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T-258-75
Benson Bros. Shipbuilding Co. (1960) Ltd. (Demanderesse)
c.
Le navire Miss Donna et Babcock Fisheries Ltd. (Défendeurs)
et
La Banque Mercantile du Canada (Intervenante)
T-753-75
Benson Bros. Shipbuilding Co. (1960) Ltd. (Demanderesse)
c.
Le navire Miss Delphine et Babcock Fisheries Ltd. (Défendeurs)
et
La Banque Mercantile du Canada (Intervenante)
Division de première instance, le juge Addy— Vancouver, les 4 et 7 mars; Ottawa, le 10 juin 1977.
Droit maritime Action en réclamation de sommes dues pour réparations aux navires Saisie de navires Défen- deur déclaré en faillite Pas d'autorisation du tribunal de faillite pour poursuivre les actions La saisie crée-t-elle un privilège légal et supplante-t-elle la suspension d'instance? Loi sur la faillite, S.R.C. 1970, c. B-3, art. 2, 49(1), (2) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 22(2)g).
La demanderesse, qui a fait des réparations, sans en avoir reçu le paiement, aux deux navires appartenant à la défende- resse et hypothéqués au profit de l'intervenante, a engagé une action en recouvrement de créance et fait saisir les deux navires. La défenderesse a été, par la suite, déclarée en faillite. L'intervenante et le gestionnaire-liquidateur ont obtenu mainle- vée de la saisie des navires et exercé le pouvoir de vendre, réalisant beaucoup moins que les créances hypothécaires en souffrance. Comme la demanderesse n'a pas obtenu autorisa- tion du tribunal de faillite pour poursuivre les présentes actions, la prohibition absolue de l'article 49(1) de la Loi sur la faillite opère suspension d'instance à compter de la date effective de la faillite, à moins que la demanderesse ne soit un créancier garanti. La demanderesse soutient qu'en raison de la saisie des navires, elle a acquis, dans chaque cas, à compter du moment on y a procédé, un privilège légal grevant chacun d'eux.
Arrêt: les poursuites sont rejetées. Celui qui répare un navire, dès qu'il en remet la possession, abandonnant ainsi tout privi- lège attaché à ladite possession, se trouve dans la même situa tion qu'un créancier chirographaire puisqu'il n'a aucun privi- lège maritime. Lorsqu'il cherche à recouvrer les sommes qui lui sont dues en engageant une action in rem et qu'il saisit-le- navire, il ne se place pas dans une catégorie différente ni
n'acquiert de privilège légal au sens de la Loi sur la faillite. Puisqu'une action in rem n'est qu'un mécanisme de procédure, la saisie d'un navire après qu'une action a été engagée n'est aussi qu'un acte de procédure: elle ne fait que prévoir un recours et ne crée pas de droit spécial pour la demanderesse. Celle-ci, en conséquence, n'est pas devenue, en raison de la saisie des navires, un créancier garanti.
Arrêt suivi: The Henrich Bjorn (1886) 11 App. Cas. 270; arrêt suivi: The Two Ellens (1872) L.R. 4 P.C. 161; arrêt suivi: The Alexander Larsen (1841) 1 W. Rob. 288; arrêt suivi: Coastal Equipment Agencies Ltd. c. Le «Comer» [1970] R.C.E. 12; arrêt suivi: L'Atlantic Salvage & Dredging Ltd. c. Le Calgary Catalina [1970] R.C.E. 1007. Arrêt mentionné: The Zafiro. John Caribom & Co., Ltd. c. Owners of S.S. Zafiro [1959] 2 All E.R. 537.
ACTION. AVOCATS:
M. Bray pour la demanderesse.
R. A. Easton pour les défendeurs et
l'intervenante.
PROCUREURS:
McMaster, Bray, Cameron & Jasich, Van- couver, pour la demanderesse.
Russell & DuMoulin, Vancouver, pour les défendeurs et l'intervenante.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE ADDY: Ces deux affaires ont été enten- dues ensemble. La compagnie défenderesse, Bab- cock Fisheries Ltd., était propriétaire des navires impliqués dans chaque action.
Les deux navires avaient été hypothéqués au profit de l'intervenante, La Banque Mercantile du Canada, dans chaque cas, par les deux mêmes obligations hypothécaires, l'une en date du 26 mars 1974 et l'autre du 24 septembre 1974. Ces hypothèques, totalisant plusieurs millions de dol lars, n'ont pas été à l'époque enregistrées confor- mément à la Loi sur la marine marchande du Canada' mais ont été déposées près le registraire des compagnies, à Victoria (Colombie-Britanni- que), conformément à la Companies Act 2 de la Colombie-Britannique.
