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T-1282-75
André Ouellette (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Walsh— Montréal, le 25 novembre; Ottawa, le 24 décembre 1975.
Emprisonnement--Le demandeur purgeant une peine de 5 ans est libéré sous condition—Condamné à une journée de prison pour recel—Subséquemment condamné à 10 ans de prison pour vol à main armée—Mandat de dépôt prévoyant son emprisonnement pour le reste de sa peine initiale, à compter de la date de sa condamnation à dix ans—La libéra- tion conditionnelle peut-elle être rétablie après sa déchéan- ce?—L'emprisonnement est-il illégal?—Calcul du temps à purger et de la réduction statutaire—Loi sur la libération conditionnelle de détenus, S.C. 1958, c. 38, art. 8, 14, 17 et 21—Règles 337(2)b) et (3) de la Cour fédérale.
Le demandeur fut libéré sous condition le 15 décembre 1961, après avoir purgé 569 jours et accumulé 119 jours de réduction méritée sur une peine de 5 ans. Le 19 mars 1964, il fut condamné à une journée de prison pour recel, ce qui entraîna la déchéance automatique de sa libération conditionnelle. Le 17 juillet 1964, il était en prison et attendait sa sentence sur une inculpation de vol à main armée; le 12 novembre 1964, il fut condamné à 10 ans d'emprisonnement. Le demandeur allègue la nullité en vertu de l'article 14 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus d'un mandat de dépôt signé le 20 janvier 1965. Le mandat prévoyait son emprisonnement pour le reste de sa peine initiale (1137 jours), à compter du 12 novem- bre 1964. Le mandat ne fut pas signé par un magistrat mais par un gardien. Le demandeur soutient qu'une libération condition- nelle ne peut être rétablie après sa déchéance; que, le gardien n'ayant pas le pouvoir de signer le mandat, l'emprisonnement était illégal et, quant à son droit à 284 jours de réduction statutaire, que le calcul du temps à purger et de la réduction statutaire aurait être effectué à compter du 19 mars 1964 et non du 17 juillet 1964, date de son incarcération. La défende- resse prétend que le calcul aurait débuter le 12 novembre 1964, puisque dans l'intervalle, il n'était pas au pénitencier en raison de condamnations antérieures mais était censé être en liberté conditionnelle jusqu'à l'issue de son procès, même si en fait il était encore en prison.
Arrêt: appliquant la Règle 337(2)b); l'avocat du demandeur devra préparer un projet de jugement et demander qu'il soit prononcé en conséquence; si les parties ne peuvent s'entendre sur la forme du jugement, il sera prononcé conformément à la Règle 337(3). Le mandat émis irrégulièrement en vertu de l'article 14 de la Loi n'était pas nécessaire et entraîne la nullité du calcul. La comparution de l'accusé devant un magistrat en vue de l'émission d'un mandat de dépôt n'est nécessaire que lorsque l'accusé est en liberté conditionnelle et non lorsqu'il est déjà incarcéré. Ni la Commission des libérations conditionnel- les ni la Cour ne peuvent modifier une déchéance automatique en vertu de l'article 17. Le fait qu'une peine d'un jour seule- ment ait été imposée ne peut modifier la durée du temps à
purger en vertu de l'article 17(1) de la Loi. La condamnation du demandeur, le 19 mars, avait pour conséquence automatique de l'obliger à purger le reste de la peine initiale plus la peine d'une journée. Bien qu'il soit douteux que la Commission ait le pouvoir de rétablir une libération conditionnelle frappée de déchéance, elle l'a fait et le demandeur fut libéré, jusqu'à la perpétration d'une autre infraction, qui entraîna la déchéance automatique de sa libération conditionnelle. Lorsqu'il a été déclaré coupable, le 19 mars 1964, le demandeur devait purger le reste de la peine initiale, moins la réduction statutaire, plus une journée, mais sa libération conditionnelle ayant été réta- blie, il aurait pu purger ce temps en liberté. Toutefois la perpétration d'une autre infraction a entraîné la perte de la réduction à laquelle il avait droit pendant qu'il était encore en liberté. L'article 17(1), en vigueur à l'époque, prévoyait la déchéance sur déclaration de culpabilité. Il semble que le demandeur était encore en liberté conditionnelle au moment de la nouvelle infraction et ne peut bénéficier d'une réduction pour le temps passé en prison entre le 17 juillet et le 12 novembre 1964.
