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Flanagan Hotel Company Limited (Appelante)
c.
Le ministre du Revenu national (Intime)
Division de première instance, le juge Heald— Saskatoon (Saskatchewan), le 16 novembre; Ottawa, le 23 novembre 1972.
Impôt sur le revenu—Récupération des allocations à l'é- gard du coût en capital—Faculté d'étaler le paiement de l'impôt sur les sommes récupérées—Cette faculté peut-elle n'être exercée qu'à l'égard d'une seule catégorie—Loi de
l'impôt sur le revenu, art. 43(1). -
Lorsque, en application de l'article 20 de la Loi de l'impôt sur le revenu, il y a lieu d'inclure dans le revenu d'un contribuable les allocations précédemment accordées à l'é- gard du coût en capital de biens susceptibles de déprécia- tion, l'article 43(1) permet au contribuable de choisir de payer l'impôt sur le montant récupéré comme s'il avait été reçu par tranches d'importance égale réparties sur un cer tain nombre d'années.
Arrêt: si l'on interprète correctement l'article 43(1), le contribuable doit faire porter son choix concernant le mon- tant récupéré sur toutes les catégories de biens susceptibles de dépréciation qu'il possède, et non pas sur une seule des catégories prescrites.
APPEL de l'impôt sur le revenu. John Stack pour l'appelante.
Frank Dubrule, c.r., et R. Crump pour l'intimé.
LE JUGE HEALD—Le présent appel porte sur la décision de la Commission d'appel de l'impôt en date du 22 juillet 1971 concernant la nou- velle cotisation à l'impôt sur le revenu de l'ap- pelante au titre de l'année d'imposition 1967.
Les parties ont procédé par la voie d'un mémoire spécial qu'elles soumettent à la Cour en application de la Règle 475. Les passages de l'exposé des faits qui nous intéressent sont les suivants:
[TRADUCTION] 1. L'appelante est une personne morale constituée en vertu des lois de la province de la Saskatche- wan le 15 juillet 1910.
2. L'appelante a exploité de 1910 1967 une entreprise hôtelière, le Senator Hotel, en la ville de Saskatoon au Canada, et a dûment produit une déclaration d'impôt sur le revenu à laquelle étaient joints des états financiers, au moment et de la manière requis. Son année financière a toujours coïncidé avec l'année civile.
3. Pour exploiter son entreprise, l'appelante était proprié- taire de biens susceptibles de dépréciation, au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu et des Règlements de l'impôt sur le revenu, appartenant aux catégories 1,3,8,9 et 12.
4. Entre le 1 er janvier 1949 et le 31 décembre 1966, l'appelante a réclamé et obtenu une allocation à l'égard du coût en capital pour ces catégories, conformément aux dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu et des Règle- ments de l'impôt sur le revenu comme suit:
CATÉGORIE 1 $ 574.74
CATÉGORIE 3 80,542.09
CATÉGORIE 8 103,064.33
CATÉGORIE 9 383.75
CATÉGORIE 12 6,063.66
$190,628.57
5. L'appelante a vendu, le 25 octobre 1967 ou vers cette date, le Senator Hotel et tous les biens susceptibles de dépréciation qu'elle possédait dans chacune de ces catégo- ries relativement à cet hôtel et ce, en une seule opération.
6. A chacune de ces catégories d'actif, les parties à la vente ont imputé une partie du prix de vente du Senator Hotel et de ses éléments d'actif, égale au coût en capital non déprécié au 31 décembre 1966, plus une somme au moins égale au montant de l'allocation à l'égard du coût en capital réclamé et accordé comme l'indique le paragraphe 4 des présentes.
7. Conformément à l'article 20(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, la somme (sous réserve de toute autre disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu) qu'il faut ajouter au revenu de l'appelante au titre de son année d'imposition 1967 est la suivante:
CATÉGORIE 1 $ 575.74 [sic]
CATÉGORIE 3 80,542.09
CATÉGORIE 8 103,064.33
CATÉGORIE 9 383.75
CATÉGORIE 12 6,063.66
$190,628.57
8. Dans sa déclaration de revenu de l'année d'imposition se terminant le 31 décembre 1967, année au cours de laquelle elle a vendu lesdits biens susceptibles de déprécia- tion, l'appelante a indiqué qu'elle choisissait, conformément à l'article 43(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, de se servir des dispositions de cet article en ce qui concerne les biens appartenant à la catégorie no 8 seulement, c'est-à-dire que le contribuable a choisi de se voir imposer uniquement sur la somme de $103,064.33 comme si ce revenu avait été réparti également sur les cinq dernières années.
