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T-1343-77
Georges Lemieux et al. (Requérant)
c.
La Commission d'assurance-chômage (Intimée)
et
Le procureur général du Canada (Mis-en-cause)
Division de première instance, le juge Walsh— Ottawa, les 12 et 28 avril et le 3 mai 1977.
Pratique Bref de prérogative Demande d'émission d'un bref de mandamus qui ordonnerait à la Commission d'assu- rance-chômage de remettre les dossiers du requérant au con- seil arbitral et d'une injonction qui enjoindrait le Conseil de suspendre l'audition des cinq dossiers déjà soumis jusqu'à ce qu'une décision soit rendue dans le premier cas—Le requérant cherche à obtenir que sa cause soit entendue comme cause type Motifs pour intervenir dans des décisions administrati- ves—Y a-t-il eu déni de justice naturelle?
Le requérant cherche à obtenir que sa cause soit entendue par le conseil arbitral comme cause type malgré le fait que la Commission d'assurance-chômage a accueilli sa demande. La Commission a fait une erreur en fixant la demande du requé- rant et de 48 compagnons de travail. La Commission a reconnu son erreur et s'est engagée à réviser toutes les demandes concernées, y compris celle du requérant. Vingt-deux cas ont été réglés et cinq ont été portés en appel; il en reste vingt-deux à examiner.
Arrêt: la requête est rejetée. Les questions, telle que la fixation des dates d'audition des demandes et celle de savoir si elles doivent être entendues individuellement ou ensemble, sont des questions administratives dans lesquelles la Cour ne doit pas intervenir à moins que l'organisme qui les rend n'observe pas la loi et les règlements qui le régissent et que cette inobservation constitue un déni de justice naturelle. Les deman- deurs ne peuvent exiger de procéder par voie de cause type si la Commission ou le conseil arbitral ne l'estime pas souhaitable, surtout si aucune question n'est soulevée en l'espèce. Rien au dossier ne laisse croire à un déni de justice naturelle commis à ce jour à l'encontre du requérant.
DEMANDE de bref de mandamus. AVOCATS:
P. Gaudet et M. LeBlanc pour le requérant. L'intimée et le mis-en-cause n'ont pas com- paru et n'étaient pas représentés.
PROCUREURS:
Clinique juridique et populaire de Hull Inc., Hull, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée et le mis-en-cause.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Le requérant sollicite un bref de mandamus qui ordonnerait à la Commission d'assurance-chômage de remettre sans autre délai le dossier de Georges Lemieux et al. au conseil arbitral, ainsi qu'une injonction intérimaire qui enjoindrait le conseil arbitral de suspendre l'audi- tion des cinq dossiers déjà soumis, en plus de celle du dossier type de Georges Lemieux et al., jusqu'à ce qu'une décision relative au bref de mandamus soit rendue. Cette requête a été soumise à la Cour une première fois le 12 avril 1977; personne n'était présent pour représenter l'intimée ou le mis-en- cause, probablement par suite d'une lettre écrite le 12 avril 1977 par l'avocate du requérant, Pauline Gaudet de la Clinique juridique et populaire de Hull Inc., exposant les termes d'une entente inter- venue entre elle et Me Jean-Marc Aubry, avocat de l'intimée, et contresignée par lui; cette lettre d'en- tente prévoyait que la Commission préparerait pour chacun des 49 dossiers mentionnés sur une liste jointe, y compris pour les six dossiers déjà inscrits pour audition devant le conseil arbitral le 14 avril 1977, un sommaire de leur état accompa- gné des dernières décisions rendues et des raisons qui les ont motivées, le tout dans les dix jours suivant ladite lettre. Il était convenu que l'audition de ces six dossiers serait remise et que, lorsque serait reçu le rapport concernant l'état de ces 49 dossiers, tout dossier porté en appel serait entendu par le conseil arbitral dans les 30 jours de son inscription. Sur la foi de cette entente, l'avocate du requérant accepta de suspendre la demande sou- mise à la présente cour à la condition de recevoir tous les dossiers en cause avant le 22 avril 1977; l'audition de la requête a été suspendue du 14 avril au 28 avril 1977.
