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A-728-76
Phillis Jonas (Requérante) c.
G. Therrien et le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration (Intimés)
et
Le sous-procureur général du Canada (Mis-en- cause)
Division d'appel, les juges Pratte et Le Dain et le juge suppléant Hyde—Montréal, le 22 mars 1977; Ottawa, le 15 avril 1977.
Examen judiciaire Immigration Demande aux fins
d'annuler une ordonnance d'expulsion Admission de la requérante comme ménagère pour une période limitée devant expirer un jour fixe ou le jour son visa d'emploi cesserait
d'être valide (soit le premier de ces jours) Changement d'emploi sans autorisation Violations des conditions du visa
d'emploi Le visa d'emploi a cessé d'être valide Les règlements relatifs aux «restrictions selon lesquelles peut être accordée, l'admission de personnes» dans le paragraphe 57g) de la Loi sur l'immigration autorisent-ils seulement les con-
tingentements? Le statut des personnes peut-il être assujetti à la condition que ces dernières continuent de satisfaire aux exigences? Conditions expressément autorisées par les
Règlements Règlements autorisés en vertu de l'alinéa
57g)(iii) de la Loi La requérante est demeurée au Canada
sans autorisation après avoir cessée d'être non-immigrant Demande rejetée Loi sur l'immigration, S.R.C. 1970, c. 1-2,
art. 18(I)e)(vi), 57g)(iü) Règlement sur l'immigration, Partie 1, DORS/62-36 (et ses modifications, DORS/73-20), art. 3C, 3E.
DEMANDE. AVOCATS:
Julius Grey pour la requérante.
Suzanne Marcoux-Paquette pour les intimés.
PROCUREURS:
Lazare et Altschuler, Montréal, pour la requérante.
Le sous-procureur général du Canada pour les intimés.
Voici les motifs du jugement rendus en français par
LE JUGE PRATTE: Cette demande en vertu de l'article 28 est dirigée contre l'ordonnance d'expul- sion prononcée contre la requérante le 19 octobre 1976.
La requérante vient de Tobago. En décembre 1975, on l'a autorisée à demeurer au Canada comme non-immigrant et à y travailler. Conformé- ment aux exigences de l'article 3C des Règlements sur l'immigration, Partie I [DORS/62-36, tel que modifié], elle était alors en possession d'un visa d'emploi l'autorisant à travailler comme ménagère pour le compte d'une dame Griswald, à Montréal. Suivant l'article 3E des règlements, la requérante fut alors admise au pays pour une période limitée devant expirer au premier des deux jours suivants:
(a) le 10 décembre 1976, ou
(b) le jour son visa d'emploi cesserait d'être valide.
Au printemps 1976, la requérante cessa de travail- ler pour madame Griswald, l'employeur nommée dans son visa d'emploi et, sans autorisation, accepta une autre situation. Il est constant que, ce faisant, la requérante a violé les conditions de son visa d'emploi qui, de ce fait, a cessé d'être valide.
Au mois d'août 1976, on fit un rapport en vertu de l'article 18(1)e)(vi) de la Loi sur l'immigration alléguant que la requérante, en demeurant au Canada sans autorisation après avoir cessé de tra- vailler pour madame Griswald, était demeurée au Canada après avoir cessé d'être non-immigrant. Une enquête eut lieu au terme de laquelle l'enquê- teur spécial, considérant que les allégations du rapport fait en vertu de l'article 18 avaient été prouvées, ordonna l'expulsion de la requérante.
Comme nous l'avons indiqué à l'audience, étant donné les décisions antérieures de la Cour, un seul des arguments soulevés par l'avocat de la requé- rante mérite d'être considéré. C'est l'argument suivant lequel la requérante n'aurait pas cessé d'être non-immigrant en cessant de travailler pour madame Griswald parce que les autorités, qui avaient le pouvoir de décider de son admissibilité en vertu de la Loi sur l'immigration, n'auraient pas eu le pouvoir d'assujettir son statut de non- immigrant à la condition qu'elle continuerait à travailler pour la personne nommée dans son visa d'emploi. Pareille condition serait, suivant l'avocat de la requérante, une restriction intolérable appor- tée à la liberté du non-immigrant.
Que l'imposition de pareille condition puisse paraître inacceptable à certains, cela importe peu
puisqu'elle est expressément autorisée par les Règlements sur l'immigration. La validité de cette condition dépend donc uniquement de la validité des dispositions réglementaires qui en autorisent l'imposition.
Le pouvoir du gouverneur en conseil d'édicter des règlements en matière d'immigration a sa source dans l'article 57 dont le texte est, en partie, le suivant:
57. Le gouverneur en conseil peut établir des règlements pour la réalisation des fins et l'application des dispositions de la présente loi et, sans restreindre la généralité de ce qui précède, il peut établir des règlements concernant
g) l'interdiction d'accorder, ou les restrictions selon lesquel- les peut être accordée, l'admission de personnes en raison
(iii) d'inaptitude eu égard aux conditions ou exigences climatiques, économiques, sociales, industrielles, éducati- ves, ouvrières, sanitaires ou autres existant temporaire- ment ou autrement au Canada ou dans la région ou le pays d'où, ou par lequel ces personnes viennent au Canada, ....
Essentiellement, les dispositions du règlement relatives aux visas d'emploi limitent l'admission des non-immigrants qui se proposent de travailler au Canada à ceux-là qui ont l'intention d'effectuer des travaux que les Canadiens ne peuvent ou ne veulent pas exécuter. Ces dispositions ne me sem- blent pas excéder le pouvoir réglementaire conféré par l'article 57g)(iii) puisque, comme je les com- prends, elles imposent des restrictions à l'admis- sion des non-immigrants en raison de l'inaptitude, eu égard aux conditions économiques existant au Canada, des non-immigrants qui, en travaillant au Canada, enlèveraient du travail aux Canadiens.
L'avocat de la requérante a prétendu que les mots «restrictions selon lesquelles peut être accor- dée, l'admission» dans l'article 57g) visaient seule- ment le pouvoir de contingenter l'admission des étrangers au Canada. Je ne vois pas pourquoi il faudrait limiter de cette façon le sens du mot «restriction». L'avocat de la requérante a aussi soutenu que le pouvoir qu'accorde l'article 57g), d'imposer des restrictions à l'admission ne com- prend pas le pouvoir d'assujettir le statut des per- sonnes admises à la condition qu'elles continuent de satisfaire à certaines exigences. Je n'accepte pas cette prétention qui, on peut l'observer, se fonde davantage sur le texte anglais que sur le texte français de l'article 57g). A mon avis, le pouvoir
d'imposer des restrictions à l'admission des étran- gers au Canada comprend le pouvoir d'assujettir l'admission de ces personnes aux conditions néces- saires pour assurer l'efficacité des restrictions imposées. Il n'est pas nécessaire d'imposer de pareilles conditions pour assurer l'efficacité des restrictions établies par la fixation d'un contingent ou établies par référence à des faits qui existent déjà à l'époque de l'admission; il en va autrement cependant des restrictions à l'admission imposées relativement aux activités que poursuivront les étrangers après leur admission au Canada: de pareilles restrictions seraient dénuées d'efficacité si elles n'étaient accompagnées de l'imposition de conditions comme celles dont il s'agit ici.
Pour ces motifs, je rejetterais la demande.
* * *
LE JUGE LE DAIN: Je suis d'accord.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT HYDE: Je suis d'accord.
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