9. Après avoir reçu la déclaration d'impôt sur le revenu de l'appelante au titre de son année d'imposition 1967 et interprétant ce qu'il pensait être le choix que permet l'article 43(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, l'intimé a pensé que ce choix portait sur la somme de $190,628.57 et non pas sur une somme moindre.
10. Se fondant sur l'opinion exposée au paragraphe 8 des présentes et après avoir calculé l'impôt sur le revenu de l'appelante en partant du principe que le choix qu'avait exprimé celle-ci portait sur la somme de $190,628.57, puis estimant qu'aucun choix n'avait été fait, l'intimé a cotisé l'appelante comme si elle n'avait pas fait de choix, puisque, d'après son calcul de l'impôt, celui-ci était moindre que si
l'impôt avait été calculé en fonction d'un choix portant sur la somme de $190,628.57.
11. L'appelante, bien qu'elle soutienne encore que c'est à bon droit qu'elle a effectué le choix que l'article 43(1) lui donne le droit d'effectuer, reconnaît que si cette Cour devait être d'avis qu'elle n'en avait pas le droit, les nouvel- les cotisations dont elle fait appel sont exactes.
QUESTION SOUMISE À LA COUR .
12. La question sur laquelle l'opinion de la Cour est sollicitée est la suivante:
Le choix qu'envisage l'article 43(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu au titre de l'année d'imposition 1967 doit-il, lorsqu'il est effectué, porter sur toutes les sommes devant être comprises dans le revenu conformément à l'article 20(1) de cette loi.
DÉCISION
13. Les parties conviennent que si la Cour est d'avis de répondre par l'affirmative à la question posée, un jugement rejetant l'appel avec dépens doit être rendu en faveur de l'intimé, mais que si la Cour répond par la négative à cette question, un jugement accueillant l'appel avec dépens doit être rendu en faveur de l'appelante.
Je dois faire remarquer que le renvoi au para- graphe 8 que fait le paragraphe 10 de l'exposé des faits est manifestement erroné et que celui-ci devrait renvoyer au paragraphe 9 et non au paragraphe 8.
La question précise à trancher dans le présent appel est donc celle qui est énoncée au paragra- phe 12 de l'exposé des faits:
[TRADUCTION] Le choix qu'envisage l'article 43(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu au titre de l'année d'imposi- tion 1967 doit-il, lorsqu'il est effectué, porter sur toutes les sommes devant être comprises dans le revenu confor- mément à l'article 20(1) de cette loi.
Les passages qui nous intéressent de la Loi de l'impôt sur le revenu se lisent comme suit:
20. (1) Lorsque, dans une année d'imposition, il a été disposé de biens d'un contribuable, susceptibles de dépré- ciation et appartenant à une catégorie prescrite, et que le produit de la disposition excède le coût en capital non déprécié, pour lui, des biens susceptibles de dépréciation de cette catégorie, immédiatement avant leur aliénation, le moindre
a) du montant de l'excédent, ou
b) du montant de ce que serait l'excédent s'il avait été disposé des biens pour ce qu'ils ont coûté en capital au contribuable,
doit être inclus dans le calcul de son revenu pour l'année.
43. (1) Lorsqu'un montant est inclus dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition en raison de l'article 20, le contribuable peut choisir de payer, à titre d'impôt pour l'année sous le régime de la présente
Partie, au lieu du montant qui serait autrement payable, un montant égal à l'ensemble
a) de l'impôt qui serait payable par le contribuable pour l'année, sous le régime de la présente Partie (avant de faire quelque déduction que ce soit en vertu de l'article 33, 38, 40, 41 ou 41A), si aucun montant n'était inclus dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année en raison de l'article 20, et
b) du total des montants dont les impôts du contribuable sous le régime de la présente Partie (avant de faire quelque déduction que ce soit en vertu de l'article 33, 38, 40, 41 ou 41A) auraient été augmentés si la fraction du montant ainsi comprise en vertu de l'article 20, détermi- née selon le paragraphe (2), avait été incluse dans le calcul du revenu du contribuable pour chacune des années d'imposition dans la période déterminée selon le paragraphe (2)
moins tout montant déductible pour l'année en vertu de l'article 33, 38, 40, 41 ou 41a.
