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T-1608-72
Le ministre du Revenu national (Appelant)
c.
Anthony Thomas Leon (Intimé)
et
T-1609-72
Le ministre du Revenu national (Appelant)
c.
Edward Leon (Intimé)
et
T-1611-72
Le ministre du Revenu national (Appelant)
c.
Lewie Leon (Intimé)
et
T-1612-72
Le ministre du Revenu national (Appelant)
c.
Norman Leon (Intimé)
et
T-1610-72
Le ministre du Revenu national (Appelant)
c.
Frank Ahman (Intime)
Division de première instance, le juge suppléant Sweet —Toronto, les 18, 19, 22 à 26 avril et 9 juillet 1974.
Impôt sur le revenu—Cinq compagnies détenues majoritai- rement par cinq contribuables—Imposition sur des honorai- res versés aux compagnies—Les compagnies sont-elles des corporations personnelles—Loi de l'impôt sur le revenu, art. 68.
Les contribuables intimés exploitaient différents services d'une entreprise de meubles qu'ils dirigeaient par le biais de la société en commandite Ablan Leon Distributors. Cette dernière employait cinq compagnies pour exécuter ces servi ces (dans trois cas, il s'agissait manifestement de services de gestion). Aucune des compagnies n'avait d'employé impor tant, mis à part l'intimé qui la contrôlait, et les compagnies ne disposaient pas de l'équipement habituel d'entreprise.
Pour les années 1968 et 1969, le Ministre inclut dans la cotisation de chacun des intimés les honoraires versés par l'Ablan Leon Distributors aux compagnies employées. Les intimés prétendirent qu'ils exécutaient les services pour le compte des compagnies employées qui leur versaient une rémunération. La Commission de révision de l'impôt donna gain de cause aux intimés. Le Ministre interjeta appel.
Arrêt: 1. L'appel du Ministre dans les affaires Anthony Thomas Leon, Edward Leon et Lewie Leon est rejeté; l'intervention des trois compagnies de gestion a pour effet de réduire l'assujettissement à l'impôt des intimés. Les plans impliquant les compagnies de gestion ont été mis à exécu- tion et le projet fut effectivement réalisé. Les intimés ont prouvé, comme il leur incombait de le faire, que chacune des compagnies de gestion exploitait une «entreprise commer- ciale active», qui ne relevait pas de la définition d'une «corporation personnelle» à l'article 68(1)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu et qui, par conséquent, n'était pas assujettie aux articles 67 et suivants de la Loi, relatifs aux corporations personnelles.
2. L'appel est accueilli quant à l'intimé Norman Leon; celui-ci détenait une participation majoritaire dans une com- pagnie qui, aux termes d'un contrat avec l'Ablan Leon Distributors, devait s'occuper de relations publiques. L'in- timé a fourni à ladite compagnie des services de gestion qui s'étendaient bien au-delà des relations publiques. Le mon- tant que cette compagnie a versé à l'intimé incluait des services de gestion. Tous les postes de paiements versés par l'Ablan Leon Distributors à la compagnie représentaient des services exécutés par Norman Leon, qui n'a pas réussi à prouver que, dans sa cotisation, le Ministre était mal fondé à considérer ces postes comme un revenu entre les mains du contribuable.
3. L'appel est accueilli contre l'intimé Frank Ahman: ce dernier détenait une participation majoritaire dans une com- pagnie qui n'avait aucun contrat écrit ou autre preuve d'un contrat de gestion qui, selon lui, existait entre l'Ablan Leon Distributors et la compagnie employée. Les honoraires de gestion que l'Ablan Leon Distributors a versés à la compa- gnie employée corroboraient le point de vue du Ministre selon lequel l'Ablan Leon Distributors a versé les honoraires à la demande de l'intimé, Frank Ahman. Ce dernier n'a pas réussi à prouver que le Ministre avait commis une erreur en établissant la cotisation; il faut donc conclure qu'il a reçu les honoraires en contrepartie des services fournis à l'Ablan Leon Distributors.
Arrêts examinés: Foreign Power Securities Corporation Ltd. c. M.R.N. [1966] R.C.É. 358; Rose c. M.R.N. [1973] C.F. 65; Sazio c. M.R.N. [1969] 1 R.C.É. 373 et Cameron c. M.R.N. 71 DTC 5068.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu. AVOCATS:
N. A. Chalmers, c.r., et R. G. Pyne pour l'appelant.
R. E. Shibley, c.r., M. L. O'Brien et G. J. Corn pour les intimés.
PROCUREURS:
Le sous-ministre de la Justice pour l'appelant.
