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T-4569-75
Maritime Telegraph & Telephone Company Lim ited (Demanderesse)
c.
Le Conseil canadien des relations du travail et la Fraternité internationale des ouvriers en électri- cité, section 1030 (Défendeurs)
et
Le procureur général de la Nouvelle-Écosse (Intervenant)
Division de première instance, le juge en chef adjoint Thurlow—Ottawa, les 25 et 26 février et le 10 mars 1976.
Compétence—Relations du travail—Demande d'un bref de prohibition interdisant au Conseil canadien des relations du travail de procéder â l'examen d'une demande d'accréditation présentée par le syndicat défendeur—Les installations et les fonctions de la demanderesse constituent-elles une entreprise fédérale?—La Division de première instance a-t-elle compé- tence pour décerner contre le Conseil un bref de prohibition?— Code canadien du travail, S.R.C. 1970, c. L-I et ses modifica tions, S.C. 1972, c. 18, art. 2, 108, 122 et 133 Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, art. 92(10).
La demanderesse cherche à obtenir un bref de prohibition interdisant au Conseil canadien des relations du travail de procéder à l'examen d'une demande que lui a présentée le syndicat défendeur aux fins d'être accrédité à titre d'agent négociateur d'une unité de négociation comprenant des employés de la demanderesse. La demanderesse prétend que ses installations et ses fonctions ne constituent pas une entreprise fédérale ressortissant au pouvoir législatif du Parlement. Le Conseil a soulevé une objection préliminaire, fondée sur l'article 122 du Code canadien du travail, qui met en doute la compé- tence de la Division de première instance pour décerner contre lui un bref de prohibition. Il affirme que, puisque l'article 122(1) prévoit que les décisions du Conseil pourront être soumises à la Cour d'appel fédérale, il ne faut pas y voir une disposition restrictive mais plutôt l'intention de faire de la Cour d'appel la seule cour ayant juridiction sur le Conseil.
Arrêt: dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré, la Cour doit refuser la demande. L'article 1220) ne la prive pas de sa compétence. L'article est restreint aux procédu- res engagées en vertu de la Partie V du Code laquelle, confor- mément à l'article 108, ne s'applique qu'aux personnes qui y sont mentionnées dans le cadre d'une entreprise fédérale, etc. Si l'entreprise n'est pas une entreprise fédérale, les procédures engagées ne sont pas autorisées par la Partie V et l'article 122(2) ne s'applique pas. Et si l'entreprise en question ne ressortit pas au pouvoir législatif du Parlement, l'article 122(2) ne peut servir à empêcher la Cour d'exercer son pouvoir de surveillance.
Il incombe à la demanderesse d'établir clairement les faits devant la Cour et de ne laisser subsister aucun doute quant à la
nature de son entreprise. Le bref de prohibition peut être accordé à la discrétion de la Cour et lorsque les faits, même s'ils ne sont pas nécessairement contestés, n'ont pas convaincu la Cour du défaut de compétence, on comprend sa répugnance à conclure définitivement au défaut de compétence et à statuer que le Conseil n'a pas le droit d'examiner les faits au sujet desquels on met en doute sa compétence.
Il ne ressort aucunement des documents soumis que le syndi- cat ait convaincu le Conseil qu'il a compétence ni qu'à ce stade, il ait résolu de revendiquer sa compétence. La demanderesse ayant soulevé l'objection, il semble que le Conseil ait cherché les renseignements nécessaires pour décider s'il doit assumer et revendiquer sa compétence en la matière ou la décliner. Actuel- lement, il ne prétend pas exercer sa compétence à l'endroit de la demanderesse.
Arrêts analysés: British Columbia Packers c. Le Conseil canadien des relations du travail [1973] C.F. 1194; [1974] 2 C.F. 913; [1976] 1 C.F. 375; Montreal Boatman Limited c. Le Conseil canadien des relations du travail (non publié, T-3556-75) et Bonanza Creek Gold Mining Co. c. Le Roi [1916] 1 A.C. 566. Arrêts appliqués: In re Birch (1855) 15 C.B. 743; 139 E.R. 617; Taylor c. Nicholls (1876) 1 C.P.D. 242; Bell c. Ontario Human Rights Commission [1971] R.C.S. 756.
DEMANDE. AVOCATS:
D. M. Nunn, c.r., et G. North pour la
demanderesse.
G. Henderson, c.r., et G. Hynna pour le défen-
deur CCRT.
