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A-689-75
Le procureur général du Canada (Requérant) c.
La Commission des relations de travail dans la Fonction publique (Intimée)
Cour d'appel, les juges Heald, Urie et Ryan — Ottawa, les 11 et 12 mai 1976.
Examen judiciaire—Fonction publique—Employé renvoyé en cours de stage—Présentation d'un grief faisant valoir qu'il s'agissait d'un renvoi disciplinaire et qu'aucun motif n'a été donné—L'employeur a contesté la compétence de l'arbitre pour connaître du renvoi en vertu de l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, en faisant valoir que le renvoi n'était pas de nature disciplinaire—L'arbitre a accueilli le grief—La Commission des relations de travail dans la Fonction publique a conclu que l'arbitre n'a pas commis d'erreur de droit ni outrepassé sa compétence—Le requérant demande un examen judiciaire Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32, art. 28—Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-35, art. 91.
Un certain «J», fonctionnaire, a été renvoyé en cours de stage conformément à l'article 28(3) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique. Il a présenté un grief en faisant valoir qu'en fait il avait été renvoyé de son emploi sans motif déterminé et que son renvoi était en réalité de nature disciplinaire. A chaque palier, l'employeur a répondu au grief en faisant remarquer que le renvoi de l'employé n'était pas disciplinaire, mais constituait un renvoi pendant la période de stage conformément à l'article 28. Finalement, le grief a été renvoyé à l'arbitre conformément à l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique. L'employeur a contesté la compétence de l'arbitre, en faisant valoir que le congédiement, en tant que renvoi en cours de stage, ne pouvait pas faire l'objet d'un arbitrage conformément à l'article 91. L'arbitre a conclu que le renvoi était de nature disciplinaire, et qu'il était compé- tent pour examiner le grief au fond. Il a accueilli le grief et ordonné la réintégration de l'employé. L'employeur a alors renvoyé cette question devant la Commission des relations de travail dans la Fonction publique qui a conclu que l'arbitre n'avait pas commis d'erreur de droit ni outrepassé sa compé- tence. Cette requête en est la conséquence, et le requérant fait toujours valoir la thèse selon laquelle il suffit que l'employeur ait qualifié le congédiement de renvoi pour un motif indéter- miné pour que l'article 28(3) et (4) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique s'applique et aussi pour écarter la compé- tence d'un arbitre en vertu de l'article 91(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique et qu'un arbitre n'a pas le droit d'enquêter sur les faits d'une affaire déterminée pour juger si en réalité la mesure prise par l'employeur consti- tue un renvoi pour un motif déterminé ou un renvoi disciplinaire.
Arrêt: l'appel est accueilli, la décision de la Commission est annulée. L'affaire Cutter Laboratories ([1976] 1 C.F. 446) donne une réponse à la prétention du requérant. Dans cette affaire relative aux fonctions d'un tribunal auquel se pose la
question de sa propre compétence, il a été déclaré que, d'une façon générale, un tribunal doit se prononcer sur sa compé- tence, même s'il ne peut rendre une décision ayant force exécutoire. En l'espèce et d'après les éléments de preuve, la décision ne peut être maintenue. Les lettres adressées à J et à la Commission de la Fonction publique sont claires et sans équivo- que dans la mesure elles mentionnent le renvoi pour un motif déterminé au sens de l'article 28(3) et (4) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique. En outre, les preuves indiquent que l'employeur avait des raisons de se plaindre de J. La Commission a suivi la décision rendue dans l'affaire Far- della ([1974] 2 C.F. 465); cependant, il faut faire une distinc tion en ce qui concerne les faits qui n'indiquent pas clairement un renvoi comme dans la présente affaire. Lorsqu'il y a effecti- vement renvoi, on ne peut le qualifier de congédiement pour rendre applicable