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Ernest G. Stickel (Appelant)
c.
Le ministre du Revenu national (Intimé)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges suppléants Sheppard et Bastin —Edmonton, le 15 mars 1973.
Impôt sur le revenu—Convention relative à l'impôt entre le Canada et les États-Unis, Article VIII A—Résident des É.-U. enseignant au Canada pendant deux ans et y restant après cette période—Est-il exempté de l'impôt canadien— Signification du terme «résident».
L'appelant, résident des États-Unis, est venu avec sa famille au Canada en 1967 pour enseigner à l'Université de l'Alberta aux termes d'un contrat de deux ans. A l'expiration de la période de deux ans, il a cessé d'enseigner mais il est resté plusieurs mois au Canada en y exerçant d'autres fonctions. Il a demandé une exemption de l'impôt sur le revenu canadien pour les années 1967 et 1968 en vertu de l'Article VIII A de la Convention relative à l'impôt entre le Canada et les États-Unis.
Arrêt: la décision du juge Cattanach est infirmée. Il a droit à l'exemption.
L'appelant relevait de l'Article VIII A de la Convention. Il était un «professeur ... qui réside [aux États-Unis] ... qui fait un séjour temporaire [au Canada] afin d'enseigner, pendant une période n'excédant pas deux ans, dans une université»... .
On ne peut interpréter le mot «résident» à l'Article VIII A de façon si étroite qu'elle exclurait l'appelant parce que sa famille l'a suivi pendant son séjour hors des États-Unis.
Pour que l'Article VIII A s'applique, il n'est pas néces- saire que les visites ne dépassent pas deux ans.
APPEL d'une décision du juge Cattanach [1972] C.F. 672.
AVOCATS:
P. G. C. Ketchum pour l'appelant. G. W. Ainslie, c.r. pour l'intimé. PROCUREURS:
Crockett, Hattersley, Ketchum et Niziol, Edmonton, pour l'appelant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Le jugement de la Cour a été prononcé par
LE JUGE EN CHEF JACKETT (oralement)—I1 s'agit d'un appel devant cette Cour de la déci- sion par laquelle la Division de première ins-
tance a rejeté les appels de l'appelant portant sur les cotisations établies en vertu de la Partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1967 et 1968.
Les appels furent interjetés afin que soit tran- chée la question de savoir si la rémunération qu'avait touchée l'appelant en tant que profes- seur associé à l'Université de l'Alberta était exonérée d'impôt sur le revenu pour lesdites années d'imposition. L'appelant a demandé l'e- xonération aux termes d'un article de la Conven tion relative à l'impôt entre le Canada et les États-Unis d'Amérique, convention qui a force de loi en vertu du chapitre 21 des Statuts du Canada, 1943-44, et du chapitre 27 des Statuts du Canada 1950. 1 Cet article est l'Article VIII A de la Convention relative à l'impôt, tel que modi- fié qui dispose que:
Tout professeur ou instituteur qui réside dans l'un des États contractants et fait un séjour temporaire dans l'autre État contractant afin d'enseigner, pendant une période n'ex- cédant pas deux ans, dans une université, un collège, une école ou une autre institution d'enseignement dans cet autre État, est exonéré par cet autre État de l'impôt sur la rémuné- ration qu'il reçoit pour cet enseignement pendant ladite période.
Cet appel soulève deux questions. La pre- mière est de savoir si l'appelant relevait de la catégorie définie par les termes «Tout profes- seur ... qui réside» aux États-Unis. La seconde est de savoir si l'appelant entrait dans la catégo- rie définie par les termes «Tout professeur .. . qui fait un séjour temporaire» au Canada «afin d'enseigner, pendant une période n'excédant pas deux ans, dans une université ...».
Le savant juge de première instance a statué sur la seconde question à l'encontre de l'appe- lant et n'a donc pas jugé nécessaire de statuer sur la première question. Par conséquent, exa- minons en premier lieu la seconde question.
L'appelant est venu au Canada pour enseigner à l'Université de l'Alberta avec un contrat de deux ans. A la fin de cette période de deux ans, l'appelant a effectivement cessé d'enseigner, mais il est resté au Canada pour plusieurs mois encore et a occupé d'autres fonctions. Se basant sur ces faits, le savant juge de première instance a décidé que l'Article VIII A ne s'appliquait pas puisque, selon son interprétation, cet article ne
s'applique pas quand la durée du séjour dépasse deux ans. Nous n'interprétons pas l'Article VIII A de cette façon.
