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A-53-72
Mark G. Smerchanski (Appelant)
c.
Le ministre du Revenu national (Intime')
Cour d'appel, le juge Thurlow, les juges sup pléants Mackay et Bastin—Winnipeg, les 11, 12, 13, 14 et 15 février; Ottawa, les 11, 12 et 13 mars 1974.
Impôt sur le revenu—L'appelant a admis l'exactitude des nouvelles cotisations, a renoncé au droit d'interjeter appel et a payé les sommes dues—Irrecevabilité de l'appel interjeté de ces nouvelles cotisations—Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, art. 46(1), 126(3), 132(1)(3) et 136(4).
Le juge de première instance (le juge Collier, [1972] C.F. 227) a rejeté un appel interjeté des nouvelles cotisations à l'impôt sur le revenu, établies en 1964 pour les années 1945 à 1959 incluses, au motif que l'appelant était lié par les termes d'un document qu'il a signé le 10 juillet 1964 dans lequel il reconnaissait l'exactitude des cotisations, admettait devoir les montants cotisés et renonçait à son droit d'appel. Après la signature du document, il paya les sommes dues. La théorie de l'appelant, reprise devant la Cour d'appel, était que le document n'a pas pour effet d'engager l'appelant, parce qu'il est contraire aux dispositions et à l'économie de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Arrêt (le juge Bastin dissident): le fait d'établir les cotisa- tions en se fondant sur les conditions stipulées par le Minis- tre et sur le consentement de l'appelant, ne porte atteinte à aucun principe d'ordre public, de bonnes moeurs ni aux principes contenus dans la Loi; et aucun de ces principes ne saurait soustraire l'appelant aux conséquences de son con- sentement ou de sa renonciation formelle à son droit d'inter- jeter appel des cotisations ainsi établies.
Le juge Bastin (dissident): le Ministre ne peut cacher à un contribuable la nature et le montant de l'impôt qu'il fixe, ni forcer un contribuable à remettre un chèque en blanc qu'il fera libeller à sa fantaisie. Le Ministre s'est servi de la menace de poursuites pour forcer le contribuable à abandon- ner toutes les garanties insérées dans la Loi; une telle action constitue un abus de pouvoir. Arrêt suivi: Johnston c. M.R.N. [1948] R.C.S. 486.
Arrêts considérés: Woon c. M.R.N. [1951] R.C.É. 18; M.R.N. c. The Lakeview Golf Club Limited [1952] R.C.É. 522; Maritime Electric Company Limited c. General Dairies, Limited [1937] A.C. 610; Anctil c. Manufacturers' Life Insurance Company [1899] A.C. 604; Carling Export Brewing and Matting Company Limited c. Le Roi [1931] A.C. 435; Inland Revenue Commissioners c. Brooks [1915] A.C. 478; Jones c. Victoria Graving Dock Co. (1877) 2 Q.B.D. 314; Re West Devon Great Consuls Mine (1888) 38 Ch. D. 51.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
A. J. Irving pour l'appelant.
W. B. Williston, c.r., Mue H. Henderson et G. J. Kroft pour l'intimé.
PROCUREURS:
Aikins, MacAulay Thorvaldson, Winni-
peg, pour l'appelant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
LE JUGE THURLOW—Il s'agit d'un appel d'un jugement de la Division de première instance [[1972] C.F. 227] qui rejetait l'appel interjeté par l'appelant des nouvelles cotisations d'impôt sur le revenu établies le 8 juillet 1964, ou vers cette date, pour les années 1945 1959 inclusi- vement. Bien que le savant juge de première instance ait discuté deux autres questions dans ses motifs de jugement, le motif précis sur lequel il a rejeté l'appel était que l'appelant est lié par les termes d'un document qu'il a signé le 10 juillet 1964 en vertu duquel il reconnaissait l'exactitude des cotisations, admettait devoir les montants cotisés et renonçait à son droit d'appel.
Ce document se lit comme suit:
[TRADUCTION] Je soussigné Mark Gerald Smerchanski, de Winnipeg (Manitoba), ingénieur minier, accuse par les pré- sentes réception des avis de nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu (c. 97 des Statuts révisés du Canada de 1927), de la Loi de l'impôt sur le revenu (c. 52 des Statuts du Canada de 1948) et de la Loi de l'impôt sur le revenu (c. 148 des Statuts révisés du Canada de 1952), les montants de ces nouvelles cotisations, relatives à mon impôt sur le revenu pour les années d'impo- sition 1945 à 1959 incluses, étant les suivants:
1945 $124,453.47
1946 173,413.76
1947 47,303.19
1948 2,292.65
1949 4,562.24
1950 3,751.45
1951 6,046.75
1952 16,125.99
1953 10504.69
1954 12,567.53
1955 94,231.07
1956 288,994.87
1957 96,739.51
1958 54,858.82
1959 15,964.82
$951,610.81
J'accepte et j'approuve par les présentes chacune des sommes contenues dans chacune des nouvelles cotisations, étant entendu qu'elles englobent les impôts, les intérêts et les pénalités relatifs à chacune desdites années. Je me reconnais par les présentes débiteur desdites sommes et je renonce à tout droit qui m'appartient ou viendrait à m'appar- tenir de faire appel de l'une quelconque desdites nouvelles cotisations.
En outre, je prends acte par les présentes du fait que lesdites nouvelles cotisations relatives aux années 1955 à 1958 incluses se substituent aux nouvelles cotisations provi- soires établies pour ces années, datées du 14 mars 1960, du 1" mai 1961, du 16 avril 1962 et du 28 juin 1963 et je retire par les présentes les avis d'opposition que j'ai signifiés contre lesdites nouvelles cotisations provisoires datées du 10 juin 1960, du 8 juin 1961, du 5 juin 1962 et du 23 septembre 1963.
Il est entendu et convenu que le présent document lie mes héritiers, exécuteurs testamentaires et administrateurs judiciaires.
EN FOI DE QUOI, j'ai apposé ma signature et mon sceau sur les présentes, à Winnipeg (Manitoba), en ce dixième jour de juillet 1964.
«Harry Walsh» «M. G. Smerchanski» (Sceau)
Témoin Mark Gerald Smerchanski
L'accusé de réception, l'assentiment et la renonciation ci-dessus ont été volontairement signés devant moi par ledit Mark Gerald Smerchanski de son plein gré. Ledit Mark Gerald Smerchanski m'a en outre certifié qu'il comprend la nature et l'effet du document et en est pleinement conscient.
FAIT à Winnipeg (Manitoba), en ce dixième jour de juillet 1964.
