Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

T-793-74
Monsanto Company (Demanderesse)
c.
Le Commissaire des brevets (Défendeur)
Division de première instance, le juge Kerr— Ottawa, les 9 décembre 1974 et 10 janvier 1975.
Compétence—Brevets—Renonciation—Refus d'enregistrer de la part du commissaire—Le breveté essaie d'obtenir un bref de mandamus—La décision du commissaire était de nature quasi judiciaire—Toute demande de redressement doit se faire par voie d'examen judiciaire et non par voie de mandamus— Compétence de la Cour d'appel en matière d'examen judiciai- re—Loi sur les brevets, S.R.C. 1970, c. P-4, art. 51, Loi sur la Cour fédérale, art. 2, 18 et 28—Règle 337(2)b) de la Cour fédérale.
La demanderesse, titulaire d'un brevet canadien, voulait déposer au bureau du commissaire des brevets tun acte de renonciation», en vertu de l'article 51 de la Loi sur les brevets. Le commissaire ayant refusé d'enregistrer la renonciation, la demanderesse demanda la délivrance d'un bref de mandamus enjoignant le commissaire de l'enregistrer.
Arrêt: l'action est rejetée; certaines prétentions de la deman- deresse étaient fondées: (1) d'après l'article 51 de la Loi sur les brevets, interprété de la façon appropriée, une renonciation ne doit pas nécessairement porter sur l'objet des revendications complètes, mais peut viser une partie seulement de l'une des revendications. (2) Le dossier ne justifie pas l'allégation du commissaire selon laquelle le demandeur, en ayant recours à l'article 51, cherchait à se soustraire au délai imposé par l'article 50 (redélivrance de brevets). (3) Il y avait terreur» au sens de l'expression terreur, accident ou inadvertance» de l'arti- cle 51, en ce que la demanderesse avait revendiqué, comme faisant partie de son invention, un certain composé désigné qui, à l'insu du breveté antérieurement à la délivrance du brevet, avait été divulgué dans le brevet allemand de 1940. (4) Si le commissaire avait jugé que le document constituait une renon- ciation visée par l'article 51 et si les conditions de son enregis- trement étaient réunies, il était tenu de l'enregistrer. Cependant la présente demande de redressement relève de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale. Le commissaire des brevets joue le rôle d'un «office, commission ou autre tribunal fédéral», suivant la définition de l'article 2 de la Loi sur la Cour fédérale. La décision d'enregistrer ou pas une renonciation est une décision de nature administrative légalement soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire. La Cour d'appel fédérale était compétente pour connaître d'une demande, présentée en vertu de l'article 28(1), aux fins d'examen et d'annulation du refus du commissaire. En conséquence, la Division de première instance n'était pas compétente pour accorder un redressement, par voie de mandamus en vertu de l'article 18 de la Loi.
Arrêts appliqués: Canadian Celanese Ltd. c. B.V.D. Com pany Ltd. (1939) 56 R.P.C. 122; Trubenizing Process Corporation c. John Forsyth Ltd. (1943-44) 3 Fox Pat. C. 123. Arrêt discuté: AMP Incorporated c. Hellerman Ltd. [1962] R.P.C. 55. Arrêt examiné: Farbwerke Hoechst Aktiengesellschaft c. Le commissaire des brevets [1966]
R.C.S. 604. Arrêt suivi: Howarth c. La commission natio- nale des libérations conditionnelles (1974) 18 C.C.C. (2e éd.) 385 (Can.).
ACTION. AVOCATS:
David Watson, c.r., pour la demanderesse. G. W. Ainslie, c.r., pour le défendeur.
PROCUREURS:
Gowling & Henderson, Ottawa, pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada, pour le défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE KERR: Cette action porte sur le refus du commissaire des brevets d'enregistrer au Bureau des brevets un document que la demande- resse voulait déposer et faire enregistrer à titre d'ente de renonciation», en vertu de l'article 51 de la Loi sur les brevets, S.R.C. 1970, c. P-4, ainsi libellé:
51. (1) Lorsque, par erreur, accident ou inadvertance, et sans intention de frauder ou de tromper le public, un breveté
a) a donné trop d'étendue à son mémoire descriptif, en revendiquant plus que la chose dont lui-même, ou la personne par l'entremise de laquelle il revendique, est le premier inventeur, ou
b) dans le mémoire descriptif, s'est représenté, ou a repré- senté la personne par l'entremise de laquelle il revendique, comme étant le premier inventeur d'un élément matériel ou substantiel de l'invention brevetée, alors qu'il ou qu'elle n'en était pas le premier inventeur, et qu'il ou qu'elle n'y avait légalement aucun droit,
il peut, en acquittant la taxe prescrite, renoncer à des éléments qu'il ne prétend pas retenir en vertu du brevet ou de la cession du brevet.
(2) L'acte de renonciation doit se faire par écrit, en double exemplaire, et être attesté par un ou plusieurs témoins. Un exemplaire doit en être déposé et conservé au bureau du commissaire, et l'autre exemplaire doit être joint au brevet et y être incorporé au moyen d'un renvoi. La renonciation est, par la suite, censée faire partie du mémoire descriptif original.
(3) Dans toute action pendante au moment elle est faite, aucune renonciation n'a d'effet, sauf à l'égard de la négligence ou du retard inexusable à la faire.
(4) Si le breveté original vient à décéder, ou s'il cède son brevet, la faculté qu'il avait de faire une renonciation passe à ses représentants légaux, et chacun d'eux peut exercer cette faculté.
(5) Après la renonciation, ainsi qu'il est prescrit au présent article, le brevet est considéré comme valide quant à tel élément matériel et substantiel de l'invention, nettement distinct des autres éléments de l'invention qui avaient été indûment revendi- qués, auquel il n'a pas été renoncé et qui constitue véritable- ment l'invention de l'auteur de la renonciation, et celui-ci est admis à soutenir en conséquence une action ou poursuite à l'égard de cet élément.
