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T-345-73
La Reine (Demanderesse) c.
Creative Graphic Services et Craft Graphic Ser vices Ltd. (Défenderesses)
Division de première instance, le juge Collier— Toronto, le 18 mars; Ottawa, le 28 mai 1974.
Taxe de vente—Recouvrement de sommes dues par les débiteurs de la taxe—Saisie des fonds provenant de la rému- nération postérieure d'un débiteur—Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, c. E-13, art. 40, 50, 52 et 55.
En prononçant le jugement en l'espèce, la Cour a fait remarquer que l'exposé conjoint des faits n'était «pas vérita- blement adapté aux plaidoiries et au redressement recher- ché», mais, à la requête des avocats, une décision a été rendue en se fondant sur cet exposé conjoint des faits, tel qu'élargi par des modifications.
La défenderesse Creative Graphic Services, société et titulaire de licence en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, a déclaré, mais a omis de payer la taxe de vente d'un montant de $9,400. Les associés, K et D, ont été poursuivis indivi- duellement; K paya des amendes s'élevant à $1,000 et la somme de $6,800 sur le montant total dû. D fut condamné par défaut, frappé d'une amende de $800 et astreint à payer le solde des sommes dues, soit $2,600. Par la suite, K devint président et employé de la défenderesse, Craft Graphic Services Ltd. Sur avis signifié au nom de la demanderesse, une réclamation a été présentée pour faire retenir sur la rémunération de K le paiement d'une somme qui, selon la Cour, couvrait un autre montant par la société au titre de la taxe de vente, des intérêts et des amendes. La somme de $1,715 était réclamée aux deux défenderesses.
Arrêt: 1. la demanderesse a gain de cause contre la défenderesse Creative Graphic Services et obtient la somme de $1,715 dont on a reconnu qu'elle constituait une dette de la société envers la Couronne. La demanderesse n'avait pas droit aux amendes et aux intérêts sur la somme de $1,715, puisqu'elle n'a pas indiqué comment on était parvenu à ce montant ni les dates à prendre en considération pour le calcul des amendes et des intérêts. De même, la demande- resse, en poursuivant uniquement la société, ne peut obtenir une déclaration selon laquelle K et D en étaient les associés. La requête présentée au nom de K et portant que le juge- ment ne devrait pas s'appliquer à son encontre, est rejetée.
2. L'action contre la défenderesse, Craft Graphic Services Ltd., est rejetée. La demande de paiement par la compagnie de la somme due sur le salaire de son employé a été présentée en vertu de l'article 52; le paragraphe (6) crée une forme large de saisie arrêt et doit être interprété strictement. La présente demande est sans effet ou invalide car elle ne se conforme pas aux stipulations de ce paragraphe.
Arrêt appliqué: Royal Trust Co. c. Montex Apparel Industries Ltd. [1972] 3 O.R. 132.
ACTION.
AVOCATS:
H. Erlichman pour la demanderesse.
B. A. Dunn pour la défenderesse Creative
Graphic Services.
P. A. Vita pour la défenderesse Craft
Graphic Services Ltd.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la demanderesse.
Levinson, Sack & Dunn, Toronto, pour la défenderesse Creative Graphic Services. Robertson, Lane & Cie, Toronto, pour la défenderesse Craft Graphic Services Ltd.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés par
LE JUGE COLLIER: La demanderesse intente une action pour recouvrer des deux défenderes- ses la somme de $1,715 que ces dernières devraient à la Couronne en vertu de certaines dispositions de la Loi sur la taxe d'accise' . Pour comprendre le problème, il convient de passer les faits en revue. A l'ouverture des débats on nous a soumis un exposé conjoint des faits. Au cours des plaidoiries, les parties se sont enten- dues sur d'autres faits.
Je vais présenter l'exposé conjoint. J'ai ajouté, aux endroits appropriés, les faits com- plémentaires susmentionnés:
[TRADUCTION] 1. Creative Graphic Services, société consti- tuée par un certain Carl Hans Kristensen et un certain Robert Bruce Douglas demanda et obtint le 26 juillet 1967 une licence de taxe de vente S5-2102 en conformité de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1952, c. 100, maintenant S.R.C. 1972 [sic]. On a délivré la licence au nom de Creative Graphic Services.
2. La Creative Graphic Services était une affaire d'imprime- rie et, par suite des opérations de vente et de distribution de ladite imprimerie, devenait assujettie à l'impôt en vertu de la Loi sur la taxe d'accise.
