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T-702-74
K. J. Preiswerck Limited (Demanderesse) c.
Le navire Allunga et Pad Shipping Australia Pty. et Associated Container Transportation (Aus- tralia) Ltd., Pad Shipping Australia Pty. Ltd. Rederiaktiebolaget Transatlantic, exerçant leurs activités sous le nom et la raison sociale Pacifie Australia Direct Line et Buderim Ginger Growers Co-operative Association Limited (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Collier— Vancouver, les 14, 15, 16 et 30 juin 1976.
Droit maritime—Compétence—La demanderesse a conclu avec la défenderesse «B» un contrat de vente de gingembre— «B» a conclu avec les transporteurs maritimes un contrat pour le transport de gingembre dans un conteneur frigorifique non ventilé et le chargement du gingembre dans un tel conteneur fourni par le transporteur maritime—La demanderesse pré- tend que «B» a commis une négligence—Requête pour annuler l'ordonnance autorisant la signification ex juris à «B»— Requête pour obtenir une ordonnance autorisant la présenta- tion d'un mémoire spécial pour que soit jugée la question de la compétence de la Cour sur «B»—Loi sur la Cour fédérale, art. 22(1)—Règle 475 de la Cour fédérale.
La demanderesse a conclu un contrat de vente de gingembre avec B Limited, une compagnie australienne, et prétend que B a conclu avec les transporteurs maritimes un contrat concernant le transport de gingembre dans un conteneur frigorifique non ventilé. B a chargé le gingembre dans un conteneur frigorifique non ventilé fourni par le transporteur maritime. La demande- resse invoque la négligence de B en contractant pour le trans port de gingembre frais dans un tel conteneur. B a présenté une requête pour que soit annulée l'ordonnance autorisant la signifi cation ex juris, au motif que la Cour est incompétente pour connaître de la demande, et, subsidiairement, pour obtenir une ordonnance, autorisant, conformément à la Règle 475, la pré- sentation d'un mémoire spécial pour que soit jugée la question de compétence de la Cour, compte tenu des faits exposés. Au vu de ces faits, B prétend qu'on ne peut soutenir que la négligence résultant du contrat ainsi conclu relève de la compétence .en matière de navigation ou de marine marchande» prévue à l'article 22(1) de la Loi sur la Cour fédérale. Il est prétendu que B était simplement un producteur et un vendeur qui n'exerçait aucune activité en matière de navigation et de marine marchande; qu'elle n'a pas négocié ni conclu de contrat de transport maritime; que B s'est déchargée de ses obligations après la livraison des marchandises sur le navire en Australie; que si un préjudice a été causé, il l'a été en Australie; que tout rapport de la demanderesse avec le transport de marchandises était purement accessoire au contrat de vente de marchandises et à l'accord concernant leur chargement dans un conteneur déterminé.
Arrêt: les deux requêtes sont rejetées. (1) Le pouvoir discré- tionnaire autorisant la signification ex juris n'a pas été exercé à
tort. Bien que les affidavits présentés par le défendeur, et dont le but est d'exposer des faits ou des preuves qui peuvent être litigieux n'aient pas à être examinés, on ne peut dire que les informations ainsi fournies ne sont jamais admissibles. Nom- breux sont les cas l'on ne peut opposer aucune objection raisonnable, en particulier si les parties conviennent des faits essentiels ou si les faits avancés par le défendeur dans son affidavit ne sont pas contestés.