La demanderesse est titulaire du brevet cana- dien No 594,237, accordé le 15 mars 1960 pour une invention intitulée «Herbicides». L'acte de renonciation a été présenté au Bureau des brevets, accompagné d'une lettre de la firme d'avocats et d'agents de brevets de la demanderesse en date du 26 novembre 1973.
Le commissaire a refusé d'enregistrer la renon- ciation au motif que seulement les renonciations portant sur une revendication complète sont permi- ses à l'exclusion de celle portant sur un élément d'une revendication.
Dans sa déclaration, la demanderesse soutient que le commissaire a commis une erreur en déci- dant que seulement les revendications complètes et non leurs éléments peuvent faire l'objet d'une renonciation; et en l'espèce la demanderesse demande la délivrance d'un bref de mandamus, en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale, enjoignant le commissaire d'enregistrer sa renonciation.
Dans sa défense, le commissaire déclare que le but visé par la demanderesse peut être obtenu, en vertu de l'article 50 de la Loi sur les brevets, par voie de redélivrance mais seulement dans un délai de 4 ans à compter de la date de délivrance du brevet, et que la demanderesse cherche à se sous- traire au délai imposé par l'article 50 en ayant recours aux dispositions relatives à la renonciation.
Un exposé conjoint des faits, pièce 1, auquel sont annexés des copies du mémoire descriptif, des revendications et de la délivrance du brevet et d'autres documents portant les cotes «A» à «H», a été reçu en preuve aux fins de l'action.
La lettre, pièce «B», accompagnant l'acte de renonciation, contenait le paragraphe suivant, qui indique en termes généraux l'objet de la renonciation:
[TRADUCTION] Il ressort de l'acte de renonciation que ce dépôt est motivé par le fait qu'après l'émission du brevet, on a appris que le composé N-méthyl-a-chloroacétanilide avait été
divulgué dans un brevet allemand délivré en 1940. Donc les éléments de l'invention brevetée qui font l'objet de la renoncia- tion sont: l'exemple relatif à la préparation de ce composé, la référence qui y est faite dans le mémoire descriptif en ce qui concerne ses pouvoirs herbicides et aussi son inclusion dans la formule générique définissant les composés d'après l'invention.
Voici un extrait de l'acte de renonciation, pièce
«C»:
[TRADUCTION] ET CONSIDÉRANT qu'on avait donné trop d'étendue au mémoire descriptif et qu'on y avait fait figurer comme élément de l'invention le composé N-méthyl-a-chloroa- cétanilide, composé qui, avant la délivrance du brevet et sans que le breveté en ait eu connaissance, avait été divulgué dans le brevet allemand 695,907 en date du 5 septembre 1940, dont copie et traduction sont jointes à la présente; en conséquence, la définition de R 1 et R2 à la page 4, dixième ligne et dans la revendication 1, quatrième ligne à partir de la fin, était trop large en ce que, lorsque l'un ou l'autre de R I et R2 est un radical phényle, l'autre aurait avoir de deux à six atomes de carbone de manière à exclure le méthyle.
EN CONSÉQUENCE, le soussigné renonce aux éléments suivants de son invention brevetée:
a) Les radicaux aliphatiques ayant un atome de carbone mentionnées dans les définitions de R 1 et R2 à la page 4, dixième ligne du mémoire descriptif et dans la revendication 1, quatrième ligne à partir de la fin'.
b) L'exemple 7 à la page 9, lignes 12 23 du mémoire descriptif;
c) Le composé N-méthyl-a-chloroacétanilide mentionné à la page 11, quatorzième ligne, du mémoire descriptif.
Le commissaire répondit comme suit à la lettre des avocats:
[TRADUCTION] En raison du fait qu'à maintes reprises des brevetés voulaient renoncer à une partie seulement de la matière comprise dans l'une de leurs revendications, je suis récemment parvenu à la conclusion que seulement les renoncia- tions portant sur une revendication complète devraient être autorisées. Un avis en informant les praticiens en matière de brevets a été publié dans le numéro du 27 janvier 1970 de la Gazette des brevets.
' Les lignes 7 à 11 de la page 4 du mémoire descriptif, visées par la renonciation, se lisent comme suit:
[TRADUCTION] ... et en outre pourvu que, quand l'un des symboles R 1 et R 2 est un radical phényle, l'autre représente un radical aliphatique ayant jusqu'à six atomes de carbone; et pourvu que l'un seulement des symboles R I et R2 soit de l'hydrogène.
Les cinq dernières lignes de la revendication 1 se lisent comme suit:
[TRADUCTION] ... et en outre pourvu que, quand l'un des symboles R I et R 2 est un radical phényle, l'autre représente un radical aliphatique ayant jusqu'à six atomes de carbone; et pourvu que l'un seulement des symboles R I et R2 soit de l'hydrogène et contienne en outre un agent de conditionnement.
En raison des termes clairs du susdit avis et de la pratique de notre bureau depuis sa publication, nous vous avisons par la présente que votre requête aux fins d'une telle renonciation est refusée.
L'avis aux praticiens en matière de brevet, pièce «F», est le suivant:
Avis aux praticiens en matière de brevets Pratique en matière de renonciations
tant donné le nombre accru de renonciations déposées dans lesquelles les brevetés cherchent à renoncer à une partie seule- ment de la matière comprise dans des revendications particuliè- res, les praticiens sont informés que seules seront enregistrées par le Bureau les renonciations qui portent sur des revendica- tions complètes. Lorsque le paragraphe (1) de l'article 51 mentionne la renonciation à des «éléments» de l'invention, il sera interprété comme ayant trait uniquement à des revendica- tions complètes.