P. Landry pour la défenderesse F.I.O.E.
G. Duncan et J. W. Kavanagh, c.r., pour
l'intervenant.
PROCUREURS:
Cox, Downie, Nunn & Goodfellow, Halifax, pour la demanderesse.
Gowling & Henderson, Ottawa, pour le défen- deur CCRT.
Horne, Langille & Maclntyre, Dartmouth, pour la défenderesse, F.I.O.E.
Le procureur général de la Nouvelle-Écosse pour l'intervenant.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT THURLOW: La demanderesse cherche à obtenir un bref de prohi bition interdisant au Conseil canadien des relations du travail de procéder à l'examen d'une demande que lui a présentée le syndicat défendeur aux fins d'être accrédité en vertu du Code canadien du
travail à titre d'agent négociateur d'une unité de négociation comprenant des employés de la demanderesse et de l'Island Telephone Company Limited.
La Partie V du Code canadien du travail auto- rise le Conseil à accréditer un syndicat ouvrier; en vertu de l'article 108, la Partie V s'applique aux
employés dans le cadre d'une entreprise fédérale, aux patrons de ces employés dans leurs rapports avec ces derniers, ainsi qu'aux organisations patronales groupant ces patrons et aux syndicats groupant ces employés.
L'article 2 définit ainsi l'expression «entreprise fédérale»:
tout ouvrage, entreprise ou affaire ressortissant au pouvoir législatif du Parlement du Canada, y compris ....
La demanderesse cherche à obtenir un bref de prohibition parce que, selon elle, ses installations et ses fonctions ne constituent pas une entreprise fédérale ressortissant au pouvoir législatif du Par- lement. Le procureur général de la Nouvelle- Écosse, intervenant aux termes d'une ordonnance datée du 3 février 1976, a appuyé la demande. L'avocat du Conseil ne s'est pas prononcé sur la question d'ordre constitutionnel mais il a allégué que la Cour devrait exercer son pouvoir discrétion- naire et rejeter la demande.
Au début de l'audience devant cette cour, l'avo- cat du Conseil a également soulevé une objection préliminaire, fondée sur l'article 122 du Code canadien du travail, qui met en doute la compé- tence de la Division de première instance de cette cour pour décerner contre le Conseil un bref de prohibition. Cet article se lit ainsi:
122. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente Partie, toute ordonnance ou décision du Conseil est définitive et ne peut être mise en question devant un tribunal ni revisée par un tribunal, si ce n'est conformément à l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale.
(2) Sous réserve du paragraphe (1), aucune ordonnance ne peut être rendue, aucun bref ne peut être décerné ni aucune procédure ne peut être engagée, par ou devant un tribunal, soit sous forme d'injonction, certiorari, prohibition ou quo war- ranto, soit autrement, pour mettre en question, reviser, inter- dire ou restreindre une activité exercée en vertu de la présente Partie par le Conseil.
L'avocat du Conseil a affirmé que puisque le paragraphe 122(1) prévoit que les décisions du Conseil pourront être soumises à la Cour d'appel
fédérale, il ne faut pas y voir une disposition restrictive mais plutôt l'intention de faire de la Cour d'appel la seule cour ayant juridiction sur le Conseil. Au cours des débats, on a renvoyé à la décision de la Cour d'appel dans l'affaire British Columbia Packers Limited c. Le Conseil canadien des relations du travail' selon laquelle les parties pouvaient soulever une question de compétence fondée sur un point d'ordre constitutionnel au moyen de procédures de prohibition devant la Division de première instance; on a également renvoyé à la décision du juge Addy dans la même affaire portant sur une demande subséquente visant à obtenir un bref de prohibition' et à la décision du juge Dubé dans l'affaire Montreal Boatman Limited c. Le Conseil canadien des rela tions du travail (no du greffe: T-3556-75, arrêt non publié). On a dit que ce dernier arrêt, par ses conclusions, s'opposait aux deux premiers. Il ne semble pas, à la lecture des motifs du juge Dubé, qu'on lui ait cité l'arrêt British Columbia Packers.
A l'audience, j'ai déclaré qu'à mon avis, il était préférable de conclure que la Division de première instance a compétence et que j'entendrais la demande. Je n'ai pas changé d'idée.