3. Au cours de la période allant du ler juin 1967 au 30 avril 1969, la Creative Graphic Services a déclaré, mais a omis de payer à Sa Majesté la Reine la taxe de vente d'un montant de $9,482.22.
4. Ledit Carl Hans Kristensen et Robert Bruce Douglas ont été poursuivis individuellement et non solidairement, con
' S.R.C. 1970, c. E-13 et ses modifications. Je vais utiliser la numérotation des articles tels qu'ils figurent maintenant dans la révision de 1970, mais, le cas échéant, j'indiquerai la numérotation antérieure à cette révision.
formément aux dispositions de la Loi sur la taxe d'accise, pour défaut de paiement par la Creative Graphic Services de la taxe de vente demandée. Le 9 avril 1970, Kristensen comparut devant le juge Bolsby, juge à la Cour provinciale, et plaida coupable de dix chefs d'accusation pour défaut de paiement de la taxe de vente d'un montant total de $6,845.78. Suite à son aveu de culpabilité devant le juge de la Cour provinciale, Kristensen fut condamné à payer les amendes s'élevant à $1,000 et la somme de $6,845.78 (cette dernière représentant un montant égal à la taxe qui aurait être payée). Les taxes et les amendes furent payées. A la même époque, Douglas fut condamné par défaut eu égard à huit chefs d'accusation pour non-paiement de la taxe et frappé d'une amende de $100 pour chaque chef d'accusa- tion. Au total, Douglas fut condamné à payer une somme égale à la différence entre $6,845.78 (montant que Kristen - sen devait payer) et la somme de $9,482.22 mentionnée au paragraphe 3.
5. Le 17 août 1971 ou vers cette date, ledit Carl Hans Kristensen était président et employé de la Craft Graphic Services Ltd., et percevait plus de $50 par semaine.
6. La Craft Graphic Services Ltd. continua à employer ledit Carl Hans Kristensen comme président ou vice-président jusqu'en février 1973, et au cours de ladite période, il perçut plus de $50 par semaine. Chaque semaine au cours de la période allant du 17 août 1971 au 1 E1 février 1973, la défenderesse Craft Graphic Services Ltd. était endettée envers Carl Kristensen et lui versait plus de $50 par semaine.
7. Le 17 août 1971 ou vers cette date, les fonctionnaires du ministère du Revenu national exigèrent de la Craft Graphic Services Ltd., en conformité de l'article 50 de la Loi sur la taxe d'accise, le paiement d'un montant suffisant pour libé- rer la Creative Graphic Services et/ou Carl Kristensen de leur obligation s'élevant à $4,210.51 ou du montant dont elle est endettée ou dont elle peut devenir endettée, suivant le montant le moins élevé. Une copie de ladite réclamation est jointe à l'exposé conjoint des faits (pièce «A»).
8. Jusqu'à ce jour, la Craft Graphic Services Ltd. n'a rien payé à la demanderesse.
9. Actuellement la Creative Graphic Services doit $1,715.
Voici le passage pertinent de la réclamation susmentionnée (pièce «A»):
[TRADUCTION] Il semble que vous êtes endettée ou que vous soyez sur le point de le devenir envers la
Creative Graphic Services, et/ou de Carl Kristensen, 36 Dunsany Crescent, Weston (Ontario).
ci-dessous appelé titulaire de licence.
Vous êtes tenue par les présentes de verser au Receveur général du Canada un montant suffisant pour libérer le titulaire de licence de l'obligation, telle qu'indiquée ci-après, ou le montant dont vous êtes endettée ou pouvez le devenir, suivant le montant le moins élevé.
L'obligation du titulaire de licence est la suivante: $4,210.51 pour la taxe de vente fédérale et l'intérêt accumulé à titre d'amende.
(Le Ministère estime satisfaisant un paiement au rythme de $50 par semaine pris sur le salaire, le revenu ou autres sommes perçues.)
Les paiements peuvent être versés auprès du
Chef régional,
Taxe d'accise,
C.P. 460, Succ. «Q»,
Toronto 290 (Ontario).
qui vous délivrera de récépissés.
Si vous acquittez une obligation envers un titulaire de licence après réception des présentes, vous devenez person- nellement responsable jusqu'à concurrence de l'obligation quittancée ou du montant réclamé ici, suivant le montant le moins élevé.
Cette demande est présentée en conformité de l'article 50, paragraphes (6), (7) et (8) de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1952, chapitre 100 tel que modifié, dont voici le texte:
L'avocat de la demanderesse déclare que le montant maintenant réclamé, soit $1,715, ne couvre que les amendes et les intérêts. On n'a pas révélé comment on était parvenu à ce montant.
