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A-450-76
Le ministre du Revenu national (Requérant)
c.
Dame L. H. MacDonald faisant affaires sous la raison sociale «Hôpital Ste-Thérèse des Convales cents Enrg.» (Intimée)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, le juge Pratte et le juge suppléant Hyde—Montréal, les 15, 16 et 17 décembre 1976; Ottawa, le 21 janvier 1977.
Examen judiciaire Assurance-chômage Demande d'examen de l'évaluation par le juge-arbitre des sommes dues par l'employeur La Cour a-t-elle compétence pour entendre cet appel Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970- 71-72, c. 48, art. 70, 84, 85, 86 et 100 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.) c. 10, art. 28.
Le requérant prétend que le juge-arbitre a commis une erreur en décidant qu'il était impossible d'établir une évaluation pour les sommes dues pour les années 1970-1971 en vertu de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage avant la proclamation de la Loi.
Arrêt: la décision du juge-arbitre est mal fondée en ce qu'il n'a pas tenu compte des dispositions de l'article 153 de la Loi; la partie de la décision portant sur les évaluations relatives aux années 1970-1971 est annulée. L'affaire est renvoyée (dissi- dence du juge en chef Jackett). L'article 85 de la Loi ne signifie pas que la décision n'est pas sujette à examen en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale.
Le juge en chef Jackett (dissident): L'article 85 de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage prévoit que la décision du juge- arbitre est définitive, sauf dispositions contraires de la Loi et l'intention du Parlement d'exclure en général l'examen par la Cour fédérale est prouvée par l'introduction aux articles 86 et 100 de la Loi d'une exception expresse à cette exclusion.
Arrêt appliqué: Re Gilmore's Application [1957] 1 All E.R. 796.
EXAMEN judiciaire. AVOCATS:
Claude Blanchard pour le requérant. J. E. Lefebvre pour l'intimée.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le requérant.
J. E. Lefebvre, Repentigny (Qué.), pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Il s'agit d'une demande présentée en vertu de l'article 28', en annulation de la partie d'une décision rendue par un juge-arbitre aux termes de l'article 84 de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage 2 qui annule les évaluations établies en vertu de l'article 70, des sommes dues par l'employeur intimé pour les années 1970 et 1971 aux termes de ladite loi.
Cette décision se fonde sur l'impossibilité d'éta- blir une évaluation pour les années 1970-1971 en vertu de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, qui n'était pas en vigueur à l'époque. Il appert cependant que l'article 153 de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage n'avait pas retenu l'attention de l'arbitre. Ledit article est libellé comme suit:
153. (1) Une somme due à Sa Majesté du chef du Canada en vertu de l'ancienne loi devient une dette envers Sa Majesté en vertu de la présente loi et, lorsqu'elle est payée ou perçue, elle est créditée au Compte d'assurance-chômage établi en vertu de la présente loi.
(2) Un remboursement de contributions payables en vertu de l'ancienne loi est considéré comme remboursement de cotisa- tions payables en vertu de la présente loi pour l'employeur ou les employés intéressés.
(3) Lorsqu'une personne n'a pas payé une contribution qu'elle aurait payer en vertu de l'ancienne loi et que cette contribution est due et exigible à l'entrée en vigueur de la Partie IV, le versement de cette contribution au receveur général est, aux fins du paragraphe (6) de l'article 68, censé
' L'article 28(1) de la Loi sur la Cour fédérale se lit comme suit:
28. (1) Nonobstant l'article 18 ou les dispositions de toute autre loi, la Cour d'appel a compétence pour entendre et juger une demande d'examen et d'annulation d'une décision ou ordonnance, autre qu'une décision ou ordonnance de nature administrative qui n'est pas légalement soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire, rendue par un office, une commission ou un autre tribunal fédéral ou à l'occasion de procédures devant un office, une commission ou un autre tribunal fédéral, au motif que l'office, la commission ou le tribunal
a) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
b) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du dossier; ou
c) a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclu sion de fait erronée, tirée de façon absurde ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. 2 S.C. 1970-71-72, c. 48.
requis à la date d'entrée en vigueur de la Partie IV.
A mon avis, cet article, lu en corrélation avec la définition du terme «ancienne loi» à l'article 2(1)i) 3 , fournit le fondement statutaire requis pour établir les susdites évaluations et, dans la mesure elle est attaquée, la décision du juge-arbitre est donc mal fondée.