Pour au moins deux raisons, il me semble possi ble d'affirmer que dans une affaire de cette nature le paragraphe 122(2) ne prive pas la Division de première instance de la compétence que lui accorde l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale. La première de ces raisons est que le paragraphe 122(2), par son libellé, est restreint aux procédures engagées devant le Conseil en vertu de la Partie V du Code canadien du travail laquelle, conformé- ment à l'article 108, ne s'applique qu'aux person- nes qui y sont mentionnées dans le cadre d'une entreprise fédérale. En conséquence, à moins que l'entreprise en question ne soit une entreprise fédé- rale, les procédures engagées devant le Conseil ne sont pas les procédures autorisées par la Partie V, il ne s'agit pas non plus de procédures engagées en vertu de la Partie V, et le paragraphe 122(2), par ses termes mêmes, ne s'applique pas.
La seconde raison est la suivante: si l'entreprise en question ne ressortit pas au pouvoir législatif du Parlement, le paragraphe 122(2) ne s'applique pas
' [1973] C.F. 1194.
2 [1974] 2 C.F. 913, la page 920. [Confirmé. Voir [1976] 1
C.F. 375—éd.]
davantage et ne peut servir à empêcher la Cour d'exercer son pouvoir de surveillance en l'espèce.
Je suis donc d'avis que le paragraphe 122(2) du Code canadien du travail ne prive pas la Division de première instance de sa compétence pour juger la présente demande.
A l'appui de sa demande, la demanderesse n'a soumis à la Cour que l'affidavit de son président- directeur général lequel document, outre des para- graphes citant la correspondance échangée entre la demanderesse et le Conseil au sujet de la demande d'accréditation, contient ce qui suit:
[TRADUCTION] 3. QUE la MT & T est une compagnie consti- tuée en vertu d'une loi privée de la législature de la province de la Nouvelle-Écosse (S.N.-É. 1910, c. 156, modifié par S.N.-É. 1966, c. 5 et S.N.-É. 1972, c. 122).
10. QUE la MT & T est une compagnie offrant des services de télécommunications uniquement à l'intérieur de la province de la Nouvelle-Écosse et que ses seuls clients sont les habitants de la province de la Nouvelle-Écosse.
11. QUE la MT & T n'est établie qu'en Nouvelle-Écosse, que tous ses établissements et ses actifs sont à l'intérieur de la province et que la totalité de ses quelque 3,500 employés habitent et travaillent dans la province.
12. QUE notre avocat, D. Merlin Nunn, c.r., m'a informé et que je crois fermement que le Conseil défendeur n'a pas la compé- tence constitutionnelle pour juger la demande d'accréditation du syndicat défendeur et que par conséquent le Conseil défen- deur n'est pas légalement autorisé à procéder à l'audition de la demande.
Le signataire de l'affidavit n'a pas subi de con- tre-interrogatoire et le syndicat défendeur n'a fourni aucune preuve. L'avocat du Conseil a déposé un affidavit du secrétaire intérimaire du Conseil canadien des relations du travail, produi- sant le dossier du Conseil relatif à la demande d'accréditation, mais tout cela n'ajoute rien à la description des établissements et de l'entreprise de la défenderesse.
L'avocat de la demanderesse a allégué que les faits qu'établit l'affidavit de sa cliente suffisent à montrer que ses installations sont un ouvrage rele vant de la province de la Nouvelle-Écosse et que son entreprise est une entreprise restreinte à l'inté- rieur de la province et que rien dans la preuve n'indique qu'elle fait partie de l'une ou l'autre des exceptions mentionnées au titre (10) de l'article 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, ce qui l'aurait assujettie au pouvoir législatif
du Parlement et partant, l'assimilerait à «une entreprise fédérale» au sens de l'article 2 du Code canadien du travail.
A l'appui de sa théorie, l'avocat a prétendu que puisque la demanderesse a été constituée par une loi privée de la législature de la Nouvelle-Écosse, selon l'arrêt Bonanza Creek Gold Mining Co. c. Le Roi', elle n'a pas la capacité juridique ni l'autorité pour faire affaire en dehors des limites de la province de la Nouvelle-Écosse. En ce qui con- cerne cet argument cependant, il me semble que la demanderesse a eu depuis au moins 1921, l'auto- rité et la capacité juridique d'exercer ses fonctions à l'extérieur de la Nouvelle-Écosse et d'accepter et de recevoir de toute autorité compétente à l'exté- rieur de la Nouvelle-Écosse, les droits et les pou- voirs nécessaires à lui permettre, à l'extérieur de la Nouvelle-Écosse, d'accomplir tout acte ou de faire toute chose qu'elle a le droit ou le pouvoir d'ac- complir ou de faire à l'intérieur de la Nouvelle- Écosse. Voir les Statuts de la Nouvelle-Écosse 1921, c. 40, art. 1; S.R.N.-E. 1923, c. 173, art. 3, 4 & 5; S.R.N.-E. 1954, c. 74, art. 2, 3 & 4; et S.R.N.-E. 1967, c. 59, art. 2, 3 & 4.