l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique. La conduite dont on se plaint en l'espèce est un exemple classique de comportement justifiant le renvoi d'un employé en cours de stage; ce compor- tement peut également motiver un congédiement mais de toute façon il ne fait aucun doute que l'employeur avait l'intention de renvoyer. Il ne s'agissait pas non plus d'une mesure disciplinaire dissimulée sous forme d'un renvoi. Ce serait le cas uniquement s'il n'existait aucun motif valable ou de bonne foi justifiant le renvoi; en ce qui concerne la question de savoir si l'on peut considérer une mesure visant à démettre un employé de ses fonctions en vertu d'un pouvoir comme ayant été prise en vertu d'un autre pouvoir, il aurait fallu que cet article comprenne l'expression: «un renvoi pour un motif déterminé au cours du stage» pour que l'arbitre soit compétent en l'espèce, en vertu de l'article 91(1)b). L'article 28 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique vise entièrement à permettre à l'employeur d'apprécier l'aptitude d'un employé à occuper un emploi. Si l'employé ne présente pas les qualités requises, il peut être alors renvoyé sans recours possible à l'arbitrage. Soutenir qu'un employé stagiaire est investi du droit à un arbitrage au cours de son stage équivaut à ignorer complètement le sens évident des articles 28 et 91. Sans aucun doute, J avait le droit de présenter un grief en vertu de l'article 90 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, mais le droit de renvoyer le grief à l'arbitrage en vertu de l'article 91 n'est accordé qu'aux employés présentant un grief dont le cas est prévu expressément à l'article 91(1).
Arrêt suivi: Cutter Laboratories International c. Le Tri bunal antidumping [1976] 1 C.F. 446. Distinction faite avec l'arrêt: Fardella c. La Reine [1974] 2 C.F. 465. Arrêt appliqué: Bell Canada c. Office and Professional Employees' International Union [1974] R.C.S. 335.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
P. J. Evraire pour le requérant. M. W. Wright, c.r., pour l'intimée.
PROCUREURS:
Le procureur général du Canada pour le requérant.
Soloway, Wright, Houston, Greenberg, O'Grady & Morin, Ottawa, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Conformément à l'article 28, on demande l'examen et l'annulation d'une déci- sion rendue le 7 novembre 1975 par la Commission des relations de travail dans la Fonction publique au sujet d'un arbitrage prononcé par J. F. W. Weatherhill concernant l'employé Roland B. Jacmain.
Jacmain qui travaillait au ministère du Revenu national, Impôt, posa sa candidature à un poste au Bureau du commissaire aux langues officielles. Le 16 mai 1973, Jacmain a été nommé AS 7 à la direction des ,plaintes du commissaire aux langues officielles.
Par lettre du 25 février 1974, le commissaire aux langues officielles a fait savoir à Jacmain qu'il allait être renvoyé en cours de stage conformément aux dispositions du paragraphe 28(3) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32'. Dans cette lettre, le commissaire décla- rait, entre autres:
Vous vous souviendrez que le 23 octobre 1973 je vous ai informé verbalement de cette intention.
La lettre en question ne mentionnait aucun autre motif de renvoi. Le même jour, pour se conformer
' 28. (1) Un employé est considéré comme stagiaire depuis la date de sa nomination jusqu'au terme de la période que la Commission peut fixer pour tout employé ou classe d'employés.
(2) Si la personne nommée fait déjà partie de la Fonction publique, le sous-chef peut, s'il le juge opportun, dans un cas quelconque, réduire le stage ou en dispenser l'employé.
(3) A tout moment au cours du stage, le sous-chef peut prévenir l'employé qu'il se propose de le renvoyer, et donner à la Commission un avis de ce renvoi projeté, pour un motif déterminé, au terme du délai de préavis que la Commission peut fixer pour tout employé ou classe d'employés. A moins que la Commission ne nomme l'employé à un autre poste dans la Fonction publique avant le terme du délai de préavis qui s'applique dans le cas de cet employé, celui-ci cesse d'être un employé au terme de cette période.
