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T-1142-73
La Reine (Demanderesse)
c.
Monarch Steelcraft Limited (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Addy— Vancouver, les 8, 9 et 11 mars 1977.
Taxe d'accise Pour déterminer si la défenderesse est exemptée de la taxe d'accise, il faut d'abord décider si les cadres de portes qu'elle fabrique et vend sont des «éléments porteurs,' au sens de l'art. 26(4) de la Loi sur la taxe d'accise Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, c. E-13, art. 26(4).
ACTION. AVOCATS:
S. J. Hardinge, c.r., et Alan D. Louie pour la demanderesse.
George K. Macintosh et R. W. V. Dickerson pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la demanderesse.
Farris, Vaughan, Wills & Murphy, Vancou- ver, pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE ADDY: La question en litige dans la présente affaire se limite à savoir si les mots «éléments porteurs» de l'article 26(4) de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, c. E-13, s'appliquent à certains cadres de portes métalliques fabriqués et vendus par la compagnie défenderesse en 1971.
Les extraits pertinents de l'article 26(4) se lisent comme suit:
26. (4) Lorsqu'une personne
b) fabrique ou produit, ailleurs qu'à l'endroit de la construc tion ou du montage d'un bâtiment ou d'une autre structure, des éléments porteurs destinés à être incorporés à un bâti- ment ou une structure semblable, en concurrence avec des personnes qui construisent ou montent des bâtiments ou d'autres structures sont incorporés des éléments de ce genre, non ainsi fabriqués ou produits,
elle est réputée, aux fins de la présente Partie, relativement à tous semblables ... éléments, ... qu'elle a ainsi fabriqués ou produits, ne pas en être le fabricant ou le producteur.
Si les cadres en question étaient des «éléments porteurs» au sens l'entend l'article 26(4)b) de la Loi, alors la défenderesse serait exemptée de la taxe d'accise réclamée; sinon elle y serait assujet- tie. Ni le montant même de la taxe, ni les intérêts exigibles—s'il y avait eu assujettissement—ne sont contestés.
Dans le contexte de l'alinéa b) précité, il est clair que le terme anglais «structural» employé dans l'expression «structural building sections» n'a aucun rapport avec le terme anglais «structure» que l'on retrouve dans l'expression «any ... build ing or structure» à l'intérieur du même alinéa. Il ne se rapporte pas simplement à un élément consti- tutif d'une structure ou d'un bâtiment, mais, de façon plus restrictive, à un des éléments constitu- tifs qui conjugués, permettent au bâtiment de résister à un poids ou qui, en d'autres termes, contribuent de façon importante à sa solidité et à sa résistance aux différentes forces humaines ou naturelles auxquelles il pourrait être assujetti. On peut distinguer ces éléments porteurs (structural building sections) des simples appareils, ou des autres systèmes et éléments faisant partie inté- grante du bâtiment ou des éléments qui permettent principalement d'utiliser, de façon appropriée, le bâtiment ou la structure et d'en jouir, tels que portes, fenêtres, murs non porteurs, isolants ther- miques, ou les appareils de chauffage, de plombe- rie ou d'électricité, ou encore des éléments qui, d'un point de vue esthétique, rehaussent le bâti- ment tels que murs à enduit, papiers peints, cou- vre-planchers et autres compléments décoratifs de ce genre. Cette conception du terme anglais «structural» dans le contexte de l'alinéa susmen- tionné n'a pas été contestée à l'audience mais, au contraire, a été confirmée par les ingénieurs cités comme témoins experts pour le compte des deux parties; ces témoins ont affirmé que dans l'indus- trie du bâtiment aussi bien que dans le domaine du génie, c'était l'interprétation donnée à ce terme. De plus, la signification de l'expression anglaise «structural building sections» devient claire—et ce, sans l'ombre d'un doute—lorsqu'on s'aperçoit que le terme anglais «structural» employé dans cet alinéa, a tout simplement été traduit par «porteurs» et non par «structure».
La compagnie défenderesse fabriquait deux types de cadres de portes métalliques: l'un était utilisé principalement dans la construction à mur sec et l'autre, dans des ouvrages comportant des murs maçonnés ou à enduit de plâtre. Cependant, il était possible d'utiliser le premier type dans une construction en maçonnerie, bien que ce ne fût pas habituel puisqu'il fallait procéder à des assembla ges spéciaux de manière à assujettir le cadre à la maçonnerie. Les deux types de cadres étaient fabriqués d'acier galvanisé à aspect satiné acheté sous forme de feuilles dont l'épaisseur était de 14, 16, 18, ou 22 décimales, d'après la largeur de l'ouverture de la porte et de la circulation envisa gée ou de l'usage auquel servirait la porte. La fabrication était réalisée par le procédé de l'acier plié à froid, ainsi nommé parce qu'aucune forme de chaleur n'était utilisée. Les feuilles métalliques étaient coupées en lames et ensuite placées dans une presse afin de façonner les parties du cadre. Elles étaient alors placées dans une presse servant à découper la serrure et les charnières. Les cadres, une fois terminés, pouvaient supporter chacun une certaine charge totale variant approximativement entre 350 et 1150 livres compte tenu de l'épaisseur de la tôle utilisée et de la largeur de l'ouverture de la porte.