(2) Bien que B n'exerce pas d'activité dans le sens commer cial habituel de cette expression, en matière de navigation et de marine marchande, elle a participé à l'accord contractuel con- cernant le transport de gingembre, et il est reconnu que B a commis une négligence en passant un tel contrat avec les transporteurs maritimes pour le transport en conteneur non ventilé. Bien que l'action intentée contre B n'ait pas pour origine la violation de ce contrat, mais la négligence, celle-ci résulte des accords conclus par Buderim avec les transporteurs pour l'exécution du contrat de transport maritime. Il y a plus qu'une participation simplement fortuite de B en matière de navigation et de marine marchande. Quant au lien existant avec le Canada, le contrat ne devait pas être exécuté uniquement en Australie. La cause d'action de la demanderesse n'était pas le contrat mais la négligence. Cependant la Cour suprême du Canada a décidé que l'acte dommageable s'est produit dans un pays «qui a été substantiellement touché par les activités du défendeur ou par ses conséquences et dont la loi, vraisemblable- ment, a été raisonnablement envisagée par les parties.» Ainsi la Cour est compétente, la demande relève de la catégorie géné- rale «navigation et marine marchande», et on peut dire que le préjudice s'est produit au Canada.
Arrêts appliqués: Ville de Montréal c. Commissaire du port de Montréal [1926] A.C. 299 et Moran c. Pyle National (Canada) Ltd. [1975] 1 R.C.S. 393.
REQUÊTES. AVOCATS:
D. F. McEwen pour la demanderesse. M. E. Daugulis pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Ray, Wolfe, Connell, Lightbody & Reynolds, Vancouver, pour la demanderesse.
Bull, Housser & Tupper, Vancouver, pour les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE COLLIER: Il s'agit de deux requêtes. La première vise à annuler une ordonnance de la Division de première instance autorisant la signifi cation ex juris, de la déclaration à la défenderesse
Buderim Ginger Growers Co-operative Associa tion Ltd. (Buderim), en Australie, au motif que la Cour est incompétente pour connaître de la demande présentée contre Buderim et que l'ordon- nance ex parte initiale autorisant la signification ex juris n'aurait pas être décernée.
La deuxième requête a été considérée, avec l'ac- cord des avocats de la Cour, comme une requête subsidiaire. Elle est présentée au nom de Buderim, pour obtenir [TRADUCTION] «... UNE ORDON- NANCE autorisant, conformément à la Règle 475, la présentation d'un mémoire spécial pour que la Cour statue sur la question suivante:
[TRADUCTION] La Cour fédérale du Canada est-elle compé- tente, compte tenu des faits exposés, à l'égard de la défende- resse Buderim Ginger Growers Co-operative Association Ltd.?
ET POUR que cette question soit jugée.»
A l'audience, la défenderesse a demandé à pré- senter, en ce qui concerne la première requête, un affidavit fait sous serment par M. Morrison le 31 mars 1976. J'ai refusé parce qu'à mon avis, d'une façon générale, on n'a pas à examiner des affida vits présentés par le défendeur dont le but est d'exposer des faits ou des preuves qui peuvent être litigieux. Les débats se sont alors poursuivis sur la base du dossier dont disposait le juge qui a décerné l'ordonnance. J'ai ensuite décidé, après avoir entendu les arguments avancés à l'égard de la première requête, que Buderim n'avait pas démon- tré, à mon avis, que la Division de première ins tance avait exercé à tort son pouvoir discrétion- naire en autorisant une signification ex juris. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'approfondir dans ces motifs la question du rejet de la première requête à l'exception de ce point: je ne pense pas que les informations fournies par un affidavit déposé au nom d'un défendeur qui demande l'an- nulation d'une ordonnance de signification ex juris ne soient jamais admissibles. Nombreux sont les cas l'on ne peut opposer aucune objection rai-
sonnable à cette procédure, en particulier si les parties conviennent des faits essentiels ou si les faits avancés par le défendeur dans son affidavit ne sont pas contestés.'
Venons-en maintenant à la deuxième requête. Les avocats sont tombés d'accord:
(1) sur la véracité de tous les faits énoncés dans la déclaration uniquement aux fins de la ques tion de compétence.
(2) sur un exposé conjoint des faits qui s'ajoute aux faits énoncés dans la déclaration.
(3) sur le fait que la combinaison de (1) et (2) précités donne à la Cour tous les faits nécessai- res pour trancher la question; qu'aucun fait supplémentaire ne doit être ajouté lors de l'ins- truction de la question.