Shibley, Righton & McCutcheon, Toronto, pour les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés par
LE JUGE SUPPLÉANT SWEET: Toutes ces affaires constituent des appels de décisions ren- dues par la Commission de révision de l'impôt sur le revenu accueillant les appels interjetés par les intimés des cotisations établies par l'appelant.
Les causes dont l'intitulé apparaît ci-haut seront respectivement appelées l'affaire Antho- ny Thomas Leon, l'affaire Edward Leon, l'af- faire Lewie Leon, l'affaire Norman Leon et l'affaire Frank Ahman.
Les motifs du jugement d'un appel du minis- tre du Revenu national dans lequel l'Ablan Leon (1964) Limited est intimée, sont déposés en même temps que les présents motifs. On l'appel- lera l'affaire Ablan Leon (1964) Limited.
En vertu d'une ordonnance rendue sur con- sentement, toute la preuve pertinente déposée dans l'affaire Ablan Leon (1964) Limited devait s'appliquer à toutes les causes susmentionnées. En vertu d'une entente entre les avocats, une partie de la preuve déposée dans l'affaire Anthony Thomas Leon devait servir aussi de preuve dans les affaires Edward Leon et Lewie Leon.
Bien qu'en fait toutes ces affaires ne soient pas identiques, il y a entre elles plusieurs points semblables. En outre, il existe certains principes juridiques applicables à toutes.
Il est par conséquent préférable de réunir dans un seul exposé les motifs des jugements prononcés dans toutes ces affaires.
Il serait utile d'avoir à l'esprit certaines don- nées sur les entreprises de meubles Leon, y compris l'Ablan Leon (1964) Limited et l'entre- prise exploitée sous la raison sociale Ablan Leon Distributors. Puisque ces données sont
énoncées dans l'affaire Ablan Leon (1964) Lim ited, il n'est pas nécessaire de les répéter ici.
Dans l'affaire Anthony Thomas Leon, voici les postes de cotisations à l'impôt sur le revenu sur lesquels porte le litige:
1965 $43,250 1966 $45,000 1967 $86,750 1968 $56,000
Le Ministre allègue que, ayant conclu une entente avec l'Ablan Leon Distributors et s'étant consacré exclusivement à la gestion, à la surveillance, au contrôle et à la direction des opérations de certains magasins de l'Ablan Leon Distributors pendant les années d'imposition 1965, 1966, 1967 et 1968, Anthony Thomas Leon a acquis le droit de recevoir les montants susmentionnés et qu'à sa demande, l'Ablan Leon Distributors les a versés à l'Antomel Limited.
L'intimé Anthony Thomas Leon allègue notamment que durant les années d'imposition 1965, 1966, 1967 et 1968, il fut employé par l'Antomel Limited qui lui versa un salaire et que cette compagnie, en vertu d'une entente conclue avec l'Ablan Leon Distributors, fournissait à cette dernière des services de gestion et recevait en contrepartie des honoraires de gestion. L'in- timé prétend qu'à titre d'employé de l'Antomel Limited, il consacra une partie de son temps à la gestion, à la surveillance, au contrôle et à la direction des opérations de certains magasins de l'Ablan Leon Distributors et que l'Antomel Lim ited a reçu ces montants en paiement de ces services.
Dans l'affaire Edward Leon, voici les postes de cotisations à l'impôt sur le revenu d'où pro- vient le litige:
1965 $61,000 1966 $69,000 1967 $91,000 1968 $68,000
Le Ministre allègue que, ayant conclu une entente avec l'Ablan Leon Distributors et s'étant consacré exclusivement à la gestion, à la surveillance, au contrôle et à la direction des opérations de certains magasins de l'Ablan Leon Distributors pendant les années d'imposition 1965, 1966, 1967 et 1968, Edward Leon a acquis le droit de recevoir ces montants et qu'à sa demande, l'Ablan Leon Distributors les a versés à la Timmyal Limited.
L'intimé Edward Leon allègue notamment que durant les années d'imposition 1965, 1966, 1967 et 1968, il fut employé par la Timmyal Limited qui lui versa un salaire et que cette compagnie, en vertu d'une entente conclue avec l'Ablan Leon Distributors, fournissait à cette dernière des services de gestion et recevait en contrepartie des honoraires de gestion. L'intimé prétend qu'à titre d'employé de la Timmyal Limited, il consacra une partie de son temps à la gestion, à la surveillance, au contrôle et à la direction des opérations de certains magasins de l'Ablan Leon Distributors et que la Timmyal Limited a reçu ces montants en paiement de ces services.
