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T-2327-76
La Reine du chef du Canada (Demanderesse) c.
James M. Livingston et J. Michael Tonner (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Addy— Ottawa, le 18 et 19 juin 1976.
Aéronautique—Compétence—Injonction—Ratification de l'accord entre l'Association des contrôleurs de la circulation aérienne et la demanderesse Le bureau de l'Association sou- haite déclarer le vote de ratification nul—Le vote de grève a été dûment organisé—Le bureau a l'intention de donner un préavis de grève si le vote est favorable La demanderesse cherche à interdire aux défendeurs et aux contrôleurs de se mettre en grève—Loi sur la Cour fédérale, art. 17(4) Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-35, art. 18, 20-22, 92, 96(5), 98(1)a),(2), 101-104.
Un accord a été conclu entre l'Association des contrôleurs de la circulation aérienne et la demanderesse; cet accord a été signé et ratifié, quoique les défendeurs soutenaient qu'il n'y avait eu aucune confirmation écrite comme l'exigerait l'article 2 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique. Par la suite, le bureau de l'Association souhaitait déclarer le vote de ratification nul et demander un autre vote motivé par la démission du Commissaire nommé pour enquêter sur le bilinguisme dans le contrôle de la circulation aérienne. Un vote de grève a été dûment et régulièrement organisé et le bureau avait l'intention de donner un préavis de grève de 48 heures. Les défendeurs prétendaient qu'ils s'attendaient à un tel vote. La demanderesse cherchait à interdire aux défendeurs et aux contrôleurs employés par le ministère des Transports d'en- trer en grève.
Arrêt: une injonction interlocutoire quia timet est accordée ayant effet jusqu'au 28 juin 1976. Quant à la question de savoir si, en raison des pouvoirs conférés à la Commission des rela tions de travail dans la Fonction publique, au bureau de conciliation et à l'arbitre en chef en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, la Cour fédérale est compétente, si les allégations étaient établies et si les défendeurs se mettaient effectivement en grève, ils commet- traient un acte illégal en vertu de l'article 101 de la Loi et contreviendraient aux obligations générales qui leur incombent, en qualité d'agents de la Couronne. Les défendeurs pourraient faire l'objet d'un droit d'action pour dommages causés, et l'injonction pourrait être utilisée pour ce motif. Lorsqu'une cour supérieure de common law et d'equity a le pouvoir d'ac- corder des dommages-intérêts, elle détient en général la compé- tence connexe nécessaire lui permettant d'éviter l'apparition de faits provoquant ou susceptibles de provoquer de tels dommages.
L'accord est entré en vigueur le 31 mai 1976; il y a eu une ratification écrite. Même si le bureau avait le pouvoir de déclarer le vote nul (sur le seul fondement de la survenance ultérieure d'un fait sans aucun rapport avec la procédure de vote ni avec l'objet du vote), ce pouvoir serait étrange et peu démocratique et il serait sans aucun effet légal en ce qui
concerne l'employeur avec lequel vient d'être signée une con vention collective dûment ratifiée, comme en l'espèce, car cela tiendrait à donner à l'association d'employés le droit de résilier unilatéralement la convention, sans se reporter aux conditions du contrat lui-même. Par conséquent, l'affaire relève des dispo sitions des articles 101 et 102 de la Loi. Les entreprises et les voyageurs étrangers et canadiens subiront des dommages sérieux et irréparables qui nuiront à la réputation du Canada. En revanche, la grève envisagée par les défendeurs étant uni- quement motivée par le souci de la sécurité du public, rien ne prouve qu'ils subissent un préjudice quelconque dans leur emploi de contrôleurs. Le statu quo sera de toute façon main- tenu du point de vue de la sécurité jusqu'à l'expiration du présent accord. Même si la sécurité du public est mise en danger, c'est seulement en tant que membres du public que les défendeurs en seraient concernés. La politique concernant la sécurité de la circulation aérienne relève de la responsabilité directe du gouvernement. Pour conclure, la sécurité du public est sans le moindre doute une raison factice; l'Association pourrait bien essayer de faire indirectement ce qu'elle ne peut faire directement. Malheureusement, pour elle, la question de sécurité relève de la responsabilité du gouvernement.
REQUÊTE.
AVOCATS:
A. M. Garneau, M. Kelen et P. Chodos pour la demanderesse.
J. P. Nelligan, c.r., et J. Johnson pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
demanderesse.