(4) sur le fait que, si la décision sur cette ques tion était défavorable au demandeur, une ordon- nance rejetant l'action contre Buderim serait décernée.
(5) sur le fait que, si la décision sur cette ques tion était défavorable à Buderim, la question de compétence ne serait pas soulevée par Buderim lors du jugement.
Pour permettre de comprendre ces motifs, je résumerai aussi brièvement que possible les faits pertinents.
La demanderesse est une compagnie de Colom- bie-Britannique et, aux fins de son entreprise, elle importait, depuis plusieurs années, du gingembre frais entre la fin juillet et la fin octobre. Buderim est une compagnie australienne qui produit et
En Angleterre, la jurisprudence semble autoriser un défen- deur à présenter des affidavits sur requête en annulation d'une ordonnance ex parte de signification ex juris. Voir The Supreme Court Practice 1976 (vol. 1) aux pp. 88 et 89 (para. 11/4/7). La plupart des affaires citées sont antérieures à 1900. Voir également Canadian Brine Ltd. c. Wilson Marine Trans port Co. [1964] 2 O.R. 278 (Senior Master).
Si le défendeur souhaite que la question de compétence soit tranchée par une question préjudicielle, je pense que les parties devraient s'efforcer, comme ici, de partir des faits sur lesquels ils sont d'accord et de demander le jugement de la question de droit. En l'absence d'accord sur la procédure ou sur les faits, il me semble que le défendeur peut demander, lorsque l'affaire s'y prête, l'instruction d'une question ou des directives en vertu de la Règle 327.
commercialise du gingembre en Australie. Elle n'a pas de bureau ni d'établissement au Canada.
Depuis plusieurs années, la demanderesse importait du gingembre par bateau, durant la saison mentionnée. Ce gingembre était transporté sans être réfrigéré mais dans un lieu ventilé. Bude- rim a apparemment mis au point des techniques, dont l'entreposage à froid, qui permettent de vendre du gingembre frais pendant toute l'année.
Vers la fin de 1972, la demanderesse s'est ren- seignée auprès de Buderim sur les prix et les possibilités de transport de gingembre. Buderim l'a informée qu'il valait mieux transporter le gingem- bre dans un conteneur réfrigéré à 55° F. D'autres lettres ont été échangées. En février 1973, la demanderesse a demandé à Buderim de réserver un certain nombre de caisses de gingembre livra- bles à Vancouver dans un local réfrigéré. La demanderesse se fiait aux conseils de Buderim selon laquelle il valait mieux transporter la cargai- son en la maintenant réfrigérée. Buderim répondit assez longuement, et, tout en reconnaissant que les tarifs du transport de marchandises réfrigérées étaient excessivement élevés, déclara [TRADUC- TION] «... que le transport en chambre froide est indispensable pour que les marchandises arrivent dans les meilleures conditions possibles, sans germer ni se détériorer (et sans les pertes subsé- quentes).» Buderim déclara qu'ils étaient prêts à réserver pour la demanderesse trois conteneurs frigorifiques.
La demanderesse a alors demandé à Buderim, par télégraphe, de s'efforcer d'expédier un conte- neur de gingembre en chambre froide à bord du. navire Dilkara. Par la suite, la demanderesse envoya une commande de 400 cartons de gingem- bre vert dans un conteneur, le paiement étant effectué par une lettre de crédit F.O.B. Brisbane (Australie). Les instructions d'expédition étaient les suivantes: [TRADUCTION] «avril, par charge- ment en chambre froide.»
Le 19 avril 1973, Buderim envoya à la deman- deresse une facture portant sur 672 caisses de gingembre à 23.68 cents australiens la livre, F.O.B. Brisbane. La facture prévoyait en outre [TRADUCTION] «l'expédition par l'Allunga le 22.4.73.» Voici maintenant la totalité du paragra- phe 11 de l'exposé des faits sur lesquels se sont entendues les parties.