Arrêts analysés: Re Pearce [1966] 3 C.C.C. 326; Ex parte McCaud [1965] 1 C.C.C. 168; Le procureur général du Canada c. Pomerleau (C.A. du Qué., non publié; n°: 10-000049-72) et Ex parte Muzylo [1971] 1 O.R. 754. Arrêts appliqués: Karchesky c. La Reine [1967] R.C.S. 547 et In re Edmonds [1972] C.F. 1390.
ACTION. AVOCATS:
N. Daignault pour le demandeur. J.-P. Belhumeur pour la défenderesse.
PROCUREURS:
N. Daignault, Montréal, pour le demandeur. Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Bien qu'il n'existe pas en l'espèce d'exposé conjoint des faits, les admissions faites au cours des plaidoiries modifiées au début de l'audience révèlent que les parties s'entendent sur la plupart. Le demandeur allègue qu'il est actuellement détenu à l'Institution Laval et que vers le 25 mai 1960, le juge Almond de la Cour de sessions de la paix à Montréal l'a condamné à cinq années (soit 1826 jours) de prison à compter de cette date. Le 15 décembre 1961, il fut libéré sous condition après avoir purgé 569 jours et accumulé 119 jours de réduction méritée, de sorte qu'il lui restait alors 1137 jours à purger. Après avoir plaidé coupable à une accusation de recel, il fut
condamné, le 19 mars 1964, une journée de
prison par le juge O'Meara de la Cour de sessions de la paix à Montréal. Cette condamnation entraî- nait automatiquement la déchéance de sa libéra- tion conditionnelle. Le 17 juillet 1964, il était en prison et attendait sa sentence sur une inculpation de vol à main armée. Le 12 novembre 1964, le juge A. Cloutier de la Cour de sessions de la paix à Montréal le condamna à dix ans de prison à compter de ce jour. Le 20 janvier 1965, J. Alfred Fournier, juge de paix, signa un mandat de dépôt dont le demandeur allègue la nullité en vertu de l'article 14 de la Loi sur la libération condition- nelle de détenus'; ce mandat prévoyait son empri- sonnement pour le reste de sa peine de 1137 jours, à compter du 12 novembre 1964 2 . Cependant, ledit J. Alfred Fournier n'était pas un magistrat mais simplement un gardien du pénitencier Saint-Vin- cent de Paul. Le demandeur soutient de plus qu'il n'a jamais comparu devant un magistrat comme l'exige la Loi et que, contrairement à l'article 14(2) de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, aucun magistrat n'a émis de mandat de dépôt. Toutes ces allégations furent admises dans la défense initiale mais, dans une défense modifiée, les allégations concernant le pouvoir de Fournier de signer le mandat de dépôt furent niées. A la suite d'une requête en radiation d'une partie de la défense amendée, celle-ci fut de nouveau modifiée, la défenderesse admettant maintenant qu'Alfred Fournier, juge de paix, n'était autorisé qu'à rece- voir des affidavits.
Le demandeur a dûment déposé une réponse amendée et, à l'ouverture de l'audience, la défen- deresse a admis les allégations contenues aux para- graphes 9, 10 et 11, selon lesquelles après l'intro- duction des présentes procédures, vers le 21 mai 1975, une certaine Lily Tronche, représentante de district du Service national des libérations condi- tionnelles, a demandé au juge Jean-Paul Grégoire de la Cour municipale de Laval d'émettre le 30 mai 1975 un nouveau mandat de dépôt afin de remplacer le mandat contesté en l'espèce. Le juge n'ayant pu se libérer à la date prévue, le juge Jean-Baptiste Crépeau, de la même Cour, le rem- plaça et, à la suite des objections soulevées par le
S.C. 1958, c. 38.
