Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

A-80-77
S.E.A.P. (Save the Environment from Atomic Pol lution) (Requérante)
c.
La Commission de contrôle de l'énergie atomique et Eldorado Nucléaire Limitée (Intimées)
Cour d'appel, le juge Urie, les juges suppléants MacKay et Kerr—Toronto, les 15 et 18 mars 1977.
Examen judiciaire Demande d'annulation d'une décision de la Commission de contrôle de l'énergie atomique d'accorder un permis à Eldorado Nucléaire Limitée pour utiliser le dépôt de Port Granby aux fins d'entreposage de substances radioac- tives La décision de la Commission est-elle de nature administrative ou judiciaire? Fonctions de la Commission Demande rejetée car la décision de la Commission est strictement administrative Loi sur le contrôle de l'énergie atomique, S.R.C. 1970, c. A-19, art. 3(1), 7, 8 et 9 Loi sur la Cour fédérale, art. 28.
EXAMEN judiciaire. AVOCATS:
D. Estrin pour la requérante.
W. I. C. Binnie et G. R. Strathy pour l'inti- mée la Commission de contrôle de l'énergie atomique.
P. Y. Atkinson pour l'intimée Eldorado Nucléaire Limitée.
PROCUREURS:
D. Estrin, Toronto, pour la requérante. McTaggart, Potts, Stone & Herridge, Toronto, pour l'intimée la Commission de contrôle de l'énergie atomique.
Aird, Zimmerman & Berlis, Toronto, pour l'intimée Eldorado Nucléaire Limitée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement de la Cour prononcés à l'audience par
LE JUGE SUPPLÉANT KERR: Par avis introductif d'instance daté du 9 février 1977, S.E.A.P. demande, en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, l'examen et l'annulation d'une déci- sion en date du 31 janvier 1977 rendue par l'inti- mée, la Commission de contrôle de l'énergie atomi- que (ci-après nommée «la Commission»), qui accordait un permis à l'autre intimée, Eldorado Nucléaire Limitée (ci-après nommée «Eldorado»),
pour continuer d'utiliser le dépôt de Port Granby aux fins d'entreposage de substances radioactives prescrites, sous réserve de certaines modalités sti- pulées au permis. Ce dernier devait expirer le 31 juillet 1977, sauf modifications.
Eldorado a déposé une requête visant à mettre fin à la demande de S.E.A.P. formulée en vertu de l'article 28. L'avocat de S.E.A.P. a demandé que l'audition de cette requête soit retardée jusqu'à l'audition au fond de sa demande formulée en vertu de l'article 28. Ayant de sérieux doutes quant à la compétence de cette cour pour entendre la demande fondée sur l'article 28, nous avons décidé d'entendre d'abord la requête d'Eldorado visant à y mettre fin.
Nous avons entendu les arguments de l'avocat d'Eldorado et ceux de l'avocat de la Commission, le mardi 15 mars 1977, et nous avons ajourné l'audience à ce matin pour entendre la réplique de l'avocat de S.E.A.P. Ce matin, à la reprise de l'audience, l'avocat de S.E.A.P. a choisi de ne pas présenter d'arguments en réplique sur la question de la compétence de la Cour quant à la demande formulée en vertu de l'article 28. Il a toutefois réitéré que la requête en annulation ne devait pas être jugée avant que la demande soit examinée au fond.
L'avocat d'Eldorado et celui de la Commission ont principalement invoqué, au soutien de la requête d'Eldorado,
a) que la décision de la Commission est une décision «de nature administrative qui n'est pas légalement soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire»;
b) que la Commission est un «mandataire de la Couronne» et non pas «un office, une commis sion ou un autre tribunal fédéral» au sens l'on emploie ces mots à l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, et que la Couronne n'est pas mentionnée à cet article; et
c) que S.E.A.P. n'a pas qualité pour présenter une demande en vertu de l'article 28.
Il est clair que si la décision de la Commission est «une décision ou ordonnance de nature admi nistrative qui n'est pas légalement soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire», au sens de l'article 28, cette cour n'a pas compétence pour
accorder le redressement demandé par S.E.A.P., et la requête en annulation devrait être accordée.