«Harry Walsh»
Avocat inscrit au Barreau de la province du Manitoba
Le savant juge de première instance était également saisi d'un appel de la Eco Explora tion Company Limited (sans responsabilité per- sonnelle), compagnie contrôlée à toutes les épo- ques en cause par l'appelant Smerchanski; cet appel visait des cotisations également établies le 8 juillet 1964, ou vers cette date, au titre des années 1946, 1947 et 1951 à 1957 inclusive- ment. Sur consentement des parties, cet appel a été entendu en même temps et d'après le même dossier que l'appel Smerchanski. Le savant juge
de première instance a aussi rejeté l'appel Eco au motif que la compagnie était liée par un document semblable qu'elle avait signé et remis à l'intimé le 10 juillet 1964; en voici le texte:
[TRADUCTION] La Eco Exploration Company Limited accuse par les présentes réception des avis de nouvelles cotisations établis en vertu de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu (c. 97 des Statuts révisés du Canada de 1927), de la Loi de l'impôt sur le revenu (c. 52 des Statuts du Canada de 1948) et de la Loi de l'impôt sur le revenu (c. 148 des Statuts révisés du Canada de 1952), les montants de ces nouvelles cotisations, relatives à son impôt sur le revenu pour les années 1946, 1947 et 1951 à 1957 inclùses, étant les suivants:
1946 $ 14,546.26
1947 1,038.46
1951 7,116.31
1952 244.18
1953 26,717.40
1954 3,124.85
1955 19,652.48
1956 24,274.45
1957 20,463.50
$117,177.89
La Eco Exploration Company Limited accepte et approuve par les présentes chacune des sommes contenues dans chacune des nouvelles cotisations, étant entendu qu'el- les englobent les impôts, les intérêts et les pénalités relatifs à chacune desdites années. La Eco Exploration Company Limited se reconnait par les présentes débitrice desdites sommes et renonce à tout droit qui lui appartient ou vien- drait à lui appartenir de faire appel de l'une quelconque desdites nouvelles cotisations.
Il est entendu et convenu que le présent document lie les successeurs et ayants droit de la Eco Exploration Company Limited.
EN FOI DE QUOI LA ECO EXPLORATION COMPANY LIMITED a apposé sur les présentes son sceau dûment authentifié par la signature de ses représentants compétents en ce dixième jour de juillet 1964.
Pour la
ECO EXPLORATION COMPANY LIMITED
(sans responsabilité personnelle):
«P. N. Smerchanski.
Président
«Phillip Smerchanski»
Secrétaire
Devant la Division de première instance, l'ap- pelant et la Eco ont allégué que ces documents ont été signés pour une contrepartie illégale, c'est-à-dire la suppression de poursuites pour
dissimulation de matière imposable, et, subsi- diairement, que leur signature a été obtenue par pressions, contrainte et violence. La question d'illégalité de la contrepartie a cependant été abandonnée au cours de la plaidoirie lorsque l'avocat de l'appelant a reconnu qu'il n'y avait aucune preuve à l'appui de cette allégation, position que le savant juge de première instance a acceptée. Le savant juge a également conclu que, d'après la preuve, les documents n'ont pas été signés à la suite de pressions, de contrainte ou de violence et ses conclusions sur ce point n'ont pas été contestées devant nous. Pour fonder la décision que la teneur des documents n'a pas pour effet d'engager l'appelant et la Eco, il ne reste que la prétention à nouveau avancée par l'avocat au cours de cet appel, suivant laquelle ces documents sont contraires aux dis positions et à l'économie de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Les événements qui ont amené à la signature et à la remise de ces documents sont échelonnés sur une longue période et, comme ils ont été exposés en détail dans les motifs du savant juge de première instance, un bref aperçu suffira aux fins des présentes. Au début de la période, une importante quantité de documents a été saisie chez l'appelant en vertu d'une autorisation émise sous le régime de l'article 126(3) de la Loi. Cet incident s'est produit en avril 1961 et les documents ainsi saisis ont fait l'objet d'un examen serré au cours des deux ,années qui ont suivi.
Par la suite, entre août 1963 et mars 1964, il y a eu plusieurs rencontres entre l'appelant ou ses conseillers juridiques et des hauts fonctionnai- res du Ministère. Il en est clairement ressorti que le Ministère avait l'intention de poursuivre l'appelant par voie de mise en accusation sous divers chefs de dissumulation de matière impo- sable en violation de l'article 132(1) de la Loi.
Au cours d'une des réunions d'août 1963, on a indiqué que la réclamation du Ministère au titre d'impôts impayés et d'intérêts pour les
années 1949 1959 inclusivement s'élevait à , environ $633,538.37. Ce montant a été con testé. Au cours d'une autre réunion en décem-
bre 1963, l'avocat de l'appelant a demandé si le Ministre envisagerait la possibilité de transiger pour $400,000. Dans l'intervalle, une autre enquête avait été entreprise sur les années 1945 à 1948; lors d'une autre réunion en janvier 1964, l'avocat de l'appelant a été avisé que la réclamation contre la Eco au titre d'impôts impayés et d'intérêts s'élevait à $156,307 et que, contre l'appelant pour les années 1945 à 1959 inclusivement, elle atteignait $686,000 au titre d'impôts impayés et $344,000 à titre d'inté- rêts. Ces montants ont également été contestés et, à un certain moment, on a demandé au Ministère d'envisager la possibilité de transiger pour $600,000. Cependant, à aucun moment au cours de cette phase, le Ministère n'a suggéré d'autres solutions que celle de poursuivre en justice. Au contraire, il semble qu'à chacune des réunions mentionnées, le Ministère ait indiqué qu'il procéderait par voie de poursuites judiciaires.
Pendant ia troisième et dernière phase, soit entre les 25 juin et 10 juillet 1964, l'avocat de l'appelant, au cours d'une conversation avec l'avocat qui avait été nommé en mars 1964 pour mener les poursuites, a laissé entendre que l'ap- pelant avait été mal conseillé quant à la ligne de conduite qu'il avait adoptée, c'est-à-dire tenter de justifier sa position à l'égard des opérations que le Ministère avait mises en question, et que le seul fait de déposer, les accusations causerait un tort d'une gravité exceptionnelle à l'appelant et à sa famille étant donné sa signature d'homme public en tant que membre de l'As- semblée législative. Il a donc demandé si le Ministère serait disposé à régler l'affaire en procédant par voie de nouvelles cotisations d'impôt sur le revenu, d'intérêts et de pénalités que l'appelant paierait par la suite. L'avocat du Ministère a déféré cette demande à Ottawa et on l'a avisé qu'une transaction pourrait être envisagée si la proposition comportait des condi tions appropriées comprenant l'engagement de l'appelant et de son avocat à accepter les cotisa- tion établies, à reconnaître l'obligation d'en payer les montants, à ne demander aucun détail de ces montants, à payer immédiatement les montants cotisés et à renoncer au droit d'inter- jeter appel de ces nouvelles cotisations.
Après la communication de ces conditions à l'avocat de l'appelant et sur réception d'indica- tions suffisantes ou de l'assurance que le total du montant à verser ne dépasserait pas $1,200,- 000 et que l'avocat du Ministère examinerait les opérations couvertes par les calculs du Minis- tère dans le but de s'assurer, d'après les rensei- gnements disponibles, qu'elles y avaient été incluses à bon droit, l'appelant, son avocat et la Eco ont signé le document suivant qui a été remis à l'avocat du Ministère le 2 juillet 1964:
[TRADUCTION] M. C. Gordon Dilts,
Avocat,
503 Electric Railway Chambers,
WINNIPEG (Manitoba).