(2) Lorsque la période durant laquelle le contribuable n'était pas exempt d'impôt en vertu de la présente Partie et,
a) dans le cas d'une corporation, a exercé des affaires au Canada, et
b) dans le cas d'un particulier, résidait au Canada, immédiatement avant l'année d'imposition pour laquelle un montant est compris dans le calcul de son revenu en vertu de l'article 20, n'est qu'une année d'imposition ou est moin- dre, le paragraphe (1) ne s'applique pas; et lorsque cette période
(i) dépasse une année d'imposition et ne dépasse pas 2 années d'imposition, la fraction mentionnée à l'alinéa b) du paragraphe (1) est la moitié, et la période y mention- née consiste dans les 2 années d'imposition pré- cédentes,
(ii) dépasse 2 années d'imposition et ne dépasse pas 3 années d'imposition, la fraction mentionnée à l'alinéa b) du paragraphe (1) est le tiers, et la période y mention- née consiste dans les 3 années d'imposition pré- cédentes,
(iii) dépasse 3 années d'imposition et ne dépasse pas 4 années d'imposition, la fraction mentionnée à l'alinéa b) du paragraphe (1) est le quart, et la période y mention- née consiste dans les 4 années d'imposition précéden- tes, et
(iv) dépasse 4 années d'imposition, la fraction mention- née à l'alinéa b) du paragraphe (1) est le cinquième, et la période y mentionnée consiste dans les 5 années d'imposition précédentes.
L'avocat de l'appelante soutient que, l'article 43(1) renvoyant à l'article 20, il faut tenir un compte particulier de l'article 20(1) pour inter- préter correctement l'expression «montant» employée à l'article 43, et que l'article 20(1) prévoit que lorsque le produit de la disposition excède le coût en capital non déprécié apparte- nant à une catégorie prescrite (les italiques sont de moi), le moindre a) du montant de l'excé- dent, ou b) du montant de ce que serait l'excé-
dent s'il avait été disposé des biens pour ce qu'ils ont coûté en capital au contribuable, doit dans un tel cas être inclus dans le calcul de son revenu pour l'année en question.
Il soutient ensuite que le «montant» dont parle l'article 43(1), qui donne au contribuable le droit au choix, est le montant d'une catégorie déterminée ou prescrite, que le contribuable a ce droit au choix que prévoit l'article 43(1) pour chacune des catégories de biens susceptibles de dépréciation dont il est en possession et que le contribuable a absolument le droit, en vertu de l'article 43(1), d'effectuer un choix en ce qui concerne une ou plusieurs des catégories de biens susceptibles de dépréciation dont il est propriétaire et sur lesquels il est imposé en vertu de l'article 20(1).
En toute déférence, je ne peux souscrire à cette interprétation de l'article 43(1).
L'article 20 se trouve dans la section B, inti- tulée Calcul du revenu, de la Partie I de la loi. L'article 43 se trouve dans la section E, intitu- lée Calcul de l'impôt, de la Partie I de la loi. En vertu de l'article 20(1), la somme de $190,- 628.57 doit être ajoutée au revenu de l'appe- lante de l'année 1967. Ce chiffre peut se décomposer en cinq chiffres différents repré- sentant cinq catégories différentes de biens sus- ceptibles de dépréciation en vertu des règle- ments, mais le total est le «montant» dont parle l'article 43. Un examen attentif de l'article 43(1)a) et b) révèle que l'on parle à trois repri ses au moins du «montant» inclus dans le revenu du contribuable en vertu de l'article 20. Je suis convaincu que ce «montant» comprend nécessairement tous les éléments du revenu réputé en vertu de l'article 20, et non une partie d'entre eux seulement.