Afin de déterminer si cette décision de la Com mission est ou n'est pas légalement soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire, il est nécessaire de s'en remettre en particulier à la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique', qui crée la Commission, mais pas nécessairement à ce seul texte, pour voir quelles sont les fonctions de la Commission et comment elles doivent être exercées.
Le préambule de la Loi se lit comme suit:
CONSIDÉRANT qu'il est essentiel, dans l'intérêt national, de pourvoir au contrôle et à la surveillance du développement, de l'emploi et de l'usage de l'énergie atomique, et de permettre au Canada de participer d'une manière efficace aux mesures de contrôle international de l'énergie atomique dont il peut être convenu désormais.....
Certaines autres dispositions de cette loi, dont les suivantes, sont également pertinentes:
L'article 3(1) prévoit que les pouvoirs de la Commission ne peuvent être exercés qu'en qua- lité de mandataire de Sa Majesté.
L'article 7 prévoit que la Commission doit observer toutes instructions générales ou spécia- les données par le Ministre en ce qui regarde la réalisation des fonctions de la Commission.
L'article 8 prévoit que la Commission peut édic- ter des règles pour la conduite de ses délibéra- tions et l'exécution de ses fonctions; et, en vertu de l'alinéa d) de cet article, elle peut, avec l'approbation du Ministre, disséminer des ren- seignements sur l'énergie atomique ou pourvoir à la dissémination de renseignements s'y rappor- tant, dans la mesure et de la manière que la Commission peut juger d'intérêt public.
L'article 9 donne à la Commission le pouvoir d'établir, avec l'assentiment du gouverneur en conseil, certains règlements; et, en vertu de ce pouvoir, la Commission a établi le Règlement sur le contrôle de l'énergie atomique. Les arti cles 7 et 9 du Règlement prévoient la délivrance d'un permis, sur réception d'une demande écrite de la personne qui veut en devenir titulaire; cette demande doit contenir les renseignements que la Commission peut exiger, y compris les rensei- gnements nécessaires à l'examen de la demande,
S.R.C. 1970, c. A-19.
et tout permis délivré par la Commission peut stipuler les conditions qu'elle estime nécessaires dans l'intérêt de l'hygiène, de la sûreté et de la sécurité. L'article 27 du Règlement prévoit des procédures à suivre en cas de révocation, de suspension ou de modification d'un permis, y compris un avis écrit à donner au titulaire et l'information par écrit des motifs de la révoca- tion, etc., de même qu'une occasion raisonnable d'être entendu par la Commission après avoir reçu lesdits renseignements.
Il ne semble pas y avoir de dispositions similai- res ou autres dans la Loi ni dans le Règlement qui obligeraient la Commission, sur demande d'un permis, à siéger publiquement, à tenir une audience, à donner avis de la demande, ou à suivre; ou adopter des procédures analogues à celle d'une cour de justice.
Nous en arrivons à la conclusion que la décision de la Commission dont S.E.A.P. demande l'annu- lation est une décision de nature administrative qui n'est pas légalement soumise à un processus judi- ciaire ou quasi judiciaire et, par conséquent, que cette cour n'a pas compétence pour accorder le redressement demandé par S.E.A.P. dans sa demande fondée sur l'article 28. La requête d'El- dorado visant à mettre fin à cette demande doit être accueillie.
Compte tenu de notre conclusion, il n'est pas nécessaire, pour régler le présent cas, de se pronon- cer sur la prétention d'Eldorado suivant laquelle, la Commission étant un mandataire de la Cou- ronne et cette dernière n'étant pas mentionnée à l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, la Commission n'est pas «un office, une commission ou un autre tribunal» au sens de cet article. Toute- fois, il nous semble que cette prétention est sans fondement.
De plus, il n'est pas évident pour nous, sur la foi des preuves soumises, que S.E.A.P. a le droit de présenter une demande en vertu de l'article 28, mais compte tenu de notre décision, il n'est pas nécessaire d'explorer plus longuement cette question.
La demande formulée en vertu de l'article 28 est annulée.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.