Il est à noter que l'article 64 mentionne également les «parties» d'un brevet. Etant donné que les seules parties d'un brevet autre que le tout qui peuvent être annulées en vertu de l'article 64 (lorsque celui-ci est lu de concert avec l'article 62) sont des revendications, je suis d'avis que la même interpréta- tion de «parties» de l'invention doit prévaloir à l'égard de l'interprétation de l'article 51. De plus, la présentation de revendications nouvelles ou la modification de revendications déjà faites est contraire à la signification du mot «renonciation», et il est inconvenant de renoncer à une revendication à l'égard d'une chose en essayant de revendiquer quelque chose d'autre. Il est également apparent, d'après la taxe nominale prescrite qu'une renonciation est une simple question de formalité n'exi- geant pas l'évaluation de nouvelles revendications.
Les avocats de la demanderesse ont alors adressé au commissaire une lettre, pièce «G», pré- sentant des arguments en faveur de l'enregistre- ment de la renonciation. J'en parlerai plus tard.
Le commissaire a maintenu sa position et répondu ce qui suit:
[TRADUCTION] Vous avez, dans votre lettre, cité plusieurs articles de la Loi sur les brevets, des décisions judiciaires et l'ouvrage de Walker sur les brevets, à l'appui de vos arguments visant l'abandon partiel de la revendication 1, par voie de renonciation. Cependant, après examen attentif de vos argu ments, je maintiens encore fermement mon opinion, savoir que seulement les renonciations portant sur une revendication com- plète devraient être autorisées.
L'article 64 de la Loi sur les brevets permet l'enregistrement d'un jugement annulant totalement ou partiellement un brevet. Quand cet article est interprété en corrélation avec l'article 62, il en ressort que les parties d'un brevet visées à l'article 64 sont les revendications. Je maintiens donc que les éléments visés à l'article 51(1) sont les mêmes que ceux dont l'article 64 prévoit l'annulation par jugement, lesquels ne peuvent être que des revendications complètes. En conséquence, je soutiens que la modification d'une revendication déjà faite, pour renoncer à l'un de ses éléments va à l'encontre du sens du mot «renonciation».
Je ne peux pas souscrire à votre théorie selon laquelle le Bureau des brevets n'a pas compétence pour examiner les renonciations mais doit se borner à les enregistrer. On porterait préjudice à l'intérêt public si on autorisait des renonciations partielles aux revendications, qui entraînent l'imprécision et l'incertitude sur la matière qui est toujours revendiquée. Je suis donc fermement convaincu qu'il m'appartient de refuser l'enre- gistrement d'une renonciation qui n'en est pas effectivement une, et pour prendre une telle décision sans avoir à examiner le contenu de la renonciation, il faut que cette dernière porte sur une revendication complète.
Le principal point litigieux porte sur l'interpré- tation de l'article 51 de la Loi sur les brevets.
A ce sujet, je vais reproduire textuellement les arguments concis, contenus dans la lettre des pro- cureurs de la demanderesse, pièce «G», susmen- tionnée, arguments que l'avocat a, en substance, repris à l'audience:
[TRADUCTION] Nous soutenons qu'en raison de ce corps de règles bien établi, il n'y a aucune raison d'interpréter l'article 51 d'une manière qui va à l'encontre de ces décisions et que ne justifie nullement le libellé de l'article.
Dans l'avis aux praticiens en matière de brevets du 27 janvier 1970, il est dit aussi «de plus, la présentation de revendications nouvelles ou la modification de revendications déjà faites est contraire à la signification du mot «renonciation», et il est inconvenant de renoncer à une revendication à l'égard d'une chose en essayant de revendiquer quelque chose d'autre». Nous soutenons qu'en l'espèce on ne tente nullement de présenter de nouvelles revendications ou de renoncer à un revendication en essayant de revendiquer autre chose. Nous prétendons que nous sommes en présence d'un cas classique de véritable renonciation qui correspond bien au sens et aux définitions du mot renoncia- tion. L'article 36(2) de la Loi sur les brevets exige que le demandeur expose dans ses revendications ce qu'il considère comme nouveau et dont il revendique la propriété ou le privi- lège exclusif, et c'est ce que la demanderesse a fait d'après les renseignements qu'elle avait à l'époque. Comme nous l'avons expliqué dans notre lettre du 26 novembre, on a appris, après la délivrance du brevet, que le composé N-méthyl-a-chloroacéta- nilide avait été divulgué dans un brevet allemand délivré en 1940. Le breveté désire donc renoncer à ce composé qui initia- lement faisait partie de l'invention brevetée. Si un élément d'une revendication ne peut faire l'objet de renonciation de la manière proposée, alors l'application de l'article traitant de la renonciation serait limitée aux cas il y aurait, par bonheur, une revendication restreinte sans aucune référence à la techni que antérieure, inconnue du breveté à la date de délivrance. Il semble qu'il n'y a aucun principe dans le texte de l'article 51, fixant une telle limite à la portée des renonciations. En réalité, les renonciations seraient superflues chaque fois qu'il y aurait une revendication distincte définissant d'une manière exacte le reste de l'invention, puisque le breveté pourrait alors s'appuyer sur l'article 60 de la Loi sur les brevets suivant lequel il faudrait donner effet au brevet comme s'il ne refermait que la revendi- cation valide. Il ne serait ni nécessaire ni avantageux de déposer une revendication.
Nous soutenons donc que la renonciation doit être enregistrée conformément à l'article 51 de la Loi sur les brevets.