(4) Lorsqu'un sous-chef prévient qu'il se propose de renvoyer un employé pour un motif déterminé, conformément au para- graphe (3), il doit fournir à la Commission les raisons de son intention.
aux dispositions du paragraphe 28(4), le commis- saire a écrit à la Commission de la Fonction publique la lettre suivante:
[TRADUCTION] Re: Roland Jacmain
Conformément à l'article 28(3) et (4) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, je vous informe par la présente que j'ai l'intention de renvoyer l'employé dénommé ci-dessus.
Au cours de son stage, j'ai estimé que M. Jacmain n'était pas en mesure d'occuper à ma satisfaction un emploi dans mes services.
Veuillez trouver ci-joint un exemplaire de l'avis qui lui a été envoyé à ce jour.
Il n'est pas contesté que le renvoi du 25 février 1974 a été notifié pendant la période de stage de Jacmain.
Le 26 février 1974, Jacmain a présenté un grief en faisant valoir qu'en fait il avait été renvoyé de son emploi sans motif déterminé et que la mesure prise par son employeur constituait «en réalité, un renvoi disciplinaire». A chaque palier, l'employeur a répondu au grief en faisant valoir que le renvoi de Jacmain n'était pas disciplinaire, mais consti- tuait plutôt un renvoi pendant la période de stage conformément à l'article 28 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique (précitée). Finalement, le grief présenté par Jacmain a été renvoyé à l'arbitrage conformément à l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publi- que, S.R.C. 1970; c. P-35 2 .
2 91. (1) Lorsqu'un employé a présenté un grief jusqu'au dernier palier de la procédure applicable aux griefs inclusive- ment, au sujet
a) de l'interprétation ou de l'application, en ce qui le con- cerne, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale, ou
b) d'une mesure disciplinaire entraînant le congédiement, la suspension ou une peine pécuniaire,
et que son grief n'a pas été réglé d'une manière satisfaisante pour lui, il peut renvoyer le grief à l'arbitrage.
(2) Lorsqu'un grief qui peut être présenté par un employé à l'arbitrage est un grief relatif à l'interprétation ou l'application, en ce qui le concerne, d'une disposition d'une convention collec tive ou d'une décision arbitrale, l'employé n'a pas le droit de renvoyer le grief à l'arbitrage à moins que l'agent négociateur de l'unité de négociation à laquelle s'applique la convention collective ou la décision arbitrale ne signifie de la manière prescrite
a) son approbation du renvoi du grief à l'arbitrage; et
b) son acceptation de représenter l'employé dans les procé- dures d'arbitrage.
A l'arbitrage, l'avocat de l'employeur a contesté la compétence de l'arbitre pour connaître du renvoi en vertu de l'article 91, en faisant valoir que la mesure prise à l'encontre de Jacmain ne constituait pas un renvoi disciplinaire, mais un renvoi en cours de stage conformément à l'article 28 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique (précitée) et qu'ainsi cette mesure ne pouvait pas faire l'objet d'un arbitrage en vertu de l'article 91 en question.
Après avoir examiné les prétentions des parties et les preuves soumises, l'arbitre a conclu, par une décision du l et août 1974, que le renvoi de Jacmain par son employeur était de nature disciplinaire et que, par conséquent, il était compétent en vertu de l'article 91 pour examiner le grief au fond. Après avoir tenu une audience sur le fond, et par décision datée du 31 janvier 1975, l'arbitre a décidé que le renvoi de Jacmain était insuffisamment motivé. Il a par conséquent accueilli son grief et ordonné sa réintégration et le remboursement de ses pertes de salaire.
Le 10 avril 1975, l'employeur a renvoyé devant la Commission des relations de travail dans la Fonction publique la question de la compétence de l'arbitre pour connaître du renvoi à l'arbitrage adressé par Jacmain conformément à l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique. Par décision du 7 novembre 1975, ladite commission a jugé entre autres que
a) l'arbitre n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas outrepassé sa compétence en acceptant d'entendre l'affaire même si M. Jacmain était en stage au moment de la cessa tion de son emploi ou que la cessation de son emploi consti- tuait en apparence un renvoi en vertu du paragraphe 28(3) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique;
b) l'arbitre n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas outrepassé sa compétence lorsque, ayant conclu que les motifs du renvoi de M. Jacmain étaient d'ordre disciplinaire, il a entendu l'affaire en vertu de l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique;
c) en se fondant sur la preuve et le raisonnement suivi dans sa décision du 31 janvier 1975, l'arbitre n'a pas commis d'erreur de droit en concluant que M. Jacmain n'avait pas été renvoyé en cours de stage mais qu'il avait été congédié sans motif suffisant.