La requête est venue une autre fois devant la Cour pour audition le 28 avril et encore une fois, ni la Commission ni le procureur général n'étaient représentés. L'avocate du requérant a déposé une photocopie d'une lettre du 27 avril 1977 adressée à l'avocat de l'intimée disant que la lettre reçue de ce dernier le 15 avril n'était pas conforme à l'en- tente intervenue le 12 avril et que son intention était donc de continuer les poursuites devant la Cour fédérale. Si cette lettre a été signifiée à personne, l'avocat de l'intimée aurait donc reçu
avis de l'audition, mais si elle a été envoyée par la poste, il est peu probable qu'il l'ait reçue à temps. De toute façon, il est regrettable qu'il ne se soit pas présenté pour exposer sa position à la Cour ou pour chercher à obtenir un autre ajournement, et il est difficile de comprendre pourquoi il ne serait pas présent dans une affaire qui doit être d'une certaine importance pour la Commission s'il était au courant de l'insistance du requérant à procéder le 28 avril. Vu la prétention de l'avocate du requé- rant suivant laquelle il était urgent que l'audience ait lieu, il fut permis de procéder ex parte.
On peut dire en principe que les questions, telles que la fixation de la date d'audition de procédures et celle de savoir si elles doivent être entendues individuellement ou jointes ensemble pour audition comme causes type, sont clairement des décisions administratives dans lesquelles la Cour ne doit pas intervenir à l'occasion de procédures comme cel- les-ci, à moins qu'il soit tout à fait évident que l'organisme, la commission ou le tribunal contre lequel on cherche à obtenir un redressement n'ob- serve pas la loi ou les règlements qui le régissent et que le requérant subirait un déni de justice si un mandamus ou une injonction, selon le cas, obli- geant la partie qu'il vise à observer cette loi et ces règlements, n'était pas émis. Toute commission ou tribunal, y compris les cours elles-mêmes, peuvent avoir plusieurs bonnes raisons pour retarder la fixation d'une date d'audience ou pour suspendre l'audition de certaines causes jusqu'à ce que d'au- tres causes semblables soient jugées, ou pour entendre séparément un groupe de causes, même si elles soulèvent des questions semblables, plutôt que de les joindre pour audition et de n'en entendre qu'une comme cause type, à la condition que la décision rendue dans cette cause régisse toutes les autres. Pour des questions relatives à l'assurance- chômage, la pratique selon laquelle une cause type est entendue et les conclusions qu'on en tire sont appliquées à un grand nombre de causes soulevant les mêmes questions, est souvent suivie et constitue une façon utile et souhaitable de procéder. Il en est ainsi particulièrement lorsqu'il faut décider, par exemple, si un grand nombre de travailleurs mem- bres d'un même syndicat ont perdu ou non leur emploi à la même date à la suite d'un conflit de travail. En l'espèce, le point en litige a trait à l'attribution adéquate de payes de vacances ou de payes finales à la suite d'un congédiement collectif
de travailleurs à leur lieu de travail. Les montants seraient différents dans chaque cas mais, si seuls les calculs étaient en cause, le litige quant à une attribution adéquate pourrait être réglé au moyen d'une cause type. Il me paraît, cependant, que cela est possible uniquement si toutes les parties y consentent ou que, si les demandeurs et la Com mission ne peuvent se mettre d'accord, le conseil arbitral peut bien décider, à l'audition d'une cause donnée, qu'il est souhaitable de la considérer comme une cause type et en appliquer les conclu sions à toutes les autres causes inscrites individuel- lement pour audition devant lui. Les demandeurs ne peuvent certainement pas exiger de procéder par voie de cause type si la Commission ou le conseil arbitral ne l'estime pas souhaitable. La Cour ne peut certes pas rendre une telle décision dans les présentes procédures en se fondant sur la documentation qui lui est soumise.
