A-225-74
Norman Leon (Appelant)
c.
Le ministre du Revenu national (Intimé)
Cour d'appel, les juges Heald et Ryan et le juge
suppléant MacKay—Toronto, le 10 mars; Ottawa,
le 28 juin 1976.
Impôt sur le revenu—Compagnie contrôlée par le contribua-
ble—Imposition des revenus sous forme de salaires versés aux
compagnies—La compagnie est-elle une corporation person-
nelle?—Loi de l'impôt sur le revenu, art. 68.
L'appelant était associé avec d'autres contribuables dans
divers secteurs d'une entreprise d'ameublement qu'ils diri-
geaient par l'entremise d'une société en commandite, l'Ablan
Leon Distributors. Cette dernière employait cinq compagnies
qui fournissaient des services (dans trois cas, expressément des
services de gestion). Aucune des compagnies n'avait d'autre
employé véritable que les contribuables qui la contrôlaient et
elles ne disposaient pas de l'équipement habituel d'une entre-
prise. Au cours des années d'imposition 1968 et 1969, le
Ministre a imposé chacun des contribuables à l'égard des
rémunérations versées par l'Ablan Leon Distributors aux com-
pagnies employées. L'appelant et les autres contribuables pré-
tendent qu'ils ont fourni des services aux compagnies employées
qui leur versaient des salaires. La Commission de révision de
l'impôt a accordé gain de cause aux contribuables. En appel, la
Division de première instance a accueilli le pourvoi à l'encontre
de Norman Leon (l'appelant), statuant qu'il contrôlait la com-
pagnie qui avait conclu avec l'Ablan Leon Distributors un
contrat de fourniture de services de relations publiques: ses
services dépassaient de beaucoup le cadre des relations publi-
ques et s'étendaient à la gestion. Les sommes que cette compa-
gnie lui a versées comprenaient des services de gestion. Les
postes de paiement effectués par l'Ablan Leon Distributors à la
compagnie portaient tous sur des services qu'avait fournis
Norman Leon, qui n'a pas prouvé, comme il lui incombait de le
faire, que le Ministre a eu tort de considérer les postes comme
un revenu. Norman Leon a interjeté appel.
Arrêt: l'appel est rejeté. L'intervention de la Nor-Mar dans
la fourniture de services de l'appelant à l'Ablan Leon Distribu
tors ne servait aucune fin commerciale utile, elle est donc une
feinte et empêche l'appelant d'obtenir gain de cause. Bien qu'il
ait existé certains impératifs commerciaux réels, il ne suffit pas
d'établir qu'ils sont servis par la constitution de la personne
morale qui intervient. Il faut de plus prouver que la transaction
ou entente dans laquelle elle intervient a pour objet une fin
commerciale authentique. Ce n'est pas le cas en l'espèce. Les
conclusions du juge de première instance à l'égard des différen-
ces de fait qui distinguent l'affaire de l'appelant de celles des
autres contribuables sont justifiées et elles constituent une
raison supplémentaire de rejeter l'appel.
APPEL.
AVOCATS:
R. E. Shibley, c.r., M. L. O'Brien et G. J.
Corn pour l'appelant.
N. A. Chalmers, c.r., et J. Weinstein pour
l'intimé. ,
PROCUREURS:
Shibley, Righton & McCutcheon, Toronto,
pour l'appelant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Appel est interjeté d'un juge-
ment de la Division de première instance ayant
pour effet de confirmer les nouvelles cotisations
établies par l'intimé relativement aux années d'im-
position 1968 et 1969 de l'appelant. En vertu d'une
ordonnance rendue sur consentement, toute la
preuve pertinente déposée au procès de l'action
entre le ministre du Revenu national et Ablan
Leon (1964) Limited (n° du greffe: A-226-74)
s'applique en l'espèce.
L'appelant est le neveu des cinq frères Leon
(Anthony, Lewie, Edward, George et Joseph, par
ties à l'action susmentionnée portant le n° du
greffe: A-226-74) et le fils de leur frère aîné,
décédé. Depuis environ 25 ans, l'appelant s'occupe
de vente de meubles. Avant 1956, il aidait son père
à temps partiel, alors qu'il fréquentait encore
l'école. Par la suite, il a été employé dans l'entre-
prise d'ameublement exploitée par ses oncles
Anthony, Lewie, Edward et George, dans des
magasins situés à Welland, Fort Érié, Port Col -
bourne et Niagara Falls. Entre 1956 et 1962,
l'appelant possédait, gérait et exploitait en qualité
de seul propriétaire le magasin situé à Fort trié.
Pendant la même période, l'appelant a également
continué à aider ses oncles à exploiter leur entre-
prise d'ameublement en gérant certains magasins
dans la région de Niagara. La Nor-Mar Projects
Limited (ci-après appelée Nor-Mar) a été consti-
tuée en octobre 1962. A toutes les époques qui
nous intéressent, l'appelant était président de la
Nor-Mar et détenait réellement toutes les actions
émises et en circulation dans le capital de la
Nor-Mar.
' [19741 2 C.F. 708.