Selon moi, la demanderesse cherche à obtenir de la défenderesse, la Creative Graphic Servi ces, (et je m'appuie sur les paragraphes 8 à 10 de la déclaration) la somme de $1,715 plus les amendes et l'intérêt complémentaires qui peu- vent être dus.
A l'encontre de l'autre défenderesse, la com- pagnie à responsabilité limitée, la demanderesse réclame le paiement de la somme de $1,715 conformément à la demande (pièce «A») et une déclaration selon laquelle la compagnie [TRA- DUCTION] «est tenue de verser au receveur général du Canada des sommes dues et payables par elle à Carl Kristensen conformément auxdi- tes demandes».
A l'encontre des deux défenderesses, la demanderesse réclame en outre [TRADUCTION] «une déclaration selon laquelle ... (Kristen - sen) ... et ... (Douglas) ... sont associés de la firme Creative Graphic Services».
Le cabinet de Me Dunn présenta la défense au nom de la Creative Graphic Services. A l'au- dience Me Dunn déclara qu'il intervenait à titre
d'avocat de Kristensen et ne plaidait que pour ce dernier. Les points soulevés par la défense sont les suivants: (1) dans la mesure la demanderesse cherche à recouvrer une amende, le demandeur approprié était le ministre du Revenu national; et (2) la demanderesse se voit opposer une fin de non-recevoir, car elle a engagé les poursuites mentionnées au paragra- phe 4 de l'exposé conjoint des faits afin de recouvrer les fonds qui lui sont dus. On prétend que les poursuites antérieures ont épuisé toutes les formes de recours possibles de la demande- resse ou que, de toute façon, la demanderesse doit limiter ses recours à ceux déjà exercés.
Voici la défense avancée au nom de la compa- gnie à responsabilité limitée: Kristensen n'était pas titulaire de licence en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, mais la société Creative Graphic Services l'était; la compagnie ne se trouvait pas endettée à la date en cause (le 17 août 1971, date de la demande) envers la société (titulaire de licence), mais envers un particulier (Kristen - sen) qui n'était pas titulaire de licence; par con- séquent, la demande était sans effet. Subsidiai- rement, on prétendit que, si la demande avait un effet à l'égard de Kristensen, elle ne pouvait porter que sur $50 et non sur le montant total prétendument dû; en d'autres termes, la demande ne pouvait constituer une demande continue dans le temps jusqu'au remboursement complet de la somme.
Avant d'examiner chaque réclamation et les prétentions des parties, j'estime que je dois faire quelques observations sur le déroulement de cette action devant la Cour. Au début de l'au- dience, j'ai émis des doutes quant à savoir si l'exposé conjoint des faits, tel que présenté à l'origine et en l'absence de preuves supplémen- taires, contenait des faits suffisants pour per- mettre à la Cour de parvenir à une décision, vu les allégations contenues dans la déclaration, le redressement demandé et les plaidoiries de la défense. Les trois avocats indiquèrent qu'à leur avis, il n'y avait aucune difficulté à cet égard. Au cours des débats, il devint évident que l'ex- posé initial des faits était en réalité insuffisant et les parties convinrent d'autres faits. Réflexion faite, mon opinion selon laquelle l'exposé con joint des faits n'est, à bien des égards, pas
véritablement adapté aux plaidoiries et au redressement recherché fut confirmée. Tous les avocats, cependant, apparaissaient soucieux de poursuivre les procédures en se fondant sur l'exposé conjoint des faits élargi. J'ai donc cher- ché à rendre ma décision sur ce fondement.
J'en viens maintenant à la demande à l'encon- tre de la défenderesse, la Creative Graphic Ser vices. Il semble approprié, à ce stade, de citer certains passages des articles 52 (ex-article 50) et 55 de la Loi sur la taxe d'accise. On trouve ces articles à la Partie VI de la Loi:
52. (1) Toutes taxes ou sommes exigibles sous le régime de la présente loi sont recouvrables à toute époque, passé l'échéance de leur reddition de compte et de leur acquitte- ment et toutes ces taxes et sommes sont recouvrables, et tous les droits de Sa Majesté s'exercent en vertu des présen- tes, avec obtention de tous les frais judiciaires, tout comme une dette envers Sa Majesté ou un droit susceptible d'être exercé par Sa Majesté, devant la Cour de l'Échiquier du Canada ou devant tout autre tribunal compétent.