Nelligan/Power, Ottawa, pour les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés oralement par
LE JUGE ADDY: J'ai examiné attentivement les preuves présentées au nom des deux parties ainsi que la loi et les thèses avancées par les avocats. J'aimerais aborder maintenant une question préli- minaire avant d'examiner les preuves. Il s'agit d'une question de droit qui n'a pas été mentionnée ni débattue par les avocats en ma présence hier et qui me préoccupe, néanmoins, lorsque j'examine les motifs de cette affaire. En résumé, il s'agit de savoir si, en raison des différents pouvoirs conférés par la Loi à la Commission des relations de travail dans la Fonction publique, au bureau de concilia tion et à l'arbitre en chef, la Cour fédérale peut être privée de toute compétence qu'elle peut avoir par ailleurs dans ce domaine—en vertu de l'article 17(4) de la Loi sur la Cour fédérale ou d'une autre loi.
J'ai examiné hier soir la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, assez rapide- ment, étant donné l'urgence de cette affaire, en gardant ce problème spécifique à l'esprit. Les arti cles pertinents semblent être les articles 18 et 103 en ce qui concerne les attributions de la Commis sion, les articles 98(1)a), 92 et 96(5) en ce qui concerne les attributions de l'arbitre en chef. Évi- demment, il faut lire ces articles ainsi que ceux de la Loi sur la Cour fédérale qui lui confèrent une compétence générale en tenant compte du fait que, contrairement aux cours supérieures des provinces, celle-ci n'exerce pas un contrôle général de common law et n'exerce aucune attribution ou compétence qui ne soit prévue par une loi.
Il peut sembler que l'article 18 à lui seul est assez large pour englober des pouvoirs de nature injonctive; il est connu cependant qu'il ne faut pas lire un article de loi isolément mais dans le con- texte de l'ensemble de la loi. Combiné avec les articles 20, 21 et 22, on ne peut prétendre, à mon avis du moins, qu'il s'applique à la présente situa tion. L'article 103 autorise bien la Commission à décerner une ordonnance déclaratoire mais il ne l'autorise pas à décerner une ordonnance exécu- toire. Rien dans cet article ou ailleurs dans la Loi n'autorise la Commission à faire exécuter une telle ordonnance par des procédures fondées sur le refus d'obtempérer ou par des procédures exécutoires ou par tout autre moyen.
Les dispositions de l'article 104 qui font de toute contravention aux deux articles 101 et 102 une infraction punissable d'emprisonnement ou d'une amende sur déclaration sommaire de culpabilité, ne peuvent ni remplacer ni exclure les pouvoirs d'injonction civile existant par ailleurs, étant donné que les procédures criminelles et civiles sont de nature différente.
En ce qui concerne les articles 98(l)a) et 98(2), il me semble que l'obligation, si elle existe, qui incombe aux présents défendeurs de s'abstenir de faire la grève ne découle pas de la convention collective en tant que telle dans la mesure cette obligation ne tient pas directement ou indirecte- ment à ses dispositions particulières, mais y est accessoire et découle de la simple existence de la convention indépendamment de ses stipulations.
En ce qui concerne la compétence de la Cour pour connaître de l'action engagée par la deman- deresse, j'estime que si les allégations de fait étaient établies et si les défendeurs se mettaient effectivement en grève, ils commettraient un acte illégal en vertu de l'article 101 et contreviendraient aux obligations générales qui leur incombent, en qualité d'agents de la Couronne; ils pourraient alors faire l'objet d'un droit d'action légale pour les dommages causés à la Couronne. C'est pour ce motif que l'injonction, recours en equity, peut être utilisée pour éviter de tels dommages. Lorsqu'une cour supérieure de common law et d'equity, comme la Cour fédérale du Canada, a le pouvoir d'accorder des dommages-intérêts, elle détient en général la compétence connexe nécessaire lui per- mettant d'éviter l'apparition ou la récurrence de faits provoquant ou susceptibles de provoquer de tels dommages.
En affirmant ceci, je tiens compte du fait que, dans la mesure il est question de l'article 101 c.-à-d. de la deuxième partie de l'injonction demandée, le redressement exigé équivaut en réa- lité à une injonction obligatoire, étant donné qu'une ordonnance interdisant la cessation du tra vail équivaut en réalité à une ordonnance obliga- toire imposant la poursuite du travail. Comme je l'ai déjà dit, ces considérations juridiques m'ont préoccupé, même si elles n'ont pas été débattues, mais j'ai conclu en fin de compte que la Cour était compétente en l'espèce.