J'en arrive à ce que révèle l'affidavit; les faits exposés aux paragraphes 3, 10 et 11 de l'affidavit de la demanderesse cadrent avec sa prétention selon laquelle son entreprise serait de nature pro- vinciale. En fait, ils font pencher la balance en ce sens. Toutefois, on n'explique pas ce que comprend l'offre, en Nouvelle-Écosse, sur une échelle requé- rant le travail de quelque 3,500 employés, de «services de télécommunication» aux usagers de cette province. On ne s'étend pas davantage sur ce qu'implique l'offre à ces derniers d'un service inter- urbain, interprovincial et international, service qu'on peut supposer leur être offert, selon l'avocat, et on ne donne pas plus de détails sur les ententes permettant d'offrir lesdits services. L'affidavit est également silencieux sur le rôle joué par la deman- deresse et sur les ententes en vertu desquelles elle joue ce rôle, relativement au service interprovincial que des compagnies faisant affaire à l'extérieur de la Nouvelle-Ecosse fournissent à leurs usagers en parfaisant leurs appels aux clients de la demande- resse. Par conséquent, à mon avis, la preuve ne serait pas nécessairement incompatible avec une
3 [1916] 1 A.C. 566.
entreprise qui comprendrait l'offre de services d'un caractère extra-provincial.
Sans doute ne faut-il pas présumer qu'en assu- rant d'une certaine façon les services téléphoniques et télégraphiques de ses usagers à l'extérieur de la province, la demanderesse le fait en exploitant une entreprise extra-provinciale, donc fédérale. Mais, bien qu'on ne doive rien supposer de semblable, il incombe cependant à la demanderesse d'établir clairement les faits devant la Cour et de ne laisser subsister aucun doute quant à la nature précise de l'entreprise exercée lorsqu'elle prie cette cour de décerner un bref de prohibition dans le but d'em- pêcher le Conseil des relations du travail d'exercer ses fonctions statutaires qui consistent au moins à examiner sinon à trancher de façon définitive la question de sa compétence à traiter de l'affaire pour laquelle on a invoqué son autorité.
Le bref de prohibition n'est pas un redressement qu'on peut réclamer de droit. La Cour peut l'ac- corder à sa discrétion et, compte tenu de sa compé- tence pour juger les faits et de l'omission par le syndicat défendeur de soumettre le signataire de l'affidavit à un contre-interrogatoire et de fournir des preuves, même si les éléments de preuve dont elle dispose peuvent être considérés comme favora- bles à la conclusion avancée par la demanderesse, il me semble que la Cour, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, peut tenir compte de l'in- suffisance de la preuve et du manque d'explica- tions qui auraient pu confirmer la conclusion ou, au contraire, en souligner la faiblesse'.
La demande d'un bref de prohibition est une procédure appropriée pour faire trancher une ques tion de compétence à un stade initial lorsque des faits non contestés soulèvent une question de droits. Mais lorsque les faits, même s'ils ne sont pas nécessairement contestés ni susceptibles de l'être sérieusement, n'ont pas convaincu cette cour du manque de compétence, on comprend sa répu- gnance à conclure définitivement à l'absence de compétence et à statuer que le Conseil n'a même
4 Comparer In re Birch (1855) 15 C.B. 743, 139 E.R. 617 et Taylor c. Nicholls (1876) 1 C.P.D. 242.
' Voir l'affaire Bell c. Ontario Human Rights Commission [1971] R.C.S. 756 et l'extrait qu'on y cite de la décision du juge en chef lord Goddard, dans l'affaire Ex parte Northfield (Highgate) Ltd. [1957] 1 Q.B. 103à la page 107.
pas le droit d'examiner les faits au sujet desquels on met en doute sa compétence.