Sur la question d'interprétation, l'avocat du commissaire, dans ses conclusions 2 , soutenait principalement:
a) que le membre de phrase de l'article 51 «renoncer à des éléments qu'il ne prétend pas retenir» vise «une ou plusieurs revendications» et l'avocat s'est référé à l'article 60 qui prévoit que lorsqu'un brevet renferme deux revendications ou plus et qu'une ou plusieurs de ces revendica- tions sont tenues pour valides mais qu'une autre ou d'autres sont tenues pour invalides ou nulles, il doit être donné effet au brevet tout comme s'il ne renfermait que la revendication ou les reven- dications valides; et à l'article 64, qui prévoit qu'un certificat de jugement «annulant totale- ment ou partiellement un brevet» peut être con signé en marge de l'inscription du brevet au Bureau des brevets, après quoi, «le brevet ou telle partie du brevet qui a été ainsi annulé devient alors nul et de nul effet»;
b) qu'il résulte clairement des dispositons de la Loi sur les brevets, notamment des articles 35 et 36, et de la jurisprudence pertinente qu'un inventeur, dans son mémoire descriptif, doit non seulement «décrire d'une façon exacte et com- plète» l'invention, mais encore «particulièrement indiquer et distinctement revendiquer» les par ties, perfectionnements ou combinaisons qu'il réclame comme son invention; que l'inventeur, en rédigeant ses réclamations, est obligé dans chaque revendication, de définir et de détermi- ner clairement et avec précision l'invention, ou la partie de l'invention, pour laquelle il réclame le monopole exclusif; qu'une revendication trop étendue, qui n'est pas justifiée par les divulga- tions ou qui contient des choses qui ne sont pas nouvelles, ne donne pas lieu au monopole; ainsi dans tout brevet, il peut y avoir une série de revendications, chacune va délimiter avec préci- sion la partie de l'invention révélée dans la divulgation, pour laquelle l'inventeur réclame le monopole et l'ensemble des revendications va constituer les parties de l'invention, chaque revendication étant «un élément» qui, en vertu de l'article 51, peut faire l'objet d'une renonciation;
2 Je me suis servi, pour l'exposé de ses conclusions, d'un résumé écrit qu'il m'a fourni.
c) que le membre de phrase «des éléments qu'il ne prétend point retenir» de l'article 51, indique qu'en faisant sa renonciation, le breveté est obligé d'abandonner les revendications qui ne sont pas comprises dans l'invention faite et divulguée par l'inventeur, et que l'intention évi- dente du législateur est qu'une renonciation doit porter sur une ou plusieurs revendications et ne peut servir de moyen pour reformuler ou redéfi- nir l'invention divulguée et revendiquée. Le Shorter Oxford Dictionary définit ainsi le mot «renonciation», «se désister d'une revendication juridique»;
d) que la partie de l'article 51(5), qui prévoit qu'après la renonciation, le brevet est considéré «comme valide quant à tel élément matériel et substantiel de l'invention, nettement distinct des autres éléments de l'invention qui avaient été indûment revendiqués auquel il n'a pas été renoncé ...», contient des termes qui cadrent avec la description d'une revendication propre- ment dite et qui ne conviennent pas à la descrip tion d'une partie seulement de la matière d'une revendication donnée;
e) que l'interprétation donnée par le commis- saire à l'article 51, c'est-à-dire qu'il ne peut être utilisé comme moyen pour reformuler des reven- dications, est conforme à l'économie de la Loi qui accorde au commissaire un pouvoir discré- tionnaire pour décider si une revendication en est véritablement une qui définit clairement et convenablement une invention brevetable; en vertu de la Loi, il est obligé d'examiner chaque demande de lettres patentes pour une invention en vue de s'assurer qu'elles viseront chacune des réclamations révélées dans la demande et on ne peut s'imaginer que le législateur voulait per- mettre aux titulaires de brevets d'utiliser l'arti- cle 51 pour échapper au contrôle exercé par le commissaire, dans l'intérêt public, pour s'assurer que les revendications pour lesquelles le mono- pole est accordé par l'État, exposent d'une manière convenable et claire des inventions brevetables;
f) que l'interprétation de l'article 51, proposée par la demanderesse, d'après laquelle on peut modifier des revendications par voie de renon- ciations qui auraient pour résultat de changer ou d'altérer la nature de l'invention revendiquée, irait à l'encontre de l'esprit de la Loi qui
(i) impose au commissaire l'obligation d'exa- miner chaque demande pour s'assurer que le brevet visera les revendications qu'il contient, et
(ii) lui a conféré le pouvoir de décider s'il y a lieu de délivrer un nouveau brevet dans les cas le brevet est défectueux ou inopérant en raison du fait que le breveté a notamment revendiqué plus qu'il n'avait le droit de revendiquer;
g) que, pour bien interpréter l'article 50 qui confère au commissaire un pouvoir discrétion- naire en matière de délivrance d'un nouveau brevet et saisir sa corrélation avec les disposi tions de l'article 51 qui prévoit que le commis- saire doit enregistrer la renonciation, il faut admettre qu'on doit utiliser l'article 50 quand le breveté veut modifier, altérer ou changer des revendications déjà faites, auquel cas le commis- saire peut examiner le bien-fondé de la demande, et qu'on doit utiliser l'article 51 lors- que le breveté veut renoncer à la totalité d'une revendication, auquel cas le commissaire n'a pas besoin d'en examiner le bien-fondé.
En réponse, l'avocat de la demanderesse faisait valoir notamment qu'en l'espèce le commissaire avait déjà examiné la demande et accordé un brevet et que le breveté ne fait que renoncer à une partie précise et ne reformule pas une revendica- tion; que l'article 50 traite de la redélivrance au cas le brevet ne répond pas au projet initial, ce qui est différent du problème traité à l'article 51, et qu'on ne doit pas considérer que les modalités de la loi, relatives à la redélivrance, s'appliquent aux cas prévus à l'article 51 et aux renonciations; que l'interprétation avancée par la demanderesse est conforme à l'esprit de la Loi; et qu'il n'y a pas d'ambiguïté dans l'article 51 ni dans la significa tion impérative du mot «doit» qui y est employé.
En ce qui concerne l'interprétation de l'article 51, il y a d'une part la thèse du commissaire qui soutient qu'une renonciation doit porter sur une revendication complète et d'autre part la thèse de la demanderesse qui prétend qu'elle n'a pas néces- sairement à porter sur une revendication complète
mais peut viser une partie' d'une revendication.
Je pense qu'incontestablement l'article 51 doit être interprété en le replaçant dans son contexte, compte tenu de l'économie ou de l'esprit de la Loi.