Dans l'affaire Lewie Leon, voici les postes de cotisations à l'impôt sur le revenu d'où provient le litige:
1965 $22,000 1966 $50,000 1967 $89,000 1968 $64,000
Le Ministre allègue que, ayant conclu une entente avec l'Ablan Leon Distributors et s'étant consacré exclusivement à la gestion, à la surveillance, au contrôle et à la direction des opérations de certains magasins de l'Ablan Leon Distributors pendant les années d'imposition 1965, 1966, 1967 et 1968, Lewie Leon a acquis le droit de recevoir ces montants et qu'à sa demande, l'Ablan Leon Distributors les a versés à la Midgemar Limited.
L'intimé Lewie Leon allègue notamment que durant les années d'imposition 1965, 1966, 1967 et 1968, il fut employé par la Midgemar Limited qui lui versa un salaire et que cette compagnie,
en vertu d'une entente avec l'Ablan Leon Dis tributors, fournissait à cette dernière des servi ces de gestion et recevait en contrepartie des frais de gestion. L'intimé prétend qu'à titre d'employé de la Midgemar Limited, il consacra une partie de son temps à la gestion, à la surveil lance, au contrôle et à la direction des opéra- tions de certains magasins de l'Ablan Leon Dis tributors et que la Midgemar Limited a reçu ces montants en paiement de ces services.
Dans l'affaire Norman Leon, voici les postes de cotisations à l'impôt sur le revenu d'où pro- vient le litige:
1968 $ 8,000
1969 $39,000
Le Ministre allègue que, ayant conclu une entente avec l'Ablan Leon Distributors et s'étant consacré exclusivement à la gestion, à la surveillance, au contrôle et à la direction des opérations de certains magasins de l'Ablan Leon Distributors pendant les années d'imposition 1968 et 1969, Norman Leon a acquis le droit de recevoir ces montants et qu'à sa demande, l'Ablan Leon Distributors les a versés à la Nor- Mar Projects Limited.
L'intimé, Norman Leon, allègue notamment que durant les années d'imposition 1968 et 1969, il fut employé par la Nor-Mar Projects Limited qui lui versa un salaire et que cette compagnie, en vertu d'une entente conclue avec l'Ablan Leon Distributors, fournissait à cette dernière des services de gestion et recevait en contrepartie des honoraires de gestion. L'intimé prétend qu'à titre d'employé de la Nor-Mar Projects Limited, il consacra une partie de son temps à la gestion, à la surveillance, au contrôle et à la direction des opérations de certains magasins de l'Ablan Leon Distributors et que la Nor-Mar Projects Limited a reçu ces montants en paiement de ces services.
Dans l'affaire Frank Ahman, voici les postes de cotisations à l'impôt sur le revenu d'où pro- vient le litige:
1968 $13,600
1969 $18,700
Le Ministre allègue que, ayant conclu une entente avec l'Ablan Leon Distributors et s'étant consacré exclusivement à la gestion, à la surveillance, au contrôle et à la direction des opérations de certains magasins de l'Ablan Leon Distributors pendant les années d'imposition 1968 et 1969, Frank Ahman a acquis le droit de recevoir ces montants et qu'à sa demande, l'Ablan Leon Distributors les a versés à la Frank Ahman Ltd.
L'intimé allègue notamment que durant les années d'imposition 1968 et 1969, il fut employé par la Frank Ahman Ltd. qui lui versa un salaire et que cette compagnie, en vertu d'une entente conclue avec l'Ablan Leon Dis tributors, fournissait à cette dernière des servi ces de gestion et recevait en contrepartie des honoraires de gestion. L'intimé prétend qu'à titre d'employé de la Frank Ahman Ltd., il con- sacra une partie de son temps à la gestion, à la surveillance, au contrôle et à la direction des opérations de certains magasins de l'Ablan Leon Distributors et que la Frank Ahman Ltd. a reçu ces montants en paiement de ces services.
Dans l'affaire Frank Ahman, le Ministre a en outre interjeté appel du montant de $62 que l'intimé reçut à titre de dividendes sur des actions détenues dans la Compagnie de Télé- phone Bell du Canada. Le Ministre s'est désisté de ce poste de l'appel.
