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A-483-76
Le procureur général du Canada (Requérant)
c.
Jean-Charles Blanchet (Intimé)
Cour d'appel, les juges Pratte et Le Dain et le juge suppléant Hyde—Québec, le 8 février 1977.
Assurance-chômage Chômage en raison de blessures Régime collectif d'assurance-maladie ou d'assurance-salaire Résiliation lorsque l'employé quitte le service de l'em- ployeur Deux employeurs étaient désignés dans la police La police était-elle transférable? Loi de 1971 sur l'assu- rance-chômage, S.C. 1970-71-72, c. 48, art. 25a) Règle- ments sur l'assurance-chômage, art. 172(2), 172(3.1), 172(3.2) et 172(3.3).
Pour déterminer les prestations d'assurance-chômage d'un requérant, il faut tenir compte des indemnités versées par un régime d'assurance collectif, à moins que le régime puisse satisfaire aux conditions prévues pour être considéré comme n'étant pas «collectif». L'une de ces conditions est que le régime soit complètement transférable. L'intimé a reçu une indemnité en vertu d'une police d'assurance-salaire collective émise en faveur des employés de deux employeurs—l'employeur de l'in- timé et un autre. La police contenait la clause qu'elle se terminerait automatiquement lorsque l'employé quitterait le service de l'employeur. Un juge-arbitre a considéré qu'il s'agis- sait d'un régime d'assurance complètement transférable, malgré cette clause de résiliation parce que l'employé pouvait passer au service de l'autre employeur sans perdre l'indemnité à laquelle il avait droit en vertu du régime. Le requérant a interjeté appel de la décision du juge-arbitre.
Arrêt: l'appel est accueilli. Un régime d'assurance n'est transférable, au sens des Règlements, qu'à la condition que les droits et obligations de l'employé en vertu du régime demeurent équivalents si l'employé passe au service de n'importe quel autre employeur. En l'espèce, le régime d'assurance ne satisfait pas à cette exigence et, en conséquence, le juge-arbitre a eu tort de décider qu'il était complètement transférable.
APPEL. AVOCATS:
Jean-Marc Aubry pour le requérant. Jean-Charles Blanchet pour lui-même.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le requérant.
Jean-Charles Blanchet, Dégelis (Québec), pour lui-même.
Voici les motifs du jugement prononcés à l'au- dience en français par
LE JUGE PRATTE: Le requérant demande l'an- nulation de la décision d'un juge-arbitre qui, agis- sant en vertu de la Partie V de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, a accueilli l'appel de l'in- timé et décidé qu'il fallait, pour déterminer le montant des prestations d'assurance-chômage aux- quelles l'intimé avait droit, tenir compte des indemnités qu'il avait reçues durant son chômage en vertu d'un certain contrat d'assurance-salaire.
Suivant les articles 25a) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage et 172(2) des Règlements, on doit, pour déterminer le montant des presta- tions payables à celui qui est incapable de travail- ler pour cause de blessure ou de maladie, tenir compte des «indemnités de maladie ou d'invalidité qu'un prestataire a reçues ou a le droit de recevoir ... en vertu d'un régime collectif d'assurance- salaire». L'article 172(3.1) des Règlements précise à quelles conditions doit satisfaire un régime d'as- surance pour être considéré comme n'étant pas «collectif». L'une de ces conditions est que le régime d'assurance-salaire en question soit com- plètement «transférable», expression que l'article 172(3.2) définit ainsi:
172. (3.2) Aux fins du paragraphe (3.1), la mention ,,trans- férable» appliquée à tout régime qui y est visé, signifie que les indemnités auxquelles a droit un employé couvert par ce régime et le taux de la cotisation qu'il doit payer lorsqu'il travaille pour un employeur demeureront équivalents si l'employé passe au service d'un autre employeur.
Il est constant que l'intimé a été en chômage parce qu'il était «incapable de travailler par suite de ... blessure» et que, pendant ce temps, il a reçu des indemnités hebdomadaires en vertu d'une police d'assurance-salaire émise par «Les Pré- voyants du Canada». Il serait constant, aussi, que cette police d'assurance constitue un «régime non collectif d'assurance-salaire» au sens de l'article 172(3.1) des Règlements si on concluait, comme l'a fait le juge-arbitre, que ce régime était «com- plètement transférable» au sens des articles 172(3.2) et 172(3.3). Le seul problème que soulève cette affaire est donc celui de savoir si le juge-arbi- tre a eu raison de décider que les indemnités hebdomadaires d'assurance qu'a reçues l'intimé pendant qu'il était en chômage lui ont été payées en vertu d'un régime d'assurance «complètement transférable».
La police d'assurance-salaire dont il s'agit était une police d'assurance-salaire collective (au sens courant du terme) émise en faveur des employés de deux employeurs distincts, TEMIS ÉLECTRIQUE LTÉE, pour qui travaillait l'intimé, et YVON PELLE- TIER MEUBLES. Ces deux employeurs étaient dési- gnés dans la police sous le nom «l'Employeur». La police contenait la clause suivante:
L'assurance d'un employé et de ses personnes à charge se termine automatiquement à la première des dates suivantes:
1. la date à laquelle l'employé quitte le service de l'Employeur ... .
Si, malgré cette clause, le juge-arbitre a considéré qu'il s'agissait d'un régime d'assurance complète- ment transférable, c'est parce que l'expression «l'Employeur», dans la police, désignait en fait deux employeurs. Un employé assuré pouvait donc, sans que l'assurance se termine, passer du service de l'un de ces employeurs au service de l'autre. Cela était suffisant, suivant le juge-arbitre, pour rendre le régime d'assurance «complètement transférable».
La décision du juge-arbitre, à mon avis, est inconciliable avec l'article 172(3.2) des Règle- ments si on l'interprète en tenant compte de son texte anglais qui se lit comme suit:
172. (3.2) For the purposes of subsection (3.1) "portable", in respect of any plan referred to therein, means that benefits to which an employee covered thereby is entitled and the rate of premium he is required to pay while employed by an employer will remain equivalent if he becomes employed by any other employer.
Les mots «un autre employeur», à la fin du texte français de l'article 172(3.2), sont traduits dans le texte anglais par les mots «any other employer» plutôt que par les mots «another employer». Cela étant, il est manifeste qu'un régime d'assurance n'est transférable, au sens de cette disposition, qu'à la condition que les droits et obligations de l'em- ployé en vertu du régime demeurent équivalents si l'employé passe au service de n'importe quel autre employeur. En l'espèce, le régime d'assurance ne satisfait pas à cette exigence et, en conséquence, le juge-arbitre a eu tort de décider qu'il était complè- tement transférable.
Pour ces motifs, je casserais la décision du juge- arbitre et lui retournerais l'affaire pour qu'il la décide en prenant pour acquis que le régime d'as-
surance en vertu duquel l'intimé a reçu des indem- nités n'était pas un régime transférable au sens de l'article 172(3.2) des Règlements.
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LE JUGE LE DAIN y a souscrit.
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LE JUGE SUPPLÉANT HYDE y a souscrit.
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