Cette demande présentée en vertu de l'article 28 concerne l'examen et l'annulation de cette décision.
La prétention essentielle soutenue par l'avocat du requérant devant cette cour constituait égale- ment la thèse avancée aux trois audiences tenues devant l'arbitre, à savoir qu'il suffisait que l'em- ployeur ait qualifié la mesure prise de renvoi pour un motif déterminé, pour que l'article 28(3) et (4) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique s'applique et aussi pour écarter la compétence d'un arbitre en vertu de l'article 91(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, et qu'un arbitre n'avait pas le droit d'enquêter sur les faits d'une affaire déterminée pour juger si en réalité la mesure prise par un employeur dans cette affaire constituait un renvoi pour un motif déter- miné ou un renvoi disciplinaire. Commme je l'ai indiqué à l'audience, une réponse complète a été donnée à cette prétention, à mon avis, par la décision de cette cour dans l'affaire Cutter Laboratories International c. Le Tribunal anti- dumping' et plus précisément par les commentai- res du juge en chef de l'annexe A (page 453) dont voici le texte:
Au risque d'accentuer plutôt que diminuer la confusion que mes motifs ont pu créer, j'estime utile d'étudier, dans cette annexe, les fonctions d'un tribunal auquel se pose la question de sa propre compétence alors qu'il n'a pas le pouvoir de rendre une décision ayant force exécutoire à cet égard. D'une façon très générale, lorsqu'une telle question se pose, je suis d'avis qu'un tribunal, même s'il ne peut rendre une décision ayant force exécutoire, doit se prononcer sur la question de savoir si une telle décision relève des pouvoirs que lui a conférés le législateur. Il ne doit pas gaspiller les fonds publics ni occasion- ner aux parties intéressées des frais supplémentaires sur une question qu'il estime ne pas relever de sa compétence. Pour conclure sur cette question, il se peut, compte tenu des circons- tances, qu'il doive entendre des témoignages à cet égard. S'il conclut qu'il n'a pas compétence et refuse donc de continuer les procédures, une personne se croyant lésée par cette conclusion peut demander un bref de mandamus. S'il conclut qu'il a probablement compétence pour agir et annonce son intention de le faire, une personne se croyant lésée par cette conclusion peut, selon les circonstances, demander un bref de prohibition à l'égard de la décision finale du tribunal, ou faire une demande en vertu de l'article 28. Comparer avec l'annexe aux motifs prononcés dans l'affaire Danmor Shoe Co. [1974] 1 C.F. 22.
J'en viens maintenant aux preuves soumises à l'arbitre. Après les avoir examinées attentivement, j'ai conclu que la décision de la Commission ne pouvait être maintenue et que la demande présen- tée en vertu de l'article 28 devait être accordée. Les lettres du 25 février 1974 adressées à Jacmain et à la Commission sont claires et sans équivoque
3 [1976] 1 C.F. 446.
dans la mesure elles mentionnent le renvoi de Jacmain pour un motif déterminé au sens des paragraphes 28(3) et (4) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique (précitée).
Les preuves apportées à l'arbitre au sujet du motif de renvoi démontraient, entre autres, que Jacmain se plaignait fréquemment, d'une façon désagréable, bruyante et avec amertume, et que [TRADUCTION] «l'attitude de M. Jacmain, en par- ticulier, son indélicatesse et son impolitesse, ses accès de colère et le claquement des portes ainsi que ses `jérémiades' continues, a été à l'origine des plaintes de son employeur.»
