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T-908-74, A-404-74
Le Bureau de fiducie de l'Église presbytérienne au Canada (Requérant)
c.
La Reine du chef du Canada (Intimée)
Division de première instance, le juge Walsh— Montréal, le 22 novembre; Ottawa, le 2 décembre 1976.
Pratique—Taxation du mémoire de frais en vertu de la Loi sur l'expropriation—Les dispositions de l'art. 36 s'appliquent- elles aux procédures engagées devant la Cour d'appel—Façon de calculer le montant des frais—Loi sur l'expropriation, S.R.C. 1970 (1 e ' Supp.) c. 16, art. 24, 27 et 36—Règle 350 et Tarifs A et B de la Cour fédérale.
REQUÊTE. AVOCATS:
N. Bindman et L. G. McDougall pour le
requérant.
Yvon Brisson pour l'intimée.
PROCUREURS:
Hemens, Harris & Associés, Montréal, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Il s'agit d'une requête sollici- tant la taxation du mémoire de frais du requérant relativement à l'instruction des procédures d'ex- propriation suite auxquelles le montant de l'indem- nité offerte a été porté de $187,000 $412,000 par la Division de première instance; ce montant a cependant été réduit à $329,515 avec intérêts et dépens, par un jugement de la Cour d'appel'. Le jugement dont il est fait appel a ordonné le paie- ment de la différence de $142,515 avec intérêt au taux de base sur ladite somme, depuis la date de l'offre, et avec intérêt à 5% sur le montant de $329,515 aux termes de l'article 33(1) de la Loi sur l'expropriation 2 . Il était mentionné expressé- ment que les frais aussi bien en Cour d'appel qu'en
' [1976] 1 C.F. 632.
2 S.R.C. 1970 (1°' Supp.), c. 16.
Division de première instance devraient être fixés conformément à l'article 36(2) de la Loi sur l'ex- propriation, lequel dispose en résumé que lorsque le montant alloué dépasse le montant de toute offre faite avant le début de l'instruction des pro- cédures, le tribunal doit, sauf s'il conclut que le montant de l'indemnité réclamée dans les procédu- res était déraisonnable, ordonner que la totalité des «frais des procédures et des frais accessoires» encourus par cette partie, y compris les frais extra- judiciaires que le tribunal détermine, soit payée par la Couronne.
Dans une décision subséquente, la Cour d'appel, à qui l'on demandait de fixer les frais, a statué que la fixation des frais envisagée à l'article 36(2) doit d'abord être faite par la Division de première instance. La Cour d'appel s'est gardée d'exprimer son avis sur la question de savoir si cet article envisageait l'adjudication des frais extrajudiciaires en ce qui concerne les procédures engagées devant la Cour d'appel aussi bien que devant la Division de première instance. Par conséquent, je dois tout d'abord étudier cette question. Le but de l'article 36(2) semblerait être d'indemniser la personne dont le bien a été exproprié de tous les «frais des procédures et des frais accessoires» encourus par elle de sorte que les frais judiciaires qui lui seront réclamés ne viennent pas réduire le montant de l'indemnité allouée. Si telle est l'intention de la Loi, je crois alors que les frais supplémentaires, occasionnés par la défense d'un appel et par l'appel incident du jugement de la Division de première instance, devraient aussi être déterminés sur la base procureur-client et assurément, l'expression «frais des procédures et des frais accessoires» ne semble pas restreindre ces frais à ceux engagés en Division de première instance. En s'abstenant de donner son avis sur cette question, la Cour d'appel semble avoir laissé ce point à la discrétion du juge de la Division de première instance à qui on a demandé d'adjuger les frais et je vais procéder en tenant compte du fait que ma décision inclura les frais extrajudiciaires en Division de première ins tance et en Cour d'appel.
