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E. R. Squibb & Sons Ltd. (Appelante)
c.
Le ministre du Revenu national (Intime)
Division de première instance, le juge Catta- nach—Montréal (P.Q.), le 31 janvier; Ottawa, le 22 février 1973.
Impôt sur le revenu—Calcul du revenu d'entreprise—Por- tion du terrain utilisée par l'entreprise aux fins de son entre- prise—Taxes municipales—Peut-on en déduire seulement une partie?
En 1952, la compagnie appelante a acheté une ferme de 52 acres en vue de son expansion ultérieure. En 1954, elle a fait construire des bâtiments et des installations qui occu- paient 16% de la surface totale. En établissant la cotisation à l'impôt sur le revenu de l'appelante, le Ministre a accordé une déduction de 16% seulement des taxes municipales payées par l'appelante à l'égard de ce terrain.
Arrêt: l'ensemble des taxes municipales sont déductibles à bon droit à titre de dépenses d'exploitation de l'entreprise de l'appelante.
APPEL de l'impôt sur le revenu. AVOCATS:
Bruce Verchère et Richard Pound pour l'appelante.
Robert Cousineau et Yvon Brisson pour l'intimé.
PROCUREURS:
Stikeman, Elliott, Tamaki & Cie, Montréal, pour l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
LE JUGE CATTANACH—Ces appels portent sur les cotisations d'impôt sur le revenu établies par le Ministre pour les années d'imposition 1963, 1964, 1965 et 1966 de l'appelante.
L'appelante, qui est une filiale en propriété exclusive d'une compagnie étrangère, a été constituée en corporation en vertu des lois cana- diennes en 1925; elle exploite depuis cette date une entreprise de fabrication et de vente de produits pharmaceutiques.
Avant 1952, l'appelante exploitait son entre- prise dans des locaux qu'elle avait loués dans une partie de Montréal (Québec) à forte densité démographique.
En 1952, l'entreprise de l'appelante avait pris une telle expansion que les locaux loués étaient insuffisants, ce qui a amené l'appelante a cons- truire à Montréal ses propres locaux pour loger ses services de recherches, de production et de commercialisation.
L'appelante a acheté dans ce but une ferme d'environ 52 acres dans la paroisse de St-Lau- rent (Québec), en banlieue de Montréal, qui avait un caractère rural à l'époque.
L'appelante a commencé en 1954 la construc tion des immeubles et des installations nécessai- res pour ses besoins, locaux qui ont été terminés et occupés par l'appelante en mai 1955. Ces bâtiments et installations couvraient environ 16% de la surface totale des 52 acres.
Au cours des années d'imposition en cause, l'appelante a été cotisée pour les taxes munici- pales et scolaires et les a payées.
Dans le calcul de son revenu pour les années d'imposition en question, l'appelante a déduit les taxes municipales et scolaires qu'elle avait payées pour ces années.
Le Ministre a accepté une déduction de 16% du montant des taxes municipales et scolaires payées par l'appelante au cours des années d'imposition, mais a refusé d'admettre en déduction 84% de ces montants, contrairement à ce que demandait l'appelante.
Il a accordé une déduction de 16% seulement du total réclamé au motif que seulement 16% de la surface totale des terrains était utilisé par l'appelante; il a rejeté les 84% restants au motif que 84% de la surface totale des terrains n'était pas utilisé et restait vacant, et que, par consé- quent, seulement 16% des taxes payées par l'appelante constituait une somme déboursée ou dépensée en vue de gagner ou de produire un revenu tiré de biens ou d'une entreprise du contribuable, au sens de l'article 12(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, alors que le reste, soit 84%, ne constituait pas une somme débour- sée ou dépensée au sens de l'article 12(1)a), mais une somme déboursée ou un paiement à compte de capital au sens de l'article 12(1)b).