Passons maintenant aux questions de fait. Sauf pour la compréhension de mes motifs, je n'ai pas l'intention de reprendre l'exposé des faits auxquels les avocats se sont largement rapportés et qu'ils ont plaidés hier. Je ferai cependant les conclusions de fait suivantes; les représentants dûment autori- sés de l'Association des contrôleurs de la circula tion aérienne au nom de ses membres et les repré- sentants de la demanderesse ont conclu un accord écrit et dûment signé par les représentants des deux parties, sous la seule réserve d'un vote favora ble de ratification de l'ensemble des membres de l'Association. Ces éléments de preuve ne sont pas contredits. Le vote a eu lieu en faveur de la ratification. Celle-ci est mentionnée non seulement dans l'affidavit présenté au nom de la demande- resse, mais elle est également confirmée dans l'af- fidavit de M. Livingston, président de l'Association
et défendeur dans la présente affaire, pour lequel il a prêté serment hier et qui a été déposé à l'au- dience hier après-midi.
Au paragraphe 13 de cet affidavit, M. Living- ston déclare je cite:
[TRADUCTION] A la suite du vote effectué le 31 mai, j'ai présenté un compte rendu à la presse déclarant que l'Associa- tion canadienne des contrôleurs de la circulation aérienne a ratifié l'offre modifiée du Conseil du Trésor concernant le règlement du litige contractuel.
J'ai examiné l'accord proprement dit et j'estime qu'en droit, à l'exception de la ratification, il est conforme sous tous les points à la définition de la convention collective figurant à l'article 2 de la Loi.
L'avocat des défendeurs prétend qu'aucune con firmation écrite de cette ratification n'a été adres- sée à la demanderesse, bien que le vote ait été favorable à la ratification, et que l'article 2 exige une telle confirmation. Voici le texte de l'accord que je cite de nouveau:
[TRADUCTION] Sous réserve de la ratification par l'ensemble des membres, la convention collective signée par les parties le 22 août 1974, soumise aux dispositions expresses mentionnées ci-dessous, est réputée demeurer en vigueur jusqu'au 31 mai 1976 et sera renouvelée le 1e` juin 1976 et modifiée en substi- tuant les clauses énoncées ci-dessous sur lesquelles les parties se
sont entendues;
Suivent lesdites clauses.
Le contrat proprement dit, dûment signé prévoit seulement par écrit, comme je viens de le lire, qu'il est soumis à la ratification de l'ensemble des mem- bres et cette ratification a été effectivement donnée. La condition expresse mentionnée dans le contrat a été remplie et je ne pense pas, dans ces circonstances que la Loi, et plus précisément l'arti- cle 2 exige en outre que l'employeur soit informé par écrit de la ratification.
De toute façon, même si la ratification doit être communiquée par écrit, je n'ai aucune peine à conclure que la lettre du 11 juin 1976 adressée par le défendeur Livingston, président de l'Association, à P. V. Dawson, représentant des employés, consti- tue une telle notification écrite. La lettre déclare notamment (de nouveau je cite le second paragraphe):
[TRADUCTION] Étant donné que le vote de ratification annoncé le 31 mai 1976 dépendait entre autres de la nomina-
tion de M. John Keenan au poste de commissaire enquêteur, et que depuis, M. Keenan a renoncé à cette nomination, le Conseil national de l'ACCCA a déclaré ce vote nul.
Je ne peux que déduire de ce passage que le vote de ratification du 31 mai 1976 a effectivement approuvé et ratifié le contrat. De toute façon, les deux parties avaient apparemment fourni dans leur déposition la même interprétation que M. Living- ston au paragraphe 13 précité: je répète qu'il a déclaré à la presse que l'Association avait, je cite:
[TRADUCTION] ... ratifié l'offre modifiée du Conseil du Trésor concernant le règlement du litige.
On remarquera également que le compte rendu a été présenté à la presse dans le but évident d'être communiqué non seulement à la demanderesse mais aussi à l'ensemble du public. Étant donné que la lettre renvoie au communiqué de presse présenté ce jour-là, elle l'inclut par référence. Il faut égale- ment remarquer que ce que le défendeur Living- ston qualifie dans l'affidavit d'hier d' [TRADUC- TION] «offre modifiée du Conseil du Trésor con- cernant le règlement» constitue en fait l'accord véritable signé au nom des deux parties et non pas une simple offre de règlement.
