Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

A-39-75
Okanagan Helicopters Ltd. (Requérante) c.
La Commission canadienne des transports et Erickson Air-Crane Company (Intimées)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges Pratte et Ryan—Ottawa, les 17 et 20 mars 1975.
Examen judiciaire—Appel—La Commission canadienne des transports autorisant l'intimée à exploiter temporairement un service aérien—La Commission a-t-elle commis une erreur en n'avisant pas la requérante de la demande de l'intimée et en ne lui accordant pas la possibilité d'être entendue—Loi nationale sur les transports, S.R.C. 1970, c. N-17 et ses modifications, art. 64(2) et (5)—Loi sur l'aéronautique, S.R.C. 1970, c. A-3 et ses modifications, art. 16(1), (3) et (4)—Loi sur la Cour fédérale, art. 28 et 29 Règlement sur les transporteurs aériens, DORS/72-145, art. 3(1)g)(0), 8(6) et 9d).
Craignant que l'intimée Erickson ne sollicite l'autorisation d'importer l'aéronef Skycrane devant servir à la construction de l'antenne de la tour du C.N. à Toronto, la Okanagan, une compagnie canadienne a avisé la Commission qu'elle avait «la possibilité et les moyens» de fournir ce service. Par la suite, la Okanagan reçut l'autorisation, valable pendant un an, d'exploi- ter un service aérien utilisant le Skycrane. Mise au courant du fait que la Erickson essayait d'obtenir l'autorisation, la requé- rante demanda à la Commission de la tenir informée de telles demandes et d'avoir la possibilité de faire des observations. Finalement, la Erickson fut choisie par la Canron Limited, chargée de la construction de l'antenne de la tour, et demanda un permis. Compte tenu du fait que la C.N. Tower Ltd. et la Canron avaient choisi la Erickson, le comité des transports aériens accorda à cette dernière une autorisation temporaire. La Okanagan a soutenu qu'en ne lui accordant pas la possibilité de se faire entendre relativement à la demande présentée par la Erickson, le comité a violé les principes de justice naturelle.
Arrêt: la requête et l'appel sont rejetés; il n'existe aucune disposition légale ou` réglementaire qui exige de donner avis ou d'accorder la possibilité d'être entendu. On n'a pas refusé de permis à la Okanagan, ni modifié ou annulé son permis d'un an. Elle n'a fait, en ce qui concerne son permis, aucun investisse- ment important qui, du point de vue de l'intérêt public, pourrait lui garantir une protection. Les faits ne prouvent pas qu'elle avait un intérêt suffisant, lui conférant les droits réclamés. Le comité n'a pas commis d'erreur de droit en prenant en considé- ration les offres de contrat et la préférence de l'entrepreneur pour la Erickson. En vertu de l'article 64(2) de la Loi nationale sur les transports, il existe un droit d'appel devant cette cour relativement aux questions soulevées dans une demande présen- tée en vertu de l'article 28. En raison de l'article 29 de la Loi sur la Cour fédérale, une demande présentée en vertu de l'article 28 n'est pas recevable. En vertu de l'article 64(5) de la Loi nationale sur les transports, la Cour avise la Commission que l'appel de la décision du comité était irrecevable au fond.
EXAMEN judiciaire et appel.
AVOCATS:
F. Lemieux et M. Phelan pour la requérante. W. G. St. John pour l'intimée, la Commission canadienne des transports.
D. I. Brenner pour l'intimée, Erickson Air- Crane Company.
PROCUREURS:
Herridge, Tolmie, Gray, Coyne et Blair, Ottawa, pour la requérante.
Les Services juridiques de la Commission canadienne des transports, pour la Commis sion canadienne des transports.