Dans ses plaidoiries, l'appelant n'allègue pas la simulation.
En raison de leur similitude, on peut sans inconvénient examiner conjointement les affai- res Anthony Thomas Leon, Edward Leon et Lewie Leon.
Chacune d'elles comporte un «contrat de ges- tion» portant la date du l er mai 1964 et préten- dument conclu par toutes les parties dont le nom apparaît à titre d'employeurs, savoir: l'Ablan Leon (1964) Limited, la fiducie George Leon, la fiducie Lewie Leon, la fiducie Anthony Leon, la fiducie Edward Leon, la fiducie Joseph M. Leon, la fiducie familiale George Leon et la fiducie familiale Joseph M. Leon. On indique également qu'elles opèrent sous le nom d'Ablan Leon Distributors.
Dans l'affaire Anthony Thomas Leon, la «compagnie de gestion» est l'Antomel Limited. Dans l'affaire Edward Leon, c'est la Timmyal Limited. Dans l'affaire Lewie Leon, c'est la Midgemar Limited.
Les trois contrats contiennent des disposi tions portant que:
les employeurs utiliseront les différentes compagnies de gestion pour gérer, surveiller, contrôler et diriger les opérations de certains magasins de vente au détail de meubles, d'ameublements et d'appareils ménagers, magasins que l'employeur désignera à l'occa- sion, même s'ils n'existent pas ou ne sont pas exploités réellement à cette époque et ne sont acquis et exploités que plus tard par l'employeur;
la compagnie de gestion consacrera tout son temps et toutes ses énergies à exercer et à remplir, comme il se doit, toutes les fonctions qui sont habituellement attribuées à un gérant, à un surveillant, à un contrôleur et à un diri- geant et se rapportant plus précisément aux magasins pratiquant le commerce susmen- tionné;
la compagnie de gestion sera entièrement responsable de toutes les décisions qui seront prises dans lesdits magasins concernant la gestion et l'exploitation, y compris la question de l'achat d'articles de commerce et de mar- chandises qui seront offerts en vente dans lesdits magasins, sous réserve que, s'il sur- vient un conflit entre l'employée et l'em- ployeur, la décision de l'employeur doit tou- jours prévaloir;
la compagnie de gestion sera en outre res- ponsable et chargée de toute la publicité se rapportant auxdits magasins, que ce soit par les journaux, la radio ou autrement.
Chacun de ces contrats prévoit que la compa- gnie de gestion sera rémunérée pour ces servi ces suivant le montant qui y est stipulé et chacun prévoit une prime. Les montants de la rémunération varient.
Le contrat d'Anthony Thomas Leon corn- porte une disposition additionnelle suivant laquelle la compagnie de gestion sera également
responsable de la surveillance du siège social de l'«Ablan Leon Distributors», situé au 65 rue State, Welland (Ontario).
Trois contrats de travail portent la date du lei mai 1964. En vertu de ces contrats, l'Antomel Limited, la Timmyal Limited et la Midgemar Limited retiennent respectivement les services d'Anthony Leon, d'Edward Leon et de Lewie Leon. Chacun prévoit que l'employeur affecte l'employé à la gestion, à la surveillance, au contrôle et à la direction des opérations de tous les magasins dont l'Ablan Leon Distributors lui confie la charge. Chacun des contrats de travail prévoit la rémunération des services de l'em- ployé. Tous ces contrats semblent avoir été signés et chacun comporte une disposition pré- voyant le paiement d'une prime.
Durant les années d'imposition 1965, 1967, 1968 et 1969:
a) Anthony Thomas Leon était l'actionnaire majoritaire de l'Antomel Limited. Je ne crois pas que la participation de son épouse dans cette compagnie ait une quelconque incidence sur cette participation.
b) Edward Leon était l'actionnaire majori- taire de la Timmyal Limited.
c) Lewie Leon était l'actionnaire majoritaire de la Midgemar Limited.
Il s'agit donc d'une situation Anthony Thomas Leon, Edward Leon et Lewie Leon qui, ensemble, détenaient la majorité des actions de l'Ablan Leon (1964) Limited, étaient en mesure d'exercer leur influence sur la question impor- tante des primes à verser aux compagnies de gestion. A toutes fins pratiques, chacun était en mesure de contrôler le salaire que lui payait sa compagnie de gestion.