Dans l'affaire Canadian Celanese Ltd. c. B.V.D. Company Ltd. 4 , le comité judiciaire du Conseil privé a décidé qu'une renonciation ne portant pas sur une revendication complète était valable. Il avait alors appliqué l'article 50 de la Loi sur les brevets du Canada de 1935, dont le libellé est pratiquement le même que celui de l'article 51 de la Loi actuelle. La Cour suprême du Canada avait jugé que le brevet n'était pas valable au motif que les revendications étaient trop étendues et cou- vraient plus que la prétendue invention ne divul- guait dans le texte du mémoire descriptif et que les revendications, ainsi entendues, figuraient déjà dans plusieurs autres brevets; mais avant le pro- noncé de l'arrêt, le 19 mars 1937, la Canadian Celanese avait déposé une renonciation, en vertu de l'article 50, restreignant formellement la portée des revendications et en excluant précisément ce que la Cour suprême avait jugé trop étendu. Là-dessus, la Canadian Celanese demanda une nouvelle audition pour que la Cour puisse, dans son arrêt, tenir compte de la renonciation qui avait été déposée. La Cour suprême rejeta la demande et l'affaire fut portée au Conseil privé. A la fin du mémoire descriptif figuraient des revendications portant sur des procédés dont celles ci-dessous, portant les nO3 1 et 4, sont typiques [voir page 127]:
[TRADUCTION] Revendication 1. Un procédé de fabrication d'un matériau composite comportant l'opération qui consiste à soumettre divers tissus superposés, dont l'un au moins contient un dérivé thermoplastique de la cellulose, à la chaleur et à la pression, pour ramollir lesdits dérivés et coller lesdits tissus.
Revendication 4. Un procédé de fabrication d'un matériau composite, comportant l'opération qui consiste à traiter avec un agent de ramollissement un tissus contenant un dérivé thermo- plastique de la cellulose, à poser dessus un autre tissus, pour coller les tissus en les soumettant à la chaleur et à la pression.
La renonciation était ainsi libellée la page 128]:
[TRADUCTION] Et vu que, par erreur, accident ou inadver- tance, et sans intention de frauder ou de tromper le public, le mémoire descriptif a été rédigé en termes trop larges, faisant
Il utilise le mot «partie» comme signifiant, d'après son
dictionnaire, «une partie d'un tout».
4 (1939) 56 R.P.C. 122.
une revendication plus étendue que l'invention de Camille Dreyfus.
En conséquence, le soussigné renonce, dans les revendications 1 à 6 inclusivement et 25, l'usage d'un tissu ou de plusieurs tissus contenant un dérivé thermoplastique de la cellulose, sauf quand ce dérivé thermoplastique de la cellulose se présente sous forme de fils, filaments ou fibres.
Il renonce en outre, dans les revendications 7 à 12 inclusive- ment, à l'utilisation d'un tissu ou de plusieurs tissus contenant un dérivé organique de la cellulose, sauf quand ce dérivé organique de la cellulose est sous forme de fils, filaments ou fibres.
Il renonce en outre, dans les revendications 13 18 inclusive- ment, à l'utilisation d'un tissu ou de plusieurs tissus contenant un ester de cellulose, sauf quand cet ester de cellulose est sous forme de fils, filaments ou fibres.
Il renonce en outre, dans les revendications 19 24 inclusive- ment, à l'usage d'un tissu ou de plusieurs tissus contenant de l'acétate de cellulose, sauf quand cet acétate de cellulose est sous forme de fils, filaments ou fibres.
Le Comité judiciaire refusa d'intervenir dans la décision de la Cour suprême rejetant, dans l'exer- cice de son pouvoir discrétionnaire, la demande de nouvelle audition, mais proposa de modifier l'or- donnance de la Cour suprême et déclara à la page 134:
[TRADUCTION] Cependant il reste à examiner un point important. L'ordonnance du 19 mars 1937 déclara formelle- ment que le brevet 265,960 était nul. Un certificat de cette ordonnance peut, en vertu de l'article 62 de la Loi sur les brevets de 1935, être consigné en marge de l'inscription du brevet au Bureau des brevets, auquel cas, comme le prévoit l'article «le brevet ou telle partie du brevet qui a été ainsi annulé devient alors nul et de nul effet et doit être tenu pour tel, à moins que le jugement ne soit infirmé en appel». Dans sa forme actuelle, l'ordonnance déclare que le brevet en entier est annulé; mais le brevet, tel qu'il existe maintenant, protège l'invention qui est décrite dans le mémoire descriptif tel que modifié par la renonciation. Il est évident que le brevet, dans sa teneur actuelle, ne court aucun risque d'annulation par suite de la présente action. Pour éviter un tel risque, leurs Seigneuries ont proposé une solution, à laquelle l'intimée a consenti, savoir, que l'ordonnance du 19 mars 1937 soit modifiée en y rempla- çant les mots «le brevet 265,960 de l'intimée dont il s'agit dans cet appel» par les mots «les revendications du brevet 265,960 tel que présentées par le breveté dans la teneur origi- naire du mémoire descriptif».
En ce qui concerne la renonciation et ses effets sur les droits des parties, le Comité judiciaire déclarait à la page 133:
[TRADUCTION] En ce qui concerne l'ordonnance du 19 mars 1937, leurs Seigneuries souscrivent à l'interprétation donnée aux revendications par la Cour suprême et elles s'accordent aussi avec la Cour suprême pour déclarer que, sur la base de cette interprétation, le brevet se heurtait à des antériorités, de
sorte que, à défaut de renonciation, le brevet serait nul et non avenu.
Cependant, il reste à examiner la renonciation et ses effets sur les droits des parties en cause et sur le présent appel.
La renonciation est inconditionnelle et doit nécessairement l'être. La Loi n'envisage ni n'autorise une revendication condi- tionnelle. Dès son dépôt et son enregistrement au bureau du commissaire, la renonciation était intégrée au brevet; seules subsistent les revendications telles que modifiées par la renon- ciation, et la seule invention protégée par les lettres patentes est celle décrite dans le mémoire descriptif ainsi modifiée.