Brenner, Abraham, Maxwell & Cie, Vancou- ver, pour l'intimée, Erickson Air-Crane Company.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés oralement par
LE JUGE RYAN: Okanagan Helicopters Ltd. (ci-après appelée «Okanagan») a introduit, en vertu de l'article 28, une demande d'examen et d'annulation d'une décision du comité des trans ports aériens de la Commission canadienne des transports, en date du 21 janvier 1975, autorisant l'intimée, Erickson Air-Crane Company (ci-après appelée «Erickson»), à exploiter temporairement un service aérien commercial spécialisé 1 (classe 7)—construction au moyen d'aéronefs—afin de fournir un hélicoptère S64E requis pour la cons truction de la tour C.N. à Toronto. Il est égale- ment interjeté appel de la même décision en vertu du paragraphe 64(2) de la Loi nationale sur les transports 2 . Sur ordre de la Cour, la demande et l'appel font l'objet d'une procédure unique.
Okanagan et Erickson avaient toutes deux été avisées, peu de temps avant le mois de janvier 1974, du projet de construction de la tour C.N. et savaient que l'hélicoptère Sikorsky Skycrane était en mesure d'effectuer le travail voulu. La Canron Limited avait été choisie pour ériger la partie
La classe 7: service aérien commercial spécialisé, construc tion au moyen d'aéronefs, relève du service aérien commercial établi par le sous-alinéa 3(1)g)(ii) du Règlement sur les trans- porteurs aériens, DORS/72-145. Il concerne «l'emploi d'aéro- nefs à voilure tournante dans les travaux de construction, y compris le levage de fardeaux, la construction de voies ferrées en montagne, la pose de poteaux, la construction de lignes de transport d'énergie».
z S.R.C. 1970, c. N-17, et ses modifications.
supérieure de la structure de la tour, comprenant un mât en acier de 300 pieds de haut et d'un poids d'environ 300 tonnes. Dans le cadre de ce projet, on avait mené, au moins depuis l'été 1973, des
négociations et des discussions techniques avec Erickson.
En novembre 1973, les avocats d'Okanagan ont écrit au comité des transports aériens au sujet d'une éventuelle demande présentée par Erickson sollicitant l'autorisation d'importer un aéronef Skycrane S64E devant servir à la construction de l'antenne de la tour. Les avocats demandaient que cette importation soit refusée [TRADUCTION] «puisque nos clients ont la possibilité et les moyens de fournir ce service et sont désireux et capables de le faire».
Le secrétaire du comité des transports aériens a adressé la réponse suivante, le 27 novembre 1973:
[TRADUCTION] Nous pouvons affirmer que la politique du comité a toujours consisté à demander aux transporteurs étran- gers cherchant à signer des contrats pour la prestation de services aériens au Canada, dans la mesure du possible, de les conclure sous l'autorité d'un transporteur canadien détenant le permis approprié.
Il faudrait remarquer, toutefois, qu'un transporteur canadien doit nécessairement avoir le permis approprié avant que la question de l'importation d'aéronef, ne puisse être examinée, même s'il ne s'agissait que d'un permis temporaire.
Par ordonnance émise le 31 janvier 1974, le comité des transports aériens autorisait Okanagan à exploiter un service aérien commercial spécialisé (classe 7)—construction au moyen d'aéronefs— utilisant un aéronef Sikorsky S64E (Skycrane) du groupe E-RW en vertu de son permis A.T.B. 512/50(H) déjà existant. Cette autorisation était valable un an et expirait le 31 janvier 1975. Aux termes de l'ordonnance, Okanagan était tenu d'in- former le comité de ses intentions futures et ce, au plus tard le 31 octobre 1974.
La lettre de la Evergreen Helicopters, Inc., de McMinnville (Oregon) , datée du 22 janvier 1974 et adressée à Okanagan est manifestement en rapport avec le permis délivré le 31 janvier 1974 Okana- gan. En voici le contenu:
[TRADUCTION] La présente lettre confirme notre intention de conclure un contrat de location d'un an avec la Okanagan Helicopters Ltd. pour l'utilisation intermittente de notre S-64 par Okanagan pendant toute la durée dudit contrat.
En plus de cet hélicoptère S-64, la Evergreen Helicopters est prête à fournir, suivant les besoins, les pilotes et les mécaniciens
qualifiés, à assurer l'entretien conformément aux normes du ministère des Transports de l'Ontario et à fournir le matériel d'appoint et les pièces de rechange. Une assurance couvrant l'aéronef et les risques divers, conforme aux exigences pour chaque heure de vol effectuée au Canada par l'aéronef, sera fournie dans la mesure convenue entre les parties ci-dessus.