Dans chaque cas, les compagnies de gestion n'avaient pas d'employé ou d'autre employé véritable que l'intimé majoritaire. Aucune ne disposait de l'équipement habituel et ordinaire d'une entreprise, tel que le téléphone ou son propre bureau.
Tous les services que les compagnies de ges- tion devaient fournir en vertu des contrats de gestion ont été exécutés par les intimés. L'entre- prise de l'Ablan Leon Distributors était davan- tage intéressée aux services des intimés qu'à ceux des compagnies de gestion. Je suis con- vaincu que les intimés auraient insisté pour fournir eux-mêmes les services qu'ils ont exécu- tés à cause de leurs intérêts financiers dans l'Ablan Leon Distributors et de la rémunération découlant de leur exécution.
Je conclus que l'intervention des compagnies de gestion avait pour unique but de réduire l'assujettissement à l'impôt sur le revenu des intimés. Je conclus en outre que l'utilisation des compagnies de gestion à cette fin s'est réalisée par le contrôle qu'exerçaient les intimés sur l'Ablan Leon Distributors de même que par la collaboration de George Leon et Joseph Leon qui y détenaient également des intérêts financiers.
Les motifs du jugement prononcés dans l'af- faire Ablan Leon (1964) Limited étudient cer- tains principes juridiques applicables aux pré- sentes actions. Néanmoins, il serait utile de citer à nouveau deux déclarations qui, à mon avis, indiquent la ligne à suivre en l'espèce.
Voici ce que le juge Noël (maintenant juge en chef adjoint) déclarait dans l'affaire Foreign Power Securities Corporation Ltd. c. M.R.N. [1966] R.C.É. 358 aux pages 386 et 387:
[Txavucnox] En fait, la Loi de l'impôt sur le revenu, ne comporte aucune disposition prévoyant que, lorsqu'il appert que le but principal ou l'un des buts pour lesquels on a effectué une ou plusieurs opérations était d'éviter ou de réduire l'assujettissement à l'impôt sur le revenu, la Cour peut, si elle le juge à propos, ordonner d'apporter les rajus- tements qu'elle estime appropriés concernant l'assujettisse- ment à l'impôt sur le revenu de façon à neutraliser la suppression ou la réduction de cet assujettissement que, par ailleurs, ces opérations réaliseraient.
Voici maintenant ce que déclarait le juge en chef Jackett dans l'arrêt Rose c. M.R.N. [1973] C.F. 65, à la page 69:
11 ne semble pas faire de doute que l'objet de l'arrangement en vertu duquel les compagnies en question devaient se former en société pour fournir des services de gestion à la Central Park Estates Limited, était d'obtenir des avantages fiscaux par les actionnaires de ces compagnies. Bien que cet élément ne change rien au résultat auquel ces opérations ont
effectivement abouti, j'estime cependant qu'il justifie une appréciation très prudente des témoignages sur le point de savoir si les mesures prévues pour atteindre ce but ont vraiment été prises.
En l'espèce, il faut également examiner les témoignages de très près pour déterminer si le plan projeté fut effectivement mis à exécution.
Les motifs du jugement prononcés par le juge Cattanach dans l'arrêt Sazio c. M.R.N. [1969] 1 R.C.É. 373 et dans l'affaire Cameron c. M.R.N. 71 DTC 5068 sont intéressants.
Dans l'affaire Ablan Leon (1964) Limited, on a prétendu que l'entreprise exploitée sous la raison sociale Ablan Leon Distributors était une société en commandite. J'ai conclu que la société n'existait pas. Les présents intimés n'étaient pas parties à cette action. A mon avis, cette conclusion ne s'applique pas à la présente action. Il s'agissait d'une entreprise de meubles exploitée sous le nom d'Ablan Leon Distribu tors et quels que soient les contrats qui ont été conclus, ils l'ont été avec le ou les exploitants de cette entreprise.
L'Antomel Limited, la Timmyal Limited et la Midgemar Limited étaient des entités séparées, distinctes et réelles. Il est reconnu que bien qu'un actionnaire détienne une participation majoritaire dans une compagnie, l'actionnaire et la compagnie constituent quand même des enti- tés distinctes et séparées.
Je conclus:
a) que l'Ablan Leon Distributors a conclu un contrat avec chacune des trois compagnies, savoir l'Antomel Limited, la Timmyal Limited et la Midgemar Limited, en vertu duquel ces compagnies devaient fournir des services de gestion à l'Ablan Leon Distributors;
b) que ces compagnies ont fourni à l'Ablan Leon Distributors les services qu'elles se sont engagées à fournir; et
c) que ces compagnies avaient droit d'être rémunérées pour ces services et qu'elles l'ont été.