Par la suite, la Cour suprême du Canada eut à statuer sur le même brevet et les redevances dues en vertu d'un contrat de licence, dans l'arrêt Trubenizing Process Corporation c. John Forsyth Ltd. 5 La Cour décida que la convention relative au
paiement des redevances était indépendante et sub- sistait malgré les jugements rendus au sujet du brevet, et le juge Davis (le juge en chef Duff et les juges Hudson et Taschereau souscrivant à son opinion) déclarait à la page 130:
[TRADUCTION] L'intimée, tout en soutenant qu'elle n'a pas besoin pour sa défense de s'appuyer sur le fait que, par la suite, l'autre brevet a été déclaré nul par cette Cour, dont l'ordon- nance a été simplement modifiée par le Comité judiciaire pour préserver le brevet dans sa teneur actuelle avec les restrictions apportées par la renonciation enregistrée après la décision de cette cour, prétend que sa défense se trouve renforcée par la déclaration de nullité des «revendications du brevet, telles que présentées par le breveté dans son mémoire descriptif origi- naire», ce qui traduit l'état du brevet à la date du contrat de licence; et que l'intimée ne peut, en vertu du contrat de licence, être lésée par la renonciation subséquente. Mais on écarte ainsi l'application de la disposition légale de l'article 50(2) de la Loi sur les brevets susmentionné, qui stipule que «la renonciation est, par la suite, censée faire partie du mémoire descriptif original».
Malgré le sort du brevet ayant fait l'objet de la renonciation, dans le précédent litige, l'intimé a continué non seulement de payer les redevances dues en vertu du contrat de licence jusqu'en juillet 1937, mais encore à confectionner et à vendre des chemises qui correspondaient au mémoire descriptif du brevet, jusqu'à la date d'audience de cette instance. Elle a confectionné environ 36,800 douzaines de chemises entre juillet 1937 et septembre 1940 (dossier page 46). Une renonciation peut bien conserver un brevet assurant au breveté la protection et la jouissance. La renonciation en l'espèce n'a pas affecté l'invention divulguée dans le mémoire descriptif; elle a simple- ment réduit les revendications à la taille de l'invention.
Il ressort de ces deux affaires portant sur des renonciations faites en vertu de l'article 50, qui correspond à l'actuel article 51, que les tribunaux
(1943-44) 3 Fox Pat. C. 123.
ont décidé que la renonciation, qui portait sur une matière moins étendue qu'une revendication entière, était valable. Je me rends compte que, dans ces deux affaires, on n'a pas soulevé la ques tion de savoir si une renonciation, pour être vala- ble, doit porter sur une revendication complète; cependant, les tribunaux interprétaient l'article, et s'ils avaient pensé que la renonciation n'était pas valable parce qu'elle ne portait pas sur une reven- dication complète, il me paraît probable qu'ils n'auraient pas négligé ce point.
Il me paraît aussi à propos de souligner que dans l'arrêt AMP Incorporated c. Hellerman Ltd. 6 , Lord Denning a déclaré à la page 70:
[TRADUCTION] Dans toutes les lois relatives aux brevets, on a permis au breveté, sous certaines conditions, de faire une «renonciation» portant sur une partie de ce qu'il revendique; et, autant que je sache, cela a toujours été interprété de manière à lui permettre de réduire la portée de son monopole en convertis- sant une revendication large (susceptible de deux ou plusieurs modalités d'interprétation) en une revendication précise (sus- ceptible seulement d'une de ces modalités d'interprétation).
L'avocat de la demanderesse s'est aussi référé au fait qu'aux États-Unis, avant 1958, une renoncia- tion pouvait porter sur une matière moins étendue qu'une revendication complète, mais que mainte- nant, d'après l'actuelle Loi sur les brevets, les seules renonciations valables sont celles qui portent sur des revendications entières ou sur la partie finale des clauses du brevet, tel que le précise l'ouvrage de Walker sur les brevets, paragraphe 277. Cependant, je ne citerai pas de décisions américaines, car la Loi des États-Unis diffère sur beaucoup de points de notre loi, quoiqu'on ait fait de larges emprunts au système américain dans les dispositions légales de la Loi canadienne.
L'avocat a invoqué plusieurs dispositions de la Loi sur les brevets, mais je ne pense pas qu'il me soit nécessaire de faire une analyse détaillée de chacune d'elles à ce moment, quoique maintenant je tienne à dire que je pense que l'article 50, sous la rubrique «REDÉLIVRANCE DE BREVETS» et l'ar- ticle 51, sous la rubrique «RENONCIATIONS» trai- tent de situations différentes, et que chaque article apporte un redressement à la situation à laquelle il s'applique, pour assurer la validité des brevets, conformément à l'économie de la Loi.
6 [1962] R.P.C. 55.
L'actuelle pratique du Bureau des brevets en matière de renonciation (telle que portée à la connaissance des praticiens en matière de brevets par l'avis, pièce «F», en février. 1970, en vertu duquel les renonciations ne sont enregistrées que lorsqu'elles portent sur des revendications complè- tes) peut avoir le mérite de l'a simplicité et peut aussi servir à établir une nette distinction entre ce qui est visé dans la renonciation et ce qui ne l'est pas. La possibilité que certaines renonciations dont on demande l'enregistrement négligent de faire cette distinction fournit un argument en faveur de l'interprétation du commissaire, savoir que seules les revendications complètes peuvent faire l'objet de renonciation. Mais, à mon avis, la pratique qui limite les renonciations aux revendications complè- tes est fondée sur une mauvaise interprétation de l'article 51. A mon avis, une renonciation, faite en vertu de cet article, doit porter sur quelque chose qui entre dans le cadre du monopole d'exploitation et de la portée d'une ou de plusieurs réclamations du brevet, mais ne doit pas nécessairement, pour être valable et enregistrable, porter sur une ou plusieurs revendications complètes. A mon avis, on ne peut du sens grammatical ordinaire des termes de l'article 51, placés dans leur contexte dans le cadre de la Loi et interprétés conformément à l'esprit et à l'économie de la Loi, conclure à bon droit que les renonciations se limitent aux revendi- cations complètes.