Monsieur Dilts,
Objet: Affaire Mark Gerald Smerchanski et
Eco Exploration Company Limited
(sans responsabilité personnelle)
Nous, Mark Gerald Smerchanski et Harry Walsh, nous engageons inconditionnellement, conjointement et solidaire- ment par les présentes, à payer en espèces la totalité de la dette d'impôt sur le revenu de M. Mark Gerald Smerchanski et de la Eco Exploration Company Limited (sans responsa- bilité personnelle), y compris les intérêts et pénalités, rela tive aux années 1945 à 1959 incluses, telle qu'elle sera fixée par le ministère du Revenu national; le paiement sera effec- tué dès que le Ministère nous aura fait connaître le montant de cette dette. Il est entendu et convenu que nous accepte- rons et approuverons le montant total de cette dette sans aucune réserve et sans en demander le détail au ministère du Revenu national. Il est également entendu et convenu que M. Mark Gerald Smerchanski supportera personnellement le paiement de la totalité de la dette mise à la charge de la Eco Exploration Company Limited (sans responsabilité personnelle).
Nous, Mark Gerald Smerchanski et la Eco Exploration Company Limited (sans responsabilité personnelle) renon- çons en outre inconditionnellement à tout droit d'interjeter appel des cotisations ou nouvelles cotisations d'impôt sur le revenu dès à présent établies ou sur le point d'être établies par le ministère du Revenu national pour lesdites années.
La présente lettre vaut également confirmation du fait que tous les avocats et comptables dont les services ont été retenus pour M. Mark Gerald Smerchanski et la Eco Exploration Company Limited (sans responsabilité person- nelle) ou en leur 'nom, ont pris connaissance du contenu de la présente lettre, lui ont donné leur approbation et sont disposés à s'estimer liés par elle dans la limite de son applicabilité.
Il est en outre entendu et convenu que les engagements contenus dans cette lettre lient les héritiers, exécuteurs testamentaires et administrateurs judiciaires de M. Mark Gerald Smerchanski et les successeurs et ayants droit de la Eco Exploration Company Limited (sans responsabilité personnelle).
FAIT à Winnipeg (Manitoba), en ce deuxième jour de juillet 1964.
«M. G. Smerchanski» «Harry Walsh» pour la ECO EXPLORATION COMPANY LIMITED (SANS RESPONSABILITÉ PERSONNELLE)
«P. N. Smerchanski» Président «Phillip Smerchanski» Secrétaire
Le 8 juillet 1964, après la révision effectuée par Me Dilts qui a eu comme résultat d'éliminer $148,984.15 du calcul du revenu, des avis de nouvelles cotisations de l'appelant et de la Eco ont été remis en mains propres à l'avocat de l'appelant; lui ont également été remis pour signature les projets des documents ici en cause. La lettre suivante accompagnait le tout:
[TRADUCTION]
Le 8 juillet 1964
Monsieur Harry Walsh, c.r.,
Walsh, Micay & Cie,
Avocats et procureurs,
7' étage, Edifice Childs,
Winnipeg (Manitoba)
Objet: Affaire Mark G. Smerchanski et Eco Exploration Company Limited Notre dossier No C-51 CGD
Monsieur,
Suite à notre conversation téléphonique de ce jour, veuil- lez trouver sous pli des avis de nouvelles cotisations concer- nant l'impôt sur le revenu des susnommés pour les années
1945 1959. Vous constaterez que la dette de M. Smer- chanski, y compris le montant réclamé à la Eco Exploration Company Limited, s'élève à $1,068,788.70. Nous comptons recevoir de vous, par retour du courrier, un chèque visé à l'ordre du Receveur général du Canada au montant de $868,788.70, ainsi qu'une autorisation écrite de M. Smer- chanski, en la forme de la lettre ci-jointe, adressée au
ministère du Revenu national concernant le paiement de $200,000 déjà versé dans cette affaire.
Nous incluons également, aux fins de signature par M. Smerchanski et par la Eco Exploration Company Limited, des formules de reconnaissance, de consentement et de renonciation. Veuillez nous retourner les copies des deux documents avec le chèque et la lettre susmentionnés.
Veuillez agréer, Monsieur, l'assurance de nos salutations distinguées.
THOMPSON, DILTS, JONES, HALL, DEWAR & RITCHIE
Par «C. G. Dilts»
CGD/nd
Pièces jointes
En conséquence, le 10 juillet 1964, les docu ments en cause ont été signés puis remis, et les cotisations payées. Deux jours plus tard, l'appe- lant a demandé à son avocat quand il pouvait espérer recevoir des données détaillées sur les montants et on lui a répondu qu'aux termes de la transaction, aucun détail ne devait être fourni. Sur ce, il a demandé quand il pouvait espérer récupérer ses documents. Le lendemain, il y eut un autre entretien entre les avocats concernant la remise des documents; il y eut mainlevée de la saisie de ces documents qui furent retournés à l'appelant le 20 juillet 1964.
La théorie de l'appelant a été présentée de deux façons. On a d'abord dit que la Loi de l'impôt sur le revenu est une loi établie à l'avan- tage du public et non des individus, qu'elle accorde des droits et impose des obligations auxquels ni la Couronne ni le contribuable ne peuvent renoncer par contrat, que la conclusion d'un contrat entre l'État et le sujet ne doit pas la mettre en échec car il en résulterait une imposi tion aux termes d'un contrat et non aux termes de la loi, ce qui serait illégal, et que ni la Couronne ni le contribuable ne sont liés par un contrat de ce genre. A l'appui de cette thèse, l'avocat a invoqué les arrêts Woon c. M.R.N.', M.R.N. c. The Lakeview Golf Club Limited 2 , Maritime Electric Company Limited c. General Dairies, Limited 3 et Anctil c. Manufacturers' Life Insurance Company 4 . Il s'est également
' [1951] R.C.É. 18.
2 [1952] R.C.É. 522.
3 [1937] A.C. 610.
4 [1899] A.C. 604.
appuyé sur l'arrêt Carling Export Brewing and Malting Company Limited c. Le Rois Lord Thankerton a déclaré à la page 438:
[TRADUCTION] Leurs Seigneuries estiment qu'on ne doit pas supposer de prime abord que, dans une loi fiscale, le Parlement a délégué à un ministre le pouvoir de fixer la fourchette de l'imposition; une telle intention doit ressortir clairement des termes utilisés dans la législation.
et sur l'arrêt Inland Revenue Commissioners c. Brooks 6 Lord Atkinson a déclaré à la page 488:
[TRADucTioN] Il peut être tout à fait absurde ou illogique que les montants de ces bénéfices et de ces gains fassent l'objet d'une deuxième enquête, mais il s'agit d'une loi fiscale et l'on ne peut imposer un contribuable, sous son régime qu'en s'y conformant rigoureusement.
Voici l'autre façon de présenter la théorie: le pouvoir du Ministre de répartir l'impôt sur le revenu, l'intérêt et les pénalités se limite à celui que lui confère l'article 46 de la Loi de l'impôt sur le revenu', il est autorisé à exercer ce pou- voir dans les limites que l'article fixe et non au-delà, il ne lui donne pas le pouvoir de conve- nir d'une reconnaissance de dette ou d'une renonciation au droit d'appel; en outre, s'il inter- vient une convention de ce genre, elle est ultra vires et toute reconnaissance ou renonciation en résultant est invalide et n'a pas pour effet de priver le contribuable du droit que lui accorde la loi d'interjeter appel et de contester une cotisa- tion, et les documents en cause n'ont donc pas pour effet d'empêcher l'appelant d'interjeter appel et de contester les montants des cotisa- tions en cause.