(2) Toute amende encourue pour une infraction à la présente loi peut être réclamée en justice et recouvrée
(a) devant la Cour de l'Échiquier du Canada ou tout tribunal compétent; ou
(b) par voie de déclaration sommaire de culpabilité, con- formément aux dispositions du Code criminel.
(3) Toutes les amendes imposées par la présente loi, quand ladite loi n'en prescrit aucun autre mode de recouvre- ment, peuvent être réclamées en justice et recouvrées avec dépens par le procureur général du Canada, ou, s'il s'agit des amendes prévues à la Partie I, au nom du ministre des Finances, et, relativement aux amendes prévues à toute autre Partie, au nom du ministre du Revenu national.
(4) Tout montant payable à l'égard des taxes, impôts, intérêts et amendes prévus à la Partie II ou aux Parties III à VI, restés impayés en totalité ou en partie quinze jours après la date de la mise à la poste, par courrier recommandé, d'un avis d'arriérés adressé au transporteur aérien titulaire d'un permis ou au contribuable, selon le cas, peut être certifié par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise et, sur production à la Cour de l'Échiquier du Canada ou à un de ses juges ou au fonctionnaire que la Cour ou le juge de cette Cour peut désigner, le certificat est enregistré dans ladite Cour et possède, à compter de la date de cet enregistrement, la même vigueur et le même effet, et toutes procédures peuvent être intentées sur la foi de ce certificat, comme s'il était un jugement obtenu dans ladite Cour pour le recouvrement d'une dette au montant spécifié dans le certificat, y compris les amendes jusqu'à la date du paiement prévu à la Partie II ou aux Parties III à VI, et inscrites à la date de cet enregistrement, et tous les frais et dépenses raisonnables afférents à l'enregistrement de ce certificat sont recouvrables de la même manière que s'ils faisaient partie de ce jugement.
(5) Chaque fois qu'un jugement est obtenu pour des taxes exigibles sous le régime de la Partie II ou des Parties III à
VI, les dispositions de cette Partie ou ces Parties en vertu desquelles une amende est imposée pour défaut de paiement ou de défaut de remise desdites taxes s'appliquent, avec les modifications que nécessitent les circonstances, au défaut de paiement de ce jugement, et cette amende peut être recouvrée de la même manière que la créance constatée par jugement.
(6) Lorsque le Ministre sait ou soupçonne qu'une per- sonne est endettée ou sur le point de le devenir envers un titulaire de licence, il peut, par lettre recommandée, exiger de cette personne que les fonds autrement payables au titulaire de licence soient en totalité ou en partie versés au receveur général à compte de l'obligation du titulaire de licence en vertu des dispositions de la présente loi.
(7) Le récépissé du Ministre, à ce sujet, constitue une quittance valable et suffisante de l'obligation, de cette per- sonne envers le titulaire de licence jusqu'à concurrence du montant mentionné dans le récépissé.
(8) Tout individu qui acquitte une obligation envers un titulaire de licence après avoir reçu la lettre recommandée mentionnée est personnellement responsable envers le rece- veur général jusqu'à concurrence de l'obligation quittancée entre lui et le titulaire de licence ou jusqu'à concurrence de l'obligation du titulaire de licence pour impôt et amendes, suivant le montant le moins élevé.
55. (1) Quiconque, étant tenu, en vertu ou en conformité de la présente loi, d'acquitter ou de percevoir des taxes ou autres sommes, ou d'apposer ou d'oblitérer des timbres, omet de le faire ainsi qu'il est prescrit, est coupable d'une infraction et, en sus de toute autre peine ou responsabilité imposée par la loi pour un tel défaut encourt, sur déclaration sommaire de culpabilité, une amende
a) d'au moins l'ensemble de vingt-cinq dollars et d'un montant égal à la taxe ou autre somme qu'il aurait acquitter ou percevoir ou au montant de timbres qu'il aurait apposer ou oblitérer, selon le cas, et
b) d'au plus l'ensemble de mille dollars et d'un montant égal à la taxe ou autre somme susdite ou au montant de timbres précité, selon le cas;
et, à défaut de paiement de ladite amende, un emprisonne- ment d'au moins trente jours et d'au plus douze mois.
(2) Quiconque a enfreint quelque disposition de la pré- sente loi ou d'un règlement édicté par le Ministre sous le régime de la présente loi, pour laquelle infraction aucune autre peine n'est prévue, est passible, sur déclaration som- maire de culpabilité, d'une amende d'au moins cinquante dollars et d'au plus mille dollars.