Compte tenu des circonstances de ces trois affaires, il importe peu, me semble-t-il, que les services que devaient fournir les compagnies
soient exécutés par les intimés.
Je crois que les plans impliquant les compa- gnies de gestion dans les affaires Anthony Thomas Leon, Edward Leon et Lewie Leon furent mis à exécution et que ce que l'on avait projeté fut effectivement réalisé.
Je suis convaincu qu'Anthony Thomas Leon, Edward Leon et Lewie Leon se sont tous acquittés de leur tâche, si lourde qu'elle soit dans les circonstances de l'espèce.
Il s'ensuit que l'Antomel Limited, la Timmyal Limited et la Midgemar Limited exploitaient des entreprises commerciales actives et que les dis positions de la Loi de l'impôt sur le revenu relatives aux corporations personnelles ne s'ap- pliquent pas.
Les appels dans les affaires Anthony Thomas Leon, Edward Leon et Lewie Leon sont rejetés avec dépens.
Les affaires Norman Leon et Frank Ahman et les trois autres affaires présentent des situations semblables.
Norman Leon détenait une participation majoritaire dans la Nor-Mar Projects Limited et Frank Ahman, dans la Frank Ahman Ltd. La Nor-Mar Projects Limited et la Frank Ahman Ltd. n'avaient pas d'employé ou d'autre employé véritable que l'intimé qui en était majo- ritaire. Aucune de ces compagnies ne disposait de l'équipement habituel et ordinaire d'une entreprise. Norman Leon et Frank Ahman étaient les personnes qui fournissaient active- ment des services à l'Ablan Leon Distributors. C'étaient les services des intimés Norman Leon et Frank Ahman, par opposition à ceux de la Nor-Mar Projects Limited et de la Frank Ahman Ltd., qui intéressaient l'entreprise de l'Ablan Leon Distributors.
Les affaires Norman Leon et Frank Ahman diffèrent des autres notamment en ce que ni Norman Leon ni Frank Ahman n'étaient action- naires de L'Ablan Leon (1964) Limited.
Je conclus que l'intervention de la Nor-Mar Projects Limited et de la Frank Ahman Ltd.
avait pour seul but de réduire l'assujettissement à l'impôt sur le revenu de Norman Leon et Frank Ahman. Je suis convaincu que les action- naires majoritaires de l'Ablan Leon (1964) Lim ited consentaient à collaborer avec les intimés Norman Leon et Frank Ahman à cette fin.
Les principes énoncés par le juge en chef Jackett dans l'arrêt Rose c. M.R.N. (précité) et par le juge Noël (maintenant juge en chef adjoint) dans l'arrêt Foreign Power Securities c. M.R.N. (précité), s'appliquent également à ces deux appels.
Le l er mai 1964, la Nor-Mar Projects Limited conclut un contrat de travail dans lequel le nom des employeurs était le même que dans les affaires Anthony Thomas Leon, Edward Leon et Lewie Leon. Le contrat de la Nor-Mar Projects Limited diffère de celui que l'on retrouve dans ces trois autres affaires.
Voici les services que la Nor-Mar Projects Limited devait fournir aux termes de son con- trat d'emploi:
[TRADUCTION] 1. La Leon confiera à la Nor-Mar la charge et la responsabilité de tout le travail de publicité et de relations extérieures qui peut être nécessaire à l'exploitation de tous magasins appartenant à la Leon, qu'ils lui appartien- nent présentement ou qu'ils soient acquis postérieurement.
2. La Nor-Mar consacrera tout son temps et toutes ses énergies à exercer et à remplir comme il se doit toutes les fonctions qui sont habituellement attribuées à une personne ou à une compagnie chargée du travail de publicité ou de relations extérieures, se rapportant particulièrement aux magasins pratiquant le commerce susmentionné.
3. La Nor-Mar sera entièrement responsable de toutes les décisions qui seront prises dans le domaine de la publicité ou des relations extérieures, mais s'il survient un conflit entre la Leon et la Nor-Mar quant à une ligne de conduite ou à une opération donnée concernant l'un des magasins, la décision de la Leon doit toujours prévaloir.
Par conséquent, la responsabilité de la Nor- Mar Projects Limited portait uniquement sur la publicité et les relations extérieures et rien d'autre.