[TRADUCTION] Conformément à la demande de Preiswerck concernant le transport en chambre froide pour avril, Buderim a conclu des accords en Australie pour le transport maritime, y compris la réservation d'un emplacement sur l'Allunga et il informa le transporteur qu'il fallait conserver la température du conteneur à 50°/55° F. Buderim chargea lesdites marchandises elles se trouvaient dans un conteneur frigorifique apparte- nant au transporteur maritime ou fourni par lui. Buderim livra le conteneur chargé au quai, à Brisbane et le remit au représen- tant du transporteur; par la suite, il ne s'est plus du tout occupé des marchandises. Preiswerck n'a pas négocié avec le transpor- teur maritime les détails du chargement et du transport. Bude- rim n'a jamais été mandataire du transporteur maritime.
Cependant, il faut lire le paragraphe 11 conjoin- tement avec le paragraphe 6 de la déclaration modifiée. Voici le dernier paragraphe:
[TRADUCTION] La demanderesse s'est fiée à l'expérience de la défenderesse Buderim Ginger Growers Co-operative Associa tion Limited en matière d'expédition de ce genre de marchandi- ses; la défenderesse Buderim Ginger Growers Co-operative Association Limited a conclu un contrat avec les armateurs défendeurs pour le transport desdites marchandises dans un conteneur frigorifique non ventilé à destination de Vancouver (Colombie-Britannique) et la défenderesse Buderim Ginger Growers Co-operative Association Limited a chargé lesdites marchandises dans un conteneur non ventilé fourni par les armateurs défendeurs.
Il a été délivré un connaissement pour ce char- gement au nom de Pacific Australia Direct Line, l'affréteur de l'Allunga. Le gingembre devait être livré à Vancouver. A son arrivée, il était humide et moisi.
La demanderesse a intenté contre les propriétai- res et les affréteurs de l'Allunga une action en dommages-intérêts pour rupture d'un contrat de transport maritime et pour négligence en leur qua- lité de transporteurs à titre onéreux. La demande invoquée contre Buderim est exposée au paragra- phe 10 de la déclaration modifiée. Je cite:
[TRADUCTION] Subsidiairement, si les armateurs défendeurs n'ont pas commis de négligence ou s'ils n'ont pas violé leurs obligations de transporteurs à titre onéreux, la demanderesse déclare que la défenderesse Buderim Ginger Growers Co-oper ative Association Limited a commis une négligence en contrac- tant avec l'armateur défendeur pour le transport de gingembre frais dans un conteneur frigorifique non ventilé et pour avoir placé du gingembre frais qui nécessitait une ventilation, dans un conteneur non ventilé pour le transport de Brisbane (Austra- lie) à Vancouver (Colombie-Britannique).
Selon l'exposé conjoint des faits et les passages pertinents de la déclaration modifiée, voici ce qui s'est produit:
(1) La demanderesse et Buderim ont conclu un contrat de vente de gingembre en Australie.
(2) Buderim a conclu avec les transporteurs maritimes un certain contrat concernant le transport de gingembre dans un conteneur frigo- rifique non ventilé à destination de Vancouver.
(3) Buderim a chargé le gingembre dans un conteneur frigorifique non ventilé fourni par le transporteur maritime.
(4) Buderim a commis une négligence
a) en contractant avec les transporteurs pour le transport de gingembre frais dans un conte- neur non ventilé mais réfrigéré et
b) en plaçant le gingembre frais (qui nécessi- tait une ventilation) dans un conteneur non ventilé pour le transport maritime d'Australie à Vancouver.
La défenderesse Buderim déclare qu'au vu de ces faits, la présente cour n'est pas compétente pour connaître de cette réclamation. Il prétend qu'on ne peut raisonnablement soutenir que la négligence résultant du contrat de transport en conteneur réfrigéré et non ventilé ainsi conclu relève de la compétence «en matière de navigation ou de marine marchande» prévue à l'article 22(1) de la Loi sur la Cour fédérale. 2
D'après les faits de l'espèce, il est prétendu que Buderim était simplement un producteur et un vendeur qui a accepté de vendre des marchandises à la demanderesse; que Buderim n'exerçait aucune activité en matière de navigation et de marine marchande; elle n'a pas négocié ni conclu de con- trat de transport maritime; Buderim s'est déchar- gée de ses obligations et de ses responsabilités après la livraison des marchandises sur le navire à Brisbane; si un préjudice a été causé, il l'a été en Australie; tout rapport de la demanderesse avec le transport de marchandises était purement acces- soire au contrat de vente de marchandises et à l'accord concernant leur chargement dans un con- teneur déterminé.