Pour constituer un élément fabriqué dans le but d'être utilisé comme «élément porteur» dans un bâtiment ou dans une autre structure, non seule- ment les matériaux composant l'élément doivent- ils pouvoir supporter un poids mais l'élément lui- même doit être conçu et fabriqué dans le but ultime de faire partie intégrante ou d'être un élément constitutif du système de partage de char ges ou du corps du bâtiment, du montage ou de la structure. Dans ce contexte, l'élément doit néces- sairement pouvoir supporter un poids de façon substantielle au point d'être communément utilisé à cette fin parce que toute matière, même gazeuse, possède une certaine résistance et peut recevoir des charges puisqu'elle peut résister à certaines pres- sions exercées sur elle.
Un cadre de porte ordinaire, fait en bois, n'est pas un «élément porteur» parce que ce matériau ne peut réellement pas supporter un poids substantiel et—c'est la raison principale—parce qu'il est sim- plement conçu afin de servir de boiserie remplis- sant l'espace entre l'ouverture du mur et la porte et de servir d'appui et de moyen permettant de bien
fermer la porte qui, en elle-même, n'est pas un élément porteur du bâtiment. Cependant, dans le cas en l'espèce, parce que les cadres fabriqués par la défenderesse possédaient une certaine résistance et que les deux types de cadres pouvaient être incorporés, pendant la construction d'un bâtiment, à un mur porteur maçonné, la défenderesse réclame l'exemption prévue aux termes de l'extrait précité de l'article 26.
Le gérant de la défenderesse, qui avait occupé pendant sept ans environ les fonctions de chef d'atelier, a déclaré, dans son témoignage, qu'il avait à plusieurs reprises assisté à l'installation dans des murs maçonnés de ces deux types de cadres et ce, sans aucune autre armature au-dessus du linteau ou de l'ouverture. Il a de plus déclaré qu'il n'avait jamais remarqué que l'installation des cadres de portes se faisait avec une armature additionnelle. L'avocat de la défenderesse s'est fondé sur ce témoignage pour demander à la Cour de conclure que les cadres étaient habituellement utilisés par l'industrie du bâtiment comme «élé- ments porteurs» et que cela indiquait que c'était l'un des premiers usages pour lesquels ils étaient fabriqués et vendus.
Dans sa preuve, cependant, le gérant n'a pas déclaré si les murs qu'il avait inspectés étaient des murs porteurs ou des murs d'appui ou tout simple- ment des cloisons. Il n'a pas dévoilé le nombre d'inspections qu'il avait effectuées et n'a pas indi- qué si d'autres types similaires de cadres étaient généralement utilisés dans l'industrie du bâtiment comme éléments porteurs. Il faut noter de plus que la compagnie défenderesse n'a jamais traité avec l'industrie du bâtiment. C'est une filiale—dont la raison sociale était à l'époque ADKA et est main- tenant WACO—qui achetait tous les cadres afin de les distribuer à l'industrie du bâtiment. Étant donné ces circonstances, il est plutôt invraisembla- ble que le gérant de la défenderesse ait été au courant de la pratique généralement suivie par l'industrie du bâtiment à cet égard. Quoi qu'il en soit, aucune preuve n'a été présentée à cet effet. Le témoignage du gérant selon lequel il n'avait jamais eu connaissance de circonstances l'on aurait posé, à la défenderesse, des questions sur la résis- tance des cadres, a beaucoup d'importance. Il est possible, bien sûr, qu'on ait demandé à la filiale qui distribue les cadres des renseignements relati-
vement à cette résistance mais, de toute façon, aucun dirigeant ou employé de la compagnie dis- tributrice n'a présenté de preuve à cet effet: Il me semble inévitable qu'au cours des huit années pen dant lesquelles le témoin était soit le chef d'atelier, soit le gérant de la demanderesse, qu'un entrepre neur, un architecte ou un ingénieur en construction quelconque aurait posé des questions au fabricant relativement aux devis descriptifs traitant de la résistance des cadres de portes, et que de telles questions auraient été portées à la connaissance du témoin.