Les alinéas que je viens de mentionner se lisent ainsi:
12. (I) Dans le calcul du revenu, il n'est opéré aucune déduction à l'égard
a) d'une somme déboursée ou dépensée, sauf dans la mesure elle l'a été par le contribuable en vue de gagner ou de produire un revenu tiré de biens ou d'une entreprise du contribuable,
b) d'une somme déboursée, d'une perte ou d'un remplace- ment de capital, d'un paiement à compte de capital ou d'une allocation à l'égard de dépréciation, désuétude ou d'épuisement, sauf ce qui est expressément permis par la présente Partie,
La première question à trancher lorsqu'il s'agit de savoir si une somme déboursée ou dépensée échappe à l'interdiction prévue à l'arti- cle 12(1)a) est celle de savoir si le contribuable l'a faite ou encourue conformément aux prati- ques habituelles du commerce ou à des métho- des commerciales reconnues. On ne peut douter de cette conformité. Le paiement des taxes est obligatoire.
Il faut ensuite examiner si la déduction des taxes payées par l'appelante dans cette affaire est interdite par l'article 12(1)a) ou est visée par l'exception expressément définie par ce texte. Le seul fait que le contribuable ait déboursé ou dépensé une somme conformément aux usages du commerce ne rend pas automatiquement cette somme déductible aux fins de l'impôt sur le revenu.
La restriction essentielle qu'impose l'article 12(1)a) est que cette somme doit avoir été dépensée par le contribuable «en vue de gagner ou de produire un revenu tiré de biens ou d'une entreprise du contribuable».
Bien que les taxes sur le revenu ne consti tuent pas une dépense encourue en vue de pro- duire ce revenu, car elles visent le revenu une fois gagné, il existe néanmoins certains types de taxes dont le paiement permet de les déduire à titre de dépenses encourues au cours de la pro duction d'un revenu. Il est ceatain qu'un contri- buable qui exploite une entreprise s'acquitte des taxes municipales et scolaires sur les immeubles qu'il possède à titre de contribuable, mais qu'il s'acquitte aussi de ces taxes à titre de commer- çant, parce que le paiement de ces taxes lui permet d'exploiter son entreprise dans des locaux constituant l'assiette de ces taxes et que, si la taxe n'était pas payée, la municipalité pour- rait exercer certains recours pour obtenir le
paiement de l'impôt, auquel cas le contribuable serait empêché d'exploiter son entreprise dans ces locaux.
Dans l'arrêt B.C. Electric Railway Co. Ltd. c. M.R.N. [1958] R.C.S. 133, le juge Abbott a déclaré à la page 137:
L'objectif essentiel présumé de toute entreprise commer- ciale étant la recherche d'un profit, toute dépense consentie «dans le but de gagner ou de produire un revenu» s'inscrit dans le cadre de l'article 12(1)a), qu'il s'agisse d'une dépense de revenu ou d'une dépense de capital.
Une fois établi qu'une certaine dépense a été faite dans le but de gagner ou de produire un revenu, il faut ensuite, pour préciser l'assujettis- sement à l'impôt, déterminer si la somme déboursée constitue une dépense encourue pour obtenir un revenu ou une dépense de capital.
Au cours des plaidoiries, l'avocat du Ministre n'a pas admis que dans la présente affaire le paiement des taxes municipales et scolaires ait été effectué dans le but de gagner ou de pro- duire un revenu tiré de l'entreprise de l'appe- lante. Si j'ai bien compris son refus, il s'ap- puyait sur le raisonnement suivant: le paiement des taxes concernant les terrains non occupés ne devrait pas être considéré comme une dépense procurant un revenu mais comme une dépense de capital, puisque le paiement des taxes visait l'utilisation éventuelle de ces ter rains pour l'agrandissement des bâtiments.
J'estime qu'il y a une contradiction évidente dans cet argument. Il me semble que, si l'on accepte ce raisonnement suivant lequel le paie- ment des taxes concernant la partie inoccupée, soit 84%, du terrain constituerait une dépense de capital à cause de son utilisation éventuelle pour l'agrandissement des bâtiments, le même raisonnement s'applique avec encore plus de force aux taxes payées par l'appelante sur la partie occupée, soit 16%, sur laquelle avaient été construits les bâtiments. Ces taxes ont été payées sur des biens de capital reconnus tels.
De plus, cet argument contredit les conclu sions écrites. Au paragraphe 5c) de sa défense, le Ministre soutient qu'il a permis la déduction de 16% des taxes payées en présumant qu'il ne s'agissait pas de sommes déboursées ou dépen- sées dans le but de produire ou gagner un
revenu tiré de l'entreprise, tandis qu'au paragra- phe 5d), il soutient qu'il a refusé la déduction de 84% des taxes payées, que réclamait l'appe- lante, en présumant qu'il ne s'agissait pas de sommes déboursées ou dépensées dans le but de gagner ou de produire un revenu tiré de l'entre- prise, mais plutôt de sommes versées par l'appe- lante à compte de capital au sens de l'article 12(1)b) de la loi.