La première prétention de Me Dunn porte que le ministre du Revenu national est le seul demandeur approprié ou, subsidiairement, que le Ministre aurait être constitué co-deman- deur. On s'est plus particulièrement reporté au paragraphe 52(3). Cet argument est, à mon avis,
sans fondement. Selon moi, Sa Majesté est à bon droit demanderesse. Le ministre du Revenu national ne doit pas se porter nécessairement demandeur. On utilise le mot «peuvent» audit paragraphe. Le procureur général peut, s'il le souhaite, engager les poursuites, comme cel- les-ci, au nom du Ministre. Selon moi, il n'est pas tenu de le faire.
La seconde prétention porte que la demande- resse a engagé des poursuites contre Kristensen et Douglas en vertu de l'article 55; on leur ordonne de payer le montant total de la taxe à cette époque; en outre, on fixa des amendes; toutes ces sommes ont été payées; la demande- resse, ayant choisi ce recours particulier et ayant de la sorte recouvré les montants en cause, ne peut maintenant chercher à recouvrer la même taxe, ou un montant fondé sur elle, au moyen de la présente procédure civile. Je ne peux faire droit à cette seconde prétention pour deux raisons. En premier lieu, rien dans la Loi n'empêche la demanderesse de recouvrer effec- tivement plus de deux fois le montant de la taxe, l'amende et l'intérêt dus, si abusif que ce soit. On ne m'a cité aucune jurisprudence à l'effet contraire. En second lieu, rien n'indique dans l'exposé conjoint des faits que soit Kristensen, soit Douglas, soit les deux à la fois ont déjà payé la somme maintenant réclamée ($1,715) par suite de la décision du juge de la Cour provinciale, exigeant le paiement de $9,482.22, représentant le montant de la taxe accumulée entre le ler juin 1967 et le 30 avril 1969. Je ne peux déduire que le montant maintenant réclamé fait partie des $9,482.22. En fait, après examen de la déclaration et des chiffres qui y sont donnés, il semble vraisemblable que la somme actuellement réclamée corresponde à un complément du montant pour lequel on a engagé les poursuites. Par conséquent, la demanderesse est fondée à obtenir jugement contre la Creative Graphic Services pour la somme de $1,715.
On a soutenu que, si jugement était rendu à l'encontre de la Creative Graphic Services, il faudrait inclure une directive portant que le jugement ne s'appliquait pas à Kristensen. Je ne peux comprendre pourquoi une telle directive s'imposerait, mais, de toute façon, je ne peux lui donner effet, ayant à l'esprit la façon dont cette
action est présentée et l'exposé conjoint des faits. Au paragraphe 1 de l'exposé conjoint des faits, la Creative Graphic Services est désignée comme étant une société formée par Kristensen et Douglas. Au paragraphe 9, il est convenu que: [TRADUCTION] «Actuellement la Creative Graphic Services doit $1,715». Dans l'intitulé de la cause, la défenderesse est la Creative Graphic Services et je rends mon jugement à l'encontre de cette entité. Je n'émets aucune opinion sur le point de savoir si le présent jugement peut s'appliquer à Kristensen.
Je n'accorde à la demanderesse aucun mon- tant en sus de la somme fixée à $1,715, par voie d'amendes ou d'intérêts supplémentaires. La demanderesse n'a pas indiqué comment on était parvenu à la somme en question ni les dates que l'on avait prises ou que l'on devait prendre en considération pour le calcul des amendes et de l'intérêt. La demanderesse demande aussi une déclaration selon laquelle Kristensen et Douglas sont associés au sein de la firme Creative Graphic Services. Selon moi, la demanderesse n'est pas fondée à obtenir une telle déclaration dans une procédure de ce genre, vu la façon dont elle est présentée. La demanderesse n'a pas choisi de constituer Kristensen et Douglas défendeurs à titre personnel. Elle a choisi de poursuivre la firme. Je répète que je n'émets aucune opinion quant à l'effet en droit sur les individus d'un jugement contre la firme.
J'en viens maintenant à l'action contre la compagnie. L'avocat de la Couronne s'appuie sur les paragraphes 52(6) et (7). Il fait valoir qu'à la date de la demande, Kristensen était employé de la compagnie; que du 17 août 1971 jusqu'au l er février 1973, cette dernière lui devait des montants excédant $50 par semaine; que pendant cette période, la compagnie paya à Kristensen des sommes excédant $50 par semaine; qu'on aurait verser ces sommes excédant $50 par semaine au receveur général (paragraphe (6)); que la compagnie est redeva- ble envers le receveur général des sommes ainsi versées à Kristensen (supérieures à $50 par semaine ou du montant de l'impôt et des amen- des dus par le «titulaire de licence», suivant le montant le moins élevé (paragraphe (8)).