Dans sa requête visant à obtenir remboursement des frais, le requérant inclut des honoraires et des débours se chiffrant à $5,361.07 conformément aux tarifs A et B des Règles de la Cour fédérale. Il est à noter que les frais ainsi réclamés, mis à part
les honoraires des témoins experts et les frais divers, s'élèvent à $2,862. L'avocat de l'intimée ne
s'est pas opposé à la somme réclamée de $5,361.07, le litige portant sur le solde, au titre des frais extrajudiciaires que le requérant réclame de diverses façons. Ce dernier prétend tout d'abord avoir droit à un montant de $23,274.75 au titre de frais extrajudiciaires, cette somme étant les hono- raires que ses avocats estiment leur être dus eu égard au nombre d'heures consacrées à cette affaire par divers membres de leur étude, depuis le commencement des procédures jusqu'à la date de l'audition sur la question des frais, le 22 novembre 1976; les services de chaque membre de l'étude sont évalués à un taux horaire différent, les deux associés principaux réclamant $100 l'heure, l'avo- cat ayant le plus d'ancienneté après eux deman- dant $75 l'heure et ainsi de suite.
Une autre façon de calculer le montant de la réclamation se fonde sur le tarif en matière d'ex- propriation établi par l'article 89(1)b) du Règle- ment du Barreau de la province de Québec, le procès a eu lieu, lequel règlement alloue 1% du montant de l'indemnité et 10% de la majoration de l'indemnité au-delà de l'offre initiale, ce qui fait un total de $17,546.65.
Au cours de la plaidoirie, on a avancé qu'en établissant les honoraires extrajudiciaires, plu- sieurs facteurs devaient être considérés, y compris le montant de l'indemnité, le montant de l'offre, la complexité des points en litige, le degré et le niveau de compétence requis pour les présenter, l'accueil total ou partiel de l'action, l'expérience des avocats au dossier, le temps qu'ils ont consacré à l'affaire, et le barème des honoraires du tarif en vigueur dans la province de Québec. Tous ces facteurs ont une portée sur la discrétion à exercer dans l'évaluation des frais. Ayant entendu cette cause en première instance, je n'hésite pas à décla- rer que certaines des questions soulevées étaient très complexes, plusieurs de ces points n'ayant jamais été soulevés depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur l'expropriation, qu'ils ont été présentés avec compétence par les avocats du requérant et qu'ils ont sans doute exigé beaucoup de temps. Bien qu'on n'ait point soutenu que le tarif relatif aux procédures d'expropriation appli cable dans la province de Québec lie cette Cour de quelque façon, il peut aider à en arriver à un
chiffre adéquat.
L'avocat de l'intimée a soutenu énergiquement que la somme de $2,000 ayant été accordée en première instance et confirmée en appel au poste des frais d'estimation et un autre montant de $10,000 ayant été accordé au poste des négocia- tions avec le ministère des Travaux publics et avec le Service de planification immobilière de la ville de Montréal, recherches de titres, négociations portant sur le bail et ainsi de suite, il faut tenir compte de ces dits montants et les déduire du montant réclamé. Ces montants ont été admis aux termes de l'article 27 de la Loi qui dispose:
27. (1) La Couronne doit payer à chaque personne ayant droit à une indemnité en vertu de la présente Partie un montant égal aux frais d'estimation, frais légaux et autres frais qui ont été raisonnablement encourus par cette personne pour faire valoir son droit à cette indemnité, sauf ceux de ces frais qui ont été encourus après l'institution de procédures en vertu de l'article 29.
(2) Les frais prévus au paragraphe (1) peuvent être taxés par le fonctionnaire responsable de la taxation des frais au tribunal.