Vu le cours qu'ont suivi jusqu'à maintenant les procédures entamées devant le Conseil canadien des relations du travail et leur état actuel, il se pose une seconde question, reliée à la première et qui selon moi, se rapporte à la pertinence, en l'espèce, d'un bref de prohibition. A cette fin, nous devrons décrire brièvement la correspondance échangée par le Conseil et la demanderesse et ce qui en est résulté.
La demande présentée par le syndicat au Con- seil a été déposée le 24 janvier 1975. Le syndicat cherchait à être accrédité à titre d'agent négocia- teur d'un groupe d'environ 1,560 employés de la demanderesse et de l'Island Telephone Company Limited de Charlottetown (Île-du-Prince- Édouard) et la demande déclarait notamment que le syndicat était déjà accrédité en vertu des lois de la Nouvelle-Écosse à titre d'agent négociateur des employés compris dans le groupe. Je souligne que cette déclaration semble avoir été inexacte en ce qui a trait aux employés de l'Island Telephone Company Limited.
A la demande, était jointe une lettre des avocats du syndicat dans laquelle ils disaient croire que le Conseil avait compétence en vertu du paragraphe 2b) du Code canadien du travail; ils renvoyaient également à l'article 133 de la Loi. Le dossier indique que le Conseil a reçu le 23 février 1975 les copies des ordonnances du Conseil des relations du travail de la Nouvelle-Écosse et, le 5 mars 1975, copies des ordonnances d'accréditation du syndicat défendeur émanant du Conseil des relations du travail de l'Île-du-Prince-Édouard.
Le 3 mars, le Conseil canadien des relations du travail a accusé réception auprès de la demande- resse de la demande d'accréditation, dont copie était jointe à la lettre, et il a renvoyé la demande- resse à divers règlements établis en vertu du Code canadien du travail et à un article de la Loi elle-même, priant la demanderesse de s'y conformer.
Le 10 mars, la demanderesse a accusé réception de la lettre du Conseil; elle soulignait que les annexes A et B de la demande ne faisaient pas
partie des documents joints à la lettre du Conseil et en demandait copie [TRADUCTION] «afin que nous puissions agir conformément aux `Directives à l'intention de l'employeur concernant l'affichage' du Conseil canadien des relations du travail». Le dossier du Conseil indique que ce dernier a égale- ment reçu une lettre de l'Island Telephone Com pany Limited, dont les trois premiers paragraphes sont identiques aux trois paragraphes de la lettre
de la demanderesse.
Cependant, le 17 mars 1975, l'avocat de la demanderesse a retourné au Conseil tous les docu ments que celui-ci lui avait envoyés avec une lettre dont le premier paragraphe se lit comme suit:
[TRADUCTION] La Maritime Telegraph & Telephone Company Limited a retenu mes services au sujet de la question susmen- tionnée. J'ai instruction de vous informer que la Maritime Telegraph & Telephone Co. Ltd. est une compagnie constituée en vertu d'une loi privée de la législature de la Nouvelle-Écosse. La compagnie est régie par le Board of Commissioners of Public Utilities de la Nouvelle-Écosse. Les employés qui feraient partie de l'unité de négociation faisant l'objet de la demande présentée par la F.I.O.E. sont actuellement accrédités par le Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse). La compagnie fait exclusivement affaire à l'intérieur des limites de la province de la Nouvelle-Écosse et ne peut en aucune façon être considérée comme une «entreprise fédérale». Il est évident qu'il n'existe pas de compétence quant à la demande ci-incluse.
Le 19 mars, les avocats de l'Island Telephone Company Limited ont pris les mêmes mesures.
Le Conseil a répondu le 2 avril 1975 en adres- sant des lettres identiques aux deux sociétés d'avo- cats. Le corps de la lettre adressée aux avocats de la demanderesse se lit ainsi:
[TRADUCTION] Nous accusons par les présentes réception de votre lettre en date du 17 mars 1975 et des pièces y annexées.
Compte tenu des points que soulève votre lettre, j'ai instruc tion de vous prier de vous conformer aux articles 6 et 10 12 inclusivement du Règlement du Conseil canadien des relations du travail qui exposent les conditions à remplir pour déposer une réponse à cette demande.
Soulignons que toute réponse que vous pourrez déposer sera reçue sans préjudice à votre position concernant la question de compétence en cause.
J'inclus la correspondance, la demande et la «Directive à l'intention de l'employeur concernant l'affichage» expédiées à votre cliente le 3 mars 1975.