2 En réalité le mandat stipule 1256 jours plus une période de dix ans.
demandeur, refusa de signer le mandat.
A l'ouverture de l'audience, les conclusions de la déclaration furent modifiées afin d'ajouter après les mots «17 juillet 19640, au paragraphe a), la phrase suivante [TRADUCTION] «et qu'il avait alors droit à une réduction statutaire de 284 jours et la radiation du paragraphe b) dont les conclusions révélaient qu'au 13 septembre 1966, le reste de la peine avait été entièrement purgé.» Afin d'éviter d'appeler le demandeur comme témoin, l'avocat de la défenderesse a aussi accepté de considérer que l'affidavit en date du 8 octobre 1975 représentait les déclarations que le demandeur auraient faites s'il avait été appelé à témoigner et il a renoncé à son droit de le contre-interroger à ce sujet.
L'argumentation du demandeur porte sur trois points. Premièrement, la libération conditionnelle ne peut être rétablie après sa déchéance comme on l'a fait en l'espèce. Deuxièmement, Fournier n'ayant pas le pouvoir de signer un mandat de dépôt, l'emprisonnement du demandeur, le 20 jan- vier 1965, est illégal. Troisièmement, le deman- deur avait droit à 284 jours de réduction statutaire et le calcul du temps à purger et de sa réduction statutaire aurait être effectué à compter du 19 mars 1964 et non du 17 juillet 1964, date de son incarcération. La défenderesse prétend que le calcul aurait débuter le 12 novembre 1964, puisque dans l'intervalle, il n'était pas au péniten- cier en raison de condamnations antérieures mais était censé être en liberté conditionnelle jusqu'à l'issue de son procès, même si en fait il était encore en prison.
Fournier a témoigné que son mandat de juge de paix l'autorisait seulement à recevoir des serments, comme l'indique la copie qu'il en a produit. Il a déclaré qu'il signait fréquemment des formules portant sur la libération, sans en lire le contenu. Il ne connaissait pas le demandeur Ouellette, mais une personne du bureau du directeur lui ayant demandé de signer le mandat de dépôt, il avait cru que cette façon de procéder était courante. Il produisit aussi une formule de libération sous con dition; bien que datée du 28 novembre 1961, cette formule prévoyait la libération sous condition du demandeur le 15 décembre 1961 ou dans les qua- torze jours suivants et ce, jusqu'au 25 janvier 1965. Une des conditions figurant au verso de la
formule stipulait que le demandeur devait se pré- senter au moins une fois par mois à la police et, d'après le nombre de timbres de police apparais- sant sur la formule, il semble qu'il se soit conformé à cette condition.
Un autre témoin, Lily Tronche, agent de libéra- tions conditionnelles, a produit un certain nombre de documents supplémentaires dont une copie, datée du 25 mai 1960, de la première condamna- tion du demandeur à cinq ans d'emprisonnement, une copie de sa condamnation, le 19 mars 1964, à un jour de prison, une copie de sa condamnation, le 12 novembre 1964, à dix ans de prison, un mémoire daté du 30 avril 1964 présenté par un analyste de libérations conditionnelles à la Com mission nationale des libérations conditionnelles et qui portait cette conclusion [TRADUCTION] «dans les circonstances, compte tenu de ce qui précède, je recommanderais le rétablissement du certificat de libération conditionnelle octroyé à Ouellette le 28 novembre 1961 et automatiquement frappé de déchéance à la suite de sa condamnation.>» Il s'agis- sait de sa condamnation à une journée d'emprison- nement pour recel. Lily Tronche a aussi produit une lettre datée du 7 mai 1964, sous en-tête de la Commission nationale des libérations conditionnel- les adressée par le secrétaire de cette commission au représentant régional du Service national des libérations conditionnelles; aux termes de cette lettre, Ouellette devait être sérieusement averti qu'il s'agissait de sa dernière chance. D'autres copies de la lettre devaient être communiquées au surveillant et au détenu en liberté conditionnelle. Lily Tronche a aussi produit une copie d'une lettre datée du 11 mai 1969, adressée par le secrétaire de la Commission nationale des libérations condition- nelles, au Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada et l'informant de la décision de rétablir la libération conditionnelle du demandeur malgré sa condamnation sur une inculpation de recel et que la Commission [TRADUCTION] «n'émettrait donc pas de mandat d'arrestation». On produisit aussi la copie d'une lettre datée du 19 mai 1964 provenant du représentant régional du Service national des libérations conditionnelles et adressée à Emmanuel Grégoire, directeur de la Société d'orientation et de réhabilitation sociale; à cette lettre était jointe une copie de la lettre de la Commission relative au demandeur l'on préci- sait que Ouellette devait en recevoir une copie. Il