Okanagan remplira les formalités nécessaires au Canada pour l'entrée de l'aéronef, les équipages, les servitudes et tout ce qui peut être nécessaire pour la réalisation de chaque projet parti- culier pendant la durée du contrat.
Il est convenu que, puisque le coût de chaque projet de cons truction particulier au moyen d'un hélicoptère doit se juger sur sa valeur propre et implique des approches opérationnelles différentes, il faudra déterminer les sommes dues par Okana- gan à Evergreen pour chaque projet particulier. A cet égard, le prix de la location sera calculé et fera l'objet d'un accord mutuel avant le début de chaque projet pendant la durée du contrat.
Par lettre en date du 17 mai 1974 adressée au secrétaire du comité, les avocats d'Okanagan déclaraient savoir qu'une autre compagnie d'héli- coptères essayait d'obtenir une autorisation du groupe E pour exploiter un plus gros aéronef dans la catégorie des aéronefs à voilure tournante. Ils demandaient à être tenus informés de ces deman- des et manifestaient l'intention d'intervenir et de déposer des observations portant que l'octroi de toute nouvelle autorisation s'appliquant au groupe E au Canada ne pouvait aucunement se justifier et porterait préjudice à l'autorisation d'Okanagan d'exploiter un aéronef du groupe E dans le domaine de la construction au moyen d'aéronefs. Le secrétaire du comité a formulé la réponse suivante:
[TRADUCTION] Comme vous le savez, la construction au moyen d'aéronefs, service spécialisé (classe 7) n'exige aucun avis public ni la preuve de son bien-fondé ou de sa nécessité. Pour ces motifs, il n'y a pas lieu de s'opposer à ces demandes particulières.
Le 5 juin 1974, sur demande d'Okanagan, ses avocats adressèrent au comité une nouvelle lettre dans laquelle ils déclaraient savoir qu'une autre personne avait demandé soit un permis de la classe 4 soit un permis de la classe 7, groupe E-RW à voilure tournante. Ils demandaient à nouveau la possibilité de déposer leurs observations. La réponse précisait cette fois-là que les demandes pour obtenir le permis de la classe 4 feraient l'objet d'avis public et que certaines sous-catégo- ries de la classe 7 font l'objet d'avis public: [TRA- DUCTION] «De toute façon, nous notons que vous demandez la possibilité de déposer vos observa tions relativement à ces demandes et, à cet égard,
votre requête sera examinée et vous serez avisée de la directive prise par le comité aussitôt qu'elle sera connue». Il s'agirait, sans doute, d'une directive, s'il en est, que le comité pourrait prendre confor- mément à l'article 8(6) du Règlement sur les transporteurs aériens'.
Par lettre en date du 31 octobre 1974 rédigée conformément aux termes de l'ordonnance du comité du 31 janvier 1974, Okanagan demanda la prorogation de son permis pour exploiter un aéro- nef Sikorsky S64E (Skycrane) du groupe E-RW pour une période supplémentaire d'un an; elle étaya sa demande en donnant le détail de ses intentions futures: la lettre faisait mention du fait qu'Okanagan [TRADUCTION] «a engagé des négo- ciations avec la Canron et les informe qu'elle fait tout son possible pour fournir le service d'aéronef S-64 le plus économique».
Le secrétaire du comité des transports aériens accusa réception de cette lettre le 13 décembre 1974. La lettre du secrétaire faisait état d'un contrat éventuel entre Okanagan et la Canron Limited:
[TRADUCTION] Je suis tenu de vous informer que le comité, avant de pouvoir rendre une décision sur la demande de proro- gation du permis pour une période supplémentaire d'un an, demande des renseignements sur les chiffres avancés par Oka- nagan à l'égard d'un contrat éventuel avec la Canron Limited.