L'avocat de la compagnie souleva plusieurs points dans sa défense:
Kristensen n'était pas un «titulaire de licence» au sens du paragraphe (6); la Creative Graphic Services était le «titulaire de licence»; il faut interpréter strictement les articles perti- nents de la Loi. En vertu de l'article 40 de la Loi, «quiconque» (c'est-à-dire toute personne) tenu d'acquitter des taxes, doit demander une licence. En l'espèce, la société Creative Graphic Services a bien demandé une licence qui fut délivrée en son nom. Le paragraphe 2(1) de la Loi donne la définition suivante du mot «personne».
«personne» comprend toute corporation ou association, syn- dicat, compagnie fiduciaire ou autre corps, ainsi que les héritiers, exécuteurs testamentaires et administrateurs des susdits, de même que les curateurs et ayants droit ou autres représentants légaux de cette personne selon la loi de la partie du Canada à laquelle s'étend le contexte;
Je suis d'accord avec le point de vue selon lequel les dispositions de la Loi conférant ce droit spécial de recouvrement doivent être inter- prétées strictement. Le paragraphe 52(6) crée une forme large de saisie-arrêt. Avant d'émettre une demande, le Ministre n'est pas tenu de prouver ni d'établir devant quiconque qu'une taxe est due par quelqu'un, il n'est pas tenu de délivrer, d'obtenir ni de déposer quelque part un certificat de dettes, ni d'obtenir un jugement contre le titulaire de licence. Si la demande du Ministre vise à mettre opposition sur le salaire, le paragraphe semble être assez large pour englober tout le salaire (tout au moins la partie due à la date de la demande) sans aucune alloca tion ou exonération légale qui permettraient, à toutes fins pratiques, au prétendu débiteur et à sa famille de survivre financièrement. Ayant à sa disposition un redressement si extraordinaire, le Ministre doit se conformer strictement aux dispositions de la Loi. Je me reporte à l'arrêt Royal Trust Co. c. Montex Apparel Industries Ltd. [1972] 3 O.R. 132. Le Ministre aurait adressé une demande, conformément au para- graphe 52(10) (antérieurement paragraphe 50(10)), à un receveur nommé par la Cour dans le cadre d'une procédure de saisie. Les faits de l'espèce sont, comme d'habitude, différents des faits qui me sont soumis. Le passage suivant tiré d'un jugement de la Cour d'appel de l'Ontario
est, me semble-t-il, d'un certain secours sur la question de l'observation stricte de la Loi (pages 136 et 137):
[TRADUCTION] Nous concluons donc que le Ministre n'a pas placé le receveur dans le cadre de la définition de «personne» donnée par la Loi et que, par conséquent, le receveur n'est pas cessionnaire d'une dette active. Ainsi, toute demande adressée au receveur, en tant que cession- naire, a, selon nous, aucun effet en droit. Cette conclusion suffit à trancher l'appel interjeté par le fiduciaire, mais en plus de ce motif nous nous fondons également sur les faits relatifs à la signification de la demande. Les articles perti- nents de la Loi sur la taxe d'accise confèrent au Ministre un droit propre; c'est-à-dire que, si le Ministre se conforme aux dispositions légales en émettant et en signifiant la demande prévue par ces dispositions et si la personne à qui cette demande est adressée est cessionnaire d'une dette active, comme le prévoit la Loi, alors, et dans ce seul cas, le Ministre se voit conférer par la Loi le droit spécial de pouvoir percevoir la dette de son débiteur d'une tierce personne, soit le cessionnaire de la dette active du débiteur.
Bien sûr, il apparaît très clairement que faisant pendant au droit ainsi conféré au Ministre, il incombe au cessionnaire d'effectuer le paiement au Ministre. En outre, c'est un lieu commun, me semble-t-il, de faire remarquer que, lorsqu'on accorde ou tente d'accorder un tel droit au Ministre, ce dernier est tenu d'observer strictement les conditions préala- bles dont dépend ce droit spécial qui lui est accordé. Il ressort clairement de la formulation de l'avis adoptée par le Ministre et effectivement signifiée dans l'affaire en instance qu'il s'agit d'un avis s'adressant au cessionnaire en personne et à personne d'autre et, naturellement, il s'agit du seul genre d'avis prévu à l'article 50(9) et (10) de la Loi. En l'espèce, cet avis ne fut pas adressé à J. S. Whitehead, le receveur, mais à McDonald, Currie et Cie., comptables agréés, au bon soin de: J. S. Whiteside. Bien que le receveur soit effective- ment associé du cabinet de comptables agréés susnommé, la demande n'était pas adressée à lui ni dans son libellé, à son attention. Pour ce motif également, nous ne pouvons faire droit à la demande de privilège du Ministre.