En conséquence, je pense qu'en l'espèce, le com- missaire a commis une erreur en refusant d'enre- gistrer la renonciation au seul motif qu'elle ne visait pas une réclamation complète, ce motif étant le seul invoqué pour justifier ce refus, avant l'intro- duction de cette instance.
La défense prétend qu'une renonciation portant sur des éléments d'une revendication, étant suscep tible d'engendrer des abus, n'est pas conforme à l'intérêt public. Naturellement, dans l'adoption de la Loi, l'intérêt public constituait l'un des objectifs voire l'objectif principal, mais si l'article 51, inter- prété, convenablement, autorise la renonciation partielle à des revendications, c'est en modifiant la disposition qu'on pourra remédier aux abus de son utilisation et non pas en y lisant ce qui, d'après la juste interprétation, n'y est pas dit.
La défense allègue que la demanderesse essaye d'échapper aux délais imposés par l'actuel article
50 de la Loi sur les brevets en ayant recours aux dispositions de l'article 51 sur la renonciation. Les pièces du dossier ne justifient pas, à mon avis, cette allégation.
A l'audience, on a aussi soutenu au nom du commissaire qu'on ne pouvait considérer, sur la base des preuves soumises au commissaire et à cette cour, qu'il y avait une «erreur» au sens de l'article 51 en ce que le brevet, tel que délivré, ne représentait pas ce que l'inventeur voulait réelle- ment revendiquer, et que par conséquent la demanderesse n'avait pas droit à un bref de man- damus en l'espèce.
Dans la renonciation, pièce «C», il est précisé que le mémoire descriptif était trop étendu et qu'on y mentionnait comme élément de l'invention un certain composé désigné qui, à l'insu du breveté et avant la délivrance du brevet, avait été divulgué dans un brevet allemand en date du 5 septembre 1940; la lettre, pièce «B», qui accompagnait la renonciation indiquait aussi qu'on avait appris après la délivrance du brevet que ledit composé avait été divulgué dans le brevet allemand de 1940; et l'avocat de la demanderesse a soutenu qu'il y avait ainsi une «erreur» de la part du breveté, comme on l'avait expliqué au commissaire lors du dépôt de la renonciation, et que le commissaire n'a pas mis en doute la réalité d'une telle erreur mais a refusé pour d'autres motifs, d'enregistrer la renon- ciation, et qu'il ne doit pas être autorisé en l'espèce à mettre en doute l'existence d'une erreur.
Il se peut que le défaut de découvrir une divul- gation antérieure n'entre pas dans le cadre de l'article lorsque le brevet qui a été délivré expri- mait exactement l'intention du breveté en ce qui a trait à l'étendue des revendications'.
En l'espèce, on n'a aucune raison de penser qu'il y avait ou qu'il y a mauvaise foi de la part de la demanderesse et je suis disposé à conclure et je conclus que c'était par «erreur, accident ou inad- vertance», au sens de ces mots dans l'article 51, que le breveté n'a pas découvert que ledit composé, auquel il essaye maintenant de renoncer, avait été divulgué dans un brevet allemand et qu'il l'a donc
Voir Farbwerke Hoechst Aktiengesellschaft c. Le commis- saire des brevets [1966] R.C.S. 604, 615, il s'agissait d'une demande de redélivrance de brevet en vertu de l'article 50.
revendiqué dans son mémoire descriptif en vue d'un brevet canadien.
Le motif invoqué dans la défense, savoir qu'il n'y a pas eu d'«erreur», n'est pas le motif pour lequel le commissaire a refusé d'enregistrer la renonciation. Je ne dis pas que le moyen fondé sur l'erreur ne peut être invoqué en l'espèce, mais je pense que la question plus large, qui a une impor tance beaucoup plus grande pour les parties et pour les praticiens en matière de brevets, est celle de l'interprétation de l'article 51, savoir si une renonciation doit nécessairement viser une revendi- cation complète.
L'avocat du commissaire a soutenu qu'il n'y avait pas lieu d'accorder de bref de mandamus, car on ne peut pas dire que l'article 51 a imposé au commissaire l'obligation d'enregistrer la renoncia- tion, obligation dont l'exécution ou la non-exécu- tion n'est pas laissée à sa discrétion, et qu'en dépit de l'emploi du mot «doit», le contexte indique clairement que le législateur n'avait pas l'intention d'imposer impérativement au commissaire l'obliga- tion de recevoir et d'enregistrer tous les documents qui prétendent être des renonciations.
Sur ce point, l'avocat de la demanderesse a soutenu qu'aucun appel n'est prévu en ce qui con- cerne le refus du commissaire d'enregistrer une renonciation et que la demanderesse peut obtenir de cette cour, en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale, un bref de mandamus, enjoi- gnant le commissaire de se conformer à l'article 51 de la Loi sur les brevets et d'exécuter son obliga tion administrative d'enregistrer la renonciation, car il ne peut s'y soustraire à discrétion, ou même s'il a cette discrétion, il n'a pas le droit de refuser d'enregistrer une renonciation par suite d'une mauvaise interprétation de l'article 51 ou en raison de considérations non pertinentes ou sans rapport avec la question.
A ce sujet, je pense que le commissaire a le devoir d'examiner et de déterminer si un document qu'on veut faire enregistrer en vertu de l'article 51 constitue effectivement une renonciation au sens de cet article, mais si ce document constitue réelle- ment une renonciation et si les conditions de son enregistrement sont réunies, il y a, à mon avis, un devoir administratif imposé par la Loi au commis- saire de l'enregistrer, et il n'a pas le choix de ne
pas le faire, et un bref de mandamus est le recours approprié quand le commissaire, dans un tel cas, a refusé d'enregistrer la renonciation parce qu'il s'est fondé sur une fausse interprétation de l'article 51 et qu'il a ainsi manqué à un devoir que l'article lui imposait.