est évident qu'il s'agissait de la lettre de la Com mission nationale des libérations conditionnelles datée du 7 mai 1964. Ces documents corrobore- raient donc l'affirmation que Ouellette a été informé du rétablissement de sa libération condi- tionnelle, bien qu'il ait déclaré dans son affidavit ne l'avoir jamais reçue, ce qui est d'ailleurs possi ble. Le 24 décembre 1964, une lettre émanant de la GRC, Direction de l'identité, adressée au direc- teur du pénitentier Saint-Vincent de Paul infor- mait ce dernier de la condamnation du demandeur à dix ans de prison pour vol à main armée, le 30 octobre 1964, de la déchéance automatique de sa libération conditionnelle et de l'émission d'un mandat d'arrestation le 16 décembre 1964. On joignait à cette lettre un mandat de dépôt en double exemplaire, partiellement rempli et préci- sant que Ouellette devait purger une peine de 1256 jours correspondant à sa condamnation antérieure, plus une période de dix ans à compter du 12 novembre 1964. On demandait dans cette lettre l'exécution du mandat, conformément à l'article 17 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, qui prévoit la déchéance d'une libération conditionnelle lorsqu'un détenu à liberté condition- nelle est déclaré coupable d'un acte criminel punis- sable d'un emprisonnement de deux ans ou plus. Le mandat d'arrestation émis par la Commission nationale des libérations conditionnelles le 16 décembre 1964, dont il est fait mention dans cette lettre fut aussi déposé, ainsi que le rapport de l'analyste des libérations conditionnelles à la Com mission des libérations conditionnelles, en date du 9 décembre 1964; ce rapport traitait du rétablisse- ment de la libération conditionnelle le 6 mai 1964 et de la condamnation subséquente à dix ans d'em- prisonnement le 12 novembre 1964 et recomman- dait l'émission . d'un mandat d'arrestation, en raison de la déchéance automatique de la libéra- tion conditionnelle. Il y a lieu de croire que l'émis- sion du mandat en résulte.
Le témoin a aussi produit une copie de la déci- sion de la Commission nationale des libérations conditionnelles rétablissant la libération condition- nelle du demandeur, le 6 mai 1964; je l'ai admise en preuve malgré les objections du demandeur. Cette décision comporte les commentaires de deux des membres de la Commission qui se sont décla- rés choqués par la décision de rétablir la libération conditionnelle du demandeur alors qu'il était
accusé de recel d'un revolver chargé. Apparem- ment, la Commission a approuvé le rétablissement de sa libération conditionnelle parce qu'elle se trouvait devant un fait accompli; en effet, le rap port de l'analyste des libérations conditionnelles, daté du 30 avril 1964, mentionnait la bonne con- duite du demandeur après sa mise en liberté à la suite de sa condamnation à une journée de prison, le 19 mars 1964; il était donc évident qu'il avait été libéré bien qu'il lui restât alors une peine d'emprisonnement à purger sur sa condamnation antérieure à cinq ans, après la déchéance automa- tique de sa libération conditionnelle. M"e Tronche a déclaré dans son témoignage que les mots «libé- ration conditionnelle rétablie, employés dans la décision de la Commission des libérations condi- tionnelles du 6 mai 1964, indiquaient simplement que la libération conditionnelle avait été aupara- vant révoquée ou frappée de déchéance, ce qui pouvait arriver sans suspension préalable de la libération conditionnelle. Elle a admis qu'il est normalement impossible d'accorder une libération conditionnelle sans une demande à cet effet de la part du prisonnier et que son rétablissement après une déchéance automatique à la suite de la peine d'un jour était donc une mesure exceptionnelle.