Je conclus que les services exécutés par Norman Leon ont excédé de beaucoup ceux que la Nor-Mar Projects Limited devait fournir en vertu de son contrat (publicité et relations exté- rieures). Je conclus que Norman Leon a égale-
ment géré, surveillé, contrôlé et dirigé les opéra- tions de certains magasins.
Les plaidoiries des intimés montrent, pour- rait-on également souligner, que les services effectivement exécutés par Norman Leon dépassaient le cadre de la publicité et des rela tions extérieures.
Le paragraphe 4 de la réponse à l'avis d'appel dans l'affaire Norman Leon se lit comme suit:
[TRADUCTION] Concernant les paragraphes 3 et 4 de l'avis d'appel, l'intimé déclare qu'à titre d'employé de la Nor-Mar Projects Limited, il consacra une partie de son temps à la gestion, à la surveillance, au contrôle et à la direction des opérations de certains magasins de l'Ablan Leon Distribu tors, et qu'en paiement de ces services, la Nor-Mar Projects Limited a reçu les montants de
1968 $ 8,000
1969 $39,000
De toute évidence, le contrat de la Nor-Mar Projects Limited ne prévoyait pas l'exécution de services ayant trait à «la gestion, à la surveil lance, au contrôle et à la direction des opéra- tions de certains magasins».
La disposition prévoyant la rémunération de la Nor-Mar Projects Limited en conformité de son contrat était la suivante:
[TRADUCTION] En paiement dès services susmentionnés, la Nor-Mar recevra le montant de douze cent cinquante dollars (1,250) par mois et, en plus, une prime calculée d'après le volume des ventes réalisées dans lesdits magasins ou n'im- porte quel d'entre eux. Cette prime sera établie et détermi- née suivant un contrat subséquent conclu entre les parties.
Les «services susmentionnés» dans la clause de rémunération concernaient, de toute évi- dence, le travail de publicité et de relations extérieures que la Nor-Mar Projects Limited s'engageait à fournir. Ils ne visaient pas la ges- tion, la surveillance, le contrôle et la direction des opérations des magasins.
Il ne faut pas prendre pour acquis que les services de gestion, de surveillance, de contrôle et de direction des opérations rendus par Norman Leon ont été ou devaient être exécutés gratuitement. On est forcé de conclure que les postes de paiement effectués par l'Ablan Leon Distributors qui sont en litige, savoir $8,000 pour l'année d'imposition 1968 et $39,000 pour l'année d'imposition 1969, portaient sur l'en-
semble des services exécutés par Norman Leon, y compris les services d'ordre administratif.
S'il s'agissait de services relevant uniquement de la publicité et des relations extérieures joints aux services d'ordre administratif montrant ainsi l'opportunité d'une répartition entre ces services, rien n'a été tenté pour établir cette répartition. A mon avis, il incomberait à l'intimé d'établir son droit à une répartition et la nature de cette répartition. Il ne l'a pas fait.
Quoiqu'il en soit, je suis porté à croire que les obligations concernant la publicité assumées par l'Antomel Limited, la Timmyal Limited et la Midgemar Limited énoncées dans leur contrat de services, réduiraient de façon importante la quantité de travail de publicité et de relations extérieures dont la Nor-Mar Projects Limited avait la charge aux termes de son contrat.
L'intimé Norman Leon allègue dans sa plai- doirie [TRADUCTION] «qu'en n'adressant pas un avis de nouvelle cotisation à la Nor-Mar Projects Limited, l'appelant, en fait, confirme que la Nor-Mar Projects Limited est bien impo- sable sur le revenu qu'elle a reçu. Permettre à l'appelant d'établir une nouvelle cotisation à l'encontre de l'intimé et non à l'encontre de la Nor-Mar Projects Limited équivaudrait à approuver une double imposition».
Dans l'affaire Frank Ahman, on retrouve une allégation analogue se rapportant à la Frank Ahman Ltd.
Dans l'un et l'autre cas, je rejette ces points de vue. Dans l'affaire Ablan Leon (1964) Limi ted, j'ai examiné l'effet d'une cotisation établie par le Ministre à l'encontre d'une personne qui n'est pas partie à l'action portée devant la Cour.
Je conclus que l'intimé Norman Leon n'a pas établi, comme il lui incombait de le faire, que la position de l'appelant dans l'affaire Norman Leon concernant les cotisations, la base de ces cotisations ou les hypothèses de l'appelant était mal fondée.
