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T-2210-76
Le chef William Sunday, Benjamin Roundpoint, James Caldwell, Lawrence Francis, Catherine Day, Cecilia Buckshot, Francis Sam, Gerald Shar- row, Michael Francis, Reginald Mitchell, James Lazore et Michael David (agissant à titre person nel aussi bien qu'au nom des membres des Iro- quois de la bande indienne de St-Régis) et les Iroquois de St -Regis (bande indienne) (Deman- deurs)
c.
L'Administration de la voie maritime du Saint- Laurent, la Reine du chef du Canada, la Commis sion ontarienne de l'énergie hydro-électrique (Hydro -Ontario) et la Reine du chef de l'Ontario (Défenderesses)
et
Le receveur général du Canada (Mis-en-cause)
Division de première instance, le juge Marceau— Toronto, le 15 septembre; Ottawa, le 5 novembre 1976.
Pratique—Requête en vue de radier l'Hydro-Ontario comme partie défenderesse—Compétence de la Cour—Loi sur les Indiens, S.R.C. 1970, c. I-6—Loi sur l'aménagement de l'énergie des rapides internationaux, S.R.C. 1952, c. 157, art. 3 et 4—The St. Lawrence Development Act, 1952 (N° 2), S.O. 1952 (2' Session) c. 3, art. 3, 15(1) et 23—Loi sur la Cour fédérale, art. 17(1) et (2), 19, 22(1), 23 et 25.
L'Hydro-Ontario soutient que la Cour fédérale est incompé- tente pour accueillir la réclamation portée contre elle, s'ap- puyant principalement sur The St. Lawrence Development Act, 1952 (N° 2) (S.O. 1952 (2° Session) c. 3) et sur les articles 3 et 4 de la Loi sur l'aménagement de l'énergie des rapides interna- tionaux. Les demandeurs prétendent qu'aucune de ces lois ne s'applique et que la Cour a compétence en vertu des articles 17, 19, 22(1), 23 et 25 de la Loi sur la Cour fédérale, de la Loi sur les Indiens, des arrêtés en conseil édictés sous son régime et de la Loi des îles Saint-Régis.
Arrêt: la requête est accueillie. L'article 4 de la Loi sur l'aménagement de l'énergie des rapides internationaux s'appli- que en vertu de l'article 3 de cette Loi et les arrêtés en conseil pertinents, même s'ils ont été rendus conformément à l'article 35 de la Loi sur les Indiens, ont été rendus dans le cadre de la première loi citée. Le fait qu'une défenderesse ait été constituée partie avec les autres qui sont de bon droit parties à l'instance, n'a pas pour effet de donner à la Cour compétence à son égard. Il n'existe pas de controverse entre les gouvernements fédéral et provincial de façon à donner compétence à la Cour en vertu de l'article 19 de la Loi sur la Cour fédérale, mais le droit accordé par cet article peut être invoqué seulement au nom de la Couronne fédérale. Les questions en litige soulevées ne traitent pas de questions relatives à la navigation et à la marine
marchande ou aux entreprises interprovinciales de façon à les amener dans le cadre des articles 22(1) et 23 de la Loi sur la Cour fédérale. Enfin, en ce qui concerne l'article 25 de la Loi sur la Cour fédérale, la Cour suprême de l'Ontario a indubita- blement compétence pour donner suite à une action à l'encontre de l'Hydro-Ontario au sujet de terrains entièrement situés dans la province.
Arrêts appliqués: Anglophoto Limited c. Le «Ikaros» [1973] C.F. 483; Quebec North Shore Paper Company c. Canadien Pacifique Limitée (1976) 9 N.R. 471 (C.S.C.) et Union Oil Co. of Canada Ltd. c. La Reine [1976] 1 C.F. 74.
REQUÊTE. AVOCATS:
J. O'Reilly et W. Grodinsky pour les demandeurs.
Paul J. Evraire pour les défenderesses l'Ad- ministration de la voie maritime du Saint- Laurent, la Reine du chef du Canada et le mis-en-cause le receveur général du Canada. R. F. Wilson, c.r., et E. R. Finn pour la défenderesse la Commission ontarienne de l'énergie hydro-électrique.
Julian Polika pour la défenderesse la Reine du chef de l'Ontario.
PROCUREURS:
O'Reilly, Hutchins & Archambault, Mont- réal, pour les demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour les défenderesses l'Administration de la voie maritime du Saint-Laurent, la Reine du chef du Canada et le mis-en-cause le receveur général du Canada.