S.R.C. 1970, c. S-9.
2 S.C.-B. 1973, 21-22 Elizabeth II, c. C-18.
La demanderesse a fait des réparations aux deux navires: dans le cas du Miss Donna, au cours du mois de juin 1974, pour une somme de $6,556.80 et, dans le cas du Miss Delphine, en juillet 1974, pour une somme de $2,496.24. Les réparations terminées, la demanderesse a remis les navires à la compagnie défenderesse sans avoir reçu le paie- ment de ces réparations.
Par suite , du défaut de payer les obligations hypothécaires, conformément aux pouvoirs y prévus, l'intervenante nomma un gestionnaire- liquidateur de l'entreprise de la compagnie défen- deresse. Il prit possession des navires vers la fin de décembre 1974 en attendant qu'ils soient vendus.
Afin d'obtenir paiement des factures de répara- tions, la demanderesse engagea une action devant cette cour le 29 janvier 1975, dans le cas du Miss Donna, et fit saisir le navire le même jour. Elle procéda de même à l'encontre du Miss Delphine les 5 et 6 mars 1975.
Avant que les deux actions ne soient engagées; plus précisément le 30 janvier 1975, conformément à un accord concernant l'octroi de garanties sup- plémentaires, prévu par les obligations hypothécai- res, la compagnie défenderesse a consenti des hypothèques supplémentaires. Elles sont conformes à la Loi sur la marine marchande du Canada. Elles furent dûment enregistrées contre les deux navires conformément à cette loi. Les obligations garanties et les biens hypothéqués étaient bien sûr les mêmes que ceux visés par les deux obligations hypothécaires.
En vertu d'une ordonnance de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, le 13 février 1975, le gestionnaire-liquidateur fut relevé de ses fonctions afin de lui permettre d'apporter une attention spé- ciale aux intérêts de l'intervenante, conformément à l'article 113 de la Companies Act de la Colombie-Britannique.
Le 6 mai 1975, un autre créancier présenta une requête en faillite contre la compagnie défende- resse; dix jours plus tard elle était dûment déclarée en faillite et un syndic était nommé. La compagnie défenderesse est encore un failli non libéré et les présentes procédures ont été poursuivies contre le syndic de la faillite.
Afin d'obtenir mainlevée de la saisie des deux navires, l'intervenante et son gestionnaire-liquida- teur, le 13 juin 1975, ont consigné à la Cour, conformément à la Règle 1006(2)a), la somme de $14,000 pour le Miss Donna et de $5,000 pour le Miss Delphine•, mainlevée a alors été accordée pour les deux navires.
Subséquemment, ceux-ci furent vendus par l'in- tervenante, conformément à son pouvoir de vendre stipulé dans les obligations hypothécaires, le Miss Donna, pour la somme de $126,000, le 18 juin 1975 et le Miss Delphine, pour la somme de $82,000, le 9 juillet 1975.
Les sommes en souffrance en vertu des hypothè- ques dépassent largement le produit de la vente des navires et des autres biens servant à garantir les obligations hypothécaires.
Plusieurs questions ont été soulevées à l'au- dience concernant la nature, la validité, l'effet, et le rang des obligations hypothécaires quant à leur effet sur les réclamations de la demanderesse. Toutefois, le point le plus central ou fondamental était de savoir si la demanderesse pouvait poursui- vre ces actions après le 6 mai 1975 en dépit de la faillite de la compagnie défenderesse et malgré l'application de l'article 49(1) de la Loi sur la faillite'.
On n'a pas obtenu l'autorisation du tribunal de faillite pour poursuivre les présentes actions et, en conséquence, la prohibition absolue de l'article 49(1) opérerait suspension d'instance à compter de la date effective de la faillite, à moins que la demanderesse ne soit un créancier garanti et qu'il lui soit ainsi permis de réaliser sa garantie en vertu de l'article 49(2) indépendamment de l'existence de la faillite.
Voici l'extrait pertinent de l'article 49(2):
... un créancier garanti peut réaliser sa garantie ou autrement en disposer de la même manière qu'il aurait eu droit de la réaliser ou d'en disposer si le présent article n'eût pas été adopté, à moins que le tribunal n'en ordonne autrement ....