Bien que le paragraphe (2) stipule que ces frais peuvent être taxés, ils ont de fait été inclus dans la réclamation du requérant. A tout événement, il semblerait selon l'article 27(1) que l'on entend couvrir seulement les frais engagés jusqu'à l'insti- tution des procédures, les frais y subséquents étant établis conformément au jugement de la Cour par l'application de l'article 36 de la Loi. Le jugement lui-même a alloué ces montants en appliquant les dispositions de l'article 27 de la Loi, et rien dans ce jugement ni dans le jugement de la Cour d'appel fédérale ne justifie la prétention de l'intimée por- tant que la somme de $10,000 devait couvrir tous les frais extrajudiciaires pendant toutes les procé- dures. Si, en soumettant un sommaire de son emploi du temps, le requérant avait inclus des taux horaires pour les services rendus avant l'institution des procédures, alors il y aurait certainement eu répétition, et il ne faudrait pas tenir compte de tout taux horaire relatif à la période antérieure à l'institution des procédures, mais tel ne semble pas avoir été le cas. J'éprouve quelque difficulté toute- fois à concilier l'affidavit du requérant qui indique que 296 heures et trente-cinq minutes ont été consacrées à ce dossier depuis l'institution des procédures, le ler mars 1974, et l'annotation écrite au crayon indiquant le total de 225 heures et
quarante minutes, qui apparaît en page 9 de son emploi du temps détaillé, laquelle mentionne éga- lement que ce nombre d'heures inclut 13 heures passées avec les autorités municipales. Il n'a été possible d'en arriver à ce total qu'en y incluant l'emploi du temps avant le début des procédures sinon le total à ce stade ne serait que de 198 heures. De jusqu'en bas de la page 10, qui est la dernière page de l'emploi du temps soumis, il semble y avoir un total de 36 1 / 2 heures additionnel- les, ce qui indiquerait un total considérablement inférieur à 296 heures et trente-cinq minutes si l'on ne s'en tient qu'à partir de l'institution des procé- dures, spécialement si l'on déduit les 13 heures que l'on a décrites comme incluant les négociations avec la ville, tel que l'avocat du requérant a déclaré l'avoir fait dans son exposé oral devant la Cour. Par ce commentaire, je ne veux pas insinuer que l'avocat du requérant a voulu induire la Cour en erreur, mais simplement signaler qu'il est diffi- cile de s'en remettre trop entièrement à l'emploi du temps, particulièrement puisqu'une partie considé- rable du travail concernait les négociations du requérant avec la ville de Montréal dans l'espoir de se réinstaller, ce qui peut ne pas être des frais accessoires à la procédure.
L'article 24(5) de la Loi prescrit qu'en établis- sant aux termes du paragraphe (4)b)(ii) les frais, dépenses et pertes attribuables ou connexes au déménagement ou à l'installation en d'autres lieux, on doit tenir compte de toute assistance fournie par le Ministre pour permettre au titulaire de chercher et obtenir des lieux de remplacement. Ceci ne se rapporte clairement qu'au montant de l'indemnité qui a maintenant été fixé par la Cour d'appel et ne devrait avoir aucune portée sur les frais. A tout événement, en l'espèce l'intimée a été incapable d'aider le requérant à chercher des lieux de remplacement appropriés puisque les immeu- bles disponibles appartenaient tous à la ville de Montréal. Je suis donc d'avis que les longues négo- ciations entre le requérant et la ville de Montréal pour tenter d'obtenir des lieux de remplacement appropriés, même si elles n'avaient pas échoué, pourraient difficilement être considérées comme accessoires aux frais des procédures d'expropria- tion au sens de l'article 36 de la Loi. Bien que les avocats du requérant aient à bon droit consacré un temps considérable à s'entretenir avec leur client, les autorités municipales et autres personnes dans
l'espoir de trouver des lieux de remplacement, je ne peux conclure que cela fait vraiment partie des frais extrajudiciaires que l'intimée doit payer.
Deux autres considérations imposent la réduc- tion de la réclamation du requérant s'élevant à $23,274.75 calculée d'après son emploi du temps. La première d'entre elles est que les deux avocats principaux, dont les services constituent la plus grande partie de la réclamation, demandent $100 l'heure, sur la base de huit heures de travail par jour dans certains cas, ce qui donne alors des honoraires de $800 par jour. Sans mettre en ques tion l'habileté ni l'expérience des deux avocats en question, et sans émettre d'opinion quant à la justification de ce taux horaire, je souligne que le tarif établi par la Cour prévoit un maximum de $400 par jour pour la conduite de l'audition en Division de première instance ou à la Cour d'appel et ce uniquement pour la première journée. Cela nous éclaire sur ce que l'on considère être des honoraires d'avocat équitables et je ne crois pas que l'on doive accorder à titre de frais extrajudi- ciaires plus que ce qui est permis pour le travail très ardu qu'implique la conduite d'une audition devant la Cour, bien qu'il faille se souvenir qu'une telle audition ne dure que 5 à 5 heures '/a par jour. Le deuxième facteur qui exigerait la réduction d'un compte basé sur le taux horaire provient du fait que, tel qu'il a été mentionné plus haut, la somme de $2,862 a déjà été incluse au titre d'ho- noraires relatifs au procès et à l'appel dans la taxation prévue en vertu des tarifs A et B de sorte qu'il y aurait nettement répétition si ce montant n'était pas déduit des taux horaires pour ces servi ces. Ceci ressort clairement de la Règle 79e) du Règlement du Barreau du Québec, à laquelle le requérant s'est référé dans un autre contexte, qui se termine ainsi: «pour évaluer ses services, l'avocat doit tenir compte des honoraires judiciaires et extrajudiciaires déjà prévus au tarif».