Day, Wilson, Campbell, Toronto, pour la défenderesse la Commission ontarienne de l'énergie hydro-électrique.
Le sous-procureur général de l'Ontario pour la défenderesse la Reine du chef de l'Ontario.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MARCEAU: Il s'agit d'une requête en vue de radier la Commission ontarienne de l'éner- gie hydro-électrique (Hydro -Ontario) en qualité de partie défenderesse dans l'action au motif que cette Cour n'a pas compétence pour accueillir la demande formulée contre elle aux présentes.
Les demandeurs sont tous des Indiens inscrits au sens de la Loi sur les Indiens, membres des Iro-
quois de la bande indienne de Saint-Régis et mem- bres du conseil de la bande de Saint-Régis. Dans les présentes procédures, ils agissent à titre person nel aussi bien qu'en qualité de représentants, au nom de la bande et de tous ses membres, et leur action est dirigée contre quatre défenderesses: Sa Majesté la Reine du chef du Canada (ci-après appelée la Couronne fédérale), l'Administration de la voie maritime du Saint-Laurent, Sa Majesté la Reine du chef de l'Ontario (ci-après appelée la Couronne de l'Ontario) et Hydro -Ontario.
L'objet de l'action contre les deux dernières défenderesses se résume brièvement comme suit.
Il y a de nombreuses années, dans le but de mettre en oeuvre les travaux d'aménagement de l'énergie électrique dans la section internationale des rapides située près des réserves indiennes de Saint-Régis et de l'île Cornwall, la Couronne de l'Ontario et Hydro -Ontario «se sont appropriées», en vertu de divers arrêtés en conseil, des terrains sur lesquels les demandeurs détenaient des droits personnels et usufructuaires. L'exécution des tra- vaux a endommagé des terrains devant continuer à faire partie des réserves de la bande. Les deman- deurs soutiennent que jusqu'à ce jour on ne leur a versé qu'une partie de l'indemnité et des domma- ges-intérêts qu'ils sont en droit de recevoir pour la perte des terrains expropriés et qu'ils n'ont reçu aucune indemnité pour les dommages causés à leurs réserves par l'exécution des travaux d'aména- gement de l'énergie. Ils soutiennent également que la Couronne de l'Ontario et Hydro -Ontario étaient tenues de rendre à la bande toutes les parties non submergées des terrains qui ont fait l'objet de l'«appropriation» après la construction des ouvra- ges en vue desquels ils étaient nécessaires, obliga tion dont on ne s'est pas encore acquitté. Deux sous-paragraphes de la déclaration exposent le redressement recherché:
[TRADUCTION] f) Que les défenderesses, Sa Majesté la Reine du chef de l'Ontario et la Commission ontarienne de l'énergie hydro-électrique (Hydro -Ontario) soient conjointement et soli- dairement condamnées à payer aux demandeurs ou aux mis-en- cause au nom de la bande demanderesse, la somme de $1,000,- 000 avec intérêt prévu par la loi calculé aux dates respectives d'expropriation;
g) Que les défenderesses, Sa Majesté la Reine du chef de l'Ontario et la Commission ontarienne de l'énergie hydro-élec- trique (Hydro -Ontario) soient requises de céder aux deman-
deurs les Iroquois de la bande indienne de Saint-Régis ou à leur profit toutes les parties non submergées des îles mentionnées à l'alinéa 17 de la déclaration.
L'Hydro-Ontario soutient que la présente Cour est incompétente pour accueillir la réclamation portée contre elle. Elle s'appuie principalement sur The St. Lawrence Development Act, 1952 (N°2), S.O. 1952 (2 e Session), c. 3 et ses modifications sur l'autorité desquels les terrains en question lui ont été dévolus et les travaux mentionnés ont été exécutés. En effet, cette Loi prévoit:
[TRADUCTION] 3. Lors du transfert de l'administration des terrains appartenant au Canada comme il est prévu à l'article V de l'accord entre le. Canada et l'Ontario, ces terrains sont dévolus à la Commission.
15. (1) En cas de conflit entre la Commission et le proprié- taire sur le montant de l'indemnité, l'une des parties peut notifier par écrit , l'autre partie ainsi que le Conseil pour exiger que ce dernier fixe le montant de l'indemnité, après quoi le Conseil doit être saisi de l'affaire, laquelle doit être examinée conformément à la pratique et aux procédures du Conseil.