Nous devons maintenant étudier les conséquen- ces de ces événements, en tenant compte du fait que si des erreurs ont été commises dans l'applica- tion de la Loi, elles doivent être interprétées en faveur du demandeur; en revanche, les erreurs administratives ne peuvent modifier l'effet des dis positions expresses de la Loi. Compte tenu de la preuve soumise à l'audience, la défenderesse ne peut plus contester sérieusement l'irrégularité et l'invalidité du mandat de dépôt signé par J. Alfred Fournier, le 20 janvier 1965, car ce dernier n'avait pas le pouvoir de signer ce document. Je conclus aussi que le juge Jean-Baptiste Crépeau, en l'ab- sence du juge Jean-Paul Grégoire, a décidé à juste titre de refuser de signer le nouveau mandat de dépôt que la demanderesse avait tenté d'obtenir à une date très tardive au motif que les présentes procédures, l'irrégularité du mandat initial est soulevé, ont été introduites le 28 avril 1975. Toute- fois, j'estime qu'un tel mandat de dépôt n'était pas nécessaire pour emprisonner légalement le deman- deur, détenu sous garde depuis le 17 juillet 1964, en attendant son procès sur inculpation de vol à main armée, et déclaré coupable le 12 novembre
1964, puis condamné à une peine de dix ans à compter de cette date. Le mandat émis irrégulière- ment le 20 janvier 1965, en vertu de l'article 14 de la Loi n'était pas nécessaire et son irrégularité entraîne la nullité du calcul selon lequel le deman- deur devait purger une peine de 1256 jours plus dix années à compter du 12 novembre 1964. L'ar- ticle 14(1) de la Loi prévoyant l'émission d'un mandat d'arrestation par la Commission des libé- rations conditionnelles en cas de révocation ou déchéance d'une libération conditionnelle indique seulement que la Commission «peut» autoriser l'ar- restation. Le paragraphe (2) prévoit le cas d'une arrestation en vertu d'un mandat émis conformé- ment à cet article et la comparution de l'accusé devant un magistrat en vue de l'émission d'un mandat de dépôt pour son nouvel emprisonnement. De toute évidence, cette procédure n'est nécessaire que dans le cas l'accusé est en liberté condition- nelle et non lorsqu'il est déjà incarcéré. Voir à ce sujet les affaires Re Pearce 3 ; et Ex parte McCaud 4 qui traitait de révocation et non de déchéance, et fut confirmé en Cour suprême. En l'espèce nous parlons de l'article 17 de la Loi qui est plus strict car il prévoit la déchéance automati- que, ce que ni la Commission des libérations condi- tionnelles, ni la Cour n'ont le pouvoir de modifiera. Le fait qu'une peine d'un jour seulement ait été imposée ne peut modifier la durée du temps qui doit être purgé en vertu de l'article 17(1) de la Loi. Donc, la condamnation du demandeur, le 19 mars 1964, eut pour conséquence automatique de l'obli- ger à purger le reste de la peine imposée le 25 mai 1960 et qui n'était pas encore expirée au moment de l'octroi de la libération conditionnelle, le 15 décembre 1961, plus la journée à laquelle il a été condamné le 19 mars 1964.
3 [1966] 3 C.C.C. 326 à la page 330.
4 [1965] 1 C.C.C. 168 à la page 169.
5 L'article 17(1) de la Loi en vigueur à l'époque, se lit comme suit:
17. (1) Lorsqu'une libération conditionnelle est frappée de déchéance par une déclaration de culpabilité d'acte crimi- nel, le détenu à liberté conditionnelle doit purger un empri- sonnement d'une durée égale à telle partie de l'emprisonne- ment auquel il a été originairement condamné qui n'était pas encore expirée au moment de l'octroi de cette libération, plus la durée de l'emprisonnement, le cas échéant, auquel il est condamné sur déclaration de culpabilité de l'infraction.