Il est exact que Buderim n'exerce pas d'activité, dans le sens commercial habituel de cette expres sion, en matière de navigation et de marine màr-
2 Si l'allégation de «négligence» invoquée contre Buderim pour avoir placé du gingembre frais qui nécessitait une ventila tion dans un conteneur non ventilé était isolée, je douterais sérieusement que la Cour fédérale puisse connaître de cette réclamation. En faisant cette observation, je n'oublie pas l'af- faire Moran c. Pyle National (Canada) Ltd., mentionnée ci-après.
chande. Mais d'après les faits de l'espèce, je pense que Buderim a participé (même s'il s'agit d'une opération isolée) à l'accord contractuel concernant le transport de gingembre de Brisbane à Vancou- ver. D'après les faits reconnus, Buderim a passé un contrat avec les transporteurs maritimes pour le transport du produit dans un conteneur non ven- tilé. Il est reconnu que Buderim a commis une négligence en passant un tel contrat pour ce genre de transport. La demanderesse déclare, me semble- t-il, que le contrat aurait prévoir le transport dans un conteneur frigorifique et qu'en outre, Buderim et les propriétaires des marchandises auraient s'assurer qu'il s'agissait d'un conte- neur ventilé.
Il est exact que l'action intentée contre Buderim n'a pas pour origine la violation de ce contrat, mais la négligence. Cependant, cette négligence résulte des accords conclus par Buderim avec les transpor- teurs pour l'exécution du contrat de transport maritime l'exception du transport sur un navire).
Selon moi, les faits montrent qu'il y a plus qu'une participation simplement fortuite de Bude- rim en matière de navigation et de marine mar- chande. 3 Par conséquent, la demande tombe sous le coup de ce chef de compétence. Ceci ne résout pas la question ou n'attribue pas nécessairement compétence à la Cour fédérale pour connaître de cette réclamation.
Buderim poursuit en disant que, même si ces démarches concernent dans une certaine mesure la navigation et la marine marchande, elles ne pré- sentent aucun lien ni rapport avec le Canada per- mettant à la Cour fédérale de connaître de la demande. Il est déclaré que le contrat de vente de gingembre a été conclu entre la demanderesse et Buderim en Australie; même si, par suite de ce contrat, Buderim devait conclure certaines enten tes contractuelles avec le transporteur pour le
3 Dans l'affaire Ville de Montréal c. Commissaire du port de Montréal [1926] A.C. 299, le Conseil privé a jugé qu'il fallait interpréter largement l'expression «navigation et marine mar- chande» utilisée dans l'Acte de l'Amérique du Nord britanni- que. A mon avis, il faut donner une interprétation aussi large à cette phrase utilisée au paragraphe 22(1) de la Loi sur la Cour fédérale.
transport des marchandises dans un lieu réfrigéré et ventilé, le contrat devait être exécuté entière- ment en Australie. Je ne suis pas convaincu que le contrat conclu entre le transporteur et Buderim devait être exécuté uniquement en Australie, en pratique ou en droit. Cependant, la demanderesse ne prétend pas être partie à ce contrat et elle n'essaie pas non plus de fonder sa réclamation sur une violation de celui-ci. La cause d'action de la demanderesse est la négligence. Mais Buderim prétend que l'acte dommageable qu'on lui impute (négligence résultant d'une entente sur un mode de transport fautif) a été causé en Australie. 4 Il est prétendu que cette Cour n'est pas compétente ou qu'elle ne devrait pas se déclarer compétente; il n'y a aucun «lien» ni aucune relation avec ce pays.