Par conséquent, j'estime que l'accord est effecti- vement entré en vigueur le 31 mai 1976.
La preuve montre également que, lorsque l'ac- cord a été signé et ratifié, la question de l'existence d'une commission spéciale et de la nomination de M. Keenan n'était pas une condition de l'accord ni du vote de ratification. Le bureau de l'Association, après la démission de M. Keenan de son poste de commissaire, souhaitait déclarer le vote de ratifi cation nul et demander un autre vote sur cette question. Contrairement à la thèse de l'avocat des défendeurs, une telle déclaration d'invalidité n'était pas motivée par une irrégularité du vote ou par une question concernant le vote proprement dit, ni par une mesure ou déclaration erronée antérieure d'un représentant de la demanderesse, mais, comme cela à été déclaré clairement, simple- ment et sans équivoque, le seul motif en est la démission de M. Keenan, événement qui s'est pro- duit environ une semaine après la ratification, c.-à-d. après que le vote de ratification ait été annoncé. La preuve ne permet absolument pas de
penser que la demanderesse a joué un rôle quelcon- que dans cette démission.
En ce qui concerne le droit du Conseil national ou du bureau de l'Association à déclarer le vote nul, comme il voulait le faire lors de l'assemblée du 7 juin, il n'a été cité aucun argument tiré des règles ou règlements de l'Association pouvant jus- tifier un tel pouvoir. Pour l'Association propre- ment dite, l'existence d'un tel pouvoir serait vrai- ment surprenante, qui autoriserait le bureau à déclarer nul un vote régulier sur tous les plans, sur le seul fondement de la survenance ultérieure d'un fait sans aucun rapport avec la procédure de vote ni avec l'objet du vote. Cependant, si ce bureau disposait, en vertu d'un règlement ou autrement, d'un pouvoir aussi rare et aussi peu démocratique, il serait de toute façon sans aucun effet légal en ce qui concerne l'employeur avec lequel vient d'être signée une convention collective dûment ratifiée, comme en l'espèce, car cela tendrait en réalité à donner à l'association d'employés le droit de rési- lier unilatéralement la convention, sans se reporter aux conditions du contrat lui-même. Par consé- quent, l'affaire relève en tous points des disposi tions des articles 101 et 102 de la Loi.
Les faits suivants sont également clairs et incon- testés: tout d'abord, un vote concernant la grève a été dûment et régulièrement organisé et ses résul- tats seront annoncés aux environs de midi. Deuxiè- mement, si le vote est en faveur de la grève, le bureau a la ferme intention de donner un préavis de grève de 48 heures ou peut-être moins. Troisiè- mement, il est très probable, selon les défendeurs, que la majorité se prononcera en faveur d'une grève.
En ce qui concerne la question de la prépondé- rance des inconvénients, que l'on doit également prendre en considération même à ce stade des procédures, l'ensemble du public canadien et de nombreuses entreprises qui dépendent du transport aérien ainsi que les étrangers qui se rendent au Canada et les entreprises étrangères en pourparlers avec des canadiens subiront des dommages sérieux et irréparables. Ces événements nuiront ou pour- ront nuire à la réputation du Canada dans le domaine des transports aériens en raison notam-
ment des responsabilités assumées par ce pays dans le domaine du contrôle de la circulation dans l'espace aérien de l'Atlantique occidental.
D'autre part, étant donné que la grève envisagée n'est motivée, nous dit-on, que par le souci de la sécurité du public et par rien d'autre, et vu la preuve, si une telle situation existe réellement, rien ne prouve que les défendeurs subissent un préju- dice quelconque dans leur situation ou dans leur emploi de contrôleurs de la circulation aérienne. Il est également prouvé et non controversé que le statu quo sera de toute façon assuré du point de vue_ de la sécurité, ou pourrait très bien l'être de toute façon jusqu'à l'expiration de la présente con vention collective. Il ressort nettement que, même si leurs pires craintes devaient se réaliser et que la sécurité du public soit réellement mise en danger, ils ne seraient pas concernés de toute façon si ce n'est comme membres du public. La politique con- cernant la sécurité générale de la circulation aérienne dans ce pays relève de la responsabilité directe du gouvernement.
Les preuves dont je dispose montrent donc clai- rement que la demanderesse a prouvé, d'après les faits et le droit, qu'elle disposait d'un droit prima facie au redressement réclamé dans son avis de requête.