Lord Morris of Borth -Y-Gest a relevé dans l'arrêt Regent Oil Co. Ltd. c. Strick [1966] A.C. 295, une différence entre un bien dont on tire un revenu et les frais d'exploitation de ce bien. Il est évident que dans la présente affaire, les terrains sur lesquels les bâtiments avaient été construits et ces bâtiments eux-mêmes consti tuent des biens de capital et sont en tant que tels des «biens dont on tire un revenu». Le paiement de taxes municipales sur ces biens peut être assimilé à des coûts d'entretien de ces biens et constitue à ce titre, d'après moi, une dépense engagée au cours de l'exploitation de ce bien et dans le but de gagner ou de produire un revenu, au sens de l'article 12(1)a).
Cependant, la situation n'est pas forcément la même quant aux taxes payées sur 84% des terrains, c'est-à-dire sur la partie vacante. Le Ministre soutient que ces terrains vacants ne peuvent constituer un bien dont on peut tirer un revenu. D'un autre côté, l'appelante soutient que l'achat d'un excédent de terrain, par rapport à ses besoins immédiats était conforme à des méthodes commerciales reconnues et qu'il s'a- gissait d'une mesure de prudence et de pré- voyance visant à permettre une éventuelle expansion, dont la possibilité était démontrée par l'expérience de l'appelante et de sa compagnie-mère.
Le caractère déductible ou non d'une dépense ou d'un débours ne dépend pas de son efficacité économique. Il s'agit plutôt de savoir si la dépense a été faite au cours de l'exploitation ordinaire d'une entreprise, dans le cadre des mesures adoptées par le contribuable pour exploiter rationnellement son entreprise.
J'estime qu'il s'agit d'une question de fait et c'est à l'appelante qu'il incombe d'établir ce fait.
Avant le procès, les parties se sont entendues sur l'exposé des faits, de même que sur les pièces qui y sont déclarées y être annexées. En voici le texte:
[TRADUCTION] EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS
1. L'appelante a acheté de Dame Rose-Anna Crevier, épouse de Jean-Baptiste Lacroix, en vertu d'un acte de vente signé devant le notaire Eugène Poirier le 19 novembre 1952, un terrain pour la somme de $302,321.23.
2. Ce terrain est d'environ 2,232,500 pieds carrés, ce qui équivaut à environ cinquante acres.
3. Le 22 mars 1954 ou vers cette date, l'appelante a vendu pour un prix de $1 à la cité de St-Laurent une bande de terre sur toute la longueur du côté ouest du terrain, pour permet- tre la construction de la rue Deslauriers.
4. La perte comptable nette à la suite de cette transaction s'élevait à $7,907.82, et a été comptabilisée par l'appelante comme une perte de capital.
5. Le 1e' mars 1956, l'appelante a acheté 5 terrains et demi, contigus au terrain décrit au paragraphe (1), pour un prix de $13,362.80.
6. En septembre 1956, l'appelante a convenu de permettre à la corporation métropolitaine d'utiliser une parcelle triangu- laire formant l'extrémité sud du terrain pour certains servi ces reliés à la construction de la Côte de Liesse.
7. En octobre 1956, la cité de St-Laurent a exproprié une parcelle visée par une homologation à l'époque de l'achat du terrain, pour utilisation comme autoroute.
8. L'indemnité de l'expropriation mentionnée au paragraphe (7) s'élève à $37,572.92 et a été considérée comme un gain de capital par l'appelante.
9. Le 28 avril 1958, l'appelante a acheté deux terrains de faible dimension reliant la partie arrière de son usine à la rue Gagnon, sur le côté est du terrain décrit au paragraphe (1), pour une somme de $12,202.63.
10. Au cours de l'automne 1963, la cité de St-Laurent a tenté d'exproprier deux parcelles du terrain décrit au para- graphe (1), aux fins de la construction de deux rues.