Cette lettre confirme également la visite de K. W. Steele, représentant de la Okanagan Helicopters Ltd. qui s'est présenté à nos bureaux mercredi dernier, le 11 décembre, et a relaté les discussions qui avaient eu lieu avec la Canron Limited. Vous pourriez utilement adresser au comité tous les renseignements écrits sur les progrès réalisés qui, selon moi, peuvent être afférents à un contrat éventuel. Vous pourriez aussi utilement faire état du genre d'accords que vous envisagez de conclure quant à l'utilisation possible du Sky Crane au Canada en vertu du permis que détient la compagnie.
La lettre accusait également réception des copies de la correspondance échangée entre Oka- nagan et Erickson au sujet des accords possibles entre les compagnies pour l'utilisation d'un Sky- crane Erickson au Canada.
Le 30 décembre 1974, Okanagan répondait en détail à la lettre du comité du 13 décembre 1974.
3 Voici le texte du paragraphe 8(6) du Règlement sur les transporteurs aériens, DORS/72-145.
(6) Le Comité peut exiger que le postulant, à ses frais, fasse connaître sa demande par avis public ou autrement, comme il le juge raisonnable.
Dans sa réponse, elle indiquait que la compagnie rassemblait les données aux fins de faire une offre formelle à la Canron le 15 janvier 1975. Elle soulignait également les possibilités et les projets de développement de l'emploi d'hélicoptères dans le domaine de la construction.
Par lettre datée du 5 décembre 1974, Eccles, directeur des opérations de la Canron Limited, Eastern Structural Division, s'est adressé aux avo- cats d'Erickson. Voici un extrait de cette lettre:
[TRADUCTION] Au terme de longues discussions avec la Erick- son Air-Crane et l'Okanagan Helicopters Ltd., nous avons décidé qu'Erickson était la compagnie la plus apte à nous fournir un service d'hélicoptères dans le cadre de ce projet. Toutefois, le comité des transports aériens d'Ottawa nous a informés qu'Erickson n'avait ni demandé ni obtenu de permis. En conséquence, nous requérons que vous introduisiez cette demande de façon que, une fois le permis obtenu, nous puis- sions signer un contrat avec Erickson pour l'exécution du travail.
Par lettre datée du 13 janvier 1975, les avocats d'Erickson adressèrent au comité des transports aériens la demande de leur cliente datée du 8 janvier 1975. Cette demande visait à obtenir une autorisation temporaire pour exploiter un service aérien commercial spécialisé (classe 7), construc tion au moyen d'aéronefs, utilisant un aéronef du groupe E-RW; il s'agissait expressément d'obtenir l'autorisation d'assurer un service d'hélicoptère pour aider la Canron Limited à fournir et à ériger le mât soutenant l'antenne dans le cadre du projet de la tour C.N. à Toronto.
La demande d'Erickson mentionnait Okanagan et visait à étayer la demande émanant de la Canron et de la C.N. Tower Limited, en voici un extrait:
[TRADUCTION] La compagnie Erickson Air-Crane prétend qu'il n'existe aucun exploitant au Canada actuellement titulaire d'un permis et possédant soit le personnel expérimenté soit les connaissances techniques requises pour exécuter le service pro- jeté. Il est allégué, par ailleurs, que la compagnie Erickson Air-Crane est le seul exploitant au monde actuellement capable de fournir ce service unique et spécialisé requis pour ériger le mât soutenant l'antenne dans le cadre du projet de la tour C.N.
Cette demande est présentée avec l'assentiment et l'appui com- plets tant de la Canron Limited que de la C.N. Tower Limited comme l'indiquent les pièces ci-jointes.
La requérante connaît la politique du comité concernant l'oc- troi de permis aux transporteurs aériens étrangers; toutefois, en l'espèce, aux fins d'achever la construction de la structure en acier sur l'emplacement de la tour C.N. la requérante prétend, en toute déférence, qu'il n'existe aucun exploitant au Canada apte à fournir le service en cause.
Pour autant que la requérante le sache, un seul transporteur aérien au Canada détient actuellement un permis l'autorisant à exploiter un aéronef S-64E au Canada. Il s'agit de la Okanagan Helicopters Ltd. qui a obtenu une autorisation temporaire d'un (1) an en janvier ou février 1974 et a conclu un contrat de location avec la Evergreen Helicopters Ltd. de l'Orégon. En dépit de cet «accord» entre Okanagan et Evergreen, aucune des deux compagnies n'a exploité un aéronef S-64E au Canada ni avant ni après l'obtention de ce permis.