La Commission, après avoir remarqué que les observations des parties dans la présente affaire étaient fondamentalement semblables à celles pré- sentées à la Commission dans l'affaire Fardella, a voulu suivre la décision rendue dans cette affaire et dans des affaires antérieures. Elle a donc con firmé le point de vue de l'arbitre selon lequel il était compétent pour examiner le grief en vertu de l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique (précitée) puisque le renvoi constituait un congédiement disciplinaire. En outre, la Commission faisait remarquer que l'affaire Fardella avait fait l'objet d'une demande présentée en vertu de l'article 28 devant la Cour d'appel fédérale et renvoyait au jugement du juge en chef Jackett 4 . En examinant dans cette affaire la question de savoir si le demandeur était congé- dié ou renvoyé, le juge en chef déclarait, page 480:
Bien que la question ne soit pas claire vu la preuve en l'espèce, je suis disposé à souscrire aux conclusions de l'arbitre et de la Commission portant qu'il s'agissait d'un congédiement. En concluant de la sorte, je ne veux pas qu'on me fasse dire que, lorsqu'il y a effectivement renvoi en vertu de l'article 5 ou en vertu de l'article 28 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, on peut le qualifier de congédiement pour rendre applicable l'article 91 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique*. Il se peut que l'insubordination au cours d'un stage, seule ou liée à d'autres problèmes, soit «cause» de renvoi, tout comme elle pourrait donner lieu à une action disciplinaire, même au cours d'un stage. Si le problème est traité de la façon appropriée, il ne devrait cependant pas y avoir l'ombre d'un doute quant à la nature de la mesure qui a été prise. En l'espèce, bien qu'il soit fait mention de renvoi, j'estime que l'arbitre n'a commis aucune faute en concluant que, tout bien
4 [1974] 2 C.F. 465.
considéré, le requérant fut en réalité congédié pour insubordination.
*[Il s'agit de toute évidence d'un renvoi à la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique—Éd.]
A mon avis, les faits de l'affaire Fardella (préci- tée), constatés par l'arbitre et exposés aux pages 468-472 du jugement du juge en chef, étaient très différents de ceux de l'espèce. J'estime que, dans cette affaire, les faits n'étaient pas clairs et sans équivoque comme c'est le cas en l'espèce. Dans l'affaire Fardella (précitée), il n'était pas du tout évident que le demandeur était «renvoyé» plutôt que congédié pour des motifs disciplinaires. Alors qu'il semblait à l'origine, que des mesures seraient prises pour renvoyer Fardella en cours de stage, les événements postérieurs indiquent plutôt qu'il s'agissait d'un congédiement disciplinaire. Ce n'est pas le cas en l'espèce puisque les deux lettres datées du 25 février 1974 montrent clairement qu'il s'agit d'un renvoi en cours de stage. Je sous- cris à la déclaration précitée du juge en chef selon laquelle, lorsqu'il y a effectivement renvoi, en vertu de l'article 28 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, comme dans la présente affaire, on ne peut le qualifier de congédiement pour rendre applicable l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique. Je n'hésite aucunement à dire que la conduite dont on se plaint en l'espèce est un exemple classique de comportement justifiant le renvoi d'un employé en cours de stage (comme l'arbitre l'a d'ailleurs reconnu—voir l'appel aux pages 70 et 73). Ce comportement peut également motiver une mesure disciplinaire même en cours de stage. Cependant il ne fait aucun doute en l'espèce que l'employeur avait l'intention de renvoyer le demandeur en cours de stage, ce qu'il a fait, et qu'il en avait tout à fait le droit. Ceci étant, l'arbitre n'était pas compétent pour examiner le grief en vertu de l'article 91 et a commis une erreur de droit en se déclarant compétent.
De même, la Commission des relations de tra vail dans la Fonction publique a commis une erreur de droit en approuvant la décision de l'arbitre.
