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T-2213-74
John Harper Falls et Mary Falls (Demandeurs)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Heald— Vancouver, les 3 et 5 mars 1975.
Pratique—La défenderesse demande de rejeter les actions des demandeurs—Les demandeurs ont-il omis de déposer et de communiquer la liste de documents requise?—Expropria- tion—Offre d'indemnité faite aux demandeurs—La défende- resse a-t-elle renoncé au délai fixé pour la désignation d'un conciliateur?—Les demandeurs introduisent une action en indemnisation—La défenderesse rejette une offre de règle- ment—Les demandeurs font signifier un avis de désignation d'un conciliateur—Cette signification entraîne-t-elle la sus pension des procédures?—Loi sur l'expropriation, S.R.C. 1970 (1P1 supp.) c. 16, art. 16 et 28(1), (3) et (4)—Règles 447 et 460 de la Cour fédérale.
La défenderesse demande, en vertu de la Règle 460, le rejet des actions des demandeurs, en invoquant le fait que ceux-ci ont omis de déposer et de communiquer une liste de documents, comme l'exige la Règle 447. Le 29 mai 1973, la défenderesse avait fait aux demandeurs une offre d'indemnité pour expro priation, et ces derniers soutiennent que la défenderesse avait renoncé au délai fixé pour la désignation d'un conciliateur, en vertu de l'article 28(1) de la Loi. Les demandeurs ont introduit une action en indemnisation le 29 mai 1974; leur offre de règlement a été rejetée par la défenderesse et, le 26 février 1975, les demandeurs ont fait signifier un avis de désignation d'un conciliateur, soutenant que ladite signification entraînait la suspension des procédures en l'espèce pendant soixante jours ou jusqu'à ce que le conciliateur ait fait un rapport au Ministre, conformément à l'article 28(1).
Arrêt: La requête est rejetée; l'avis de négocier, en vertu de l'article 28(1), aurait être signifié dans les soixante jours suivant le 29 mai 1973. L'avis en question est de nul effet. Il n'y a dans la Loi aucune disposition prévoyant la prorogation du délai de soixante jours; le législateur n'a pas voulu que la négociation retarde indûment la solution. Le délai de soixante jours prévu au paragraphe (1) ainsi que l'emploi du mot «immédiatement» au paragraphe (3) de l'article 28 démontrent que les délais sont clairs et précis et que seul le législateur peut les proroger. Au fond, les demandeurs n'ont pas mis un temps injustifié pour déposer leur liste de documents et on doit leur accorder jusqu'au 25 mai pour la déposer et la signifier.
REQUÊTE. AVOCATS:
W. C. Johnstone pour les demandeurs.
N. D. Mullins, c.r., pour la défenderesse.
PROCUREURS:
W. Charles Johnstone et Cie, Richmond (C.-B.), pour les demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Les requêtes ayant été enten- dues conjointement sur preuve commune et les parties auxdites causes représentées par le même avocat; les présents motifs s'appliqueront égale- ment aux ordonnances rendues dans les causes suivantes:
1. John Wesley Bolton c. La Reine—no du greffe: T-2347-74
2. Alfred Edinger & Dorothy Edinger c. La Reine—no du greffe: T-2346-74
3. David Gentles c. La Reine—n° du greffe: T-2212-74
4. Edgar J. Doucet c. La Reine—no du greffe: T-2351-74
5. John M. Walker & Elizabeth L. Walker c. La Reine—no du greffe: T-2215-74
6. Nichol Kolibas & Joyce Marjorie Kolibas c. La Reine—n' du greffe: T-2349-74
7. Herbert S. Hall & Gertrude A. Hall c. La Reine—n° du greffe: T-2238-74
8. Francis S. Hingston & Mildred C. Hingston c. La Reine— du greffe: T-2216-74
9. Barry Robert Hastings & Marilyn Hastings c. La Reine— du greffe: T-2221-74
10. George William Jones & Jessie Mary Jones c. La Reine— du greffe: T-2224-74
11. George William Jones & Jessie Mary Jones c. La Reine— du greffe: T-2237-74
12. Gordon K. Bicknell & Mary E. Bicknell c. La Reine—n° du greffe: T-2214-74
13. Peter Hoshowsky & Amerik Hoshowsky c. La Reine—no du greffe: T-2227-74
14. Fong Mah & Yuk Chan Mah c. La Reine—n° du greffe: T-2353-74
Les parties ont débattu la question de savoir si les causes de Bolton et d'Edinger relevaient de la même catégorie que les autres. J'ai donc donné à l'avocat des demandeurs l'autorisation de déposer des pièces supplémentaires dans ces deux affaires pour établir qu'elles sont de la même catégorie que les autres en ce qui concerne la prétendue renon- ciation dont il est question ci-après. En ce qui concerne cette dernière, vu mes conclusions quant à son effet juridique, je considère, aux fins de ces requêtes, que toutes les actions sont de la même catégorie même si les pièces supplémentaires sus- mentionnées n'ont pas été encore déposées.
Par ces requêtes, la défenderesse sollicite, en vertu de la Règle 460, des ordonnances rejetant les actions en question du fait que les demandeurs ont
omis, sans motif ou excuse raisonnable, de déposer et de communiquer une liste de documents, comme l'exige la Règle 447.