Bien qu'elle ait sollicité une offre de la Okanagan Helicopters Ltd. dans le cadre du projet de construction de la tour C.N., la Canron Limited, le 3 janvier 1975, n'avait reçu aucune proposi tion satisfaisante de la part d'Okanagan. En tout état de cause, la Canron considère que ni la Okanagan Helicopters Ltd. ni la Evergreen Helicopters Ltd. ne possèdent la compétence techni que requise pour la prestation du service que la requérante se propose de fournir.
5. MOYENS DE TRANSPORT ACTUELS
Comme on l'a souligné précédemment, il n'existe aucun aéronef S-64E basé au Canada susceptible d'être loué. La Okanagan est la seule détentrice de permis au Canada, elle n'a jamais exploité de S-64E au Canada depuis qu'elle a obtenu une autorisation temporaire d'exploitation valable un an, qui vient prochainement à expiration.
Par lettre datée du 15 janvier 1975, Okanagan a présenté une offre détaillée à la Canron Limited pour le service d'hélicoptère. Une copie de cette offre, accompagnée d'une ventilation du prix, a été adressée au comité des transports aériens. Par télex du 17 janvier 1975 la Canron Limited a informé la Commission des prix forfaitaires et frais supplémentaires figurant dans les offres res- pectives d'Okanagan et d'Erickson pour fournir le service d'hélicoptère dans le cadre de la construc tion de l'antenne de la tour.
Okanagan a également adressé un message à la Commission, que celle-ci a reçu le 20 janvier 1975, dans lequel elle demandait à être tenue informée de toutes les demandes d'autorisation spéciale pour l'exploitation d'un aéronef du groupe E au Canada et sollicitait la possibilité d'assister à la réunion du comité avant qu'il ne prenne une décision.
Je voudrais ajouter qu'immédiatement avant que le comité des transports aériens ne procède à l'audition de la demande d'Erickson, Malachy Grant, directeur des projets et de la construction de la C.N. Tower Ltd., a envoyé un message télex à la Commission dans lequel il indiquait que sa compagnie avait analysé les possibilités et était convaincue que [TRADUCTION] « ... il ne serait pas prudent d'utiliser dans le cadre de ce projet d'autres pilotes que ceux d'Erickson. D'autres compagnies sont familiarisées avec la localisation
de câbles transporteurs d'énergie hydro-électrique ou de micro-ondes mais nous estimons que la compagnie Erickson possède beaucoup plus d'expé- rience dans les opérations du type construction qui sont plus complexes et plus délicates. Si l'on faisait appel à un équipage moins expérimenté, nous ne nous sentirions pas en confiance». Il a également établi une comparaison entre l'offre d'Okanagan et celle d'Erickson montrant que la première excédait de $197,000 la seconde. Il a souligné l'urgence de la question: on s'attendait à commencer les tra- vaux nécessitant les services d'un hélicoptère dès le
l er mars 1975.
Le 21 janvier 1975, le secrétaire du comité des transports aériens envoya un message télex aux avocats d'Erickson les informant de la décision du comité sur la demande d'Erickson. La lettre de confirmation est rédigée comme suit:
[TRADUCTION] Les présentes ont trait à une demande pré- sentée sous pli daté du 13 janvier, au nom de la Erickson Air-Crane Company relativement à une autorisation tempo- raire d'exploiter un service aérien commercial spécialisé (classe 7)—construction au moyen d'aéronefs—afin de fournir un hélicoptère S64E requis pour la construction de la tour C.N.
