est pas nécessaire de faire une distinction entre «revenu imposable» et «montant imposable».
3 Pour ce qui nous concerne, il est sans importance que, pour l'année d'imposition 1960, le paragraphe ait énoncé des critères différents de ceux qu'il énonçait pour les années suivantes.
4 Les italiques sont de moi.
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