11. L'appelante s'est opposée vigoureusement à ce projet d'expropriation.
12. La pièce ASF 1 ci-jointe est une copie authentique d'une lettre datée du 26 septembre 1963 envoyée par le vice-président et directeur général de l'appelante à l'avocat principal de l'appelante.
13. La pièce ASF 2 ci-jointe est une copie authentique d'une demande de prolongation des délais, datée du 3 octo- bre 1963, et comprend aussi l'affidavit et l'avis signifié à la cité de St-Laurent à l'appui de cette demande à l'occasion de la contestation du projet d'expropriation mentionné au paragraphe 10 des présentes.
14. La pièce ASF 3 ci-jointe est une copie authentique d'une lettre datée du 25 octobre 1963 envoyée sous pli recommandé à la cité de St-Laurent par l'appelante concer- nant le projet d'expropriation.
15. I1 est résulté de l'opposition de l'appelante au projet d'expropriation un compromis suivant lequel un seul des deux projets d'expropriation a été réalisé, celui visant la parcelle du terrain décrit au paragraphe (1) la plus éloignée de l'emplacement des laboratoires de l'appelante.
16. La pièce ASF 4 ci-jointe est une copie authentique d'une analyse descriptive des ventes nettes de l'appelante pour les années 1949 à 1971.
17. La pièce ASF 5 ci-jointe est une copie authentique d'un relevé des taxes levées à l'égard du terrain décrit au paragra- phe (1) pour les années 1954 à 1971.
18. L'appelante a vendu un total de 1,280,116 pieds carrés du terrain décrit au paragraphe (1), répartis comme suit:
a) 425,261 pieds carrés par acte de vente daté du 18 août 1970 à la Black and White Holdings Ltd.;
b) 233,045 pieds carrés par acte de vente daté du 17 août 1971 à la Black and White Holdings Ltd.; et
c) 621,810 pieds carrés par acte de vente daté du 15 septembre 1971 à la Black and White Holdings Ltd.
19. L'appelante possède toujours 716,670 pieds carrés du terrain décrit au paragraphe (1), de même que les autres terrains de faibles dimensions qu'elle a acquis par la suite dans les circonstances décrites aux paragraphes (5) et (9).
20. L'appelante a déduit toutes les taxes municipales et scolaires dont elle s'est acquitté aux fins du calcul de son revenu.
Ces faits ont été précisés par les dépositions.
La vente, décrite au paragraphe 3, d'une petite parcelle du terrain devait permettre à la municipalité de construire une rue le long du terrain. Ceci n'a pas nui à la valeur de l'ensem- ble du fonds, compte tenu des intentions de l'appelante; au contraire, celle-ci y trouvait plutôt son avantage.
Les mêmes arguments s'appliquent à l'utilisa- tion de la parcelle de terrain mentionnée au paragraphe 6 et au terrain exproprié dans les circonstances décrites au paragraphe 7.
L'achat de 5 lots urbains mentionné au para- graphe 5 et des deux lots mentionnés au para- graphe 9 avait pour but, d'abord d'arrondir ou de compléter le fonds de l'appelante et ensuite de permettre l'accès à une rue par l'arrière des installations.
Ces ventes et ces achats sont compatibles avec le but avoué de l'appelante, qui était d'utili- ser toute la superficie pour son entreprise, bien qu'elle ne l'ait pas entièrement utilisée dès le départ.
L'opposition de l'appelante à l'expropriation de certaines parties de ses terrains par la muni- cipalité pour la construction de rues confirme son intention d'utiliser tous ces terrains pour la construction de laboratoires devant servir à son entreprise. Les rues projetées auraient frac- tionné ces terrains en trois parties. La construc tion de ces rues aurait augmenté la valeur des terrains dans la perspective d'une vente, mais les aurait rendus impropres à l'utilisation envisa gée par l'appelante. Le compromis auquel sont finalement arrivées l'appelante et la municipalité a permis d'éviter la construction d'une rue qui aurait coupé le terrain en deux; quant à la rue dont la construction a été acceptée par l'appe- lante, elle devait être aménagée à l'arrière de la propriété, ne mordait que légèrement sur celle-ci et permettait à l'appelante de conserver une bonne partie de ses terrains pour son expansion.