Dans l'arrêt Le procureur général du Canada c. Pomerleau, 10-000049-72, la Cour d'appel du Québec s'est ralliée à la même opinion en ce qui concerne le nouveau mandat. Aux pages 4 et 5 du jugement, on précise que l'arrestation est néces- saire dans le cas d'une révocation ou d'une suspen sion de la libération conditionnelle, lorsque l'ac- cusé est en liberté, mais que lorsqu'il est déjà emprisonné à la suite de la déchéance automatique de sa libération conditionnelle, cette formalité est inutile. On y cite aussi l'arrêt de la Cour suprême Karchesky c. La Reine 6 .
Voir aussi l'arrêt Ex parte Muzylo 7 dont le sommaire se lit en partie comme suit:
[TRADUCTION] Cependant le directeur a l'autorité suffisante pour détenir sous garde le requérant, lorsqu'il existe d'autres mandats de dépôt émis par le magistrat ayant déclaré le requérant coupable de la nouvelle infraction, même lorsque ces mandats ne précisent pas que les peines doivent être purgées consécutivement à la partie de la sentence initiale non encore expirée.
Selon toute apparence, le fait que le demandeur ait été emprisonné environ quatre mois en atten dant son procès il plaida coupable, le 19 mars 1964, et qu'on lui ait imposé une peine d'emprison- nement d'un jour, alors qu'il était en liberté condi- tionnelle à l'époque de son arrestation pour l'in- fraction perpétrée vers le 23 novembre 1963, a causé une certaine confusion; c'est pour cette raison qu'au lieu d'être renvoyé au pénitencier afin de purger la période qui restait à courir sur la peine initiale imposée le 25 mai 1960, il fut mis en liberté après n'avoir purgé qu'une seule journée. La Commission des libérations conditionnelles était mise devant un fait accompli lorsque le 6 mai 1964, elle décida de rétablir la libération condi- tionnelle, après avoir cependant critiqué la recom- mandation de l'agent des libérations conditionnel- les. Le demandeur soutient qu'il n'a jamais formulé de nouvelle demande de libération condi- tionnelle ni comparu devant la Commission; appa- remment donc, sa libération conditionnelle fut rétablie en vertu des pouvoirs généraux de la Com mission énoncés à l'article 8 de la Loi, bien qu'il soit très douteux que la Commission ait le pouvoir de rétablir une libération conditionnelle qui n'a pas
b [1967] R.C.S. 547. 7 [1971] 1 O.R. 754.
été révoquée ou suspendue mais frappée de déchéance automatique, conformément à la Loi, particulièrement en l'absence de toute nouvelle demande et sans suivre la procédure régulière. Le demandeur était encore en liberté lorsque, le 17 juillet 1964, il a commis un vol à main armée pour lequel il fut condamné à une peine de dix ans, le 12 novembre 1964, ce qui entraîna à nouveau la déchéance automatique de sa libération condition- nelle. Il est manifeste qu'au 12 novembre 1964, date à laquelle le demandeur a été déclaré coupa- ble et condamné à une nouvelle peine pour vol à main armée, il lui restait à subir une partie des deux peines antérieures, à la suite de la première déchéance de sa libération conditionnelle, et que sa libération conditionnelle fut à nouveau frappée de déchéance en vertu de l'article 17(1), cela, peu importe qu'à l'époque de l'infraction, elle résultât d'une nouvelle libération conditionnelle ou d'une «libération conditionnelle rétablie». Cependant, comme je l'ai déjà souligné, je ne pense pas que le rétablissement de la libération conditionnelle puisse l'emporter sur les dispositions expresses de l'article 17(1), de manière à calculer à partir de la date du rétablissement de la libération condition- nelle, la période restant à purger sur sa première condamnation, plus la peine additionnelle d'un jour, en considérant que cette période seulement a été frappée de déchéance à la suite de l'infraction pour laquelle il a été condamné à une peine de dix ans, le 12 novembre 1964. J'estime au contraire que lorsqu'il a été déclaré coupable, le 19 mars 1964, il devait purger le reste de la peine initiale à laquelle il avait été condamné en 1960, moins la réduction statutaire à laquelle il avait droit, plus une journée, et qu'à la suite du rétablissement de sa libération conditionnelle, il aurait pu rester en liberté pendant cette période s'il n'avait pas commis la troisième infraction. Toutefois, il a perdu la réduction à laquelle il avait droit pendant qu'il était encore en liberté et, en fait, son avocat a déclaré qu'il ne demandait aucune réduction pour cette période.