L'appel du ministre du Revenu national dans l'affaire Norman Leon est accueilli. Les cotisa- tions établies par l'appelant dans cette affaire
sont rétablies. L'appelant recouvrera ses dépens du présent appel.
La Frank Ahman Ltd. fut constituée en com- pagnie en 1963. Depuis ce temps, Frank Ahman fut la seule personne à y avoir détenu un intérêt réel. En 1964, il céda à cette compagnie un magasin qu'il avait exploité à Niagara Falls. En 1968, cette entreprise fut vendue au groupe Leon. Ahman déclara l'avoir vendue parce que «Tom Leon» lui avait demandé s'il irait à Wel- land y gérer leur magasin qui était en difficulté et qu'il lui avait dit que sa compagnie s'occupe- rait du magasin de Welland et qu'il recevrait $20,000 par année ainsi qu'un pourcentage des bénéfices. Il déclara qu'il se rendait toujours au magasin de Niagara Falls pour en vérifier les livres et en assurer l'approvisionnement.
Ahman a témoigné qu'il n'y avait aucune entente écrite entre la Frank Ahman Ltd. et les Leon portant sur la gestion du magasin de Wel- land. Il déclara que les Leon versèrent les $20,000 et la prime à la Frank Ahman Ltd., que l'arrangement était toujours en vigueur et que l'entente existant depuis 1968 entre la Frank Ahman Ltd. et lui était la même; les Leon payaient la Frank Ahman Ltd. qui lui versait son salaire. Il déclara qu'il ne savait pas quelle compagnie était propriétaire du magasin de Welland.
En contre-interrogatoire, on montra à Ahman une photocopie d'un état financier de la Frank Ahman Ltd. pour l'année se terminant le 31 mai 1969. On y remarque, comme poste de revenu, des honoraires de gestion au montant de $22,100. Ahman déclara qu'il était payé par une des entreprises Leon mais qu'il ne savait pas laquelle.
Lorsqu'en contre-interrogatoire, on demanda à Ahman s'il y avait des raisons commerciales particulières pour lesquelles la Frank Ahman Ltd. et non lui-même avait conclu un contrat de gestion avec l'Ablan Leon Distributors, il répon- dit qu'il ne savait pas s'il y avait une différence.
Aucun contrat écrit de gestion ne fut déposé, ni aucune résolution de la Frank Ahman Ltd. portant sur un contrat de ce genre.
Je ne crois pas que l'absence d'un contrat écrit de gestion ou d'une résolution de la compa- gnie portant sur un tel contrat soit nécessaire- ment préjudiciable à la position de l'intimé. Dans les circonstances de l'espèce toutefois, s'il existait un contrat de gestion en bonne et due forme, comme le prétend l'intimé, on pourrait vraisemblablement disposer d'une certaine preuve écrite à l'appui de ce contrat. L'absence d'une telle preuve est, à mon avis, révélatrice.
Les paiements versés à la Frank Ahman Ltd. corroborent l'allégation de l'appelant selon laquelle l'Ablan Leon Distributors les a effec- tués à la demande de l'intimé.
Je conclus que l'intimé n'a pas apporté la preuve nécessaire en l'espèce.
Je conclus que l'intimé Frank Ahman avait droit de recevoir de l'Ablan Leon Distributors les sommes de $13,600 pour l'année d'imposi- tion 1968 et de $18,700 pour l'année d'imposi- tion 1969 et ce, en contrepartie des services qu'il a exécutés à titre d'employé de l'Ablan Leon Distributors.
L'appel du ministre du Revenu national dans l'affaire Frank Ahman est rejeté uniquement à l'égard du poste de $62 dont il s'est désisté, et qui fut payé à titre de dividendes sur des actions de la Compagnie de Téléphone Bell du Canada. A tous autres égards, l'appel du ministre du Revenu national dans l'affaire Frank Ahman est accueilli. Les cotisations établies par l'appelant dans cette affaire sont rétablies, exception faite du poste de $62. En raison de ce désistement, il y a lieu d'apporter un rajustement approprié à la cotisation.
Compte tenu de l'importance du poste de $62 au regard des autres postes en litige et du temps que ce poste a nécessité pendant le procès en comparaison des autres postes, je ne crois pas que l'appelant doit être privé des dépens. L'ap- pelant recouvrera ses dépens dans l'affaire Frank Ahman.
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