Selon moi, une «personne» qui demande et reçoit une licence peut être une firme, par oppo sition aux individus qui constituent la société. Dans mon esprit, la Creative Graphic Services rentre dans le cadre des mots «... corporation ou association, syndicat, compagnie fiduciaire ou autre encore ...» tels qu'ils figurent dans la description de «personne» au paragraphe 2(1). Le Ministre a choisi d'accorder une licence à cette personne en particulier, la Creative Graph ic Services (voir le paragraphe 40(2)). Selon moi, elle seule devint titulaire de licence, au sens du paragraphe 52(6) et non Kristensen ou Douglas, ou les trois à la fois. A aucun moment,
la compagnie n'a été endettée envers le co- défendeur, le titulaire de licence. La demande est, par conséquent, sans effet.
Il me semble aussi qu'on pourrait annuler la demande pour imprécision vu sa façon de décrire le prétendu titulaire de licence. En voici un extrait: «... vous êtes endettée, ou sur le point de le devenir envers la Creative Graphic Services et/ou Carl Kristensen ... ci-dessous appelé le titulaire de licence». A mon avis, le tiers-saisi (ce mot n'est pas utilisé dans la Loi, mais il est commode pour décrire la personne à qui on adresse une demande) ne sait pas exacte- ment envers qui il est prétendument endetté. Je ne suis pas convaincu que la malencontreuse combinaison de «et/ou» puisse avoir un sens précis, ni qu'elle témoigne d'une stricte observa tion des dispositions de la Loi. Je n'exprime aucune opinion définitive.
Le point suivant soulevé par la défense est subsidiaire au premier: si Kristensen était titu- laire de licence, alors la compagnie était endet- tée envers lui à compter du 17 août 1971 à l'égard de la rémunération due à cette date seulement; la demande exigeait le paiement de $50 sur ce montant; la demande ne peut englo- ber les dettes à venir; l'obligation de la compa- gnie se trouve par conséquent limitée à $50. Cette prétention se fonde sur le fait que la demande ne pouvait pas, compte tenu des faits de l'espèce, exiger le versement du salaire de Kristensen au receveur général, ni de la partie spécifiée de ce salaire, à compter du 17 août 1971 et pour l'avenir jusqu'au remboursement total de la somme revendiquée.
Je souscris à ce point de vue. Il doit exister, selon moi, des mots précis dans la Loi habilitant le Ministre à affectuer une saisie-arrêt du genre de celle que veut faire la demanderesse. Je n'ai pas trouvé de mots aussi précis. En vertu du paragraphe (6), le Ministre est fondé à deman- der «... les fonds autrement payables ...» à une personne qui est endettée ou sur le point de le devenir envers un titulaire de licence. L'inter- prétation invoquée au nom de la demanderesse me semble largement méconnaître les mots «les fonds autrement payables». Selon moi, les mots «est endettée ou sur le point de le devenir» ne constituent pas la formule unique ou détermi-
nante lorsqu'on s'efforce de préciser sur quels fonds le Ministre peut effectuer une saisie-arrêt. Les mots «est endettée ou sur le point de le devenir» ont une autre fonction. Avant que le Ministre puisse émettre une demande, il doit connaître ou soupçonner l'existence de la dette ou de ce que j'appellerais une dette imminente. Les mots cités fournissent ainsi, tout au moins dans un certain contexte, une indication sur le moment l'on peut émettre la demande et sur les motifs pour le faire. Les fonds que l'on cherche à saisir doivent provenir d'une dette déjà existante ou d'une dette imminente 2 , mais, en même temps, selon moi, ils doivent être «payables» à la date de la demande. On m'a mentionné les arrêts La Banque de Montréal c. Union Gas Company of Canada Ltd. [1969] C.T.C. 686 et Re La Banque royale du Canada et Le procureur général du Canada [1970] C.T.C. 440. Ces deux décisions ont examiné le paragraphe 120(1) de l'ancienne Loi de l'impôt sur le revenu, qui est semblable au paragraphe 52(6) de la Loi sur la taxe d'accise, mais les faits en cause et les problèmes étaient tout à fait différents de la présente affaire. Toutefois, il semble ressortir des décisions qu'une demande en vertu du paragraphe 120(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu crée un privilège [TRADUC- TION] «... non sur les deniers dus ou à échoir comme dans le cas d'une ordonnance de saisie- arrêt ou d'opposition, mais sur les «deniers autrement payables» au moment de la significa tion de la demande'».