En vertu de l'article 20, le contribuable doit inclure dans son revenu l'allocation à l'égard du coût en capital récupérée. Un tel bénéfice comptable sur la vente de biens susceptibles de dépréciation représente l'effet cumulé, au cours des années, de la dépréciation demandée à des fins fiscales au-delà de la dépréciation réelle de valeur. Ce revenu récupéré peut représenter, et c'est le cas dans cette affaire, une somme très substantielle comparativement au revenu annuel normal du contribuable et le placer dans une
tranche d'impôt anormalement élevée pendant une année donnée, ce qui a un effet néfaste sur son revenu après impôt. C'est pourquoi l'article 43 permet une autre méthode de calcul de l'im- pôt. Au lieu de calculer l'impôt sur son revenu imposable véritable de l'année, qui comprend la somme ainsi récupérée, le contribuable peut en fait considérer cette somme récupérée comme un revenu reçu par parties égales au cours de chacune des cinq années d'imposition antérieu- res. En étalant ce revenu spécial de cette façon, on peut éviter les conséquences rigoureuses qui pourraient autrement résulter d'un assujettisse- ment à l'impôt dans une tranche anormalement élevée.
L'article 43 accorde donc un privilège ou une faveur au contribuable qui se trouve dans cette situation et cet article doit s'interpréter de la manière décrite dans The Canadian Encyclope dic Digest (Ontario), vol. 10, 2e édition, à la page 488, l'on déclare:
[TRADUCTION] Bien qu'une loi fiscale doive s'interpréter restrictivement en faveur du contribuable, une loi qui permet de demander l'exonération d'une obligation imposée à la collectivité toute entière doit aussi s'interpréter restric- tivement à l'égard de cette demande d'exonération. Comme l'imposition est la règle et l'exonération l'exception, l'inten- tion de créer une exonération doit être exprimée en des termes clairs et non équivoques et on ne peut présumer de cette intention lorsque les termes de la loi qui la crée sont confus et ambigus....
C'est ainsi que l'appelante se trouve dans une situation elle doit prouver que l'article 43(1) lui permet, en des termes clairs et non équivo- ques, de faire un choix en ce qui concerne une partie seulement du coût en capital récupéré en vertu de l'article 20.
En examinant l'article 43(1), il me semble que le sens évident des termes employés dans celui-ci est que le montant total, et le montant total seulement, peut être étalé et qu'il n'est pas possible de donner à l'article 43(1) une autre interprétation logique.
Il est intéressant d'examiner d'autres articles de la Loi de l'impôt sur le revenu un choix est accordé au contribuable dans diverses circonstances.
Par exemple, l'article 42 permet aux agricul- teurs et aux pêcheurs d'étaler leurs revenus. Il est reconnu que les agriculteurs et les pêcheurs
sont particulièrement vulnérables aux caprices de la nature et aux variations imprévisibles de leur revenu d'une année à l'autre qui en résul- tent. Le but de l'article 42 est d'apporter une certaine stabilité dans le niveau des taux d'im- position applicables à ces contribuables en leur accordant la faculté d'étaler, s'ils le désirent, leurs revenus sur des tranches de cinq années au lieu de payer l'impôt sur une base annuelle comme les autres contribuables. En vertu de l'article 42(1)a), le revenu total, qui comprend les investissements et tous les autres revenus, doit être établi et c'est ce revenu total qui, après les déductions permises, peut être étalé. L'arti- cle 42(1)a) emploie l'expression «établir le mon- tant». Je remarque qu'ici, comme à l'article 43(1), le mot «montant» est employé pour décrire le revenu total. De la même manière, je suis convaincu que le mot «montant» employé dans l'article 43(1) désigne le montant total, et uniquement le montant total, ajouté au revenu en vertu de l'article 20.
L'article 43A, édicté après l'article 43, accorde un choix au Ministre en ce qui con- cerne une évaluation inexacte de l'inventaire d'un contribuable et cet article emploie égale- ment le mot «montant» dans le sens d'un mon- tant total ou entier ajouté au revenu en vertu de cet article.
Je suis par conséquent d'avis qu'il faut répon- dre à la question posée au paragraphe 12 de l'exposé des faits par l'affirmative. Il s'ensuit que l'appel est rejeté avec dépens.
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