Demeure cependant la question de savoir si cette Cour a compétence pour annuler les décisions rendues par le juge-arbitre aux termes de l'article 84. D'une part, l'article 28(1) de la Loi sur la Cour fédérale, sanctionnée le 3 décembre 1970, dispose que «Nonobstant ... les dispositions de toute autre loi» cette Cour a compétence pour annuler une catégorie de décisions, ce qui inclut de prime abord les décisions rendues par le juge-arbi- tre en vertu de l'article 84. Par ailleurs, l'article 85 de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, sanc- tionnée le 23 juin 1971, dispose qu'une décision du juge-arbitre aux termes de l'article 84 est «défini- tive et obligatoire» aux fins de la loi «sauf disposi tion contraire de la présente loi», et, dans la mesure j'ai pu m'en assurer, la loi ne prévoit qu'une exception soit, à son article 86, l'appel devant la Commission d'appel des pensions. A mon avis, ces deux dispositions sont incompatibles et une modification s'impose à la teneur de l'une ou de l'autre; 4 et la règle d'interprétation voulant que le particulier l'emporte sur le général ou celle voulant que la dernière modification l'emporte sur la précédente semblerait soustraire de la portée de l'article 28(1) de la Loi sur la Cour fédérale les décisions rendues en vertu de l'article 84. On peut
3 L'article 2(1)i) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage se lit ainsi:
2. (1) Dans cette loi,...
(i) «ancienne loi» désigne la Loi sur l'assurance-chômage, chapitre 50 des Statuts du Canada de 1955 ....
Je n'oublie pas la jurisprudence selon laquelle les clauses déclarant «sans appel» la décision d'un tribunal n'empêchent pas de recouvrir au bref de certiorari. Je comprends facilement le raisonnement fondant ces décisions lorsqu'on invoque une telle clause pour empêcher l'annulation d'une décision outre- passant le pouvoir décisoire du tribunal, déterminé conformé- ment à des principes bien établies. Comparez avec Board of Health for the Township of Saltfleet c. Knapman [1956] R.C.S. 877. Dans un tel cas, la «décision» attaquée n'est pas affectée par la clause privative, si les mots ont leur acception ordinaire. Cependant, lorsqu'il est jugé qu'une telle clause permet le recours par voie de certiorari, par exemple dans le
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trouver des indices de cette intention du Parlement:
a) dans certains cas, dans les dispositions trai- tant des appels interjetés devant la Commission d'appel des pensions' de décisions rendues en vertu de l'article 84, et
b) à l'article 100 de la Loi de 1971 sur l'assu- rance-chômage, aux termes duquel une décision du juge-arbitre en appel d'une décision d'un conseil arbitral relative à une demande de pres- tation, est définitive et «sans appel et ne peut être révisée par aucun tribunal sauf conformé- ment à la Loi sur la Cour fédérale». [Mis en italiques par mes soins.]
L'existence dans certains cas, d'une voie de recours pour les décisions rendues par le juge-arbitre en vertu de l'article 84 (concernant les paiements faits par l'employeur conformément à la Loi), devant une Commission dont les décisions ne sont pas sujettes à révision par cette Cour, peut expli- quer pourquoi le Parlement a décidé d'exclure aussi de cette révision de telles décisions du juge- arbitre; et l'exception expresse soumettant à l'exa- men de cette Cour les décisions du juge-arbitre relatives aux prestations, et non pas celles relatives aux sommes payables par l'employeur conformé- ment à la Loi dénote clairement l'intention d'insti- tuer un examen aux termes de l'article 28 dans un cas et non point dans l'autre.
A l'égard de la question juridictionnelle, il est bon de garder à l'esprit les questions soulevées dans l'arrêt Howarth c. La Commission nationale des libérations conditionnelles 6 , par le juge Pigeon, à la page 475, il est dit:
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cas l'on allègue une erreur de droit dans le processus de décisions, rendues par un tribunal compétent, il me semble qu'on doit se fonder sur le contexte de la clause ou sur la nature prérogative du certiorari, et je ne vois aucune raison qui puisse contraindre à l'application de la jurisprudence en question, développée dans ce genre de causes, pour interpréter les lois modernes créant des recours statutaires entièrement nouveaux comme celui institué par l'article 28. Comparez Puerto Rico c. Hernandez [1975] 1 R.C.S. 228, par le juge Pigeon aux pages 231-32.