Je pense que la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Moran c. Pyle National (Canada) Ltd. 5 répond à cette prétention de Buderim. On peut dire que l'acte dommageable qu'on impute à Buderim s'est produit dans un pays ... «qui a été substantiellement touché par les activités du défendeur ou par ses conséquences et dont la loi, vraisemblablement, a été raisonnable- ment envisagée par les parties.» 6 Il faut bien sûr remplacer le mot «pays» par «Canada» dans cette affaire.
L'avocat de la demanderesse a prétendu qu'en vertu de l'article 22 de la Loi sur la Cour fédérale, il n'est pas nécessaire d'invoquer la doctrine Moran pour fonder sa compétence. Une fois démontré, le préjudice (dans cette affaire) entre dans le cadre des demandes concernant «la naviga tion et la marine marchande» et, en ce qui con- cerne la compétence au fond, peu importent le lieu le préjudice a été provoqué, le lieu de résidence du défendeur ou le lieu celui-ci exerce ses activités; la Cour est compétente; seule subsiste la
Buderim m'a demandé de conclure que les dommages causés au gingembre ont se produire bien avant que le chargement ait atteint Vancouver ou les eaux territoriales canadiennes (quelles qu'en soient aujourd'hui les limites); que l'acte de négligence et le dommage en résultant se sont produits en dehors du Canada. D'après les faits soumis, je ne pense pas qu'il faille tirer cette conclusion. Le cas échéant, cette question devrait faire l'objet de preuves, par expert ou autrement, lors du jugement.
5 [1975] 1 R.C.S. 393.
6 Moran, page 409.
question de savoir si ce pays et la Cour fédérale sont un forum conveniens. 7
Je ne pense pas qu'il soit indispensable de se prononcer sur l'exactitude ou sur tout autre point de la proposition avancée. Je pense qu'il n'est pas non plus indispensable dans cette affaire précise d'invoquer le principe général proposé. D'après les faits, je conclus à la compétence de la Cour fédé- rale: la demande relève de la catégorie générale «navigation et marine marchande»; on peut dire que le préjudice qui a donné naissance à la demande s'est produit au Canada; la Cour fédérale est habilitée à connaître de la demande in perso- nam 8 contre Buderim.
Les requêtes sont rejetées avec dépens à la demanderesse quelle que soit l'issue de la cause.
7 L'avocat de la demanderesse a invoqué un certain nombre d'arrêts, dont: Oy Nokia Ab c. Le «Martha Russ» [1974] 1 C.F. 410 (Division d'appel); Antares Shipping Corporation c. Le "Capricorn" (1976) 7 N.R. 518 (C.S.C.); Santa Maria Shipowning and Trading Co. S.A. c. Hawker Industries Ltd. [1976] 2 C.F. 325 (Division d'appel).
8 Buderim n'était pas partie au litige d'origine. Elle a été ajoutée par amendement. La déclaration d'origine était à la fois une action in rem et in personam. Le navire Allunga a été poursuivi in rem. Ses propriétaires et ses affréteurs ont été poursuivis individuellement in personam. Le dossier ne montre pas qu'il a été décerné une ordonnance portant signification ex juris aux propriétaires et aux affréteurs. Rien ne montre non plus que le navire Allunga ait été jamais saisi au Canada ou que l'on ait menacé de le saisir. La demande invoquée contre le navire et les individus repose sur un contrat relatif au transport des marchandises de la demanderesse d'Australie à Vancouver. Une violation de ce contrat ou une négligence résultant du transport des marchandises de la demanderesse par les défende- resses ont été invoquées. Les défenderesses ont déposé leur défense auprès de la Cour fédérale. J'ignore réellement ce qui a précipité (d'un point de vue juridique ou juridictionnel) le dépôt d'une défense auprès de la Cour fédérale. J'envisage un certain nombre de motifs dont la courtoisie des affaires ou les accords conclus par les transporteurs.
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