Il ressort clairement des différents motifs de sa décision, que l'arbitre considérait la mesure prise par l'employeur comme une mesure disciplinaire ayant l'apparence d'un renvoi. Cependant, les faits établis en sa présence prouvent clairement que l'employeur avait un motif réel de renvoi. Il ne
pourrait y avoir de mesure disciplinaire dissimulée sous forme d'un renvoi que s'il n'existait aucun motif valable ou de bonne foi justifiant le renvoi. L'arbitre lui-même a admis que ce n'était pas le cas dans la présente affaire.
En examinant la question de savoir si l'on peut considérer une mesure visant à démettre un employé de ses fonctions en vertu d'une autorisa- tion comme ayant été prise en vertu d'une autre autorisation, il faut tenir compte de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Bell Canada c. Office and Professional Employees' International Unions. Dans cette affaire, Bell Canada avait institué unilatéralement un plan de retraite en vertu duquel les employés qui avaient 20 ans de service ou plus et avaient atteint l'âge de 60 ans «pouvaient, à la discrétion du comité, être retirés du service actif» (avec pen sion). Conformément à ce plan, un employé a été mis à la retraite. Il a présenté un grief au motif qu'il avait été «congédié» sans motif suffisant et raisonnable contrairement à la convention collec tive qui ne mentionnait pas le plan de retraite. Cette convention collective prévoyait un arbitrage dans l'hypothèse d'un «congédiement ou suspension pour un motif suffisant et raisonnable». La majo- rité de la Cour suprême du Canada, a partagé l'opinion de l'employeur selon laquelle le grief ne pouvait faire l'objet d'un arbitrage puisque les mesures prises par l'employeur ne constituaient pas un «congédiement» mais une «mise à la retraite». En prononçant le jugement de la majo- rité de la Cour, le juge Judson a déclaré à la page 340:
L'article 8 de la convention collective selon lequel «La com- pagnie peut congédier ou suspendre un employé pour un motif suffisant et raisonnable», ne peut être interprété comme signi- fiant [TRADUCTION] «congédier, suspendre ou mettre à la retraite avec pension.» La décision de l'arbitre est sans fonde- ment tant que l'expression [TRADUCTION] «mettre à la retraite avec pension» ne figure pas à l'art. 8 de la convention collective. Le congédiement, la suspension et la mise à la retraite avec pension sont trois concepts différents et distincts.
Il en résulte que l'arbitre a outrepassé ses pouvoirs.
A mon avis, ce raisonnement s'applique en l'es- pèce. Pour que l'arbitre soit compétent en vertu de l'article 91(1)b) dans la présente affaire, cet arti
cle devrait comprendre `'1 expression:- «un renvoi pour un motif déterminé` au cours stage» ou une
5 [1974] R.C.S,.335. _
expression d'une portée semblable, sinon, l'arbitre est incompétent.
A mon avis, l'article 28 vise entièrement à per- mettre à l'employeur d'apprécier l'aptitude d'un employé à occuper un emploi. Si l'employeur con- clut durant cette période que l'employé ne présente pas les qualités requises, il peut alors le renvoyer sans que celui-ci ait la possibilité de recourir à l'arbitrage. Soutenir qu'un employé stagiaire est investi du droit à un arbitrage au cours de son stage équivaut à ignorer complètement le sens évident de l'expression utilisée à l'article 28 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique et à l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique. M. Jacmain avait sans aucun doute le droit de présenter un grief en vertu de l'article 90 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique. Son grief a été examiné et rejeté. Cependant, les employés qui présentent un grief en vertu de l'article 90 n'ont pas automati- quement le droit de renvoyer le grief à l'arbitrage en vertu de l'article 91. Ce droit n'est accordé qu'aux employés présentant un grief dont le cas est prévu expressément à l'article 91(1), ce à quoi M. Jacmain n'est pas parvenu en l'espèce.
Par conséquent, la demande présentée en vertu de l'article 28 est accueillie et la décision rendue le 7 novembre 1975 par la Commission des relations de travail dans la Fonction publique est annulée.
* * *
LE JUGE URIE y a souscrit.
* * *
LE JUGE RYAN y a souscrit.
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