L'injonction relevant cependant d'un pouvoir discrétionnaire et d'un redressement en equity, on a souvent déclaré qu'une partie qui demande ce redressement doit se présenter devant la Cour avec les mains propres. C'est certainement le cas en l'espèce en ce qui concerne les preuves dont je dispose. Mais pour prendre une décision sur les droits des parties et pour conclure si je dois exercer réellement la compétence que j'estime maintenant avoir, la question des motifs et des intentions réelles des deux parties peut être pertinente, y compris dans une certaine mesure les motifs et les intentions des défendeurs. Comme seul motif de la grève envisagée, on a avancé la sécurité du public, tous les autres points ayant été réglés de façon satisfaisante. Compte tenu du fait que le gouverne- ment s'est engagé à maintenir le statu quo pour le moment, il m'est très difficile, pour ne pas dire plus, d'admettre que la seule raison pour l'ensem- ble des adhérents de l'Association de se prononcer actuellement en faveur de la grève, tout en ris- quant éventuellement de perdre leur emploi et leur
salaire pour une durée peut-être assez longue, réside dans leur souci altruiste de la sécurité du public qui atterrira au Québec dans un an.
Il s'agit sans le moindre doute d'une raison factice puisqu'il serait tout à fait illogique d'agir de cette façon pour la raison évidente que j'ai exposée. Si l'on tient compte de la position vitale du Québec dans le domaine de la circulation aérienne intercontinentale et à l'intérieur du Canada, il semble que la crainte ressentie par les contrôleurs unilingues de perdre des possibilités de promotion serait une raison beaucoup plus logique et convaincante. Il semble également évident que la Loi sur les langues officielles se révélerait un obstacle insurmontable au moment d'invoquer un tel motif, et que l'Association pourrait bien essayer de faire indirectement ce qu'elle ne peut faire directement mais malheureusement pour elle, la question de sécurité, c.-à-d. la politique concernant la sécurité du public en tant que telle, comme je l'ai déjà dit, ne relève pas de leur responsabilité, mais de celle du gouvernement.
Il ressort évidemment de mes observations que j'accorde l'injonction et sa durée sera fixée en tenant compte des déclarations faites hier par M. Nelligan qui souhaitait avoir la possibilité de pré- senter d'autres preuves à une date ultérieure pour préparer plus complètement son argumentation. Cette ordonnance, bien sûr, sera provisoire et les défendeurs auront le droit de procéder à un contre- interrogatoire, s'ils le désirent, sur les affidavits présentés par la demanderesse ou de présenter des preuves supplémentaires à ce tribunal.
J'aimerais aborder une autre question qui me préoccupait également, mais que j'ai résolue en lisant la déclaration, à savoir l'engagement pris par l'avocat au nom de la Couronne. Dans ce pays, le gouvernement a pris malheureusement l'habitude depuis quelques années, et je ne parle pas seule- ment du gouvernement fédéral, mais des gouverne- ments municipaux et provinciaux, de venir immé- diatement s'adresser aux tribunaux, peut-être sans songer tellement aux conséquences, pour leur demander un redressement par des procédures d'injonction puis de ne rien faire lorsque l'injonc- tion n'est pas observée. Cela ne fait que susciter le discrédit à l'égard des cours et tribunaux concer nés et inviter le public à penser que l'on peut ne
pas observer une ordonnance décernée par une cour. Heureusement, il semble que l'on ait mis fin à cette tendance, à la fois par les mesures du gouvernement et par les sommations renouvelées des tribunaux. A la suite de certaines décisions et dans une certaine mesure, je crois, à la suite d'une décision de mon collègue, le juge Cattanach, les avocats représentant les gouvernements ont pris des engagements dans cetains cas. Je cite l'engage- ment pris en l'espèce, et qui doit être pris en considération parce qu'une cour doit toujours se demander avant d'accorder une injonction, si son ordonnance sera inefficace ou si elle sera utilisée par la personne qui la demande.
Voici le texte de l'engagement:
[TRADUCTION] Une injonction interlocutoire sera demandée le 18 juin 1976 au nom de Sa Majesté la Reine, conformément à la Règle 469 des Règles et Ordonnances de la Cour fédérale pour interdire aux défendeurs et aux contrôleurs de la circula tion aérienne susmentionnés, d'interrompre leurs services con- trairement à l'article 101(2)a) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-35.