L'avocate du requérant prétend que la Commis sion a retardé pendant quelque cinq mois le règle- ment de ces demandes et que cela constitue un déni de justice envers les demandeurs. Elle allègue également que la Commission a rendu des déci- sions dans nombre d'entre elles qui, selon cette avocate, sont de nature opposée, que les motifs de ces décisions n'ont pas été expliqués et que 22 causes ne sont pas encore réglées. En ajoutant ces 22 causes aux 22 qui ont été réglées, pas toujours à la satisfaction des demandeurs ou d'une manière comprise par l'avocate du requérant, et aux 5 dont la date d'audience a été fixée, on obtient un total de 49. Elle désire toujours que la cause de Georges Lemieux constitue une cause type; quelque 22 autres causes ont été jointes pour audition à cet appel daté du 16 novembre 1976. Elle prétend que le fait que cette cause ne soit pas encore inscrite pour audition constitue un déni de justice naturelle et c'est pourquoi elle cherche à obtenir un manda- mus; le fait que 5 de ces demandes soient mainte- nant inscrites pour audition devant le conseil arbi- tral porte atteinte au premier appel demandant qu'elles soient inscrites pour audition au même moment que la cause de Lemieux, et elle cherche à éviter cela en demandant une injonction aux fins de faire entendre la cause de Lemieux la première.
Si c'était tout, il y aurait un bon nombre de raisons pour accorder la présente requête. Cepen-
dant, à la fin de sa plaidoirie, elle a soumis une importante correspondance échangée avec la Com mission et des documents reçus de celle-ci qui expliquent longuement pourquoi des délais sont survenus et qui n'indiquent aucun manque de coo- pération de la part de la Commission ou de mau- vaise volonté à examiner les demandes au fond. Je peux dire que les articles des règlements en cause sont très complexes et ont donné lieu à une abon- dante jurisprudence dans les causes entendues par les juges-arbitres, certaines étant incompatibles ou difficiles à concilier avec d'autres. Le point en litige n'est donc pas facile à trancher. Une lettre de la Commission adressée le 28 février 1977 à l'avo- cate du requérant explique la Commission a initialement commis une erreur et précise qu'en conséquence, chaque cas sera révisé et qu'après cette révision, la Commission fera parvenir une liste indiquant les noms de ceux dont les demandes ne seront pas modifiées par suite de la révision, de façon qu'ils puissent interjeter appel s'ils le dési- rent, et que toutes les causes relativement à cette révision seront renvoyées à un même employé. L'avocate du requérant a répondu que cela ne ferait qu'occasionner des délais supplémentaires et que, si des erreurs avaient été commises, elles devaient être corrigées par le conseil arbitral. Je pense qu'il n'est pas raisonnable de laisser enten- dre que la Commission ne peut reconnaître que sa première décision était erronée ni la rectifier de sa propre volonté en faveur d'un demandeur qui a interjeté appel et éviter ainsi l'obligation d'en appeler au conseil arbitral.
Une autre lettre du 18 mars 1977 adressée par la Commission à l'avocate du requérant indique que la révision est terminée, que la plupart des demandeurs ont eu gain de cause et ont tous été avisés par écrit de se présenter au bureau pour toucher les montants qui leur étaient dus. On a informé de leur droit d'appel ceux dont la révision n'avait pas modifié la demande. La lettre dit égale- ment que seul Georges Lemieux avait refusé d'ac- cepter la décision favorable rendue dans son cas mais que, puisque la Commission avait accueilli sa demande, il n'était pas nécessaire de porter sa cause en appel. Par la suite, les cinq causes ont été inscrites pour audition. Avant cela, l'avocate du requérant a réitéré sa demande de faire entendre la cause de Lemieux comme cause type même si son appel avait été accueilli par la Commission.