Cependant, le demandeur prétend qu'on devrait considérer qu'il a commencé à purger la peine non encore subie sur ses condamnations initiales le 17 juillet 1964, date à laquelle il fut à nouveau empri- sonné plutôt que le 12 novembre 1964, date de sa condamnation. L'article 17 (1) en vigueur à l'épo- que précisait que la libération conditionnelle était
frappée de déchéance sur déclaration de culpabi- lité «d'acte criminel», (bien sûr, elle n'aurait pas été frappée de déchéance s'il n'avait pas été déclaré coupable); le paragraphe (3) de cet article traite des infractions commises par un détenu en liberté conditionnelle et dont il est déclaré coupa- ble après l'expiration de sa libération condition- nelle (ce qui n'est pas le cas en l'espèce) et prévoit que la libération conditionnelle est censée avoir été frappée de déchéance le jour l'infraction a été commise. En vertu de la Loi modifiant le droit criminel', cette date est applicable aux détenus en liberté conditionnelle déclarés coupables d'un acte criminel commis après l'octroi de leur libération conditionnelle et avant leur mise en liberté; cette modification n'est toutefois pas applicable en l'es- pèce. Fort malheureusement, il semble donc qu'en vertu de la Loi en vigueur à l'époque, le deman- deur qui était encore en liberté conditionnelle au moment de la nouvelle inft action ne peut bénéfi- cier d'une réduction pour le temps passé en prison entre le 17 juillet 1964, date de la perpétration de l'infraction et le 12 novembre 1964, date de sa déclaration de culpabilité et de sa condamnation. Les parties ont cité l'arrêt In re Edmonds 9 , le juge en chef adjoint Camilien Noël avait accordé une réduction pour les 106 jours de détention, avant sa libération sous cautionnement, d'un accusé qui, par la suite, fut jugé et déclaré coupa- ble d'un acte criminel et de nouveau emprisonné; je considère que cet arrêt n'est pas pertinent car il traite des articles 17 et 21 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus 10 en vigueur à cette époque.
J'ai énoncé les principes généraux qui, à mon avis, doivent régir le calcul du temps que le demandeur doit purger et la détermination de la date de sa libération; ces calculs devraient cepen- dant être effectués par la direction du pénitencier. J'estime qu'il convient en l'espèce d'appliquer la Règle 337(2)b); je suggère donc à l'avocat du demandeur de préparer un projet de jugement approprié pour donner effet à cette décision et
8 S.C. 1968-69, c. 38, art. 13(1).
9 [1972] C.F. 1390.
10 S.R.C. 1970, c. P-2 et ses modifications à S.R.C. 1970, (1"
supplément), c. 31.
demander que ce jugement soit prononcé en consé- quence et, si l'administration n'accepte pas la forme du jugement, la Cour en fixera les termes et le prononcera conformément aux: dispositions de la Règle 337(3). Comme cette situation compliquée résulte d'erreurs de l'administration, la défende- resse n'aura pas droit à ses dépens bien qu'elle ait eu gain de cause sur les principaux points soulevés. Puisque le calcul à faire peut indiquer que le demandeur est libérable à une date rapprochée, l'attente de la traduction de ces motifs et de l'ordonnance qui sera éventuellement émise en conséquence pourrait causer un préjudice au demandeur; c'est pourquoi les motifs et l'ordon- nance seront d'abord émis dans une langue offi- cielle seulement, mais devront être traduits aussi- tôt que possible dans l'autre langue, conformément aux dispositions de la Loi sur les langues officielles.
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