23. Toute réclamation et poursuite se rapportant à une indemnité à des dommages et intérêts à l'égard des proprié- tés ou des terrains acquis, appropriés ou utilisés ou qui ont subi des préjudices lors de l'exécution des objets de la présente loi doivent se faire ou être intentées en vertu et conformément à la présente loi et non autrement, et le paragraphe 8 de l'article 24 de The Power Commission Act s'applique mutatis mutandis à chaque acte et procédure de la Commission en application de la présente loi.
Les demandeurs soutiennent que The St. Law- rence Development Act ne s'applique pas. Ils pré- tendent que leurs réclamations portent principale- ment sur les conditions non satisfaites concernant les transferts de terrains appartenant au fédéral, sur l'indemnité à verser pour la prise de possession de terrains appartenant à des réserves du fédéral et, de façon générale, sur les atteintes portées à leurs droits sur les terrains situés sur leurs réser- ves. Selon eux, leurs réclamations découlent de la Loi sur les Indiens (S.R.C. 1970, c. I-6) et de la Loi des îles Saint-Régis (17 Geo V c. 37), la dernière loi citée ayant eu pour effet de mettre quelques-unes des îles en question sous l'autorité du Surintendant général des Affaires indiennes.
Un rapide examen de la législation se rapportant aux terrains en litige permettra de comprendre les prétentions des demandeurs.
La loi autorisant la construction des ouvrages susmentionnés destinés à la production d'énergie électrique était la Loi sur l'aménagement de l'énergie des rapides internationaux (S.R.C. 1952, c. 157), laquelle confirmait un accord conclu l'an- née précédente entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de l'Ontario prévoyant la mise en valeur des ressources énergétiques de la section internationale des rapides du fleuve St-Laurent. Les articles 3 et 4 de cette Loi disposent:
3. Le gouverneur en conseil peut transférer au gouvernement d'Ontario l'administration de tels terrains ou biens appartenant au Canada qui, suivant l'opinion du gouverneur en conseil, sont nécessaires pour la construction, la mise en service ou l'entre- tien des ouvrages à établir selon l'accord reproduit dans l'annexe.
4. Aux fins de la construction, de la mise en service et de l'entretien des ouvrages à entreprendre en vertu de l'accord reproduit dans l'annexe,
a) la Commission ontarienne de l'énergie hydro-électrique (The Hydro-Electric Power Commission of Ontario) a les pouvoirs et la capacité d'une personne physique comme si ladite Commission était constituée en corporation par lettres patentes sous le grand sceau, pour cet objet; et
6) les dispositions de la Loi sur la Commission de l'énergie (Power Commission Act) de la province d'Ontario qui por tent sur l'expropriation ou la prise de possession de terrains ou biens s'appliquent, mutatis mutandis, à l'expropriation ou àla prise de possession de terrains ou biens pour les ouvrages, et elles ont leur effet comme si elles étaient édictées à leur égard dans la présente loi.
Pour sa part, la province de l'Ontario a d'abord promulgué The International Rapids Power De velopment Agreement Act, 1952 (S.O. 1952, c. 42) en vue de donner effet audit accord, et elle a ensuite édicté une seconde loi, The St. Lawrence Development Act, mentionnée plus haut, laquelle prévoit essentiellement que l'Hydro-Ontario doit assumer et remplir les obligations du gouverne- ment de l'Ontario aux termes de l'accord entre le Canada et l'Ontario et commencer la construction, la mise en service et l'entretien des ouvrages prévus.
Par arrêtés en conseil édictés en 1955 et 1956 (pièce P-2) les terres nécessaires aux ouvrages prévus et qui font l'objet de la présente action ont été transférées à la province de l'Ontario. Les arrêtés en conseil ayant tous été rédigés de la même manière, il suffira d'en citer un seul:
[TRADUCTION] ATTENDU QUE Sa Majesté du chef de la province de l'Ontario a le pouvoir de prendre ou d'utiliser des terres ou tous droits y afférents sans le consentement du
propriétaire et attendu que Sa Majesté du chef de ladite province a demandé d'exercer ce poLvoir relativement aux terres faisant partie de la réserve indienne de Saint-Régis connue sous le nom de Sheek Island;
ET ATTENDU QUE Sa Majesté du chef de ladite province donne avis qu'il est nécessaire de prendre possession ou d'ac- quérir lesdites terres en vue des travaux d'aménagement de l'énergie des rapides internationaux du fleuve St-Laurent;
ET ATTENDU QUE l'article 35 de la Loi sur les Indiens prévoit qu'une autorité expropriante peut prendre des terres situées dans une réserve indienne avec le consentement du gouverneur en conseil et ce dernier, lorsqu'il a accordé son consentement, peut permettre le transfert ou l'octroi de ces terres à l'autorité expropriante, sous réserve des conditions qu'il peut fixer.
