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A-298-76
Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigra- tion (Appelant)
c.
Evangelia et Athanasios Tsakiris (Intimés)
Cour d'appel, les juges Pratte et Le Dain et le juge suppléant Hyde—Montréal, les 18 et 20 janvier 1977.
Immigration Appel d'une décision accordant un bref de
prohibition Remise de l'enquête spéciale jusqu'à ce que la demande du parrain pour obtenir un bref de mandamus soit jugée Devoir de l'enquêteur spécial Nature du bref de prohibition Loi sur l'immigration, S.R.C. 1970, c. I-2, art. 22, 23(2), 25—Règlement sur l'immigration, art. 31(1)h).
L'appelant prétend que le bref de prohibition interdisant à l'enquêteur spécial de procéder à l'enquête tenue en vertu de l'article 22 jusqu'à ce que la demande de parrainage des intimés soit jugée n'aurait pas être accordé.
Arrêt: l'appel est accueilli. Même si la fille des intimés a le droit de parrainer leur admission au Canada, il n'ont pas droit à une remise des enquêtes tenues par l'enquêteur spécial. La loi impose à l'enquêteur le devoir de tenir une enquête une fois qu'un rapport en vertu de l'article 22 a été établi, à moins qu'il décide d'admettre les intéressés. De toute façon, le bref de prohibition permet d'éviter qu'un tribunal d'instance inférieure n'excède sa juridiction et ne doit pas être confondu avec une injonction ou une suspension des procédures.
APPEL. AVOCATS:
S. Marcoux-Paquette pour l'appelant. Harry Blank, c.r., pour les intimés.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
l'appelant.
Harry Blank, Montréal, pour les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus à l'audience par
LE JUGE PRATTE: M. et Mme Tsakiris, les inti- més dans la présente cause, sont de nationalité grecque. En mai 1975, ils sont venus au Canada pour rendre visite à leur fille, une citoyenne cana- dienne. Ils ont été admis au Canada en tant que visiteurs aux termes de l'article 7(1)c) de la Loi sur l'immigration. Ils étaient encore ici en mars 1976 lorsqu'ils ont été informés qu'un enquêteur spécial devait tenir des enquêtes à leur sujet le 15 mars 1976. Ils ont alors demandé à la Division de
première instance un bref de prohibition interdi- sant aux autorités de l'Immigration de procéder à ces enquêtes. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration en appelle de la décision de la Divi sion de première instance qui a accueilli cette demande.
Le 10 juillet 1975, quelques mois après l'arrivée des intimés au Canada, leur fille, citoyenne cana- dienne, s'est présentée devant un fonctionnaire à l'immigration. Elle lui a dit qu'elle désirait parrai- ner l'admission de ses parents au Canada en vue de la résidence permanente conformément à l'article 31(1)h) du Règlement sur l'immigration, Partie I. Le fonctionnaire à l'immigration ne lui a pas permis de remplir un formulaire de demande d'ad- mission pour les intimés. Leur fille a alors entre- pris des procédures en vue d'obtenir l'émission d'un bref de mandamus obligeant le ministère de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration à lui permet- tre de remplir une demande de parrainage'.
Les intimés prétendent, et ceci semble avoir été accepté par la Division de première instance, que, dans ces circonstances, ils ont droit à ce que leurs enquêtes soient remises jusqu'à ce que la demande de leur fille pour obtenir un bref de mandamus et sa demande parrainant leur admission au Canada soient définitivement jugées. Cette prétention est, selon moi, mal fondée. Même si nous présumons que la fille des intimés avait le droit de parrainer leur admission au Canada, il ne s'ensuit pas, à mon avis, qu'ils avaient droit à une remise des enquêtes.
Le dossier ne fait pas mention des circonstances dans lesquelles la décision de tenir ces enquêtes a été prise; il ne montre pas non plus si elles devaient être tenues à la suite d'un rapport établi en vertu de l'article 22 ou conformément à un ordre donné en vertu de l'article 25. Cependant, les avocats ont reconnu à l'audition de l'appel que les enquêtes devaient être faites conformément à l'article 23(2) à la suite d'un rapport établi en vertu de l'article 22 (après que les intimés eurent fait une déclara- tion conformément à l'article 7(3)); en outre, l'avocat des intimés, bien qu'il ait soutenu que la décision de tenir les enquêtes était, selon lui, «pré- maturée», n'a pas prétendu ou même laissé enten- dre qu'elle n'était pas justifiée.
1 Voir 119761 2 C.F. 407.
Une fois qu'un rapport en vertu de l'article 22 a été établi au sujet d'une personne cherchant à obtenir (ou considérée comme cherchant à obtenir) son admission au Canada, l'article 23(2) prévoit que l'enquêteur spécial, à moins qu'il ne décide d'admettre cette personne, doit tenir une «enquête immédiate». Je ne vois rien dans la Loi qui laisse supposer qu'une demande de parrainage présentée en vertu de l'article 31(1)h) du Règlement relève l'enquêteur spécial du devoir que lui impose la loi ou le prive de son pouvoir de tenir l'enquête. La situation serait la même si la décision de tenir l'enquête avait été prise en vertu de l'article 25 conformément à un rapport prévu par l'article 18. Il me paraît évident qu'une demande présentée par un parrain n'a pour effet ni de priver le directeur de son pouvoir d'ordonner la tenue d'une enquête en vertu de l'article 25 ni de relever l'enquêteur spécial de son devoir de tenir une telle enquête une fois qu'elle a été ordonnée.
Même si cela est suffisant pour disposer du présent appel, je ne puis m'empêcher de faire observer, avant de conclure, que l'avocat des inti- més ne semblait pas comprendre parfaitement la véritable nature d'un bref de prohibition. Le bref de prohibition permet d'éviter qu'un tribunal d'ins- tance inférieure n'excède sa juridiction; il ne doit donc pas être confondu avec une injonction ou une simple suspension des procédures.
Pour ces motifs, je suis d'avis d'accueillir l'ap- pel, d'annuler la décision de la Division de pre- mière instance et de rejeter la demande des intimés avec dépens en cette cour et en Division de pre- mière instance.
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LE JUGE LE DAIN y a souscrit.
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LE JUGE SUPPLÉANT HYDE y a souscrit.
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