«Le tribunal», bien sûr, désigne le tribunal compé- tent en matière de faillite, l'un de ses juges ou, en certaines matières, son registraire.
3 S.R.C. 1970, c. B-3.
Voici un extrait de la définition de l'expression «créancier garanti» donnée à l'article 2 de la Loi sur la faillite:
... une personne détenant un mortgage, une hypothèque, un nantissement, une charge, un gage ou un privilège sur ou contre les biens du débiteur ou sur une partie de ses biens, à titre de garantie d'une dette échue ou à échoir ... .
La demanderesse soutient qu'en raison de la saisie du navire, elle a acquis dans chaque cas, à compter du moment on y a procédé, un privi- lège légal le grevant et qu'elle est devenue un créancier garanti au sens de la définition de l'arti- cle 2 de la Loi sur la faillite, que je viens de citer, et qu'elle a donc droit de poursuivre ses actions contre les navires en vertu de l'article 49(2) que je viens également de citer.
Effectuer des réparations à un navire constitue sans aucun doute une fourniture de choses indis pensables. Nonobstant certaines conclusions en sens contraire auxquelles sont arrivées d'autres juridictions, il est établi depuis longtemps que, dans les juridictions de common law, la fourniture de choses indispensables au navire ne crée pas de privilège maritime ni aucune charge grevant le navire au profit du fournisseur, ce dernier ne jouis- sant d'aucune priorité sur les autres créanciers. (Voir The Henrich Bjdrn 4 et The Two Ellens 5 .)
Celui qui répare un navire, dès qu'il en remet la possession, abandonnant ainsi tout privilège atta ché à la possession auquel il pourrait avoir droit, se trouve dans la même situation qu'un créancier chirographaire puisqu'il n'a aucun privilège mari time. Lorsqu'il cherche à recouvrer les sommes qui lui sont dues en engageant une action in rem et qu'il saisit le navire, il ne se place pas, ce faisant, dans une catégorie différente ni n'acquiert de pri- vilège légal ni même, à tout le moins, un privilège légal qui ferait de lui un détenteur de privilège tel que l'envisage l'article 2 de la Loi sur la faillite.
Dans Coastal Equipment Agencies Ltd. c. Le «Corner» 6 , le juge Noël, alors juge puîné, a dit que le droit d'action in rem ne donne aucun privilège ni aucune préférence de quelque sorte que ce soit, le fournisseur de choses indispensables au navire demeurant dans la même situation qu'un créancier
° (1885) 10 P.D. 44; (1886) 11 App. Cas. 270.
5 (1872) L.R. 4 P.C. 161.
6 [1970] R.C.É. 12.
chirographaire. Ce jugement fut confirmé par la Cour suprême du Canada dans un arrêt non publié portant date du 25 mars 1971 7 ; subséquemment, mon collègue, le juge Walsh, suivit et appliqua cet arrêt dans L'Atlantic Salvage & Dredging Ltd. c. Le Calgary Catalina 8 .
Je ne suis pas sans connaître certains énoncés dans l'affaire The Zafiro. John Carlbom & Co., Ltd. c. Owners of S.S. Zafiro 9 et dans les extraits des arrêts britanniques qui y sont cités, voulant que la saisie d'un navire emporte création d'un privilège légal et je suis aussi au fait que le juge Noël dans l'affaire Corner ne semble pas avoir considéré l'arrêt Zafiro.
Je pense toutefois que l'expression «privilège légal» a parfois été utilisée d'une manière fort vague ou a tout au moins reçu un sens plutôt large. Des exemples typiques de véritables privilèges légaux peuvent être retrouvés dans les différentes lois sur les privilèges de fournisseurs adoptées par les provinces. Dans ces cas, ce n'est pas, comme dans celui d'un navire, une simple question de contrôle judiciaire sur un bien joint au pouvoir de le vendre advenant qu'un demandeur ait gain de cause mais ne puisse faire exécuter son jugement; il s'agit plutôt d'un véritable droit sur la chose elle-même affectée au privilège, attribué directe- ment à son détenteur, c'est-à-dire à l'ouvrier, au fournisseur, à l'entrepreneur ou au sous-traitant, pourvu que certaines conditions prévues par la loi soient satisfaites.
