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T-274-77
Talat Mahmood (Requérant)
c.
Gaston Perron (Intimé)
et
Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigra- tion (Mis-en-cause)
Division de première instance, le juge Marceau— Montréal, le 7 mars 1977; Ottawa, le 16 mars 1977.
Brefs de prérogative Immigration Enquête spéciale Demande de visa d'emploi soumise à l'enquête Enquête non suspendue pour étudier la demande Demande de prohibi tion ou de mandamus L'intimé était-il tenu de suspendre son enquête pendant l'examen de la demande de visa d'emploi Loi sur l'immigration, S.R.C. 1970, c. I-2, art. 7(3), 11(1), 22, 26 Règlement sur l'immigration, art. 3c(1)a), 3D(2).
L'intimé menait une enquête spéciale, tenue suite au rapport d'un officier d'immigration exprimant l'avis que le requérant ne pouvait être admis comme immigrant parce qu'il ne remplissait pas les conditions requises. Lors de l'enquête, le requérant a exprimé son désir d'obtenir un visa d'emploi et déposé une offre écrite d'emploi. L'intimé a permis le dépôt de la demande de visa d'emploi, mais a poursuivi l'enquête. Le requérant prétend qu'on aurait suspendre l'enquête spéciale pendant l'audition de la demande de visa. On a présenté l'actuelle demande de prohibition ou de mandamus pendant un ajournement de l'en- quête spéciale.
Arrêt: la demande est rejetée. Je doute que l'intimé, en tant qu'enquêteur spécial, était habilité à se prononcer sur la demande de visa d'emploi. L'enquêteur spécial a à remplir un mandat très précis et son rôle à ce moment a préséance sur les fonctions générales qui peuvent lui être autrement confiées en sa qualité de .fonctionnaire à l'immigration». De plus, si le requérant était sans visa, la demande elle-même allait à l'en- contre des dispositions des paragraphes 7(3) de la Loi sur l'immigration et 3c(1)a) du Règlement sur l'immigration. La Cour ne peut admettre que l'intimé était tenu de suspendre son enquête immédiatement pour solliciter sans plus l'avis du ser vice national de placement. Si ses conclusions ne tiennent pas compte de ces éléments de son enquête comme la Loi l'exige, ou si elles en tiennent compte de façon impropre, des recours adéquats sont ouverts au requérant. Mais à ce stade-ci, rien n'autorise l'émission d'un bref de prohibition pour empêcher l'intimé de procéder à son enquête, et rien n'exige qu'un bref de mandamus lui ordonne d'agir dans un sens ou dans l'autre.
DEMANDE. AVOCATS:
William G. Morris pour le requérant. Suzanne Marcoux-Paquette pour l'intimé.
PROCUREURS:
William G. Morris, Montréal, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Voici les motifs de l'ordonnance rendus en fran- çais par
LE JUGE MARCEAU: Le requérant demande ici l'émission d'un bref de prohibition et d'un bref de mandamus dirigés contre l'intimé qui est un enquêteur spécial du Ministère de la Main-d'oeu- vre et de l'Immigration au sens de l'article 11(1) de la Loi sur l'immigration'.
Le requérant, un Pakistanais, est entré au Canada en mai 1973 comme touriste. Il put demeurer au pays par la suite en sollicitant et obtenant plusieurs extensions de permis de séjour. La dernière de ces extensions expira le 21 avril 1976. Le 27 mai suivant, un officier de l'immigra- tion adressait à un enquêteur spécial un rapport sous l'article 22 de la Loi, mentionnant qu'à son avis le requérant ne pouvait être admis au Canada comme immigrant parce qu'il ne remplissait pas les conditions requises. Une enquête spéciale devait en conséquence être tenue (article 26 de la Loi), et c'est en rapport avec cette enquête, dont avait été chargé l'intimé, qu'ont été intentées les présentes procédures.
Cette enquête fut prévue pour le 12 janvier 1977. Plusieurs mois s'étaient écoulés, on le voit, depuis l'émission du rapport qui l'avait requis et le motif de ce délai doit être connu. Le 27 mai 1976, le même jour que celui du dépôt du rapport, le requérant avait présenté une «déclaration statu- taire» visant à se faire reconnaître comme réfugié et obtenir en conséquence un statut de résident permanent. Le Ministre décida de procéder immé- diatement à un examen de la prétention, comme il le fait souvent dans Tes cas du genre, pour éviter les longs délais qui autrement seraient toujours impli- qués puisque, à part le Ministre, seule la Commis sion d'appel de l'immigration peut tenir compte de prétentions de cette nature, et ce, seulement au moment elle est saisie d'un appel contre un ordre de déportation. C'est ainsi que l'enquête spéciale requise par le rapport sous l'article 22 fut
' S.R.C. 1970, c. I-2.
suspendue et le 15 juin, le requérant fut interrogé sur ses prétentions quant à son état de réfugié. Au terme de cet interrogatoire du 15 juin 1976, l'offi- cier responsable devait référer le cas, comme le veut la procédure habituelle, à l'appréciation d'un comité spécial interministériel appelé «Comité con- sultatif du statut de réfugié». Il crut bon alors d'émettre en faveur du requérant un visa spécial d'emploi selon la catégorie «Y» du document offi- ciel I-23, du 16 février 1976 (article 3 visant les personnes dont la demande fondée sur une préten- tion de statut de réfugié est à l'étude) et il inscrivit comme date d'expiration de ce visa spécial: le 15 septembre 1976 «or until finalization of case,» tout en insérant dans la case appropriée l'observation suivante: «case dealt by S.I.O. awaiting Refugee projet [sic] `Y'.» Le comité consultatif saisi se prononça le 22 octobre 1976, exprimant l'avis que le requérant ne pouvait être considéré réfugié et le 16 novembre suivant ce dernier était convoqué pour l'enquête spéciale requise par le rapport du 27 mai, qui avait été suspendu tout ce temps.