En conséquence, si la Division de première ins tance peut connaître de cette affaire, j'accorderai à la demanderesse le bref de mandamus qu'elle réclame. Reste à décider si la Division de première instance possède une telle compétence.
Jusqu'à maintenant je me suis occupé du fond de l'affaire et des prétentions des parties, sauf en ce qui concerne la question de savoir si cette cour, la Division de première instance, est compétente pour entendre cette affaire. Les articles pertinents de la Loi sur la Cour fédérale sont les articles 18 et 28 dont voici des extraits:
18. La Division de première instance a compétence exclusive en première instance
a) pour émettre une injonction, un bref de certiorari, un bref de mandamus, un bref de prohibition ou un bref de quo warranto, ou pour rendre un jugement déclaratoire, contre tout office, toute commission ou tout autre tribunal fédéral; et
b) pour entendre et juger toute demande de redressement de la nature de celui qu'envisage l'alinéa a), et notamment toute procédure engagée contre le procureur général du Canada aux fins d'obtenir le redressement contre un office, une commission ou à un autre tribunal fédéral.
28. (1) Nonobstant l'article 18 ou les dispositions de toute autre loi, la Cour d'appel a compétence pour entendre et juger une demande d'examen et d'annulation d'une décision ou ordonnance, autre qu'une décision ou ordonnance de nature administrative qui n'est pas légalement soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire, rendue par un office, une com mission ou un autre tribunal fédéral ou à l'occasion de procédu- res devant un office, une commission ou un autre tribunal fédéral, au motif que l'office, la commission ou le tribunal
a) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
b) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du dossier; ou
(3) Lorsque, en vertu du présent article, la Cour d'appel a compétence pour entendre et juger une demande d'examen et d'annulation d'une décision ou ordonnance, la Division de première instance est sans compétence pour connaître de toute procédure relati‘'e à cette décision ou ordonnance.
Il n'est pas contesté que le commissaire des brevets est un «office, commission ou autre tribu-
nal fédéral», au sens de l'article 28 de la définition figurant à l'article 2 de la Loi sur la Cour fédérale.
Dans l'arrêt Howarth c. La Commission natio- nale des libérations conditionnelles', la Cour suprême du Canada a décidé récemment qu'alors que les dispositions générales de l'article 18 de la Loi confèrent à la Division de première instance un pouvoir général de contrôle sur les offices fédé- raux, sans aucune restriction en ce qui concerne la nature de la décision en question, le nouveau recours créé par l'article 28 s'applique uniquement aux décisions judiciaires ou aux décisions ou ordonnances administratives qui sont légalement soumises à un processus judiciaire ou quasi judi- ciaire; et que le nouveau recours prévu à l'article 28 ne s'applique pas aux décisions de nature admi nistrative qui ne sont pas légalement soumises à un processus judiciaire ou quasi judiciaire, et que la Loi sur la Cour fédérale n'a apporté aucun chan- gement aux autres recours, y compris les recours de common law, à la seule différence que la com- pétence n'appartient plus aux cours supérieures des provinces, mais exclusivement à la Division de première instance de la Cour fédérale.
On peut raisonnablement soutenir que la déci- sion d'enregistrer ou de ne pas enregistrer, selon le cas, une renonciation déposée en vertu de l'article 51 de la Loi sur les brevets, est de nature adminis trative et n'est pas légalement soumise à un pro- cessus judiciaire ou quasi judiciaire. Cependant, je pense que tel n'est pas le cas, mais qu'il s'agit plutôt d'une décision de nature administrative, légalement soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire, et que la Cour d'appel fédérale est compétente en vertu de l'article 28 (1) de la Loi sur la Cour fédérale pour entendre et juger une demande, fondée sur l'un des motifs énumérés dans ce paragraphe, d'examen et d'annulation de la décision du commissaire refusant d'enregistrer la renonciation en question. Mais je ne suis pas parvenu à cette conclusion sans quelque peu douter de sa justesse. Pour aboutir à cette conclusion, j'ai tenu compte de l'économie de la Loi sur les bre- vets, des fonctions et devoirs du commissaire et du fait qu'en vertu de l'article 51 il doit déterminer si le document présenté est réellement une renoncia- tion dans le cadre de l'article, si les conditions de
8 (1974) 18 C.C.C. (2' éd.) 385 (Can.).
son enregistrement sont réunies, et, je pense aussi, s'il distingue nettement l'élément de l'invention auquel il ne renonce pas et qui constitue véritable- ment l'invention de l'auteur de la renonciation, des autres éléments indûment revendiqués, car, me semble-t-il le paragraphe (5) ne prescrirait pas que le brevet, après la renonciation est considéré comme valide quant à l'élément auquel il n'a pas été renoncé à moins que l'auteur de la renonciation ne fasse cette distinction. Je pense que la décision sur de telles questions, décision qui peut affecter les droits légitimes de l'auteur de la renonciation, est loin d'être une opération mécanique ou pure- ment administrative; elle exige l'application à des faits, de règles de droits et de normes objectives, et non pas de normes subjectives de politique, d'op- portunité, ou de discrétion administrative; et à mon avis, le commissaire est implicitement dans l'obligation d'agir judiciairement en rendant une décision au sujet d'une renonciation présentée en vertu de l'article 51.
En conséquence, il s'ensuit que je dois conclure que cette Division de première instance n'est pas compétente pour entendre de la présente affaire, et que je dois refuser le redressement sollicité par voie d'un bref de mandamus et que je dois rejeter l'action.
Il n'y a aura pas de dépens entre parties, puisque aucune d'elles n'a entièrement eu gain de cause.
Conformément à la Règle 337(2)b) des Règles de la Cour fédérale, l'avocat pourra préparer un projet de jugement approprié pour donner effet à la décision de la Cour et demander que ce juge- ment soit prononcé.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.