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T-1549-74
Paul Desbiens et Marie Desbiens (Demandeurs) c.
Sa Majesté la Reine représentée par Maurice J. Nadon, commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, Raymond John Kruger, Wilbert Douglas Ford, Thomas Bruce Burns, Sherman Robert Allen et Gary Matthews (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Heald — Ottawa, le 18 juin 1974.
Compétence—Perquisition et saisie—Action intentée contre un juge de paix provincial pour avoir illégalement décerné un mandat de perquisition et contre la G.R.C. pour avoir exécuté le mandat—Requête demandant le rejet à l'égard du juge de paix, faute de compétence—Absence de compétence sur un juge de paix—Loi sur la Cour fédérale, art. 2, 17(4), 37—Justices of the Peace Act, S.R.O. 1970, c. 231.
Les demandeurs réclamaient des dommages-intérêts contre les défendeurs, membres de la G.R.0 , pour conduite illégale dans l'exécution d'un mandat de perquisition et contre le défendeur Matthews, juge de paix ontarien, pour avoir décerné le mandat de perquisition sans motif raisonna- ble ou probable et «de façon négligente, insouciante ou malicieuse dans les circonstances». Le défendeur Matthews a demandé le rejet de l'action intentée contre lui, faute de compétence.
Arrêt : l'action contre le défendeur Matthews est rejetée. La Cour a compétence sur les défendeurs membres de la G.R.C., préposés de la Couronne du chef du Canada, en vertu de l'article 17(4)b) de la Loi sur la Cour fédérale, mais n'a pas compétence sur le défendeur Matthews, préposé de la Couronne du chef de l'Ontario. Le critère applicable consiste à déterminer si la Cour aurait compétence sur Matthews, si l'action était intentée contre lui seul.
Arrêt appliqué: Anglophoto Limited c. Le Ikaros [1973] C.F. 483 (infirmé pour d'autres motifs [1974] C.F. 327).
REQUÊTE. AVOCATS:
M. J. O'Grady pour les demandeurs.
T. H. Wickett pour le défendeur Matthews.
P. J. Evraire pour les autres défendeurs.
PROCUREURS:
Soloway, Wright, Houston et autres, Ottawa, pour les demandeurs.
Le sous-procureur général de l'Ontario pour le défendeur Matthews.
Le sous-procureur général du Canada pour les autres défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés par
LE JUGE HEALD: Par avis de requête, il est demandé une ordonnance rejetant l'action des demandeurs contre l'un des défendeurs, Gary Matthews. Ledit défendeur, juge de paix dans le district judiciaire d'Ottawa-Carleton et pour ce district, est nommé en vertu des dispositions de la Justices of the Peace Act of Ontario: il est préposé de la Reine du chef de l'Ontario. Le défendeur Nadon est commissaire de la Gendar- merie royale du Canada. Tous les autres défen- deurs sont membres de la Gendarmerie royale du Canada.
La cause d'action alléguée dans la déclaration découle d'un incident survenu le 26 octobre 1973, lorsque lesdits officiers de la G.R.C. se sont rendus dans un immeuble d'appartements, à Ottawa, munis d'un mandat de perquisition signé par le défendeur Matthews. La déclaration contient un exposé détaillé de la conduite pré- tendument irrégulière et illégale desdits officiers de la G.R.C. à cette occasion. Elle soutient en outre à l'encontre du défendeur Matthews que ledit mandat de perquisition a été décerné sans motif ou justification raisonnable ou probable, qu'il a été décerné [TRADUCTION] «de façon négligente, insouciante ou malicieuse dans les circonstances et que, dans un tel cas, ledit défendeur Gary Matthews est responsable des conséquences de la conduite des défendeurs Kruger, Ford, Burns et Allen susmentionnés». La déclaration, en conclusion, réclame des dom- mages-intérêts contre tous les défendeurs.
Cette requête se fonde sur le fait que cette cour n'a pas compétence pour connaître de l'ac- tion intentée contre le défendeur Matthews. A mon avis, cette objection relative à la compé- tence de la Cour dans le cas de Matthews est bien fondée. Les avocats ont admis que cette cour a compétence concurrente en première ins tance à l'égard des autres défendeurs en vertu
des articles 2, 17(4) et 37 de la Loi sur la Cour fédérale'.
Cependant, en ce qui concerne Matthews, l'avocat des demandeurs a admis que celui-ci est un préposé de la Couronne du chef de l'Ontario. Ni l'article 17 ni aucun autre article de la Loi sur la Cour fédérale ne confère à la Cour le pouvoir de juger Matthews. A cet égard, je souscris aux commentaires du juge Collier dans l'arrêt Anglophoto Limited c. Le Ikaros 2 lors- qu'il dit:
Il me semble qu'un critère valable pour trancher une question de compétence consiste à examiner si la Cour serait compétente si l'action était intentée contre un seul des défendeurs au lieu d'être greffée à une action contre d'au- tres défendeurs qui sont à bon droit soumis à la compétence de la Cour. 3
Si l'on applique ce critère, nulle part dans la Loi sur la Cour fédérale je ne peux trouver de disposition conférant à la Cour le pouvoir de juger Matthews si l'action était intentée contre lui seul. Par conséquent, le fait qu'il ait été adjoint à titre de défendeur dans une action les autres défendeurs relèvent de la compétence de la Cour n'entraîne pas que ladite cour a compétence à son égard.
P"ar conséquent, la requête est accueillie. L'action intentée contre le défendeur Gary Mat- thews est rejetée avec dépens.
2. Dans la présente loi
«Couronne» désigne Sa Majesté du chef du Canada;
17. (4) La Division de première instance a compétence
concurrente en première instance
a) dans les procédures d'ordre civil dans lesquelles la Couronne ou le procureur général du Canada demande redressement; et
b) dans les procédures dans lesquelles on cherche à obte- nir un redressement contre une personne en raison d'un acte ou d'une omission de cette dernière dans l'exercice de ses fonctions à titre de fonctionnaire ou préposé de la Couronne.
37. Aux fins de déterminer la responsabilité dans toute action ou autre procédure engagée par ou contre la Cou- ronne, une personne qui, à un moment quelconque, était membre des Forces canadiennes ou de la Gendarmerie royale du Canada est censée avoir été à ce moment un préposé de la Couronne.
2 [1973] C.F. 483 à la p. 498.
3 Je suis conscient du fait que le jugement du juge Collier fut infirmé en appel ([1974] C.F. 327). Cependant, la déci- sion en appel, à mon avis, ne touche en aucune façon à la partie du jugement du juge Collier, susmentionnée.
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