Après un échange de lettres, le 15 avril 1977 l'avocat de l'intimée remettait des documents à l'avocate du requérant, remplissant ainsi jusqu'à un certain point l'engagement pris dans l'entente du 12 avril. Ceux-ci contenaient des précisions sur les motifs des décisions rendues dans les causes de tous les demandeurs dont les appels avaient été joints à celui de Georgés Lemieux. Cette lettre signale que la désignation «et al.» des autres parties aux procédures rend difficile l'identification des demandeurs impliqués, mais son auteur donne néanmoins des renseignements complets concer- nant tous les demandeurs qui s'étaient joints à l'appel formé par Lemieux le 16 novembre 1976. Au sujet des 27 autres noms figurant à l'annexe de la lettre du 12 avril, il déclare que la Commission a toujours traité directement avec eux, que les décisions définitives rendues dans ces cas étaient basées sur les mêmes principes qui avaient été appliqués dans le cas des clients de l'avocat du requérant, qu'on en avait fait part aux demandeurs par écrit, qu'elles n'avaient jamais été portées en appel et qu'il n'avait même jamais été question d'appel dans ces cas. Il ajoute également que si elle désire des renseignements au sujet des personnes qui n'ont pas porté leur cause en appel, elle doit donner un avis écrit qu'elle a reçu un mandat de chacune d'entre elles et qu'elle est en conséquence autorisée à prendre connaissance de renseigne- ments qui autrement seraient confidentiels.
Même si les principes régissant l'attribution des paiements en cause peuvent être les mêmes dans chaque cas, les renseignements fournis qui ont servi de base aux décisions montrent qu'il y a plus que de simples différences de calcul. En certains cas, on a accordé une antidate, et dans un autre, le versement des prestations a pris fin à une date donnée, à la suite du paiement d'une pension par le Régime des rentes du Québec. La réponse à la question de savoir si les causes doivent être réglées par voie d'appel représentatif apparaît donc tout à fait incertaine et si un appel représentatif est entendu, il serait des plus inopportun de le fonder sur la cause de Georges Lemieux dont la demande a déjà été entièrement accueillie par la Commis sion. La situation pourrait être différente si, à la suite de la révision effectuée par la Commission, l'appel n'avait été accueilli qu'en partie, mais il n'y a rien au dossier à cet effet. Chaque demandeur est évidemment libre d'accepter la révision de la
Commission et peut interjeter appel s'il le désire, à condition que les délais soient respectés ou qu'on y ait renoncé. Évidemment, on ne peut pas s'attendre à ce que le conseil arbitral entende des causes qui ne soulèvent aucune question et les requérants ne peuvent pas, en lui faisant confirmer la révision de la Commission par une cause représentative qui ne soulève plus aucune question, soutenir ensuite que cette conclusion doit être appliquée à toutes les autres causes, dont certaines ont apparemment fait l'objet de décisions quelque peu différentes de la Commission pour des motifs que celle-ci a jugé appropriés, et qui peuvent être portées en appel. Il apparaît que les cinq causes inscrites pour audition sont parmi celles qui comptent encore une question susceptible d'appel et il convient de les entendre le plus tôt possible ainsi que toute autre dans le même cas. Il apparaît certainement préférable que le plus grand nombre possible de causes soit entendu par le même conseil arbitral, au même moment, de façon que le conseil puisse décider s'il désire en entendre une comme cause type et appli- quer ses conclusions aux autres. Dans la mesure les faits sont différents, il peut cependant être nécessaire de les entendre séparément. L'avocate du requérant a certes le droit de prendre connais- sance de tout renseignement ayant trait à un dos sier inscrit pour audition devant le conseil arbitral et toutes les causes en suspens devraient être ins- crites pour audition le plus tôt possible. Les lettres et les documents au dossier n'indiquent toutefois pas que la Commission a agi incorrectement en abordant cette question, à moins qu'on puisse reprocher à une personne une première interpréta- tion erronée des règlements, qu'elle a cependant volontairement corrigée en révisant les dossiers en cause. Dans ces circonstances, il ne conviendrait pas que la présente cour s'immisce dans des ques tions purement administratives concernant l'ordre des appels et la façon dont le conseil arbitral doit les entendre, puisque rien au dossier ne laisse croire à un déni de justice naturelle commis à ce jour à l'encontre du requérant.
La requête sera donc rejetée mais sans frais puisque ni l'intimée, ni le mis-en-cause n'étaient représentés à la première audition et à la reprise d'audition et que de toute façon il en est résulté quelque chose d'utile en raison de l'entente qui a
permis à l'avocate du requérant de recevoir le 15 avril 1977 certains renseignements à la fois perti- nents et nécessaires.
ORDONNANCE La requête est rejetée sans frais.
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