Les postes contestés dans cet appel sont les
paiements de $8,000 et $39,000, effectués en 1968
et 1969 respectivement par Ablan Leon Distribu
tors à la Nor-Mar, que le Ministre, d'après les
nouvelles cotisations déjà mentionnées, a considé-
rés comme un revenu de l'appelant.
Le Ministre allègue que, s'étant consacré exclu-
sivement à la gestion, à la surveillance, au contrôle
et à la direction des opérations de certains maga-
sins de l'Ablan Leon Distributors, pendant les
années d'imposition 1968 et 1969, Norman Leon a
acquis le droit de recevoir les montants susmen-
tionnés et qu'à sa demande, l'Ablan Leon Distribu
tors les a versés à la Nor-Mar.
D'autre part, l'appelant allègue que, durant les
années d'imposition 1968 et 1969, il était employé
par la Nor-Mar qui lui versait un salaire et que
cette compagnie, en vertu d'une entente conclue
avec l'Ablan Leon Distributors, fournissait à cette
dernière des services de gestion et recevait en
contrepartie des honoraires de gestion. L'appelant
prétend en outre qu'à titre d'employé de la Nor-
Mar, il consacrait une partie de son temps à la
gestion, à la surveillance, au contrôle et à la direc
tion des opérations de certains magasins de l'Ablan
Leon Distributors et que la Nor-Mar a reçu les
montants susmentionnés en paiement de ces
services.
Le savant juge de première instance, d'après la
preuve qui lui était présentée, a déterminé les faits
que je résume comme suit:
a) La Nor-Mar n'avait pas d'autre employé
véritable que l'appelant qui la contrôlait.
b) La Nor-Mar ne disposait pas de l'équipe-
ment habituel et ordinaire d'une entreprise.
c) C'est Norman Leon qui fournissait active-
ment des services à l'Ablan Leon Distributors.
C'étaient les services de Norman Leon, par opposi
tion à ceux de la Nor-Mar, qui intéressaient l'en-
treprise de l'Ablan Leon Distributors.
d) L'affaire Norman Leon se distingue des
affaires Anthony Thomas Leon, Lewie Leon et
Edward Leon en ce que Norman Leon n'était pas
actionnaire de l'Ablan Leon (1964) Limited.
e) L'intervention de la Nor-Mar avait pour seul
but de réduire l'assujettissement à l'impôt sur le
revenu de Norman Leon et les actionnaires majori-
taires de l'Ablan Leon (1964) Limited consen-
taient à collaborer avec l'appelant Norman Leon à
cette fin.
Il est intéressant de noter que le savant juge de
première instance a conclu dans l'affaire Norman
Leon, aussi bien que dans celles d'Anthony, d'Ed-
ward et de Lewie, que l'intervention des compa-
gnies de gestion respectives avaient pour seul but
de réduire l'assujettissement à l'impôt de Norman,
d'Anthony, d'Edward et de Lewie. Nonobstant ces
conclusions de fait identiques, le savant juge de
première instance s'est prononcé en faveur des
contribuables dans le cas d'Anthony, d'Edward et
de Lewie alors qu'il a donné gain de cause au
Ministre dans le cas de Norman.
Mises à part plusieurs différences qui distin-
guent l'affaire de Norman Leon de celles d'An-
thony, d'Edward et de Lewie Leon, je suis d'avis
que l'intervention de la Nor-Mar dans la fourni-
ture de services de Norman Leon à l'Ablan Leon
Distributors ne servait aucune fin commerciale
utile, qu'elle est donc feinte et empêche l'appelant
d'obtenir gain de cause en l'espèce.
D'après la preuve, il ne fait aucun doute que de
réels impératifs commerciaux justifiaient la consti
tution de la Nor-Mar, ce dont témoignent les
nombreuses autres activités commerciales auxquel-
les elle se livre. Cependant, comme je l'ai dit dans
mon jugement sur les affaires Anthony, Edward et
Lewie Leon (n°S du greffe: A-232-74; A-233-74;
A-234-74), il ne suffit pas d'établir que la constitu
tion de la personne morale qui intervient sert une
fin commerciale utile, il faut de plus prouver que
la transaction ou l'entente dans laquelle elle inter-
vient a pour objet une fin commerciale authenti-
que, ce qui n'est pas plus le cas en l'espèce que ce
ne l'était pour Anthony, Edward et Lewie Leon.
Par conséquent, pour cette raison seule, il faut
rejeter l'appel.
J'ai dit plus haut que de nombreux points distin-
guent l'affaire Norman Leon de celles d'Anthony,
d'Edward et de Lewie Leon. Le savant juge de
première instance a traité comme suit de ces diffé-
rences de fait aux pages 720, 721, 722 et 723 de
son jugement:
Le 1" mai 1964, la Nor-Mar Projects Limited conclut un
contrat de travail dans lequel le nom des employeurs était le
même que dans les affaires Anthony Thomas Leon, Edward
Leon et Lewie Leon. Le contrat de la Nor-Mar Projects
Limited diffère de celui que l'on retrouve dans ces trois autres
affaires.