Les arrêts qu'a cités l'avocat ne sont pas d'une grande utilité pour traiter du point sou- levé. Dans les affaires Woon et Lakeview Golf Club, la question portait sur le point de savoir si la conduite antérieure des fonctionnaires empê- chait le Ministre d'appliquer les dispositions fis- cales de la loi pertinente et, dans les deux cas, on a répondu par la négative. Dans l'affaire
5 [1931] A.C. 435.
6 [1915] A.C. 478.
7 S.R.C. 1952, c. 148.
Woon, le juge Cameron, après avoir passé en revue un certain nombre d'arrêts, a ainsi conclu à la page 27:
[TRADUCTION] Me fondant sur les principes énoncés dans ces arrêts, je conclus que la soi-disant «décision» du com- missaire n'était rien d'autre que son interprétation person- nelle de la législation, ou, tout au plus, qu'en établissant la cotisation de l'appelant, le Ministère appliquerait la «déci- sion» ainsi rendue. Dans les deux cas, elle a été rendue sans autorisation et elle ne liait pas la Couronne. Je conclus également que l'appelant ne peut l'invoquer comme motif pour opposer une fin de non-recevoir en l'espèce, car cela reviendrait à annuler l'exigence de la législation elle-même.
Dans l'affaire Lakeview Golf Club, le même savant juge a exprimé, à la page 528, une opi nion semblable:
[TRADUCTION] Je ne peux admettre qu'un tel «arrange- ment», pour employer le mot de la pièce A-5, puisse être de quelque utilité à l'intimée; une fin de non-recevoir ne peut supplanter la loi du lieu et la Couronne n'est pas liée par les erreurs ou omissions de ses préposés.
Dans l'affaire Maritime Electric, il s'agissait également d'une question de fin de non-recevoir et il a été jugé qu'une fin de non-recevoir ne pouvait servir à libérer l'appelante d'une obliga tion imposée par la loi, savoir, demander, pour des services d'électricité, le montant qu'exigeait un tarif approuvé par un organisme de régle- mentation et également qu'elle ne permettait pas à l'intimée de se soustraire à son obligation légale de payer les taux prévus au tarif.
D'autre part, l'arrêt Anctil, si je le comprends bien, établit seulement qu'un contrat de nature privée, conclu en contravention avec une exi- gence expresse de la loi, n'est pas exécutoire. On a invoqué et plaidé la fin de non-recevoir, mais sans réussir à renverser l'argument que le contrat était contraire à la loi.
De plus, le contexte de chacune des déclara- tions précitées de Lord Thankerton et de Lord Atkinson dans les arrêts Carling Export Brewing et Brooks, respectivement, différait de celui du présent appel au point que ces déclarations me semblent n'apporter que peu d'indications appli- cables dans l'espèce.
D'un point de vue général, il me semble tout à fait exact de dire que le Ministre et le contribua- ble ne doivent pas mettre en échec la Loi de l'impôt sur le revenu en concluant un contrat dont la teneur réduirait les impôts que le contri-
buable devrait normalement payer en vertu de la loi. L'imposition doit effectivement se faire en vertu du texte même de la loi et toute tentative de s'y soustraire en vertu d'un contrat est sans effet en droit pour réduire l'obligation du contri- buable ou l'éviter. Par contre, il doit y avoir un moyen de calculer et de fixer le montant de cet impôt exigible et, dans la Loi de l'impôt sur le revenu, ce besoin est satisfait par des disposi tions qui confèrent au Ministre le pouvoir et le devoir de fixer l'impôt que doit payer le contri- buable. Il doit établir ces cotisations en se fon dant sur les renseignements pertinents dont il dispose sur le revenu du contribuable, que ces renseignements soient fournis par ce dernier en accomplissement de l'obligation que la loi lui impose, ou qu'ils soient obtenus par d'autres moyens. Dans un tel système, il va de soi que, même après avoir obtenu les renseignements pertinents, il y aura souvent des doutes sur le point de savoir si des montants donnés sont à bon droit assujettis à l'impôt; cela entraînera aussi des controverses sur la question de savoir si des montants donnés doivent y être inclus. En pareils cas, le Ministre, pour déterminer s'il doit inclure ou exclure le montant douteux ou con- troversé, ne peut agir que d'après l'ensemble des renseignements dont il dispose. On a prévu des moyens de lui présenter des objections et d'interjeter par la suite appel devant les tribu- naux, moyens auxquels le contribuable peut avoir recours s'il n'est pas satisfait des cotisa- tions ainsi établies. Mais rien dans la législation n'oblige le contribuable à exercer son droit de s'opposer ou d'interjeter appel.
Considérant les présentes cotisations en ayant à l'esprit ces particularités du système fiscal, je ne crois pas qu'on puisse dire à bon droit qu'el- les constituent une imposition par contrat plutôt qu'en vertu du texte législatif. On n'a évidem- ment pas prétendu qu'elles étaient trop faibles, ni qu'on a transigé en vue de les fixer à un niveau inférieur au plein montant exigé par la loi. Et aucun élément de preuve n'indique que les montants cotisés ont été fixés en se rappor- tant à un contrat relatif au montant à déterminer ou autrement qu'en utilisant la méthode consis- tant à englober dans le calcul chaque poste qui, suivant les renseignements dont disposait le Ministre, était assujetti à l'impôt et à établir des
cotisations en se fondant sur ces postes. Il y avait bien sûr une indication d'un montant maxi mum, mais je la considère non pas comme un indice de l'existence d'un contrat sur le montant total, mais comme une évaluation d'un montant que la somme réelle, calculée en conformité de la Loi, ne dépasserait pas. Finalement, le mon- tant réel était nettement inférieur. J'ai donc conclu que rien dans les événements que j'ai résumés ne peut être considéré comme déjouant la loi ou l'économie de la loi ou comme substi- tuant l'imposition par contrat à l'imposition selon la loi.
Passons à la deuxième façon dont la préten- tion de l'appelant a été présentée. A nouveau, il me semble, d'un point de vue général, qu'il n'est pas loisible au Ministre de stipuler, comme con dition pour établir une nouvelle cotisation, que le contribuable reconnaisse qu'il est débiteur du montant à déterminer ou qu'il renonce à son droit d'appel. Rien dans la loi ne lui interdit expressément ou tacitement de faire une telle stipulation, mais d'autre part rien dans la loi ne me semble l'autoriser expressément ou tacite- ment à exercer ses pouvoirs de cette façon. Dans cette mesure, je partage le point de vue de l'appelant. Cependant, s'il est valable, il me semble que le droit de s'opposer à cette stipula tion appartient au contribuable concerné et que si, pour quelque motif personnel, comme l'es- poir d'éviter une poursuite publique, le contri- buable consent à une telle stipulation ou renonce à son droit de s'opposer, il me semble n'exister aucun principe d'ordre public ou de bonnes moeurs qui pourrait intervenir pour le protéger des conséquences de son propre acte de consentement ou de renonciation. J'estime également que le droit d'un contribuable d'inter- jeter appel d'une cotisation en vertu de la Loi ne constitue pas un droit d'ordre public ou un droit conféré à l'avantage du public, mais plutôt un droit personnel auquel il peut renoncer s'il juge bon de le faire.