L'autre point de vue du requérant, fondé sur la valeur de l'indemnité accordée, s'appuie sur la Règle 89(1) du Règlement du Barreau du Québec qui établit les tarifs suggérés en matière d'expro- priation et qui se lit ainsi:
89. (1) En matière d'expropriation, les honoraires extrajudi- ciaires suggérés sont les suivants:
a) I% du montant de l'indemnité (sauf dans les cas il a déjà droit à des honoraires équivalents en vertu du tarif des frais judiciaires), plus
b) 10% de la différence entre le montant de l'indemnité et le montant de l'offre initiale faite par l'expropriant ou dans le cas l'expropriant ne fait pas d'offre, la différence entre le montant de l'indemnité et le montant minimum établi par les experts de l'expropriant.
En toute justice pour le requérant, il faut signaler cependant qu'il ne s'agit que d'honoraires extra- judiciaires suggérés et non imposés, et qu'il y a possibilité de les augmenter lorsque la somme de travail réclamée est énorme, comme dans le pré- sent cas. Par contre, il faut dire que si tel était l'unique base de calcul utilisée, elle semblerait couvrir tous les services depuis le début du mandat jusqu'à la conclusion de l'action et ne se limiterait pas aux honoraires postérieurs à l'institution des procédures, et le requérant a déjà reçu $10,000, inclus dans le montant de l'indemnité, pour payer les services de ses avocats antérieurs à l'institution des procédures. Je ne me prononce pas sur la question de savoir si dans une réclamation des avocats du requérant contre ce dernier, visant à obtenir des honoraires extrajudiciaires établis d'après le pourcentage permis à l'article 89(1) du tarif du Québec, le client pourrait faire porter à son crédit les $10,000 inclus dans l'indemnité qui lui a été accordée s'il avait déjà versé cette somme aux avocats. Quoi qu'il en soit, comme je l'ai déjà mentionné, j'ai conclu que cette somme de $10,000 ne doit pas être compensée avec le montant des frais qui doivent être taxés dans la présente requête.
Comme je l'ai indiqué, le tarif du Québec ne lie d'aucune façon la Cour, mais il la guide quant aux honoraires que les avocats praticiens du Québec s'attendent à recevoir pour les services semblables à ceux qu'ils ont rendus en l'espèce.
Après avoir pris en considération tous les fac- teurs que j'ai mentionnés, je considère que tous les services rendus en l'espèce depuis le début du mandat des avocats jusqu'au jugement de la Cour d'appel inclusivement et ceux relatifs à la présente requête visant à établir le montant des frais, justi- fieraient des honoraires de $25,000 $30,000. En se souvenant que des honoraires jusqu'à concur rence de $2,862 sont déjà inclus aux fins de taxa-
tion convenue en vertu des tarifs A et B et que les avocats ont reçu ou recevront une somme de $10,000, laquelle était incluse dans l'indemnité accordée au requérant, je crois que les honoraires extrajudiciaires qui doivent être taxés relativement à la présente requête pourraient être fixés à $15,000 en plus des $5,361.07 dont on a convenu en vertu des tarifs A et B, ce qui donne un total de $20,361.07.
Alors que la Règle 350 requiert que les frais soient taxés par un officier de la Cour, le paragra- phe (3) stipule «Lorsque, pour une raison quelcon- que, il y aurait autrement un retard dans la taxa tion d'un mémoire de frais, un juge peut taxer le mémoire de frais comme s'il était protonotaire, s'il estime qu'il peut le faire sans nuire à ses fonctions judiciaires». Ni l'une ni l'autre des parties ne s'est opposée à ce que la taxation soit faite par la Cour et dans les circonstances, je crois que c'était dési- rable. Je taxe donc les frais en l'espèce au montant de $20,361.07, conformément au tarif de cette Cour et aux dispositions de l'article 36(2) de la Loi sur l'expropriation.
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