L'appelante, un des fabricants de produits pharmaceutiques les plus importants du Canada, est la filiale en propriété exclusive de la E. R. Squibb Inc., compagnie constituée en vertu des lois de l'un des États des États-Unis d'Amérique qui exploite une entreprise mondiale de produits pharmaceutiques, par des filiales dans 40 pays et par des détenteurs de licences dans 60 pays.
Depuis 1925, année de sa constitution, les ventes de l'appelante ont augmenté pour attein- dre $1,453,000 en 1950. En même temps, les ventes de la compagnie-mère s'élevaient à $84,- 000,000. A la même époque, la compagnie-mère a pris la décision de développer ses activités à l'étranger.
En 1952, l'appelante occupait des locaux loués, exigus et insuffisants.
A cette époque, la compagnie-mère a fusionné avec la Mathieson Chemical Co.; les deux par ties à la fusion ayant chacune un chiffre d'af- faire annuel de $125,000,000, le chiffre d'af- faire annuel de l'ensemble s'élevait à $250,000,000.
En 1952, les ventes de l'appelante ont pro gressé jusqu'à $2,188,000.
La même année, la compagnie-mère a auto- risé l'appelante à développer ses activités en y ajoutant la fabrication de certains produits, notamment des injections, qu'elle importait auparavant.
Au cours de cette même année, le terrain en question a été acheté par l'appelante pour servir à ces nouvelles activités.
La construction de ses installations sur le terrain s'est terminée en 1954; la superficie utile était deux fois et demie plus grande que celle des locaux loués et on avait installé des unités de production plus modernes.
Toujours en 1954, la compagnie-mère, après avoir fusionné avec la Mathieson Chemical Co., a fusionné à nouveau, cette fois avec la Olin Industries. Le chiffre d'affaire annuel des com- pagnies ainsi réunies était de $500,000,000.
Le nouveau groupe (la Olin Industries avait une production extrêmement variée, qui ne se limitait pas aux seuls produits pharmaceutiques et chimiques) envisageait pour tous ses produits une entrée en force sur les marchés internatio- naux, en utilisant l'organisation déjà mise en place par la Squibb à l'échelle internationale pour la commercialisation de ses produits pharmaceutiques.
Pendant plusieurs années, le secteur pharma- ceutique de l'entreprise est restée au même niveau, parce que les compagnies réunies ont concentré les dépenses de capitaux sur une entreprise d'aluminium qui a absorbé le capital qu'on aurait pu affecter à l'expansion du secteur pharmaceutique. Toutefois, même au cours de cette phase de stabilisation, on a envisagé très sérieusement la construction de très importants laboratoires de fabrication d'antibiotiques sur le terrain de la filiale canadienne. Cette usine a été finalement construite en République d'Irlande, à cause des nombreux avantages consentis par le gouvernement de ce pays pour amener l'implan- tation de ces laboratoires dans une région défa- vorisée; ces avantages étaient tels qu'il n'aurait pas été rentable de la localiser ailleurs. Cette usine occupe 20 acres.
En 1968, les activités du secteur pharmaceuti- que, confiées à l'organisation de la Squibb, ont
«redémarré». Ceci a mis fin au drainage des capitaux vers le secteur de l'aluminium et pro- voqué une augmentation importante des ventes de produits pharmaceutiques, qui a entraîné à son tour d'ambitieux projets d'expansion.
Il n'est pas réaliste d'examiner l'appelante isolément. Elle fait partie d'une organisation bien plus grande. Ses actions étaient la propriété exclusive d'une compagnie-mère et les objectifs de l'organisation globale s'imposaient à l'appe- lante. En pratique, il est clair qu'il faut tenir compte des objectifs et des intentions de la compagnie-mère pour déterminer les objectifs et les intentions de l'appelante. En fait, ils coïncidaient.
L'organisation de la compagnie-mère compre- nait un comité d'affectation des capitaux, qui avait pour fonction de décider de l'acquisition et de la vente des immobilisations par les filiales à travers le monde. Ce comité tenait évidemment compte des recommandations des dirigeants locaux, mais du fait de sa connaissance des objectifs généraux de l'organisation, distincts des intérêts locaux, ses décisions avaient un caractère définitif. Si la recommandation d'un dirigeant local d'acheter une propriété était acceptable et conforme à la politique d'expan- sion, que le comité connaissait parfaitement, on envoyait un expert technique visiter le site du projet pour juger de sa valeur. Le comité d'af- fectation des capitaux travaillait en étroite colla boration avec un comité d'expansion des com- pagnies, un comité technique et aussi les comités de comptabilité et de planification.