EN CONSÉQUENCE, Son Excellence le gouverneur général en conseil, après recommandation du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et conformément à l'article 35 de la Loi sur les Indiens, a, par les présentes, le plaisir de consentir à ce que Sa Majesté du chef de la province de l'Ontario prenne les terres décrites à l'annexe, et a le plaisir de transférer par les présentes les terres à Sa Majesté du chef de ladite province, sous réserve du paiement dans un délai de quatre-vingt dix jours de la date des présentes, à titre d'indemnisation intégrale, de la somme dont conviendront la bande d'Indiens en cause, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et Sa Majesté du chef de ladite province, ladite somme excluant toute réclamation relative aux charges grevant les terres telles des baux, mais comprenant toutes charges à l'égard desquelles les Indiens ont un droit personnel et sous réserve des autres conditions dont peuvent convenir les personnes susmentionnées.
En premier lieu, les demandeurs soutiennent que les dispositions de l'article 4 de la Loi sur l'aména- gement de l'énergie des rapides internationaux, ne s'appliquent pas puisqu'elles ne visent que l'expro- priation ou la prise de possession de terres, les arrêtés en conseil n'ayant pas eu de telles consé- quences; les dispositions de la loi provinciale The St. Lawrence Development Act, 1952, ne s'appli- quent pas non plus puisque les terres n'ont pas été acquises selon la procédure prévue par cette Loi; il s'ensuit que la question de compétence doit être décidée en se reportant seulement à la Loi sur les Indiens, aux arrêtés en conseil édictés sous son régime et à la Loi des îles Saint-Régis. Les demandeurs soutiennent alors que la présente Cour a compétence en vertu de différents articles et paragraphes de la Loi sur la Cour fédérale, c'est-à-dire les paragraphes 17(1) et 17(2), l'arti- cle 19, le paragraphe 22(1) et les articles 23 et 25.
Je ne suis pas d'accord avec la prétention soute- nant que les dispositions de l'alinéa 4b) de la Loi sur l'aménagement de l'énergie des rapides inter- nationaux ne s'appliquent pas. A mon avis, l'ex-
pression «prise de possession des terrains» utilisée à cet alinéa par le Parlement entendait englober les «transferts de terrains» éventuels par le gouverneur en conseil prévus à l'article précédent. Les arrêtés en conseil ont été rendus, comme ils devaient l'être, conformément à l'article 35 de la Loi sur les Indiens; il reste cependant que ces arrêtés ont été rendus dans le cadre de la Loi sur l'aménagement de l'énergie des rapides internationaux et en vue de lui donner effet. Il faut se souvenir que le redressement recherché par la présente action n'est pas l'annulation des arrêtés en conseil mais plutôt, dans un sens tout au moins, leur exécution.
Même si je devais accepter la prétention selon laquelle les dispositions de l'alinéa 4b) de la Loi sur l'aménagement de l'énergie des rapides inter- nationaux ainsi que celle de l'article 3 de The St. Lawrence Development Act, 1952 ne s'appliquent pas, il m'est difficile de voir comment les articles de la Loi sur la Cour fédérale sur lesquels se fondent les demandeurs s'appliquent à l'action dans sa présente formulation.
Quant à l'article 17 de la Loi sur la Cour fédérale, l'avocat des demandeurs soutient qu'en autant que la Couronne fédérale est une défende- resse, cela suffit pour donner compétence à la Cour, quelles que soient l'identité ou la qualité des autres défenderesses. A mon sens, cette prétention est erronée. Le fait qu'une défenderesse ait été constituée partie avec les autres défenderesses qui sont de bon droit parties à l'instance, n'a pas pour effet de donner à la Cour compétence à son égard. Je souscris aux commentaires du juge Collier dans l'arrêt Anglophoto Limited c. Le «Ikaros» ([1973] C.F. 483), auxquels le juge Heald s'est reporté en les approuvant dans l'affaire Desbiens c. La Reine ([1974] 2 C.F. 20) [voir page 498]:
Il me semble qu'un critère valable pour trancher une ques tion de compétence consiste à examiner si la Cour serait compétente si l'action était intentée contre un seul des défen- deurs au lieu d'être greffée à une action contre d'autres défen- deurs qui sont à bon droit soumis à la compétence de la Cour.'