La présente tiendra lieu d'engagement formel en vertu duquel, si la Cour juge utile d'accorder l'injonction interlocu- toire demandée, le sous-procureur général du Canada représen- tant Sa Majesté prendra toutes les mesures nécessaires pour faciliter l'exécution de ladite injonction.
Gardant ces considérations à l'esprit, j'accorde la partie principale de la requête. Cependant, je modifierai cette partie essentielle pour y compren- dre—je vois que cela a été fait. Je proposerai maintenant aux avocats et puisque cette affaire semble être très importante et très urgente, je propose à M. Nelligan, j'ignore s'il donnera son accord ou non, que nous passions au procès dans les dix jours au lieu de tenir une autre audience sur cette affaire dans les "dix jours. Nous pouvons fixer le procès de ce litige au 28 juin et si les avocats donnent leur accord, examiner les affidavits pré- sentés et les plaidoiries, décerner une ordonnance dispensant de l'interrogatoire préalable ou de tout autre interrogatoire, et poursuivre l'affaire. Sinon, bien sûr, le renvoi de l'injonction à l'audience ultérieure d'une requête interlocutoire tendant à en prolonger les effets jusqu'au procès impliquera d'autres procédures. Je ne pense pas, d'après ce qui m'a été déclaré jusqu'à présent, que les faits soient aussi complexes. Ce sera essentiellement une ques tion de droit qui sera plaidée, je crois.
Voulez-vous un moment pour réfléchir à cette proposition?
M. NELLIGAN: J'ai proposé exactement la même chose et j'ai en main la- déclaration de la défense que je peux signifier; les plaidoiries seront alors achevées et je suis prêt à poursuivre le 28 juin.
SA SEIGNEURIE: Très bien. êtes-vous d'accord M. Garneau?
M. GARNEAU: Oui, je le suis, votre Seigneurie.
SA SEIGNEURIE: Alors cette injonction, que je vais lire en audience publique afin de m'assurer qu'il n'y a pas de malentendu sur son contenu, aura plein effet jusqu'au 28 juin à 10h30 sous réserve de toute autre ordonnance de la Cour fédérale. Ce n'est pas lundi prochain mais lundi en huit.
Voici la partie de l'injonction qui prend effet immédiatement:
LA COUR FÉDÉRALE DÉCERNE UNE INJONC- TION INTERLOCUTOIRE quia timet interdisant aux défendeurs et à chacun d'eux et à leurs mandataires, leurs agents et leurs représentants ou toute personne agissant sous leurs ordres ou à chacun d'eux ou à quiconque a eu connaissance de cette ordonnance, à partir de la date de celle-ci, jusqu'au procès d'enjoindre, de conseiller .. .
je m'interroge sur la date du procès; peut-être devrais-je retirer cela M. Nelligan. Mettons plutôt jusqu'à l'émission d'une autre ordonnance—jus- qu'au 28 à 10h30 du matin ou jusqu'à toute autre ordonnance de la Cour fédérale.
M. NELLIGAN: Très bien, Monsieur.
SA SEIGNEURIE:... de conseiller aux contrô- leurs de la circulation aérienne employés par le ministère des Transports et soumis à une conven tion collective, en date du 28 mai 1976, d'inter- rompre leurs services contrairement à l'article 101(2)a) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-35.
ET LA COUR FÉDÉRALE DÉCERNE UNE INJONC- TION INTERLOCUTOIRE quia timet interdisant aux défendeurs et aux contrôleurs de la circulation aérienne employés par le ministère des Transports et soumis à une convention collective en date du 28 mai 1976, qui ont eu connaissance de cette ordon- nance, d'interrompre leurs services contrairement
à l'article 101(2)a) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique.
Avez-vous des questions concernant ce texte, M. Nelligan?
m. NELLIGAN: Étant donné que mon collègue m'a donné l'avant-projet d'injonction, j'ai modifié la date et je peux vous assurer que nous disposons du texte et que le registraire pourra nous commu- niquer le texte formel en temps utile; il n'est pas nécessaire de le signifier à quiconque ici présent.
SA SEIGNEURIE: Alors, sur proposition de l'avo- cat des défendeurs qui témoigne de sa collabora tion habituelle avec la Cour, il sera décerné une ordonnance dispensant la signification de cette ordonnance aux deux défendeurs; cela convient-il?
m. NELLIGAN: Oui, Monsieur le juge, ils sont tous deux présents.
SA SEIGNEURIE: Merci. —Ajournement.
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