En outre, du point de vue du Ministre, qui doit, le cas échéant, décider de poursuivre un contribuable ou de procéder uniquement par voie de nouvelles cotisations d'impôt, avec inté- rêts et pénalités, il est normalement pratique et légitime de tenir compte des frais et des possibi-
lités d'échec que peut comporter une poursuite même si cette procédure semble justifiée vu les éléments dont il dispose. En pareille circon- stance, une proposition ou un accord présentés par un contribuable, désireux d'éviter des pour- suites, dans le but de reconnaître sa dette fis- cale, de payer et de renoncer à son droit d'ap- pel, peuvent fort bien être un facteur important, et, en certains cas, un facteur déterminant dans la décision du Ministre que l'intérêt public sera mieux servi s'il procède par voie de nouvelles cotisations d'impôt, d'intérêts et de pénalités, plutôt que par des poursuites suivies de nouvel- les cotisations d'impôt et d'intérêts.
Appliquant ces considérations à la situation actuelle, il m'apparaît que, si l'on peut dire, avec raison je crois, qu'avant de procéder par voie de nouvelles cotisations en vue de recouvrer les pénalités encourues, ainsi que les impôts et l'in- térêt, le Ministre a fixé comme condition que l'appelant se reconnaisse débiteur, paie sans délai les montants exigibles et renonce à son droit d'appel, l'appelant ne s'y est pas opposé mais, au contraire, comme l'ont prouvé sa signa ture de l'engagement du 2 juillet 1964 et du document du 10 juillet 1964 ainsi que son paie- ment immédiat des montants exigibles, qu'il y a consenti et qu'il a approuvé la stipulation. En chaque cas, il l'a fait en pleine connaissance de cause et sur les conseils d'avocats compétents et, à mon sens, le fait d'établir les cotisations en se fondant sur cette stipulation et sur ce consen- tement ne porte atteinte à aucun principe d'or- dre public, de bonnes moeurs ni aux principes contenus dans la loi; et aucun de ces principes ne saurait soustraire l'appelant aux conséquen- ces de son consentement ou de sa renonciation formelle à son droit d'interjeter appel des coti- sations ainsi établies. Je souscris donc à la con clusion du savant juge de première instance que l'appelant est lié par la renonciation au droit d'appel que comporte le document qu'il a signé et remis le 10 juillet 1964.
Étant donné cette conclusion, il est inutile d'examiner la question de l'irrecevabilité soule- vée par l'avocat du Ministre ni l'autre question soulevée par l'avocat de l'appelant concernant le droit du Ministre d'établir de nouvelles cotisa- tions pour les années 1945 à 1951.
L'appel est donc rejeté et, à mon avis, il doit l'être avec dépens.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY—Bien que je sois d'accord avec les motifs et les conclusions de mon collègue le juge Thurlow, je tiens à exprimer mon point de vue sur les allégations subsidiaires de l'intimé suivant lesquelles les appelants ne sont pas recevables à interjeter appel des nouvelles cotisations d'impôt sur le revenu pour les années en cause et suivant lesquelles ils sont liés par leur convention de ne pas interjeter appel.
L'ouvrage de Hanbury, Modern Equity, 9 e éd., aux pp. 664 et 666, définit l'irrecevabilité comme étant une doctrine qui empêche une personne d'agir d'une manière inconséquente par rapport à une représentation qu'elle a faite à l'autre partie et sur laquelle cette dernière s'est fondée, agissant à son détriment. Il doit néces- sairement y avoir une représentation non équi- voque d'une situation réelle sur laquelle on veut que l'autre partie se fonde pour agir et d'après laquelle elle agit effectivement à son détriment.
Le document du 10 juillet 1964 signé par Smerchanski accuse réception des nouvelles cotisations pour chacune des années 1945 à 1959 inclusivement et poursuit comme suit:
[TRADUCTION] J'accepte et j'approuve par les présentes chacune des sommes contenues dans chacune des nouvelles cotisations, étant entendu qu'elles englobent les impôts, les intérêts et les pénalités relatifs à chacune desdites années. Je me reconnais par les présentes débiteur desdites sommes et je renonce à tout droit qui m'appartient ou viendrait à m'appartenir de faire appel de l'une quelconque desdites nouvelles cotisations.
Ces déclarations ainsi que le paiement des nouvelles cotisations fait au même moment éta- blissent sans équivoque le règlement des récla- mations que comportaient les nouvelles cotisations.
Au cours de l'enquête sur l'obligation de l'ap- pelant de payer des impôts additionnels, des fonctionnaires du Ministère, en vertu d'une ordonnance de la Cour obtenue le 21 février 1961, ont saisi les dossiers de l'appelant. Deux jours après la signature du document du 10 juillet 1964 et le paiement du montant des nou-
velles cotisations, l'appelant a demandé la remise de ses documents qui lui ont été retour- nés le 20 juillet 1964.
Par la suite, lorsque l'appelant a entamé les présentes procédures, l'intimé a exigé que lui soient renvoyés les dossiers de l'appelant qui lui avaient été retournés le 20 juillet; ils ont été placés sous la garde conjointe des parties. On a alors découvert que certains de ces documents relatifs à l'affaire de l'intimé manquaient et que d'autres avaient été considérablement modifiés.
Il ressort clairement des éléments de preuve qu'après le moment où, en 1963, l'appelant et ses avocats ont pour la première fois communi- qué avec les fonctionnaires du Ministère au sujet de l'enquête en cours sur l'obligation de l'appelant de payer l'impôt sur le revenu, le Ministère avait l'intention de poursuivre l'appe- lant en vertu de l'article 132 de la Loi de l'impôt sur le revenu et de laisser les tribunaux trancher l'affaire, et que l'appelant souhaitait régler la question conformément à l'article 46 de la Loi. Ces positions sont restés constantes jusqu'à ce qu'à la demande des avocats de l'appelant, la transaction formulée dans la lettre du 2 juillet et dans le document du 10 juillet 1964 soit ache- vée et les cotisations payées.
Les procédures dont dispose le Ministère en vertu de l'article 46 et de l'article 132 sont concurrentes et le Ministère a la faculté d'en utiliser une seule ou les deux; les dispositions de l'article 132(3) que voici le montrent clairement:
(3) Lorsqu'une personne a été, d'après le présent article, déclarée coupable d'avoir volontairement éludé ou tenté d'éluder de quelque manière le paiement d'impôts établis par la Partie I, elle n'encourt pas une pénalité prévue par le paragraphe (1) de l'article 56 pour la même évasion fiscale ou tentative d'évasion fiscale, à moins que cette pénalité ne lui soit imposée avant qu'ait été déposée ou faite la dénon- ciation ou la plainte donnant lieu à la déclaration de culpabilité.
En l'espèce, il appert que si l'affaire n'avait pas été réglée, des procédures auraient fort bien pu être prises en vertu des deux articles parce que les conseillers du Ministère estimaient que, dans les circonstances de cette affaire, seule une partie de l'impôt réclamé, soit $267,000, justi-
fiait une poursuite et que pour le reste de l'im- pôt il faudrait procéder en vertu de l'article 46.
Le délai pour entamer des procédures en vertu de l'article 132 prenait fin le 28 août 1964.