L'opinion du juge Noël dans l'affaire Corner ci-dessus, semble être la bonne. Il cite et approuve l'arrêt The Alexander Larsen 10 où, à la page 294,
L'affaire Comer fut jugée par le juge Noël en même temps que deux autres affaires, l'une impliquant Le navire Victorien Marie et l'autre, Le navire Ghislain. Tous appartenaient à la même compagnie et la demanderesse était la même dans les trois cas. Etait donné que les faits et les questions de droit étaient identiques, lors des pourvois en Cour suprême du Canada, il fut convenu par écrit qu'un seul pourvoi serait instruit et que l'arrêt s'appliquerait dans les trois cas. Le pourvoi devant la Cour suprême du Canada s'intitule Coastal Equipment Agencies Ltd. c. Le navire Ghislain [non publié: appel rejeté avec dépens, le 25 mars 1971].
P.S.: Dans les recueils, l'intitulé Comer est erroné, le nom véritable étant C. Orner.
8 [1970] R.C.É. 1007.
9 [1959] 2 All E.R. 537.
10 (1841) 1 W. Rob. 288.
se référant à l'Admiralty Court Act", le Dr Lush-
ington dit:
[TRADUCTION] ... premièrement, la loi ne crée absolument pas un privilège grevant le navire; l'obligation ne résulte pas d'une loi .... La loi donc ne fait qu'attribuer au tribunal une compétence, laquelle doit être exercée conformément à tous les pouvoirs légaux que le tribunal peut employer pour faire exécuter le paiement; cela pourrait être par l'exercice de la contrainte par corps du propriétaire s'il résidait ici ou encore, en cas de nécessité, en saisissant le bien en cause. Deuxième- ment, le tribunal qui se voit attribuer cette compétence est tenu de l'exercer équitablement: ce faisant il protège les intérêts de quiconque détient un privilège authentique sur le bien comme, par exemple, les acheteurs subséquents qui n'avaient pas été notifiés.
Le juge Noël, aux pages 30 et 32 du recueil cité ci-dessus publiant l'arrêt Corner, conclut comme
suit:
Il me faut donc, à l'examen exhaustif des principales déci- sions rendues en cette matière, conclure que le réclamant d'approvisionnements nécessaires d'un navire n'a aucun lien maritime sur le navire, mais possède tout au plus un droit d'exercer une action in rem contre le navire si ce navire est encore entre les mains du même propriétaire. Aucun lien n'a, en effet, comme nous l'avons vu, été créé par la statut de 1840 ou par celui de 1861 ou même par celui de 1891 ni par aucun autre statut du Royaume-Uni ou canadien subséquent. On concédait, cependant, au réclamant d'approvisionnements nécessaires, un certain droit in rem qu'on a vaguement appelé en certaines occasions un lien statutaire.
En effet, déjà en 1886 (cf The Beldis (supra) p. 72) on donnait le remède de l'action in rem à des créanciers du propriétaire de navire pour des dettes maritimes qui n'étaient pas nanties ou garanties par un lien et privilège et dans ce cas, la saisie du navire avait pour effet de donner au créancier ce qu'on a appelé un «legal nexus sur la propriété ainsi saisie de son débiteur.
Il me semble que ce droit ne va pas au-delà de celui d'un créancier ordinaire poursuivant et exécutant. C'est d'ailleurs, il me semble, le sens des mots exprimés par Lord Bramwell dans le Northcote v. Bjôrn (supra) lorsque traitant des actions devant la Cour d'amirauté, il déclara à la p. 283:
[TRADUCTION] Il peut s'agir de poursuites in personam sans que l'on ne vise la chose. Et, lorsqu'il s'agit de poursuites in rem, bien qu'on puisse obtenir une garantie pour le paiement de ce qui a été recouvré, il se peut fort bien qu'il n'y ait eu aucun privilège.
Il serait, en effet, extraordinaire, qu'un réclamant d'approvi- sionnements qui est un créancier non garanti sans préférence aucune, deviendrait un créancier garanti par la seule prise d'une action in rem devant la Cour d'amirauté.
L'examen des status et des décisions précitées nous indique clairement, en effet, que l'action in rem et la saisie de la res en droit maritime n'était d'abord qu'un simple moyen de procé- dure utilisé pour assurer l'exécution du jugement et pour donner à la Cour d'amirauté une juridiction à une époque au
"1840 of England, 3 & 4 Victoria, c. 65.