Voici les services que la Nor-Mar Projects Limited devait
fournir aux termes de son contrat d'emploi:
[TRADUCTION] 1. La Leon confiera à la Nor-Mar la charge
et la responsabilité de tout le travail de publicité et de
relations extérieures qui peut être nécessaire à l'exploitation
de tous magasins appartenant à la Leon, qu'ils lui appartien-
nent présentement ou qu'ils soient acquis postérieurement.
2. La Nor-Mar consacrera tout son temps et toutes ses
énergies à exercer et à remplir comme il se doit toutes les
fonctions qui sont habituellement attribuées à une personne
ou à une compagnie chargée du travail de publicité ou de
relations extérieures se rapportant particulièrement aux
magasins pratiquant le commerce susmentionné.
3. La Nor-Mar sera entièrement responsable de toutes les
décisions qui seront prises dans le domaine de la publicité ou
des relations extérieures, mais s'il survient un conflit entre la
Leon et la Nor-Mar quant à une ligne de conduite ou à une
opération donnée concernant l'un des magasins, la décision
de la Leon doit toujours prévaloir.
Par conséquent, la responsabilité de la Nor-Mar Projects
Limited portait uniquement sur la publicité et les relations
extérieures et rien d'autre.
Je conclus que les services exécutés par Norman Leon ont
excédé de beaucoup ceux que la Nor-Mar Projects Limited
devait fournir en vertu de son contrat (publicité et relations
extérieures). Je conclus que Norman Leon a également géré,
surveillé, contrôlé et dirigé les opérations de certains magasins.
Les plaidoiries des intimés montrent, pourrait-on également
souligner, que les services effectivement exécutés par Norman
Leon dépassaient le cadre de la publicité et des relations
extérieures.
Le paragraphe 4 de la réponse à l'avis d'appel dans l'affaire
Norman Leon se lit comme suit:
[TRADUCTION] Concernant les paragraphes 3 et 4 de l'avis
d'appel, l'intimé déclare qu'à titre d'employé de la Nor-Mar
Projects Limited, il consacra une partie de son temps à la
gestion, à la surveillance, au contrôle et à la direction des
opérations de certains magasins de l'Ablan Leon Distribu
tors, et qu'en paiement de ces services, la Nor-Mar Projects
Limited a reçu les montants de
1968 — $ 8,000
1969 — $39,000
De toute évidence, le contrat de la Nor-Mar Projects Limited
ne prévoyait pas l'exécution de services ayant trait à «la gestion,
à la surveillance, au contrôle et à la direction des opérations de
certains magasins».
La disposition prévoyant la rémunération de la Nor-Mar
Projects Limited en conformité de son contrat était la suivante:
[TRADUCTIONS] En paiement des services susmentionnés, la
Nor-Mar recevra le montant de douze cent cinquante dollars
($1,250) par mois et, en plus, une prime calculée d'après le
volume des ventes réalisées dans lesdits magasins ou n'im-
porte quel d'entre eux. Cette prime sera établie et déterminée
suivant un contrat subséquent conclu entre les parties.
Les «services susmentionnés» dans la clause de rémunération
concernaient, de toute évidence, le travail de publicité et de
relations extérieures que la Nor-Mar Projects Limited s'enga-
geait à fournir. Ils ne visaient pas la gestion, la surveillance, le
contrôle et la direction des opérations des magasins.
Il ne faut pas prendre pour acquis que les services de gestion,
de surveillance, de contrôle et de direction des opérations
rendus par Norman Leon ont été ou devaient être exécutés
gratuitement. On est forcé de conclure que les postes de
paiement effectués par l'Ablan Leon Distributors qui sont en
litige, savoir $8,000 pour l'année d'imposition 1968 et $39,000
pour l'année d'imposition 1969, portaient sur l'ensemble des
services exécutés par Norman Leon, y compris les services
d'ordre administratif.
S'il s'agissait de services relevant uniquement de la publicité
et des relations extérieures joints aux services d'ordre adminis-
tratif montrant ainsi l'opportunité d'une répartition entre ces
services, rien n'a été tenté pour établir cette répartition. A mon
avis, il incomberait à l'intimé d'établir son droit à une réparti-
tion et la nature de cette répartition. Il ne l'a pas fait.
Je conclus que l'intimé Norman Leon n'a pas établi, comme
il lui incombait de le faire, que la position de l'appelant dans
l'affaire Norman Leon concernant les cotisations, la base de ces
cotisations ou les hypothèses de l'appelant était mal fondée.
L'appel du ministre du Revenu national dans l'affaire
Norman Leon est accueilli. Les cotisations établies par l'appe-
lant dans cette affaire sont rétablies. L'appelant recouvrera ses
dépens du présent appel.
J'estime que la preuve dont disposait le savant
juge de première instance justifie les conclusions
susmentionnées qui constituent une raison supplé-
mentaire de rejeter l'appel.
Pour les motifs susmentionnés, l'appel est rejeté
avec dépens.
* * *
LE JUGE RYAN: Je souscris à ces motifs.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY: Je souscris à
ces motifs.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.