J'estime qu'en signant les documents des 2 et 10 juillet 1964, l'appelant désirait faire agir et a effectivement fait agir l'intimé à son détriment en lui retournant, le 20 juillet 1964, les docu ments dont il se serait servi pour justifier les nouvelles cotisations, et en permettant au délai prévu à l'article 132 de s'écouler. Je suis donc d'accord avec l'allégation de l'intimé sur l'irrecevabilité.
Passons maintenant à la convention interve- nue avec l'appelant de ne pas interjeter appel des nouvelles cotisations: lorsqu'une disposition d'une loi est établie à l'avantage d'une personne ou d'une catégorie de personnes précise, elle peut faire l'objet d'une renonciation. (Voir l'ou- vrage de Craies Statute Law, 7 e éd., aux pp. 269 et 270, et celui de Maxwell, Interpretation of Statutes, 12e éd. aux pp. 328 et 329.)
Je suis d'accord avec le savant juge de pre- mière instance pour dire que les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu donnant à un contribuable le droit d'interjeter appel d'une nouvelle cotisation à l'égard de sa déclaration d'impôt est un droit d'ordre privé, établi à l'avantage du contribuable, et non un droit d'or- dre public, et que le contribuable peut y renon- cer. Déjà en 1877, il avait été jugé que les parties sont liées par une convention de ne pas interjeter appel. (Voir Halsbury, 3e éd., vol. 30, p. 460, par. 869; Jones c. Victoria Graving Dock Co. [1877] 2 Q.B.D., p. 314; Re: West Devon Great Consuls Mine (1888) 38 Ch. D. 51.)
Pour autant que je sache, ces décisions n'ont jamais été mises en doute.
Examinons maintenant l'argument de l'appe- lant suivant lequel le Ministre n'avait pas le droit d'imposer les conditions figurant aux documents des 2 et 10 juillet 1964. Je crois qu'il est hors de doute que les parties à un litige peuvent le régler suivant toutes modalités dont elles peuvent convenir, sauf si la convention ou ses modalités sont interdites par la Loi ou obte- nues par fraude ou représentation trompeuse.
Lors de l'audience devant cette cour, l'avocat de l'appelant a abandonné les allégations qu'il avait présentées en première instance suivant lesquelles la transaction avait pour effet de régler un acte délictueux et que l'appelant a été poussé à signer les documents par la contrainte ou par des pressions.
En l'espèce, l'avocat de l'appelant ne prétend pas que les modalités dont les parties ont con- venu sont interdites par la loi, mais qu'elles ne sont pas autorisées par les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu et que, par conséquent, la convention ne le liait pas. L'avocat n'a pu présenter aucune jurisprudence à l'appui de cette allégation et je la rejette.
Il y a autre chose que je désire mentionner. A l'audition de l'appel, on a soulevé certaines questions relatives à la crédibilité du témoin Karn dont le savant juge de première instance a accepté le témoignage, au motif qu'il avait trait à des incidents qui s'étaient produits au cours de ses rencontres avec l'appelant Smerchanski en 1948 et que, par conséquent, on ne pouvait se fier à ses souvenirs sur des événements remon- tant à cette époque. L'avocat de l'intimé a signalé que, pendant son témoignage, Karn dis- posait, pour se rafraîchir la mémoire, de la copie d'une lettre explicative écrite par Smerchanski en rapport avec les points soulevés par Karn en 1948. Dans ces circonstances, je ne crois pas que les critiques relatives à l'acceptation par le savant juge de première instance de son témoi- gnage soient justifiées.
Pour les motifs présentés par le juge Thurlow et pour les présents motifs, je rejette l'appel avec dépens.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT BASTIN—Le présent appel met en cause deux questions préliminaires qui, du consentement des parties, devaient être tranchées à l'audience par le savant juge de première instance. La première consiste à déter- miner si le document daté du 10 juillet 1964 liait l'appelant. Puisque par ce document l'appelant a convenu d'accepter sans réserve 15 nouvelles cotisations pour les années 1945 à 1959, de payer le montant total de l'impôt, de l'intérêt et de la pénalité réclamé et de renoncer au droit
d'interjeter appel, une décision défavorable à l'appelant disposera de l'affaire. La deuxième question consiste à déterminer si la preuve permet au Ministre la réouverture des cotisa- tions de l'appelant pour les années 1945 à 1951. L'avocat de l'appelant a admis l'existence de preuves à l'égard des années 1952 à 1959.
Le premier point qui consiste à déterminer si le document du 10 juillet 1964 lie l'appelant n'implique aucune question de crédibilité. La lettre d'engagement datée du 2 juillet 1964, la lettre de Dilts à Walsh à laquelle étaient jointes les 15 nouvelles cotisations datées du 8 juillet 1964 et le document en question daté du 10 juillet 1964 parlent d'eux-mêmes et les circon- stances qui y ont donné lieu ne sont pas contes- tées et ont été décrites par deux avocats émi- nents et respectés de Winnipeg.
Le 10 juillet 1964, l'appelant Smerchanski, politicien et homme public éminent, était membre de l'Assemblée législative du Manitoba. Me Harry Walsh, son avocat, a déclaré en témoignage,
[Titnnucnox] ... à mon avis, ce serait la fin, le simple fait de déposer l'accusation, ce serait la fin de la carrière politi- que et publique de Mark Smerchanski, et ce serait un coup terrible pour lui et sa famille ...
Sa situation précaire serait, bien sûr, connue de tous. Pendant les années qu'a duré l'enquête fiscale, l'appelant ou ses représentants ont été à maintes reprises informés qu'il serait poursuivi et que discuter de toute autre issue était hors de question. A la fin de mars 1964, la nomination de Me Dilts comme avocat chargé de diriger la poursuite pour le compte du Ministre a concré- tisé l'intention de poursuivre. Il a témoigné qu'a- près avoir examiné les dossiers au bureau de l'impôt sur le revenu de Winnipeg, il a écrit au Ministère en recommandant une poursuite par voie de mise en accusation.
Le 24 juin 1964, Me Harry Walsh, ayant les poursuites imminentes présentes à l'esprit, a prié Me Dilts de faire un dernier effort dans le but de les éviter, Me Dilts s'est adressé à Ottawa et, le 28 juin 1964, il informait Me Walsh des conditions de la transaction; ce sont celles qui ont été incorporées au document du 10 juillet 1964. Ces conditions n'ont pas été établies par
Me Walsh ni par Me Dilts, mais elles consti- tuaient la réponse de Me Gourlay à la question suivante: «Que doivent faire les appelants pour éviter les poursuites?» Il revenait au savant juge de première instance d'interpréter le sens de cette réponse. A mon avis, il est inéluctable que ces conditions étaient destinées à éviter les poursuites et que l'appelant les a acceptées comme telles. Son avocat l'a informé que, s'il était poursuivi, il irait en prison. Face à cette menace, il a capitulé, signé le document et payé le montant réclamé.