Royaume-Uni l'action in rem était le seul remède possible devant cette Cour (cf The Beldis (supra) pp. 73 et 74). Je ne vois, en effet, dans aucun des statuts ou décisions sur cette matière quoi que ce soit qui me permette de dire que cette procédure confère un privilège ou un lien quelconque, bien que le droit de prendre une action in rem contre un être inanimé comme un navire, constitue un droit extraordinaire et, dans certains cas, avantageux pour celui qui peut s'en prévaloir.
Cette action in rem, cependant, ne donne aucun privilège ou lien ou préférence quelconque et le réclamant d'approvisionne- ments nécessaires me paraît être dans la même situation qu'un créancier chirographaire ordinaire. S'il est créancier exécutant, il aura droit à ses frais d'action mais sa créance ne prendra rang que suivant l'ordre des priorités fixées par la loi. Lui donner, en effet par suite du simple fait qu'il possède un simple droit d'action in rem un droit et privilège particulier qui priverait les autres créanciers du même débiteur d'exercer leurs créances contre les biens saisis, surtout après que la corporation propriétaire de ces biens ait fait une proposition en vertu de la Loi sur la faillite, me paraît inacceptable et fondé sur aucun texte légal ni décision judiciaire. Il y aurait là, en effet, un accroc sérieux au principe qui veut que les biens d'un débiteur soient le gage commun de ses créanciers.
J'adhère à cet énoncé du droit. Puisqu'une action in rem n'est qu'un mécanisme de procédure, la saisie d'un navire, après qu'une action a été enga gée, doit aussi n'être qu'un acte de procédure: elle ne fait que prévoir un recours et ne crée pas de droit spécial, ayant une valeur juridique pour le créancier ou demandeur, qui n'existait pas déjà.
En Angleterre, la saisie fournissait aussi aux tribunaux d'amirauté un moyen de s'attribuer compétence. A l'origine, un navire ne pouvait être saisi que lorsqu'un privilège maritime ou un privi- lège de fait existait ou lorsque quelque droit réel, comme une hypothèque, grevait la res. La procé- dure de saisie fut graduellement étendue à d'autres cas simplement parce qu'il y avait conflit entre les tribunaux de common law et les cours d'amirauté, conflit qui à long terme a eu pour effet de dépouil- ler ces dernières de leur compétence. Afin de conserver, voire de recouvrer dans une certaine mesure, la compétence générale qu'elles avaient à l'origine en matière d'affaires maritimes, les cours d'amirauté, pour s'attribuer compétence chaque fois qu'une affaire impliquait un navire, permet- taient la saisie de celui-ci même si aucun privilège spécial ou hypothèque n'existait.
Au Canada, il peut y avoir saisie d'un navire chaque fois que la Cour fédérale a compétence en matière d'amirauté à son sujet. Par exemple, un navire peut être saisi par un demandeur qui ne
réclame que des dommages-intérêts généraux pour blessures corporelles en vertu de l'article 22(2)g) de la Loi sur la Cour fédérale 12 . Sûrement, un tel demandeur, du seul fait qu'il choisit d'engager une action in rem, contre le navire, au lieu d'engager une action in personam, contre son propriétaire, ne peut, ce faisant, acquérir le statut spécial de créan- cier garanti aux termes de la Loi sur la faillite et ainsi avoir droit de poursuivre une action contre un navire au détriment et en priorité des autres créan- ciers chirographaires du failli.
Vu que la demanderesse n'est pas devenue, en raison de la saisie des navires, un créancier garanti, il est donc clair qu'elle n'avait aucun droit, après la faillite, de poursuivre l'action engagée sans la permission du tribunal compétent en matière de faillite.
Le fait que l'intervenante, ultérieurement à la faillite, a obtenu mainlevée de la saisie des navires en offrant des sûretés, ne change en rien la nature de la créance ni, plus spécialement, son caractère de créance chirographaire. Les sommes consignées à la Cour, doivent y demeurer jusqu'à décision définitive sur l'action, par jugement ou autrement, sauf ordonnance dérogatoire de la présente cour.
Vu que, par l'opération de l'article 49(1), la demanderesse ne pourrait poursuivre l'action et que, par conséquent le procès ne pouvait avoir lieu, il ne m'appartient pas d'exprimer d'avis sur les divers points litigieux que les parties ont soulevés à l'audience.
Les dépens de l'instance qui a échoué, et des procédures qui y ont mené, seront réservés au juge qui aura à connaître de la présente action.
L'ordonnance sera rendue en conséquence.
12 S.R.C. 1970 (2' Supp.), c. 10.
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