M. J. Vines, fonctionnaire des Relations du travail, se mettra sous peu en rapport avec vous. J'ose espérer que vous satisferez aux exigences du Code canadien du travail et fournirez à M. Vines tous les renseignements dont il aura besoin au cours de son enquête.
Le 9 avril, les avocats de la demanderesse ont répondu par lettre, dont voici les deux premiers paragraphes:
[TRADUCTION] Nous accusons par les présentes réception de votre lettre du 2 avril 1975 que nous avons reçue le 7 avril. J'ai de nouveau discuté de la question avec ma cliente et j'ai instruction de vous répéter le contenu de ma lettre précédente et de souligner que ma cliente se refuse à afficher des directives qui auraient une mauvaise influence sur nos employés. Elle ne veut pas davantage engager les dépenses nécessaires pour prou- ver ce qui devrait être évident dès le début. La requérante elle-même admet être accréditée dans la province conformé- ment aux lois de la Nouvelle-Écosse. Sans aucun doute, dans un cas aussi évident que celui-ci, c'est votre devoir de prévenir la requérante que vous n'avez pas compétence sur les employés qu'elle représente. Nous vous conseillons de demander aux requérantes des preuves concluant à votre compétence avant d'entamer les procédures. Je n'ai pas à insister sur le fait que votre compétence se limite à une «entreprise fédérale» et que toutes les dispositions exécutoires de la Loi se fondent sur la compétence.
Par conséquent, je vous renvoie par les présentes la documen tation que vous nous avez adressée au motif que vous n'avez pas la compétence voulue pour ouvrir les procédures.
Et les avocats de l'Island Telephone Company Limited ont adressé une lettre semblable le 11 avril 1975.
Le dossier du Conseil indique que les points soulevés par les avocats de la demanderesse étaient à l'étude en juillet 1975 et que le 11 août 1975, le Conseil a demandé par écrit au syndicat d'établir le bien-fondé de sa demande en déposant des allé- gations écrites appuyant notamment sa prétention selon laquelle le Conseil a compétence pour donner suite à sa demande. Le 2 octobre 1975, en réponse à sa lettre, le Conseil a reçu des avocats du syndi- cat un mémoire de quelque 49 pages dactylogra- phiées, dont 32 traitaient de la compétence du Conseil et des objections qu'y apportait la deman- deresse. A la page 9, on lit la déclaration suivante:
[TRADUCTION] Il est indéniable que MT & T et IT assurent des communications de nature interprovinciale.
et à la page 11:
[TRADUCTION] Par conséquent, bien que MT & T et IT ne possèdent pas elles-mêmes des lignes téléphoniques dans d'au- tres provinces et ne puissent donc être qualifiées d'«ouvrages» leur situation s'accorde parfaitement à la définition du mot «entreprise» au sens de la Loi. Nous sommes en présence de compagnies de téléphone qui utilisent des objets matériels en vertu d'une «entente». Cette «entente» est le «Réseau téléphoni- que transcanadien» grâce auquel les huit compagnies de télé- phone les plus importantes au Canada coopèrent afin de facili- ter les opérations interurbaines. Par conséquent, nous alléguons
en toute déférence que MT & T et IT sont des entreprises interprovinciales telles que les définissent des décisions judiciai- res et par conséquent qu'elles ressortissent à la compétence fédérale.
Je dois souligner ici que l'avocat de la demande- resse a objecté que les allégations de fait contenues au mémoire, à défaut de confirmation par affida vit, ne devraient pas être considérées comme étant prouvées aux fins de cette demande. Je suis d'ac- cord. D'un autre côté, à mon avis, les allégations ne sont pas non plus réfutées par l'affidavit qu'a déposé la demanderesse à l'appui de sa demande. Par exemple, il ne nie pas l'existence d'ententes de coparticipation permettant à la demanderesse et aux exploitants d'un service de télécommunication interprovincial d'offrir en Nouvelle-Écosse des ser vices de télécommunications interprovinciaux.
Le dossier révèle également que le 20 novembre des copies du mémoire du syndicat ont été expé- diées à la demanderesse et à ses avocats ainsi que des copies d'une lettre du Conseil adressée aux avocats du syndicat, dont le corps se lit ainsi:
[TRADUCTION] Nous accusons réception du document inti- tulé «Mémoire soumis pour le compte de la requérante» en date du 26 septembre 1975, que vous avez présenté conformément à la demande qu'a faite le Conseil dans sa lettre du 18 août 1975.