Il se peut donc que pour obtenir plein redresse- ment, les demandeurs doivent intenter une action devant cette Cour aussi bien que devant la cour provinciale compétente. Néanmoins, il est à présu-
Le jugement précité du juge Collier fut infirmé mais la décision en appel ne touche en aucune façon la partie du jugement citée.
mer que le Parlement était conscient des difficultés du problème et que la situation doit être acceptée comme telle. (Voir également: Sumitomo Shoji Canada Ltd. c. Le «Juzan Maru» [1974] 2 C.F. 488.)
En ce qui concerne l'article 19 de la Loi sur la Cour fédérale, l'avocat des demandeurs soutient que les questions en litige soulèvent des points de controverse entre le Canada et l'Ontario, ayant à l'esprit la disposition particulière de l'accord de 1951 entre le Canada et l'Ontario par laquelle l'Ontario promet de garantir le Canada contre toutes réclamations «résultant de quelque façon de la construction, de l'entretien ou de la mise en service des ouvrages». Il n'existe pas actuellement une telle controverse entre les deux gouvernements et le simple fait qu'il puisse un jour y en avoir un ne suffit pas à donner compétence à la Cour. La présente action n'a pas pour effet de soulever une telle controverse et de toute façon, les demandeurs, étant des tierces parties, n'auraient pas qualité pour la soulever eux-mêmes. La disposition citée peut donner un droit à la Couronne fédérale, mais c'est un droit qui peut seulement être invoqué au nom de la Couronne fédérale, les demandeurs ne pouvant s'en prévaloir.
En ce qui concerne les dispositions des articles 22(1) et 23 de la Loi sur la Cour fédérale, l'avocat des demandeurs prétend que les présentes ques tions en litige traitent de questions en matière de «navigation ou de marine marchande» intéressant la Loi sur l'aménagement de l'énergie des rapides internationaux, et que ces questions mettent en cause en même temps des ouvrages et entreprises reliant une province à une autre, la voie maritime du St-Laurent étant une voie navigable entre le lac Érié et le Port de Montréal. Mais, à mon avis, l'action recherche essentiellement à obtenir une indemnisation pour la prise de possession de terres situées entièrement dans la province de l'Ontario ainsi que pour les dommages causés à ces terres. Il s'agit à la fois d'une action in tort et en exécution d'une promesse. Il m'est difficile de voir comment ces questions peuvent rentrer dans le domaine «de la navigation et de la marine marchande» ou dans le domaine des «entreprises et ouvrages interpro- vinciaux". (Voir: Quebec North Shore Paper Company c. Canadien Pacifique Limitée (1976) 9 N.R. 471 (C.S.C.).)
En dernier lieu, en ce qui concerne les disposi tions de l'article 25 de la Loi sur la Cour fédérale, l'avocat des demandeurs avance que la Cour suprême de l'Ontario n'est pas compétente pour trancher les questions relatives aux terrains situés sur les réserves indiennes. Je le répète, il faut s'en tenir à la formulation actuelle de l'action et je crois que la Cour suprême de l'Ontario a indubita- blement compétence pour donner suite à une action à l'encontre de l'Hydro-Ontario, laquelle est en partie une action in tort et en partie une action en exécution d'une promesse, le redressement recherché étant une indemnité pour la prise de possession de terrains entièrement situés dans la province et pour les dommages causés à ces terrains.
Il est clair que la compétence de la présente Cour est établie par la loi et sa compétence à l'égard d'une action particulière doit découler de la Loi sur la Cour fédérale ou d'une autre loi habili- tante. Je ne pense pas qu'aucune des dispositions auxquelles on m'a renvoyé ni aucune autre dont j'aie connaissance autorise cette Cour à accueillir ou à entendre la demande dont fait état l'action intentée contre Hydro -Ontario. (Voir aussi: Union Oil Co. of Canada Ltd. c. La Reine [1976] 1 C.F. 74.)
La requête est donc accueillie. Une ordonnance sera prononcée radiant Hydro -Ontario à titre de défenderesse dans la présente affaire. Les deman- deurs sont tenus de verser à Hydro -Ontario les dépens afférents au dépôt d'un acte de comparu- tion conditionnelle et à la présente requête.
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