Je suis tenu de vous informer que le comité a examiné ladite demande et a observé que jusqu'à présent aucun transporteur commercial aérien canadien ne possède ou n'a mis en service un Sikorsky S64E au Canada. Compte tenu de la nature spéciale des opérations de construction requérant l'utilisation d'un héli- coptère S64E (Skycrane), du poids et des hauteurs en cause, du début imminent des travaux que comporte la construction de l'antenne au sommet de la tour C.N. pour le compte de la C.N. Tower Ltd. et de son entrepreneur dans le cadre de ce projet, la Canron Ltd., Eastern Structural Division, et, compte tenu, de la préférence clairement exprimée de la C.N. Tower Ltd. et de la Canron Ltd. de recourir aux connaissances techniques de la Erickson Air-Crane Company pour ce travail, le comité est convaincu qu'il serait d'intérêt public de permettre à la Erick- son Air-Crane Company d'entrer au Canada pour fournir les services requis uniquement à cette fin, sous réserve de se voir octroyer le contrat de location de l'aéronef S64E à cet effet, et, en outre, sous réserve de satisfaire aux exigences du ministère des Transports et autres ministères concernés.
La présente confirme le télex du comité en date du 21 janvier 1975 qui constituait un avis anticipé sur cette question. Il conviendrait de se mettre en rapport dans les meilleurs délais avec les bureaux régionaux à Toronto du ministère des Trans ports et, de toute façon, avant l'entrée d'un S64E dans l'espace aérien canadien. Une copie de cette autorisation doit être mise sans délai à la disposition des autorités canadiennes durant l'exécution des travaux par ladite machine au Canada.
A l'appui de sa demande et de l'appel, Okana- gan a fait valoir que [TRADUCTION] «... en ne fournissant pas à la requérante [Okanagan] la possibilité de déposer ses observations relativement
à la demande présentée par la Erickson Air-Crane pour exploiter un hélicoptère Skycrane au Canada, le comité des transports aériens a violé les princi- pes de justice naturelle».
La décision autorisant Erickson à fournir le service d'hélicoptère requis pour la construction de l'antenne de la tour C.N. a été prise en vertu du paragraphe 16(1) de la Loi sur l'aéronautique' qui se lit comme suit:
16. (1) La Commission peut délivrer, à toute personne qui en fait la demande, un permis d'exploitation d'un service aérien commercial qui revêt la forme du permis demandé ou toute autre forme.
Les paragraphes 16(3) et 16(4) stipulent ce qui suit:
(3) La Commission ne doit pas délivrer de permis de ce genre à moins qu'elle ne soit convaincue que le service aérien commercial projeté est et sera requis pour la commodité et les besoins présents et futurs du public.
(4) La Commission peut exempter de l'application de la totalité ou de quelque partie du paragraphe (3) tout transpor- teur aérien ou tout service aérien commercial, ou quelque catégorie ou groupe des susdits, sauf un service aérien commer cial à horaire exploité entièrement à l'intérieur du Canada, ou l'exploitant d'un tel service, soit d'une manière générale, soit pour une période limitée ou à l'égard d'une région restreinte, si, de l'avis de la Commission, cette exemption est dans l'intérêt public.
Aux termes de l'alinéa 9d) du Règlement sur les transporteurs aériens, une personne qui sollicite un permis pour exploiter un service aérien commercial spécialisé (classe 7)—construction au moyen d'aé- ronefs—se trouve exclue de l'application du para- graphe 16(3) de la Loi.
Il n'existe aucune disposition légale ou régle- mentaire précise qui exige de donner à Okanagan avis de la demande d'Erickson ou d'accorder à Okanagan la possibilité d'être entendue à cet égard. Toutefois, la question reste de savoir si, mis à part un mandat légal ou réglementaire spécifi- que, les principes de justice naturelle exigeraient qu'un avis soit donné à Okanagan et qu'on lui reconnaisse la possibilité de déposer ses observations.