Tout en remettant le prononcé de toute décision quant au fond de votre mémoire, le Conseil estime juste que dans les circonstances toutes les parties intéressées aient la possibilité de répondre aux arguments que vous avez avancés. En consé- quence, nous adressons une copie de votre mémoire à toutes les parties énumérées plus bas, auxquelles nous expédions égale- ment copie de cette lettre. Il est loisible à ces parties de faire des observations sur votre mémoire au plus tard le 18 décembre 1975.
Voici le corps de la lettre d'envoi à la demande- resse et certaines autres parties de cette lettre, portant la même date que la précédente:
[TRADUCTION] Veuillez trouver ci-joint copie du document intitulé «Mémoire soumis pour le compte de la requérante», expédié par Peter Landry, avocat de la Fraternité interna- tionale des ouvriers en électricité. Nous joignons également pour votre gouverne copie de notre accusé de réception à Landry en date d'aujourd'hui.
Vous noterez que le Conseil a remis le prononcé de toute décision quant au fond du mémoire de Me Landry jusqu'à ce que les parties intéressées aient eu la possibilité de présenter par écrit, au plus tard le 18 décembre 1975, les observations qu'elles peuvent vouloir faire.
A mon avis, il ressort de cette correspondance que bien que le Conseil, dans sa première lettre à
la demanderesse, c'est-à-dire sa lettre du 3 mars 1975, ait prétendu exercer sa compétence en exi- geant l'observation de certains règlements prévus par la loi et d'une certaine disposition du Code canadien du travail, depuis réception de la pre- mière des lettres des avocats de la demanderesse, en date du 17 mars 1975, il n'a même pas affirmé que sa compétence s'étendait à la MT & T. J'es- time que sa réponse du 2 avril 1975 n'est pas un ordre mais une simple demande, priant la deman- deresse d'obéir sans qu'il soit porté atteinte à ses vues sur la question de compétence. La demande- resse a non seulement refusé d'accéder à cette prière, mais elle a engagé le Conseil à demander preuve de sa compétence au syndicat requérant avant d'«ouvrir les procédures».
Le Conseil semble avoir accepté cette proposi tion. Il a demandé au syndicat d'étayer sa position et, sur réception du mémoire de ce dernier, il en a adressé des copies à la demanderesse. Cela fait, il a invité la demanderesse à faire des observations au plus tard le 18 décembre 1975 et en attendant, il a remis le prononcé de «toute décision quant au fond du mémoire de Me Landry». Le dossier du Conseil ne contient aucune réponse à sa lettre ni observa tions de la demanderesse sur le mémoire du syndi- cat et, comme la présente demande a été déposée le 18 décembre 1975, nous sommes en droit de présumer qu'on n'a fait ni réponse ni observations.
Par conséquent, il ne ressort aucunement des documents soumis à la Cour que le mémoire du syndicat, objet ou pas d'observations de la deman- deresse, ait convaincu le Conseil qu'il a compé- tence pour donner suite à la demande de la F.I.O.E. ni qu'à ce stade, il ait résolu de revendi- quer sa compétence relativement à la demande- resse. Cette dernière ayant soulevé l'objection, il me semble que le Conseil a simplement cherché les renseignements nécessaires pour décider s'il doit assumer et revendiquer sa compétence en la matière ou la décliner. Voilà en étaient les choses à l'introduction de cette demande, et d'après les documents soumis à la Cour, depuis le 2 avril 1975 le Conseil n'a jamais menacé la demanderesse d'exercer à son endroit une compé- tence illégitime. En se fondant sur les documents soumis à la Cour, le Conseil peut juger préférable de ne pas revendiquer sa compétence en la matière; il peut également décider d'examiner la question
plus en profondeur avant de prendre une décision. Quoi qu'il en soit, le Conseil ne prétend pas actuel- lement exercer sa compétence à l'endroit de la demanderesse et, selon moi, la Cour doit en tenir compte lorsque, dans l'exercice du pouvoir discré- tionnaire qui lui est conféré, elle décide d'accepter ou de refuser à ce stade de décerner un bref de prohibition contre le Conseil.
Tout bien considéré, je conclus que dans l'exer- cice du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré, la Cour doit refuser la demande; par conséquent elle sera rejetée avec dépens.
L'intervenant n'aura droit à aucuns dépens et n'en paiera aucuns.
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