La demanderesse a cité comme témoins deux ingénieurs professionnels possédant une expérience considérable dans le domaine de la conception technique et dans la surveillance de construction d'édifices. Au cours de leurs témoignages, les deux ingénieurs ont déclaré que les devis descriptifs, dans le cas de murs maçonnés, mentionnent tou- jours la nécessité d'une armature additionnelle au-dessus de l'ouverture ou de linteau des cadres de portes de la défenderesse. Cette preuve n'a pas été contredite par l'ingénieur cité comme témoin expert pour le compte de la défenderesse. Ce der- nier témoin, un professeur d'université, possédait manifestement, lui aussi, une expérience considé- rable en qualité d'ingénieur-conseil dans le domaine de la conception et ainsi qu'en qualité d'enquêteur de projets techniques.
En ce qui concerne le fait que les cadres de portes étaient utilisés couramment dans l'industrie du bâtiment sans armature additionnelle, comme éléments du système de charges des bâtiments, je dois conclure que non seulement la défenderesse ne s'est pas acquittée de l'obligation d'en faire la preuve mais encore que la demanderesse a établi, de façon positive, la véracité du contraire. Cet argument ne peut donc pas être avancé par la défenderesse afin d'établir le but de la fabrication des cadres de portes.
Quant à l'utilisation des cadres, l'interrogatoire préalable subi par le mandataire de la défenderesse révèle ce qui suit:
(1) En ce qui concerne les cadres de portes (dont les dessins et les devis descriptifs consti- tuaient la pièce 3 à l'interrogatoire préalable et la pièce 2-1 à l'audience) adaptés à la construction à mur sec:
[TRADUCTION] 124 Q. C'est écrit ici: «[le cadre] s'ajuste solidement au mur sec, une fois l'ouverture terminée». Est-ce que cela vous indique qu'il ne s'agit absolument pas d'un cadre porteur?
R. C'est l'une des applications, si je me réfère encore une fois aux multiples applications qui peuvent en être faites. La feuille technique n'est pas produite en vue d'une application précise de ce cadre et une feuille subséquente de données, énumérant d'autres genres de travaux particuliers, peut être produite, avec quelques modifications.
125 Q. Les cadres de portes vendus entre juillet et septem- bre 1971 ne sont pas des cadres de portes dont la caractéris- tique est d'être porteurs jusqu'à concurrence d'un poids spécifique?
R. Je ne puis répondre à cela, je ne sais pas.
(DISCUSSION NON OFFICIELLE)
M. MACINTOSH: Durant l'ajournement, j'ai discuté de ceci avec M. Newhouse, et ce dernier m'a signalé que, dans certains cas, les architectes et les ingénieurs demandent à ce que l'on discute des questions de poids prévu, mais nous n'avons aucun renseignement sur la question de savoir dans quelle mesure, en 1971, le nombre des ventes a été associé à cette caractéristique.
(2) En ce qui concerne les cadres de portes (dont les dessins et les devis descriptifs consti- tuaient la pièce 4 à l'interrogatoire préalable
et la pièce 2-2 l'audience) adaptés à la construction en maçonnerie:
[TRADUCTION] M. CARRUTHERS:
126 Q. Je suppose que vous donneriez la même réponse en ce qui concerne les cadres de portes montrés à la pièce 4?
R. Oui, il le faudrait.
On a démontré également que le cadre s'adaptant à la construction en maçonnerie a été conçu de façon à pouvoir s'installer une fois le mur en maçonnerie terminée.
Bien que les cadres puissent être utilisés comme coffrages pour soutenir la maçonnerie alors que l'on monte un mur, et bien qu'ils possèdent une certaine résistance, il est évident que, d'après leur conception, l'usage réel auquel ils sont soumis et leur résistance quelque peu limitée, ils n'ont pas été conçus ou fabriqués dans le but premier de résister à des poids et que leur fonction principale n'est pas de faire partie des éléments constitutifs d'un bâtiment. Ils ont plutôt été conçus ou fabri- qués afin de remplir la même fonction que les cadres de portes ordinaires en bois, à savoir: servir de finition ou de boiserie, remplir l'espace, camou- fler toute irrégularité qui pourrait exister entre l'ouverture du mur et la porte et fournir un moyen facile de suspendre et de bien fermer une porte.
Par conséquent, je conclus que la défenderesse n'a pas établi que les cadres de portes font partie de l'exemption prévue à l'article 26(4)b) de la Loi sur la taxe d'accise et qu'elle doit donc être assu- jettie à la taxe.
Jugement sera rendu contre la défenderesse pour le montant de la taxe et des intérêts convenu entre les parties dans l'exposé des faits, avec dépens.
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