Le 12 janvier, donc, le requérant se présenta avec son procureur. L'enquête débuta et se pour- suivit de façon habituelle et avec les explications d'usage. Furent notamment déposés au dossier, le rapport du 27 mai et l'avis du comité consultatif sur le statut de réfugié. Après quelque temps, cependant, vu à la fois l'heure tardive et l'absence d'un témoin, l'enquête fut ajournée à une date ultérieure choisie de concert avec le procureur du requérant. Quelques jours plus tard, les présentes procédures étaient intentées.
Le requérant fait valoir, au soutien de sa demande, que malgré qu'il ait lui-même au cours de l'interrogatoire fait part de son intention de solliciter son admission comme non-immigrant en qualité de réfugiée et exprimé en même temps son désir d'obtenir un visa d'emploi, tout en déposant une offre écrite d'emploi d'une maison montréa- laise, l'intimé avait néanmoins poursuivit son enquête, contrevenant ce faisant aux dispositions du paragraphe 3D(2) du Règlement sur l'immi- gration 2 . Il soutient que l'intimé se devait alors de considérer uniquement sa demande de visa d'em- ploi et à cette fin suspendre l'enquête pour obtenir,
2 DORS/73-20.
comme l'exige ledit paragraphe 3D(2), l'avis du service national de placement 3 . Au contraire, dit-il, après avoir accepté que soit déposé l'offre d'emploi, l'intimé a poursuivi l'enquête et il entend manifestement la continuer comme telle à la date il l'a ajournée.
Les prétentions du requérant ne m'apparaissent pas fondées. Je doute d'abord que l'intimé, en tant qu'enquêteur spécial, était dans les circonstances habilité à se prononcer sur la demande de visa d'emploi telle qu'elle ressortait des réponses du requérant et de son procureur. Ce doute est fondé d'une part sur l'opinion que l'enquêteur spécial a à remplir un mandat très précis et son rôle à ce moment surplombe, pour ainsi dire, les fonctions générales qui peuvent lui être autrement confiées en sa qualité de «fonctionnaire à I'immigration». Ce doute est fondé d'autre part sur le fait que si le requérant était sans visa (et sa demande n'avait de sens que s'il était effectivement sans visa) la demande elle-même allait à l'encontre des disposi tions des paragraphes 7(3) de la Loi et 3c(1)a) des
3 Voici le texte de ce paragraphe 3D(2) des règlements:
(2) Lorsque le fonctionnaire compétent reçoit une demande de visa d'emploi, il doit délivrer ce visa d'emploi sauf
a) s'il reçoit du service national de placement des renseigne- ments indiquant
(i) qu'un citoyen canadien ou un résident permanent du Canada, dont les aptitudes correspondent à l'emploi que le candidat désire exercer au Canada, est prêt à prendre cet emploi et est libre de le faire et, s'il ne s'agit pas d'un travailleur indépendant, qu'il n'y a pas lieu de croire que l'employeur éventuel pourrait refuser, pour une raison relative à la nature de l'emploi, d'embaucher un citoyen canadien ou un résident permanent pour exercer cet emploi,
(ii) qu'une grève légale est en cours le candidat désire travailler, et que l'emploi que le candidat désire prendre est occupé en temps normal par une personne qui est en grève, ou
(iii) qu'un différend ou conflit ouvrier autre qu'une grève légale sévit au lieu d'emploi et que les chances de règle- ment du différend ou conflit seraient vraisemblablement diminuées si le candidat prenait un emploi à cet endroit; ou
b) si le candidat a enfreint les conditions d'un visa d'emploi qui lui a été délivré au cours des deux années précédentes.
règlements f. Mais je ne crois pas nécessaire à cet égard d'aller au-delà de l'expression d'un doute.
Ce que je ne puis admettre, c'est que l'intimé était tenu de suspendre son enquête immédiate- ment pour solliciter sans plus l'avis du service national de placement. Rien ne permet de penser que l'intimé entend s'abstenir d'examiner le requé- rant conformément aux exigences de la Loi. L'in- timé a dûment noté la demande du requérant et il a accepté le dépôt de l'offre d'emploi. Si ses con clusions ne tiennent pas compte de ces éléments de son enquête comme la Loi l'exige selon la préten- tion du requérant, ou si elles en tiennent compte de façon impropre, des recours adéquats lui seront ouverts. Mais à ce stade-ci, rien n'autorise l'émis- sion d'un bref de prohibition pour empêcher l'in- timé de procéder et rien n'exige qu'un bref de mandamus lui ordonne d'agir dans un sens ou dans l'autre.
La requête doit donc être rejetée.
ORDONNANCE La requête est rejetée avec dépens.
° Le paragraphe 7(3) de la Loi sur l'immigration est en ces termes:
Lorsqu'une personne qui est entrée au Canada en qualité de non-immigrant cesse d'être un non-immigrant ou d'appar- tenir à la catégorie particulière dans laquelle elle a été admise à ce titre et, dans l'un ou l'autre cas, demeure au Canada, elle doit immédiatement signaler ces faits au fonc- tionnaire à l'immigration le plus rapproché et se présenter pour examen au lieu et au temps qui lui sont indiqués, et elle est réputée, pour les objets de l'examen et à toutes autres fins de la présente loi, une personne qui cherche à être admise au Canada.
L'alinéa 3c(1)a) des règlements, de son côté, se lit comme suit:
(1) Sous réserve de l'article 3F,
a) nul ne peut entrer au Canada en qualité de non-immi grant pour y exercer un emploi, et
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