En l'espèce, les sommes exigibles à la date de la demande étaient toutes sommes payables à ce moment-là à titre de rémunération. Il ressort indubitablement de l'exposé conjoint des faits que les gains de Kristensen étaient calculés et payés sur une base hebdomadaire. Si la demande avait un effet quelconque, j'aurais décidé que le montant que la compagnie était tenue de payer, correspondait au montant à
z Comparez avec l'article 224 de la Loi de l'impôt sur le revenu, 1972 (antérieurement article 120). Les mots utilisés au paragraphe (1) sont «... une personne est endettée .. ou sur le point de le devenir, ou est astreinte à faire un paiement ...» (le soulignement est de moi). Les «deniers autrement payables» au sens de l'article 224 peuvent, me semble-t-il, provenir de quelque chose d'autre que d'une dette existante ou une dette imminente.
Voir page 691 de l'arrêt Union Gas (précité).
la date de la demande. En l'espèce, le Ministre dans sa demande semble s'être limité à $50. Les notes que j'ai prises lors des plaidoiries indi- quent que l'avocat de la compagnie a suggéré à titre subsidiaire un montant fixé à $312. Je suppose que ce chiffre représente les gains heb- domadaires de Kristensen à cette époque, mais rien dans l'exposé conjoint des faits, ni dans la partie transcrite des plaidoiries portant accord des parties sur des faits complémentaires, ne me permet d'utiliser le chiffre de $312.
La demande, telle que je la conçois, est sans effet ou invalide pour d'autres raisons que l'avo- cat n'a pas soulevées. Aux termes de la demande, la compagnie est tenue de payer [TRA- DUCTION] «. . . un montant suffisant pour libé- rer le titulaire de licence de l'obligation .. . ($4,210.51 pour les taxes de vente fédérales et l'intérêt accumulé à titre d'amende) ... ou le montant dont vous êtes endettée ou pouvez devenir endettée, suivant le montant le moins élevé». Selon moi, la demande doit être con- forme aux termes de la Loi. Elle ne l'est pas. Le montant «dont vous pouvez devenir endettée» n'a pas la même signification que le montant par lequel vous êtes endettée «ou sur le point de le devenir» 4 .
En outre, le paragraphe en cause dispose que le Ministre peut exiger que les fonds autrement payables soient versés en tout ou en partie au receveur général. Dans la demande présente, il est indiqué: [TRADUCTION] «[Le Ministre] estime satisfaisant un paiement au rythme de $50 par semaine pris sur le salaire, le revenu ou autres sommes perçues ...». Selon moi, le Ministre doit indiquer précisément quelles par ties des fonds payables, s'il en est, sont effecti-
' vement exonérées. Dans la demande en cause, le montant que doit payer la compagnie est laissé à sa discrétion, pourvu qu'un montant minimum de $50 soit acquitté. A mon sens, il ne s'agit pas d'une stricte observation des disposi tions de la Loi.
Je tiens à ajouter cette remarque finale. Même si j'avais pu rejeter tous les arguments invoqués au nom de la compagnie et décider que
4 Voici un extrait de la version française du paragraphe 52(6): «ou sur le point de le devenir».
la demande permettait effectivement de saisir les gains futurs payables à Kristensen, il y aurait eu encore une carence dans les faits propres à fonder le jugement recherché. Le paragraphe 52(8) dispose que la compagnie est responsable envers le receveur général jusqu'à concurrence des sommes payées par la compagnie à Kristen - sen qui auraient l'être au receveur général, ou jusqu'à concurrence de l'obligation du titu- laire de licence pour impôts et amendes, suivant le montant le moins élevé. Je ne peux détermi- ner à partir des faits soumis quel est le montant le moins élevé. Je sais simplement que la com- pagnie versait à Kristensen plus de $50 par semaine pendant une période de deux ans et cinq ou six mois à compter de la date de la demande. Pour autant que je sache, l'excédent pouvait simplement se chiffrer à $1 par semaine. Compte tenu des faits de l'espèce, je ne peux déterminer quel est le montant le moins élevé.
En conséquence, par le présent jugement, la Creative Graphic Services est tenue de payer à la demanderesse la somme de $1,715 et les dépens afférents à cette partie de l'action. L'ac- tion contre la défenderesse Craft Graphic Ser vices Ltd. est rejetée. Cette dernière est fondée à recouvrer ses dépens de la demanderesse.
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