Me Walsh a témoigné qu'au cours de la ren- contre du 24 juillet 1964, Me Dilts a fait remar- quer que s'il avait eu un ou plusieurs jours de retard, il aurait été trop tard. L'impression d'ur- gence découlant de cette remarque est peu con- forme aux faits. Me Dilts a admis n'avoir pas encore rédigé d'accusations lorsqu'il a eu ces discussions avec Me Walsh en juin 1964. La date limite du 28 août 1964 pour le début des poursuites en vertu de l'article 136(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu, n'était pas confirmée de façon définitive. Dans une note de service, un des fonctionnaires du Ministère mentionnait un jour de janvier 1964 comme étant la date à partir de laquelle la période d'une année com- mencerait à courir. On peut discuter le fait que la période d'une année ne commencerait pas à courir avant que le Ministre ait reçu l'opinion de l'avocat nommé dans le but d'examiner les faits et de conseiller le Ministre sur la question de savoir si une poursuite serait justifiée.
L'imminence apparente des poursuites sur laquelle on a mis l'accent semble avoir eu pour but d'augmenter la pression sur Smerchanski et le forcer à capituler. Si une compagnie de garan- tie avait utilisé une technique semblable pour récupérer des fonds qu'aurait détournés un indi- vidu qu'elle avait cautionné, la Cour n'aurait pas exigé la production d'une lettre signée par le président de la compagnie de garantie promet- tant l'immunité contre des poursuites, pour con- clure que les actes de la compagnie revenaient à de la contrainte et à une convention illégale de ne pas poursuivre. Cependant, l'avocat de l'ap- pelant ne fonde pas son appel sur la contrainte ni sur la promesse d'étouffer les poursuites, mais sur le fait que le Ministre a outrepassé le
pouvoir que le Parlement lui a conféré en extor- quant les conditions figurant dans les docu ments des 2 et 10 juillet 1964, et que les contri- buables ne pouvaient, par leur consentement, donner au Ministre un pouvoir que par ailleurs il n'avait pas. Indépendemment du fait que l'avo- cat n'a pas plaidé la contrainte et la promesse d'étouffer les poursuites, il incombait au savant juge de première instance de rendre, proprio motu, sa propre décision relativement à leurs effets sur le document. Puisque la décision con- siste à tirer une conclusion des faits qui ne sont pas contestés, cette cour est aussi bien placée que l'était le savant juge de première instance pour arriver à une conclusion bien fondée. Si, s'agissant d'un individu, les faits justifiaient une conclusion particulière, on eut tiré une conclu sion du même genre quant à la conduite du ministre du Revenu national.
Il a été convenu, au cours d'une rencontre avant audience, que l'intimé présenterait d'abord son dossier après quoi ce serait au tour de l'appelant. Après que l'intimé eut présenté sa preuve prima fade, il a été convenu que le contribuable ne présenterait des preuves que sur les deux questions et que, par la suite, le savant juge de première instance rendrait sur ces deux questions un jugement préliminaire comportant un droit d'appel. Il en résulte que l'intimé a seulement présenté les éléments de preuve por- tant sur la validité de chaque cotisation; au cours de l'instance l'avocat de l'intimé a consa- cré beaucoup de temps à passer cette preuve en revue. Bien qu'elle ne soit pas exactement perti- nente à la première question, cette preuve ten- dait à ternir sérieusement la réputation de l'ap- pelant Smerchanski. Elle révèle de nombreux cas de dissimulation de matière imposable et l'appelant a détruit sa crédibilité et a perdu le respect de la Cour par ses explications invrai- semblables et les additions trompeuses appor- tées à ses agendas, mais, dans notre système juridique, même un criminel reconnu coupable a droit à la protection de la loi. La conduite de Smerchanski ne devrait pas affecter notre déci- sion sur le principe en jeu dans le présent appel.
Le savant juge de première instance a réglé la première question de la façon suivante la page 248]:
A mon avis, le droit du contribuable de faire appel des nouvelles cotisations n'est pas un droit d'ordre public, les dispositions relatives à l'appel contenues dans la Loi n'étant pas des dispositions d'ordre public. Je suis également d'avis qu'un contribuable peut renoncer à ce droit, et tel fut le cas dans cette espèce.
En toute déférence, ceci me semble être une conception trop étroite de la question. La Loi de l'impôt sur le revenu est une loi d'ordre public adoptée dans l'intérêt du public et comportant les règles régissant la détermination de l'impôt sur le revenu et des pénalités qui peuvent être imposées pour des infractions en la matière. C'est un principe fondamental que l'impôt doit être fixé en vertu de la Loi et qu'on doit com- muniquer au contribuable le montant de toute cotisation additionnelle ainsi que ses motifs; ainsi, pour protéger ses droits, on lui a donné le droit d'interjeter appel. Comme le déclarait le juge Rand dans l'affaire Johnston c. M.R.N. [1948] R.C.S. 486 à la page 490:
[TRADUCTION] II faut, bien sûr, supposer que la Couronne, comme elle en a le devoir, a divulgué complètement au contribuable les conclusions de fait précises et les décisions légales qui ont donné lieu à la controverse.
Il ne faut pas s'étonner que l'avocat n'ait pu trouver aucun jugement tout à fait applicable. A mon avis, ceci fait ressortir le fait qu'aucun tribunal n'a encore eu à examiner la validité de conditions aussi extraordinaires que celles imposées à ce contribuable.
Le Ministre a reçu des pouvoirs étendus pour enquêter, fixer les cotisations et pénaliser ainsi que la faculté de poursuivre, mais il doit s'ac- quitter de l'obligation correspondante d'agir en conformité de la Loi. Il ne peut pas, par exem- ple, cacher à un contribuable la nature et le montant de l'impôt qu'il fixe ni forcer le contri- buable à remettre un chèque en blanc qu'il fera libeller à sa fantaisie. Ce n'est pas exagérer les faits que de décrire de cette façon les conces sions qu'il a obtenues de l'appelant en vertu des documents du 2 et du 10 juillet 1964. Voici un
extrait de la lettre d'engagement: -
[TRADUCTION] Il est entendu et convenu que nous accepte- rons et approuverons le montant total de cette dette sans aucune réserve et sans en demander le détail au ministère du Revenu national.
Je cite un extrait du document du 10 juillet 1964:
[TRADUCTION] J'accepte et j'approuve par les présentes chacune des sommes contenues dans chacune des nouvelles cotisations, étant entendu qu'elles englobent les impôts, les intérêts et les pénalités relatifs à chacune desdites années. Je me reconnais par les présentes débiteur, desdites sommes et je renonce à tout droit qui m'appartient ou viendrait à m'appartenir de faire appel de l'une quelconque desdites nouvelles cotisations.
Les nouvelles cotisations donnent simplement un total comprenant l'impôt, l'intérêt et la péna- lité. Me Williston, avocat de l'intimé, a déclaré au cours des débats qu'au moment de la transac tion en juillet 1964, le ministère du Revenu (impôt) avait comme principe de ne pas poursui- vre lorsqu'une nouvelle cotisation avait été éta- blie, de sorte que les avis de nouvelles cotisa- tions joints à la lettre de Me Dilts en date du 8 juillet 1964 n'étaient pas simplement destinés à fournir le montant de l'impôt, de l'intérêt et de la pénalité demandés, mais également à assurer à Smerchanski une immunité contre des pour- suites avant qu'il n'effectue le paiement. Pour ce qui est de l'accord entre Me Walsh et M Dilts, que le total de la cotisation ne dépasserait pas $1,200,000, ceci ne pouvait lier le Ministre et, par conséquent, ne dégageait pas Smer- chanski de l'obligation que comportait sa pro- messe figurant dans la lettre d'engagement du 2 juillet 1964.