5 L'article 28(6) de la Loi sur la Cour fédérale exclut de l'application de l'article 28(1) les décisions de la Commission d'appel des pensions.
6 [1976] 1 R.C.S. 453.
Parce qu'à mon avis l'art. 28.1 de la Loi sur la Cour fédérale est inapplicable en raison de la nature de la décision à exami ner, il n'est pas nécessaire de considérer si les premiers mots «Nonobstant l'article 18 ou les dispositions de toute autre loi» écartent une disposition telle que l'art. 23 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus ou s'ils visent seulement des dispositions de la nature de celles que l'on retrouve à l'art. 18 de la Loi sur la Cour fédérale, c'est-à-dire des dispositions ayant pour objet d'attribuer une compétence à quelque cour ou tribunal. Il est évident que si l'on interprète ces mots comme écartant toutes dispositions limitant ou déniant le contrôle judiciaire des décisions des organismes fédéraux non compris dans l'exception énoncée, cela signifie qu'en plus d'un transfert de compétence il y a eu modification importante du droit. Sur ce point, je n'exprime pas d'opinion....
Je suis d'avis que, pour les raisons susmention- nées, la demande présentée aux termes de l'article 28 doit être rejetée pour défaut de compétence.'
* * *
Voici les motifs du jugement rendus en français par
LE JUGE PRATTE: Pour les motifs que donne le juge en chef, je suis d'avis que la décision attaquée est mal fondée.
Je suis cependant d'opinion que l'article 85 de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage n'a pas pour effet de soustraire les décisions prononcées sous l'empire de l'article 84 au pouvoir de révision que possède la Cour d'appel fédérale en vertu de l'arti- cle 28 de sa loi constitutive.
L'article 85 édicte que, «sauf disposition con- traire de la présente loi», la décision d'un juge- arbitre agissant en vertu de l'article 84 est «défini- tive». Cela signifie tout simplement, à mon sens, que la décision du juge-arbitre, sauf disposition contraire de la loi, n'est pas sujette à appel; cela ne veut pas dire qu'elle ne puisse pas être révisée en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale. On ne peut tirer aucune inférence, à mon avis, de
7 L'audition de cette demande présentée aux termes de l'arti- cle 28 a été remise du 15 décembre au 16 décembre 1976 afin de permettre à l'avocat du requérant de soumettre des argu ments supplémentaires sur la question juridictionnelle. L'avocat de l'intimée a fait observer qu'il ne pourrait être présent lors de l'audition ajournée, mais était d'opinion qu'il avait eu toute la latitude voulue pour présenter complètement son point de vue de l'affaire et trouvait approprié que la Cour statue après avoir entendu à nouveau l'avocat du requérant sur la question juridic- tionnelle, bien que lui-même, avocat de l'intimé, n'ait pas été présent pendant cette argumentation supplémentaire ou qu'il n'ait pu y répondre.
ce que l'article 85 (contrairement à l'article 100) ne réserve pas expressément le pouvoir de révision de la Cour fédérale. Une telle réserve n'était pas nécessaire puisque l'article 85 n'édicte pas que les décisions auxquelles il s'applique ne peuvent être révisées.
Il me paraît établi qu'une disposition législative précisant que la décision d'un tribunal inférieur est «définitive» n'a pas pour effet de limiter le pouvoir de contrôle traditionnel que les cours supérieures exercent par la voie de certiorari (voir Re Gil- more's Application [1957] 1 All E.R. 796). Je ne vois pas de raison d'attribuer à pareille disposition un effet plus considérable à l'égard du pouvoir de révision résultant de l'article 28.
Pour ces motifs, je casserais cette partie de la décision du juge-arbitre se rapportant aux évalua- tions des contributions dues pour les années 1970 et 1971. L'affaire devrait être soumise de nouveau à un juge-arbitre pour qu'il la décide en prenant pour acquis que, en vertu de la Loi de 1971 sur l'assuran"ce-chômage, le ministre peut évaluer les sommes payables en vertu de la loi de 1955.
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Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT HYDE: Pour les raisons données par le juge Pratte, je statuerais sur cette demande comme il le suggère.
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