Il arrivait souvent que l'organisation-mère envisage l'expansion d'une filiale par la mise au point de produits nouveaux ou qu'elle fasse d'autres projets à long terme dont les dirigeants de la filiale n'avaient aucune connaissance. C'est la compagnie-mère qui imposait ses objec- tifs aux filiales, y compris l'appelante, et la compagnie-mère demandait souvent à ses filia- les d'orienter leur expansion dans un sens qu'el- les n'avaient jamais envisagé.
L'organisation-mère avait pleine confiance dans ses possibilités d'expansion et dans celles de ses filiales. On a rapporté de nombreux cas
l'on a acheté de vastes propriétés, très supé- rieures aux besoins immédiats, mais qui ont été par la suite complètement occupées, se sont même révélées insuffisantes, à tel point qu'il a fallu acquérir d'autres terrains.
Le comité d'affectation de capitaux avait approuvé l'achat par l'appelante du terrain de cinquante acres, pour servir à l'expansion des installations, dont on avait déjà élaboré un projet.
C'est le comité d'affectation des capitaux qui s'est opposé au projet d'expropriation d'une partie du terrain de l'appelante, en 1963, pour la construction de rues.
En 1966, le programme d'expansion prévu par l'organisation pour le Canada ne permettait pas de vendre les terrains que possédait l'appe- lante. La direction locale de l'appelante a reçu des offres très intéressantes pour les terrains qu'elle n'utilisait pas. Ces offres ont été transmi- ses au comité d'affectation des capitaux avec une recommandation favorable. On a fait savoir à l'appelante de ranger tout projet de vente «sur les tablettes».
Ces témoignages m'amènent inévitablement à la conclusion que l'appelante a acheté le site de 50 acres avec l'intention d'occuper complète- ment ce site au fur et à mesure de son expan sion, qu'elle a conservé la partie du terrain qui n'avait pas été bâtie en 1959 afin de pouvoir agrandir ses installations et, de plus, qu'il était réaliste de penser que ces terrains inoccupés pourraient être utilisés pour ces agrandisse- ments.
En 1970 et 1971, le comité d'affectation des capitaux a autorisé l'appelante à vendre 1,200,- 000 pieds carrés de terrain non occupé, tout en conservant environ 700,000 pieds carrés pour utilisation présente et future. Les bâtiments occupaient environ 400,000 pieds carrés, de sorte que l'on conservait 300,000 pieds carrés pour usage ultérieur.
La décision de vendre I ,200,000 pieds carrés s'appuyait sur deux excellentes raisons. Le site, bien que rural à l'origine et situé dans une zone peu peuplée, se trouvait maintenant entouré par la ville. Des règlements empêchaient désormais
qu'oit l'utilise pour un laboratoire de fermenta tion ou pour les autres types d'installation que l'on envisageait. Tel était le premier motif de la vente. L'urbanisation de ce secteur, autrefois rural, a amené une augmentation astronomique des taxes municipales. En 1954, les taxes muni- cipales et scolaires s'élevaient à $242. En 1966, elles s'élevaient à $24,112, ce qui fait une aug mentation d'environ 13,600%. En 1968, les taxes municipales et scolaires sur ces propriétés s'élevaient à $89,629, soit une augmentation de plus de 250% sur le chiffre de 1966. En 1970, les taxes s'élevaient à $105,000. Vu l'augmenta- tion inquiétante des taxes municipales, il n'était plus rentable de conserver des terrains dans ce secteur en vue d'une éventuelle expansion. Tel était le second motif de la vente.
A la lumière de ces faits, j'estime que l'appe- lante s'est acquittée de la responsabilité de démontrer que les terrains vacants ont été con- servés dans l'attente raisonnable d'une expan sion qui permettrait de les utiliser. Ceci étant, il en résulte que le paiement des taxes municipales et scolaires constitue une dépense à compte de revenus et donc engagée dans le but de gagner ou de produire un revenu au sens de l'article 12(1)a).
Les appels sont donc accueillis, avec dépens à la charge de l'intimé.
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