Au début des débats sur les requêtes, l'avocat des demandeurs a soulevé une objection prélimi- naire fondée sur les dispositions de l'article 28(1) de la Loi sur l'expropriation, S.R.C. 1970 (1er Supp.) c. 16, et sur les faits établis dans l'affidavit en date du 3 mars 1975 de John Harper Falls, un des demandeurs en l'espèce. L'article 28(1) est ainsi rédigé:
28. (1) Lorsque, après qu'une offre d'indemnité relative- ment à un droit exproprié a été faite en vertu de l'article 14 à une personne (ci-après appelée au présent article «le titulaire»), le titulaire et le Ministre sont incapables de convenir du montant de l'indemnité à laquelle le titulaire a alors droit, ce dernier peut signifier au Ministre ou le Ministre peut lui signifier, dans les soixante jours qui suivent l'offre, un avis de négocier l'indemnité à laquelle le titulaire a alors droit, et, lorsqu'un tel avis a été signifié, aucune procédure en vertu de l'article 29 ne peut être instituée ou, si elle a été instituée, ne peut être poursuivie soit par le titulaire, soit par le procureur général du Canada, ou en leur nom, quant à l'expropriation, jusqu'à l'expiration d'un délai de soixante jours à compter de la signification de l'avis, à moins qu'avant l'expiration de ces soixante jours le conciliateur, auquel la question a été renvoyée en vertu du paragraphe (3), n'ait fait un rapport au Ministre énonçant qu'il lui a été impossible de parvenir à un règlement et n'ait envoyé une copie de son rapport au titulaire.
L'affidavit de Falls établit que l'offre d'indem- nité en vertu de l'article 14, dont il est question à l'article 28(1), a été faite aux demandeurs le 29 mai 1973 ou vers cette date. Il indique aussi que [TRADUCTION] «la défenderesse, par l'intermé- diaire de P. M. Troop, c.r., sous-procureur général adjoint, a renoncé au délai fixé pour la désignation d'un conciliateur en vertu de l'article 28(1) de la Loi sur l'expropriation, le 30 juillet 1973 au cours d'une conversation téléphonique avec mon avocat ....» et que W Troop a confirmé ladite renonciation orale (c'est moi qui souligne) par lettre en date du 26 octobre 1973. L'affidavit précise en outre que, puisque la question d'indem- nité n'avait pas été réglée, les demandeurs ont introduit cette action en indemnisation le 29 mai 1974; qu'une défense en due forme a été déposée; que les demandeurs ont fait une offre de règlement que la défenderesse a rejetée le 20 janvier 1975 et qu'il paraît donc que les parties ne peuvent pas parvenir à un accord au sujet de l'indemnité. Le 26 février 1975, les demandeurs, prétendant agir en vertu de l'article 28(1) précité, ont fait signifier un
avis de désignation d'un conciliateur conformé- ment audit article. L'avocat des demandeurs sou- tient que la signification d'un tel avis entraîne la suspension des procédures dans ces actions pen dant les soixante jours la suivant ou au moins jusqu'à ce que le conciliateur ainsi désigné ait fait un rapport au Ministre, constatant qu'il lui a été impossible de parvenir à un règlement.
Je serais d'accord avec le savant avocat des demandeurs sur les conséquences de la significa tion de l'avis de négocier si j'étais en mesure de conclure que l'avis en date du 26 février 1975 était valable et pouvait produire des effets en vertu de l'article 28(1).
A la lecture dudit article 28(1), il est manifeste que l'avis de négocier qui y est envisagé, doit, vu les faits de l'espèce, avoir été signifié au Ministre dans les soixante jours suivant le 29 mai 1973. Il s'ensuit qu'un avis signifié le 26 février 1975 est nul, non avenu et de nul effet.
En fait, l'avocat des demandeurs soutient que la défenderesse, par l'intermédiaire de son manda- taire Troop, a renoncé au bénéfice des conditions légales prévues audit article 28(1) en ce qui con- cerne le délai de soixante jours pour la significa tion de l'avis de négocier. Je n'ai nullement trouvé ni dans la Loi en question ni dans aucun autre texte pertinent, de dispositions relatives à la proro- gation dudit délai de soixante jours. Un examen attentif des articles 28 32 de la Loi, traitant du paiement de l'indemnité, envisagés dans leur con- texte propre, m'a persuadé que le législateur vou- lait clairement, en adoptant l'article 28, prévoir une procédure supplémentaire de négociation, mais que, ce faisant, il voulait aussi qu'elle soit rapide et ne vienne pas retarder d'une manière injustifiée le règlement définitif de la question d'indemnisation. Mon opinion est fondée sur le délai de soixante jours prévu au paragraphe (1) de l'article 28, sur la disposition du paragraphe (3) qui précise que le conciliateur sera nommé immédiatement (c'est moi qui souligne) et enfin sur le paragraphe (4) de l'article 28 ainsi libellé: «Le conciliateur doit, dans les soixante jours à compter de la signification de l'avis de négocier, faire rapport au Ministre du succès ou de l'échec de la négociation et doit alors envoyer une copie de son rapport au titulaire».
Le législateur, en termes clairs et précis, a fixé un délai pour la procédure de négociation prévu à l'article 28 et seul le législateur peut modifier ledit délai de façon à le proroger.
Pour les motifs susmentionnés, je suis d'avis que l'objection préliminaire soulevée par l'avocat des demandeurs n'est pas bien fondée en droit.
Sur le fond de la requête, je suis d'avis que les demandeurs n'ont pas mis un temps injustifié pour déposer la liste des documents puisque les négocia- tions en vue d'un règlement se sont poursuivies au moins jusqu'au 20 janvier 1975. Il y a lieu de souligner aussi que la défenderesse n'a signifié sa liste de documents que le 3 février 1975. J'estime donc qu'il faut accorder aux demandeurs jusqu'au 25 mars 1975 pour déposer et signifier leur liste de documents. Les dépens suivront l'issue de l'affaire.
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