La question d'interprétation porte sur le point de savoir si les mots «pendant une période n'excédant pas deux ans» se rapportent au mot «séjour» ou s'ils font partie intégrante de l'ex- pression «afin d'enseigner ... dans une université ...».
Compte tenu du fait que les mots qui consti tuent la seconde condition d'application de l'Ar- ticle VIII A sont
et fait un séjour temporaire dans l'autre État contractant afin d'enseigner, pendant une période n'excédant pas deux ans, dans une université .. .
et pas seulement
et fait un séjour temporaire dans l'autre État contractant afin d'enseigner, pendant une période n'excédant pas deux ans,
nous admettons tous que les mots «pendant une période n'excédant pas deux ans» font partie intégrante de l'expression «afin d'enseigner .. . dans une université ...» et n'ont aucun rapport avec la durée effective du séjour.
Si l'on considère le problème sous cet angle, nous devons trancher une question de fait, savoir si l'appelant, à l'époque en question, «résidait» aux États-Unis et faisait un séjour temporaire au Canada afin d'enseigner dans une université pendant une période n'excédant pas deux ans.
Il n'est pas nécessaire, à notre avis, de refaire un examen complet des preuves. Ces preuves ont été examinées avec soin par le savant juge de première instance bien qu'il n'ait pas jugé nécessaire de statuer sur les points qui prennent toute leur importance étant donné notre inter- prétation de l'article.
A notre avis, d'après la preuve, il est probable que l'appelant qui résidait aux États-Unis, avait songé à s'installer au Canada avant même d'a- voir eu l'occasion d'accepter un engagement de deux ans à l'Université de l'Alberta. Il est aussi probable qu'il avait débattu ce projet avec sa famille que la perspective d'une installation per- manente au Canada n'enthousiasmait pas et qu'ils ont décidé d'un commun accord d'aller au
Canada pour une période de deux ans, étant toutefois entendu que pendant cette période, ils pourraient réexaminer la possibilité d'un établis- sement permanent au Canada. D'après ces faits, vu la nécessité d'interpréter les mots «qui fait un séjour temporaire» de manière à inclure un séjour effectué afin d'enseigner pendant une période de deux ans, nous admettons que l'ap- pelant séjournait temporairement au Canada afin d'enseigner dans une université pendant une période n'excédant pas deux ans.
Une question plus difficile à résoudre est celle de savoir si, pendant la période prévue à l'Article VIII A, l'appelant «résidait» aux États- Unis. L'intimé soutient qu'on doit entendre ici l'expression «résidait» dans le sens qu'on donne à ce mot quand il sert à déterminer l'assujettis- sement à l'impôt et que l'article pose comme condition que la personne doit être un résident de cette catégorie pendant toute la période d'e- xonération. Si tel est le cas, il est difficile de voir quel avantage fiscal l'Article VIII A accorde aux professeurs et aux instituteurs qui n'est pas par ailleurs accordé à tous les contri- buables en vertu des dispositions sur le dégrève- ment des impôts étrangers qui sont, à notre avis, également prévues par la Convention relative à l'impôt en question.
Nous ne jugeons pas utile d'essayer de donner une définition de ce qu'implique le mot «réside» dans le contexte de l'Article VIII A. Même dans son interprétation la plus étroite, ce mot se serait certainement appliqué à l'appelant s'il avait été riche et insensible au point de laisser sa famille pendant cette période de deux ans dans leur maison aux États-Unis et de conti- nuer à entretenir ses relations et ses liens avec sa communauté pendant ses deux ans d'ab- sence. Il en serait ainsi dans le cas d'un marin ou d'un militaire qui doit s'absenter de chez lui pendant une telle période et la nature du travail exécuté pendant cette absence ne constitue pas une distinction pertinente. Puisqu'on aurait con- sidéré comme résident la personne qui aurait se permettre d'entretenir sa famille aux États- Unis pendant son absence et qui aurait désiré le faire, nous estimons qu'une personne qui fait un séjour «temporaire» de deux ans pour enseigner
dans une université étrangère est également, pour les fins de l'Article VIII A, «résident» de son pays d'origine même s'il a emmené avec lui sa famille et même s'il n'a pas continué à entre- tenir ses relations et ses liens avec sa commu- nauté dans son pays d'origine.
Par conséquent, l'appel est accueilli avec dépens et les cotisations sont déférées pour nouvelles cotisations.
' L'Article VIII A paraît à l'Annexe A du chapitre 27 des Statuts de 1950.
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