Il ne s'agit ni d'une affaire dans laquelle on a refusé un permis à Okanagan ni d'une affaire dans laquelle son permis d'un an accordé le 31 janvier 1974 relativement à l'exploitation d'un aéronef Sikorsky S64E (Skycrane) a été soit annulé soit
° S.R.C. 1970, c. A-3, et ses modifications.
modifié. L'ordonnance du 31 janvier 1974 n'était pas censée placer Okanagan dans une situation de monopole. De fait, la période fixée dans cette ordonnance était presque achevée lorsque le permis d'Erickson a été accordé. Au cours de la période d'essai d'un an, Okanagan n'avait pas obtenu d'aé- ronef S64E; tout au plus, elle disposait de la déclaration d'intention d'Evergreen de lui louer ce genre d'aéronef et de lui fournir l'équipage. Il ne s'agit pas en l'espèce d'une situation un déten- teur de permis, se fondant à juste titre sur son permis ou sur un espoir de renouvellement, avait fait un investissement important qui, du point de vue de l'intérêt public, pourrait garantir, de façon discutable, la protection, tout du moins pendant un certain temps, contre un concurrent. En l'espèce, le fait déterminant et saillant est qu'Okanagan et Erickson ont été en concurrence pour un travail particulier, à savoir, le contrat de construction de l'antenne de la tour à Toronto et, sous réserve d'obtenir le permis en question, Erickson a mani- festement gagné la partie. Okanagan devrait elle- même obtenir le renouvellement de son permis, si elle en était sortie vainqueur. L'intérêt pour Oka- nagan de déposer ses observations devant le comité se confondait avec son intérêt de veiller à ce que Erickson n'obtienne pas l'autorisation lui permet- tant d'enlever le contrat. Selon toute vraisem- blance, je suppose que, si la demande d'Erickson avait été refusée et le permis d'Okanagan renou- velé, cette dernière aurait pu réussir, par forfait, à obtenir le contrat de construction de l'antenne et, selon toute vraisemblance, si elle avait obtenu le contrat, la situation d'Okanagan à l'égard de sa demande de renouvellement s'en serait trouvée d'une certaine façon améliorée. II s'agit, toutefois, d'une pure spéculation qui, selon moi, n'établit pas un intérêt suffisant de nature à conférer à Okana- gan un droit de justice naturelle à recevoir un avis et à intervenir dans une procédure concernant la demande d'Erickson sollicitant un permis couvrant un seul projet.
En réalité, je suis beaucoup plus préoccupé de l'effet des allégations défavorables à Okanagan dans la demande d'Erickson. Mais je ne crois pas que, dans les circonstances de l'espèce, leur pré- sence soit suffisante pour conférer à Okanagan le droit à un avis et à une audition lorsque, mises à part les allégations, ce droit n'existait pas.
Dans une affaire comme celle qui nous occupe, déterminer la qualité de participant exige une appréciation bien mesurée des faits relativement aux intérêts revendiqués ainsi qu'un jugement pra- tique sur le point de savoir si, dans les circon- stances, la justice exige qu'on donne un avis et une possibilité de présenter des observations. J'ai conclu que ce n'était pas le cas en l'espèce.
Okanagan a prétendu également que le comité des transports aériens a commis une erreur de droit en prenant en considération les offres dans le contrat pour la construction de l'antenne et la préférence de l'entrepreneur pour Erickson. Cette prétention ne peut tenir.
En vertu du paragraphe 64(2) de la Loi natio- nale sur les transports, il existe un droit d'appel devant la présente cour relativement aux questions soulevées dans la demande d'examen et d'annula- tion en vertu de l'article 28. En raison de l'article 29 de la Loi sur la Cour fédérale, la requérante ne peut, en l'espèce, présenter une demande en vertu de l'article 28. La demande en vertu de l'article 28 devrait donc être rejetée.
Je rejetterais également l'appel introduit en vertu du paragraphe 64(2) de la Loi nationale sur les transports et, en vertu du paragraphe 64(5), j'aviserais la Commission canadienne des trans ports que selon notre opinion, l'appel interjeté de la décision du comité des transports aériens, en date du 21 janvier 1975, accordant à la Erickson Air- Crane Company l'autorisation temporaire d'ex- ploiter un service aérien commercial spécialisé (classe 7)—construction au moyen d'aéronefs— pour fournir un hélicoptère S64E requis pour la construction de la tour C.N. à Toronto, était irre- cevable quant au fond.
* * *
LE JUGE EN CHEF JACKETT a souscrit à l'avis.
* * *
LE JUGE PRATTE a souscrit à l'avis.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.