De tous ces faits, il faut conclure que le Ministre s'est servi de la menace de poursuites pour forcer le contribuable à abandonner toutes les garanties insérées dans la Loi dans le but de le protéger des exactions et à placer sans aucune réserve ses biens à la disposition du Ministre. Ceci équivalait à l'imposition d'une peine illégale et sans précédent qu'il n'avait aucun pouvoir d'infliger, avec ou sans le con- sentement du contribuable.
Si la conduite du ministère du Revenu (impôt) relativement à ce contribuable est légale et appropriée, il en résulte alors qu'une procédure semblable peut être utilisée pour obtenir de tout contribuable contrevenant, ayant une certaine notoriété, l'abandon de ses droits, car la simple menace de poursuites constituerait une forme de contrainte efficace. A mon avis, pareille action n'est pas justifiée par la Loi de l'impôt sur le revenu et constitue un abus de pouvoir du Ministre qu'il est de notre devoir d'empêcher.
Je conclus que le document daté du 10 juillet 1964 est invalide au motif qu'il a été obtenu par la contrainte, qu'il a été exécuté comme faisant partie d'une transaction pour étouffer des pour- suites et que le ministre du Revenu national ne peut se soustraire au devoir de répartir l'impôt sur le revenu en conformité de la Loi, de révéler au contribuable la nature de l'impôt, de lui per- mettre de contester la cotisation et de la faire réviser en appel.
Il est bien établi en droit que la doctrine de l'irrecevabilité ne peut être invoquée avec succès à l'appui d'un contrat illégal. Étant donné que j'ai conclu que le document en cause est invalide, la question de l'irrecevabilité ne se pose pas. J'accueillerais l'appel sur la première question avec dépens suivant l'issue de l'action.
La deuxième question avait trait à la déclara- tion d'impôt sur le revenu de l'appelant pour les années 1945 à 1951 et demande une réponse à la question suivante: «Le contribuable a-t-il pré- senté les faits de façon trompeuse en produisant sa déclaration pour chacune de ces années?» L'intimé a été incapable de produire les vérita- bles déclarations d'impôt sur le revenu expé- diées au Ministère au motif qu'elles ont été détruites et il a cherché à en établir le contenu en produisant les copies des déclarations d'im- pôt sur le revenu, pour lesdites années, trouvées en la possession du contribuable.
Le savant juge de première instance a tranché la deuxième question comme suit la page 254]:
Dans l'espèce, il y avait, au nombre des documents saisis chez le contribuable, des copies de ce qui s'est révélé être les déclarations effectivement produites pour les années 1945 à 1951. Selon la preuve apportée au nom du Ministre, les représentants du Ministère ont examiné ce que j'appelle- rai les copies (qui contenaient des avis de cotisation et parfois même des avis de nouvelle cotisation et des reçus) et ont recoupé tous les chiffres qui figuraient sur ces docu ments avec les fiches que conserve le Ministère. Ces fiches faisaient défaut à l'instruction, mais selon leurs déclarations, les représentants du Ministère étaient convaincus après recoupement que les copies trouvées en la possession du contribuable étaient selon toute probabilité des copies con- formes des déclarations originales. Au cours de l'interroga- toire principal, le contribuable a donné des éclaircissements sur les copies des déclarations en question. Sa signature figurait sur toutes les copies à l'exception de celle relative à l'année 1951. Il a déclaré en toute franchise que ces docu ments étaient très probablement des copies au carbone ou
des copies conformes des déclarations adressées au Minis- tère, mais qu'il ne pouvait jurer de leur exactitude. Il ressort, de la preuve apportée par les représentants du Ministère qui ont effectué la vérification, et des déclarations du contribua- ble, que le Ministre a fourni la preuve, selon toute probabi- lité, du contenu des déclarations relatives aux années en question. [J'ai moi-même souligné.]
Ce ne sont pas simplement les déclarations d'impôt sur le revenu soumises par le contribua- ble qui ont été détruites, mais tout son dossier pour les années en cause. Un tel dossier con- tiendrait des lettres, des comptes rendus de ren- contres personnelles, des notes de service et des recommandations sur des points litigieux. L'avocat de l'appelant a produit un dossier de ce genre relatif à la Eco pour démontrer com- bien de documents s'y étaient accumulés. Si, au cours d'une rencontre avec les représentants du Ministère relativement à sa déclaration d'impôt sur le revenu, le contribuable a donné des faits sur une transaction pour laquelle il faut détermi- ner si les sommes qu'il a reçues constituaient un revenu imposable ou un gain de capital, il pour- rait ne pas y avoir de représentation trompeuse à cet égard. Comment peut-on prouver, en l'ab- sence du dossier complet, que ce renseignement n'a pas été donné au Ministère? Le savant juge de première instance ne semble pas avoir consi- déré cet aspect de la question, mais s'est con tenté de conclure que «le Ministre a fourni la preuve, selon toute probabilité, du contenu des déclarations relatives aux années en question.»
L'intimé a cité comme témoin Karn, fonction- naire à l'impôt sur le revenu, qui avait eu plu- sieurs entretiens avec l'appelant en 1948 pour démontrer que les renseignements fournis par le contribuable se limitaient aux points mentionnés dans une lettre au ministère du Revenu (impôt), dont une copie a été trouvée jointe à la copie de la déclaration d'impôt sur le revenu du contri- buable. L'importance que l'intimé attache à cette preuve est indiquée par ses citations extraites de ce témoignage aux paragraphes 12, 13, 14 et 16 de son exposé des faits.
A mon avis, les rencontres mentionnées dans cette lettre auraient été une affaire de routine, banale et sans signification particulière pour un fonctionnaire affairé et les documents joints à la déclaration d'impôt sur le revenu du contribua- ble sont sans signification ni intérêt particuliers.
Mais malgré cela, Karn a déclaré sous serment se rappeler réellement cette transaction après une période de plus de vingt et un ans. Un tel exploit de la mémoire est incroyable.
Il est élémentaire de dire que, pour prouver, par voie de preuve secondaire, la teneur d'un document qui a été détruit, il faut prouver com ment et à quel moment le document a été détruit. L'intimé n'a pas produit de preuve rela tive à la règle autorisant le Ministère à détruire ces documents, ni même sur le moment ils ont été détruits. Me Dilts a témoigné que, lors- qu'il a examiné les dossiers du Ministère au printemps de 1964, il ne s'est pas aperçu qu'il y manquait des documents, ce qui laisse entendre qu'ils ont été détruits après cet examen. Il me semble qu'il aurait fallu donner plus de rensei- gnements avant d'admettre cette preuve secondaire.
Une fois la première question tranchée par le savant juge de première instance, contre le con- tribuable, la deuxième devenait théorique. Mais si l'appel sur la première question est accueilli, la réponse à la seconde question devient impor- tante et, à mon avis, elle mérite une étude plus attentive qu'elle ne semble avoir reçue. Si l'ap- pel était accueilli sur la première question, je renverrais la deuxième question au savant juge de première instance dans le but de la lui faire trancher avec les autres questions qu'il reste à juger.
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